République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10800-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi pénale genevoise (E 4 05) (Répression du bonneteau)
M 1960
Proposition de motion de Mmes et MM. Céline Amaudruz, Eric Bertinat, Stéphane Florey, Christina Meissner, Christo Ivanov, Patrick Lussi : Le bonneteau nuit à l'image de Genève: mettons-y fin!
M 1961
Proposition de motion de Mmes et MM. Pascal Spuhler, Eric Stauffer, Roger Golay, Mauro Poggia, Thierry Cerutti, Claude Jeanneret, Jean-François Girardet, Sandro Pistis, Henry Rappaz, Dominique Rolle, André Python, Olivier Sauty, Marie-Thérèse Engelberts : Halte au bonneteau!

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle le traitement en urgence des points 66, 67 et 143 bis.

Pourrait-on, s'il vous plaît, remettre les compteurs à zéro ? (Un instant s'écoule.) Je donne la parole à M. le rapporteur Fabiano Forte.

M. Fabiano Forte (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il a fallu une seule séance à la commission judiciaire et de la police pour étudier ce projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi pénale genevoise en vue de la répression du bonneteau.

D'aucuns pourraient dire: enfin ! Qu'a fait le Conseil d'Etat pendant que les uns criaient, les autres hurlaient ? Eh bien, le Conseil d'Etat a pris son temps, car la question était plus complexe qu'il n'y paraissait. Ainsi, le bonneteau semblait être un jeu. Le Conseil d'Etat s'est alors adressé à la Commission fédérale des jeux, qui l'a renvoyé aux dispositions pénales, cette même Commission fédérale des jeux décidant que le bonneteau ne faisait pas partie de ses compétences.

Le Conseil d'Etat a donc pris contact avec le ministère public - le Parquet - lequel lui a indiqué que, pour entrer sous le coup de l'article 146 du code pénal, il fallait pouvoir prouver qu'il y a astuce, ce qui est évidemment difficile en matière de bonneteau, car il faut prendre la personne en flagrant délit.

Le Conseil d'Etat a pris une ultime voie avec le projet de loi 10800 sur lequel je rapporte maintenant, qui vise à modifier la loi pénale genevoise et à tout bonnement interdire cette activité dans les rues de la cité et dans les rues de la République et canton de Genève.

Comme vous avez pu le voir dans le rapport, la commission a soutenu unanimement ce projet de loi, qui est une réponse à ce que nous ne voulons plus voir dans nos rues, à savoir des arnaqueurs, des gens qui occupent l'espace public et qui ne devraient pas y être. C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter ce projet de loi avec la plus grande fermeté.

Mme Céline Amaudruz (UDC). Tout d'abord, je tiens à remercier le rapporteur pour sa rapidité et, surtout, l'excellent travail qu'il a fourni. A le lire, j'aurais presque pu croire que c'était un rapport UDC ! (Rires.)

Cela étant dit, je dois avouer que, pour nous, c'est un réel soulagement de pouvoir enfin discuter de la problématique du bonneteau qui sévit à Genève.

Comme vous le savez, l'UDC a déposé le 14 juin 2010 une proposition de motion, et au début on nous a un peu ri au nez, parce qu'à chaque plénière nous demandions de la traiter en urgence. Pour deux raisons: premièrement parce que l'UDC est clairement le parti de la sécurité - nous sommes visionnaires - et deuxièmement parce que, l'été arrivant, nous savions bien ce qui allait se passer. (Brouhaha.) Personne ne nous écoutait: résultat des courses... Monsieur le président ?! (Le président agite la cloche.) Merci !

Suite à cela, dans la mesure où il était clair que ni le parlement ni le Conseil d'Etat n'allaient nous suivre, nous avons déposé six interpellations urgentes écrites, pour essayer de lancer un signal d'alarme à Genève. Nous sommes donc contents aujourd'hui, à l'UDC, de voir que le département a ouvert les yeux et qu'il entend agir.

Je vous rappelle - mais vous le savez sans doute - que le bonneteau date du XVIe siècle. Ce jeu consiste à faire transiter une petite boule sous trois gobelets ou trois petits cartons, et à faire deviner où elle se trouve. Or évidemment, il n'y a jamais rien sous les gobelets ou les cartons... Bien sûr, on peut se dire que c'est une arnaque et se demander pourquoi les gens jouent et se font attraper, mais c'est ainsi !

Aujourd'hui, nous devons savoir ce que doit devenir Genève et quelle image nous voulons donner de cette ville. En effet, il faut quand même nous rendre compte de ce que voient les personnes qui arrivent à Genève: les laveurs de voitures qui demandent des petites pièces, les mendiants, les joueurs de bonneteau... Ce n'est pas l'image que Genève doit avoir !

Alors bien évidemment l'UDC soutiendra ce projet de loi, mais nous aimerions, Madame la conseillère d'Etat, que l'on aille plus loin: c'est-à-dire que, lorsque l'on arrête ces personnes pour les amender, il faudrait vérifier leur situation pour savoir si elles se trouvent légalement en Suisse, et plus particulièrement à Genève.

Le président. Madame la députée, il vous faut conclure !

Mme Céline Amaudruz. Et si tel n'est pas le cas, il faut prononcer l'expulsion, et surtout l'exécuter.

Une voix. Bravo !

M. Marc Falquet (UDC). L'UDC va bien évidemment soutenir ce projet de loi, mais je vais vous dire deux ou trois choses à propos de l'efficacité de cette loi.

Il faut savoir que, les joueurs de bonneteau n'ayant jamais d'argent sur eux, les gendarmes ne peuvent jamais en saisir. Ce sont des manipulateurs, qui se transmettent immédiatement l'argent qu'ils volent aux victimes. (Brouhaha.) Deuxième chose, les joueurs de bonneteau ne sont pas domiciliés en Suisse... Ils logent dans des hôtels près de la frontière: alors bonne chance pour aller récupérer l'argent ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Ce n'est pas une loi qui peut résoudre ce problème, c'est la police. La loi ne sert à rien, sauf si vous prenez le code pénal et que vous tapez ces personnes avec... Je ne crois pas qu'elle soit très utile: elle ne va rien changer ! Il existe une loi sur la mendicité, qui a été votée en 2006: on voit le résultat aujourd'hui à Genève ! D'après la loi sur la mendicité, les mendiants sont amendables, mais cela ne sert absolument à rien: la loi n'est pas efficace du tout.

Le problème, à Genève, c'est qu'on ne convertit plus les amendes en écrou judiciaire; on attend que les amendes atteignent 500 F pour les convertir en écrou, c'est-à-dire incarcérer la personne concernée. A Neuchâtel, pour une amende de 60 F, elle est interpellée au bout de six mois et va directement en prison, ce qui est effectivement dissuasif. A Genève, après deux ans, les amendes ne sont plus convertibles en écrou judiciaire, ce qui est un scandale. Cela veut dire qu'au bout de deux ans, la personne ne risque plus rien !

Il faut donc des méthodes de police, que la police utilise des méthodes répressives. Les joueurs de bonneteau sont des mafieux, qui font dans la prostitution, dans le trafic de drogue, et ils sont en train d'installer leurs réseaux. Je doute vraiment de l'efficacité de cette loi. J'aurais préféré que l'on donne des instructions claires à la police pour pouvoir intervenir. Il faut des méthodes. Il faut des policiers en civil. Un Vert l'a indiqué en commission - cela figure dans le rapport - lors de la grève de l'uniforme des policiers, les guetteurs ont effectivement été mis en fuite, car ils ne voyaient pas arriver les policiers en civil.

Voilà ce que je tenais à dire. S'il n'y a pas de véritable volonté policière pour harceler quotidiennement les joueurs de bonneteau et les arrêter, cette loi ne servira à rien du tout !

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Puis-je très aimablement suggérer à celles et ceux qui sont debout dans le fond de la salle de prendre un rafraîchissement à la cafétéria s'ils le souhaitent ou de s'asseoir à leur place ? Ce serait une excellente chose, qui participerait, je l'imagine, au calme des débats ! La parole est à Mme la députée Irène Buche.

Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Le bonneteau, tel qu'il est pratiqué dans les rues de Genève, est sans conteste un fléau contre lequel il faut lutter.

La loi qui vous est proposée aujourd'hui est une solution qui a effectivement été difficile à trouver car, comme l'a dit le rapporteur, ce n'était pas simple sur le plan légal... Quoi qu'il en soit, cette loi doit permettre à la police de réprimer les activités de bonneteau dans les rues de Genève.

Cela étant, ce projet de loi rend sans objet les deux motions qui vous sont proposées. En effet, la motion déposée par l'UDC demandait au Conseil d'Etat de présenter un projet de loi... Ce dernier nous en propose un aujourd'hui, il a donc été répondu à cette motion, et celle-ci n'a plus de raison d'être.

Quant à la motion déposée par le MCG, ses invites sont si excessives et irréalistes qu'elles ne pourraient figurer dans un projet de loi.

Les socialistes vous invitent donc à voter le projet de loi tel qu'issu des travaux de commission et à rejeter les deux motions qui, je le répète, n'ont plus de raison d'être.

M. Christian Bavarel (Ve). Une célèbre publicité disait: «100% des gagnants ont tenté leur chance»... Là, c'est: 100% des perdants ont tenté leur chance !

Les Verts seront bien évidemment favorables à ce projet de loi, qui vise à réprimer le bonneteau, mais il ne résoudra qu'une partie du problème. Je suis en effet assez d'accord avec M. Falquet: je ne pense pas que l'on arrivera à éradiquer totalement le phénomène du bonneteau à Genève avec ce projet de loi.

Les Verts demandent toujours plus de policiers à pied dans les rues, plus de présence policière auprès de la population. Cela ne peut qu'avoir un effet positif sur le bonneteau. Nous avons constaté que les gendarmes, pendant la grève de l'uniforme, ont été beaucoup plus efficaces par rapport au bonneteau, car les guetteurs ne les voyaient pas arriver de loin.

La pratique du bonneteau est effectivement un fléau, et nous entendons la combattre. Mais nous n'avons pas l'intention de gesticuler en déposant des motions ou autres projets: nous voulons donner des moyens au département pour qu'il puisse agir. Il s'agit en l'occurrence d'une partie de ces moyens - au niveau juridique - et nous savons qu'il en faudra d'autres. Mais nous nous réjouissons de voir que lorsque nous, parlement, décidons de nous unir et de travailler ensemble sur une problématique, nous pouvons le faire. J'imagine que ce projet de loi sera adopté sans trop de problèmes, mais nous devons savoir que ce n'est qu'un début et qu'il faudra continuer le combat. (Exclamations.)

M. Pascal Spuhler (MCG). Enfin, ai-je envie de dire, enfin ! Quasiment une année s'est écoulée depuis le dépôt des motions de l'UDC et du MCG ! Enfin, après une année de multiples articles de journaux, de réclamations de toutes parts par rapport au bonneteau ! Insupportable: c'est une calamité pour Genève ! Cela fait trois ans qu'ils sévissent: pas une année seulement, mais trois ans qu'à Genève ils interpellent le public, le bousculent, l'escroquent !

Il fallait s'adresser au niveau fédéral pour savoir si c'était un jeu ou pas... Je crois qu'il suffit d'ouvrir les yeux pour se rendre compte que ce n'est pas un jeu, mais une escroquerie: une escroquerie publique, visible de tout le monde ! Ces gens ne sont là que pour arnaquer les passants et pas autre chose !

Maintenant, on nous propose un projet de loi qui prévoit de mettre des amendes aux personnes qui pratiquent ce jeu... C'est bien, mais on sait pertinemment que cela n'aura aucune efficacité: elles s'en foutent comme de l'an quarante, pour utiliser une expression bien française ! Nous espérons quand même que la police interviendra de manière plus musclée et plus directe et qu'elle ne se contentera pas d'infliger des amendes.

Il est évident que nous allons soutenir ce projet de loi, même si, je le répète, nous aimerions que les services de police fassent encore plus d'efforts. (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Bien évidemment, le parti démocrate-chrétien soutiendra ce projet de loi. Il remercie le Conseil d'Etat de l'avoir déposé et tous les commissaires d'avoir traité ce problème aussi rapidement, problème qui est en fait une vitrine.

En effet, le bonneteau est, entre guillemets, «un jeu», mais il est destiné à abuser la naïveté de personnes qui espèrent gagner de l'argent très rapidement. Par conséquent, s'il n'y avait pas de naïfs, il n'y aurait plus de manipulateurs de bonneteau, parce que ça ne leur rapporterait rien ! Malheureusement, il y a encore des naïfs !

L'information doit être ciblée et s'adresser aux touristes, aux personnes qui s'approchent de ce petit tapis devant lequel sévissent ces mafieux - le mot est tout à fait juste - qui utilisent ce biais pour escroquer les personnes naïves et gagner de l'argent.

Maintenant, nous devons savoir que ce jeu n'est qu'une vitrine, comme je l'ai déjà dit. En effet, ce sont les mêmes personnes qui activent des réseaux de traite d'êtres humains, des réseaux de prostitution et des réseaux de trafic de drogue. Donc tout ce qui pourra être fait pour harceler ces personnes sera tout à fait utile, et il faudra vraisemblablement continuer le combat pour lutter contre ce qui se cache derrière cette vitrine que le bonneteau semble être.

M. Olivier Jornot (L). Il est vrai qu'à Genève on n'est pas très forts ! On n'est pas très forts, parce que lorsque l'on voit apparaître un phénomène de ce type, dont tout le monde dit qu'il est nuisible et qu'il faut prendre des mesures pour faire en sorte de le faire disparaître, que fait-on ? On demande des avis de droit ! On consulte des juristes ! On les confronte les uns aux autres ! On constate que c'est extrêmement délicat, qu'une mesure qui va être votée risque éventuellement de faire l'objet de recours ! C'est l'une des tactiques dont on dispose.

Et l'autre consiste à déposer des motions, à demander aux juristes qui se disputent de rédiger des projets - comme l'on ne sait pas les faire soi-même, on leur demande de le faire. Et, tous les mois, on s'inquiète de savoir où on en est avec ce projet.

Enfin, bref: on n'est pas très forts, ni du côté de l'administration ni du côté de ce parlement, pour trouver des solutions adéquates !

Mais ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, les libéraux ne bouderont pas leur joie, puisqu'en effet nous avons un projet, un projet qui sera efficace, contrairement à ce que prédisent des oiseaux de mauvais augure qui se réjouissent déjà qu'il rate son objectif. Un projet qui sera efficace, parce qu'il sera appliqué avec volonté par le département et par la police. Un projet qui offre une base légale suffisamment sérieuse pour montrer que nous ne voulons pas de cette activité sur notre domaine public.

Nous n'en voulons pas non pas parce qu'il s'agirait du pire crime dont on puisse être victime: nous n'en voulons pas parce que le domaine public est à tout le monde et qu'on doit pouvoir y aller sans se faire embêter par des gens qui viennent ici pour voler l'argent des autres ! Nous n'en voulons pas parce que ce genre d'activité crée un sentiment d'insécurité qui déstabilise la population ! Et elle a raison de se sentir déstabilisée: il n'est pas rassurant d'assister à des phénomènes de ce genre dans la rue.

Et c'est vrai - c'est vrai ! - les amendes ne sont pas converties, mais ce n'est pas à Genève plus qu'à Neuchâtel: c'est depuis que la nouvelle partie générale du code pénal est en vigueur, qui ne prévoit, en effet, plus de conversion automatique. C'est dommage ! Il faudrait un jour que cela change, mais c'est au niveau fédéral que cela pourrait, le cas échéant, être modifié.

En revanche, nous disposons d'un moyen, dont le département nous a indiqué qu'il serait appliqué, à savoir le flagrant délit de contravention, c'est-à-dire la possibilité, lorsque quelqu'un est pris en flagrant délit de commission d'une contravention, de l'emmener au poste afin de contrôler son identité. Alors je ne sais pas si c'est une mesure assez musclée pour M. Spuhler - en vous entendant, je sentais les bottins qui volaient... - mais, en tout cas, cela donne aux policiers la possibilité d'obliger ces gens à les suivre au poste, ce qui est plus efficace que de se contenter de leur infliger une amende qu'ils doivent aller payer à la poste ! Pendant un délai, qui est parfaitement compatible avec notre conception des droits de l'Homme, ces gens pourront être coffrés, ce qui permettra de leur faire comprendre que, chez nous, les choses ne se passent pas comme ça !

Nous vous recommandons donc de voter ce projet de loi et de rejeter les textes qui l'accompagnent.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Roger Deneys, à qui il reste une minute cinquante.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. J'ai eu beaucoup de plaisir à écouter M. Jornot. C'est vrai que chez nous ça ne se passe pas comme ça mais, en même temps, je ne sais pas s'il faut traiter les gens qui ont l'idée de jouer au bonneteau de naïfs ou simplement d'imbéciles, parce que pour arriver à jouer à des jeux pareils... Mais c'est vrai que je n'oserai pas les traiter d'imbéciles depuis que je sais que des députés UDC se rendent en Afrique en pensant qu'ils vont pouvoir vider des comptes bancaires parce qu'ils portent le même nom que des personnes qui détiennent, précisément, des comptes bancaires en Afrique ! C'est la réalité: ça ne se passe pas chez nous, on ne fait pas ça, mais c'est la réalité de l'UDC aujourd'hui ! (Exclamations.)

Pour le reste et pour parler du bonneteau, j'aimerais aussi rappeler que les experts en bonneteau que sont certains conseillers fédéraux... En l'occurrence, je pense à M. Merz, qui a prétendu que la réforme de l'imposition des entreprises allait coûter 50 millions à la population, en termes de baisse de recettes fiscales, alors que cela va coûter 1,2 milliard par an; 1,2 milliard par an de recettes fiscales qui disparaissent: ça, c'est comme du bonneteau, c'est également un scandale ! Je pense donc qu'il faut aussi lutter contre les abus du «bonneteau fiscal menteur» des radicaux-libéraux en Suisse ! (Exclamations.)

Le président. Oui, ça se passe effectivement de commentaire ! (Rires.) La parole est à Mme la députée Fabienne Gautier, à qui il reste dix secondes.

Mme Fabienne Gautier (L). Merci beaucoup, Monsieur le président. En tant que députée libérale, je salue cette loi, dans la mesure où les libéraux ont été sur le terrain l'année dernière pour lutter contre les joueurs de bonneteau. Ils l'ont fait pour les commerçants qui se plaignaient tous les jours d'avoir des joueurs devant leur vitrine, ce qui était très désagréable. Nous avons pu sensibiliser la population à ce problème, mais les commerçants ne comprenaient pas pourquoi il n'était pas possible d'arrêter ces personnes.

Au nom des commerçants, au nom des libéraux, je remercie le Conseil d'Etat pour ce projet de loi et la commission qui l'a voté, projet que nous soutiendrons, bien sûr. Vous le voyez, j'ai été brève, Monsieur le président !

M. Michel Ducret (R). Notre premier devoir est effectivement de lutter, tous tant que nous sommes, contre une certaine forme de bêtise humaine... C'est dans cet esprit que j'avais suggéré aux responsables du domaine public de la Ville de Genève d'inciter les commerçants, du centre-ville notamment, à mettre des panneaux devant leur entrée, afin de signaler aux naïfs qui passent dans la rue que le jeu de bonneteau est un vol, une escroquerie. Malheureusement, cette proposition a été refusée par lesdits commerçants, et croyez bien que je trouve cela regrettable. Il faudrait à tout prix mener à bien cette action.

Par ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai: la loi proposée n'est pas une solution, absolument pas ! Elle est juste un moyen, un moyen pour permettre aux agents chargés de l'ordre public d'agir à l'encontre de ces escrocs qui sévissent sur le domaine public. Il faut donc utiliser ce moyen, mais c'est bien là que le bât blesse ! Parce que, Mesdames et Messieurs, il faudrait simplement appliquer la loi. Les choses se passent comme pour la mendicité: nous avions assez rapidement voté une loi nécessaire lors de la dernière législature, mais elle n'est pas appliquée, et rien n'a changé !

D'ailleurs que peut-on constater, Mesdames et Messieurs, tous les jours dans notre ville ? Les voleurs de rue de toutes sortes, les escrocs au bonneteau, les escrocs aux sentiments, les tire-laine des transports publics se partagent tout simplement notre territoire ! Leurs activités sont réparties par ethnie, et toutes ces activités sans exception sont commanditées et organisées sur la base du partage du territoire, de notre territoire ! Et il faut savoir que tous ces jobs sont payants: eh oui ! Savez-vous, Mesdames et Messieurs, combien un mendiant doit payer par jour au chef de bande pour pouvoir mendier au centre-ville ? Cinquante francs ! Par contre, pour une place aux Eaux-Vives, devant un magasin aux multiples succursales ou devant la poste, c'est vingt francs la journée ! C'est ce qu'il faut payer au chef ! Je le répète, notre territoire est divisé en tranches. (Commentaires.) Et la place devant nos magasins, sur nos trottoirs...

Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député !

M. Michel Ducret. Alors, Mesdames et Messieurs, nous voterons cette loi des deux mains. Je ne sais pas si je dois dire des deux mains... Il vaut mieux en garder une sur le porte-monnaie: on ne sait jamais... (Rires.) ...car le voleur a peut-être déjà loué sa place ! Bref, il faut que l'Etat, notre Etat...

Le président. Monsieur le député, vous devez conclure !

M. Michel Ducret. ...montre simplement qu'il est capable d'appliquer les lois que nous votons !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme Loly Bolay... (Un instant s'écoule.) ...qui ne la prend pas ! Je passe donc le micro à M. le député Eric Stauffer. (Exclamations.)

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, lors d'un récent voyage à Lugano, j'ai été étonné de ne trouver dans les rues aucun Rom, aucun joueur de bonneteau. (Commentaires.) J'ai discuté avec un policier et lui ai demandé quelle était la recette miracle qui était utilisée pour arriver à ce résultat. (L'orateur est interpellé.) Oui, la Lega y est certainement pour quelque chose ! La réponse du policier a été très simple: il m'a expliqué que la ville avait une volonté politique et que les policiers avaient la latitude de leur pourrir la vie ! Voilà, c'est tout ! Et vous savez pourquoi il n'y en a plus ? Parce que, comme vient de l'indiquer très justement le député Michel Ducret, il s'agit de réseaux mafieux, alors quand ils n'ont plus la possibilité de gagner de l'argent, ils arrêtent et vont ailleurs ! (Commentaires. Rires.) C'est tout, c'est aussi simple que cela ! Résultat des courses: la ville est mieux gérée dans le Tessin !

A Genève, évidemment, on a un gouvernement et une cheffe du DSPE qui est embourbée dans les avis juridiques. Elle a donné la priorité à la refonte de la loi sur la police, faisant passer la criminalité au second plan: il fallait d'abord flinguer la retraite des policiers, et ensuite on parlerait de sécurité ! (Rires. Commentaires.) Eh oui ! C'est ça ! Eh oui, surtout vous, Monsieur le député Weiss ! (Le président agite la cloche.) En commission des finances, vous n'êtes pas un fervent défenseur des policiers, mais ça, ils le savent déjà, faites-moi confiance !

Le président. Monsieur Stauffer, vous revenez au sujet, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Ah, évidemment, il y a des sujets qui fâchent le parti libéral ! Je le comprends bien, Monsieur le président !

Le président. Monsieur Stauffer, deuxième remarque ! Revenez au sujet, sans quoi je vous coupe la parole !

M. Eric Stauffer. Vous savez, vous pouvez m'interrompre cinquante fois: les policiers savent très bien de quoi je parle ! Cela étant... (Le président coupe le micro de M. Eric Stauffer, qui continue à s'exprimer hors micro.)

Le président. Je donne la parole à M. le député Pascal Spuhler... Monsieur Stauffer, vous avez été averti deux fois: à la troisième, je sanctionne ! Monsieur Spuhler, vous pouvez y aller !

M. Eric Stauffer. Monsieur le président, mais...

Le président. Non !

M. Eric Stauffer. ...je n'ai pas terminé mon intervention ! La manière dont vous me traitez est scandaleuse ! (Rires.) Monsieur le président, vous n'appliquez pas le règlement de manière impartiale !

Le président. Monsieur Spuhler...

M. Eric Stauffer. Je suis désolé, Monsieur le président, mais...

Le président. Monsieur Spuhler, vous avez la parole !

M. Eric Stauffer. ...le règlement du Grand Conseil stipule que vous ne pouvez pas... (Commentaires. Chahut.)

Le président. Je vous donne la parole, Monsieur Spuhler... (M. Eric Stauffer continue à s'exprimer hors micro.)

M. Pascal Spuhler. Je suis désolé, mais je ne peux pas parler !

M. Eric Stauffer. Monsieur le président, je demande une suspension de séance !

Le président. Monsieur Spuhler, vous avez la parole ! (M. Eric Stauffer s'exprime toujours hors micro. Brouhaha.)

M. Pascal Spuhler. Je suis désolé, Monsieur le président, mais je ne peux pas m'exprimer ! (M. Eric Stauffer poursuit son intervention hors micro. Rires. Commentaires.)

M. Eric Stauffer. Vous vous moquez de qui ? Vous me coupez la parole sans cesse, et je n'ai pas utilisé mon temps de parole !

Le président. Monsieur Spuhler, j'attends que vous preniez la parole !

M. Pascal Spuhler. Merci, Monsieur le président. Je veux bien la prendre, mais c'est effectivement dommageable que vous...

M. Eric Stauffer. J'avais droit à trois minutes ! Monsieur le président, je... (M. Eric Stauffer s'exprime toujours hors micro. Chahut. Exclamations.) Monsieur le président, je demande une suspension de séance !

M. Pascal Spuhler. Je suis désolé, Monsieur le président, je veux bien m'exprimer, mais même le rapporteur ne pourra pas m'entendre ! (M. Eric Stauffer poursuit son intervention hors micro. Brouhaha. Huées. Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur Spuhler, vous avez la parole ! Je vous suggère d'utiliser...

M. Pascal Spuhler (MCG). Oui, merci, Monsieur le président ! (M. Eric Stauffer continue à s'exprimer hors micro.) Seulement, si je m'exprime, j'aimerais pouvoir être entendu ! Or je pense que personne ne m'entend ! (Brouhaha.) Donc si vous voulez bien faire patienter... (M. Eric Stauffer continue à parler hors micro.)

Une voix. On t'écoute, Pascal !

M. Pascal Spuhler. C'est gentil !

Monsieur le président, j'ai entendu parler de naïveté au cours des multiples interventions: je trouve dommage que l'on mette la naïveté en avant, car ce n'est pas un crime ! Par contre, l'activité de bonneteau l'est: c'est un crime, et il doit être puni ! Il faut intervenir très fermement par rapport à ce délit, comme vous êtes, Monsieur le président, intervenu fermement avec mon collègue Stauffer - ce qui est bien dommage, d'ailleurs... Comme l'a indiqué M. Jornot, j'insiste pour qu'une politique un peu plus musclée soit menée à cet égard, et j'espère que Mme Rochat fera le nécessaire en suivant la proposition de motion 1961.

M. Fabiano Forte (PDC), rapporteur. J'aimerais rassurer un certain nombre de mes collègues quant à l'efficacité de cette loi que nous nous apprêtons à voter. (Brouhaha.) Le principe de cette loi veut que la police ait la possibilité de... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt un instant.) ...fouiller les personnes interpellées, de les emmener au poste, comme l'a dit le député Jornot, de vérifier leur identité, de saisir leur argent - parce qu'elles ont quand même de l'argent sur elles - et de leur notifier des contraventions sur place au poste de police, plutôt que Dieu sait dans quel pays étranger... (Brouhaha.)

La question de l'emprisonnement a été posée. Cet emprisonnement sera bien entendu possible en cas de non-paiement de l'amende. Vous voyez donc que cette loi est répressive: elle est destinée à harceler les joueurs de bonneteau, ou plutôt les organisateurs de ce jeu, mais in fine nous ne pensons pas qu'il soit très rentable pour l'Etat de fournir le gîte et le couvert à des personnes de la rue. Cette loi est fondamentalement destinée à harceler ces personnes, pour qu'elles disparaissent une bonne fois pour toutes de nos rues.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. J'ai entendu que la loi ne servait à rien... Je ne peux effectivement que donner raison aux députés qui l'affirment ! Sans parler de rafle, je crois que l'on peut dire que l'autorité, que ce soit le Grand Conseil ou le Conseil d'Etat, ne peut rien faire contre la crédulité de ceux qui pensent être plus forts que les statistiques, qui pensent être plus forts que des professionnels aguerris. C'est vrai que le rapport entre les personnes concernées est consensuel: il n'y a pas de coercition ni de violence, mais le bonneteau est toujours là !

C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a montré sa volonté de renforcer ses moyens d'action en déposant, le 2 mars, un projet de loi sanctionnant cette pratique.

J'aimerais remercier, bien sûr, la commission qui a voté ce projet de loi à l'unanimité le 31 mars. Et je tiens également à saluer la célérité avec laquelle elle l'a traité et a remis son rapport.

Dès l'apparition de ce phénomène - en tout cas, dès l'été passé en ce qui me concerne - la police a reçu pour mission de faire de la prévention auprès de la population. Qu'est-ce qui a été fait ? Plus de trente mille flyers rédigés en dix langues ont été apposés; si ce n'est sur les vitrines des commerces, ils l'ont été dans les hôtels, dans l'aéroport et dans les gares. Mais il s'est effectivement avéré assez vite que cette large campagne menée auprès des hôteliers et des commerçants ne suffisait pas. Les trottoirs de Genève ont vu proliférer ces joueurs de bonneteau et croître un sentiment d'insécurité et d'impunité. Alors que le moindre stand de récolte de signatures - et Dieu sait si vous le faites ces jours-ci ! - nécessite un certain nombre d'autorisations, le bonneteau, lui, peut se pratiquer en toute impunité et créer des risques non négligeables pour le calme, la sécurité et l'ordre public.

La police a réprimé ces joueurs avec l'instrument qui semblait le plus adapté jusqu'alors - c'est la raison pour laquelle il n'a pas semblé nécessaire au Conseil d'Etat de légiférer au niveau cantonal - à savoir la Commission fédérale des maisons de jeu. Et jusqu'en septembre 2010, la police n'a cessé de séquestrer les tapis de jeux. J'ai du reste eu l'occasion, lors de visites de certains postes, comme le poste de Plainpalais, de Carouge ou des Pâquis, de me rendre compte que les armoires étaient pleines de tapis, de bagues «en or», de toutes sortes d'objets qui avaient été saisis.

Les personnes ont été interpellées et les sommes qu'elles avaient sur elles ont été saisies, bien sûr, sur la base du droit administratif fédéral. Les sommes saisies à ce titre en 2010 se sont élevées à quelque 30 000 F. Quelle n'a pas été ma stupeur, au mois de septembre, de recevoir enfin une réponse de la Commission fédérale des maisons de jeu expliquant qu'elle déclinait sa compétence en la matière, qu'il s'agissait d'une pure arnaque et que le bonneteau ne pouvait donc pas être considéré comme un jeu !

Les dossiers de même que les sommes d'argent ont été mis dans les mains du procureur général. Le pouvoir judiciaire, compte tenu de l'interprétation relativement large de «l'astuce» par le Tribunal fédéral, tentera sans doute de poursuivre les organisateurs de bonneteau pour escroquerie, mais là on se heurte au fardeau de la preuve. Vous l'aurez compris, que les policiers soient en uniforme ou sans uniforme, l'opération commence à devenir sacrément compliquée ! Et c'est à partir de ce moment-là que le Conseil d'Etat a pensé qu'il fallait apporter une base légale cantonale de façon à simplifier le travail du policier, qu'il soit en uniforme ou en civil. De là le projet de loi sanctionnant les organisateurs de parties de bonneteau et, à titre subsidiaire, l'escroquerie, sur la base d'une amende cantonale.

Plusieurs questions ont été posées ce soir... Le système mis en place sera-t-il efficace ? Oui, Mesdames et Messieurs, car nous pourrons utiliser, comme cela a été dit dans l'excellent rapport qui vous a été remis, un certain nombre de dispositions du code pénal qui permettent maintenant d'appréhender les contrevenants, de les emmener au poste et de les garder pendant trois heures. Elles permettent également de saisir les montants de leur recette et de les amender directement et immédiatement - ce qui évitera de devoir aller les rechercher à gauche ou à droite - grâce à une coordination extrêmement étroite entre la police et le service des contraventions. Le texte de la contravention sera traduit dans les dix langues utiles, s'il le faut.

Mesdames et Messieurs, l'idée générale de ce dispositif est la simplicité, et le texte qui vous est présenté est suffisamment large pour permettre à la police de décourager les joueurs en les touchant là où ça fait mal, c'est-à-dire au porte-monnaie. Il faut saluer à cet égard la nouveauté qui a été proposée par la commission et adoptée à l'unanimité, qui est de sanctionner la tentative et la complicité en matière de contraventions en droit cantonal.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous encourage à voter cette loi à l'unanimité, comme cela a été fait à la commission judiciaire. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je donne la parole à Mme Céline Amaudruz, qui doit faire une communication.

Mme Céline Amaudruz (UDC). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste préciser qu'il est évident, si ce projet de loi est accepté par le parlement, que le groupe UDC retirera sa proposition de motion 1960. (Exclamations.)

Le président. J'imagine que, dans le même ordre d'idée, M. Pascal Spuhler souhaite nous adresser quelques mots encourageants ?

M. Pascal Spuhler (MCG). Tout à fait, Monsieur le président ! Effectivement, si ce projet de loi est accepté, la proposition de motion 1961 du MCG - un peu initiateur de ce projet de loi - sera retirée. (Commentaires.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets la prise en considération du projet de loi 10800.

Mis aux voix, le projet de loi 10800 est adopté en premier débat par 88 oui et 1 abstention.

La loi 10800 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10800 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 89 oui et 1 abstention.

Loi 10800

La proposition de motion 1960 est retirée par ses auteurs.

La proposition de motion 1961 est retirée par ses auteurs.