République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10373-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Alain Etienne, Laurence Fehlmann Rielle, Roger Deneys, Christian Brunier, Virginie Keller, Alberto Velasco, Pablo Garcia, Lydia Schneider Hausser modifiant la loi sur l'aide sociale individuelle (LASI) (J 4 04) (Prestations d'aide d'urgence)
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de première minorité de Mme Anne Emery-Torracinta (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Mathilde Captyn (Ve)

Premier débat

Le président. Je rappelle que nous sommes en catégorie II et que le Bureau a confirmé qu'exceptionnellement le temps de parole par parti est de sept minutes, soit septante minutes pour le premier débat.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, voilà un projet de loi qui concerne deux catégories de personnes venues dans notre canton du fait du tragique de leur existence et des événements parfois extrêmement difficiles qui se sont produits dans leur pays. Il s'agit, d'une part, des personnes dont la demande d'asile a fait l'objet d'une non-entrée en matière - que certains appellent de façon peu respectueuse des NEM - et que l'on estimait à fin 2008 à une centaine pour Genève et, d'autre part, des personnes dont les demandes d'asile ont été déboutées par l'autorité; il y en avait un peu plus de 300 à la même époque.

Le projet de loi déposé par le groupe socialiste et dont l'auteur principal est Mme Emery-Torracinta - dont je salue au passage la qualité des propositions, en tout cas formellement - a pour objectif d'améliorer la situation de ces personnes, ou plus exactement de la modifier au regard de ce qu'autorise le droit fédéral; une modification que je résumerai de façon subjective par deux adjectifs: irénique et incitatif. Irénique lorsqu'il s'agit de supprimer des sanctions qui pèsent sur certaines de ces personnes pour comportement peu approprié, et incitatif lorsqu'il s'agit de remplacer par exemple des aides en nature par des aides pécuniaires.

Lors des débats en commission, le projet de loi a fait l'objet d'un grand nombre de commentaires; parmi ceux-ci l'on trouve en particulier ceux du Conseil d'Etat, qui a relevé qu'en tout cas pour moitié de sa substance, à savoir la substance concernant les personnes frappées d'une non-entrée en matière, eh bien il y avait eu depuis le dépôt - ou plus exactement avant même le dépôt - l'adoption d'une solution cantonale à l'unanimité par ce Grand Conseil. L'on peut donc considérer comme étonnant que ceux qui se sont mis d'accord pour accepter une loi ici reviennent quelque temps plus tard pour proposer de la modifier. Mais enfin, il est vrai que l'on peut toujours varier d'opinion.

Deuxièmement, il a été relevé que les dispositions cantonales en matière de traitement des personnes concernées par ce projet de loi respectaient la Convention européenne des droits de l'Homme. L'on a aussi mentionné le fait que l'instrument de la motion, dont on vient de parler ici, aurait été suffisant, et surtout que le traitement offert par l'Etat aux personnes aussi bien frappées de non-entrée en matière que dont la demande a été déboutée est responsable. Pourquoi ? Parce que lorsque certains aimeraient que l'on verse de l'argent sous forme sonnante et trébuchante - peut-être «trébuchant» est-il approprié - eh bien l'argent ne sert pas nécessairement à manger. D'ailleurs, l'Etat préfère offrir à manger des plats dont la qualité est contrôlée et la variété assurée. Repas qui, étonnamment, ne sont pas pris par tous ceux qui y auraient droit, apparemment non pas parce qu'ils n'apprécient pas la qualité de la cuisine et des soins offerts par l'Etat, mais peut-être parce qu'ils ont d'autres sources de revenus et d'autres compagnonnages pendant la journée, qui ont peu à faire avec ce que l'on attendrait du comportement d'une personne ayant justement eu cette existence errante et souffrante.

Dans la discussion, il y a aussi eu des interrogations qui n'ont pas toutes reçu des réponses, par exemple la question non pas du départ - parce que certains, de façon j'allais dire provoquante et peu respectueuse, s'étaient prononcés pour mettre, s'ils avaient les pouvoirs, voire les pleins pouvoirs, tous ces requérants dans un avion et les renvoyer dans leur pays - mais d'une certaine obscurité qui fait que des personnes qui sont arrivées d'un pays de l'espace Schengen-Dublin ne peuvent pas démontrer par quel pays elles sont venues. Voilà un élément quand même ennuyant, parce que si on le savait, les pays en question seraient peut-être appelés à prendre leurs responsabilités.

Il a aussi été dit que ce projet de loi était inutile, parce que dans les cas les plus sérieux, à savoir ceux de personnes étant en Suisse depuis un temps excessif compte tenu de leur situation, eh bien ceux qui ont une possibilité de stabilisation dans notre pays ont la possibilité de travailler. En outre, lorsqu'on regarde les aspects incitatifs, on se rend compte qu'une augmentation de la rémunération des travaux qui leur sont offerts - des travaux d'utilité collective - n'est pas nécessairement susceptible de les inciter à y recourir, parce qu'en fait ce qui les intéresse, il faut le dire clairement, c'est plus le deal que le travail d'utilité collective.

En conclusion, la majorité de la commission a considéré que les pratiques et les dispositions genevoises respectent la Constitution fédérale et la loi fédérale, qu'une aide en nature donne l'assurance que les personnes concernées qui y recourent réellement pourront se nourrir convenablement, et qu'au surplus il serait erroné de donner de fausses incitations à rester en Suisse. Il y a un moment qui est arrivé et dont certains devraient se rendre compte, où le respect et l'humanisme n'équivalent pas à avoir simplement de bonnes intentions - dont je crédite Mme Emery-Torracinta - mais également à faire preuve d'un réalisme responsable, dont malheureusement son projet de loi manque.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Vous avez été très précis, puisque vous avez parlé sept minutes pile !

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Si le rapporteur de majorité n'a pas eu les réponses à toutes ses questions, c'est probablement que la majorité de la commission des affaires sociales a refusé un certain nombre d'auditions qui nous auraient permis d'éclaircir quelques points. Cela dit, je crois qu'il faut remettre l'église au milieu du village et essayer de resituer le contexte. Nous avons en Suisse depuis quelques années une politique de l'asile qui s'est très clairement durcie, avec un but très clair, celui de dissuader les personnes de venir, puis, lorsqu'elles sont ici, de rester en Suisse. Ces mesures ont été prises en excluant de l'aide sociale depuis 2004 les personnes frappées d'une non-entrée en matière, puis, depuis 2008, tous les déboutés de l'asile. En vertu de l'article 12 de la Constitution, ces personnes peuvent éventuellement demander des prestations d'aide d'urgence, et c'est à ce niveau-là que le groupe socialiste s'est interrogé pour savoir si ces prestations correspondaient bien à ce pour quoi elles avaient été conçues. Dans l'essentiel, il s'agit de prestations en nature; pour les personnes en situation de non-entrée en matière, ce sont notamment des repas précuisinés, des articles d'hygiène, un abonnement TPG, etc., mais sans aucun moyen d'avoir de l'argent. La seule possibilité qu'elles ont de disposer d'un peu d'argent, c'est de participer aux fameux travaux d'utilité communautaire, qui ne peuvent cependant rapporter qu'un maximum de 50 F par mois pour un minimum de 20 heures de travail, ce qui revient à dire au mieux que ces personnes sont payées 2,50 F de l'heure.

Pour les personnes déboutées, c'est un peu différent: l'aide en matière de nourriture n'est pas fournie en nature mais sous forme pécuniaire, comme c'est d'ailleurs le cas dans la majorité des cantons suisses. Donc, je l'ai dit, tout est fait pour dégoûter ces personnes de rester en Suisse. En quelque sorte, elles sont abandonnées dans des lieux délabrés, sales, elles sont désoeuvrées, et même l'Hospice général est obligé de le reconnaître à propos de ses locaux, puisque j'ai lu sur le site de l'Hospice que le foyer du Lagnon - qui n'est maintenant plus pour les personnes en situation de non-entrée en matière - «vient de faire l'objet d'une importante rénovation, devenue indispensable». Il ne s'agissait plus des personnes frappées d'une non-entrée en matière, et l'on estimait effectivement qu'il fallait améliorer les locaux.

Mesdames et Messieurs les députés, la politique en matière d'asile, notamment pour les déboutés et les personnes en situation de NEM, est un échec, et ce à différents niveaux. Un échec bien sûr si l'on se place au niveau de la dignité et du respect de cette dernière. En effet, lorsqu'on abandonne les gens dans des états de délabrement, lorsqu'on ne leur permet pas d'être utiles, lorsqu'ils n'ont rien à faire de toute la journée, l'éthique n'est pas respectée. Mais c'est aussi un échec du point de vue des autorités fédérales, puisque si le but était de décourager les personnes de rester et de les encourager à partir, eh bien c'est raté. Selon les chiffres suisses concernant les personnes frappées d'une non-entrée en matière, parmi celles qui étaient en Suisse depuis avant 2004 ou dès 2004 - depuis qu'il n'y a plus d'aide d'urgence - il y a eu seulement 6% de départs contrôlés sous l'égide de la Confédération. Donc peu de départs, mais aussi peu de personnes qui demandent l'aide d'urgence: si en Suisse il y a environ 151 jours en moyenne par personne recalée de l'asile pour qui l'aide d'urgence est demandée, il n'y a que 48 jours à Genève. Que se passe-t-il ? Où sont ces personnes ? Lorsque vous interrogez les professionnels de l'asile, ils vous disent très souvent en croiser parfois dans la rue. Ces gens vont, viennent et se débrouillent comme ils peuvent, avec l'aide de leur communauté d'origine, mais aussi parfois de manière moins légale.

Le travail en commission n'ayant pas permis d'obtenir des chiffres, j'ai dû chercher des informations par le biais d'interpellations urgentes écrites, et j'ai appris que, pour l'année 2008, 55% des personnes frappées d'une non-entrée en matière et attribuées au canton de Genève étaient connues des services de police. Pourquoi ? Tout simplement parce que quand vous êtes là depuis des mois, voire des années, que vous n'avez qu'une aide en nature, que vous êtes désoeuvrés toute la journée, que vous n'avez aucun moyen de travailler, eh bien c'est extrêmement tentant de faire autre chose, et vous êtes très vite embrigadés dans des mafias, dans des trafics de stupéfiants notamment.

Alors que proposait ce projet de loi ? Quelque chose de tout à fait réaliste. Notamment que, s'agissant de la nourriture, il n'y ait plus de différence entre les personnes en situation de NEM et les personnes déboutées, c'est-à-dire qu'il y ait une somme d'argent - comme c'est le cas, je le répète, dans la plupart des cantons. Et surtout que l'on considère que, lorsque les gens sont là depuis plus de trois mois, on ne peut plus parler d'aide d'urgence: on n'est plus dans l'urgence, mais on doit répondre avec, par exemple, des travaux d'utilité communautaire un peu mieux rémunérés. Il ne s'agit pas de donner un emploi et de priver des résidents de ce canton d'un travail, mais d'utiliser pour la collectivité les capacités de ces personnes de façon à les encourager non pas à dealer, mais à retrouver une certaine dignité. Il s'agissait donc aussi de pouvoir imaginer, pourquoi pas, des possibilités de formation. On le sait, si ces gens pouvaient être formés quelques mois, ils pourraient repartir dans leur pays et trouver des solutions sur place. Volontairement, le projet de loi n'était pas précis sur les solutions, mais voulait ouvrir la porte pour que simplement, après trois mois, on aille dans une autre direction.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, la manière dont Genève applique les prestations d'aide d'urgence dans le domaine de l'asile est discutable, aussi bien au regard du respect de la dignité humaine que, au-delà des considérations éthiques, par rapport aux objectifs qui étaient poursuivis. Et j'aimerais à ce propos vous lire l'extrait d'une lettre qui dit ceci: «La LAsi - la Loi fédérale sur l'asile - prévoit de nombreux motifs de non-entrée en matière dont on attendait un effet dissuasif sur le dépôt de demandes d'asile manifestement infondées. Or, cet effet ne s'est pas produit dans la mesure de ce que l'on en attendait.» Cette phrase, Mesdames et Messieurs les députés, a été écrite par Mme Widmer-Schlumpf dans le cadre d'une lettre accompagnant la procédure de consultation qui est actuellement en cours sur le plan fédéral et qui vise à revoir complètement le principe des décisions en ce qui concerne la non-entrée en matière. C'est donc bien la preuve que même les autorités fédérales, même celles qui voulaient décourager les personnes de rester, sont conscientes de l'échec de leur politique.

Mesdames et Messieurs les députés, il existe une marge de manoeuvre que le canton peut et doit utiliser; c'est le sens du projet de loi que nous vous proposons aujourd'hui: concilier éthique et réalisme politique, contrairement à ce que laissait entendre le rapporteur de majorité. (Applaudissements.)

Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes et les Verts n'ont malheureusement pas obtenu les auditions qu'ils souhaitaient en commission et se sont fait «brider» la parole dans le cadre du présent débat, parce que la majorité l'a voulu. Alors vous pensez bien que, maintenant que je peux parler, je vais en profiter pour prendre mon temps !

Pour rappel, ce projet de loi vise à fournir aux requérants d'asile en situation de non-entrée en matière une aide pécuniaire pour la nourriture, et non plus des plats précuisinés ou de la nourriture préemballée; à abolir l'octroi des prestations pécuniaires en fonction du comportement de ces personnes; à considérer que l'on ne peut plus parler d'aide d'urgence lorsque le séjour dure plus de trois mois; à octroyer la possibilité de travailler plus et pour une rémunération plus décente que 2,50 F de l'heure, s'agissant des travaux d'utilité communautaire actuels, et de suivre des cours de langue ou de toute autre activité permettant d'éviter le désoeuvrement. Enfin, il vise à préciser dans la loi qu'il ne faut pas contraindre les personnes vulnérables à l'aide d'urgence.

L'une des raisons qui a motivé la majorité à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, c'est que celui-ci ne toucherait que 20 personnes et qu'il ne fallait donc pas s'y attarder. Or ce n'est pas vrai, puisqu'il concerne bel et bien 435 personnes, sur la base des chiffres de novembre 2008. Et même si cela avait été le cas, ce n'est pas une raison pour s'en désintéresser ! Une société, vous le savez tous, s'estime dans le soin qu'elle donne à ses plus fragilisés, et en l'occurrence les requérants d'asile en situation de non-entrée en matière ou ayant été déboutés sont dans des moments de vie extrêmement délicats. De plus - et c'est un élément qu'il faut dire et répéter - comme ma «prédécesseuse»... (Rires.) ...enfin, comme Mme la rapporteure de première minorité l'a indiqué, nous avons appris que les travaux d'utilité communautaire que les requérants d'asile ont la possibilité d'effectuer pour gagner un peu d'argent leur rapportent en tout et pour tout un maximum de 50 F par mois, si bien qu'ils ont évidemment très peu de succès, les requérants d'asile n'ayant pas grand intérêt à les exécuter. Mais 50 F par mois, vous me l'accorderez, c'est franchement inacceptable ! C'est sans doute moins que la moyenne de l'argent de poche d'un enfant de 10 ans à Genève ! C'est inacceptable, et je dirai même indigne de la part de l'Etat. Nous estimons donc que le développement des travaux d'utilité communautaire pourrait donner un peu de sens à des situations de vie très dures et répondre à un réel besoin.

Pour toutes ces raisons, les Verts auraient souhaité qu'une majorité se dessine pour entrer en matière sur ce projet de loi, et que l'application de ces modifications de la loi améliore bel et bien la situation des requérants d'asile coincés - je dis bien «coincés» - à Genève. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous allons refuser l'entrée en matière de ce projet de loi et, plus largement, sur le fond, nous sommes totalement contre. Il a d'ailleurs soulevé chez nous quelques questions. On s'est demandé si le parti socialiste et les Verts avaient quelques problèmes avec le vote de la population. En effet, le peuple suisse - et pas seulement genevois - a voté il n'y a pas si longtemps le durcissement de la loi en matière d'asile politique. Alors je sais bien qu'à Genève on est capable de faire des spécialités absolument... Comment les appelle-t-on ? Des Genfereien ! ...mais j'aimerais juste dire aux socialistes et aux Verts qu'avant de vouloir rendre confortable un séjour illégal pour des illégaux en Suisse, vous feriez mieux de vous occuper des résidents suisses qui, eux, tombent de plus en plus dans la précarité. C'est là votre mission première, à vous, Mesdames et Messieurs du parti socialiste ! Ce n'est pas de vous occuper de ces gens que l'on a accueillis, dont on a contrôlé la déclaration par rapport à des persécutions politiques dans leur pays, qui n'ont pas été avérées... Car croyez-moi, le service des ambassades de Suisse a les moyens de faire des contrôles dans les régions concernées pour savoir si ce sont de vrais réfugiés politiques, auquel cas la porte de la Confédération helvétique leur est grande ouverte, car c'est une tradition qui date de plus d'un siècle d'accueillir ceux qui sont persécutés dans le monde pour des raisons et des opinions politiques, ou pour des problèmes de religion ou de race. Dans ce cas, évidemment, le MCG dit bravo et ces gens sont les bienvenus. En revanche, ceux qui mentent lorsqu'ils arrivent sur le territoire suisse, qui profitent de la bonté du peuple suisse, qui sont de faux réfugiés politiques et qui sont la plupart de ces gens que nous arrêtons des dizaines de fois dans les rues de Genève parce qu'ils commettent tous les délits - trafics de drogue, vols, j'en passe et des meilleures - c'est à ces gens-là que vous voulez offrir de meilleures conditions de séjour illégal en Suisse ?! Pourquoi ? Pour leur dire: «Ecoutez, restez, on va essayer de faire un projet de loi, peut-être pour, un jour, vous donner des papiers; on va vous former et vous pourrez rentrer chez vous» ?! Mais alors faites une annonce internationale et dites à tous les pays du monde: «Venez ici de manière illégale; on vous forme, on vous donne de l'argent, on vous nourrit, on vous loge, et puis vous pourrez rentrer chez vous avec le savoir helvétique.» Mais alors, Mesdames et Messieurs, il faut tout de suite accueillir une dizaine de réfugiés dans vos logements ! Il faut tout de suite partager vos salaires avec tous ces gens, car il faudra bien les nourrir... On voit bien que ce n'est pas possible !

Nous, nous voulons simplement que la loi soit respectée, que la volonté populaire soit respectée. Et la volonté populaire a défini des enjeux au niveau fédéral pour durcir la loi en matière d'accueil pour ces pseudo-réfugiés. Nous refuserons donc ce projet de loi pour les raisons que je viens de vous indiquer.

Je conclurai par dire qu'il faut simplement réfléchir à ceci: pourquoi ces gens restent-ils en Suisse et pourquoi veulent-ils absolument être téméraires par rapport à la loi qui leur demande de partir ? En effet, nous offrons à ces gens un billet d'avion gratuit de retour dans leur pays, donc on ne peut pas déclarer aujourd'hui qu'on les oblige à rester ici ou qu'on leur dit qu'ils ne peuvent pas être ici tout en ne leur donnant pas la possibilité d'aller ailleurs. C'est faux ! La Confédération suisse paie le retour de ces gens dans leur pays. Et c'est comme ça qu'une société doit fonctionner.

Maintenant, il est sûr que, sur le problème de fond - et là je vous rejoins - il faut que la Confédération suisse, mais aussi plus largement l'Europe, investisse dans ces pays pour faire en sorte que le revenu minimum de ces gens et le confort de vie, le niveau de vie soient tels que l'envie de s'expatrier n'existe plus. Mais là il y a un gros travail de fond à faire, qui n'appartient malheureusement pas à ce parlement. Parce que des aides, il en existe, mais malheureusement dans des pays où la corruption est à la hauteur des aides qu'ils reçoivent. Alors je dis que ce n'est pas à nous, en bout de chaîne, sur le canton de Genève, de payer et de faire subir à la population - que ce soit au niveau pécuniaire ou de l'insécurité - les défaillances d'une Europe qui n'arrive pas à contraindre les pays auxquels elle verse des centaines de millions d'euros à cesser d'être corrompus.

Ainsi, si les conditions de séjour sont difficiles pour ces gens, peut-être que l'envie de rentrer chez eux pour retrouver un certain niveau de vie les frappera un peu plus vite; et pour ceux qui auraient eu un trou de mémoire et qui ne se souviendraient plus de quel pays ils proviennent, eh bien peut-être se rappelleront-ils où ils ont caché leurs papiers d'identité, afin que les consulats respectifs puissent les reconnaître et qu'ils puissent quitter le territoire suisse.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de refuser l'entrée en matière de ce projet de loi qui n'a aucun sens et qui, par ailleurs, pourrait être contraire au droit supérieur, ou en tout cas à la volonté populaire des citoyens suisses. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (R). Monsieur le président, vu l'heure, je serai très bref. Tout d'abord, le parti radical tient à se distancer des propos qui ont été tenus par M. Stauffer. Si nous n'allons pas entrer en matière sur ce projet de loi socialiste, ce n'est pas pour les mêmes raisons. C'est vrai que le parti radical était un peu dubitatif quant au fait de légiférer pour quelques dizaines ou même quelques centaines de personnes, mais ce qui nous a convaincus de refuser ce projet de loi, ce sont les auditions. Il n'y en a peut-être pas eu assez au goût des rapporteures de minorité, mais nous avons néanmoins auditionné les directeurs qui s'occupent de l'aide aux requérants d'asile, et ceux-ci nous ont assuré que le règlement permet quand même une certaine souplesse et que, par exemple, les personnes vulnérables peuvent bénéficier de prestations sociales. En outre, s'agissant du remplacement des prestations de nourriture en nature par des prestations financières, ils ont indiqué que ces dernières sont autorisées, même si elles ne sont pas souhaitées par la législation fédérale. Nous sommes donc d'avis que, du moment que nous traitons les requérants d'asile déboutés et les personnes frappées de non-entrée en matière conformément aux standards des droits de l'Homme en vigueur en Europe, ce projet de loi paraît superflu, raison pour laquelle nous ne sommes pas entrés en matière.

Le président. Merci, Monsieur Saudan. Mesdames et Messieurs les députés, comme il est 19h, le Bureau propose de poursuivre ce débat demain, après les urgences. Sont encore inscrits M. Bertinat, M. Selleger, M. Bavarel, Mme Emery-Torracinta, M. Droin et Mme Captyn. Le parti démocrate-chrétien, dont aucun représentant n'a pour l'instant demandé la parole, peut encore s'inscrire le cas échéant.

Fin du débat: Session 04 (janvier 2010) - Séance 18 du 28.01.2010