République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 124
Initiative populaire : Sauvons le Vivarium de Genève
IN 124-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 124 "Sauvons le Vivarium de Genève"

Préconsultation

Le président. La parole n'étant pas demandée, l'initiative 124... (Le président est interpellé par M.  Brunier.)Si vous ne vous inscrivez pas, je ne peux pas deviner que vous demandez la parole, Monsieur le député ! Alors, ne protestez pas ! Maintenant que vous êtes inscrit, je vous donne la parole, Monsieur Brunier.

M. Christian Brunier (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que l'on soit pour ou contre cette initiative, il faut reconnaître que la Fondation Elapsoïdea accomplit un travail remarquable.

Je vous rappelle que le Vivarium de Genève est un lieu très fréquenté et tout à fait éducatif. C'est un centre d'expertises qui collabore avec plusieurs institutions scientifiques et où sont récupérés de nombreux reptiles qui se retrouveraient, s'il n'existait pas, certainement dans la nature avec les risques que l'on peut imaginer. C'est aussi un centre de formation pour les jeunes en rupture sociale, pour la police et pour les pompiers. Il collabore aussi avec les milieux hospitaliers, notamment pour fournir différents venins.

Son utilité est donc largement prouvée. Bref, vous l'aurez compris, beaucoup d'institutions bénéficiant actuellement d'une subvention de l'Etat ne proposent pas autant de prestations et d'activités que le Vivarium de Genève !

La Fondation Elapsoïdea a atteint les limites du militantisme et du sponsoring privé et a besoin d'un soutien public, comme, d'ailleurs, tous les établissements du même genre. Avec quelques députés - de partis différents, du reste - nous avons tenté d'obtenir une subvention relativement modeste auprès du Conseil d'Etat, comme nous le faisons toutes et tous pour nombre d'associations fort utiles pour les Genevoises et les Genevois. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Sans succès ! Nous ne sommes pas arrivés à l'obtenir ! Nous regrettons ce manque d'ouverture du gouvernement, d'autant plus que certains membres du Conseil d'Etat ont basé leur refus sur des considérations personnelles par rapport à l'un des fondateurs de l'association initiale. Cela n'est pas acceptable !

Lassée de mendier année après année des miettes ici ou là, la Fondation Elapsoïdea a lancé une initiative pour obtenir une subvention. (Brouhaha.)C'était son dernier moyen d'action... (Brouhaha.)Elle a recueilli... Monsieur le président, ce n'est pas correct de débattre dans un tel climat !

Le président. Ce n'est en effet peut-être pas correct que les gens ne vous écoutent pas. Je vous rappelle toutefois que vous êtes censé vous prononcer sur la validité de cette initiative avant son renvoi en commission législative...

M. Christian Brunier. Monsieur le président, j'y arrive !

Le président. ... et pas vous lancer dans un débat...

M. Christian Brunier. J'ai sept minutes pour y arriver !

Le président. ... sur le fond !

M. Christian Brunier. Vous me laissez encore une minute et j'y arrive, Monsieur le président !

Le président. Tout à fait, Monsieur le député !

M. Christian Brunier. La Fondation Elapsoïdea a recueilli les dix mille signatures lui permettant de déposer une initiative, ce qui montre bien le travail militant qu'elle accomplit. Je vous le rappelle, cette subvention permettrait d'alléger, bien sûr, la pression qui repose sur l'équipe relativement petite qui y travaille et, aussi et surtout, d'obtenir la gratuité pour certaines visites, notamment celles organisées par les écoles.

Cette initiative - je vais faire plaisir à notre président... - est donc recevable, comme le reconnaît d'ailleurs le Conseil d'Etat. Mais le groupe socialiste demande au Conseil d'Etat d'entamer immédiatement les négociations avec la Fondation Elapsoïdea pour obtenir l'accord qu'il n'a pas su négocier jusqu'alors. Cela permettrait tout de même d'éviter de convoquer le corps électoral pour une petite ligne de subvention. Même si le soutien populaire est important, nous pensons qu'il faut éviter d'en arriver là à tout prix, car nous risquons de causer un précédent. En effet, si nous devons convoquer le corps électoral chaque fois qu'une association ne peut pas obtenir une subvention, ce serait, à mon avis, une dérive démocratique.

Avec un peu de bonne volonté politique, le gouvernement a les moyens d'éviter ce vote populaire tout en garantissant le maintien du Vivarium qui joue un rôle indispensable. C'est la volonté du parti socialiste. Et nous remercions d'avance le gouvernement de bien vouloir agir dans ce sens.

M. Christian Grobet (AdG). Mon intervention ira dans le même sens que celle de M. Brunier... Effectivement, le Vivarium de Meyrin est une réalisation remarquable, notamment en raison de l'engagement que je qualifierai «d'extraordinaire» de celles et ceux qui l'ont créé et, surtout, de ceux qui s'en occupent. Car c'est un gros travail qui demande de l'attention quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour des questions de sécurité, entre autres. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Comme M. Brunier l'a relevé, les personnes qui l'ont mis sur pied et qui se chargent de son fonctionnement font preuve d'un dévouement incroyable.

Dans son rapport, le Conseil d'Etat m'a semblé ouvert à la recherche d'une solution... Je souligne le fait que le Vivarium - je pense que c'est pour cela que M. Unger s'y intéresse - joue tout de même un rôle important pour les sérums antivénéneux et autres... Je sais... (L'orateur est interpellé.)Pardon ?

M. Pierre-François Unger. Antivenimeux !

M. Christian Grobet. Antivenimeux ! Très bien ! Merci de m'avoir corrigé ! J'y suis très sensible, parce que cela prouve que vous m'écoutez avec beaucoup d'attention, Monsieur le conseiller d'Etat ! Cette collaboration avec l'Hôpital cantonal me paraît tout à fait d'intérêt public.

Il est vrai, Monsieur le président, que cette initiative peut paraître curieuse... On n'a pas l'habitude de voir de telles initiatives... Mais je suis arrivé à la même conclusion que le Conseil d'Etat, c'est-à-dire que cette initiative est recevable. Elle est non formulée... Il devrait donc être possible de trouver une solution qui assure la pérennité de cette institution.

J'abonde aussi dans le sens de M. Brunier: il faut trouver une solution pragmatique, et c'est sur ce point qu'il semble que le Conseil d'Etat entrouvre la porte en disant que cette institution devrait jouer un certain nombre de rôles pour être maintenue. Je suis persuadé que cela pourrait être le cas.

J'ajoute ce qui suit, et c'est le point important de cette négociation: j'imagine que le Conseil d'Etat sait que le bâtiment fait l'objet d'une créance qui a été cédée par la Banque cantonale à la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe. Le bâtiment est en soi intéressant, car il peut s'adapter à des usages différents. Une des solutions qui permettrait probablement de réduire le montant de la subvention serait que l'Etat reprenne ce bâtiment, puisque, d'une manière ou d'une autre, perte il y aura - n'est-ce pas Madame Brunschwig Graf ? Alors, autant que l'Etat reprenne ce bâtiment à sa valeur ! Ce serait intéressant sur le plan mobilier et la fondation n'aurait plus à supporter les charges financières liées au bâtiment, comme c'est le cas actuellement.

Donc, je demande également le renvoi de cet objet en commission.

M. Bernard Annen (L). Je serai bref. Je rappelle à ce Conseil qu'il s'agit d'une véritable saga. Il y a des années en effet que les personnes qui s'occupent du Vivarium, avec un entêtement remarquable, ont essayé par tous les moyens d'obtenir une subvention. Si la situation le permettait, nous verserions - c'est évident - une subvention à cette fondation qui le mériterait, comme beaucoup d'autres du reste. Il est très difficile de faire des choix dans ces cas-là et il faut savoir, en l'occurrence, s'il faut privilégier les personnes âgées ou les serpents ! (Exclamations.)

Nous avons souvent discuté de cette question. Les motifs - je me retourne pour cela vers le Conseil d'Etat, parce que je pense que M. Unger pourra me répondre - pour lesquels le Grand Conseil n'avait pas accepté de verser de subvention sont au nombre de deux. D'une part, la commune de Meyrin était perplexe quant à l'organisation de la fondation et, d'autre part - contrairement à ce qui nous avait été dit et comme M. Grobet le pense - l'utilité médicale du Vivarium était sérieusement mise en doute. En effet, en raison des serpents qui s'y trouvent, c'est l'Hôpital cantonal qui devrait fournir des sérums au Vivarium en cas d'accident ! C'est surtout ce motif qui a conduit ce parlement à refuser de voter une subvention au Vivarium, même si nous lui reconnaissons une certaine utilité culturelle. Les problèmes qu'il pose sont plus grands que les avantages.

Je demande donc au Conseil d'Etat si oui ou non ces informations sont toujours d'actualité... Si c'est bien l'Hôpital cantonal qui devrait utiliser des chercheurs pour fournir des sérums en cas d'accident ou le contraire.

Quoi qu'il en soit, il y a, à mon avis, bien d'autres priorités à Genève que de s'occuper de serpents !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle à toutes fins utiles que le débat porte sur la recevabilité de cette initiative, comme quelqu'un vient de me le rappeler dans la salle... Monsieur le député Gilbert Catelain, vous avez la parole.

M. Gilbert Catelain (UDC). Dans le cadre de ce débat sur la recevabilité de cette initiative et vu la situation dans laquelle nous nous trouvons, le groupe UDC est assez effaré de voir que l'on veuille défendre de tels projets... En effet, alors que la situation financière de ce canton est catastrophique, nous voyons, jour après jour, les associations diverses s'inquiéter de leur subvention, voire de ne pas obtenir de postes supplémentaires...

Même si ces projets - dont le mérite n'est pas à démontrer - sont souhaitables, ils ne rentrent plus dans l'ordre des choses ! Cela ne m'étonne pas que ce projet, dont le but est de protéger et de nourrir des serpents, soit défendu par une langue de vipère, en la personne de M. Brunier ! (Exclamations.)

Pour remettre l'église au milieu du village, je vous ferai une citation, que j'aurai, du reste, l'opportunité de replacer tout à l'heure, à l'occasion d'un autre débat... M. Merz, conseiller fédéral radical, déclarait le 18 juin dernier: «Il n'est aujourd'hui tout simplement plus possible de financer tout ce qui est nécessaire !». Donc encore moins le «souhaitable» !

Je crois qu'à d'autres niveaux nous avons pris conscience de la gravité de la situation. C'est le cas à Genève, et encore plus qu'ailleurs ! Nous devrions donc nous abstenir d'engager des frais supplémentaires, alors que l'Etat n'est même pas en mesure d'assumer les tâches essentielles vis-à-vis de la population.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous donne lecture de l'article 90, lettre b), de notre règlement du Grand Conseil: «Le président rappelle à l'ordre le député, le conseiller d'Etat ou le fonctionnaire qui, en séance: b) prononce des paroles portant atteinte à l'honneur ou à la considération;». Vous avez traité M. le député Brunier de «langue de vipère»: je vous rappelle à l'ordre !

Monsieur le député Bernard Lescaze, vous avez la parole.

M. Bernard Lescaze (R). Bien entendu, le groupe radical vous propose de renvoyer d'abord cette initiative à la commission législative. Elle est certainement recevable, mais il faut tout de même le vérifier.

Quant au fond, nous en reparlerons... Nous sommes aussi quelque peu surpris... On m'a prié de ne pas utiliser une langue trop vipérine... Mais j'aimerais quand même signaler qu'il y a une trentaine d'années l'expérience avait été faite dans le canton de Lucerne: une initiative populaire avait été lancée pour interdire la fabrication des pinceaux... en poils de grenouille ! Et cette initiative avait reçu le nombre de signatures nécessaires: personne, semble-t-il, parmi les signataires ne réfléchissant au fait que les grenouilles n'ont pas de poils... (Rires.)

Je dois bien constater que, parfois, le bon coeur des citoyens bat encore plus vite que leur stylo pour signer des initiatives, qui, certes, peuvent être louables par certains aspects, mais qui ne répondent absolument pas aux nécessités du moment.

Je ne vais pas vous faire avaler d'autres couleuvres plus longtemps... (Rires.)Nous soutenons le renvoi de cette initiative à la commission législative.

Une voix. Bravo, Bernard !

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat, contrairement à ce qui pourrait sembler, a examiné la recevabilité de cette initiative, puisque c'est de cela qu'il s'agit ce soir.

Il est vrai qu'en terme d'unité de matière il n'y a pas de problème, étant donné que la matière est traitée dans son ensemble et à l'intérieur d'un seul bâtiment. Les deux sont endettés, nous en convenons, mais, enfin, l'unité de matière est bel et bien réalisée.

L'unité de la forme est quant à elle parfaitement adaptée, puisqu'il s'agit d'une initiative non formulée, qui laisserait au Grand Conseil la plus grande latitude pour décider de mesures adéquates.

L'unité du genre est également réalisée, de même que la conformité au droit supérieur.

Mais il y a tout de même un petit problème qui se situe entre ce qui est considéré habituellement comme faisable - et on voit bien que des mesures simples: une ligne de subvention, cela a été dit, ou d'autres moyens, dont on dira quelques mots tout à l'heure, pourraient faire l'affaire - et la conformité au droit tout court. Dans les textes actuels de la législation concernant la gestion administrative et financière de l'Etat, la conformité au droit n'autorise ni le Conseil d'Etat ni le parlement à rendre une mesure pérenne, chaque budget devant être voté annuellement. Cette question n'est pas tout à fait aussi anodine qu'on pourrait le croire de prime abord, puisque l'initiative demande formellement d'assurer non seulement la survie de cette fondation, mais sa pérennité.

C'est la raison pour laquelle nous vous suggérons, Mesdames et Messieurs les députés, d'examiner cette question de manière très approfondie en commission, pour être sûrs de ne pas commettre une bêtise. Vous savez que les délais fixés au Conseil d'Etat pour rendre un rapport sont courts et, dans ces cas-là, nous menons usuellement la politique du in dubio, pro populo.En d'autres termes, n'étant pas certains de trouver quelque chose de carrément illégal, nous avons préféré déclarer cette initiative recevable.

S'agissant du fond - en deux mots - il est clair qu'au-delà de tout ce qui a été dit sur la qualité des prestations fournies par le Vivarium, les difficultés rencontrées depuis des années montrent que les pistes pour le faire survivre, devraient, de notre point de vue, être envisagées autrement - si tel était le voeu de votre Conseil - qu'en ajoutant une ligne de subvention, qui s'arrêtera tôt ou tard... Ce pourrait, par exemple, être l'achat de prestations à des spécialistes, car il est vrai que les personnes qui s'occupent du Vivarium sont d'authentiques spécialistes, engagés, passionnés et compétents. Il faudrait qu'ils essayent de voir dans quelle mesure les différents intervenants dont il a été fait état tout à l'heure, qu'il s'agisse d'enseignants, de biologistes, de pompiers - pour reprendre trois exemples que vous avez cités - pourraient, eux, honorer de manière tout à fait naturelle des prestations qui leur seraient fournies, dans le cadre d'une formation continue ou d'une formation complémentaire. Voilà une des pistes que le Conseil d'Etat propose d'investiguer lors de la deuxième phase, si vous confirmez notre opinion que cette initiative est bien recevable.

L'initiative 124 est renvoyée à la commission législative.

Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 124-A.

Le président. Nous passons maintenant au traitement en urgence du train de lois sociales, qui a été voté tout à l'heure à 17h.