République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1279-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Michel Balestra, Marie-Françoise De Tassigny, Gilles Desplanches, Jean-Pierre Gardiol, Nelly Guichard, Barbara Polla pour le développement d'une économie de proximité équitable et transparente

Débat

Le président. Le rapporteur initial, M. Desplanches, est remplacé par M. Jean-Michel Gros. M. le rapporteur n'ayant rien à ajouter à son rapport, la parole est donnée à M. Bavarel.

M. Christian Bavarel (Ve). Cette motion porte en réalité sur le chèque-emploi, sujet qui nous tient fortement à coeur.

Ce rapport date de la législature précédente, puisqu'il a été rédigé il y a trois ans - je ne siégeais alors pas dans ce Grand Conseil. Je suis quelque peu surpris que la situation n'ait pas évolué depuis.

Il est vrai que nous sommes confrontés à un problème de travail au noir: certaines personnes vivent de petits boulots - jardinage, ménages chez des particuliers ou autres travaux de ce type. Ce chèque-emploi permettrait de résoudre les problèmes d'assurances sociales de ces personnes. La concurrence vis-à-vis des petites entreprises actives dans ces secteurs est par ailleurs importante. Enfin, il convient de signaler des problèmes relatifs aux personnes recommençant à travailler au gris.

Pour tous ces motifs, nous estimons qu'il est urgent de créer ce chèque-emploi et de disposer d'une solution dans notre canton. Par conséquent, les Verts soutiendront évidemment cette motion. Nous appelons également le Conseil d'Etat à se pencher sur cette question pour aboutir le plus rapidement possible à une solution.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je salue ce rapport sur le chèque-emploi, qui arrive au bon moment puisque nous venons de voter une motion sur le travail clandestin. Ce chèque pourra donc accompagner la réflexion de la commission de l'économie au sujet du travail clandestin.

Je tiens également à saluer le travail du Conseil d'Etat et, plus particulièrement, de deux départements - celui de l'économie et celui de l'action sociale - qui ont travaillé de concert pour nous proposer la concrétisation de ce chèque-emploi... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Je remercie donc ces deux départements ainsi que le Conseil d'Etat dans son ensemble pour avoir travaillé avec célérité et efficacité !

Une voix. Alors ça, c'est de la «lèche» !

M. Gabriel Barrillier (R). J'allais dire que c'était le «chèque-PDC», mais je fais là un mauvais jeu de mots... (Rires.)

L'idée du chèque-emploi est très ancienne: cela fait au moins cinq ans que différentes associations privées, notamment dans les milieux du bâtiment, tentent de trouver une solution pour faire remonter à la transparence la partie de l'économie que l'on appelle souterraine. La future loi fédérale sur le travail au noir - si elle voit le jour, car elle se trouve actuellement plutôt sous la pile des dossiers à traiter... - prévoit également un dispositif de ce genre.

Il faut être conscient que ce chèque-emploi est principalement destiné à l'économie ménagère: il concerne toutes les activités relatives à l'entretien des propriétés - du côté de Cologny notamment. Je ne pense pas que ce chèque-emploi sera d'une très grande utilité dans le secteur secondaire - soit les arts et métiers - où les conventions collectives et les partenaires sociaux sont bien organisés. (Brouhaha.)

Je le répète: il faut tenter cette expérience - qui semble bien fonctionner en Valais - dans notre canton, de manière à améliorer, dans la mesure du possible, la situation des travailleurs qui ne bénéficient pas des garanties d'une couverture sociale de qualité.

Le groupe radical accepte donc ce rapport, mais ne pense pas que ce chèque-emploi provoquera de miracle. Lançons-nous et faisons le point quant à son fonctionnement dans deux ans !

M. Alain Charbonnier (S). Je tiens simplement à intervenir pour dénoncer, tout comme M. Bavarel, le retard dans le dépôt de ce rapport. Comme notre collègue l'a rappelé, les travaux de la commission sont terminés depuis maintenant plus de trois ans. Evidemment que M. Desplanches se montre plus rapide pour prendre des mesures en faveur des entreprises et de la promotion économique, ou pour démanteler les mesures cantonales du chômage, que pour défendre des personnes de condition modeste !

C'est dans le cadre de nos travaux sur les clandestins que nous avons reçu des propositions de la part du Collectif des sans-papiers. Ce collectif proposait notamment la création d'un chèque-emploi afin de réguler l'économie domestique. Ce rapport arrive enfin... mais bien tard à mon goût !

M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur ad interim. M. Charbonnier vient d'évoquer un retard dans le dépôt de ce rapport. Cela est sans doute vrai. Je n'en suis pas responsable, mais je communiquerai cette remarque à M. Desplanches.

Il est vrai que le rapport sur cette motion a été déposé tardivement. Cela fait toutefois plusieurs années qu'il est discuté de cette motion. Or, comme M. Bavarel l'a relevé à juste titre, la situation n'a pas évolué jusqu'à ce jour. A la lecture du rapport, je m'aperçois en outre que l'unanimité de la commission s'est prononcée en faveur d'un chèque-emploi. Compte tenu du fait que ce dernier fait l'objet de discussions depuis longtemps, j'estime personnellement - et, je le suppose, au nom de la majorité - que le Conseil d'Etat aurait pu agir même en l'absence du dépôt du rapport sur cette motion !

Contrairement à Mme Ruegsegger, je ferai remarquer que c'est le président de la commune de Martigny - soit M. Couchepin - qui a donné l'exemple, selon les annexes à ce rapport... En l'occurrence, c'est M. Couchepin qui a donné ce coup de pouce au chèque-emploi !

Je demande au Conseil d'Etat de mettre cette mesure en vigueur le plus rapidement possible - rapport de commission ou non, une motion n'ayant, comme vous le savez, Monsieur Charbonnier, qu'un effet incitatif ! Cela dit, je vous demande bien entendu de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Salika Wenger (AdG). Ce chèque-emploi pourrait constituer une bonne solution. Je relève néanmoins un léger problème: la majorité du travail domestique est assumée par des personnes sans statut légal ! J'imagine mal, d'une part, ces personnes ne possédant aucun statut légal demander le chèque-emploi pour se faire payer et, d'autre part, leurs employeurs recourir à ce chèque-emploi !

Lors de l'audition de personnes sans statut légal, il était impressionnant de les entendre préciser que les salaires variaient entre trois et quinze francs... Or non seulement le recours au chèque-emploi coûtera beaucoup plus cher aux employeurs, mais il les obligera à déclarer des personnes qui ne peuvent l'être puisqu'elles ne possèdent aucun statut. Il y a donc là un point qui me semble pour le moins bizarre !

Je n'ai pas siégé au sein de la commission qui s'est penchée sur ce sujet, cependant, d'après ce que j'ai pu lire dans le rapport, il semblerait que les entreprises puissent également utiliser ce chèque-emploi. En d'autres termes, on est en train d'institutionnaliser les petits boulots, l'hyperflexibilité et le travail sur appel. Même si ces heures de travail sont déclarées, je ne suis pas certaine qu'une telle mesure aille dans le sens des principes généralement défendus par l'Alliance de gauche...

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Le chèque-emploi est une vieille histoire dont il est question depuis longtemps. Si nous ne sommes pas parvenus à le mettre sur pied il y a quelques années de cela, c'est tout simplement en raison d'un certain nombre de difficultés peu évidentes à résoudre.

La pemière de ces difficultés renvoie à la distribution des assurances sociales dans notre pays: en effet, celles-ci ne sont pas gérées par un seul, mais par diverses institutions.

Nous nous sommes engagés à mettre en place ce chèque-emploi il y a deux ans et nous avons fait en sorte d'y parvenir par le biais d'un travail interdépartemental. Nous avons, bien entendu, étudié l'exemple proposé par le Valais - puisqu'il s'agit pratiquement du seul exemple qui ait réussi. Nous nous sommes rapidement rendu compte qu'il était difficile d'instaurer, comme le demande la motion, un chèque-emploi dans les micro-entreprises. Nous avons en revanche réalisé que la majorité des emplois non déclarés, faute de loi - faute de chèque-emploi, si je puis m'exprimer ainsi - était surtout le fait de travaux domestiques.

Le département de l'action sociale et de la santé a travaillé en collaboration avec d'autres départements; il a notamment reçu l'appui du département de justice, police et sécurité afin d'éviter l'écueil des personnes non déclarées résidant illégalement dans notre pays; il a également travaillé en collaboration avec le département des finances.

Je puis aujourd'hui vous annoncer que le chèque-emploi «service domestique de proximité» est prêt. Ce chèque, qui concerne un nombre relativement important de personnes, entrera en vigueur au mois de février prochain. Dès ce moment, il sera distribué dans les CASS et dans les mairies, où l'on pourra prendre connaissance du fonctionnement dudit chèque.

Après un certain nombre de discussions, il a été décidé de confier la gestion administrative de ce chèque-emploi à Foyer-Handicap; ce dernier bénéficiera de l'appui et du support des différents services compétents de l'Etat.

Lors de nos discussions concernant le Collectif des sans-papiers et la nécessité du chèque-emploi service, j'ai informé la commission de contrôle de gestion qu'il lui serait fait une présentation de ce dernier. Je prends très volontiers rendez-vous avec cette commission pour en discuter.

Je déclarerai en guise de conclusion que nous ne sommes actuellement pas encore en mesure de répondre à la troisième invite - qui demande la mise en place d'un système de chèque-emploi dans les micro-entreprises. Si vous le voulez, nous tenterons d'y parvenir en poursuivant nos efforts dans ce domaine. Cependant, comme l'a fort bien indiqué M. le député Barrillier, il est nettement plus compliqué d'instaurer un chèque-emploi dans les micro-entreprises que dans l'économie domestique.

Une première étape a déjà été lancée. En nous basant sur les expériences que nous ferons dans le cadre de cette dernière, j'espère que nous aurons posé quelques jalons sur cette problématique qui nous touche tous et par rapport à laquelle nous sommes tous appelés à trouver des solutions.

Je tiens, en dernier lieu, à remercier les quatre départements qui nous ont permis de réaliser ce projet et de résoudre ainsi une bonne partie de cette problématique.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat ! Mesdames et Messieurs les députés, il vous est proposé d'approuver cette motion et de l'envoyer au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 1279 est adoptée.