République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 janvier 2010 à 20h30
57e législature - 1re année - 4e session - 18e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Guy Mettan, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mark Muller, Pierre-François Unger, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer et David Hiler, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Philippe Schaller et Jean-Marie Voumard, députés.
Le président. M. Jean-Pierre Pagan et Mme Stéphanie Lammar sont assermentés. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Vous avez trouvé sur vos places la question écrite suivante, qui est renvoyée au Conseil d'Etat:
Question écrite de M. Pierre Weiss : Quel est le poids réel des taxes causales pesant sur les citoyens et les entreprises genevoises ? (Q-3647)
Le président. Nous passons à la première urgence de la soirée.
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, à Genève, hormis les juges que nous élisons souvent en cours de législature, comme ceux que nous avons assermentés ce soir, c'est le peuple qui élit les juges. C'est le peuple qui élit les juges et il l'a fait pour la dernière fois en 2008, il n'y a pas très longtemps. L'ensemble de ces élections était, il est vrai, tacite, sauf celle du procureur général, mais il est arrivé dans le passé que d'autres élections soient ouvertes et donnent lieu à des scrutins populaires. Vous avez voté le 9 octobre 2009 la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011, et si nous nous en étions tenus à toutes les règles habituelles portant sur l'élection des juges, eh bien le peuple aurait dû se déplacer: les trois quarts des juridictions environ auraient pu être considérées comme des juridictions nouvelles. Les juges que nous venons d'élire ou de réélire en 2008, nous les aurions soumis à une nouvelle élection.
La commission ad hoc Justice 2011 a demandé au Conseil d'Etat de déposer un projet de loi constitutionnelle permettant d'assurer une transition harmonieuse, comme le proposait d'ailleurs la loi sur l'organisation judiciaire que nous avons votée. C'est ce texte qui vous est soumis ce soir et il nous permettra de poser clairement la question au peuple, de lui demander s'il est d'accord de renoncer cette fois-ci à son droit à une élection populaire pour ce renouvellement, pour ce complément aux effectifs des juges, au profit soit d'une désignation des nouveaux magistrats par le Grand Conseil, soit d'un simple maintien des magistrats actuels dans leur fonction ou de leur transfert dans les nouvelles juridictions.
Si nous traitons cela en urgence, c'est parce qu'il est impératif que le peuple qui doit se prononcer sur la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire puisse voter simultanément sur ce texte constitutionnel. Cela se fera le 13 juin prochain et il est donc nécessaire que vous votiez ce texte ce soir, et je vous recommande vivement de le faire.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme Bolay.
Mme Loly Bolay (S). J'aimerais en préambule bien évidemment remercier le rapporteur de la commission qui a fait ce rapport somme toute en un temps record. Comme il l'a dit lui-même, ce projet de loi est très important car il est intimement lié au PL 10462 sur l'organisation judiciaire que l'on devra voter en mars. Ce projet de loi constitutionnelle participe à la vaste réforme nommée «Justice 2011», à laquelle tous les cantons devront être préparés à partir du 1er janvier.
Il y a deux éléments importants dans ce projet de loi. Le premier, c'est la suppression de l'article 131, alinéa 3, sur le Tribunal des conflits. La nouvelle loi sur l'organisation judiciaire que nous avons votée au mois d'octobre ne le prévoit plus. Pourquoi ? D'une part, il est contraire à la Constitution fédérale. D'autre part, à partir du moment où la Cour de justice est créée, le Tribunal des conflits n'a plus de raison d'être.
L'autre élément n'est pas des moindres. C'est le passage de l'organisation judiciaire actuelle à celle qui entrera en vigueur en 2011. Pour cela, le rapporteur l'a dit, dans l'article 144 - il s'agit des dispositions transitoires que nous avons votées en octobre - il fallait prévoir des coulissements pour des transferts, soit dans les mêmes postes, soit dans des juridictions qui restent à créer ou qui seront créées dans le cadre de Justice 2011.
Pour conclure, je dirai que ce projet de loi prévoit une limitation dans le temps, c'est-à-dire le temps de passer de Justice 2010 à Justice 2011. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi constitutionnelle est extrêmement important. En plus de cela, il y a une certaine urgence à ce qu'il soit voté aujourd'hui, Monsieur le président. La commission ad hoc Justice 2011 est évidemment unanime et j'imagine que ce parlement le sera tout autant.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10546 est adopté en premier débat par 82 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2 (soulignés).
Le président. Mme Rochat ayant demandé la parole, je vais la lui donner avant le vote sur le troisième débat.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Comme cela a été dit, le mécanisme que je vous propose de voter ce soir est simple et pratique. Il concerne les magistrats élus et les maintient dans leurs fonctions ou les place dans des fonctions analogues à celles qu'ils occupent aujourd'hui. Cette loi paraît donc des plus opportunes et tente de respecter au plus près la volonté populaire. Je vous remercie donc de la voter.
Troisième débat
La loi 10546 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10546 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 87 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Il s'agit de la deuxième urgence de la séance. Je donne la parole à M. Jeannerat, rapporteur de majorité.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, harmoniser les heures de fermeture des magasins du lundi au vendredi à 20h et offrir la possibilité aux commerces d'ouvrir quatre dimanches par an, tels sont les objectifs de ce projet de loi.
Harmoniser les horaires d'ouverture, c'est important. Actuellement, c'est l'anarchie totale puisque, du mercredi au samedi, nous avons sur quatre jours quatre horaires de fermeture différents ! Cette nouvelle loi permettra d'une part aux commerçants genevois de lutter à armes un peu moins inégales avec les commerces français et donnera d'autre part la possibilité aux Genevois, qui sont de plus en plus nombreux à travailler jusqu'à 19h, de faire leurs courses à la sortie du travail.
Un récent sondage indique que plus de 20% de la population active quitte actuellement son lieu de travail après la fermeture des magasins. Cette fraction de la population est condamnée à faire ses courses le samedi. Le même sondage qui a été réalisé auprès de 400 Genevois montre que deux tiers d'entre eux voudraient bénéficier de la possibilité de faire leurs achats souvent, voire fréquemment, entre 19h et 20h. Les chiffres s'envolent à plus de 80% pour la tranche des 15 à 29 ans.
L'ouverture prolongée des commerces permettra - comme c'est déjà le cas dans un certain nombre de villes, comme Zurich - d'animer le tissu socioculturel de la ville et de concurrencer la France et ses fermetures à 21h.
Il y aura également une incidence importante sur l'emploi. Je vais d'ailleurs vous citer le directeur de la Migros qui, lors de son audition par la commission de l'économie, disait que l'impact en matière d'emploi d'une telle harmonisation serait d'environ 200 postes supplémentaires pour ses magasins.
Dans le cadre défini par la législation fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, le projet de loi prévoit la possibilité d'ouvrir quatre dimanches par année: deux avant Noël, le 31 décembre - qui est assimilé à un dimanche - et un dimanche durant les Fêtes de Genève. En décembre 2009, Genève était le seul canton suisse à ne pas proposer une ouverture des commerces au moins un dimanche avant les fêtes de fin d'année.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission de l'économie vous recommande d'accepter ce projet de loi, tel qu'il est ressorti de la commission. Non seulement il renforce le dynamisme commercial, mais en plus il favorise l'emploi. C'est une véritable chance pour Genève !
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut tout d'abord replacer ce projet de loi dans son contexte. C'est quelque chose que nous rencontrons assez rarement dans ce Grand Conseil, mais ce projet de loi est en fait une commande d'un partenaire social, le «Trade Club», représentant des grandes surfaces, une commande visant à exécuter la paix sociale qui règne aujourd'hui encore à Genève. C'est très clair, c'est un contrat, et les mercenaires de l'Entente ont décidé de répondre: «Oui, nous exécuterons le contrat !», raison pour laquelle nous avons ce projet de loi devant nous.
C'est un contrat établi parce qu'il y a quelques années les partenaires sociaux n'ont pas réussi à se mettre d'accord concernant les horaires d'ouverture des magasins durant la période de Noël. Suite à ces désaccords répétés deux années de suite, les milieux économiques des grandes surfaces ont décidé de monter d'un cran dans les pressions exercées sur les collaboratrices et collaborateurs du secteur de la vente et donc d'exécuter la paix sociale, en rompant avec les traditions suisses - qu'il faut saluer - qui visent à définir des conditions-cadres de travail entre les partenaires sociaux, et ensuite à donner aux politiques la possibilité de nouer la gerbe en aboutissant à un accord global reprenant ce qui a été décidé entre partenaires sociaux. Et je pense que c'est ici que nous avons un véritable problème avec ce projet de loi: il a été imposé par les milieux économiques des grandes surfaces, sans étude sérieuse des conséquences qu'il pourrait avoir !
Aujourd'hui, à mon avis, il faut penser aux 20 000 personnes qui travaillent dans le secteur de la vente et qui sont soumises à des conditions de travail particulièrement détestables, particulièrement difficiles et particulièrement précaires ! Aujourd'hui, nous savons par exemple que des vendeuses sont au bénéfice - façon de parler - d'un contrat de travail de huit heures par semaine, mais qu'elles doivent être disponibles pendant les soixante-deux heures d'ouverture des magasins pour venir travailler à la demande, au dernier moment souvent, quand leur employeur appelle ! Bien entendu, on dira que ces personnes pourraient refuser, mais quelle est la réalité d'aujourd'hui ? Nous avons un taux de chômage qui approche les 10% en France voisine, et qui se situe entre 6 et 7% à Genève. Bien entendu, la pression sur l'employé est très forte et on sait très bien que s'il refuse de travailler quand le patron le lui impose, eh bien il n'aura plus de travail ! Mesdames et Messieurs les députés, il est donc tout simplement anormal qu'une telle convention collective puisse servir de base à d'éventuels changements dans les horaires des magasins genevois !
Je vais encore prendre un autre exemple que je trouve particulièrement frappant. C'est la question du jour de congé. Aujourd'hui, les vendeuses et les vendeurs n'ont pas de jour de congé fixe dans le cadre de leur convention collective. D'une semaine à l'autre, ils peuvent donc avoir congé le lundi, le mardi ou le vendredi, peut-être. Eh bien, je défie quiconque dans cette salle d'organiser une vie de famille, une vie sociale avec de telles contraintes qui péjorent véritablement les conditions de vie du personnel dans la vente ! Il paraîtrait donc légitime que tout changement en matière d'ouverture des commerces soit le résultat d'une concertation entre partenaires sociaux.
Si les partenaires sociaux se mettent d'accord sur un certain nombre d'avancées, eh bien, pourquoi ne pas étudier ce projet de loi pour une éventuelle extension des horaires ? Mais il est très clair que la condition sine qua non, c'est de vérifier que cette convention collective soit appliquée ! Ici, il faut peut-être relever que l'un des acteurs importants pour vérifier l'application des conventions collectives, c'est bien entendu l'Etat, qui doit prendre ses responsabilités et pas simplement dire que les partenaires sociaux doivent signaler les éventuels dérapages et qu'il agira lorsque de tels cas seront signalés.
Nous avons vu, il n'y a pas très longtemps, le cas d'une vendeuse de Manor, Mme Marisa Pralong, qui a été licenciée alors qu'elle est déléguée syndicale d'Unia, simplement parce qu'elle a relaté dans la presse quelles étaient les conditions de travail dans son secteur ! Il est tout particulièrement scandaleux de constater que les employés de ce secteur ne peuvent même pas s'exprimer pour dénoncer les conditions de travail auxquelles ils doivent faire face !
Mesdames et Messieurs les députés, je crois donc qu'aujourd'hui nous avons un véritable problème. Ce projet de loi n'est pas issu du partenariat social, il est le fruit d'un coup de force du «Trade Club» et des mercenaires de l'Entente. Le résultat final, c'est un projet de loi pour lequel des études ont été menées durant l'été 2009, études dont la commission de l'économie a eu connaissance mais dont les résultats ont été obtenus après le dépôt des rapports ! On a donc ici des députés qui votent la tête dans le sac, sans même attendre le résultat des enquêtes menées auprès des commerçants et auprès des consommateurs, juste parce que l'Entente pense par dogmatisme que c'est très bien d'ouvrir les commerces le plus longtemps possible !
En réalité, le résultat de ce projet de loi, c'est qu'il n'y aura qu'un seul gagnant ! Et toutes les études scientifiques - pas les sondages commandés par le «Trade Club» ! - le disent: ce sont les grandes surfaces qui sont gagnantes avec des projets de lois comme celui-là. En effet, les collaborateurs ont des conditions de travail péjorées; ils travaillent plus tard, rentrent plus tard chez eux et ont moins de temps pour s'occuper de leur famille. Les petits commerçants sont aussi prétérités dans leurs conditions de travail par un tel projet de loi, parce qu'ils n'ont pas les capacités financières et organisationnelles pour pouvoir engager des collaborateurs supplémentaires quelques heures par semaine. Je parle en connaissance de cause, et des articles ont relaté le cas de quelques commerçants des Rues-Basses qui ne se disent absolument pas intéressés par cette possibilité, parce que leur clientèle est fidèle; leur clientèle vient chercher un service de qualité et ne s'intéresse pas à trouver des vendeurs presse-bouton juste là pour passer des codes-barres !
Donc, les petits commerçants subiront une concurrence accrue suite à ce projet de loi et ils devront faire face à des contraintes supplémentaires, notamment en termes de loyers, parce qu'une conséquence indirecte de ce projet de loi sera que les loyers des surfaces commerciales vont augmenter puisque la rentabilité potentielle des locaux commerciaux va augmenter du fait d'une ouverture un peu plus longue des magasins.
Au-delà de cette question des gagnants et des perdants, il y a bien entendu la question des consommateurs. Ils seraient soi-disant gagnants, mais quelle est la réalité de cette affirmation ? J'aimerais bien vous le demander ! On sait très bien qu'aujourd'hui à Genève, même si nous n'avons pas des magasins ouverts jusqu'à 20h ou 22h...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur de minorité !
M. Roger Deneys. Malgré cela, nous n'avons pas de problèmes pour accéder à la consommation: nous avons les mêmes objets que partout ailleurs. Il n'est donc pas indispensable de consommer davantage parce qu'en réalité, si l'on consomme le soir, on ne consomme pas le lendemain ! On décale donc la consommation, ce qui n'est absolument pas nécessaire ! En plus, ce projet ne serait même pas le résultat d'un accord entre partenaires sociaux !
Mesdames et Messieurs les députés, pour toutes ces raisons, je vous invite à refuser ce projet de loi et, si j'en ai l'occasion, je prendrai bien entendu encore une fois la parole pour vous expliquer pourquoi il faut le refuser.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe maintenant la parole à M. Forte.
M. Fabiano Forte (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous le voyez, le débat est nourri. Plutôt que de se lancer ce soir dans un grand débat qui pourrait être stérile et qui n'aboutirait à rien, le groupe démocrate-chrétien vous propose de suivre ce qui avait été proposé à la commission de l'économie, mais qui n'a pas été étudié: c'est la piste de la loi expérimentale.
Tentons l'expérience ! Fixons des critères précis, comme nous l'a proposé le département en commission de l'économie, et regardons dans trois ans si les objectifs sont atteints ! Nous pourrons alors nous débarrasser une fois pour toutes des idéologies qui entourent ce débat depuis de trop longues années. Nous pourrons ainsi prendre les bonnes décisions: les bonnes décisions pour les Genevoises et les Genevois, les bonnes décisions pour les petits commerçants et les bonnes décisions pour les employés du commerce de détail.
C'est une solution sage, mais une solution proactive que nous vous proposons. Nous ne voulons pas nous contenter - excusez-moi ! - du statu quo actuel qui n'est pas pleinement satisfaisant, mais nous ne voulons pas non plus nous engager dans une voie sans issue: nous proposons le «win-win», le «gagnant-gagnant», plutôt que le «lose-lose», le «perdant-perdant». (Commentaires.) Je l'ai traduit, cher collègue Barrillier !
La loi expérimentale, Mesdames et Messieurs les députés, est précisément là pour ça. Elle permettra de vérifier ce qui pour le moment ne constitue que des suppositions, on l'a dit. Il y a eu énormément d'études menées jusqu'à présent, des études qui sont contradictoires les unes avec les autres. Eh bien, la loi expérimentale nous permettra de le vérifier par une expérience tout à fait concrète. Quels sont nos objectifs ? Quels sont les points qui méritent d'être vérifiés concrètement ?
Le premier point, c'est l'accroissement du chiffre d'affaires des commerces. De tous les commerces et pas seulement des grandes surfaces, Mesdames et Messieurs ! Certaines études laissent à penser que le petit commerce serait cannibalisé par les grandes surfaces, d'autres études prétendent le contraire. La loi expérimentale nous permettra de vérifier et, le cas échéant, d'intervenir avant qu'il ne soit trop tard.
Le deuxième point, c'est l'augmentation du confort des usagers et la fidélisation des consommateurs à Genève. Ça, c'est un élément qui devrait faire plaisir à nos collègues du Mouvement Citoyens Genevois ! Les nouveaux modes de vie ne sont pas toujours en adéquation avec les horaires actuels des magasins. La loi expérimentale permettra là aussi de vérifier si une extension des horaires permet un gain significatif pour la qualité de vie des Genevoises et des Genevois. Je pense par exemple aux familles, qui doivent souvent courir entre la crèche, l'école et les courses pour remplir le frigo dans les temps.
Le troisième point, c'est l'augmentation de la sécurité et de l'animation au centre-ville, avec - nous l'espérons - un effet économique induit sur les cafés, les restaurants et les cinémas. Notre centre-ville se meurt ! Les cinémas ont quasiment tous disparu et il en va de même de certains cafés ou restaurants. Une extension des horaires d'ouverture pourrait là constituer un remède ou du moins une partie du remède. Cela vaut la peine d'essayer.
Augmentation du chiffre d'affaires; augmentation du confort des habitants; augmentation de la sécurité et de l'animation au centre-ville. Voilà les trois éléments qui méritent d'être vérifiés grâce à la loi expérimentale. Voilà les trois éléments qui méritent aux yeux du parti démocrate-chrétien d'aller de l'avant, d'abord avec une loi expérimentale et, ensuite, si l'expérience est concluante, en pérennisant les nouvelles dispositions.
Aller de l'avant, oui ! Mais en tenant compte aussi de la qualité de vie des employés du commerce de détail. Les conditions de travail des employés doivent être prises en considération dans la décision de pérenniser ou non les dispositions prévues dans ce projet de loi, et c'est une condition qui est tout à fait primordiale aux yeux du parti démocrate-chrétien.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les raisons qui amènent ce soir le groupe démocrate-chrétien à vous proposer le renvoi en commission de ce projet de loi, afin d'étudier l'amendement et la proposition du Conseil d'Etat et que nous fixions ensemble les critères objectifs et mesurables.
Mais nous devons avoir un objectif, celui de revenir rapidement avec une loi expérimentale devant ce parlement, à savoir d'ici au mois d'avril ! Cela nous permettra dans trois ans, je le répète, après l'entrée en vigueur de cette loi expérimentale qui, nous l'espérons, sera votée par ce parlement, de tirer le bilan de l'extension des heures d'ouverture et de prendre les bonnes décisions en se basant sur une expérience concrète et vécue par l'ensemble de la population. Et ce laps de temps doit être - devrait être - utilisé par les partenaires sociaux afin d'aboutir à la conclusion d'une convention collective de travail.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Comme le veut notre règlement, la parole est aux rapporteurs et au Conseil d'Etat qui peuvent s'exprimer pendant trois minutes.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Monsieur le président, je vais bien sûr m'exprimer sur cette proposition de renvoi en commission, mais je suis obligé de rétablir certaines vérités. M. Deneys a dit que le projet de loi avait été commandé par le «Trade Club» et que les députés de l'Entente étaient des mercenaires. C'est totalement faux ! L'avant-projet de ce projet de loi, je l'ai rédigé moi-même, tout seul dans un coin. Plusieurs témoins dans la salle pourront le dire ! (Commentaires.) Je l'ai ensuite soumis au groupe radical qui m'a donné le feu vert pour le présenter à nos partenaires de l'Entente, et c'est seulement à la suite de cela que nous avons consulté le «Trade Club», la Fédération des artisans, commerçants et entrepreneurs de Genève - FAC - ainsi que la Fédération du commerce genevois. Je tiens quand même à préciser cela.
Ensuite, s'agissant des arguments de M. Deneys sur les conventions collectives: à chacun son rôle ! Chacun son rôle ! Nous sommes des députés, nous sommes là pour faire des lois. Les conventions collectives, c'est l'affaire des partenaires sociaux !
Enfin, dernier élément avant de parler du renvoi en commission, je veux préciser que les horaires indiqués dans le projet de loi sont des horaires libres ! Personne ne sera obligé d'ouvrir son commerce jusqu'à 20h. J'en veux pour preuve qu'il n'y a pas d'indications dans la loi actuelle - ni dans le projet de loi - d'heures d'ouverture. C'est donc la loi nationale sur le travail qui fait office de règlement pour les ouvertures. Tous les commerces pourraient ouvrir à 6h le matin, même s'il n'y en a pas beaucoup qui le font, à part certaines boulangeries.
Maintenant, au sujet de la proposition de notre collègue du PDC, je pense que la loi expérimentale n'est pas une bonne formule, donc je crois qu'il faut renoncer à renvoyer ce projet de loi en commission pour étudier cette proposition. Cela, pour deux raisons. D'abord, je trouve que ce n'est pas très démocratique de soumettre cela au peuple parce que, de toute façon, les syndicalistes qui sont dans la tribune vont lancer un référendum, que la loi soit expérimentale ou pas. Ils l'ont déjà annoncé ! Cela revient un peu à tromper l'électeur sur la marchandise que d'aller ensuite lui soumettre une loi avec des conditions particulières, etc.
Ensuite, je salue la volonté de M. Deneys de s'occuper du respect des travailleurs, mais alors il est assez intéressant de voir que si l'on prend ce chemin de la loi expérimentale, les commerces vont devoir engager du personnel pour une période de deux ans - environ 200 personnes pour la Migros, je l'ai dit tout à l'heure. Et si par hasard - ou par malversation - les conclusions de l'expérience sont qu'il faut fermer à 19h30 ou n'ouvrir que deux dimanches au lieu de quatre, ou je ne sais quoi d'autre, eh bien il faudra licencier le personnel qui aura été engagé ! Bravo et merci pour le respect du travail, Monsieur Deneys !
Je vous recommande donc de rejeter et la demande de renvoi en commission et la proposition du PDC.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je voudrais préciser que M. Jeannerat, à titre professionnel, est président de la Chambre de commerce. Il n'est peut-être pas directement en lien avec le «Trade Club» au quotidien, mais le coin de table utilisé pour écrire son projet de loi se trouvait peut-être à la Chambre de commerce !
Concernant les 200 emplois créés éventuellement par ce projet de loi, Monsieur Jeannerat, j'aimerais vous rappeler qu'aujourd'hui à Genève une petite crise internationale, dans le secteur bancaire par exemple, en touchant une grande banque, peut avoir des conséquences économiques bien plus graves qu'un projet de loi tel que celui-ci ! Je pense évidemment qu'il ne s'agit pas de jouer avec les salariés dans les entreprises, mais il s'agit aussi d'être responsable pour la qualité des emplois créés. Et ce qu'il faut savoir, c'est que pour un emploi créé dans une grande surface, il y a en général trois à cinq emplois qui sont détruits dans les petits commerces. Ce sont des études scientifiques menées dans les années 2000 qui le prouvent ! Aujourd'hui, si vous prétendez créer de l'emploi avec la Migros, vous êtes simplement en train de mettre des petits commerçants sur la paille et donc de créer du chômage supplémentaire ! Votre argument n'est pas valable pour ce projet de loi !
Pour le reste, l'animation du centre-ville, avec un tel projet de loi, c'est totalement du pipeau ! Bien entendu, les grandes surfaces et les centres commerciaux ouvriront parce qu'ils en ont la possibilité, mais comme il n'y a aucune obligation d'ouvrir avec un tel projet de loi, rien ne garantit que le centre-ville soit plus animé qu'aujourd'hui.
Par rapport au fait de se référer à des sondages qui prétendent que les consommateurs s'intéressent à des ouvertures plus tardives, il est évident que si l'on vous pose une question du style: «Voulez-vous être millionnaire ?», vous allez généralement répondre oui ! Mais si l'on vous pose la question différemment, votre réponse en sera peut-être modifiée. Si l'on vous demande si vous voulez pouvoir faire vos achats jusqu'à 20h en considérant que vous devez par ailleurs travailler jusqu'à 19h45, la réponse risque d'être différente, parce qu'en fait ce sont aussi les conditions générales de vie qui sont dégradées si l'accès aux commerces est élargi. C'est ici un premier pas vers la libéralisation complète des horaires du travail, et cela se fait donc évidemment au détriment de tous les salariés. Je pense donc que ce projet de loi n'est pas pertinent.
En ce qui concerne un éventuel renvoi en commission, je dois dire que le seul avantage que j'y vois aujourd'hui, c'est que cela permettrait d'une part de définir les fameux critères pour l'évaluation de l'impact de cette loi. En effet, j'ai vu avec un certain étonnement que les critères qui étaient mentionnés dans l'amendement ne faisaient référence en gros qu'aux chiffres d'affaires et aux conditions-cadres des commerces, mais pas du tout aux conditions de travail des collaboratrices et collaborateurs, ce qui me semble poser problème ! Et le renvoi en commission permettrait d'autre part de laisser un peu plus de temps aux partenaires sociaux pour éventuellement se mettre d'accord parce que, fondamentalement, c'est à eux de trouver des réponses liées au marché du travail !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Deneys !
M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, je suis pour un renvoi en commission, dans la mesure où il laisse un peu de temps pour trouver une meilleure solution qu'aujourd'hui. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe la parole à M. Unger.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais tout d'abord vous dire que ma conviction est que ce projet de loi est bon. Il est bon parce qu'il met en oeuvre un certain nombre d'objectifs simples et clairs.
Premièrement, il s'agit d'avoir des horaires identiques tous les jours, à l'exception du dimanche, pour les consommateurs comme pour les vendeuses et les vendeurs.
Deuxièmement, ce projet est bon parce qu'il permettra, et c'est le but du commerce, de gagner des nouveaux consommateurs, non pas avec l'horaire retardé - ça je n'y crois pas forcément - mais avec les dimanches ouverts. A n'en pas douter, le dimanche des Fêtes de Genève, peut-être le dimanche du Salon de l'auto et à coup sûr un dimanche de l'Avent permettront de gagner des consommateurs qui ne consomment pas en ce moment - ou en tout cas pas chez nous.
Voici une troisième raison pour moi de trouver ce projet de loi de qualité: le confort du consommateur, que M. Deneys a beaucoup raillé, est tout de même l'une des conditions-cadres utiles pour la vie des commerces. En effet, un consommateur qui n'a pas confiance, qui n'est pas relié directement à ses commerces va consommer ailleurs. Vous devriez le savoir, vous, Mesdames et Messieurs les députés, qui très régulièrement terminez vos travaux à 19h en raison des séances de commission ! Beaucoup d'entre vous aimeraient peut-être faire leurs courses à ce moment-là, afin de pouvoir choisir une demi-heure ou une heure avant le repas ce qu'ils mangeront ce soir-là, mais ils doivent se résigner à faire ces courses le samedi, en vrac, pour la semaine d'après. Et il n'est pas certain que chacun d'entre vous fasse ses achats dans des centres commerciaux situés à Genève ! Soyez honnêtes, regardez ce qui se passe. Allez voir sur les parkings des centres commerciaux de la France voisine ! Bien sûr, le taux de l'euro et ceci et cela constituent des influences importantes, mais on ne peut pas idéologiquement et dogmatiquement dire que c'est inutile, que c'est infaisable ou que c'est mauvais.
De même, Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut pas continuer à être idéologique. On voit bien que les fronts sont aussi forts au parlement qu'ils ne le sont - hélas ! - entre les partenaires sociaux avec lesquels j'ai eu la chance de travailler pendant quatre ans. Malheureusement, pour des raisons qui se sont surajoutées les unes aux autres et qui étaient le fait de toutes les parties, et à cause de tensions et de difficultés, la confiance a peu à peu été détruite.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, il y a avantage à retourner en commission et étudier l'amendement qui vous est proposé par le département concernant la législation expérimentale. Cela a pour but, non pas de faire capoter le projet, mais de renforcer les probabilités qu'il passe, en cas de référendum auprès du peuple. En effet, il s'agit d'expliquer à la population que rien n'est figé mais que de toute évidence il y a un problème dans le commerce genevois qui touche l'ensemble des acteurs - les commerçants, les travailleuses et les travailleurs et les consommateurs. Il s'agit d'expliquer que l'on va prendre un certain nombre de mesures, que l'on va regarder celles qui fonctionnent ou pas et que l'on reprendra une décision ensuite, grâce à cette législation expérimentale dont votre Grand Conseil s'était doté précisément pour combattre ces dogmes idéologiques frontaux qui ne permettent pas d'avancer. Je devrais dire «notre» Grand Conseil, puisque j'étais député alors.
Dans l'amendement que j'ai rédigé, l'ensemble des choses à évaluer n'est pas forcément ni bon ni exhaustif, mais je suis persuadé que nous pouvons encore travailler à améliorer cette affaire-là.
J'aimerais aussi vous dire que, bien entendu, si le renvoi en commission était adopté et qu'à terme ce projet était réellement réalisé, je pense que cela se ferait avec une reprise forte du partenariat social. En tout cas, si ce projet retourne en commission dès lundi, j'inviterai les partenaires sociaux à revenir en discuter, afin qu'ils nous apportent leur angle de vision sur la manière dont on pourrait choisir les critères à mesurer et sur l'envie qu'ils semblent manifester les uns comme les autres à reprendre le dialogue.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que le bon moyen de parvenir à cela est de retourner en commission. Bien sûr, je vois ici quelques regards sévères posés sur moi, mais le combat politique est un rapport de force. Cela, personne ne le conteste, mais quand le rapport de force se transforme en épreuve de force, le risque qu'il n'y ait que des perdants est trop grand. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur le renvoi de ce projet de loi 10448 à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10448 à la commission de l'économie est adopté par 54 oui contre 40 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. La parole n'étant pas demandée, je vais vous faire voter sur le renvoi au Conseil d'Etat de cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la résolution 599 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui contre 8 non et 15 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
M. Stéphane Florey (UDC). Le but de cette proposition de résolution est de donner suite à nos travaux sur la loi que nous avons votée le mois dernier sur la prostitution, qui interdit la prostitution des mineurs. Comme vous le savez peut-être, le Parlement fédéral a refusé une motion du PDC qui faisait une demande en ce sens. La réponse du Conseil fédéral a été claire: il a refusé d'interdire la prostitution des mineurs en raison du fait que l'âge légal pour avoir une sexualité est fixé à 16 ans. Nous avons estimé que ce n'était pas normal, qu'il fallait justement continuer la démarche et renvoyer cette résolution au Conseil fédéral.
Il faut encore savoir que d'autres parlements statuent également sur cette demande... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Stéphane Florey. Le parlement valaisan a aussi une motion en cours de traitement sur ce même sujet. Nous estimons que c'est un thème important, il convient donc de ne pas se relâcher et de continuer à mettre la pression sur le Conseil fédéral pour qu'il statue enfin, définitivement, sur le fait d'interdire la prostitution des mineurs jusqu'à l'âge de 18 ans.
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai d'abord un regret, c'est celui que cette résolution n'ait pas été déposée en même temps que le projet de loi sur la prostitution que nous avons voté il y a un mois. Toutefois, il vaut mieux tard que jamais ! Le groupe socialiste votera cette résolution, mais en préambule j'aimerais ajouter quelque chose.
D'abord, nous avons dit au moment du débat sur le projet de loi qu'il y avait la problématique des mineurs. Le conseiller national Barthassat a entrepris plusieurs démarches, mais d'autres aussi, comme les socialistes neuchâtelois, les socialistes bernois et zurichois, qui vont dans le même sens. Ils veulent faire introduire dans le droit pénal une infraction qui s'appliquerait à tous ceux qui feront appel à des personnes mineures. En réalité, elles sont majeures sexuellement selon la loi suisse, mais 18 ans, c'est quand même un peu trop tôt ! Pourquoi ? Parce qu'il y a aujourd'hui une tendance, une demande de plus en plus forte pour des jeunes prostituées chez ces messieurs. Or, aujourd'hui, des jeunes se prostituent parfois pour acheter une télévision ou dieu sait quoi ! C'est aussi là que ça devient problématique.
Dans la communauté européenne, une convention du Conseil de l'Europe a déjà été ratifiée par beaucoup de pays et elle fixe une limite à l'âge de la prostitution à 18 ans. Toutefois, il y a des pays européens, comme le Danemark, la Suède et l'Allemagne, où cette interdiction a été portée jusqu'à l'âge de 21 ans, et je pense que c'est une très bonne chose. Mais qui peut le plus, peut le moins: essayons déjà avec cette résolution d'appuyer toutes les demandes faites par d'autres parlementaires, pour qu'enfin Berne prenne conscience qu'aujourd'hui la prostitution des jeunes est un véritable problème de société, parce que certains se disent que cela s'apparente à la pédophilie ! Comment voulez-vous qu'un jeune de 18 ans se rende compte de ce qu'il fait en se prostituant ? Plus tard, ce jeune aura énormément de problèmes dans la vie. Parce que ça laisse des traces de démarrer très jeune dans un tel métier. Il l'aura peut-être fait parce que des camarades le faisaient ou peut-être parce qu'il avait envie de se payer une nouvelle trottinette, un nouveau portable ou autre chose. (Commentaires.) Oui, un nouveau portable ! Il y en a qui coûtent très cher ! En conclusion, Monsieur le président, le groupe socialiste appuiera et votera cette résolution.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Monsieur le président, vous pensez bien que le groupe démocrate-chrétien est particulièrement attentif à cette résolution puisque M. Luc Barthassat a déposé il y a plus d'une année une intervention à Berne, cela a été relevé. Oui, elle n'a pas été acceptée, mais le travail est de nouveau mis sur le métier et nous avons bon espoir que, avec l'aide de tous les autres partis, il y ait une nette avancée.
La législation suisse actuelle comporte certes des dispositions en lien avec la prostitution des mineurs, mais sans la régler toutefois, puisque celle-ci est permise dès 16 ans, à condition qu'il n'y ait pas d'exploitation par un tiers de la détresse de la personne qui pratique la prostitution. Or comment peut-on imaginer un instant qu'un ou une mineure de 16 à 18 ans ne soit pas dans une situation de détresse - qu'elle soit financière, psychologique ou morale ? Comment peut-on ne pas voir qu'inévitablement, cette personne mineure tombera sous l'emprise de quelqu'un qui pourrait l'exploiter ? Alors tout ce qui peut être fait doit être fait pour lutter contre cette hypocrisie - et il y en a dans nos lois, Monsieur le président ! Nous devons donc continuer à lutter et à être les plus nombreux possible à dénoncer cette injustice et l'inacceptable dans notre législation. Bien sûr, nous soutiendrons donc cette résolution.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons progressé dans ce canton de manière notable avec le vote de la loi sur la prostitution il y a quelques semaines. Nous avons dans ce parlement également beaucoup débattu de notre fonctionnement tout à l'heure. En faisant un rapprochement entre ces deux débats qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, je ne peux m'empêcher de penser que l'un des moyens d'accélérer le fonctionnement de notre parlement, ce serait de ne pas voter par je ne sais quel coup de sang l'urgence sur des résolutions qui ne servent à rien du tout, si ce n'est à finir dans la poubelle du Parlement fédéral parce qu'il s'agit de sujets qui n'ont aucun caractère urgent !
Le problème posé par cette résolution de l'UDC, que l'on remercie de se pencher soudain avec un intérêt considérable et détaillé sur la question de la prostitution, est évidemment un problème réel. La prostitution des mineurs est un événement et un problème détestables, ça ne fait pas l'ombre d'un pli. En effet, la majorité sexuelle pénale est fixée à 16 ans dans ce pays, et la majorité civile à 18 ans. Mais bien entendu, ce qui se produit dans des situations absolument normales et paraît par conséquent le fruit de l'évolution normale des individus à qui l'on fait confiance ne peut pas s'appliquer purement et simplement à l'activité de la prostitution, Mme von Arx-Vernon l'a rappelé.
Il n'en demeure pas moins que la solution qui est proposée ici n'est pas nécessairement la meilleure et c'est probablement la raison pour laquelle elle n'a pas été adoptée d'entrée de cause par les Chambres fédérales. D'abord, parce que c'est une solution pénale, une solution de criminalisation. Est-ce que nous voulons dans notre pays, comme aux Etats-Unis, voir des patrouilles policières arrêter les clients des prostituées à tout bout de champ ? Est-ce qu'on a envie d'avoir une forme d'Etat policier autour de l'activité de la prostitution ? Est-ce qu'on pense qu'on peut, grâce au fait d'édicter une norme pénale supplémentaire, résoudre un comportement de ce type ? Je n'en suis pas certain. J'en suis d'autant moins sûr qu'ici, la seule solution probablement réaliste serait de criminaliser la personne qui s'adonne à la prostitution et pas seulement celui qui recourt à ses services ! Sans quoi, on risque en effet de provoquer une chasse aux clients au lieu de résoudre le problème en tant que tel !
Le deuxième problème, Mesdames et Messieurs, vous l'avez compris, c'est celui de l'infantilisation. Que voulons-nous véritablement, alors même que dans un certain nombre de parlements cantonaux on parle d'accorder le droit de vote aux mineurs à partir de 16 ans ? Avec une évolution dans ce sens, est-ce qu'on veut véritablement créer des carcans pénaux à tout bout de champ autour de personnes à qui, par ailleurs, on fait de plus en plus confiance ?
Tout cela fait que ce texte est malvenu; c'est un texte de circonstance, inspiré par le vote d'une loi qui, en tant que telle, est une bonne loi mais, comme cela a été dit tout à l'heure, la prostitution des mineurs est un phénomène détestable et le groupe libéral ne s'opposera pas à ce que ce texte soit renvoyé aux autorités fédérales.
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, je voulais juste ajouter que nous proposons cette résolution parce qu'il ne sert à rien d'avoir une loi cantonale qui interdit cette prostitution, alors que nous sommes à moins de vingt minutes en train ou même en vélomoteur d'un autre canton. Si les autres cantons n'interdisent pas aussi cette prostitution, cette loi n'a aucun sens.
C'est pour ça que je vous remercie de renvoyer directement cette résolution au Conseil fédéral pour maintenir la pression, comme je l'ai dit tout à l'heure, et pour que le Conseil fédéral statue une fois pour toutes sur cette problématique.
M. Frédéric Hohl (R). On l'a dit tout à l'heure, la loi cantonale a été votée et on a largement débattu de ce sujet. On remercie l'UDC d'avoir fait cette résolution qui ne sert pas à grand-chose. Evidemment, nous allons la voter et on l'enverra à Berne où ils n'attendent pas cette résolution pour travailler, je peux vous l'assurer, puisque le sujet est inscrit au programme de la prochaine session, en mars. Nous voterons donc la proposition de résolution, même si elle ne sert pas à grand-chose.
M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde est d'accord que la prostitution est quelque chose de détestable, tout particulièrement lorsqu'elle est pratiquée par des personnes mineures. Autre est la question lorsque la prostitution est pratiquée par des personnes adultes et consentantes. Evidemment, il est toujours difficile de savoir où s'arrête le consentement et où commence l'exploitation.
Nous sommes tous ici unanimement convaincus qu'il y a quelque chose à faire pour les jeunes de 16 à 18 ans qui, pour des raisons financières, peuvent être entraînés dans des réseaux de prostitution. Le problème est de savoir si nous pouvons par le biais d'une résolution comme celle qui nous est présentée par l'UDC amener l'Assemblée fédérale à un résultat constructif.
Je rappelle que cette résolution vise à punir le client, comme le disait le député Jornot, puisque ce sont les personnes qui recourent à des prostituées âgées entre 16 et 18 ans qui sont visées. Alors, fort heureusement, je ne fais pas partie de la clientèle en question, mais j'imagine volontiers qu'il est pour le moins difficile pour un client de déterminer si la personne à laquelle il s'adresse a 17 ans ou 18 ans et demi. Cela voudrait dire que tout client d'une prostituée devrait d'abord lui demander de présenter sa carte d'identité pour s'assurer qu'elle a effectivement plus de 18 ans. C'est en fait le but de cette résolution.
Vous imaginez aisément les difficultés pratiques que pourrait avoir une telle disposition si on voulait l'amener jusqu'à son but final, c'est-à-dire la mettre en bonne place dans notre code pénal, sachant - et vous le savez aussi bien que moi - que le doute profite toujours à l'accusé. Et le client aurait beau jeu de se défendre, sachant que les personnes qui s'adonnent à la prostitution essaient généralement d'être plus aguichantes que n'importe quelle autre personne dans la rue et peuvent souvent sembler avoir un âge supérieur à celui qui est réellement le leur. Nous aboutirions donc très facilement à des acquittements.
Il faut donc être efficace et ne pas succomber à ce que M. Jornot appelait des élans de coeur. Il y a effectivement un travail de fond à faire au niveau de l'Assemblée fédérale; nous avons un article 195 dans le code pénal qui réprime celui qui aura poussé une personne mineure à la prostitution. Comme on l'a dit, la majorité n'est pas la même sur le plan civil et sur le plan pénal puisqu'elle est fixée à 16 ans au niveau pénal, sexuellement parlant, contre une majorité civile à 18 ans. C'est donc à ce niveau-là qu'il faut agir, au niveau de ceux qui profitent de la dépendance de jeunes qui, à un moment de leur existence, succombent, par faiblesse peut-être, à l'appât d'un gain facile.
Nous sommes d'avis qu'il faut faire quelque chose, mais qu'il faut le faire avec recul, avec concertation. C'est la raison pour laquelle le MCG proposera un renvoi en commission.
Le président. On se disait justement qu'il n'y avait pas eu de demande de renvoi en commission, mais vous venez d'y remédier ! Dans quelle commission, Monsieur Poggia ?
M. Mauro Poggia. La commission judiciaire et de la police !
Le président. Très bien. La parole est à Mme Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je serai rapide. Cette résolution aborde l'aspect répressif. J'aimerais ici apporter un autre élément par rapport au phénomène de la prostitution. Actuellement, des nouvelles formes de prostitution se développent, à savoir la prostitution des jeunes, justement, qui a pour but la consommation, sujet que nous venons d'aborder à un point précédent de l'ordre du jour.
Par rapport au phénomène de la prostitution, et en particulier de la prostitution des jeunes, on peut espérer qu'aux Chambres fédérales le débat sera plus large que le seul débat répressif. Il y a effectivement des problèmes de fond, des problèmes de société, des problèmes liés à l'attrait de la consommation, attrait irrépressible pour certaines personnes, femmes ou hommes. Des études et des réflexions doivent aussi être menées à ce niveau-là.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est encore demandée par M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Je m'exprimerai rapidement sur la demande de renvoi en commission. Personnellement, je ne vois pas vraiment où le groupe MCG veut en venir. Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'important est de battre le fer tant qu'il est chaud, de ne pas perdre de temps à noyer cette résolution par un passage en commission pendant plusieurs mois. C'est pour cela que je vous demande - vous en jugerez - de refuser ce renvoi en commission et d'adopter cette résolution, afin qu'elle soit transmise le plus vite possible aux Chambres fédérales.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 601 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 71 non contre 12 oui.
Mise aux voix, la résolution 601 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 82 oui (unanimité des votants).
Débat
Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le lobby européen des transporteurs routiers fait pression depuis quelques années pour l'introduction de camions de 60 tonnes sur les routes. Il s'agit de monstres de la route, puisqu'ils mesurent pas moins de 25 mètres de long ! Depuis 2007, l'Union européenne a autorisé la circulation de ces véhicules à l'essai. Or il se trouve que le peuple suisse a voté clairement en 1994 pour un transfert de la route au rail - transfert qui est d'ailleurs encore loin d'être réalisé. L'arrivée de ces «gigaliners» serait incompatible avec le trafic combiné, puisqu'on ne peut pas mettre leur chargement sur des trains, et ce serait une véritable catastrophe écologique pour notre petit pays qui se trouve à la croisée des routes commerciales, au coeur de l'Europe, et cela alors que nous avons déjà investi des milliards pour les transversales alpines ! De plus, ces véhicules sont très polluants et également très dangereux pour les autres usagers de la route.
Enfin, l'arrivée de ces monstres de la route entraînerait des dépenses importantes pour l'adaptation des infrastructures, l'élargissement des routes et des giratoires notamment, mais également pour l'entretien desdites infrastructures.
Pour le moment, le Conseil fédéral est contre l'introduction des 60 tonnes en Suisse. Il a d'ailleurs répondu positivement à l'interpellation du groupe libéral-radical intitulée «Pas de mastodontes sur les routes suisses». Cela dit, après l'Allemagne, c'est maintenant la France qui va faire un essai avec ces véhicules. Il s'agit donc non pas seulement de dire que nous sommes contre au niveau suisse, mais également d'intervenir auprès de l'Union européenne pour qu'elle renonce à l'expérimentation de ces véhicules.
En Suisse, la résistance s'organise, puisqu'une pétition munie de 30 000 signatures a été déposée en juin auprès des Chambres fédérales. Quinze parlements cantonaux sont en train d'étudier des résolutions semblables à celle que nous vous proposons ce soir et plusieurs cantons ont déjà envoyé à Berne des initiatives cantonales: les cantons du Tessin, de Berne ainsi que celui de Lucerne.
Je vous remercie donc de prendre part à cette démarche solidaire, notamment avec les cantons alpins qui subiraient le plus les nuisances liées à ce trafic, en acceptant cette résolution et en la renvoyant au Conseil fédéral et aux Chambres fédérales. (Applaudissements.)
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je pense que notre parlement doit donner un signal fort aux autorités fédérales afin que le Conseil fédéral et les Chambres fédérales envoient également un signal fort à l'Union européenne que nous n'avons pas du tout le désir de recevoir ces 60 tonnes sur notre réseau routier.
La Suisse a énormément investi - à coups de milliards - pour le ferroutage. Accepter ces 60 tonnes sur notre réseau routier serait totalement contraire à notre politique en matière de transports.
A ce propos, je précise encore qu'accepter les 60 tonnes reviendrait aussi à refuser de protéger nos transporteurs qui ont déjà beaucoup de peine à s'aligner sur les 40 tonnes pour des questions de coûts. Avec des 60 tonnes en circulation, la concurrence serait vraiment trop dure et préjudiciable à nos transporteurs.
D'autre part, les 60 tonnes ne sont pas compatibles avec nos infrastructures routières. Pour prendre un exemple simple, le pont de la Versoix supporte un poids maximum de 100 tonnes. Imaginez deux de ces méga-camions qui se croiseraient sur ce pont. Ils causeraient des dommages peut-être considérables à cette infrastructure. Autre exemple, le pont du Mont-Blanc supporte 40 tonnes au maximum. Notre réseau routier ne peut donc pas supporter de tels véhicules, à moins que les infrastructures ne soient consolidées, à un prix véritablement trop élevé par rapport à tout ce qu'on a investi pour le transfert de la route au rail et inversement.
Notre groupe a participé à cette résolution, plusieurs d'entre nous l'ont soutenue et signée. Nous vous encourageons vivement à en faire autant en votant cette résolution pour donner un signal fort et montrer que nous ne voulons pas de 60 tonnes sur notre réseau routier.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Mesdames et Messieurs les députés, les médecins parlent d'une épidémie de surpoids. Une épidémie qui est donc un danger pour la santé, une épidémie qui induit des accidents cardio-circulatoires par obstruction du réseau veineux. On dénonce également les dangers pour l'environnement: un poids plus important demande plus d'énergie pour les déplacements et plus d'émissions polluantes entraînent des problèmes respiratoires.
Sont aussi dénoncés les problèmes économiques puisqu'il faut adapter les infrastructures qui se révèlent trop petites: il faut élargir portes et voies d'accès. L'obésité est donc un problème actuel que nous devons combattre, c'est un problème de santé publique.
Faisons donc de la prévention et, à défaut de renvoyer cette résolution à la commission de la santé, prévenons l'obésité des camions sur nos routes en acceptant cette résolution pour empêcher l'arrivée des 60 tonnes en Suisse ! (Applaudissements.)
M. Jacques Jeannerat (R). Non, les camions de 60 tonnes ne sont pas tous des monstres. Il y en a qui ressemblent furieusement à des 40 tonnes ! Il suffit simplement que la densité sur le pont du camion soit différente. De plus, de façon toute simple, c'est une règle de pure arithmétique: s'il y a des camions de 60 tonnes, il y aura moins de camions de 40 tonnes circulant sur les routes. Donc la pollution totale générée ne sera pas forcément supérieure.
Par ailleurs, il s'agit de véhicules neufs, avec de nouveaux moteurs. Les nouvelles technologies sont souvent employées pour ces camions.
Nous sommes dans un parlement où l'on fait un travail sérieux et cette question est tout à fait sérieuse ! Je veux bien entrer en matière et discuter les arguments des Verts et des socialistes, mais je pense que cette question doit d'abord être étudiée par la commission des transports et il y a des auditions à mener. M. Golay disait que nos routes ne supporteraient pas le passage des 60 tonnes. J'aimerais bien qu'on auditionne l'Office fédéral des routes; je souhaiterais aussi auditionner les transporteurs sur cette question-là. Je demande donc le renvoi à la commission des transports.
Ensuite, je trouve quand même intéressant de voir que, dans ce parlement, on entend toujours des discours pro-européens, mais quand il s'agit d'être un peu plus concret, on n'est soudainement plus du tout pro-européen ! (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a rien à renvoyer à la commission des transports: la réponse est non ! A moins que l'Union européenne, dans sa globalité, ne fasse un essai pour rouler à gauche. Qu'elle fasse rouler à gauche les voitures pendant un mois ! Si ça marche bien, on pourrait ensuite essayer avec les camions. Dans ces conditions, peut-être... Non, soyons sérieux !
La Suisse est au centre de l'Europe ! Mesdames et Messieurs les libéraux et les radicaux - je n'ai pas encore entendu le PDC - vous êtes en train de nous dire que, puisque la Suisse est au centre de l'Europe, il faut accepter les 60 tonnes. Comme ça, on en aura dans tous les sens, parce que la Suisse est vraiment dans l'axe nord-sud. On a investi des milliards dans le rail, comme l'a très bien dit un député des Verts. Ce n'est donc pas pour aujourd'hui faire marche arrière et accepter les 60 tonnes ! Vous qui prônez des aides pour les PME, pourquoi n'allez-vous pas discuter avec les petits transporteurs ? Vous savez, ceux qui doivent payer des salaires suisses, alors qu'il y a des chauffeurs qui viennent de Pologne et travaillent pour 150 euros par mois en faisant des journées de travail de douze heures ! Maintenant, vous voudriez leur ajouter cette concurrence supplémentaire avec les 60 tonnes ? Finalement, Mesdames et Messieurs les libéraux et les radicaux, vous ne voulez pas défendre les PME, vous êtes là pour les «suicider» ! C'est ce que vous êtes en train de faire. Trouvez-moi un transporteur en Suisse qui voudra des 60 tonnes: ils sont déjà tous endettés jusqu'au plafond !
Vous allez accepter cette concurrence et, demain, que ferez-vous ? Leur demander de racheter des camions ? Ils ne pourront de toute façon pas lutter avec les salaires payés dans les pays de l'Est, car ces camions font du transport de France en Suisse, de Suisse en Suisse et j'en passe !
Votre position n'est pas très cohérente, Monsieur le député Jeannerat. Mais il est vrai que vous n'êtes pas du tout dans l'industrie. Je ne crois même pas que vous dirigiez la chambre de commerce immobilière... (Rires.) Ah ! La Chambre de commerce et d'industrie ! Soyons sérieux, Monsieur le député directeur de la Chambre de commerce et d'industrie, vous ne pouvez pas imposer des 60 tonnes à ces PME !
Le président. Monsieur le député, vous devez vous adresser à la présidence !
M. Eric Stauffer. Alors, Monsieur le président, vous transmettrez à votre collègue de l'Entente qu'il n'est pas normal et respectueux d'ajouter encore une charge supplémentaire aux PME genevoises.
A double titre, le MCG refusera et le renvoi en commission et les 60 tonnes. Il acceptera donc ce texte, parce que nous sommes pour les PME en Suisse et contre une augmentation de la masse des camions pour le transport.
La situation est claire. Aujourd'hui, nous sommes 17 députés, je pense qu'une majorité se dégagera et je vous en remercie. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Aujourd'hui 60 tonnes, demain 80 et ensuite ? On peut aller loin comme ça ! Soyons sérieux, nos routes ne sont tout simplement pas adaptées pour ces camions. Ne cédons pas au diktat de Bruxelles et à ses demandes farfelues. C'est pour ça que nous refuserons le renvoi en commission et que nous accepterons bien évidemment cette résolution.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que M. Stauffer préfère se donner en spectacle en plénière plutôt que de faire un travail de fond en commission. Or ce sujet mérite effectivement d'être étudié plus avant. Je crois que nous, démocrates-chrétiens, sommes conscients de l'importance de transférer le trafic routier sur le rail autant que faire se peut. Il est vrai que nous avons énormément investi pour les transversales alpines, lesquelles ne sont pas encore opérationnelles aujourd'hui. Il s'agit de voir comment, dans une phase transitoire, ce genre de véhicule pourrait être toléré à l'essai. Cela mérite une discussion et une réflexion.
Je vous rappelle aussi que nous sommes partie à des accords bilatéraux. Cette question a des implications aussi dans le cadre de ces accords. Pour toutes ces raisons, nous soutenons la demande de renvoi en commission du groupe radical et pensons que ce sujet mérite d'être approfondi en commission.
M. Alain Meylan (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce problème doit être considéré avec plusieurs points de vue. Ce qui a été dit au sujet des inconvénients est vrai. Le coût de modification des infrastructures serait probablement important, notamment en ce qui concerne les ponts, structures portantes et autres grands éléments qui constituent notre réseau routier. Il est vrai aussi que les aménagements des carrefours devraient être revus.
Cela n'a pas encore été mentionné, mais en étant objectif dans l'analyse, on peut relever aussi que ces gros camions chauffent plus et l'on peut nourrir quelques craintes au sujet de la puissance thermique supérieure de ces camions quand ils circulent dans les tunnels.
C'est vrai, il y a ces inconvénients, ils sont indéniables. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut se limiter à une pensée unique et ne pas réfléchir aux avantages, du point de vue de l'efficacité et de l'optimisation énergétique. Il est quand même intéressant de savoir qu'un camion de 60 tonnes consomme moins qu'un camion de 40 tonnes actuel. La technologie actuelle de ces camions fait donc qu'on transporte le double de marchandises pour une consommation énergétique moindre. Est-il totalement absurde de vouloir réfléchir et vérifier la réalité des coûts externes moindres sur le plan environnemental ? Certains dans ce parlement parlent souvent d'écobilans en se posant la question du coût environnemental.
Moins de consommation énergétique, plus d'efficacité pour les entreprises et des chauffeurs forcément mieux formés, mieux orientés dans leur responsabilité par rapport à la conduite de ces camions. Vous voyez qu'on n'est pas nécessairement dans une pensée unique sur ces gros engins, qui peuvent faire un peu peur mais ne sont pas forcément dépourvus d'avantages dans leur utilisation.
Nous voyons aussi qu'on pourrait imaginer installer certains tronçons tests pour voir, sur certains tracés bien définis - naturellement pas au travers des Alpes. On a parlé tout à l'heure de faire une loi expérimentale. Pourquoi ne pas faire un tronçon expérimental pour ces camions ?
On peut se trouver dans une difficulté en réfléchissant à la question de savoir si c'est bien ou si ce n'est pas bien. Pour faire un peu d'humour, je rappelle que, dans le discours de Saint-Pierre, on proposait d'affecter des trams au transport professionnel. Un tram pesant entre 50 et 60 tonnes, on pourrait envisager de mettre les «gigaliners» sur les trams de Genève pour voir s'il est possible de gérer le transport de marchandises à Genève !
Trêve de plaisanteries, le groupe libéral, face à cette analyse, ne s'opposera pas au renvoi de cette résolution au Conseil fédéral, mais je crois qu'il ne faut quand même pas se limiter à une pensée unique, mais avoir aussi une pensée positive par rapport à ces «gigaliners». Laissons donc le parlement en discuter. Laissons éventuellement le parlement national trouver des solutions avec, pourquoi pas, des phases de test par rapport à ce développement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je laisse la parole à Mme Flamand qui a encore quelques minutes, parce qu'elle peut s'exprimer tant comme auteure que comme membre de son parti.
Mme Emilie Flamand (Ve). Merci, Monsieur le président. Par rapport au renvoi en commission qui a été proposé, nous nous y opposons puisque la situation est tout de même urgente. Les autres cantons sont tous en train de renvoyer leurs initiatives, il serait donc dommage d'arriver comme la grêle après les vendanges, si vous me passez l'expression.
Puis, une petite boutade à l'attention de nos collègues libéraux et radicaux. On parle souvent de l'intelligence du nombre, et c'est vrai qu'au niveau fédéral, où les groupes libéraux et radicaux ont déjà fusionné, ce sont eux-mêmes qui ont déposé le 18 septembre 2008 une interpellation intitulée «Pas de mastodontes sur les routes suisses». A Berne, ils s'opposent donc aux «gigaliners» ! (Applaudissements.) Ici, au niveau cantonal, on constate que c'est plutôt le dogmatisme qui prédomine, alors vivement une fusion ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi à la commission des transports.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 592 à la commission des transports est rejeté par 55 non contre 21 oui et 3 abstentions.
Mise aux voix, la résolution 592 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat et à l'Assemblée fédérale par 76 oui contre 3 non et 12 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
M. Pierre Weiss (L). Je voudrais juste donner une information. Les Chambres fédérales ont déjà traité cette résolution en 2008, d'ailleurs à la demande du groupe libéral-radical. Le Conseil fédéral a répondu qu'il n'entendait pas autoriser les «gigaliners». Nous avons donc fait un excellent renvoi en commission qui sera très utile pour la suite du débat sur le plan fédéral ! (Commentaires.)
Le président. Nous n'avons pas renvoyé ce texte en commission, mais directement à l'Assemblée fédérale qui prendra acte !
M. Pierre Weiss. C'est inutile. Inutile !
Le président. Nous passons au point suivant.
Débat
Le président. Nous sommes en catégorie II: trente minutes. La parole ne semble pas être demandée. M. Zbinden, qui est l'auteur de cette résolution, ne souhaite pas s'exprimer... (Commentaires.) Si, il souhaite s'exprimer !
M. Hugo Zbinden (Ve). Je pense qu'il faudrait renvoyer cette proposition de résolution sans en débattre à la commission de l'énergie, qui veut la traiter en même temps qu'un objet qui parle un peu de la même chose.
Le président. Très bien. La parole n'étant plus demandée, je vais vous faire voter le renvoi en commission de cette proposition de résolution 569.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 569 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 81 oui et 2 abstentions.
Suite du premier débat
Le président. Nous sommes arrivés au terme de nos urgences. Nous reprenons donc le débat sur le PL 10373-A là où nous l'avions laissé. Je passe la parole à M. Bertinat.
M. Eric Bertinat (UDC). Je voudrais dans un premier temps relever la qualité des textes qui nous ont été soumis. Ce sujet a été débattu il y a plus d'une année et j'ai eu beaucoup d'intérêt à relire ce qui avait été dit d'un côté et de l'autre. Je rappellerai - il est toujours bon de le faire - qu'en 2006 le peuple avait largement plébiscité la nouvelle loi sur l'asile. Je rappellerai en outre que les NEM - les candidats à l'asile dont la demande fait l'objet d'une non-entrée en matière - ainsi que les déboutés doivent quitter la Suisse. Et les accords de Schengen, enfin, devraient nous assurer que les demandeurs d'asile ne puissent plus que transiter par les aéroports. Ainsi, on devrait voir diminuer sensiblement, si ce n'est davantage, le nombre de requérants d'asile.
Alors, à la lumière de tout cela, la demande des socialistes est quand même assez curieuse, puisqu'elle concerne d'une part une petite quantité de personnes. D'un autre côté, on nous présente cette problématique sous un seul aspect. C'est-à-dire que les requérants d'asile auraient beaucoup de peine à vivre leur situation alors que, dans le fond, la Suisse - ou plutôt Genève - assiste à un trafic incroyable difficile à cadrer. On le voit dans tous les centres où ils transitent: on a toutes les peines du monde à savoir qui est là le soir, qui passe et qui part. On mélange requérants d'asile et clandestins et, finalement, on ne sait plus trop à qui on s'adresse ! Tout ce qu'il en reste, c'est que cette fameuse aide d'urgence existe, et c'est finalement le minimum que l'on peut accorder dans des situations pareilles.
Quelques remarques sur les demandes de ce projet de loi, comme celle de pouvoir les autoriser à travailler. Là aussi, j'ai quelques problèmes à suivre les socialistes. Parce que, finalement, si d'aventure on devait les autoriser à travailler, leurs revenus seraient toujours moindres que ceux que pourraient obtenir en tout cas une bonne partie d'entre eux qui se livrent au trafic de la drogue.
Que l'on garde l'aide d'urgence existante ou qu'on l'augmente un petit peu, on s'aperçoit que la situation existante et qui est réelle, ici à Genève, est extrêmement difficile à régler, et cette offre minimale faite à ces personnes répond finalement à la situation telle qu'elle est.
Enfin, je voudrais terminer en remerciant celles et ceux qui oeuvrent dans ces centres. On a vu lors de nos visites aux Tattes et au foyer du Lagnon que la situation est extrêmement difficile du fait de ce grand trafic, et que les employés se donnent beaucoup de peine. Il faudrait peut-être les en remercier de temps en temps, et c'est ce que je tenais à faire aujourd'hui.
Une voix. Bravo Eric !
M. Charles Selleger (R). Monsieur le président, un point essentiel de ce projet de loi consiste à modifier la prestation pour nourriture des cas frappés de non-entrée en matière, en remplaçant par une prestation en espèces - donc une somme d'argent - l'aide en nature que sont les repas servis dans les centres comme le Lagnon ou les Tattes.
On constate toutefois que sur 105 cas de NEM, seules 20 personnes prennent leurs repas dans ces centres. Que font les autres pendant ce temps-là ? Font-ils la grève de la faim ? Certainement pas, cela se saurait ! Non, ils se baladent à l'extérieur et trouvent bien le moyen de se nourrir, ils gagnent donc de quoi s'alimenter par des activités non déclarées et plus ou moins illicites. Donner de l'argent quotidiennement au comptant à ces personnes ne couvre donc aucune nécessité d'aide d'urgence. Cela ne leur fera certainement pas abandonner la pratique de leurs activités et entraînera un surcoût inutile pour les finances de l'Etat.
Ce projet de loi traduit en fait la sensibilité émotionnelle de ses auteurs, mais les personnes concernées, les NEM, s'en moquent certainement éperdument ! Il convient donc de rejeter ce projet de loi et c'est ce que fera le groupe radical, en vous engageant à faire de même.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il faut peut-être revoir deux ou trois choses qui, pour nous, sont importantes ! D'abord, ce projet de loi doit se faire dans le respect du droit fédéral, il ne s'agit pas de changer les réglementations fédérales.
La deuxième chose qui est importante pour nous et qui parle de notre humanité à nous, c'est de savoir comment nous traitons les personnes les plus faibles dans ce canton. C'est notre dignité à nous qui est en cause.
La manière dont on traite aujourd'hui les NEM, les personnes frappées de non-entrée en matière, pourrait être celle qui s'appliquera aux personnes qui sont dans les situations les plus fragiles. On a bien vu les dégradations des conditions de vie dans lesquelles pourront se retrouver des personnes en situation de grande précarité, les personnes frappées par le chômage ou concernées par d'autres types de problèmes, comme les personnes en situation de handicap.
Aujourd'hui, on condamne certaines personnes à l'oisiveté. On a une certaine manière de voir comment elles doivent vivre ici, et nous regrettons de constater que cela se passe de cette façon, parce que nous sommes effectivement en train de créer une situation criminogène. Nous sommes, nous, les Verts, fermement favorables à ce que les délinquants soient envoyés en prison, mais nous ne sommes pas pour en fabriquer des nouveaux ! Nous pensons que les conditions de vie en dessous de la dignité humaine font que les gens se tournent vers des activités plus ou moins légales, voire franchement illégales, comme vous le disiez, et ça nous ne le tolérerons pas. Nous préférons avoir des personnes qui sont ici et exercent des activités qui leur permettent de vivre dignement, de manger des aliments qui leur font plaisir, sans qu'elles soient obligées de trafiquer ou de faire d'autres choses pour se procurer l'argent dont elles ont besoin pour simplement pouvoir s'alimenter. (Applaudissements.)
M. Antoine Droin (S). Mesdames et Messieurs les députés, qui peut le plus peut le moins ! J'aimerais rappeler ici qu'en fait un tiers de l'humanité vit sur le dos des deux autres tiers de l'humanité. Un tiers de l'humanité est plus riche et peut aussi penser aux deux tiers qui sont dans des situations très délicates, que ce soit au niveau économique, politique ou environnemental. Cela entraîne un certain nombre de migrations obligatoires pour des personnes qui ne peuvent plus rester dans leur environnement, dans leur famille et dans leur milieu culturel.
La Suisse est l'un des pays les plus riches du monde. On peut très bien partager ! Qui peut le plus peut le moins, et il ne faut pas se moquer de la pauvreté humaine. Quand on a plus, on doit pouvoir partager !
Il faut se rappeler que migrer constitue un déracinement. Migrer, c'est se retrouver dans des conditions précaires. Migrer, c'est se séparer de sa famille. Migrer, c'est ne pas pouvoir donner des bases sûres à ses enfants pour l'avenir. Vivre de la charité, vivre dans des conditions très précaires ici en Suisse après avoir quitté son pays est quelquefois insupportable à vivre, car il est insupportable de rester ainsi dans l'oisiveté et de vivre de la mendicité. Je rappellerai aussi que nous avons une loi qui n'est tout simplement pas appliquée. Il s'agit de la loi sur l'octroi de 0,7% du revenu national brut à l'aide publique au développement. Pourtant, cette aide permet entre autres de travailler en amont des migrations et de faire en sorte qu'un certain nombre de peuples puissent améliorer leurs conditions de vie et leur environnement sur le plan économique, social, culturel, etc. Dans cet esprit-là, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est largement utile de voter ce projet de loi, d'aller dans le sens de la générosité et de partager un peu de ce que nous avons.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, vous transmettrez au député Bavarel que je ne peux pas laisser dire que la Suisse n'offre pas des conditions dignes à ceux qui y viennent !
Le président. Il vous reste une minute, je vous le rappelle !
M. Eric Stauffer. Ces paroles ne sont pas acceptables. Soyons très clairs, ce qu'a dit le député Droin est juste: nous, les pays riches, affichons une certaine arrogance vis-à-vis des populations les plus pauvres ! Mais nous ne parlons pas de ça: nous parlons de gens qui sont hors-la-loi, qui mentent en arrivant ici dans le but de pouvoir s'y intégrer ! Alors, si je reprends votre modèle de société, Monsieur Droin, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il n'y a plus de règles établies, ça veut dire que tout le monde peut venir ici et après c'est l'anarchie. Est-ce le modèle de société que vous voulez ? Il faut des règles et il faut savoir les respecter ! Partant de ce principe, là où je vous appuie, c'est qu'il appartient à la Confédération suisse et plus largement à l'Europe d'investir dans ces pays et de faire en sorte que ces investissements ne profitent pas à la corruption pour que des ministres de pacotille s'achètent la dernière Mercedes à 500 000 dollars, alors que leurs populations meurent de faim ! Vous parlez des 0,7%, Monsieur. C'est une bonne chose, Monsieur, mais, excusez-moi, ça me fait péter les plombs de voir qu'on investit une partie de ces 0,7% au Venezuela qui est le troisième pays producteur de pétrole au monde ! C'est l'un des pays les plus riches du monde et nous allons encore subventionner des associations au Venezuela ! Ça, c'est scandaleux et c'est là-dessus qu'il vous faut vous battre !
Le président. Il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. Je conclus. Plus concrètement, il faudrait vous occuper des résidents genevois qui, eux, vivent dans la précarité et non pas des gens qui violent la loi pour venir chez nous !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Weiss... Non, je vais peut-être vous la donner en dernier.
M. Pierre Weiss. Oui, s'il vous plaît !
Le président. Je passe la parole à M. Deneys.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que j'ai été assez choqué d'entendre les propos de M. Selleger tout à l'heure, comme je suis assez choqué d'entendre les propos de M. Stauffer maintenant, même si ce n'est pas la première fois. En l'occurrence, Monsieur Stauffer, c'est vous qui êtes un menteur, parce que les NEM, les réfugiés et les personnes qui viennent en Suisse pour demander l'asile ne sont pas tous des tricheurs et des menteurs ! (Commentaires.) Non, Monsieur Stauffer, demander l'asile en Suisse aujourd'hui, c'est bien plus compliqué que cela.
Demander l'asile aujourd'hui en Suisse, c'est bien plus compliqué qu'il y a vingt ans, alors que la situation dans de nombreux pays du monde ne s'est pas améliorée ces vingt dernières années ! Aujourd'hui, nous avons des lois sur l'asile qui sont bien plus strictes qu'auparavant. Il y a des personnes qui fuient la misère et la précarité économique ou politique, et qui sont menacées dans leur pays. La Suisse n'estime pas pouvoir les accueillir, je le déplore, mais, en tout état de cause, ces personnes méritent respect et dignité ! La moindre des choses, c'est de les considérer en tant que personnes et de ne pas les catégoriser ou les mettre en vrac parmi les criminels. Considérez aussi les familles - Monsieur Selleger, c'est pour vous ! Il y a des personnes qui sont là en famille, avec des enfants en bas âge, qui suivent la scolarité obligatoire à Genève. Ces familles vivent dans des conditions de précarité extrêmes qui sont véritablement choquantes dans notre société.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à accepter ce projet de loi, parce qu'il est particulièrement scandaleux de laisser vivre des gens dans des situations pareilles alors qu'il s'agit vraiment de mettre un minimum à leur disposition. Il ne s'agit pas de leur verser des fortunes, mais simplement de leur permettre de vivre au quotidien sans requérir la charité ou justement sombrer dans la criminalité. Parce que c'est l'effet indirect de la politique restrictive - menée notamment par l'UDC - que de pousser toutes les personnes précaires dans la criminalité ! Alors, Mesdames et Messieurs, par décence humaine, simplement, je vous invite à accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Madame et Monsieur les rapporteurs, vous avez déjà épuisé vos sept minutes de temps de parole. Seule Mme Captyn a encore droit à deux minutes, si elle souhaite les utiliser... Pardon, en fait vous avez encore droit à quatre minutes ! Je vous donne la parole.
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vu l'état du débat, au nom des Verts et de la minorité socialiste, je souhaiterais demander le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales, notamment au vu d'un fait nouveau qui est le projet de modification de la loi sur l'asile et de la loi fédérale sur les étrangers. Il y a en ce moment même une consultation des cantons qui est en cours, comme l'a précisé Mme Emery-Torracinta. Je vous propose donc de renvoyer ce projet de loi en commission pour approfondir et faire aboutir la discussion.
Le président. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. Je laisserai les deux rapporteurs s'exprimer brièvement sur le renvoi en commission et nous passerons au vote.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Voyez à quoi on en est réduit pour essayer de prendre la parole dans ce parlement ! Je ferai quelques remarques par rapport à ce qui a été dit et qui justifient à mon sens le renvoi en commission. Lorsque nous avons travaillé - si j'ose employer le terme «travailler» - lorsque nous avons parlé de ce projet de loi, nous n'avons pas auditionné l'université et les HES qui étaient en train de mettre au point une étude sur le suivi des personnes en situation de NEM depuis 2004. Il y a des données qui sont extrêmement intéressantes et je trouve que cela vaudrait la peine que l'on puisse les entendre.
Deuxièmement, il a été dit ici qu'il n'est pas nécessaire de légiférer, notamment pour aussi peu de personnes. Mais j'aimerais rappeler que la loi, elle existe ! Nous proposons simplement de modifier la loi actuelle, de la modifier très légèrement, c'est-à-dire de lui donner une certaine souplesse pour tenir compte du terrain.
Vous savez que les prestations d'aide d'urgence sont établies en fonction de l'article 12 de la Constitution fédérale. Cet article nous dit ceci: «Quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.» J'aimerais vous parler d'un cas authentique, Mesdames et Messieurs les députés. Il s'agit d'une famille frappée d'une non-entrée en matière qui se trouve au centre des Tattes, avec six enfants dont un bébé. Trois des enfants sont en âge d'être scolarisés et vont donc à l'école dans notre canton, mais il y a aussi deux adolescents qui, parce qu'ils ont dépassé l'âge de la scolarité obligatoire, n'ont strictement rien à faire de leurs journées et sont donc désoeuvrés. Est-ce que vous croyez sincèrement que c'est conforme à la dignité humaine que de laisser ces jeunes dans la nature ? Non seulement ce n'est pas conforme à la dignité humaine mais, de surcroît, cela revient à créer une situation qui va pousser ces gens dans l'illégalité. Véritablement, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons renvoyer ce projet de loi en commission !
Dernière chose, M. Stauffer a commis beaucoup d'erreurs, beaucoup d'imprécisions dans ce qu'il a dit concernant le droit d'asile, notamment en indiquant que s'il y avait non-entrée en matière, c'est parce que les gens mentaient, qu'une étude sérieuse avait été faite par la Confédération à ce sujet, etc. Souvenez-vous qu'il y a quatorze raisons de non-entrée en matière. L'une d'elles, c'est tout simplement l'absence de papiers d'identité. On sait très bien que, dans certains pays, il n'est tout bonnement pas possible d'obtenir des papiers et qu'il y a des gens de toute bonne foi qui arrivent en Suisse sans avoir de papiers. En deux jours, on va leur dire: «Non-entrée en matière !», et ces gens vont rester. Et c'est bien pour ça que Mme Widmer-Schlumpf, qui n'est ni la première ni la dernière gauchiste de Suisse, propose une révision de la loi fédérale à ce niveau ! Je vous invite vraiment à étudier une fois sérieusement les choses en commission.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Je passe maintenant la parole à M. Weiss, rapporteur de majorité.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Je vais essayer de m'exprimer presque aussi brièvement que Mme Emery-Torracinta sur les raisons qui militent pour que l'on ne renvoie pas ce projet de loi en commission, et je la remercie au passage d'avoir réitéré son soutien à Mme Widmer-Schlumpf, qui en sera certainement ravie.
S'agissant du renvoi en commission, Mme Emery-Torracinta a rappelé dans sa motivation que certains pays ne distribuaient effectivement pas de passeports. C'est vrai, mais dans les quatorze raisons, il y a aussi le fait que certains requérants d'asile détruisent eux-mêmes leurs propres documents de voyage, y compris leur passeport, au moment où ils débarquent dans un aéroport à l'intérieur de l'espace Schengen-Dublin. Cela rend effectivement plus difficile l'identification du pays d'où ils viennent et, là, on observe parfois justement qu'il faut séparer le bon grain de l'ivraie. En résumé, s'il fallait aujourd'hui se prononcer, je dirais qu'il conviendrait de séparer le bon grain de l'ivraie. Mme Emery-Torracinta pense que le bon grain est prépondérant, d'autres sont d'avis que l'ivraie domine.
S'il s'agit de donner un signe favorable à l'augmentation de l'ivraie, il conviendrait d'accepter le renvoi en commission, voire d'accepter le projet de loi. S'il s'agit au contraire de faire en sorte que la proportion du bon grain domine, il convient de refuser ce projet de loi ainsi que le renvoi en commission. C'est une parabole biblique que nous propose Mme Emery-Torracinta, et je me situerai du côté du bon grain.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi à la commission des affaires sociales. Oui, Monsieur le rapporteur ?
M. Pierre Weiss. Les députés ont-ils été appelés à voter ?
Une voix. S'ils ne sont pas là, ils ne sont pas là !
Le président. Les députés ont été appelés, la sonnette a vibré.
M. Pierre Weiss. Vous êtes sûr qu'ils ont pu l'entendre ? (Huées.)
Une autre voix. Pierre, arrête ! (Brouhaha.)
Le président. Nous sommes donc en procédure de vote. (Brouhaha.)
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10373 à la commission des affaires sociales est rejeté par 51 non contre 38 oui.
Le président. Nous allons maintenant voter l'entrée en matière. Oui, Madame Emery-Torracinta ?
Mme Anne Emery-Torracinta. Je demande le vote nominal, s'il vous plaît !
Le président. Vous êtes soutenue ? Oui. Je passe au vote.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10373 est rejeté en premier débat par 58 non contre 31 oui.
Débat
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien est insatisfait de la réponse du Conseil d'Etat. Pourquoi ? Evidemment, je vois d'ici les arguments de certains: on ne peut pas opposer la misère et la précarité vécues par les Genevois à la précarité et à la misère vécues par les personnes étrangères frappées par une non-entrée en matière ! La grande majorité de ces dernières sont en réel danger en cas de retour dans leur pays. Ce ne sont donc pas des criminels, mais nous les rendons parfois criminels. Vous savez pourquoi ? Ces personnes sont d'abord bien souvent victimes de trafiquants d'êtres humains qui, comme passeurs, gagnent beaucoup d'argent sur le dos de ces personnes. Plus nous aurons, nous, un statut de pays privilégié, plus les pays du Sud exploiteront des personnes en grande précarité. Ça fait le jeu des passeurs, ça fait le jeu des mafias et nous, nous sommes au bout de la chaîne, l'endroit où les mafias et leurs trafiquants peuvent continuer à gagner beaucoup d'argent.
Le problème majeur dénoncé par notre modeste motion concerne donc les personnes frappées de non-entrée en matière qui ne sont pas renvoyables. On sait que certaines de ces personnes vont errer à Genève, pendant des années, comme des zombies. Elles vont être en situation de totale dépendance et précarité, et ce n'est pas avec 50 F par mois qu'elles ne seront pas incitées, qu'elles vont pouvoir résister aux tentations et aux trafics en tous genres qui leur sont proposés par les réseaux mafieux.
Alors ce que nous demandions, très simplement, c'est un dédommagement digne pour des activités d'intérêt général. Car, à nos yeux, 50 F par mois ne constituent pas un dédommagement digne !
On a donné l'exemple de la ville de Zurich, qui a réussi à faire baisser sa criminalité... Oui, c'était avec des requérants d'asile, mais qu'importe le statut des personnes ! On parle des personnes qui ne seront pas renvoyables. On ne peut pas faire comme si elles n'étaient pas là ! On ne peut pas faire comme si elles avaient été effacées d'un coup de gomme ! Ces personnes vont rester là et nous ne voulons pas qu'elles travaillent au noir, nous ne voulons pas qu'elles trafiquent, nous ne voulons pas qu'elles créent des problèmes et qu'elles contribuent à l'augmentation de la criminalité à Genève. Au départ, ces gens ne sont pas des criminels, ils le deviennent à cause de notre hypocrisie.
Ce que nous voulons, c'est éviter que ces personnes deviennent une fois de plus des victimes des réseaux de traite des êtres humains. Ces réseaux sont très contents quand nos lois permettent de tels espaces qui ont pour conséquence de faire de ces personnes des zombies. Nous ne sommes pas satisfaits, nous nous permettons de le dire au Conseil d'Etat et nous vous demandons de bien vouloir lui renvoyer ce rapport.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, on croit rêver ! Où sommes-nous ? Il y a quelques secondes, le PDC dans son ensemble a refusé un projet de loi qui demandait exactement la même chose que cette motion ! Je dois dire que j'ai vraiment du mal à comprendre l'attitude de certains partis dans ce parlement ! Bien entendu, Madame von Arx-Vernon, nous allons soutenir votre motion et votre demande de renvoi au Conseil d'Etat, mais je dois dire que je me pose un certain nombre de questions !
Deuxièmement, Mesdames et Messieurs les députés, quoi que vous pensiez du fond du sujet et de la question des personnes en situation de NEM, vous devez impérativement soutenir la proposition du PDC et renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat, parce que le gouvernement s'est assis sur une décision du parlement. Le printemps dernier, le parlement a voté à la majorité une demande d'augmentation de la rémunération des travaux d'utilité communautaire. Très clairement, quand on reprend le Mémorial, on voit que Mme von Arx-Vernon l'a dit à plusieurs reprises: 50 F ce n'est pas suffisant ! Il faut prendre l'exemple du canton de Zurich, où les jobs sont rémunérés 1000 F, etc.
Tout cela a été dit très clairement il y a quelques mois, mais le Conseil d'Etat s'est assis sur une décision du parlement. Si vous voulez simplement que nous soyons crédibles en tant que députés, vous devez accepter le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport ! (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Madame la députée Emery-Torracinta, vous m'avez ôté les mots de la bouche, j'allais faire la même remarque à nos collègues du PDC. Toutefois, on sait que le PDC, c'est un peu comme les coqs en haut des clochers. Monsieur le président, ce n'est pas vous qui allez me contredire...
Le président. Je transmettrai, ne vous inquiétez pas ! (Rires.)
M. Eric Stauffer. Ça tourne selon le vent, une fois à gauche, une fois à droite. Enfin, ce que je voulais dire sur ce rapport, c'est qu'il faut simplement en prendre acte. Notre parlement a renvoyé cette motion au Conseil d'Etat, qui avait légalement six mois pour nous rendre son rapport. Il l'a fait, on en prend acte et c'est tout ! Maintenant, à vous écouter, 50 F, ça ne paraît pas assez. Vous avez raison, donnons-leur 1000 F ! Mais on ne donnerait pas cela à quelqu'un de chez nous, donc il faut au moins accorder le minimum prévu par le département des affaires sociales. Pour une personne avec un enfant, c'est 4860 F, donc donnons-leur cette somme ! Il faut aussi scolariser les enfants... Faisons une annonce, que tout le monde vienne ici, parce qu'ici, on donne, on offre ! On donne des boulots, on scolarise les enfants ! Mais je vous le demande: êtes-vous prêts à partager votre domicile ? Parce qu'on aura un problème de logement, vous imaginez bien, s'ils viennent tous ici ! Etes-vous prêts à partager vos logements familiaux ?
Des voix. Oui !
M. Eric Stauffer. Mais alors, faites-le ! Faites une motion en ce sens ! Déposez une motion et vous verrez que le modèle de société que vous proposez va provoquer une anarchie totale. C'est pour cette raison que l'Europe a érigé des frontières, c'est pour cette raison que l'Europe a investi dans les pays en voie de développement, pour éviter ces flux migratoires. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mais ça, vous ne voulez pas le comprendre ! Mesdames et Messieurs les PDC, les Verts et les socialistes, on dirait que cette soirée est dédiée à tous les illégaux qui veulent venir en Suisse. On dirait qu'on a complètement oublié les résidents genevois qui, eux, vivent dans la précarité, n'arrivent plus à payer leurs factures, ne trouvent plus de travail, font l'objet de mesures cantonales et ont des emplois de solidarité où ils sont payés 1800 F pour des jobs à 100% ! Réveillez-vous, bon sang de bonsoir ! On est des élus du peuple genevois, nous ne sommes pas élus ici pour l'Afrique ou pour les pays en voie de développement ! La Confédération s'en occupe ! Ce n'est pas à nous, parlement cantonal, d'interférer dans les dispositions fédérales.
Alors, non, nous ne renverrons pas le rapport sur cette motion au Conseil d'Etat. Ce dernier a fait son job, il nous a rendu un rapport, on en prend acte et on passe à autre chose, qui concerne les Genevois !
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je vais essayer de baisser un petit peu le ton. Vous me fatiguez, ce soir, Monsieur Stauffer ! (Brouhaha. Exclamations.) Je voulais simplement dire que les Verts ne sont pas d'accord avec le rapport du Conseil d'Etat sur cette motion, dans lequel il est indiqué que les invites ont trouvé réponse depuis plus de trois ans. Ce n'est pas vrai, on n'a toujours pas renforcé les travaux d'utilité collective ou d'intérêt communautaire à Genève. Or c'est ce que nous souhaitons. C'est la seule manière d'améliorer la dignité de ces personnes. Nous vous demandons donc d'accepter à la majorité de ce parlement le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport, pour qu'il puisse répondre convenablement à la demande qui a déjà été faite par le parlement afin d'améliorer les dispositions pour ces travaux d'intérêt communautaire.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais répondre à quelques remarques émises sur la position du groupe démocrate-chrétien. Il y a, Mesdames et Messieurs les députés, une différence fondamentale entre le projet de loi qui nous a occupés tout à l'heure et le rapport sur la motion démocrate-chrétienne dont nous parlons maintenant. C'est que le projet de loi se focalisait sur l'amélioration des prestations en tant que telles. Nous nous focalisons sur le travail d'intérêt général qui, lui, mérite effectivement d'être indemnisé correctement. C'est une chose fondamentalement assez différente. Sur le fond, il est évident que la population qui est touchée est la même, mais l'objectif et la cible de l'action ne sont pas identiques.
Nous étions d'accord tout à l'heure de renvoyer le projet de loi en commission. Une majorité de ce parlement n'a pas voulu en faire ainsi. Nous pensions effectivement que l'évolution des normes fédérales méritait que ce projet de loi soit réétudié car, dans cette forme, il ne nous satisfait pas.
Maintenant, nous parlons plutôt de ce qui pourrait être introduit dans ce canton pour éviter, Mesdames et Messieurs les députés, que des dizaines de personnes soient inactives dans nos rues, pour éviter l'amalgame qui est trop facile aujourd'hui, celui de considérer tous les étrangers, de couleur notamment, comme des délinquants ou des trafiquants, alors que certains ne demanderaient pas mieux que d'être actifs dans notre république. C'est sur ce point que nous sommes insatisfaits et nous pensons réellement qu'il y a possibilité de faire mieux. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.
M. Pierre Weiss (L). Je crois que M. Gillet a dit beaucoup de choses qui sont pertinentes, en particulier au sujet des différences entre cette motion et le projet de loi socialiste. S'agissant de l'objet précédent, certains membres de la commission avaient souhaité qu'il fût déposé sous forme de motion. Eh bien, les PDC ont fait ce que les socialistes n'ont pas fait, et ils méritent d'être félicités pour cela !
Maintenant, en ce qui concerne le renvoi au Conseil d'Etat, puisque ce dernier nous donne une réponse fort précise aux questions qui sont posées par la motion démocrate-chrétienne, en tant que parti gouvernemental, le groupe libéral soutiendra évidemment la réponse qui a été donnée par le Conseil d'Etat et s'en satisfera.
M. Stéphane Florey (UDC). Pour sa part, l'UDC genevoise trouve la réponse du Conseil d'Etat parfaitement acceptable. Nous refuserons bien évidemment de renvoyer au Conseil d'Etat son rapport et nous prendrons acte de sa réponse.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je ne peux pas m'empêcher pour une fois... Vous communiquerez à M. Stauffer qui n'est pas là...
M. Eric Stauffer. Si !
Mme Lydia Schneider Hausser. Je ne l'avais pas vu derrière l'ordinateur, excusez-moi ! (Rires.)
Le président. Mais je ne manquerai pas de le lui communiquer. Grâce à M. Stauffer, je joue le rôle de boîte aux lettres très volontiers !
Mme Lydia Schneider Hausser. Alors justement je voulais dire à M. Stauffer, ne lui en déplaise, qu'on peut aimer beaucoup les Genevois, mais que les Genevois ne font pas le monde entier. Malheureusement, les Genevois n'habitent pas le monde entier et le monde entier n'est pas habité uniquement par les Genevois ! De ce fait, je crois qu'il n'est pas contradictoire, pour un parti comme le parti socialiste, de vouloir d'une part défendre des droits pour des gens venant d'autres pays et demandant l'asile - même si, à un moment donné, ils sont déboutés et frappés par une non-entrée en matière - et d'autre part s'occuper aussi des Genevois, comme nous le faisons très souvent, au travers de projets de lois, de propositions de motions et de tous les objets parlementaires que nous pouvons déposer. Cela n'est pas contradictoire, n'en déplaise à M. Stauffer !
Ensuite, je voudrais dire aussi que je suis très étonnée du grand écart du PDC. Si je relis les rapports qui nous ont été présentés sur le projet de loi précédent, je vois que le PDC avait accepté une entrée en matière par rapport aux travaux d'utilité communautaire - TUC. Je rappelle que cette motion est importante, que ce rapport doit être renvoyé au Conseil d'Etat, parce qu'il doit y avoir une réflexion. Actuellement, il n'y a même pas assez de TUC. Il faut mener une réflexion de base, et elle n'est pas contradictoire avec les normes fédérales qui préconisent ces emplois le plus souvent possible et ne les limitent pas à une rémunération de 50 F.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi au Conseil d'Etat de son rapport. Si le renvoi n'est pas accepté, je vous ferai voter la prise d'acte.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 1737 est rejeté par 52 non contre 38 oui et 1 abstention.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1737 par 53 oui contre 38 non.
Débat
M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, une très brève prise de parole pour remercier notre ex-collègue Mme Hirsch de l'excellence de son rapport et pour vous dire que je n'ai, à ce stade, rien à ajouter. (Commentaires.)
Le président. Merci, quelle rapidité dans l'intervention ! Je passe la parole à Mme le rapporteur de minorité.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Je serai un peu moins brève, je m'en excuse d'avance. Avant de parler de la forme, je vais quand même rappeler quelques petites choses sur le fond de cette pétition. La prostitution est à l'ordre du jour de notre Grand Conseil depuis un certain temps, on va dire que c'est un sujet à la mode. Cette pétition concerne le soutien au centre Grisélidis Réal; il est vrai que la prostitution est le plus vieux métier du monde et touche en Suisse 14 000 femmes, selon une estimation, pour un chiffre d'affaires qui n'est pas négligeable de ce fait.
Le centre de documentation Grisélidis Réal, du nom d'une femme devenue célèbre à Genève, a pour but de créer une documentation sur le sujet de la prostitution, de mettre à disposition ce matériel, de créer un lieu d'échange sur le travail du sexe et les problèmes liés à la prostitution et d'offrir de l'information et de la formation. Ce centre représente un instrument important de lutte pour que les personnes qui se prostituent obtiennent plus de dignité. Un tel centre à Genève, carrefour du monde, mérite un soutien comme d'autres causes, par exemple l'interdiction de l'excision et de la traite des êtres humains.
Le centre de documentation Grisélidis Réal avait obtenu le feu vert de la Ville, de personnes et de fondations privées, mais il manquait, pour que le paquet ficelé financier soit complet, une contribution de l'Etat pour consolider la constitution de ce centre. La contribution de l'Etat impliquait que le Conseil d'Etat dise oui et ratifie l'attribution que la commission de répartition de la Loterie romande avait acceptée. Le non est arrivé avec comme motif que si documentation il y avait, elle pouvait trouver sa place dans les archives de l'Etat. Comme si les Archives d'Etat, qui réalisent par ailleurs très bien leurs missions, pouvaient mettre à disposition de la documentation sur le sujet de la prostitution et devenir un centre de documentation actif stimulant la réflexion !
L'impossibilité de recours contre ce refus du Conseil d'Etat est lourde de conséquences dans cette situation. C'est pourquoi, pour les quelques situations où le Conseil d'Etat donne une réponse négative sur l'attribution du fonds de la Loterie romande, nous demandons à ce que l'entité touchée puisse être au moins auditionnée, afin de pouvoir défendre de vive voix son point de vue. Pour toutes ces raisons, le rapport de minorité demande un renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat et non pas un dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
M. Eric Leyvraz (UDC). A la commission des pétitions, nous avons entendu avec beaucoup d'intérêt les arguments avancés par les partisans du centre de documentation Grisélidis Réal. Suite au refus du Conseil d'Etat de suivre la décision de la commission de répartition de la Loterie romande qui accordait une aide au centre - décision souveraine et conforme au règlement sur les compétences du Conseil d'Etat - l'inquiétude qui pouvait apparaître quant à la conservation de ces documents uniques a été rapidement levée, car il existe la possibilité de déposer ces papiers aux Archives d'Etat, où tout un chacun pourra les consulter.
La commission des pétitions n'a pas trouvé dans les déclarations de ceux qui veulent créer un centre de recherche sur la prostitution les assurances nécessaires concernant son développement et sa pérennité après sa mise en place avec l'aide de subventions. La commission craint à juste titre que l'Etat ne soit obligé de soutenir annuellement le centre et sans avoir une idée des montants nécessaires. Il ne faut pas à tout bout de champ surcharger le bateau des finances cantonales, alors qu'il existe des solutions de rechange peu onéreuses.
L'UDC vous recommande donc de suivre les conclusions de la commission des pétitions et de déposer cette dernière sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Tout d'abord, le MCG tient à souligner l'originalité et la valeur créative dans la réalisation du centre Grisélidis Réal. Les objectifs qui sont poursuivis par ce centre peuvent très bien se comprendre sur le plan général. Ils sont ambitieux et bien articulés avec le projet du centre. Cependant, comment construire aujourd'hui ce qui nous semble manquer, la dimension internationale de ce centre et le développement de réseaux ? Comment construire un projet de formation ? Comment assurer la pérennité d'un tel projet de centre communautaire ? Le projet actuel ne propose pas d'alternative en cas de difficulté de financement, tel qu'il est proposé, et c'est fort dommage.
Considérons les trois points suivants. Tout d'abord, l'évolution des demandes et des pratiques dans le domaine de la prostitution, dans un contexte sociologique extrêmement complexe, nécessite de ce fait des professionnels extrêmement compétents pour s'occuper des visiteurs, si l'on veut reconnaître la valeur d'un tel projet qui est bien en deçà des besoins. Or, pour l'instant, on parle beaucoup de bénévoles et d'une secrétaire responsable.
Le deuxième point porte sur l'ambition d'utilité sociale de ce centre. Je trouve que l'ambition est très intéressante mais, dans un tel centre, on parle de formation pour les personnes qui se prostituent et cherchent à se réorienter professionnellement. J'ai peine à croire qu'on a pris la dimension complète de ce que cela impliquait en termes d'investissements, de connaissances, de suivi, d'implication et de moyens à mettre en place pour que cela puisse se faire.
Le troisième point de nos réticences concerne le futur et la garantie des investissements qui risquent en fait de transformer ce centre en un centre subventionné par l'Etat, si l'on veut répondre à l'ensemble des besoins et des buts formulés dans cette initiative, belle par ailleurs.
De ce fait, le MCG refusera cette pétition, malgré la sagacité développée dans la mise sur pied du projet, dont les objectifs sont toutefois tellement ambitieux qu'il nous semble que les moyens ne sont vraiment pas à la mesure et à la dimension de ce que l'on veut faire.
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical approuve les propos de nos collègues. Effectivement, nous avons reçu les pétitionnaires et il a été rappelé tout à l'heure que les archives cantonales accueillaient gracieusement les documents de Mme Grisélidis Réal. Ensuite, je vous rappelle que la demande des pétitionnaires est de faire un centre international, ce qui implique l'usage de plusieurs langues. Or, cela est juste impossible avec une subvention pareille ! Ça va donc très vite se transformer en une demande de subvention annuelle de 200 000 à 300 000 F pour répondre aux ambitions qui figurent dans ce prospectus. Ce n'est juste pas possible ! Je crois donc qu'il faut accueillir la proposition de l'Etat et que les archives cantonales s'occupent de cela. Nous vous remercions de suivre le rapporteur de majorité.
M. Roberto Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons tout à l'heure accepté une proposition qui allait dans le sens de ne pas permettre la prostitution des personnes qui ne sont pas majeures civilement, c'est-à-dire les personnes en dessous de 18 ans. Mme Grisélidis Réal a fait un travail considérable non seulement dans cette république, mais également dans la francophonie, pour faire reconnaître ce qui est un travail, et un travail que nous ne devons pas mépriser. Le travail d'archives qui nous est proposé ici peut justement aller dans le sens de la prévention, parce que c'est bien de prévention qu'il s'agit.
C'est de l'histoire également. C'est pour cela que les Verts soutiendront cette pétition qui propose information et diffusion. Lorsque j'entends les interviews de Mme Grisélidis Réal diffusées sur France Culture et l'impact que cela peut avoir auprès de diverses populations, je pense que c'est quelque chose d'extrêmement important. Nous devrions, nous devons aller dans le sens de cette demande.
Après, bien sûr, il conviendra de finaliser la manière dont cela devra être organisé dans la durée, la façon dont cela sera développé ou soutenu, mais je pense que nous pouvons aller dans la direction de l'ouverture, de l'information et de la prévention. C'est pour cela que nous vous encourageons à voter pour la prise en considération de cette pétition.
M. René Desbaillets (L). Après tous ces beaux discours sur la prostitution, ce que je voulais surtout, c'est relever l'incohérence de la gauche. On a passé une heure à discuter d'une résolution demandant de combattre la prostitution des mineurs de moins de 18 ans et, maintenant, la gauche nous demande d'utiliser les bénéfices de la Loterie romande pour faire de l'information sur la prostitution et créer un lieu de référence, d'information et de formation ! Vous auriez au moins pu rajouter: «Ouvert aux plus de 18 ans» ! Donc, dépôt de cette pétition sur le bureau ! (Rires. Applaudissements.)
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat n'a pas suivi le préavis de la Loterie romande, comme le droit le lui autorise, sont toutes simples. Les archives dont il est question ici étaient de trois natures.
Premièrement, il y avait des archives qui présentaient un intérêt historique, mais celles-ci ont en réalité été vendues par les héritiers aux archives littéraires suisses. De sorte qu'il ne restait dans les archives plus que deux types de documents. D'abord, une bibliothèque qui comportait un certain nombre de livres qui auraient pu intéresser, s'ils ne s'y trouvaient pas déjà, la bibliothèque de la Faculté des sciences économiques et sociales vers laquelle ont été orientés les ayants droit.
Ensuite, un fonds d'archives qui n'avait pas été jugé d'un intérêt suffisant par ceux qui avaient acheté le premier lot d'archives. Il a semblé au Conseil d'Etat et aux Archives d'Etat qu'il était plus opportun de remettre celles-ci à un service public, gratuit et accessible à tous, fait de professionnels compétents: celui des Archives d'Etat. C'est la raison pour laquelle l'ensemble du Conseil d'Etat a estimé qu'il n'était pas opportun que ces archives aillent se balader ailleurs.
Enfin, je vous rappelle que les fonds de la Loterie romande sont là pour soutenir des projets ponctuels, qui n'impliquent pas des frais de fonctionnement permanents. Aucune garantie quelconque n'a pu être donnée sur la pérennité de ce projet, au-delà de la première année de démarrage. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a pris la décision de ne pas suivre le préavis de la Loterie romande et de faire confiance à un service public qui mérite précisément notre confiance, celui des Archives d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1693 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 59 oui contre 28 non.
Le président. Le Bureau vous propose d'arrêter là pour ce soir. Nous nous retrouvons demain à 15h30 pour les extraits.
La séance est levée à 22h45.