République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 décembre 2003 à 15h
55e législature - 3e année - 2e session - 7e séance
RD 509
Débat
M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur. En préambule, il convient de saluer l'esprit serein et constructif dans lequel la commission a travaillé cette année. S'agissant de la méthode de travail adoptée durant cette deuxième année de législature, la commission a, dans un premier temps, déterminé un thème général qui a constitué un véritable fil rouge pour l'ensemble de ses travaux. Elle a, par la suite, procédé à l'audition de personnes définies en fonction de certaines compétences ainsi qu'à des visites d'établissements d'exécution de peine, de prisons préventives, de foyers d'éducation et autres bâtiments destinés à recevoir des personnes privées de liberté. A l'issue de ses travaux, la commission a émis un certain nombre d'observations et de recommandations sur lesquelles je reviendrai ultérieurement.
Le thème choisi cette année est celui de la détention et de l'encadrement des mineurs. Il va sans dire que les thèmes abordés lors des années précédentes, à savoir la détention des femmes et l'internement au sens de l'article 43 du Code pénal suisse, l'ont également été.
Durant cette année, la commission a effectué près de quinze auditions et près de dix-sept visites d'établissements pénitentiaires ou de violons de postes de police. La commission a également effectué un voyage d'étude à Amsterdam. Elle a, durant ce voyage, visité un établissement spécialisé dans la détention et l'encadrement des mineurs - établissement dont le mode de fonctionnement particulier n'existe pas en Suisse. (Brouhaha.)
Le parlement trouvera dans le rapport exhaustif le détail des auditions et des visites effectuées - auditions et visites sur lesquelles je ne reviendrai pas. Je souhaite, en revanche, faire état des observations et des recommandations formulées par la commission.
Dans un premier temps, la commission a relevé un certain nombre d'entraves de la part du Bureau du Grand Conseil dans son ancienne mouture. Elle ne peut que déplorer fermement cette limitation des droits et des devoirs parlementaires.
Concernant l'état de connaissance des missions de la commission par la police, nous estimons qu'il conviendrait, à terme, de mieux faire connaître ces missions en incluant dans la formation des policiers une présentation de ces dernières - à l'instar de ce qui se fait actuellement pour les gardiens de prison.
La commission estime par ailleurs qu'il serait opportun d'étendre les prérogatives des commissaires en leur permettant d'effectuer des auditions de personnes privées de liberté selon leur choix - et non, comme la loi le stipule actuellement, uniquement sur demande du détenu... (Brouhaha.)La commission relève qu'il convient de conserver le caractère inopiné des visites des violons des postes de police et recommande au Conseil d'Etat de modifier le règlement interne des postes afin qu'il n'y ait plus d'attente avant une visite inopinée.
S'agissant du bâtiment de Champ-Dollon et, plus particulièrement, du secteur médical et de la Pâquerette... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...la commission note les mêmes carences constructrices que l'année précédente. Elle ne peut que dénoncer ces carences et recommande au Conseil d'Etat de procéder au plus vite aux travaux d'entretiens courants dans les divers locaux présentant des lacunes. La commission constate en revanche avec satisfaction que les travaux de mise en conformité des installations de surveillance vidéo à Champ-Dollon ont débuté et que les travaux d'agrandissement de La Clairière - dit Cla+ - sont engagés.
La commission note également que les conditions de détention et de travail au vieil hôtel de police ne sont conformes ni sur le plan sécuritaire, ni au vu de la législation en vigueur en matière de travail. Elle ne peut que condamner cet état de fait inadmissible et recommande vivement une adaptation rapide des locaux de détention aux normes en vigueur ainsi qu'un agrandissement des locaux nécessaires aux gendarmes afin que ceux-ci puissent travailler dans des conditions correctes.
La commission se félicite de prendre acte de la présentation de la planification pénitentiaire - laquelle prévoit en priorité la réalisation d'un établissement concernant les personnes condamnées selon l'article 43 du Code pénal suisse. Elle recommande au Conseil d'Etat une réalisation rapide dudit bâtiment.
Enfin, s'agissant de La Clairière, la commission a assisté au début de l'année dernière à la mise en place momentanée de renfort aux éducateurs par la présence de gardiens de prison. Elle recommande au Conseil d'Etat de clarifier la situation actuelle en matière d'encadrement éducatif des mineurs et de communiquer au Grand Conseil une synthèse de l'expérience extraordinaire dont j'ai fait état, et ce durant le premier semestre 2004.
Je conclurai par une citation de Michel Foucault, éminent psychologue et philosophe français, qui considère que «l'on juge une société par l'état de ses prisons». C'est dire l'importance des travaux de la commission des visiteurs officiels - ce que ne semble pas saisir l'ensemble de cette auguste assemblée au vu du brouhaha permanent et persistant qui règne dans cette enceinte depuis quelques minutes... (Protestations.)C'est dire l'importance de cette commission, vous disais-je, dont le rapport annuel est le fruit du travail qu'elle a accompli.
C'est la raison pour laquelle la commission unanime vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver ce rapport. (Applaudissements.)
Mme Esther Alder (Ve). Je souhaite remercier Hugues Hiltpold pour son rapport, qui offre une excellente synthèse des travaux de la commission. Les Verts partagent les conclusions de ce rapport et en soutiennent toutes les recommandations.
L'année dernière déjà, notre groupe avait mis l'accent sur un certain nombre de points qui restent malheureusement d'actualité. J'en veux pour preuve la question des mineurs délinquants, évoquée par le rapporteur et au sujet de laquelle nous sommes toujours en attente de solutions... (Brouhaha. L'oratrice s'interrompt en attendant que le calme revienne.)
Faute de places, un nombre beaucoup trop important de ces mineurs demeurent à Champ-Dollon et, à défaut d'être accueillis en foyer ouvert, ils restent à la Clairière. Nous attendons avec impatience le démarrage d'un groupe de réflexion sur les mineurs délinquants. Je crois savoir que ce groupe, qui aurait déjà dû se constituer il y a une année, se réunira prochainement. Nous attendons, avec une impatience plus grande encore, un rapport d'expert sur la présence des gardiens de Champ-Dollon à La Clairière - présence à laquelle nous sommes totalement opposés.
Une deuxième préoccupation, partagée cette fois par l'ensemble des groupes ainsi que par le Conseil d'Etat, concerne les personnes faisant l'objet d'une mesure au titre de l'article 43 du Code pénal suisse. Depuis 1966 - soit depuis quarante ans - Genève devrait offrir, dans le cadre du concordat romand en matière pénitentiaire, une structure carcérale spécialisée qui permette certes de répondre à l'aspect sécuritaire, mais, surtout, d'apporter des soins appropriés aux personnes souffrant de troubles psychiatriques graves. (Brouhaha.)Actuellement, ce sont plus d'une dizaine de personnes qui sont détenues à Champ-Dollon faute d'un dispositif approprié; or cette situation pèse très lourdement sur le fonctionnement de cet établissement.
Notre groupe ne partage en revanche pas l'une des conclusions du rapport de la commission consultative sur l'article 43 - rapport par ailleurs annexé à celui de M. Hiltpold. En effet, il ne paraît nullement opportun aux Verts que la responsabilité de la gestion de l'internement soit confiée au service d'application des peines et mesures. Il convient plutôt, à notre sens, d'offrir au conseil de surveillance psychiatrique les moyens d'accomplir les tâches qui lui incombent.
Pour conclure, j'aborderai la question de l'agrandissement de Champ-Dollon, qui constituera l'un des prochains dossiers en matière de détention. Nous estimons qu'avant de nous précipiter sur un agrandissement de Champ-Dollon il conviendrait de mener une réflexion sur les objets suivants: en premier lieu, sur la condition des mineurs détenus à Champ-Dollon alors qu'ils n'ont rien à y faire; en deuxième lieu, sur l'article 43 évoqué précédemment et sur la nécessité pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques de disposer d'un établissement approprié; enfin, sur les personnes exécutant leur peine à Champ-Dollon alors qu'elles devraient être transférées dans un autre lieu. Le fait de répondre à toutes ces questions permettrait déjà de libérer un certain nombre de places.
J'invite également le Conseil d'Etat à réfléchir sur un déplacement éventuel de la Pâquerette. Cette dernière pourrait être annexée au nouvel établissement pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques. Cette mesure permettrait aux personnes détenues à la Pâquerette de bénéficier de conditions de détention bien meilleures que celles qui sont les leurs actuellement.
Voilà pour l'essentiel. Je vous remercie de votre attention.
Mme Anita Cuénod (AdG). Au-delà de son mandat habituel - visites régulières et ponctuelles des lieux de détention et auditions sans témoin de plusieurs dizaines de détenus hommes et femmes - les travaux de la commission ont été plus particulièrement marqués par deux éléments: d'une part, la volonté de développer et d'améliorer ses compétences par des formations et des séminaires avec l'assistance de ses experts; d'autre part, une approche des problématiques dont elle a le souci. Je pense en tout premier lieu à la détention des mineurs: cette dernière se fait encore à Champ-Dollon, bien qu'accompagnée par des éducateurs spécialisés détachés à la prison préventive lorsque les places de La Clairière sont occupées - ce qui est quasiment toujours le cas.
L'avancement des travaux de la nouvelle Clairière possède, à cet égard, une connotation d'urgence. La présence de gardiens à la Clairière suscite des préoccupations et la permanence de cette présence n'est pas souhaitable eu égard au mandat éducatif incombant, à notre sens, aux éducateurs. Nous attendons donc le rapport confié à M. Zermatten d'ici la fin du premier trimestre 2004.
La situation des personnes faisant l'objet d'une mesure d'internement au sens de l'article 43 du Code pénal constitue une autre de nos préoccupations, et non des moindres. La construction d'un établissement spécialisé garantissant la sécurité publique et offrant les soins requis par l'état de santé des personnes internées doit être réalisée au plus vite.
La permanence effectuée par la commission dans les locaux de rétention et les violons de la police lors des événements liés au G8 nous a offert l'occasion de mesurer le chemin qu'il reste à parcourir pour que les forces de l'ordre adoptent une perception plus pragmatique de la mission du contrôle parlementaire concernant les conditions de rétention ou de détention dans les violons. Ces derniers, il faut le répéter, ne sont pas conformes aux normes européennes: ils devraient, selon ces normes, offrir une lumière et une ventilation naturelles ainsi qu'un accès à l'eau.
Celà étant, il est important de relever les bonnes relations entretenues avec l'office pénitentiaire et la direction de Champ-Dollon. Ces relations s'expriment par une écoute attentive et par le fait que nos recommandations sont suivies d'effets concrets et rapides.
M. Alain-Dominique Mauris (L). Bien que le sujet des prisons ne soit politiquement pas aussi porteur que les crèches, force est de constater que notre parlement doit se donner les moyens de mettre en place et de soutenir la planification pénitentiaire du département de justice, police et sécurité. Beaucoup trop de retard a été pris; trop peu d'importance a été accordée au grave problème que pose aujourd'hui l'enfermement des délinquants. On a encore tendance à penser qu'il suffit de mettre en prison les coupables et de les y oublier - un peu comme au Moyen Age, lorsqu'on mettait dans les basses-fosses les indésirables...
Depuis des millénaires, notre société prône l'enfermement pour protéger la société. Des progrès d'accompagnement ont, certes, heureusement été accomplis. Il reste toutefois beaucoup à faire pour éduquer les citoyens. Des exemples ont été cités: est-il normal qu'à l'instant où l'on discute de ce rapport, plus de vingt mineurs soient enfermés à la prison pour adultes qu'est Champ-Dollon ? Non ! Cette situation est contraire à toute convention internationale !
Quelle honte pour notre société moderne de laisser ainsi des jeunes en rupture aux côtés d'idoles du crime ! Est-ce normal de laisser des personnes retenues sur la base de l'article 43 du Code pénal à Champ-Dollon avec des gardiens en guise d'infirmiers et des délinquants en guise de camarades ? Cela est totalement inapproprié ! Comme on l'a relevé, le nombre de personnes concernées par l'article 43 augmente d'année en année. Or il faut savoir que ces personnes peuvent être très dangereuses pour la société. C'est pourquoi elles doivent impérativement être enfermées et soignées dans un endroit approprié. Et que dire des cellules des postes de police à Genève ? Aucune n'est conforme ! Que dire, encore, du VHP - vieil hôtel de police - l'immeuble dans lequel travaillent nos policiers ? Maintes fois on a dénoncé les conditions de travail dans cet immeuble trop vétuste et totalement inapproprié - immeuble dans lequel, je le rappelle, aucun d'entre nous n'accepterait de travailler. J'ai eu l'occasion de rester plusieurs heures dans ce bâtiment lors du G8 pour effectuer des visites à des personnes privées de liberté: je puis vous assurer que nous avons beaucoup de chance que les personnes qui y travaillent le fassent aussi bien dans des conditions aussi lamentables ! Il faut le voir pour le croire ! En dernier lieu, la surpopulation carcérale de Champ-Dollon devra également trouver une soupape à très brève échéance.
Ces exemples sont révélateurs du retard que nous avons pris. Une politique efficace doit prévoir; aujourd'hui, nous sommes réduits à réagir: il est temps que nous le fassions ! (Applaudissements.)
M. Bernard Lescaze (R). En dépit du brouhaha qui a peut-être entouré l'allocution de M. Hiltpold, je l'ai entendue très soigneusement. J'en ai d'autant plus soigneusement pris note que je l'avais lue ! Et je tiens à lui répliquer.
Mon intervention s'adresse à l'ensemble de la commission des visiteurs de prison, qui a paru regretter le fait que le Bureau du Grand Conseil ait entravé l'activité de la commission - comme j'ai eu l'honneur de présider ce Bureau durant toute l'année, je suppose que j'étais sans doute en partie visé par cette remarque... Je tiens, Mesdames et Messieurs, à vous rassurer immédiatement : il n'en a rien été ! (Protestations.)Nous avons, au contraire, souligné l'intérêt de ce travail ! Cet intérêt est d'ailleurs perceptible dans le rapport, lorsqu'on lit, par exemple, sous la plume de M. Hiltpold, que la visite à Amsterdam a été fort instructive... (Manifestation dans la salle.)... et qu'elle a notamment montré que l'institution prévue ne pouvait pas s'établir à Genève.
Le Bureau du Grand Conseil n'était malheureusement responsable ni du brouillard qui a contraint l'avion, devant effectuer un vol direct Genève - Amsterdam, à atterrir d'abord à Londres, ni du fait que la situation difficile des finances publiques a amené les membres de la commission à loger dans un petit hôtel, où l'on monte plutôt, que dans un grand hôtel où l'on descend... (Exclamations.)
Voilà ! En dépit de cela, je tiens à signaler que tous les membres de la commission sont revenus sains et saufs... (Rires.)Etaient-ils préservés ou non de ce voyage...
Quant au second petit litige qui a opposé la commission au Bureau, il ne portait pas non plus sur de grands principes: il concernait ce que j'ai d'abord cru être une affaire de gros sous, mais qui ne s'est révélée n'être qu'une affaire de petits sous ! Il s'agissait du calcul des indemnités dues aux membres de la commission pendant le G8. Nous avons versé une somme forfaitaire de 1'000 francs par personne - somme relativement élevée pour trois jours de travail. Comme nous n'avions compté comme jours de travail que le samedi, le dimanche et le lundi, la commission des visiteurs a jugé bon de présenter une facture pour le mardi et le mercredi... Nous avons, évidemment, entièrement honoré cette facture.
Je tenais à apporter ces précisions pour que l'on ne croie pas que le Bureau entrave l'action de l'une des commissions les plus anciennes et les plus utiles de ce Grand Conseil. Mais il faut aussi, de temps en temps, se soucier des deniers publics...
Je tiens, en guise de conclusion, à féliciter une nouvelle fois M. Renaud Gautier - qui est absent - pour son rapport sur le G8, M. Mauris pour sa présidence et M. Hiltpold pour la rédaction de son rapport. Ce dernier était, à l'exception de sa petite remarque sur le Bureau, fort intéressant... (Exclamations et applaudissements.)
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). J'adresserai un petit clin d'oeil à notre éminent ancien président: nous ne pouvons qu'espérer que la sortie du Bureau se soit déroulée dans des conditions d'économies aussi scrupuleuses... (Rires et applaudissements.)
Je tiens à m'associer aux propos précédemment tenus. Je remercierai tout particulièrement M. Hiltpold pour la qualité de son rapport, ainsi que l'ancien président Mauris pour avoir animé nos débats avec beaucoup de rigueur, beaucoup de sérieux et une dimension humaniste qu'il est indispensable de relever.
Je désire également souligner l'importance de cette commission en cassant un mythe: le mythe de ces visiteurs de la commission qui se baladent; le mythe de ces visiteurs de la commission tout contents de faire un bon repas. Je puis vous assurer que, même si nous sommes toujours très bien reçus dans les lieux où nous nous rendons, nous travaillons en profondeur et nous faisons preuve d'une attention extrême. Il s'agit d'une commission très importante car, comme cela a été relevé, c'est à la qualité de ses prisons que l'on évalue le niveau d'une société. Je relèverai par ailleurs l'excellente collégialité qui règne au sein de cette commission, dans laquelle les clivages politiques ne se font pas sentir. Cette situation est assez heureuse pour être signalée de temps en temps.
Le parti démocrate-chrétien sera extrêmement attentif au fait que les priorités relevées en matière de conditions de détention des mineurs et des personnes soumises à l'article 43, mais également des femmes, constituent l'un des soucis de cette commission.
Je tiens, en dernier lieu, à souligner l'excellente collaboration existant avec le service pénitentiaire et avec la police, ainsi que l'attention toute particulière portée par Mme la présidente Spoerri à nos travaux. Il me paraît important de faire remarquer la grande qualité de ces relations.
En conclusion, je vous prie évidemment d'accepter ce rapport.
M. Alberto Velasco (S). Les socialistes accueillent ce rapport avec beaucoup de plaisir et se réjouissent de l'accepter. Je me rallie entièrement aux propos tenus par mon collègue Mauris lors de son excellente intervention. Sans revenir sur les sujets qu'il a abordés, je souhaite insister sur la vétusté des locaux.
En tant que nouveau membre de cette commission, j'ai pu constater à l'occasion de nos visites que les locaux - je pense notamment à ceux de Champ-Dollon - se trouvaient dans un certain état de vétusté. Bien que la commission ait insisté à plusieurs reprises pour que des travaux soient entrepris, le Conseil d'Etat n'a pas réagi avec la célérité désirée.
J'ai par ailleurs constaté que le Conseil d'Etat ne suivait pas forcément les recommandations émises par la commission au terme de son rapport. Certaines recommandations sont en souffrance...
M. John Dupraz. Ce ne sont pas les seules !
M. Alberto Velasco. C'est vrai, Monsieur Dupraz ! Nous nous sommes donc demandé s'il convenait de déposer une motion pour contraindre le Conseil d'Etat à suivre les recommandations de la commission.
Je tiens à souligner que cette situation difficile ne concerne pas uniquement les locaux des prisons, mais également ceux de la police. Des projets concernant tant les uns que les autres se trouvent en souffrance à ce niveau, Madame la conseillère d'Etat ! Il est nécessaire de s'attaquer à ces problèmes, car la commission ne pourra pas mener son travail comme il se doit si les conditions d'habitabilité des fonctionnaires et des prisonniers ne sont pas conformes aux accords internationaux signés par le canton.
En guise de conclusion, je tiens à remercier M. Hiltpold pour son excellent rapport, ainsi que M. Mauris pour son excellente présidence. Nous regrettons vivement que ce dernier quitte la commission, car son apport sur les plans éthique et intellectuel a été particulièrement intéressant.
M. Jacques Baud (UDC). Je souhaite en premier lieu remercier mes collègues pour le travail admirable qu'ils ont accompli. Ce travail n'est pas facile et l'on se trouve parfois confronté à des situations désagréables. Or, mes collègues ont accompli leur tâche avec beaucoup d'intelligence et de sens moral. Je remercie également notre rapporteur, M. Hiltpold, pour son excellent rapport.
Des voix. Ah non, là, c'est trop !
M. Jacques Baud. Pour en revenir aux choses importantes, il est exact que la commission a consacré cette année aux mineurs. La situation est extrêmement grave: vingt mineurs, voire plus, sont actuellement détenus à Champ-Dollon - ce qui est inadmissible. On se trouve face à des enfants complètement déboussolés. Il est évident que quelque chose ne fonctionne pas dans notre société !
Des travaux ont certes été entrepris s'agissant de la nouvelle Clairière - et j'espère qu'ils vont aboutir. Ce lieu n'offrira toutefois que seize nouvelles places, alors que vingt mineurs sont détenus à Champ-Dollon. La nouvelle Clairière sera donc déjà trop petite !
Il est temps que l'on prenne conscience de notre devoir et que l'on fasse ce que l'on doit. Cela nécessite de l'argent et beaucoup d'attention. Prenons, par exemple, Champ-Dollon: d'énormes travaux doivent être entrepris, car - fait regrettable - la sécurité n'est pas optimale. Des travaux sont en cours pour améliorer la sécurité, mais leur rythme n'est à mon sens pas assez rapide. Une lueur d'espoir demeure néanmoins: j'ai lu que les différents cantons romands ont décidé de construire trois lieux de détention pour les jeunes délinquants, ce dont je me réjouis.
Quant à la situation des personnes faisant l'objet de l'une des mesures prévues par l'article 43, elle est extrêmement grave; elle perdure, de surcroît, depuis un temps indéfini. Un lieu carcéral se mélange à un lieu psychiatrique. Or il s'agit de deux philosophies complètement opposées: d'un côté, l'enfermement; de l'autre, l'ouverture des portes prônée par la psychiatrie moderne. On passe de l'un à l'autre et l'on voit ces personnes... (L'orateur est interpellé.)
Je n'emploierais même pas le terme de «s'évader»: elles se promènent dans le parc, il y a un trottoir, elles partent... Et voilà ! Peut-on parler d'évasion, puisque personne ne les garde ?! Il y a là quelque chose d'absolument aberrant !
Il convient de revoir toute cette problématique et d'envisager la construction de lieux où l'on puisse placer ces personnes en toute sécurité pour la société.
Je vous remercie de m'avoir écouté et j'espère que le Conseil d'Etat prendra conscience de tous ces manquements à notre sécurité.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. J'ai entendu Mme von Arx-Vernon remercier l'office pénitentiaire et ses collaborateurs. Je remercie à mon tour Mme von Arx-Vernon de l'avoir fait. Comme vous le savez - puisque nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises cette année - je partage les soucis de votre commission. Je salue également les travaux qu'elle a accomplis durant l'année, ainsi que ceux qu'elle a effectués à titre exceptionnel dans le cadre du G8. Pour votre part, vous ne pouvez pas ignorer que l'effort fourni par l'office pénitentiaire et ses collaborateurs est constant. Nul n'est parfait... Et je vous sais gré, Madame la députée, d'avoir pensé à remercier les collaborateurs de l'office pénitentiaire.
Si je me permets de souligner que nous sommes sur la même longueur d'ondes, c'est que j'ai moi-même présenté une planification pénitentiaire - je ne crois pas que de nombreuses planifications pénitentiaires l'aient été auparavant. J'ai été critiquée pour l'avoir fait, car certains ont eu le sentiment qu'il s'agissait dece que l'on appelle «de la sculpture sur les nuages»... Il ne s'agit cependant nullement de cela ! Il s'agit de démontrer la volonté politique du Conseil d'Etat - auquel j'ai proposé cette planification. En effet, il peut arriver que les instances politiques disposent de l'argent nécessaire, mais non des idées pour concrétiser un concept, ou que, à l'inverse, elles possèdent les idées nécessaires, mais non l'argent. Il peut également arriver que ces instances politiques disposent de l'argent nécessaire et des idées, mais non de la formation requise. J'insiste sur le problème de la formation, car le problème de la violence de certains délinquants mineurs est extrêmement préoccupant. Je tiens à cet égard à rassurer le Grand Conseil: si l'espace nécessaire pour accueillir ces délinquants constitue un élément essentiel, la façon dont nous accueillerons ces délinquants l'est plus encore. Il s'agit d'un facteur absolument déterminant. Cela signifie qu'il nous faut adapter nos savoir-faire, nos formations et nos partenariats en fonction de la situation actuelle. Et cette adaptation prend du temps; elle nécessite également une réelle volonté politique.
Pourquoi est-ce que je vous tiens ces propos ? Parce que la commission des visiteurs joue, à mon sens, un rôle très important. Comme je l'ai répété à plusieurs reprises, cette commission nous permet d'améliorer constamment la qualité de nos prestations en matière de détention. Il est néanmoins important que l'ensemble du parlement soit conscient du fait qu'il ne s'agit pas seulement de principes, mais qu'il existe derrière ces principes des réalités fort préoccupantes.
Rappelez-vous - et j'ai insisté sur cette priorité - que la planification pénitentiaire prend en compte le sort des détenus au sens de l'article 43 et prévoit également une augmentation de la capacité de La Clairière.
J'ai entendu quelques critiques sur la présence des gardiens de Champ-Dollon à La Clairière; il faut savoir que c'est à la demande des collaborateurs de La Clairière que nous avons fait venir des gardiens de Champ-Dollon à La Clairière. Ces derniers se sont en effet trouvés dans une situation d'immense inquiétude, car ils étaient menacés par la gravité de la violence dans ce lieu. Ce n'est donc pas de la propre initiative de l'office pénitentiaire que ces gardiens sont venus à La Clairière, mais c'est parce que la situation devenait si aiguë que nous avons dû protéger les éducateurs vis-à-vis de délinquants extrêmement violents. Il est important de remettre cette démarche dans son contexte. Il n'est évidemment pas satisfaisant d'être arrivé à cette solution, mais cette dernière était nécessaire. Il ne s'agit par ailleurs que d'une solution transitoire.
Un rapport d'évaluation interne a, en outre, montré que, depuis que les gardiens ont été associés aux éducateurs, il n'y a plus eu un seul acte de nature à inquiéter, ni les détenus de La Clairière - car il peut arriver que les délinquants se menacent entre eux - ni les éducateurs qui y travaillent. Cette mesure étant toutefois insuffisante, nous avons, comme Mme Cuénod l'a rappelé, mandaté un expert externe chargé de nous présenter des conclusions sur l'association entre les gardiens de prison et les éducateurs que nous avons dû mettre en place.
Concernant l'agrandissement de Champ-Dollon, il est vrai, Madame Alder, que l'élément le plus important n'est, là encore, pas l'effet de surface. Je vous rappelle qu'il y a actuellement 395 détenus à Champ-Dollon... Alors que cette prison a été construite pour 170 détenus et qu'il a été clairement expertisé que le risque d'événements graves était permanent à partir de 370 ! Je veux bien ne pas agrandir Champ-Dollon, mais on ne peut laisser ni les gardiens ni les détenus dans de telles conditions de détention.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les propos que je souhaitais tenir concernant ce rapport. Je remercie le président, le rapporteur et les membres de la commission. Vous devrez, au moment des choix - je pense notamment aux choix budgétaires - vendre à vos collègues du Grand Conseil un produit peu «sexy», comme diraient certains, mais qui comporte un élément tout à fait fondamental pour notre société.
Enfin, concernant les travaux, vous êtes, Monsieur Velasco, bien placé pour tenter d'apporter tous les encouragements nécessaires au Conseil d'Etat - et en particulier à mon collègue du département des travaux publics - afin que les travaux dont nous réclamons tous la réalisation se réalisent dans des délais opportuns.
Mis aux voix, ce rapport est approuvé.