République et canton de Genève

Grand Conseil

R 537
Proposition de résolution de MM. Eric Stauffer, Roger Golay, Henry Rappaz, Sébastien Brunny : Les PME Genevoises sont discriminées par le protectionnisme et la bureaucratie de la France qui viole le principe de la réciprocité

Débat

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, eh bien, voilà une résolution constructive. Nous le savons, vous le savez, les PME genevoises sont, actuellement encore, discriminées quand elles veulent étendre leurs activités en France voisine. Aujourd'hui, si une PME genevoise n'a pas un représentant fiscal domicilié en France, elle ne peut pas travailler ni réaliser des ouvrages dans ce pays. A l'inverse, pour une PME française qui veut travailler sur Genève, deux coups de téléphone, un formulaire sur internet et le paiement de la TVA sur la main-d'oeuvre lors du passage en douane suffisent pour que cette entreprise puisse effectuer un chantier sur Genève. Cette situation n'est pas acceptable et ne doit pas continuer.

Nous avons un bassin, une région... Je vous répète et vous rappelle que le MCG est pour une région franco-valdo-genevoise - mais encore faut-il s'en donner les moyens.

Il y a certainement des dispositions étatiques entre la République française et la Confédération suisse - je veux bien - mais nous demandons au Conseil d'Etat de revoir sa position face au Conseil fédéral et aux élus préfets de l'Ain et de la Haute-Savoie, pour qu'une solution soit trouvée. Je vous donne une piste: nous pourrions imaginer que, par un accord entre les régions de Genève, de l'Ain et de la Haute-Savoie, ou entre la Confédération suisse et la République française, un fonds soit constitué pour la garantie fiscale, parce que c'est tout ce que demande la France. En effet, le représentant fiscal sert au cas où l'entreprise genevoise, lorsqu'elle va facturer ses travaux en France, ne s'acquitterait pas de ses obligations. Il y a des solutions et il faut renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, afin qu'il creuse les pistes et que l'on fasse tout pour cesser de discriminer les PME genevoises qui veulent étendre leur activité en France.

Ça, c'est une résolution constructive; on devrait normalement la voter et la renvoyer au Conseil d'Etat, nonobstant - et je le souligne - les efforts qui ont été faits avec l'instauration de sites internet pour expliquer les formulaires à remplir en France. Vous vous souviendrez de la motion que j'avais déposée, il y a trois ans, en me faisant passer pour une entreprise suisse voulant travailler en France, et des problèmes que j'avais alors rencontrés. Mais ce problème fiscal demeure, et je pense donc qu'il est de bon aloi de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat.

M. Eric Leyvraz (UDC). Sans vouloir exagérer les problèmes de frontières que nous avons avec nos chers voisins, force est de constater que nos autorités fédérales, avides de trouver des accords avec l'Europe tout entière, se préoccupent bien peu des ennuis quotidiens qu'ils apportent aux citoyens de ce canton. Genève, le Tessin sont les marges de la Suisse et ne semblent guère compter. Notre gouvernement central joue le jeu en respectant à la lettre toutes les promesses contenues dans les traités internationaux; les autorités françaises font de même, mais introduisent des mesures qui les rendent impraticables. Je vous donne un exemple: amener 80 bouteilles de vin français en Suisse, c'est une banalité à la douane, qui prend une minute. Passez du vin suisse en France, la même quantité de bouteilles - j'ai essayé de le faire il n'y a pas longtemps: un coût de 40% supplémentaires qui rendent les bouteilles absolument invendables. Je ne vous parle pas des fleurs: si vous voulez exporter des fleurs, on pourrait croire que ce sont des armes de guerre ! Prenez les taxis français qui peuvent faire leurs courses à Genève: un taxi suisse peut aller en France, par exemple à Annecy, mais doit aller payer la TVA à Chambéry, c'est donc absolument impraticable. Dans le fond, nous formons une équipe d'idiots qui trouvent normal de jouer le match avec les mains liées dans le dos.

En résumé, les accords France-Suisse ne sont pas respectés dans les faits et doivent être dénoncés. Nous sommes d'ailleurs sans illusions sur cette résolution, parce que ce n'est pas ici que ça va se passer mais à Berne. C'est pour cela que notre section s'est adressée directement à notre parti central: l'UDC est active face à ce problème, et nous sommes le plus grand parti de Suisse - ne l'oublions pas ! - qui va s'en occuper. Eh oui ! Mesdames et Messieurs, si les libéraux et le MCG sont ici des caïds, ils jouent dans la cour de l'école primaire; nous, nous sommes à la direction de l'école. (Exclamations. Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député, je passe la parole à M. Barrillier.

M. Frédéric Hohl. Là, ça fait mal !

M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, chers collègues, cette problématique nous occupe depuis pas mal d'années, depuis l'entrée en vigueur des accords bilatéraux. C'est vrai que dans les relations entre la France et la Suisse - mais c'est la même chose entre la France et l'Allemagne et les autres pays européens - il y a une difficulté d'adaptation de régimes juridiques très différents. Mais j'aimerais vous dire - et ça a été reconnu par mon préopinant - qu'il y a eu des progrès, par exemple avec l'Union lémanique de l'artisanat et des métiers, qui réunit les associations professionnelles des deux côtés de la frontière depuis des années. Les professionnels ont travaillé ensemble pour précisément faciliter les échanges et le déplacement des entreprises, à tel point qu'on a développé un ouvrage, une procédure, qui s'intitule «Comment travailler en pays voisin ?»

Et effectivement, les entreprises qui sont membres d'associations professionnelles, notamment des fédérations de la construction à Genève, savent très bien où s'adresser pour obtenir des renseignements dans la mesure où elles décrochent des marchés en France voisine. Je vous donne un exemple: depuis le dépôt de cette résolution, le 30 août 2007, les entreprises suisses et genevoises ont construit le centre de la Migros à Neydens. Vous connaissez cet exemple... (Remarque.) Des entreprises familiales, moyennes, genevoises, de menuiserie, de charpente, béton, etc., ont été choisies pour construire ce centre à Neydens. Elles ont emporté les marchés parce qu'elles étaient les meilleures, parce que, par exemple, le béton était meilleur marché. Et à l'occasion de cet exercice, qui portait quand même sur 100 millions de francs, on a appris comment faire pour obtenir l'assurance décennale et aborder la problématique de la fiscalité.

C'est donc par l'expérience que nous allons pouvoir pénétrer le marché voisin; c'est vrai que ce n'est pas facile, mais moi je lance un appel aux entreprises genevoises: qu'elles adhèrent à nos associations ! Qu'elles s'adressent à nous ! On leur donnera les renseignements nécessaires pour obtenir satisfaction.

M. Edouard Cuendet (L). Tout d'abord, je voudrais dire que le parti libéral et le groupe libéral sont convaincus de la nécessité de la coopération dans la région, au niveau des échanges, au niveau des transports. Il faut rappeler que, sans le dynamisme extraordinaire de cette région dans les périodes fastes que nous avons connues les années précédentes, Genève n'aurait pas eu cette croissance incroyable et cette création d'emplois qui n'a jamais eu lieu dans cette proportion dans l'histoire - je crois qu'il faut le rappeler.

Évidemment, on se trouve maintenant en période de crise, et - comme le disait mon excellent collègue Gabriel Barrillier en rapport avec une autre motion - il y a une certaine inquiétude. Mais surfer sur cette inquiétude ne doit pas mener à des débordements. C'est vrai que la question soulevée par ce texte est un véritable problème - je crois qu'il ne faut pas le nier - mais ça ne doit pas conduire à proposer des solutions illégales et inapplicables telles qu'elles ressortent de cette proposition de résolution. Il faut donc aller au-delà de ce ton outrancier - on va essayer de faire cet effort - pour se pencher sur le véritable problème. La commission de l'économie pourra par exemple s'intéresser au fond de la question.

Mais, à ce stade-là, il faut déjà faire quelques remarques, la première étant que les accords bilatéraux, auxquels nous sommes totalement favorables, n'ont pas pour but de modifier la législation interne des pays signataires, mais de faciliter les échanges. Nous ne pourrons donc pas, avec cette résolution, introduire en Suisse des règles françaises et vice-versa - cela, je crois qu'il faut en être conscient.

Il faut aussi être conscient d'une chose, c'est qu'on ne peut donc dénoncer que les cas dans lesquels on constate du formalisme excessif en matière d'administration. Alors, là, s'agissant du MCG, on sent que sa présence à Berne est modeste, parce que les autorités fédérales ont quand même fait un pas. En effet, avec la coopération des associations économiques comme l'USAM - dont M. Barrillier connaît bien les rouages - il y a eu des contacts pour fournir des cas concrets afin que Berne puisse intervenir auprès de Paris. Il faut dire que les entreprises ne se sont pas pressées au portillon pour donner des cas, mais je crois que ce serait bien que les entreprises genevoises, si elles sont confrontées à des problèmes réels, en fassent état sans complexe pour que Berne puisse agir. Je pense qu'il est important de dire cela.

Je crois que le problème n'est pas lié à une vague histoire fiscale, mais à la garantie décennale connue de tous, et que des solutions peuvent être trouvées. Et, comme l'a dit Gabriel Barrillier, les entreprises commencent à s'implanter en France, celles qui ont le dynamisme dont Genève a le secret l'ont fait.

Ce qui m'étonne dans ce contexte, c'est la remarque déplacée de mon cher voisin de gauche, ici - le nouveau président élu de l'UDC - face à notre présence à Berne. Je relèverai qu'en tant que membre de la dernière formation du Grand Conseil à Genève, il devrait s'abstenir de ces remarques qui me paraissent tout à fait déplacées et qui ne correspondent pas à son ton habituel. On en avait plus l'habitude de la part de son prédécesseur...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Edouard Cuendet. Donc je pense qu'à l'avenir il pourra s'en abstenir, cela me paraîtrait utile.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons pris connaissance avec intérêt de la résolution du MCG du 30 août 2007, bien que l'intitulé nous fasse redouter une tartarinade dont ce parti est coutumier. Nous avons voulu, avant de nous déterminer, vérifier quand même l'exactitude des allégations de cette résolution.

Comment vérifier ? Simplement en suivant le chemin du MCG, ou plutôt le chemin proposé par le document annexé en page 11 de cette résolution, c'est-à-dire le document du Comité régional franco-genevois, qui donne la marche à suivre pour toute entreprise suisse désirant détacher ses salariés en France, ainsi que les adresses internet utiles pour télécharger les documents nécessaires - le principal étant la déclaration préalable de détachement transnational de travailleurs par une entreprise établie hors de France et exerçant une activité temporaire sur ce territoire. La Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Haute-Savoie nous a confirmé que ce document devait lui être remis dûment rempli. Mais elle nous a aussi confirmé que la Suisse est le deuxième pays, après la Pologne, pour le détachement de salariés étrangers en France dans le département de la Haute-Savoie, c'est-à-dire que, pour la période comprise entre 2007 et 2009, 2150 salariés suisses ont été détachés en France. C'est effectivement très étonnant que, pour cette période 2007-2009, des entreprises discriminées selon leur origine représentent 20% des salariés détachés en France pour le seul département de la Haute-Savoie.

Parcimonieux de notre énergie, nous nous sommes évidemment limités à la Haute-Savoie, nous n'avons pas fait une enquête dans l'Ain. Mais en Haute-Savoie, l'Urssaf, la Caisse primaire et la préfecture nous ont confirmé, Monsieur Stauffer, que l'Urssaf n'a pas à être informée du travail des salariés suisses en France, contrairement à ce que vous prétendez dans votre résolution, masqué sous l'identité de l'entrepreneur Durant. (Remarque.) Durant, oui... Et si l'entrepreneur Durant, alias le député Stauffer, a contacté l'Urssaf du Bas-Rhin, eh bien je suis désolé, mais c'est par erreur, Monsieur Stauffer ! Parce que si cette Urssaf héberge bien le centre national des firmes étrangères, ce dernier ne s'occupe que des entreprises étrangères n'ayant pas de siège social en France mais ayant des salariés dans ce pays, ce qui est très différent.

Enfin, en parcourant ce document que vous avez annexé à votre résolution et le site du Ministère français du travail, il apparaît que la procédure pour les entreprises étrangères détachant des salariés en France est la même pour les pays de l'Union et pour la Suisse, ce que vous avait déjà indiqué le Conseil d'Etat en 2007, répondant à votre motion 1723 du 26 octobre 2006. Enfin, la seule différence de traitement tient à la représentation fiscale, vous l'avez dit...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. François Lefort. ...qui impose aux entreprises suisses - je finis - un domicile fiscal, mais pour laquelle la Chambre suisse tient à jour une liste de référents fiscaux à Paris. Finissons-en maintenant avec l'invite de votre résolution... (Remarque.)

Le président. Il vous faut conclure !

M. François Lefort. Elle est clairement discriminatoire et tout simplement irréaliste, irréalisable du point de vue du droit...

Le président. Monsieur Lefort, je vous interromps, c'est terminé !

M. François Lefort. ...et le groupe des Verts vous invite à la refuser.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord féliciter M. Lefort pour sa brillante intervention qui aura, je l'espère, convaincu M. Stauffer de s'adresser, avant de déposer des résolutions à la va vite, à ce brillant député pour obtenir des réponses précises aux problèmes... (Commentaires.) ...aux problèmes complexes de l'administration française, qui sont effectivement loin d'être toujours compréhensibles pour nous, petits Suisses qui voyons ça de loin... et de petit. (Rires.) Fondamentalement, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut relire quelle est la demande de cette résolution, parce que c'est là que réside le problème principal. Il s'agit d'inviter le Conseil d'Etat «à saisir le Conseil fédéral afin d'édicter les mêmes contraintes juridiques, fiscales et administratives aux PME françaises, qui opèrent sur le territoire suisse et notamment à Genève, que les contraintes que subissent les PME genevoises qui désirent travailler et/ou exporter en France...»

M. Eric Stauffer. Et la réciprocité !

M. Roger Deneys. Je ne sais pas si vous avez bien compris le sens de ce texte, qui consiste en fait simplement à dire que les lois françaises s'appliquent dorénavant en Suisse. De la part d'un mouvement revendiquant le fait que les frontaliers n'ont rien à faire à Genève, que Genève doit rester aux Suisses... Avec ce genre de propositions, on est simplement en train d'opérer une annexion, par la république voisine, du canton de Genève. En effet, nous devrons appliquer le droit français puisqu'une loi ne peut évidemment pas être discriminatoire entre les entreprises, et il ne sera pas possible d'appliquer deux dispositions différentes selon que nous soyons suisses ou français.

Mesdames et Messieurs les députés, je pense que cette proposition de résolution est un recyclage de la motion 1723 qui a été évoquée tout à l'heure - recyclage à bon marché puisque c'est le même argument, le même exposé des motifs. Fondamentalement, je pense que la problématique est réelle pour les PME genevoises et suisses qui souhaitent travailler en France, mais quand même ! Je vous lis le texte du dernier considérant: «vu que les exportations en France, notamment viticoles de petites et moyennes quantités, demeurent à ce jour quasiment impossibles, alors que l'inverse est d'une facilité déconcertante». Alors, parce qu'on ne pourrait pas exporter de petites quantités de vin en France, il faudrait adopter les lois françaises ? (Remarque.) C'est tout simplement ridicule comme proposition, ne serait-ce parce qu'on pourrait justement reprocher au Conseil fédéral d'élaborer des dispositions qui sont en faveur des grandes entreprises uniquement. Donc les banques peuvent facilement travailler en France, la chimie peut facilement travailler en France mais, évidemment, les petits sont abandonnés au bord du chemin.

Mesdames et Messieurs les députés, je pense que la problématique est réelle et je regrette - c'est pour cela que nous refuserons cette proposition - que...

Le président. Il faut conclure, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. ...le MCG n'en soit pas resté à une formulation identique à celle de la motion, que nous aurions bien entendu soutenue, parce que c'est vrai...

Le président. Voilà, il vous faut conclure, Monsieur Deneys !

M. Roger Deneys. ...que le Conseil fédéral doit prendre des mesures pour que la réciprocité soit réelle.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, il est évident que les entreprises genevoises et suisses sont à prendre tout à fait au sérieux dans leur ambition parfaitement légitime de s'installer en dehors de nos frontières. On sait que c'est difficile, on sait que c'est complexe, parce que les systèmes français et suisse sont en décalage en matière administrative. Mais enfin, ce n'est pas le MCG qui nous apprend cela - il s'agite, il bouge, il dénonce - tout ce qu'on sait déjà et que le Conseil d'Etat a mis en oeuvre. Ce dernier n'a pas attendu le MCG pour travailler avec les autorités françaises, pour faire reconnaître et respecter les ambitions des entreprises suisses de s'installer en France. Alors oui, bien sûr, on va renvoyer cette résolution en commission, parce qu'il faudra expliquer encore mieux au MCG que le travail continue, que le Conseil d'Etat - en qui nous avons confiance pour défendre les entreprises suisses en France - démontre une fois de plus qu'il ne ménage pas ses efforts. Et s'il faut le répéter plusieurs fois de suite au MCG, eh bien on répétera en commission plusieurs fois de suite au MCG que, oui, nous nous engageons pour que les entreprises suisses rayonnent à l'extérieur.

M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons cru un instant, avec le vote précédent, que ce parlement était sorti de sa léthargie et qu'il avait pris conscience qu'il y avait peut-être un problème de l'emploi à Genève et que le fait qu'il y ait des travailleurs venant de l'extérieur de Genève pouvait en être l'une des causes. C'était apparemment un réveil «à moitié», puisqu'aujourd'hui vous êtes tous retombés dans la léthargie.

Vous considérez - la partie radicale - qu'il faut de l'expérience; je rappelle que ça fait depuis 2002 qu'on est en train de mettre cette expérience en pratique. Combien de temps nous faudra-t-il encore pour arriver finalement à permettre à nos petites entreprises de travailler en France voisine ? Cela fait maintenant sept ans... Alors nous attendons, Monsieur Barrillier, d'acquérir l'expérience suffisante pour enfin pouvoir permettre à nos entreprises de faire ce que les entreprises françaises peuvent faire aisément chez nous.

Quant aux libéraux - fervents défenseurs de la petite entreprise - ils expriment leur inquiétude, leur implication, évidemment, dans les problèmes que rencontrent de petites entreprises, mais ils considèrent en fin de compte qu'il faut attendre et que les choses vont finalement s'arranger d'elles-mêmes. Vous savez très bien que nos petites entreprises ont des difficultés énormes pour pouvoir travailler en France voisine alors que le contraire n'est pas vrai. Vous savez très bien, pour répondre à l'intervenant socialiste, que s'il faut qu'il n'y ait pas de discrimination, encore faut-il que nos amis français appliquent eux aussi cette règle primordiale de ne pas discriminer les entreprises suisses, la Suisse ne discriminant en aucun cas les entreprises françaises, qui peuvent aisément venir travailler dans le canton.

Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde est d'accord pour dire que le problème est réel, mais - si j'ai bien compris - c'est la forme qui vous dérange; finalement, cette résolution aurait donc dû être tournée autrement. Eh bien, je vous suggère de transmettre tout ceci à la commission de l'économie pour qu'on examine comment on peut pratiquement faire en sorte que l'égalité de traitement soit instaurée de l'autre côté de la frontière, comme nous l'avons fait tout de suite, dès l'entrée en vigueur des accords bilatéraux, pour les entreprises françaises.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste trente secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Eh bien, écoutez, je n'ai plus rien à dire. Je voulais demander le renvoi en commission, mon collègue l'a fait. Voilà, on pourra travailler ensemble en commission et faire une photographie de la situation actuelle avec les valeurs du jour.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Jeannerat, à qui il reste vingt secondes.

M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Monsieur le président. Pour une fois - une fois n'est pas coutume - je suis d'accord avec M. Deneys: le MCG veut une réciprocité des contraintes, mais en réalité il confond réciprocité et discrimination. Je pense qu'il faut refuser cette résolution, parce que la marge de manoeuvre est extrêmement faible, mais je propose tout de même qu'elle soit renvoyée à la commission de l'économie, parce qu'il y a un rôle pédagogique à tenir, s'agissant notamment des règles régissant les relations transfrontalières. Et je pense que le MCG, comme ça, pendant trois ans, nous foutra la paix avec ces histoires. (Exclamations.)

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il ne sert à rien de faire comme s'il n'y avait pas de problèmes, il y en a. (Commentaires.) On progresse tranquillement dans ces problèmes qui ne relevaient d'ailleurs pas de la discrimination, contrairement à ce que l'on a entendu pendant longtemps, mais simplement de procédures administratives extraordinairement différentes et surtout extraordinairement plus compliquées en France - notamment dans la construction, s'agissant de la garantie décennale - qu'elles ne l'étaient en Suisse. Mais cela n'était pas discriminant puisque les entreprises françaises y étaient astreintes de la même manière.

Là où il y a eu - et c'est vrai - il y a quelques années de la discrimination, c'est par rapport à la fameuse garantie décennale: les entreprises suisses se voyaient refuser par certains assureurs la possibilité de contracter cette assurance. Le problème est maintenant réglé, semble-t-il, à satisfaction. En tout cas, le guichet des affaires transfrontalières n'a plus reçu aucune plainte concernant ce type de choses au cours des derniers mois, alors qu'il y en avait 20 à 30 par mois au début de sa mise en place - on voit donc que des choses s'arrangent.

Tout n'est pas résolu: allons en commission pour voir ce qui reste encore à régler. Mais alors - je vous en prie d'ores et déjà, même si vous ne pouvez pas en prendre l'engagement - j'espère que vous n'accepterez pas l'invite telle qu'elle est formulée et qui dit: «Puisqu'ils sont méchants de l'autre côté, il faut qu'on soit méchant de la même manière de l'autre !» Il y a une façon positive de dire les choses, c'est: «Essayons d'aplanir les difficultés que nous rencontrons de l'autre côté.» Mais - que diable - n'imposons pas à notre tour des difficultés qui ne feraient rien d'autre que de renforcer des esprits protectionnistes, assassins désignés de notre dynamisme économique ! Notre dynamisme économique doit tout à son ouverture, à la compétence des gens qui viennent travailler ou qui travaillent depuis chez nous, à la qualité de nos écoles, à la qualité de la formation, à l'aspect polyglotte des gens, bref, il doit tout à mille qualités qui font que si l'on essaie de se rétrécir sur un protectionnisme, alors, Mesdames et Messieurs les députés, nous connaîtrons une crise réelle, une crise structurelle et une crise qui assassinera notre capacité d'avoir un Etat qui redistribue. Je vous remercie d'être très prudents dans cette affaire-là !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi de la proposition de résolution 537 à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 537 à la commission de l'économie est adopté par 59 oui contre 29 non.