République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 octobre 2003 à 21h
55e législature - 2e année - 12e session - 74e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 21h, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président.
Assistent à la séance: Mme Martine Brunschwig Graf et MM. Robert Cramer et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées. (Brouhaha.)
Une voix. Cela commence bien !
Le président. Oui, ça commence bien, Monsieur le député, mais si vous évitez de me distraire, cela ira mieux encore !
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Janine Hagmann, Nicole Lavanchy, Claude Marcet, Alain-Dominique Mauris et Pierre Schifferli, députés.
Annonces et dépôts
Le président. Nous avons reçu la pétition suivante:
Pétition pour la reconnaissance salariale des bas salaires du personnel de la Fédération des sociétés d'aide et de soins à domicile (FSASD) ( P-1451)
Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions.
Le président. Par ailleurs, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante à la commission de l'environnement et de l'agriculture:
Pétition concernant l'inondation qui a ravagé le village de Lully ( P-1430)
Premier débat
Le président. Monsieur le rapporteur de majorité, souhaitez-vous ajouter quelque chose à votre rapport ?
M. Pierre Kunz. Non, Monsieur le président.
Le président. M. le rapporteur de minorité souhaitant prendre la parole, je la lui donne volontiers.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Voici donc ce projet de loi revenu de la commission des droits politiques. En effet, nous l'avions déjà traité lors d'une séance précédente, au cours de laquelle le rapport avait été renvoyé à la commission des droits politiques par une majorité de circonstance.
Il s'agit d'un projet de loi du parti radical; un de plus, puisque ce parti a déposé de nombreux projets de lois portant sur le règlement du Grand Conseil et avançant plus ou moins tous le même argument: celui de gagner absolument du temps lors de débats. Pour ce faire, les radicaux se sont appliqués à déposer plusieurs projets de lois. Mais s'agit-il de la meilleure façon de permettre un avancement rapide de nos travaux lors de nos sessions ? Je ne le pense pas.
Quelques arguments ont été fournis dans le rapport de M. Kunz. L'argument principal réside dans le fait que la suppression du débat de préconsultation permettrait une économie de temps considérable. Or il faut noter que, comme nous l'ont souvent notifié quelques anciens présidents du Grand Conseil - dont l'un en commission - le débat de préconsultation n'est de loin pas le débat le plus difficile à diriger. En effet, il est fortement codifié par notre règlement puisqu'il n'octroie que cinq minutes à chaque groupe. D'autres objets en cours à l'ordre du jour prennent en revanche beaucoup plus de temps; je pense par exemple aux motions. J'ai, à cet égard, procédé à un relevé de notre ordre du jour actuel: ce dernier ne contient que treize projets de lois contre trente projets de motions ! Il faut préciser, pour la clarté du débat, que notre règlement ne fixe pas aussi drastiquement le temps imparti à chaque intervenant lors du traitement d'un projet de motion puisqu'il ne fait que limiter les interventions des députés à trois prises de parole de sept minutes chacune. Je vous laisse donc imaginer le temps consacré aux projets de motions...
Un deuxième argument réside, d'après M. Kunz et la majorité de ce parlement, dans le fait qu'en matière de préconsultation la presse suffit largement à se faire l'écho des projets de lois. Il est vrai que, lorsqu'un parti dépose un projet de loi d'une certaine importance, il convoque la presse; les médias s'efforcent ensuite de relayer les informations du mieux qu'ils le peuvent. On constate malheureusement que le temps consacré aux affaires du Grand Conseil dans les journaux, à la radio ou, exceptionnellement, à la télévision est minime. Les médias relaient éventuellement la prise de position du parti qui se trouve à l'origine du projet de loi, mais les réactions des autres partis sont exposées de manière extrêmement succincte. Nous ne pensons donc pas que la presse suffise à remplacer le débat démocratique qu'offre le débat de préconsultation.
D'après la majorité, le débat de préconsultation est donc totalement inutile. J'ai fourni dans mon rapport de minorité un seul exemple de l'utilité de ce débat, mais cet exemple me semble particulièrement édifiant: il s'agit du projet de budget de l'Etat de Genève déposé par le Conseil d'Etat. Le projet de loi 8703 qui sera voté ce soir supprime la possibilité d'un débat de préconsultation sur le projet de budget de l'Etat. Or, bien que ce point n'ait pas été abordé en commission, il nous semble inconcevable de ne pas pouvoir donner un avis sur un objet aussi important que le budget avant que celui-ci ne parte en commission.
Il existe évidemment de multiples projets de lois qui ne requièrent pas de débat de préconsultation. Pour ce qui est de notre parti, nous acceptons très souvent, lors des réunions de chefs de groupe, de renvoyer en commission une grande partie des projets de lois sans débat de préconsultation. Telle est notre pratique habituelle. Je précise que le renvoi sans débat de préconsultation ne fait l'objet d'aucune loi ni d'aucun règlement: il s'agit d'une pratique admise par notre Grand Conseil, mais sans aucune base réglementaire ou législative. Il suffit que l'unanimité des chefs de groupe décide d'envoyer un sujet en commission sans débat de préconsultation pour qu'il en soit fait ainsi. On pourrait éventuellement envisager de changer cette pratique en décidant que l'accord des deux tiers des chefs de groupe suffit à envoyer un projet de loi en commission. On constate en effet qu'un seul groupe peut bloquer les travaux du parlement en laissant tous les projets de lois à l'ordre du jour et en refusant leur renvoi en commission. Il y a donc là une piste à étudier.
Nous avons suggéré une deuxième piste par le biais d'un amendement que nous avons déposé. Cet amendement propose que les projets de lois déposés par le Conseil d'Etat puissent être directement renvoyés en commission. De tels projets ont déjà très souvent fait l'objet d'une préconsultation, non auprès des parlementaires mais auprès d'associations ou de services de l'Etat.
Voilà quelle est notre position. Nous nous opposons à la suppression du débat de préconsultation et nous proposons cet abonnement... pardon, cet amendement ! Dont nous discuterons certainement tout à l'heure.
Le président. Magnifique lapsus, Monsieur le rapporteur de minorité ! La parole est désormais à M. le député Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (AdG). «Désormais», Monsieur le président, ?
Le président. «Désormais», mais pour sept minutes !
M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le président. J'appuie bien entendu les propos du rapporteur de minorité. Les arguments invoqués à l'appui de ce projet de loi me paraissent spécieux. Voici une illustration de ces arguments spécieux et quelque peu bidon: on lit, sous la plume de M. Kunz, que: «grâce aux conférences de presse qui sont devenues la règle dans les milieux politiques - comme s'il s'agissait d'une nouveauté ! - et que les journalistes ne manquent jamais de fréquenter lorsque les sujets sont d'intérêt public», le débat de préconsultation n'est plus nécessaire... Mais ceux qui connaissent les conférences de presse savent fort bien qu'il existe des limites aux éléments pouvant y être présentés ! De plus, au-delà des éléments que la presse accepte de relayer - une presse dont, au demeurant, la diversité se réduit, ce qui constitue un réel problème - les citoyens intéressés ont le droit de disposer d'informations. Enfin, vous déclarez que les journalistes ne manquent jamais de fréquenter ces conférences «lorsque les sujets sont d'intérêt public». Cela signifie qu'on laisse les rédacteurs en chef décider des objets qui sont d'intérêt public ou non ! Quel que soit mon respect pour les médias, j'estime pour ma part que nous devons garantir de manière indépendante une information aux citoyennes et aux citoyens qui peuvent être appelés, notamment par le biais de référendums, à se prononcer sur les lois que nous votons.
Un autre intérêt du débat de préconsultation réside évidemment, comme cela a été souligné, dans le fait qu'il permet de prendre la température de l'ensemble des groupes de notre Grand Conseil sur des sujets importants et de préparer utilement les débats en commission. Il permet également aux parties concernées - secteurs sociaux, associations, etc. - d'être informées du dépôt d'un projet de loi et des positions adoptées par les uns et les autres; elles peuvent ainsi demander, le cas échéant, une audition à l'une des commissions de notre parlement. La capacité des commissions à être à l'écoute de milieux qui ne sont pas directement représentés dans cette enceinte constitue un aspect capital du fonctionnement de notre Grand Conseil. Il s'agit là d'une évidence !
L'opération proposée par ce projet de loi participe d'une restriction systématique des droits des députés et des possibilités de débat dans cette enceinte. Il ne s'agit pas d'une nouveauté; je vous ai d'ailleurs déjà fait part de la position de l'Alliance de gauche à ce sujet. Mais le pire - et il s'agit là d'un aspect qui n'a pas été soulevé - c'est que ce projet de loi prévoit le renvoi sans débat des projets de lois en commission. Le débat n'existe donc plus à ce stade ! Le rapporteur de majorité, M. Kunz, indique que les partisans du débat pourront, comme par le passé, développer ce débat en commission - comme s'il s'agissait d'une tare...
Du passé, parlons-en justement ! Cette mesure pose un problème aigu, car aucune règle n'impose aux commissions de traiter réellement - et dans un délai utile - les projets de lois qui leur sont renvoyés. Ce sont les majorités qui, dans les commissions, décident du traitement ou non d'un projet de loi et, le cas échéant, de l'ordre du traitement des projets de lois. Ce projet de loi que vous présentez comme inoffensif permet donc de renvoyer en commission et d'enterrer dans la durée des projets de lois qui n'agréeraient pas à une majorité de ce Grand Conseil !
Je ne me montre pas paranoïaque, je n'invente rien: nous avons assisté à ce phénomène sous le gouvernement monocolore. Durant cette période, une série de lois ont été renvoyées en commission et soigneusement enterrées par des présidents et des majorités qui ont refusé de les traiter. Je puis, en tant qu'ancien président de la commission des droits politiques, vous assurer que, lorsque l'Alternative est devenue majoritaire en 2001, elle a déterré des projets de lois déposés en 1993 ou en 1994 - y compris, Monsieur Kunz, des projets de lois radicaux déposés entre autres pour des raisons d'opportunité électorale et qui n'avaient pas été traités pendant quatre ou cinq ans ! Nous avons donc ressortis ces projets de lois et nous avons mené un travail sérieux, rigoureux et systématique afin de permettre que le débat ait lieu dans cette enceinte. Si nous avons procédé ainsi, c'est parce que, même si vous vous refusez à nous l'accorder, nous possédons un sens relativement aigu de la démocratie et de la nécessité du débat parlementaire !
Si l'on menait une étude un tant soit peu sérieuse sur cette question, on pourrait recenser dans les archives du Grand Conseil le nombre de projets de lois qui, dans certaines circonstances - et notamment sous des majorités de droite - ont dormi en commission pendant des années, des années et des années ! Si vous voulez vous montrer fidèles aux déclarations figurant dans l'exposé des motifs - lequel assure que le débat pourra avoir lieu en commission ainsi qu'au retour de commission - il ne vous suffit pas de voter ce projet de loi tel quel, mais il vous faut garantir que les projets de lois renvoyés en commission seront traités dans un certain délai. Il y a là matière à réflexion et on pourrait légiférer dans ce sens.
En l'état, notre règlement ne garantit d'aucune manière qu'un projet de loi renvoyé en commission soit traité: il pourrait dormir en commission pendant dix ans ! La loi portant règlement du Grand Conseil - que, Mesdames et Messieurs du bureau, vous connaissez bien - n'impose aux commissions aucun ordre de traitement par arrivée ni aucune priorité. Je suis personnellement favorable au maintien d'une telle souplesse, car j'estime qu'il est peu souhaitable de tout réglementer. Il faut toutefois, en contrepartie, qu'un minimum de débat public soit garanti lors du dépôt d'un projet de loi par un député ou par un groupe de députés. Sans cela, des projets de lois pourront dormir en commission, si ce n'est pour l'éternité, du moins suffisamment longtemps et ils pourront le faire d'autant plus facilement qu'ils n'auront à aucun moment été évoqués publiquement dans cette enceinte. Personne ne sera donc au courant...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Pierre Vanek. Il s'agit de ma conclusion ! Ainsi, Monsieur Kunz, si vous voulez garantir que le débat aura réellement lieu en commission, il vous faut assortir ce projet de loi de dispositions sur le délai de traitement des projets de lois en commission et d'autres exigences qui empêcheront de se produire les phénomènes que je viens de décrire. C'est pourquoi je m'oppose à ce projet de loi, que je considère comme inachevé et qui mérite, à mon sens, d'être renvoyé en commission. C'est la demande que je vous adresse, Monsieur le président !
Le président. Merci, Monsieur le député. Le renvoi en commission ayant été demandé, le débat ne portera que sur cet objet; ne pourra s'exprimer qu'un représentant par groupe. La parole est à M. le député Bernard Annen.
M. Bernard Annen (L). Je ferai pour commencer une réflexion sur les propos tenus à l'instant par M. Vanek. Les propositions qui ont été faites sont, de mon point de vue, à la fois inéquitables et inapplicables. Pourquoi inéquitables ? Parce qu'il suffit qu'un député comme M. Vanek traite du fond d'un projet de loi pendant dix minutes et termine son allocution en demandant que l'on se prononce uniquement sur le renvoi en commission ! Reconnaissez avec moi qu'un tel procédé peut paraître quelque peu surprenant ! C'est la raison pour laquelle je transgresserai le principe selon lequel on ne devrait s'exprimer que sur le renvoi en commission pour aborder également le fond du problème. Je m'efforcerai cependant, Monsieur le président, d'intervenir plus brièvement afin de me rattraper...
J'aimerais tout d'abord m'étonner: m'étonner du fait que l'on politise des problèmes relatifs à des règles de fonctionnement. C'est la grande difficulté à laquelle nous nous trouvons confrontés lorsque nous tentons de réglementer pour permettre à nos travaux d'avancer, les oppositions proviennent automatiquement de la politisation de règles de fonctionnement qui, par définition, ne devraient être rien d'autre que des règles de fonctionnement ! Vous savez fort bien, Monsieur Vanek, que les majorités peuvent changer, et toutes les règles de fonctionnement pourraient donc, le cas échéant, se retourner contre leurs auteurs si ces derniers avaient des arrière-pensées au moment de l'établissement de ces règles. C'est dire qu'il faut pouvoir, à un moment donné, prendre un peu de recul pour permettre l'avancement de nos travaux.
Qu'avons-nous entendu ? Nous avons entendu que nous nous opposions aux règles démocratiques. D'accord: le fait de ne pas pouvoir s'exprimer est antidémocratique. Mais dites-moi, Monsieur Vanek, si le fait d'enterrer cent vingt ou cent trente points d'un ordre du jour est démocratique ! Toute la question est là ! Toute la question est là... Faut-il s'exprimer pendant des heures à propos d'un objet, alors que nous pourrions évoquer les mêmes éléments et prendre la même position en quelques minutes ?! Reconnaissez avec moi qu'il y a de quoi réfléchir !
Je commenterai maintenant l'intervention de M. Charbonnier. Ce dernier a déclaré que, de l'avis de l'un des anciens présidents de ce parlement - et il faisait référence à moi, puisque chacun sait que je suis le seul ancien président du Grand Conseil à siéger à la commission des droits politiques - les débats de préconsultation étaient les plus faciles à réglementer... Je vous le concède: c'est vrai ! «Ce sont, de surcroît, les plus courts», avez-vous ajouté. C'est également vrai ! Mais qu'est-ce qui est encore plus court qu'un débat de préconsultation ? C'est de le supprimer ! (Exclamations.)C'est dire qu'à un moment donné... (L'orateur est interpellé par M. Vanek.)Oui, oui, La Palisse, vous connaissez ! (M. Vanek poursuit ses commentaires.)Regardez-moi, Monsieur Vanek, car c'est moi qui parle ! Si vous voulez me critiquer, regardez-moi et ayez au moins le courage de vos actes ! (Brouhaha.)
Je reprends: je ne pense pas que nous puissions raisonner de manière aussi simpliste. Je puis vous affirmer, Monsieur Charbonnier, que je soutiendrai immédiatement la proposition selon laquelle les chefs de groupe pourraient, même à la majorité des deux tiers, décider de renvoyer un projet de loi en commission sans débat de préconsultation. Mais vous vous êtes opposé à chaque fois à une telle proposition ! Par conséquent, je ne crois pas que nous ayons le choix; nos collègues radicaux ont donc déposé ce projet de loi qui permet, à mon avis, de faire un pas vers le raccourcissement de l'ensemble des débats.
M. Charbonnier s'est par ailleurs lancé dans une démonstration selon laquelle les projets d'une importance capitale devaient absolument passer en débat de préconsultation. Il a notamment déclaré qu'il était inadmissible que nous ne puissions pas évoquer le projet de budget du Conseil d'Etat ou les comptes avant leur renvoi en commission. Il a même dit: «Impossible!» et a ajouté: «antidémocratique!» Ensuite, chose fantastique, on dépose un amendement... Or que lis-je dans l'amendement socialiste, signé par MM. Brunier et Charbonnier ? Je lis: «Le projet de loi émanant du Conseil d'Etat est renvoyé en commission sans débat» ! Il s'agit là d'une démonstration incroyable: d'une part, l'argumentaire de M. Charbonnier consiste à dire qu'il est scandaleux de ne pas pouvoir évoquer en préconsultation des projets de lois aussi importants que le projet de budget et, d'autre part, on nous présente un amendement proposant le renvoi sans débat de ces projets en commission !
C'est dire, Monsieur Charbonnier, qu'il conviendrait de ramener ces questions à leur juste proportion et d'essayer, lorsqu'un projet de loi ne mérite pas de débat de préconsultation, de le renvoyer immédiatement en commission ! Or un tel procédé s'est révélé impossible. Je l'ai constaté en tant que chef de groupe, en tant que vice-président, et en tant que président du Grand Conseil... Par conséquent, je vous propose, en l'état, d'accepter le projet de loi du groupe radical - même si ce projet est quelque peu extrême et qu'il pourrait être corrigé. Faites au moins l'effort de tester ce projet de loi pour voir si vos inquiétudes se vérifient !
Le président. Merci, Monsieur le député ! Je viens de parvenir à dissuader l'un des secrétaires de notre Bureau de vous donner lecture de l'article 78 sur le renvoi en commission, car je pense que cela ne sera pas nécessaire... La parole est à M. le rapporteur de majorité.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Si je dois m'exprimer sur le renvoi en commission, je dirai simplement ceci: Mesdames et Messieurs les députés, refusez le renvoi en commission et ne prenez plus la parole à ce sujet afin que nous gagnions du temps !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Toujours concernant le renvoi en commission, la parole est à Mme von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Ce projet de loi avait d'abord pour objectif de rectifier une erreur de castingqui a eu lieu l'année dernière en commission. On peut donc continuer encore longtemps à jouer au ping-pong... Je pense qu'il n'y a aucun sens à renvoyer maintenant ce projet de loi en commission.
M. Christian Brunier (S). Comme M. Annen vient de le reconnaître, la mesure proposée par ce projet de loi est quelque peu antidémocratique. Selon lui, nous sommes toutefois obligés d'instaurer une telle mesure en raison du retard pris par notre parlement dans le traitement des objets inscrits à son ordre du jour. Je partage ce point de vue: il est vrai que nous sommes très en retard dans nos travaux et qu'il convient de trouver des solutions. C'est pourquoi notre chef de groupe et rapporteur, M. Charbonnier, a précisément proposé deux idées.
La première est la suivante: de nombreux projets de lois pourraient être directement renvoyés en commission lorsque quasiment tous les chefs de groupe sont d'accord. Actuellement, il suffit qu'un seul groupe s'y oppose pour que le débat soit porté en séance plénière. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un phénomène nouveau, mais d'un phénomène qui dure depuis des années. La conséquence en est que certains points traînent à l'ordre du jour pendant plusieurs mois et bloquent nos travaux.
Puisque M. Annen a jugé que cette idée, articulée mais non déposée sous forme d'amendement, était intéressante, nous déposons immédiatement un amendement stipulant à l'article 126, alinéa 5 que «les deux tiers des membres du bureau du Grand Conseil, en concertation avec les chefs de groupe, peuvent renvoyer un projet de loi en commission sans débat». Cet amendement empêchera l'un de nos groupes de bloquer les travaux de ce parlement. Je précise que, même si le groupe libéral et l'Alliance de gauche sont des spécialistes en la matière, tous les groupes ont parfois agi de la sorte; nous sommes tous fautifs sur ce point.
La deuxième idée proposée par M. Charbonnier consiste à renvoyer directement les projets de lois émanant du Conseil d'Etat en commission. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet. Comme l'a relevé M. Charbonnier, de tels projets ont fait l'objet de débats pluralistes au sein du Conseil d'Etat - puisque ce dernier n'est, heureusement, plus monocolore - ainsi que de diverses préconsultations. Le débat de préconsultation a, dans ce cas, moins de sens que dans le cas d'un projet de loi émanant de l'un ou l'autre des camps de ce parlement.
Si vous êtes prêts à examiner ces deux amendements en plénière, nous accepterons de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission. En revanche, si vous n'êtes pas d'accord de travailler sur ces amendements - lesquels pourraient résoudre nos problèmes tout en proposant un compromis acceptable - nous serons obligés de soutenir le renvoi en commission.
Nous pensons pour notre part qu'il n'est pas indispensable de renvoyer ce projet de loi en commission et qu'il est possible de traiter ces deux amendements très simples directement en plénière. Je vous prie donc de soutenir ces amendements, qui représentent de réels compromis entre la liberté d'expression qui nous est chère à tous et la nécessité de ne pas paralyser par des débats trop longs les travaux de notre parlement.
Le président. Merci, Monsieur le député ! Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez redemandé la parole: vous l'avez.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Je souhaite simplement relever que la proposition faite à l'instant par M. Brunier illustre magnifiquement la façon totalement inconséquente et incohérente dont travaillent certains groupes. S'il s'agit d'une proposition sérieuse, pourquoi le groupe socialiste ne l'a-t-il pas présentée en commission au cours des six ou des douze derniers mois durant lesquels nous avons travaillé sur ce projet de loi ?! Il s'agit d'une proposition totalement inadmissible et indigne de vous, Monsieur Brunier ! ( Chahut.)
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je désire simplement faire savoir à M. Kunz que nous n'avons pas songé à ces deux amendements en commission - ce dont nous nous excusons. Mais mieux vaut tard que jamais ! S'agissant de votre remarque sur les «pratiques aberrantes» que nous adoptons, je me passerai de tout commentaire. Je ne ferai que vous renvoyer au projet de loi 9097 que votre groupe s'est amusé à concocter, projet de loi qui ne propose rien de moins que de finir l'ordre du jour à chaque session... Quand on voit qu'il nous faut aujourd'hui traiter cent vingt-cinq points... Nous en aurions pour le week-end ! Les gens apprécieront votre attitude et nos «propositions aberrantes» ! (L'orateur est interpellé par M. Kunz.)
Le président. Est encore inscrit M. le député Pierre Vanek. Ce dernier ayant déjà eu l'occasion de s'exprimer sur le renvoi en commission, je mets aux voix le renvoi en commission.
M. Pierre Vanek. Je m'étais inscrit pour la suite du débat.
Le président. Très bien ! Je mets aux voix la proposition de renvoi de ce projet de loi en commission.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet en commission est rejeté par 32 non contre 31 oui et 2 abstentions.
Le président. Au vu de ce résultat, nous poursuivons nos débats. La parole est à M. le député Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur Annen, vous m'avez accusé de politiser cette discussion ! Je n'estime, pour ma part, n'avoir guère utilisé des arguments politiques ou politiciens: j'ai précisément invoqué, comme vous l'avez demandé, des arguments relatifs au fonctionnement de notre Grand Conseil et aux problèmes dont - vous avez eu raison de le souligner - l'un ou l'autre bord de ce parlement peut se trouver victime en fonction des changements de majorité... (Brouhaha.)
La proposition faite par ce projet de loi garantit peut-être un traitement initial plus rapide des objets puisque ces derniers seraient immédiatement renvoyés en commission. En invoquant l'argument du temps gagné sur le traitement d'un objet, on pourrait cependant tout aussi bien supprimer motions et résolutions, et continuer à rationner les interventions parlementaires... De telles mesures ne sont certes pas démocratiques, mais ce n'était pas là l'essentiel de mon intervention.
La crainte dont je vous ai fait part et à laquelle personne n'a répondu est la suivante: une fois un projet de loi renvoyé en commission sans débat de préconsultation, rien ne garantit qu'il en ressorte dans un délai acceptable. Les commissions ont donc toute liberté pour enterrer des projets de lois de manière quasi définitive. Comme l'Entente l'a prouvé lorsqu'elle était majoritaire, le débat de préconsultation n'empêche pas un tel procédé. Il est toutefois plus difficile d'enterrer un projet de loi lorsque ce dernier a fait l'objet d'un débat de préconsultation. Un débat minimum est en outre mené sur l'objet concerné, les citoyens peuvent se former une opinion sur la base de ce modeste débat et les médias - dont M. Kunz a chanté les louanges en déclarant qu'ils s'intéressaient à tous les sujets d'intérêt public - ont alors l'occasion de rendre compte des positions des uns et des autres sur cette question par le biais de leurs représentants dans cette enceinte.
Je n'entrerai pas en matière sur les amendements proposés par mes collègues socialistes. Je souhaite simplement insister sur le fait que la loi portant règlement du Grand Conseil ne garantit nullement que les projets de lois soient effectivement traités en commission; or, c'est ce traitement qui assure leur retour dans cette enceinte. Cette situation s'avère problématique car, en cas d'ordre du jour trop chargé, l'un des moyens de décharger cet ordre du jour consiste à ne pas faire revenir des projets de lois de commission. C'est d'ailleurs l'argument-massue avancé à l'appui de toutes les mesures proposées. La situation serait dès lors fort simple: les commissions traitent tranquillement, de temps en temps, un projet de loi; moins d'objets reviennent dans ce Grand Conseil et nous aurons ainsi davantage de temps pour en débattre... Sauf que ce sont les majorités des commissions qui dicteront l'ordre du jour de ces débats ! Il existe donc là un réel problème et il ne s'agit pas, Monsieur Annen, d'un problème politique, mais bien d'un problème de fonctionnement ! (Exclamations.)
J'ai cité la prise de position de M. Kunz - radical avec lequel je n'ai guère d'atome crochu politique, quel que soit son caractère charmant par ailleurs - lequel s'engage à... (L'orateur est interpellé.)Mes propos figureront bien entendu au Mémorial ! Je reprends: M. Kunz s'est donc engagé à ce que les débats puissent avoir lieu en commission. Il s'agit de l'un des arguments à l'appui de son projet de loi. Il ne s'est en outre pas contenté de le dire, mais il l'a également écrit. Or, j'affirme pour ma part que ce projet de loi ne garantit d'aucune manière que les débats aient lieu en commission. C'est ici que réside le problème principal de ce projet de loi !
Je tiens à préciser que ma proposition de renvoi en commission ne constituait nullement une manoeuvre pour empêcher d'autres députés de s'exprimer sur le fond. Je pensais cependant qu'un ancien président du Grand Conseil ne transgresserait pas ouvertement le règlement et qu'il serait, le cas échéant, rappelé à l'ordre. J'en prends note pour l'avenir... (L'orateur est interpellé par M. Annen.)
Le problème que j'ai soulevé est bien réel: je ne l'ai pas inventé, mais il vient de la petite dizaine d'années d'expérience que j'ai vécues dans ce Grand Conseil. Or personne n'a répondu à la question que j'ai posée !
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais intervenir pour signaler un problème: Monsieur le président, j'ai voté tout à l'heure, mais mon nom ne s'est pas inscrit sur le tableau... Je puis vous assurer que j'étais bien présent lors du vote et que la lumière jaune s'est allumée. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que l'enregistrement des votes rencontre des problèmes ! (Brouhaha.)Une telle situation est grave ! En effet, le résultat du vote donnait presque une égalité de voix; on aurait donc pu obtenir la majorité si mon nom avait été inscrit sur le tableau. Je tiens donc à ce que ma remarque soit relevée et que l'on contrôle une nouvelle fois le système de vote.
Le président. Monsieur le député, le système semblait parfaitement fonctionner vu d'en haut. Je vous crois cependant sur parole et une vérification du système informatique sera opérée. La parole est à M. le député Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers (Ve). Notre groupe ne s'est pas encore prononcé sur le fond de ce projet de loi. Vous savez que notre parlement s'est engagé - ou, tout au moins, essaie de s'engager - sur la voie d'une réforme de la loi portant règlement du Grand Conseil dans le but d'accélérer nos travaux. Il est exact que nos ordres du jour ne s'épuisent pas en dépit des séances supplémentaires. Or il est de notre responsabilité de garantir le fonctionnement normal de nos travaux afin que nos lois soient votées dans un délai convenable. Cependant, il est également vrai que le chemin dans lequel se sont engagés plusieurs députés de l'Entente est celui de la réformette: on tente d'éliminer quelques interpellations urgentes par ici, on supprime le débat de préconsultation par là... Or, comme les chiffres fournis par le bureau du Grand Conseil l'attestent, ce n'est, dans l'ensemble, pas sur ces points que le Grand Conseil perd la majeure partie de son temps ! Vous me direz que c'est toujours cela de gagné... Oui, mais ces petits gains ont un coût en termes démocratiques, coût qui peut faire l'objet d'une évaluation. Il est vrai que ni les interpellations urgentes ni le débat de préconsultation ne constituent des modes d'expression majeurs de notre parlement; nous leur voyons toutefois une utilité. Le plus regrettable dans cette démarche, c'est que vous refusez toute entrée en matière lorsque nous vous proposons des projets de lois portant davantage sur le fond du problème auquel nous nous trouvons confrontés - à savoir le constat que nous, députés de milice, ne sommes plus en mesure d'assumer la charge que la République attend de nous. Vous voulez poursuivre sur la voie de la réformette et vous disposez la majorité: selon moi, ces projets de lois seront, tôt ou tard, acceptés. Mais nous ferons le point dans quatre ans, dans huit ans, lorsque nous nous trouverons toujours dans la même situation. Il faudra, un jour, s'attaquer au fond du problème, qui est le suivant: notre Grand Conseil est-il encore en mesure de fonctionner avec des parlementaires de milice ?
S'agissant de ce projet de loi, nous soutenons bien entendu les amendements socialistes, qui proposent un aménagement en des termes plus acceptables de la proposition contenue dans le PL 8703. J'espère que le Grand Conseil suivra également cette voie.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Monsieur le président, je vous serais reconnaissante de transmettre à M. Vanek que je m'élève en faux contre sa démonstration selon laquelle le temps de parole et la durée du débat de préconsultation ont un lien direct avec la qualité des travaux menés en commission ou, éventuellement, avec la priorité des objets renvoyés en commission. A mon sens, nous frisons l'overdose - voire la saturation - lors les débats de préconsultation et nous pouvons, dans certains cas, être allergiques à certaines diarrhées verbales !
Aujourd'hui, ce projet de loi prend encore davantage de sens au regard des préoccupations de la grande majorité des députés. Bien sûr, plusieurs d'entre nous partagent le sentiment que quelques-uns seraient extrêmement heureux de pouvoir se gargariser encore longtemps, quitte à retarder l'ordre du jour... Il me semble qu'en multipliant des projets de lois visant à gagner du temps, à mieux travailler, à nous montrer plus synthétiques et à aller à l'essentiel, nous demeurons dans le respect des droits démocratiques. C'est pourquoi le groupe PDC vous demande de soutenir ce projet de loi comme un signe de bonne volonté, de concision, même s'il ne s'agit pas d'un projet génial ! (Applaudissements.)
Présidence de Mme Françoise Schenk-Gottret, deuxième vice-présidente
M. Robert Iselin (UDC). Je souhaite m'inscrire en faux contre les propos tenus par M. Vanek. Pas plus tard qu'il y a quarante-huit heures - ou même vingt-quatre - un membre par parti de la commission des finances a été convoqué pour passer en revue les objets en suspens. Bien que tous les partis n'aient pas été représentés, nous avons travaillé de manière très sympathique et très agréable pendant deux heures. Le résultat de nos efforts a été le suivant: nous avons accordé des degrés d'urgence plus ou moins grands à certains projets. Je ne comprends pas comment l'on peut prétendre que des personnes travaillant pour la République en raison de convictions personnelles se mettent à fausser les débats pour empoisonner la partie adverse. Il s'agit d'une plaisanterie !
Une voix. Absolument !
M. Robert Iselin. Prenons les sept partis qui composent ce parlement - en attendant que ce dernier en compte moins: si le représentant de chaque parti intervient durant cinq minutes, cela fait un total de trente-cinq minutes. A ces trente-cinq minutes s'ajoute le temps que le président ou la présidente prend pour nous donner la parole. Avec un petit charivari par-ci, par-là, il y en a pour une heure ! (Protestations.)
En admettant que l'on parvienne à traiter quatre projets de lois par soirée et que les débats sur chacun de ces projets durent soixante minutes, cela fait un total de deux cent quarante minutes ! Après cela, la séance est terminée: on rentre à la maison !
Je regrette d'avoir à dire que les débats de préconsultation durant lesquels chacun expose ses propres convictions sont totalement inutiles ! Si vous voulez empêcher que l'on discute du budget, il s'agit d'une autre question: on peut faire une exception pour le projet de budget. Par ailleurs, si j'ai bien compris le texte qui nous est soumis, un député peut proposer la discussion immédiate d'un projet de loi; sa proposition serait alors mise aux voix sans débat. Que voulez-vous de plus démocratique que cela ?!
La présidente. Je prierai M. Cramer de ne plus disperser l'attention des intervenants. (Rires et applaudissements.)La parole est donnée à M. Kunz, rapporteur de majorité.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Madame von Arx-Vernon, le génie est rare ! Même, malheureusement, au sein de ce parlement ! Il est vrai que nous avançons petit à petit, en bûchant, le mieux possible, vers la vérité...
Après toutes les envolées lyriques de ce que l'on nomme «les bancs d'en face», redevenons quelque peu pragmatiques, s'il vous plaît ! Chacun devrait convenir que l'ensemble de la population genevoise - enfin, je veux parler du dernier quarteron qui ne s'est pas encore endormi, surtout depuis que Léman Bleu retransmet nos débats - s'accorde sur le fait que notre Grand Conseil se perd et détruit sa crédibilité en verbiages. (Exclamations.)Manifestement, la minorité ne veut toutefois ni entendre, ni voir: elle refuse d'admettre l'évidence, probablement parce qu'elle recherche moins l'efficacité que d'autres buts. (Brouhaha.)
En témoignent le rapport de minorité de M. Charbonnier et les arguments quelque peu curieux qu'il invoque et qui ont été repris par nombre d'entre vous... L'augmentation du travail, déclare-t-il, est due à l'explosion du dépôt de nouveaux projets de lois. Est-ce qu'il sous-entend par-là qu'il faudrait réduire, voire supprimer le droit des députés de déposer des projets de lois ?! Il souligne par ailleurs que la médiatisation de certains projets de lois ne remplace pas le débat démocratique. C'est exact... Mais il ne s'agit pas de cela: il s'agit de mettre un terme au verbiage qui, lui, lorsqu'il est inutile, incohérent et répétitif, tue le débat démocratique ! Enfin, M. Charbonnier et d'autres affirment qu'il est anormal de s'en remettre à la seule presse sur un sujet aussi important que le budget. Je ne peux cependant pas croire que le parti socialiste et l'ensemble de la gauche aient besoin d'un débat de préconsultation pour faire connaître publiquement leur opinion concernant un budget ! De surcroît, comme l'a relevé M. Iselin, chacun est à même de réclamer, à tout moment et pour tout projet de loi, la discussion immédiate.
S'agissant des gains de temps envisageables, je vous renvoie au cas concret présenté dans le rapport de majorité: le 2 février dernier, le temps de préconsultation consacré par le parlement au traitement de cinq projets de lois - dont deux déposés par le Conseil d'Etat - a été de une heure trois quarts ! Et pourquoi ? Pour entendre des déclarations qui seront de toute façon répétées en commission et qui n'ont, ce jour-là, absolument pas été reprises par la presse ! Vos arguments sont donc totalement inopérants !
J'aborderai un dernier point: M. Vanek est très longuement intervenu pour nous exposer ses craintes. Il a peur de l'enterrement de projets de lois durant une dizaine d'années en commission... (Brouhaha.)Mais, franchement, qu'est-ce que le débat de préconsultation change à cela ?! Vos projets de lois, comme les nôtres, continueront à être enterrés à cause du mauvais travail des commissions - car il faut bien reconnaître que ces dernières font parfois du mauvais travail ! Ces projets de lois sont principalement enterrés parce qu'ils ne sont pas d'une grande actualité ou parce qu'ils dérangent trop: c'est exact ! (L'orateur est interpellé par M. Vanek.)Ma foi, cela fait également partie de la démocratie ! Or la démocratie n'est pas toujours efficace !
Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité ! Le bureau a décidé de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits MM. Annen, Charbonnier et Vanek... lequel renonce. La parole est donc à M. Annen.
M. Bernard Annen (L). Je souhaite simplement relever que nous n'avons pas tout à fait compris les amendements socialistes. Nous les attendons d'ailleurs, ils n'ont toujours pas été déposés sur nos bureaux. Pour l'instant, il est donc difficile de définir quelles incidences ils pourraient avoir sur notre règlement. C'est dire que nous sommes quelque peu hésitants à les soutenir ! J'avais cru comprendre lors de la présentation de ces amendements que ceux-ci annulaient totalement le projet de loi de nos collègues radicaux; une telle annulation aurait été inacceptable. Cependant, d'après les explications de M. Brunier, il semblerait qu'il y ait un moyen de trouver un compromis sur cette affaire - laquelle ne présente, à mon sens, pas d'enjeu fondamentalement politique.
Corrigez-moi si je me trompe, Monsieur Brunier: si j'ai bien compris, nonobstant la proposition que je retenais tout à l'heure de faire voter les chefs de groupe et le bureau pour déterminer les projets de lois qui pourraient repartir sans débat en cas de majorité qualifiée, ces amendements ne concerneraient que les projets de lois émanant des députés, et non ceux déposés par le Conseil d'Etat. Je fais exception du projet de budget, car il me paraîtrait bizarre que nous n'intervenions pas au soir de la présentation du budget par le Conseil d'Etat. Il serait pour le moins étrange que le Conseil d'Etat fasse ses déclarations et que les députés ne puissent pas y répondre ! Dès lors, il y a matière à discuter. Je vous répète toutefois, Monsieur le président, que je souhaiterais disposer des amendements pour que nous puissions en saisir la substance.
J'aimerais maintenant revenir sur la déclaration de M. Hodgers; je vous promets que je ne serai pas long. La déclaration de M. Hodgers est quelque peu cavalière dans la mesure où il traite ce projet de loi de «réformette». Il a raison sur le fond, mais qu'avons-nous décidé en commission ? Que cette dernière devait essayer de déterminer des pistes et de mettre en place des lois suffisamment conséquentes pour permettre à nos travaux d'accélérer. Voilà quelle a été la position de l'Entente et de l'UDC en commission !
Mais là, l'Alternative a déclaré qu'elle n'en voulait pas ! Alors, vous ne pouvez pas à la fois traiter les projets de lois de nos collègues de «réformette» et refuser d'étudier les pistes que nous avons signalées ainsi que les projets qui proposent des réformes plus profondes du fonctionnement de notre parlement ! Faites-nous confiance, nous reviendrons très prochainement sur ces pistes ! J'espère que le prochain projet qui vous sera soumis ne sera pas traité de «réformette», mais de «réforme en profondeur».
J'en termine pour l'instant, en attendant d'avoir les amendements du parti socialiste sous les yeux afin de décider de leur acceptabilité.
Le président. Merci, Monsieur le député ! Soyez rassuré: les amendements sont en voie de distribution. La parole est donnée à M. Christian Brunier. Monsieur le rapporteur de minorité, je ne vous ai pas oublié, je vous donnerai la parole ensuite.
M. Christian Brunier (S). Comme M. Annen vient de le demander, il me paraît nécessaire de préciser quelque peu le contenu des amendements déposés par le groupe socialiste. Je signale en préambule qu'il conviendra de traiter ces amendements d'un seul bloc. Il n'est en effet pas possible, pour une question de cohérence, d'en accepter une partie et d'en rejeter l'autre. Il faudra donc soit accepter le tout, soit rejeter le tout.
Voici le consensus que nous vous proposons par le biais de ces deux amendements: le premier amendement consiste à ajouter, aux alinéas 2 et 3 de l'article 126 du projet de loi voté par la commission la mention, les mots: «émanant du Conseil d'Etat». Tous les projets de lois émanant du Conseil d'Etat seraient ainsi automatiquement renvoyés en commission. Nous partons ici du principe que ces projets ont déjà fait l'objet d'âpres discussions au sein du Conseil d'Etat, voire avec la société civile. (Brouhaha.)Carlo Sommaruga déposera par ailleurs un sous-amendement afin que le projet de budget échappe à cette disposition; ce sous-amendement devrait répondre à la demande du groupe libéral.
Notre deuxième amendement consiste à ajouter à l'article 126 un alinéa supplémentaire permetttant aux deux tiers des membres du Bureau du Grand Conseil, en concertation avec les chefs de groupe, de renvoyer un projet de loi émanant de l'un de nos partis directement en commission. Cette disposition a pour but d'éviter qu'un seul groupe soit en mesure de bloquer complètement les travaux du parlement.
Ces amendements représentent à notre sens un bon consensus, car ils permettent à la fois de conserver le débat démocratique sur la préconsultation lorsqu'il le faut et de renvoyer tous les autres projets en commission afin d'éviter de perdre du temps en plénière.
Le président. Les deux rapporteurs ayant demandé la parole, M. le rapporteur de majorité s'exprimera en premier, puis ce sera le tour de M. le rapporteur de minorité.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. J'avoue, à titre personnel, être franchement scandalisé par ces amendements qui arrivent en session plénièren après presque une année de travail ! Il y a là quelque chose d'absolument grotesque et d'inadmissible par rapport au fonctionnement de notre Grand Conseil ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Monsieur Brunier, trois de vos collègues ont travaillé avec nous en commission pendant des mois et des mois...
M. Alain Charbonnier. Pendant deux séances !
M. Pierre Kunz. Et vous débarquez maintenant en session plénière avec ces amendements ?! Ces derniers ne sont évidemment pas acceptables pour nous, radicaux. Toutefois, si, à défaut de la majorité qui était celle de la commission, une majorité se dessine dans ce Grand Conseil, nous l'accepterons. Je tiens néanmoins à stigmatiser une telle attitude, qui démontre l'amateurisme de certaines personnes travaillant dans cette enceinte.
Une voix. C'est vraiment dingue !
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. M. Kunz a déclaré que la commission travaillait depuis des mois et des mois sur ce projet de loi... J'explose de rire ! Comme il est indiqué dans le préambule de son rapport de majorité, ce n'est que le 6 novembre 2002 - soit durant une seule séance - que la commission a traité ce projet de loi. M. Kunz évoque des mois et des mois de travail alors que l'Entente a foncé sur ce travail ! Je rêve ! (Brouhaha.)
Je tiens par ailleurs à rassurer M. Kunz, qui a suspecté le parti socialiste de désapprouver le nombre important de projets de lois déposés. Pas du tout: il ne s'agit là que d'un constat ! Nous nous référons à une statistique fournie par le Service du Grand Conseil, statistique qui montre que le nombre de projets de lois déposés par les députés ont triplé, voire quadruplé, durant les dix dernières années. Nous ne remettons nullement ce fait en question: au contraire ! Comme l'a relevé M. Antonio Hodgers, cette statistique démontre toutefois la nécessité de revoir de manière globale notre méthode de travail.
Réformette ou pas réformette: je n'en sais rien ! Mais saucissonnage, c'est certain ! Puisque vous proposez quatre ou cinq projets de lois au lieu de regrouper vos propositions ! C'est cela qui nous prend énormément de temps !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 44 oui contre 40 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis à l'article 126 de deux amendements ainsi que d'un sous-amendement.
Le premier amendement consiste à modifier ainsi l'alinéa 2: «Le projet de loi émanant du Conseil d'Etat est renvoyé en commission sans débat».
Un sous-amendement concernant ce même alinéa 2, actuellement distribué aux membres du Bureau et aux chefs de groupe, précise... (Brouhaha.)
Une voix. On entend mal !
Le président. Si les personnes présentes dans cette enceinte étaient plus silencieuses, on m'entendrait mieux ! Le sous-amendement prévoit donc que seul le projet de loi émanant du Conseil d'Etat à l'exception de la loi budgétaire serait renvoyée en commission sans débat.
Le deuxième amendement socialiste propose quant à lui l'ajout d'un alinéa 5 à l'article 126. Cet alinéa précise: «Les deux tiers des membres du Bureau du Grand Conseil, en concertation avec les chefs de groupe, peuvent renvoyer un projet de loi en commission sans débat».
Comme M. Brunier l'a demandé, je ferai voter ces divers amendements en même temps. M. Brunier avait en effet indiqué que ces amendements n'avaient pas de sens indépendamment les uns des autres. Avant de mettre aux voix ces amendements, je donne la parole à M. Rodrik.
M. Albert Rodrik (S). Le budget s'appelle «loi de finance annuelle». Si l'on veut bien mettre le texte en harmonie...
Le président. Il s'agit d'une excellente remarque, Monsieur le député, mais figurez-vous que je suis tenu de lire les amendements tels qu'on me les présente. Vous avez cependant apporté une contribution tout à fait adéquate; il faudrait donc comprendre l'un des trois amendements comme étant exprimé de cette manière.
La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix ce bloc d'amendements.
Mis aux voix, ce bloc d'amendements est rejeté par 48 non contre 41 oui.
Mis aux voix, l'article 126 est adopté, de même que l'article 130 (abrogé).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 8703 est adoptée article par article.
Le président. La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi. L'appel nominal ayant été demandé, nous allons y procéder. Celles et ceux qui acceptent ce projet de loi répondront oui, celles et ceux qui le refusent répondront non.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 8703 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 41 non. (Applaudissements.)
Premier débat
Le président. Monsieur le rapporteur de majorité, vous vous êtes inscrit; j'imagine que vous souhaitez ajouter quelque chose à votre rapport ?
M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité. Quelle perspicacité, Monsieur le président ! Comme ce sujet est relativement ancien, je souhaite rappeler quelques points essentiels à mes yeux. Vous devez vous souvenir qu'une initiative fédérale portant sur les quotas a été soumise à votation en l'an 2000. Cette initiative a été rejetée par tous les cantons et par 82 % de non. Le projet de loi 8740 qui se trouve sous vos yeux ne s'attaque certes plus à la démocratie des urnes, mais à la démocratie des partis eux-mêmes et, plus précisément, à la vie démocratique des associations de droit privé que sont les partis politiques. Il obligerait en effet les partis à inscrire un certain pourcentage de femmes sur les listes électorales.
Il convient de s'interroger sur l'efficacité d'une telle mesure. Si cette dernière était vraiment efficace, nous pourrions volontiers entrer en matière; or elle ne l'est sûrement pas. Vous trouverez à la page 3 de mon rapport une statistique concernant les dernières élections de notre Grand Conseil. Selon ces chiffres, s'il y avait 36 % de femmes candidates en 1993, la représentation féminine au Grand Conseil a été, après les élections, de 34 %; en 1997, alors qu'il n'y a eu que 31 % de femmes candidates, la représentation féminine a été de 36 %; en 2001, il y a eu 30 % de femmes candidates, mais une représentation féminine de seulement 23 % ! C'est donc bien que le pourcentage de femmes sur une liste n'a que peu d'effet sur le résultat final. Alors, bien sûr, en poussant le raisonnement jusqu'à l'absurde, on pourrait dire que, s'il y avait 0 % de femmes présentées, il est évident qu'il n'y en aurait pas beaucoup, ou que, s'il y avait 100% de femmes présentées, évidemment qu'il y aurait de fortes chances que l'ensemble du parlement soit féminin ! (Remarques.)
On peut toutefois imaginer que les quotas proposés par ce projet de loi n'auraient aucun ou, du moins, peu d'effet.
Vous remarquerez dans les annexes à ce rapport une courbe fournie par notre collègue M. Hodgers. Je ne la commenterai pas car, en dépit de multiples explications de la part de son auteur, les quatorze autres membres de la commission n'en ont pas encore saisi la signification exacte...
L'audition des partis politiques a confirmé un certain clivage entre la gauche et la droite sur cette question. Certaines tendances ont néanmoins pu être observées. Parmi ces dernières, il est certain que tous les partis recherchent des candidates, car ils sont tous conscients du fait qu'il s'agit d'un élément essentiel à l'obtention d'un soutien populaire... (Brouhaha.)La commission a toutefois trouvé bizarre que seul le parti des Verts ait inscrit un système de quotas dans ses statuts: ni le parti socialiste, ni l'Alliance de gauche ne connaissent une telle règle. La commission - ou, du moins, sa majorité - se pose dès lors la question suivante: pourquoi ces partis ne connaissent-ils pas une telle règle ? Pourquoi vouloir imposer à tous les partis une règle que l'on ne veut pas s'imposer à soi-même ?!
Mme Bugnon, directrice du Service pour la promotion de l'égalité entre homme et femme, s'est livrée à un exposé fort intéressant sur la situation dans d'autres pays. Cette comparaison internationale nous est cependant apparue peu convaincante. Mme Bugnon a évoqué l'exemple de la France, dont la loi sur la parité a fait passer la représentation féminine dans les conseils municipaux à 47,5 %. Mais, comme vous le savez, les règles sont différentes chez nos voisins français, puisque les modifications de listes y sont prohibées, et il est évident que si vous inscrivez 50 % de femmes sur une liste près de 50 % de femmes seront en principe élues ! Le problème est donc différent en France.
En Italie, une telle loi - ou une telle tentative de loi - pour les élections régionales notamment, a été déclarée inconstitutionnelle. Quant aux pays nordiques, très «avancés» en la matière, ce n'est nullement par la voie législative qu'ils sont parvenus à un tel résultat, mais c'est grâce à la volonté politique générale de tous les partis. Je tiens à souligner que, dans ces pays, aucune loi n'a été imposée par l'Etat.
La majorité de la commission ne nie pas l'existence d'un problème de représentativité féminine dans les parlements. Nous sommes cependant d'avis qu'il s'agit avant tout d'un élément culturel. Le fait que la Suisse n'ait accordé le droit de vote et d'éligibilité aux femmes qu'en 1971 n'y est sans doute pas pour rien. Corriger un élément culturel par une loi ne constitue sûrement pas, aux yeux de la majorité, une bonne solution. Effectuer au sein des partis un travail intense de persuasion, contribuer à une meilleure formation politique et, surtout, redorer l'image de la politique sont sans doute des moyens plus efficaces et plus démocratiques. C'est en tout cas l'avis de la majorité de la commission qui vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser ce projet de loi ! (Applaudissements.)
M. Ueli Leuenberger (Ve), rapporteur de minorité. Vous avez pu lire dans mon rapport de minorité que ce projet de loi a pu être discuté en commission grâce à un heureux hasard: l'absence de deux représentants de la droite a en effet permis de voter l'entrée en matière et d'examiner ce projet. Nous avons malheureusement dû constater, tout au long du travail de la commission, que la promotion de la femme dans le monde politique genevois se heurte encore à une résistance assez acharnée des partis de l'Entente et de l'UDC... (Protestations.)Oui !
La minorité de la commission est de l'avis qu'il ne suffit pas de regretter la faible présence numérique des femmes dans notre parlement; il ne suffit pas d'évoquer les efforts menés dans tel ou tel parti pour assurer une meilleure représentation féminine sur les listes; il ne suffit même pas de distribuer de temps en temps, comme ici, dans ce conseil, du chocolat et des bonbons aux femmes pour leur montrer qu'on les aime bien... (Exclamations. Le président agite la cloche.)Non, Mesdames et Messieurs, il faut des actes ! Il faut des mesures concrètes qui permettent de changer la situation !
Les travaux de notre commission ont au moins eu le mérite de réunir, dans le rapport de majorité comme dans celui de minorité, une série de faits et de chiffres irréfutables. Quant à moi, je ne fais pas partie, Monsieur le rapporteur de majorité, des quatorze commissaires qui n'ont pas compris les graphiques de notre collègue M. Hodgers... Les rapports de forces politiques dans notre parlement sont aujourd'hui tels, malheureusement, que la proposition des auteurs du projet de loi n'a aucune chance de trouver grâce dans cette assemblée. Je le regrette profondément, car elle est porteuse d'avenir.
Pour conclure, permettez-moi de relever que le rapporteur de minorité qui vous parle est extrêmement fier d'appartenir au groupe parlementaire des Verts, composé de sept excellentes femmes et de quatre hommes. Notre groupe est donc composé à 60 % de femmes ! (M. Blanc fait une remarque.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité ! Je prie M. Claude Blanc de ne pas faire de telles remarques... La parole est donnée à M. Christian Brunier.
M. Christian Brunier (S). Lorsque nous nous trouvons un peu plus loin des lieux de polémique - soit lorsque nous sommes en dehors de ce parlement - tant les députés de droite que ceux de gauche s'accordent à reconnaître qu'il n'y a pas suffisamment de femmes en politique. Les chiffres témoignent de ce problème: moins 11 % de femmes en dix ans, à l'exception de la parenthèse de 1997 où, comme M. Gros l'a relevé, peu de femmes se sont portées candidates mais beaucoup ont été élues. Ce que M. Gros a oublié de signaler, c'est qu'il y a eu cette année-là une majorité de gauche; or, historiquement, on trouve principalement des femmes à gauche, d'où cette exception.
Néanmoins, en dehors des polémiques politiciennes, l'ensemble des partis partagent le constat qu'il n'y a pas suffisamment de femmes en politique et que cette situation est dommageable puisque ce type de sensibilité manque trop souvent dans nos débats. Si nous sommes d'accord sur ce constat, nous devrions au moins tenter de travailler ensemble pour trouver des solutions ! Je reconnais volontiers que trouver des solutions n'est pas une chose simple: la faible participation des femmes en politique renvoie en effet à un véritable problème de société, et ce n'est pas uniquement par le biais de projets de lois que nous trouverons des solutions. Le projet de loi que nous avons déposé constitue, à ce titre, un remède modeste puisqu'il ne résoudra pas à lui seul le problème de la participation féminine dans les parlements cantonaux et dans les conseils municipaux. Il constitue toutefois un apport au renforcement de la participation des femmes à la vie politique.
Que propose notre projet de loi ? Car le rapport de majorité n'a pas été clair sur ce point... Il est vrai que ce projet propose l'instauration d'une parité sur les listes; quasiment autant de femmes que d'hommes feraient donc appel à une candidature. Le rapport de majorité ne précise cependant pas que le projet de loi ne propose l'instauration d'une parité que pour des élections relativement rares: nous vous suggérons en effet de faire un essai lors des élections au Grand Conseil et aux conseils municipaux des très grandes communes. Il s'agit donc d'une proposition relativement minimaliste et pragmatique. Nous laissons par ailleurs aux électeurs et aux électrices le choix de respecter ou non ce principe de parité en transformant cette mesure en quota. Nous n'imposons donc absolument rien à l'électorat, lequel opère son propre choix !
Monsieur Gros, votre rapport est incorrect: vous y écrivez que la population a refusé le système des quotas et que les auteurs du projet de loi ne respectent pas cette décision populaire... Oui, nous respectons la décision populaire ! En effet, bien que nous l'ayons souhaité, nous ne vous proposons pas un quota de résultat - soit une représentation équitable entre hommes et femmes après l'élection - puisque la population n'en veut visiblement pas, nous vous proposons une solution pragmatique: un quota de liste, soit une représentation équilibrée sur les listes. Reste ensuite à l'électorat la liberté de choisir comme il l'entend la composition du parlement.
Le plus grand parti de notre parlement - qui n'est heureusement plus le plus grand parti du canton - a déclaré qu'il était très dur de trouver des femmes en suffisance... (Rires.)
Une voix. On en reparlera !
M. Christian Brunier. J'aimerais déterminer l'objectif à atteindre: que veut dire «qu'il est dur de trouver des femmes» ? Cela signifie que le plus grand parti du canton devrait trouver une vingtaine de femmes tous les quatre ans !
Est-ce trop demander au parti politique qui se dit le plus grand du canton de trouver une vingtaine de femmes tous les quatre ans ?! C'est, à mon sens, un objectif minimaliste ! Un tel objectif est certes difficile à atteindre, car les femmes sont probablement moins attirées par le pouvoir que les hommes et qu'elles ont, de surcroît, une vie beaucoup plus compliquée que celle des hommes pour faire de la politique, ce qui ne favorise pas leur engagement ! Un tel objectif est néanmoins atteignable si nous en avons la volonté politique.
Vous avez également déclaré, Monsieur Gros, que vous seriez prêt à tenter de mettre en place un tel système si vous pensiez qu'il permettrait de résoudre partiellement le problème de la faible participation des femmes en politique. Eh bien, essayez ! Il n'existe certes pas de corrélation entre le nombre de candidatures et le nombre d'élus. Vous ne ferez cependant pas croire aux gens que moins il y a de femmes, plus il y aura d'élues... Plus il y aura de femmes, plus il y aura d'élues ! Et c'est tant mieux ! C'est ce que nous vous proposons par le biais de ce projet de loi.
J'aimerais maintenant formuler quelques remarques sur les auditions menées par la commission - auditions qui ont mis en évidence un paradoxe. En premier lieu, selon le président du parti libéral, le parlement ne doit prendre aucune décision, mais il doit laisser faire les partis. Il faut laisser faire les partis... Mais regardez le résultat !!! Cela fait des années qu'on laisse faire les partis ! Or le nombre de femmes élues ne fait que stagner ou diminuer, et cela tant au sein de notre parlement que dans la plupart des autres parlements de ce pays et des conseils municipaux de notre canton. Va-t-on laisser faire longtemps des partis qui n'ont pas la volonté politique de résoudre ce problème ?! (Brouhaha.)Nous devons contraindre les partis à encourager... (L'orateur est interpellé.)
Qu'est-ce que j'en sais ?! Alors, vous êtes «gonflé» ! Regardez vos rangs ! Regardez-les... Il n'y a pas une seule femme ! (Vives protestations et huées.)
Le président. Monsieur Brunier...
M. Christian Brunier. Je ferai une deuxième remarque sur ce rapport. Le président du parti libéral ose déclarer que chercher à tout prix des candidatures féminines laisserait tomber les critères de qualité ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte des propos tenus par votre président ! (Manifestation dans la salle.)C'est dramatique ! Lorsqu'on cherche des candidatures masculines, on sait bien entendu qu'il n'existe aucun problème de qualité... (Exclamations.)En revanche, comme par hasard, rechercher des candidatures féminines poserait un problème de critères de qualité ? Vous moquez-vous du monde ! (Brouhaha. Applaudissements.)
M. Albert Rodrik. Mais c'est vrai, il a raison... Il a raison!
Le président. Avez-vous terminé, Monsieur Brunier ? Il vous faut conclure !
M. Christian Brunier. Quant à la conclusion de l'UDC, la voici: les choses évoluent naturellement. Les choses évoluent «naturellement» ! Mais quelle a été l'évolution du nombre de femmes au sein de notre parlement durant ces dernières années ?! (L'orateur est interpellé.)Répondez à cette question ! J'espère que vous le pourrez tout à l'heure...
Il n'y a pas suffisamment de femmes en politique, nous sommes d'accord avec ce constat. Il faut donc trouver des solutions ! Monsieur Gros, vous affirmez qu'aucune mesure crédible n'a été proposée... Je vous rappelle néanmoins que nous avons proposé, ces dernières années, une série de petits projets destinés à améliorer la participation des femmes dans ce parlement. Or vous savez quel a été votre vote, Monsieur Gros ! En ce qui concerne la limitation de la durée des mandats pour permettre de régénérer le système politique et laisser ainsi davantage de chances aux femmes, vous avez voté contre ! Quant à la limitation du cumul des mandats - dont certains sont les spécialistes - afin de laisser des places pour les femmes, pour les plus jeunes, pour les personnes les moins représentés dans ce parlement, eh bien, vous avez voté contre ! Nous avions également proposé une mesure symbolique - mais les symboles sont importants - car, actuellement, en cas d'égalité lors une élection, c'est la personne la plus âgée qui est choisie, nous avions suggéré de faire élire le sexe le moins représenté dans l'institution, ce qui aurait contribué à laisser des places aux femmes: vous avez également refusé cette mesure !
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !
M. Christian Brunier. N'affirmez donc pas qu'il existe un véritable problème quant à la participation des femmes en politique tout en refusant chacune des propositions que nous vous soumettons ! Si vous voulez confirmer le fait que vous partagez notre constat, nous vous demandons de voter ce projet de loi. Il s'agit d'un projet de loi pragmatique qui permettra, de manière modeste, de laisser entrer un peu plus de femmes dans ce parlement, lequel comprend un peu trop de représentants du sexe masculin. (Applaudissements.)
Le président. Le bureau a unanimement décidé de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: Mmes et MM. Vanek, Fehlmann Rielle, Hodgers, Ruegsegger, Iselin, Koechlin, Roth-Bernasconi, Annen, Blanchard-Queloz, Rodrik, Blanc, Pagan et Bolay. Ensuite, nous voterons.
M. Pierre Vanek (AdG). Je ne reprendrai pas les propos tenus par mes préopinants du parti socialiste et des Verts, que j'approuve. J'aborderai quelques points complémentaires dans ce débat.
M. Gros a écrit dans son rapport de majorité que le projet de loi proposé interfère dans la vie et l'organisation des partis politiques - lesquels sont des associations de droit privé. Il s'agit là de l'un de ses arguments, apparemment libéral, pour refuser ce projet de loi. Une telle interférence serait, selon lui, inadmissible. Je souhaite lui répondre sur ce point: non, Monsieur Gros, ce projet de loi ne fait que proposer de fixer les règles du jeu - les «conditions-cadres», pour reprendre votre jargon - des élections dans notre canton !
Bien entendu,des règles sont déjà fixées en la matière. Certaines d'entre elles sont plus que discutables. Je vous en citerai une: plus de 40 % d'étrangères et d'étrangers résident, vivent, travaillent avec nous dans ce canton; d'un point de vue démocratique - et nous sommes, pour notre part, des démocrates conséquents - nous souhaiterions, en tant qu'«association de droit privé», comme vous dites, que nos listes atteignent un quota de 40 % d'étrangères et d'étrangers résidant sur le territoire cantonal. Or la loi s'immisce dans le fonctionnement de cette association de droit privé que nous sommes pour nous empêcher de le faire. Mais vous ne combattez évidemment pas cette immixtion ! Cela démontre que votre argumentation est opportuniste, de circonstance et parfaitement irrecevable !
Jusqu'à une période relativement récente, on s'immisçait également dans la formation des listes des partis... Je suis payé - ou, plutôt, je ne l'ai plus été - pour savoir que l'on empêchait des travailleuses et des travailleurs du secteur public, de nos hôpitaux ou encore de nos écoles d'être présentés sur des listes électorales et de siéger au sein de ce parlement. Cette immixtion dans la liberté des associations de droit privé que sont les mouvements et les partis de former librement leurs listes, vous l'avez, à l'époque, soutenue ! Cela démontre une nouvelle fois que votre argumentation est nulle, tout à fait irrecevable et qu'elle sert de paravent piteux à une misogynie profonde, détestable... (Protestations.)... en matière de politique, et à une arrogance patriarcale ! Cette arrogance se trouve d'ailleurs reflétée, pour le compte du parti libéral, par les propos de son président, M. Jornot. Comme je reprendrai directement les propos contenus dans le rapport de M. Gros, je suppose que la citation sera exacte. M. Jornot a déclaré qu'il «appartient à une génération pour qui les questions des inégalités entre hommes et femmes ne se posent plus». Osez-vous sérieusement défendre de telles idées ?!
Une voix. M. Jornot est beaucoup plus jeune !
M. Pierre Vanek. Il est certes beaucoup plus jeune, mais je vous démontrerai qu'il ne s'agit pas d'une question de génération. Le chef de l'UDC, M. Pagan, qui ne fait pas partie de cette génération... (L'orateur est interpellé par M. Pagan.)Ce n'est pas vrai, Monsieur Pagan ?! M. Pagan a donc récemment pris publiquement position dans le cadre du questionnaire proposé par Smartvote.ch en vue des élections fédérales en déclarant qu'il s'opposait à des mesures de promotion de l'égalité entre hommes et femmes. (Exclamations.)
Vous voyez bien qu'il ne s'agit pas d'une question de génération, mais d'une tare de la droite !
Ensuite, vous avez parfaitement raison, Monsieur Gros, de relever qu'avec 30 % de candidates la représentation de femmes dans notre parlement a diminué plus que proportionnellement à la baisse du nombre de candidates lors des élections de 2001 ! Votre analyse est toutefois grossière et trompeuse puisqu'elle escamote un facteur essentiel: ce que vous ne précisez pas et qu'il convient de relever, c'est que les bancs de l'Alternative ont atteint la parité à une députée près - mais je vous rappelle que le nombre de nos députés est impair. Cela est également le cas au sein de notre groupe. En revanche, on peut malheureusement compter sur les doigts d'une main le nombre de femmes qui siègent sur les bancs de l'Entente... ( Chahut.) Vous ne dépassez, en termes de proportion de femmes élues, que d'une fraction de pourcent la proportion de 10 % - soit une femme sur dix élus - que l'UDC a «réussi» à faire élire dans ce parlement ! (L'orateur est interpellé.)Il existe à l'évidence une raison à la baisse spectaculaire du nombre de femmes lors de cette législature - laquelle a vu le pourcentage de députées baisser de plus de 36 %: c'est le fait qu'une large majorité de droite est malheureusement sortie des urnes en 2001 !
Vous avez raison de souligner l'existence, pour les femmes, d'une autre voie que celle offerte par ce projet de loi: cette autre voie, c'est celle qui consiste à voter à gauche !
Le fond du problème réside évidemment ailleurs: il réside dans le rôle subalterne prétendument naturel attribué aux femmes par les idéologues - honteux ou non - du patriarcat dont vous faites partie ! Il réside dans les inégalités sociales qui perdurent en matière de salaires et d'accès à des postes de responsabilité ! Il réside dans la répartition inégalitaire des tâches ménagères et des soins aux enfants ainsi qu'aux personnes âgées !
Vous avez raison de souligner que les racines du mal ne seront extirpées qu'avec la disparition de ce système social détestable que nous combattons. Voter ce projet de loi contribuera toutefois sans aucun doute à améliorer la situation en augmentant de quelques points la représentation des femmes dans notre parlement comme dans d'autres conseils genevois - notamment les conseils municipaux. Mais vous ne le voulez pas ! Vous prétendez que cet état de fait est culturel et qu'il est préférable de laisser évoluer la situation par elle-même.
Voter ce projet de loi, c'est envoyer un signal clair: le signal que notre assemblée a empoigné cette question et que nous ne sommes collectivement pas d'accord avec le fait qu'il y ait dans cette enceinte, largement par votre faute... (Brouhaha.)
Présidence de M. Bernard Lescaze, président
Le président. Un signal au moins est clair: c'est que vous avez bientôt dépassé les sept minutes qui vous sont imparties !
M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le président ! Je termine: ce serait donc un signal que nous n'approuvons pas le fait qu'il y ait dans cette enceinte moins d'une femme pour quatre députés. Si la majorité de l'Entente, soutenue par une UDC aussi hostile à la cause des femmes... (M. Pagan proteste.)On le voit avec votre position par rapport à l'assurance-maternité, Monsieur Pagan ! Vous avez beau faire des grimaces, votre parti annonce un référendum contre l'assurance-maternité ! Votre position est aussi hostile aux femmes qu'elle est xénophobe et raciste ! (Exclamations.)
Si vous refusez ce projet de loi, vous enverrez le message suivant à toutes les femmes et à tous les hommes de ce canton qui sont attachés à l'égalité des sexes en politique: un autre recours s'offre à eux, à savoir voter pour la gauche en 2005 !
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). J'abrégerai quelque peu mon intervention, car mon collègue Brunier a exprimé une bonne partie des propos que j'aurais pu tenir. Vous pouvez d'ailleurs constater que ce dernier est un bon ambassadeur de la cause des femmes... (Remarques.)Peut-être meilleur que je ne le serais moi-même...
Ce projet de loi ne vise de loin pas à résoudre tous les problèmes, il ne fait que proposer une mesure parmi d'autres pour améliorer la représentation des femmes en politique. Je ferai remarquer au passage que la plupart des personnes auditionnées par la commission des droits politiques ont déploré cette faible représentation. Mais voilà: la volonté politique manque ! Je relèverai notamment que les partis de l'Entente se plaignent constamment de ne pas avoir suffisamment de femmes sur leurs listes. Mais, si l'on se base sur les dernières élections au Grand Conseil, comment procèdent-ils ?! Ils mettent sur leurs listes beaucoup de candidats masculins bénéficiant, à plus forte raison, de réseaux d'influence importants. Dès lors, quel est le résultat ? Ce sont eux qui sont élus ! La preuve en est que les femmes élues sur les bancs de l'Entente sont, malheureusement, rarissimes.
On avance toujours l'argument de la femme-alibi. Mais que signifie un tel argument ?! Est-ce qu'aucun homme ne jouerait un rôle de figurant dans les parlements actuels ?! Dès que l'on introduit la notion de parité, les femmes deviendraient des alibis et l'on évoque la question de la qualité dont il a été fait mention tout à l'heure ! Ce n'est qu'à partir du moment où est posée la question de la représentation féminine en politique que l'on fait référence à la notion de qualité. C'est cela qui est vexatoire !
Vous pourrez constater, Monsieur Gros, que votre rapport de majorité a été lu avec attention puisque je reprendrai les propos du président du parti libéral, M. Jornot. Ce dernier craignait deux effets pervers à ce projet de loi. Si le second a été relevé par mon collègue Brunier, le premier est tout aussi édifiant: le premier effet pervers de ce projet de loi serait de limiter les candidatures masculines ! M. Jornot admet qu'il faudrait davantage de femmes dans les parlements. S'il y a davantage de femmes, il y a, logiquement, moins d'hommes... mais ce projet de loi a le «gros défaut» de diminuer le nombre d'hommes sur les listes ! Je vois mal quelle est la logique de ce raisonnement !
Toutes les personnes auditionnées ont estimé qu'il fallait absolument davantage de femmes en politique. Mais, nous dit-on, il faut laisser du temps, il faut laisser changer les mentalités... Dans le fond, personne n'a envie de faire quoi que ce soit ! C'est cela que nous déplorons ! Par le biais de ce projet de loi relativement modeste, nous souhaitons simplement contribuer à améliorer la présence des femmes en politique. Il s'agit d'envoyer à la fois un message et un coup de détonateur - ou, plutôt, d'accélérateur - nous invitant à fournir un effort concret et à instaurer quelques mesures volontaristes plutôt que de nous contenter de vouloir changer les mentalités - ce dont nous sommes également partie prenante. Pour être efficace, il faut pouvoir agir sur les deux fronts: par des mesures structurelles, mais aussi par des mesures éducatives. C'est pourquoi je vous engage à entrer en matière sur ce projet de loi et à l'accepter.
Le président. Merci, Madame la députée ! La parole est à M. le député Hodgers. Douze orateurs sont encore inscrits... Si vous pouviez quelque peu accélérer le rythme du débat, nous pourrions éventuellement traiter la question des sans-papiers ce soir...
M. Antonio Hodgers (Ve). Si vous vous étonnez que seuls les hommes du groupe des Verts s'expriment à ce sujet, c'est bien entendu parce que ce sont eux qui sont concernés dans le cas de leur parti: en effet, nous appartenons au sexe sous-représenté ! ( Chahut.)
Plusieurs arguments ont été évoqués et quelque peu mélangés dans le cadre de ce débat. Je souhaite clairement séparer ces arguments et pouvoir me prononcer sur chacun d'eux.
Le premier argument renvoie à la question de fond suivante: faut-il favoriser une représentation plus importante de femmes en politique ? Comme il est politiquement correct de le dire, tous les partis l'affirment - sauf, peut-être, l'UDC, qui a au moins le mérite de faire preuve d'honnêteté sur cette question. De manière générale, on se rend toutefois compte que le fait de favoriser une représentation plus importante de femmes en politique ne constitue dans les faits pas un enjeu majeur pour les partis de droite. Certains députés radicaux ont même argumenté en commission que, somme toute, la nature nous ayant fait différents, les hommes étaient probablement davantage destinés à la politique et les femmes à d'autres activités... (L'orateur est interpellé.)Je n'invente rien: vous savez qu'un député radical l'a déclaré en commission ! Or telle n'est pas notre position. Telle n'est pas, non plus, la volonté du peuple suisse, lequel a introduit le principe d'égalité entre les deux sexes dans la Constitution fédérale.
Une voix. Oui, mais pas les quotas !
M. Antonio Hodgers. Il n'a effectivement pas introduit les quotas, mais la promotion de cette égalité constitue un élément indispensable ! C'est là que nous entrons dans un deuxième débat.
On nous affirme tout d'abord que ce déséquilibre constitue une donnée culturelle... Il est vrai que les cultures diffèrent et que la place des femmes varie selon les cultures - je connais une île sur le lac Titicaca où les hommes font la couture et les femmes vaquent, par exemple, aux occupations du commerce... (Commentaires.)Il est possible de respecter la division du travail social ! Il n'empêche que notre culture occidentale a inscrit dans ses textes la volonté d'égalité et la promotion de cette dernière. Le fait d'ériger l'égalité en objectif implique une démarche institutionnelle. Il faut être clair sur ce point: s'il est certes vrai que l'égalité ne peut pas se décréter, les institutions et l'Etat ont le devoir de promouvoir cette égalité. Or, l'introduction de quotas de listes va dans ce sens.
Le deuxième argument invoqué par M. Gros est le suivant: les partis étant des associations de droit privé, ils doivent pouvoir bénéficier de toute latitude pour choisir leurs candidats. Je reprendrai sur ce point l'argument parfaitement exact qu'a développé M. Vanek: si vous voulez vous montrer conséquents, pourquoi vous entêtez-vous à interdire aux résidents étrangers de se présenter sur les listes des partis qui accepteraient de les accueillir ?! Pourquoi les étrangers ne peuvent-ils pas se présenter sur les listes de chaque parti ? Ou, plutôt, pourquoi les partis ne peuvent-ils pas présenter d'étrangers sur leurs listes ? Je vous renvoie la balle: si vous vouliez faire preuve de cohérence avec votre logique libérale - cette dernière offrant une cohérence en soi, bien qu'il ne s'agisse pas de la mienne - vous devriez accepter que les étrangers se présentent sur des listes ! Vous permettriez ainsi au peuple de choisir à partir d'un panel plus large de candidats.
Enfin, dernier argument plus technique invoqué: ce type de mesure ne sert à rien. M. Gros a notamment fait remarquer, s'agissant des dernières élections au Grand Conseil, que le pourcentage de femmes élues en 2001 était inférieur au pourcentage de femmes candidates alors que la situation était inverse en 1997. Cela est empiriquement faux ! Je vous invite à vous référer à la fameuse annexe 1, en page 12 du projet de loi. Vous constaterez qu'il s'agit d'un graphique peu compliqué à comprendre, pour autant que l'on veuille bien fournir un petit effort. Je me suis contenté de mettre en ligne les listes de chaque parti lors des trois dernières élections au Grand Conseil en me posant la question suivante: les partis ayant présenté un pourcentage plus important de femmes obtiennent-ils un pourcentage plus important d'élues ? En statistique, lorsqu'on compare deux critères et que ces derniers concordent, on parle de corrélation positive - c'est-à-dire qu'il existe un lien de cause à effet entre ces critères. Et la courbe ascendante de ce graphique démontre parfaitement et de manière empirique que les partis ayant présenté davantage de femmes sur leurs listes ont obtenu davantage d'élues au parlement genevois ! Le résultat est là, même s'il ne s'agit pas d'une vérité absolue. Les élections de 2001 montrent par exemple que le parti socialiste a présenté moins de femmes que le PDC, mais qu'il en a obtenu davantage. Il ne s'agit donc pas d'une règle absolue; la tendance statistique est toutefois claire. Lorsqu'on fait une loi, on ne se fonde pas sur les exceptions, mais sur la dynamique générale !
En conséquence, ce débat revêt une très grande importance pour notre parti. Il ne changera pas grand-chose puisque, pour notre part, nous avons déjà instauré un quota - avec le résultat que vous pouvez constater. Il n'empêche que la promotion de la femme n'est pas simplement une affaire de la gauche: c'est une affaire qui concerne toute la société ! Et la majorité de droite de ce parlement fait pâle figure sur cette question ! (Applaudissements.)
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Nous constatons effectivement tous qu'il y a peu de femmes en politique et l'on peut déplorer cette situation. J'ai écouté avec attention mes collègues - notamment de l'Alternative - discuter de la place des femmes en politique et de la promotion de ces dernières. Or, je constate en premier lieu que, pour une majorité de l'Alternative, la promotion des femmes est une affaire d'hommes puisque ce sont surtout eux qui ont, si je puis me permettre de m'exprimer ainsi, «tenu le crachoir» à ce sujet. Vous souhaitez faire de la place aux femmes sur les listes et, éventuellement, au sein de ce parlement; on ne peut, en revanche, pas dire que vous en fassiez beaucoup lors des débats - du moins à ce sujet !
J'ai écouté avec une attention particulière M. Vanek... Il est relativement cocasse que le représentant d'un groupe, au sein duquel les hommes occupent une place prépondérante en matière de débat politique et font un usage à la limite de l'abusif de leur temps de parole, nous parle de la promotion des femmes en politique ! Cela est d'autant plus cocasse suite aux élections fédérales, à l'occasion desquelles deux hommes ont fait barrage à une femme ! (Applaudissements.)
Comme nous en avons déjà discuté lors du débat de préconsultation, je reviendrai extrêmement rapidement sur le fond de ce projet de loi. M. Gros a, à cet égard, fait de nombreuses remarques pertinentes. Bien que nous déplorions le faible nombre de femmes élues en politique, ce projet de loi est inacceptable à nos yeux. Je regrette notamment que le nombre de femmes soit si peu élevé sur la liste démocrate-chrétienne; la situation s'est légèrement arrangée, mais il serait sympa qu'elle se modifie encore, car les femmes ont, à mon sens, véritablement quelque chose à apporter en politique.
Cependant, proposer une telle mesure revient à interférer dans la vie des partis. Pour avoir été secrétaire générale du PDC et avoir fait partie de ses comités électoraux, je puis vous assurer que, pour un parti comme le mien, trouver des femmes prêtes à se porter candidates n'est pas toujours évident. Il est certes possible d'en trouver, mais, dans un tel cas, soit on demande à des hommes de se retirer de la liste - ce qui est dommage - soit on demande à des femmes peu motivées et qui, pour une question de temps ou pour d'autres raisons - qui leur sont propres et tout à fait acceptables - ne désirent pas siéger, de se porter candidates, et cela quitte à ne pas accepter leur élection si elles sont élues... Eh bien, un tel procédé nous paraît tout à fait inacceptable !
MM. Brunier et Hodgers ont établi une corrélation entre le nombre de femmes candidates et le nombre de femmes élues. Je ferai tout d'abord remarquer que les faits démontrent que cette corrélation n'existe pas nécessairement. Ce projet de loi ne ferait, de plus, qu'aggraver la situation, car on demanderait à des femmes peu motivées de se porter candidates, et certaines n'accepteraient pas leur élection, et il y aurait proportionnellement encore moins de femmes élues que de femmes candidates... On ne ferait donc qu'empirer la situation ! (Brouhaha.)
Je conclurai très rapidement mon intervention en mentionnant le rapporteur de minorité qui évoque les expériences introduites dans d'autres pays. Il est effectivement possible d'évoquer la France. Mais, Messieurs et Mesdames de la gauche, Monsieur le rapporteur, êtes-vous sérieusement convaincus que l'électeur genevois et, plus généralement, l'électeur suisse accepterait un système politique qui bloquerait les listes ?! L'électeur accepterait-il de ne plus pouvoir faire son propre choix lors des élections ? Je suis convaincue qu'il ne l'accepterait pas ! C'est pourquoi nous vous proposons de refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. Robert Iselin. Monsieur Iselin, je vous ai donné la parole. Si vous voulez bien la prendre...
M. Robert Iselin (UDC). Excusez-moi, Monsieur le président, mais j'applaudissais Mme Ruegsegger - en partie pour m'attirer quelques bons sentiments ! En effet, il n'est pas facile de prendre la parole après elle.
Premièrement, j'ai l'impression que M. Hodgers est quelque peu noyauté par la situation de son groupe... (Remarques.)
En deuxième lieu, je ferai remarquer que, si l'on établit un quota pour nos compagnes, on pourrait en faire de même pour les avocats - dont je fais partie. Une nuée d'entre eux siègent en effet dans ce Grand Conseil et contribuent de manière importante aux pertes de temps que connaît notre parlement... On pourrait également établir un quota pour les banquiers... A vrai dire, il y en a peu: à part mon collègue... (L'orateur ne se souvient pas du nom de son collègue.)
Une voix. Gautier !
M. Robert Iselin. A part M. Gautier et moi-même, je vois mal qui est banquier. Ce qui ne fait guère que 2 % !
Une voix. Il faudrait aussi fixer des quotas pour les jeunes ! (Brouhaha.)
M. Robert Iselin. Lorsque j'ai raconté à Londres que j'avais mis un terme à mes activités bancaires pour me lancer dans la politique, les Anglais m'ont dit avec ce sens inimitable de l'humour qui est le leur: «Il vaut mieux un banquier qui fait de la politique qu'un politique qui se met à faire de la banque !»...
Je souhaite poser une question. Je comprends à la rigueur ce qu'est une «femme-quota». J'ai certes dû faire un effort, mais j'y suis finalement parvenu. M Leuenberger, qui me fait par ailleurs de la peine en tenant des propos épouvantables à propos de l'UDC...
M. Ueli Leuenberger. Pas aujourd'hui !
M. Robert Iselin. M. Leuenberger pourrait-il en revanche me préciser ce qu'est une «femme-alibi» ?! (Manifestation dans la salle.)Je dois vous signaler qu'il y a une centaine d'années, cette expression possédait un sens pour le moins troublant...
Par ailleurs, je souscris en bonne partie aux déclarations de Mme Ruegsegger concernant la très bruyante AdG - Madame de Haller, vous voudrez bien m'excuser, car j'ai un petit faible pour vous, mais, hormis vous-même, il y a un peu trop de femmes potiches dans vos rangs !
Ce débat est, à mon avis, un débat sociologique. Chacun connaît mon faible pour le beau sexe. (Commentaires.)Je pense, en disant cela, aux femmes de mes ancêtres, auxquelles les Autrichiens redoutaient de se voir opposer: elles ne bénéficiaient d'aucun droit politique, mais elles jouissaient de droits considérables... Ce débat est un heurt entre la latinité et Genève, qui est - chose étrange, puisque son esprit a en partie été façonné par un homme originaire de France - une avant-garde du germanisme.
M. René Koechlin (L). Je regrette infiniment qu'il n'y ait pas davantage de femmes dans ce parlement. Ce regret tient à un constat: si nous inversions la proportion des hommes et des femmes, je vous garantis - tenez, je tiens le pari ! - que ce Grand Conseil épuiserait ses ordres du jour à chaque séance ! (Remarques.)Je constate en effet que les hommes sont infiniment plus bavards que les femmes et, peut-être aussi, moins concis... (Brouhaha.)Je vous suggère simplement: remplaçons MM. Vanek et Pagani par une femme ! (Exclamations. L'orateur est interpellé.)Mais non ! Les deux à la fois ! Remplaçons-les par deux femmes ! (Rires et applaudissements.)Oh, vous savez, une femme vaut bien un Vanek et un Pagani additionnés... (Rires.)
Une voix. On peut ajouter Grobet !
M. René Koechlin. Oui, on pourrait effectivement ajouter Grobet ! (Rires.)Ce que je puis vous garantir, c'est que nos débats y gagneraient énormément en temps et sans doute aussi en concision ! Je ne puis donc qu'approuver la volonté d'accroître le nombre des femmes au sein de ce parlement. (Brouhaha.)C'est malheureusement la méthode que je n'approuve pas...
Des voix. Ohhh !
M. René Koechlin. On ne peut pas introduire les femmes au forceps ! (Chahut.)Cela serait indécent ! Indécent ! (Exclamations et rires.)Cela a au moins le mérite de vous faire rire !
Mme Ruegsegger disait toute la peine qu'elle avait éprouvée à recruter des femmes au sein de la liste des candidats au Grand Conseil. C'est vrai ! On a de la peine à recruter des femmes au sein de ces listes, car l'intérêt des femmes pour la politique est probablement moindre que celui des hommes ! C'est comme si vous vouliez imposer qu'un nombre équivalent de femmes et d'hommes jouent au football: non ! Vous n'y parviendrez pas ! Et à l'inverse, vous aurez probablement de la peine à obtenir qu'autant d'hommes que de femmes pratiquent la danse ! (Remarques.)Que voulez-vous ? C'est ainsi, les femmes connaissent des aspirations que les hommes n'ont pas et, inversément, les hommes en expriment certaines que les femmes n'ont pas ! Un point c'est tout ! Alors... (L'orateur est interpellé. Chahut.)
Une voix. Vous êtes un dinosaure !
M. René Koechlin. Dès lors, le danger de ce projet de loi est le suivant, comme l'a relevé tout à l'heure M. Iselin: si l'on adoptait ce projet, on pourrait également introduire une égalité dans le choix des professions; une juste répartition professionnelle; une juste répartition...
Des voix. Des âges !
M. René Koechlin. ... des âges ! Et, pire, des ethnies ! Vous voyez le danger de ce genre de considérations ? C'est la porte ouverte à de telles revendications !
J'estime que l'on ne peut pas imposer de telles obligations dans une démocratie qui se veut relativement libre et librement consentie. Non ! Cependant, nous devons nous efforcer par tous les moyens d'encourager les femmes à s'inscrire sur les listes électorales, et c'est ce que nous faisons au sein de notre parti. Nous regrettons, hélas, que seules deux femmes de notre parti aient été élues pour cette législature, car de nombreuses femmes figuraient sur notre liste...
Une voix. On a deux conseillères d'Etat !
M. René Koechlin. Nous avons effectivement deux conseillères d'Etat, ce qui compense largement ! Mais je vous ferai remarquer que les femmes étaient fort bien représentées au sein de notre groupe au cours des précédentes législatures - ce dont je suis très fier, du reste. Mais trouvons d'autres moyens ! Si vous voulez nous soumettre des propositions, présentez-nous des projets de lois un peu plus crédibles, s'il vous plaît ! (Applaudissements.)
Le président. On voit par votre temps de parole, Monsieur le député, que vous êtes un homme... La parole est à Mme la députée Roth-Bernasconi.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). J'ai entendu que tous les groupes - ou presque - présents dans cette enceinte sont d'accord sur le fait qu'il faut tout mettre en oeuvre pour accroître le nombre de femmes dans nos parlements. Or, dans une société qui se veut égalitaire, le propre de la justice est de promouvoir des mesures pratiques qui corrigent les inégalités. Voyez, par exemple, comment chacun s'accorde aujourd'hui sur la nécessité de venir en aide aux personnes les moins chanceuses dans notre société. Je pense au droit social, qui prévoit des mesures de protection pour les plus faibles; je pense également au droit des consommateurs ou à la législation sur le logement, qui se basent sur le constat qu'une partie de la population a davantage besoin de soutien que les autres dans ces domaines. Pourquoi une telle résistance en matière d'égalité entre hommes et femmes, alors qu'on sait que les chances des secondes pour accéder à un poste de pouvoir ne sont pas identiques à celles des premiers ?
A la rigueur, je serais déjà contente qu'il existe une égalité entre hommes et femmes; cette égalité n'existe toutefois pas encore. On l'a, par exemple, constaté durant la campagne pour les élections: regardez les médias ! Regardez le nombre de fois où des hommes ont été cités ! Il faudrait également compter les photos sur lesquelles hommes et femmes apparaissaient et examiner la manière dont on les décrit. Donc, je revendiquerais déjà, à la rigueur, une telle égalité, et je serais contente qu'elle existe.
Si nous préconisons des mesures positives, c'est parce que les chances des femmes ne sont pas identiques à celles des hommes; parce qu'aujourd'hui encore, la société est construite sur le modèle dominant de l'homme. Le but des lois est de gommer les privilèges, de neutraliser les rapports de force, d'inventer la solidarité. Depuis toujours, l'homme a donné un sens à la vie humaine, une origininalité qui le différencie de l'animal. Nous avons ainsi acquis les droits de la personnes, le droit du travail, le droit à l'avortement. Dès lors, pourquoi pas un droit à une démocratie plus juste et plus égale pour les femmes ? Je me le demande...
Permettez-moi, en guise de conclusion, de citer un monsieur qui s'est rendu au Canada avant de revenir en Suisse. Pour ne pas le nommer, il s'agit de M. Massimo Lorenzi. J'ignore s'il est féministe, mais il a fait la déclaration suivante: «La Suisse est très forte en gestion de fortune mais, en gestion des rapports femmes-hommes, elle n'est pas à la pointe. On est dans une société où, pour une femme, avoir un enfant est pénalisant, alors que, pour les hommes, c'est valorisant». Là aussi, s'il y avait une égalité, nous n'aurions pas besoin de demander des mesures positives ! M. Lorenzi poursuit ainsi: «Si ces derniers - les hommes, donc - faisaient des enfants, tout serait différent; c'est évident. Ca change en Suisse, mais très lentement. C'est quoi, un siècle de révolution féministe à côté de cinquante, soixante siècles de régime patriarcal ?».
D'où la nécessité d'imposer des normes légales. Bien que l'égalité soit inscrite dans la loi, les inégalités persistent, par exemple sur le plan salarial. Une vision égalitariste est à mes yeux prioritaire à toute vision du monde. Voilà les raisons pour lesquelles nous vous proposons cette modeste mesure positive. Je suis consciente du fait que cette dernière n'a aucune chance d'être acceptée et qu'il ne s'agit pas de la disposition la plus efficace. Cependant, le peuple suisse ayant refusé l'instauration d'un quota de résultats, nous avons décidé de ne pas proposer une mesure aussi extrême. C'est pourquoi nous vous proposons une mesure nettement plus modeste qui, si vous l'acceptiez, ferait symboliquement beaucoup de bien aux femmes ! (Applaudissements.)
M. Bernard Annen (L). M. Brunier nous gratifie, dans un certain nombre de débats, des déclarations des uns et des autres. C'est dire s'il m'a donné une bonne idée !Puisqu'il a cité les partis de l'Entente et de l'UDC, je citerai les propos tenus par l'Alliance de gauche, qui a fait la déclaration suivante par la voix de Mme Johner: à la question de savoir si des quotas avaient été instaurés dans le parti du Travail ou à Solidarités - le meilleur exemple consistant à promouvoir cette mesure au sein de son propre parti - Mme Johner a tout simplement répondu que «le parti du Travail n'en a pas besoin»... Il s'agit là d'une déclaration claire et nette ! Elle a également déclaré que la droite ne voulait pas donner l'exemple en la matière. Or, il me semble qu'avec ses deux femmes au Conseil d'Etat le parti libéral n'a de leçon à recevoir de personne dans ce domaine !
Et alors, au parti socialiste, c'est aussi quelque chose ! Que décide-t-il ? De «donner un coup de pouce» aux femmes ! Ils veulent leur «donner un coup de pouce» ? Chacun choisit ses moyens... Le parti socialiste a également fait savoir, par la bouche de M. Brunier - écoutez bien ! - que: «s'il n'y a pas plus de femmes élues malgré les quotas, il faudra y renoncer» ! Autrement dit, plus de femmes dans le parlement ! Voilà quels ont été les propos tenus par M. Brunier lors de son audition !
L'Alliance de gauche s'est, par la voix de M. Vanek, livrée à toute une démonstration. Mesdames et Messieurs, je vous prends à témoin: si les femmes de ce parti sont certes présentes, on ne les entend pas, puisque leurs collègues masculins ne les laissent pas parler ! Il est donc facile de déclarer qu'il faut des femmes... (L'orateur est interpellé.)Il est 23 heures, or - contrairement aux autres partis - je n'ai pas entendu une femme de l'Alliance de gauche prendre la parole ce soir !
Le parti libéral en fait simplement une question de principe, ce n'est pas la peine de chercher de midi à quatorze heures: refuser les quotas dans tous les domaines est, pour nous, une question de principe ! Comme on l'a dit, pourquoi pas d'autres groupes ? Pourquoi pas d'autres quotas ? Les homosexuels, le troisième âge ou les jeunes, pour ne citer que ceux-ci.
M. Claude Blanc. Il est là, le troisième âge ! Regardez les radicaux ! (Rires. Le président agite la cloche.)
M. Bernard Annen. Peut-être que nous y viendrons, Monsieur Blanc, mais ce n'est pas encore l'heure !
En ce qui me concerne, je trouve que c'est desservir la cause de la femme que d'imposer ce quota. Une telle mesure me paraît quasiment insultante pour la femme, car c'est lui laisser penser que son élection n'est pas due à ses capacités mais au système du quota. C'est, de mon point de vue, totalement inadmissible ! Mesdames, et je conclurai là-dessus: la qualité est préférable à la quantité, et vous êtes là pour nous le démontrer !
Le président. La parole est à Mme Blanchard-Queloz, de l'Alliance de gauche ! (Manifestation dans la salle.)
Des voix.Ah, enfin !
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Vous avez parlé trop vite, Monsieur Annen !
Je ferai en premier lieu deux remarques. La première concerne l'observation de Mme Stéphanie Ruegsegger, selon laquelle les femmes siégeant de ce côté de l'enceinte n'ont pas pris la parole: c'est simplement qu'elles sont moins promptes à appuyer sur le bouton ! Ma seconde remarque s'adresse au rapporteur de majorité: nous avons, tout à l'heure, évoqué le temps énorme que nous prennent les débats de préconsultation. Or, Monsieur le rapporteur, vous avez passé au moins sept minutes à nous exposer le contenu de votre rapport ! Comme nous savons lire et que nous sommes censés avoir pris connaissance de ce rapport, vous auriez pu nous faire économiser ce temps...
Je ne veux pas répéter les propos tenus - notamment par M. Brunier, propos auxquels je me rallie totalement - mais je souhaite simplement vous poser une question: pourquoi ne voulez-vous pas tenter de mettre en oeuvre la proposition qui vous est soumise ? Le groupe socialiste suggère d'effectuer un test; on essaie une fois et on examine les résultats ! Si cette mesure donne des résultats, on poursuit; si elle n'en donne aucun, on arrête ! Pourquoi ne voulez-vous pas prendre ce risque ?
Il est vrai que ce projet de loi oblige les partis à inscrire des quotas sur leurs listes. Sans vouloir développer une théorie sur les quotas, je me réfère au rapport: on y lit que l'instauration d'un quota est antidémocratique, car ce dernier limite la liberté d'expression des citoyens. Mais personne ne s'interroge sur les moyens dont une femme au foyer qui s'occupe de ses enfants dispose pour participer à la vie politique ! On n'aborde pas cette question ! On sait très bien - et toutes les études le montrent - que le mariage et l'éducation des enfants constituent un frein à la promotion des femmes tant en politique que dans d'autres domaines.
Les opposants à ce projet de loi estiment par ailleurs que ce projet de loi ne constitue pas un moyen adéquat pour accroître le nombre de femmes dans le parlement... Mais vous ne proposez rien ! Vous ne proposez rien ! Aucune proposition ! A l'exception des Verts, qui ont inscrit un quota dans leurs statuts, aucune solution n'est avancée !
Tous les partis, à l'exception des Verts, s'accordent en revanche sur le constat selon lequel les femmes ne s'engagent pas en politique. Alors, je reprends: selon le parti démocrate-chrétien, c'est parce qu'elles manquent de disponibilité - comme si les hommes en avaient beaucoup - parce qu'elles sont déjà fortement engagées dans leur vie familiale et parce qu'elles ont peur de ne pas se sentir capables... Mais vous, vous n'avez pas peur du ridicule, Messieurs les démocrates-chrétiens, et heureusement pour vous ! (Rires.)Les Verts déclarent également que l'une des limites de l'engagement des femmes en politique réside dans la difficulté de concilier vie professionnelle et familiale. Je ne reviendrai pas sur les causes invoquées par le parti libéral, car M. Brunier a fort bien critiqué les arguments avancés. En ce qui concerne les composantes de l'Alliance de gauche, M. Annen a parfaitement raison: selon le parti du Travail, une femme doit interrompre ses activités politiques lorsque ses enfants sont en bas âge. Quant aux statuts de solidaritéS, ils ne comprennent effectivement aucun quota, car on ne parvient pas à concilier vie professionnelle et vie familiale. Selon le parti radical, il est difficile de demander aux femmes de s'engager en raison de la double journée que cette situation sociale leur impose. Pour ce qui est de l'Union démocratique du centre... (L'oratrice est interpellée.)Alors vous, vous êtes prêts à accueillir des femmes compétentes... A vous voir, on ne doute pas que vous soyez prêts à accueillir des hommes compétents... (Rires.)Vous dites également qu'il est difficile de les convaincre - car vous essayez de les convaincre... - notamment en raison de leurs engagements familiaux. Parce que vous, évidemment, vous n'en avez pas, d'engagements familiaux ! (Commentaires.)
Bref ! Certains affirment de surcroît qu'un quota limiterait le choix des électeurs. Justement pas ! L'instauration d'un quota augmenterait ce choix ! Je trouve pour ma part regrettable que l'on se prive de toute une partie de la population, à savoir des femmes. Ce sont, encore aujourd'hui, les femmes qui élèvent les enfants; c'est une réalité. Je regrette que l'on se prive ainsi de la compagnie de personnes qui amèneraient sans doute autre chose dans ce parlement que d'incessantes discussions sur l'argent et l'économie.
Quel modèle propose-t-on au citoyen ? Il s'agit en priorité d'un «modèle mâle» - ce dernier étant évidemment compétent et n'ayant pas à s'occuper de ses enfants... Et l'on n'offre pas au citoyen la possibilité d'élargir son cercle de candidats par des personnes jouissant d'un autre statut.
Dites-le franchement: vous n'en voulez pas ! Vous n'en voulez pas ! Et c'est tout ! (Protestations.)A l'exception des Verts, qui ont inscrit un quota dans leurs statuts, vous n'en voulez pas ! Reconnaissez-le et arrêtez avec vos mauvaises excuses et vos bonnes intentions !
Une voix. Il faut les convaincre !
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. Oui, on doit les convaincre ! Mais vous n'y parvenez apparemment pas... Vous êtes comme l'enfer: vous êtes pavés de bonnes intentions... Je vous demande de faire preuve d'un peu de courage et de tenter le coup en acceptant cette expérience ! (Vifs applaudissements.)
Présidence de Mme Françoise Schenk-Gottret, deuxième vice-présidente
M. Albert Rodrik (S). Jusqu'en 1961, la situation était parfaitement simple dans cette enceinte: il n'y avait que des listes d'hommes, l'on ne voyait que des hommes et l'on n'entendait que des hommes. S'il y avait eu, depuis, un esprit facétieux pour transformer la loi et déclarer que seules les femmes sont éligibles, le problème aurait été tout aussi simple: l'on n'aurait vu que des femmes, l'on n'aurait entendu que des femmes. Mais ce genre de facéties n'est pas dans l'histoire du genre humain tel qu'on le connaît. Il a malheureusement d'autres facéties plus destructrices.
C'est bien parce que nous nous trouvons entre ces deux extrêmes que se pose le problème de savoir comment assurer un minimum d'équité ! On vous dit que l'on voudrait faire une petite chiquenaude et vous en faites tout un plat ! Cela m'a fait réfléchir... (Rires.)Si ! Si, cela m'a fait réfléchir ! Pourquoi ? Mon ami Brunier a été injuste de pointer du doigt l'UDC, car il ne s'agit pas d'un problème UDC: il s'agit d'un problème général en face de nous ! Regarde, Christian, que vois-tu ? (L'orateur s'adresse à M. Brunier et désigne les bancs de la droite.)C'est un problème fondamental, intrinsèque à droite !
Pourquoi cela ? J'ai tenté de trouver la réponse. Si l'on prenait sérieusement le risque qu'il y ait davantage de femmes dans les rangs de l'Entente, que pourrait-il se passer ? Ces femmes risqueraient de ne pas pouvoir souscrire à la pseudoligne politique que nous voyons se dessiner depuis deux ans, et qui consiste à faire des cadeaux indus aux riches ! En effet, il se pourrait bien que la gent féminine de droite ait gardé un certain sens de l'Etat et un certain sens de la solidarité qui font défaut à la gent masculine de droite ! Ce débat est donc inutile. Il est inutile, car vous ne ferez changer d'avis personne ! Il n'y aura pas une seule défection en face, car c'est un risque qu'ils ne pourront pas prendre ! (Applaudissements.)
M. Claude Blanc (PDC). J'ai deux choses à vous dire: l'une, sérieuse, que je garderai pour la fin; l'autre, un peu moins, par laquelle je commencerai.
Les trois affreux partis de l'Entente genevoise ont réussi à vous présenter trois bonshommes pour présider nos débats au cours des trois premières années de cette législature. La chose peu sérieuse que je vous demande, Mesdames et Messieurs de l'Alternative, c'est de profiter de la quatrième année qui vous sera donnée pour rétablir un certain équilibre ! (Vifs applaudissements et chahut.)
J'en viens maintenant aux choses sérieuses. Je m'étonne que la commission des droits politiques ait consacré cinq séances à ce problème, qu'elle ait auditionné Pierre, Paul, Jacques et Jean et qu'elle ait évoqué une série de problèmes en oubliant d'aborder un point essentiel en matière de droits politiques: la constitution ! Je constate que les articles 24, alinéa 2 et 150, alinéa 3 limiteraient le droit d'éligibilité d'un certain nombre de personnes. En effet, vous décidez avec ces articles que tous ne sont pas éligibles, car tous ne pourront pas figurer sur les listes électorales... Ces deux articles constituent donc, de mon point de vue - et je suis certain d'avoir raison sur cette question - une dérogation à l'article 72 de la constitution cantonale. Et je m'étonne qu'une commission des droits politiques n'ait fait aucune allusion à la constitution lors de ses travaux sur un objet aussi important ! Je vous rappelle que lorsque l'Alternative, du temps de sa majorité, a présenté un projet de loi visant à limiter les frais de campagne des partis en imaginant qu'un certain nombre d'élus seraient tracés en guise de punition, on vous a tout de suite fait remarquer qu'un tel projet de loi était contraire à la constitution. J'ai tout au moins relevé que cette mesure aurait été possible à condition de l'inscrire dans la constitution et de la faire valider par le peuple.
Ici, les dispositions proposées par ce projet de loi constituent une dérogation à l'article 72 de la constitution, selon lequel «sont éligibles tous les citoyens laïques jouissant de leurs droits électoraux». Dès l'instant où vous exigez l'instauration d'un quota sur une liste, vous empêchez certains citoyens laïques d'être éligibles ! (Brouhaha.)
Alors, je suis d'accord avec vous sur le fond: il conviendrait de légiférer. Mais ayez le courage d'aller jusqu'au bout de votre idée et présentez un article constitutionnel dérogeant à l'article 72 ! Ajoutez un alinéa à l'article 72 et le tour sera joué ! Mais, pour ce faire, il faut aller devant le peuple, et vous avez la trouille ! De toute manière, même si le Grand Conseil votait par inadvertance ce projet de loi, celui-ci serait cassé par le Tribunal fédéral, car il va à l'encontre de l'article 72 de la constitution. (Applaudissements.)
M. Jacques Pagan (UDC). La position de notre parti est claire; elle découle du programme politique de l'UDC-suisse. Nous estimons que les gens dans ce pays sont suffisamment grands pour organiser leur vie comme bon leur semble. S'ils entendent faire de la politique, ils la font. Il n'existe pas d'inégalité de traitement entre hommes et femmes dans notre parti. Nous avons même créé une section «Femmes» qui se développe de manière importante, et il s'agit là d'une bonne chose.
Bien que notre groupe refuse ce projet de loi, il n'est absolument pas opposé à la participation des femmes à la vie publique, bien au contraire ! Je dirais volontiers qu'il ne faut pas faire injure aux femmes, mais que les femmes doivent également se montrer suffisamment fortes pour faire de la politique lorsqu'elles veulent en faire. Il ne sert à rien de leur mâcher le travail. Qu'on puisse les aider à l'intérieur d'un parti pour leur permettre d'exercer des responsabilités et se familiariser avec la chose publique est tout à fait normal. Cependant, les femmes sont assez grandes pour décider de ce qu'elles veulent faire au plan politique. (Brouhaha.)
Je voudrais également souligner que tout ce débat repose sur une erreur fondamentale concernant le rôle de la femme en politique et dans la vie sociale en général. Je crois pouvoir dire qu'il n'est aucun homme politique marié qui ne doive son succès au rôle joué par sa femme à ses côtés: c'est elle qui gère les affaires de la famille; c'est elle qui s'occupe de l'intendance; c'est elle qui le soutient dans les moments difficiles. (Manifestation dans la salle.)Il s'agit là, à mon sens, d'un rôle absolument incontournable, essentiel, et qui vous aura malheureusement échappé ! C'est pourquoi je souhaite rendre hommage à ces femmes anonymes que l'on ne voit pas sur le devant de la scène politique, comme j'entends également rendre hommage aux femmes qui - comme vous, Mesdames, qui siégez dans cette enceinte - s'engagent très directement dans la vie politique ! Je tiens à vous remercier et à vous féliciter de votre engagement.
Je pense également qu'au-delà du problème hommes-femmes en politique, il existe un problème récurrent: celui de la question de l'efficacité de l'activité politique. Ce n'est pas nécessairement en augmentant au maximum la représentation des femmes en politique que l'on améliorera la qualité du travail politique en général. On peut très bien se demander pourquoi ne pas mettre davantage de chefs d'entreprise, de spécialistes de l'économie et des finances publiques au sein de la classe politique, pour améliorer notre vision des choses et rendre l'activité de l'Etat véritablement performante. Mais il s'agit là d'un autre problème qui dépasse le cadre du projet de loi que nous devons traiter.
Notre parti fera ce qu'il peut, à son niveau et dans un esprit de liberté et de responsabilité de ses membres, pour accueillir le plus grand nombre de femmes. Mais la balle est dans leur camp: c'est à elles qu'il appartient de déterminer leur propre avenir !
Présidence de M. Bernard Lescaze, président
Mme Loly Bolay (S). Pour commencer, je ferai deux constats. Voici le premier: on voit à quel point ces messieurs des bancs d'en face s'intéressent véritablement à la problématique de la femme en politique... (Brouhaha.)Je souhaite que les caméras de télévision montrent les bancs d'en face: on s'aperçoit que cette problématique est loin d'être un de leurs soucis !
Je souhaite en deuxième lieu rappeler que, suite aux élections de 2001, presque la moitié des quarante-trois élus des partis de gauche sont des femmes. Les cinquante-sept élus des partis de droite ne comptent en revanche que six femmes. Le constat est tout simplement là !
Beaucoup de personnes regardent aujourd'hui la télévision; ces personnes se demandent peut-être pourquoi la gauche dispose d'une représentation équitable entre hommes et femmes et pourquoi presque aucune femme ne siège pour ainsi dire à droite. C'est tout simplement parce que les partis de gauche ont depuis longtemps pris la mesure de l'importance des femmes en politique ! Ils se sont rendus compte que la présence des femmes en politique était nécessaire, même indispensable. Ils ont compris qu'il s'agissait d'un équilibre.
M. Koechlin a déclaré que son parti avait présenté des femmes sur sa liste, mais que celles-ci n'avaient malheureusement pas été élues. Mais, Monsieur Koechlin, vous êtes-vous demandé pourquoi ces femmes n'avaient pas été élues ? Si elles ne l'ont pas été, c'est tout simplement parce qu'elles n'ont pas été traitées sur le même plan d'égalité que les hommes ! (Manifestation dans la salle.)Ces femmes n'étant que des femmes-alibi, vous ne vous êtes pas donné les moyens de les préparer et de les accompagner durant tout le processus des élections, par exemple vis-à-vis des médias et lors des conférences de presse ! Il faut accompagner les femmes durant ce processus, d'une part pour les faire connaître, d'autre part pour les faire élire. Or, tout ce travail, vous l'ignorez depuis des décennies ! Ne venez donc pas nous dire que ce n'est pas de votre faute, que vous présentez des femmes mais que les électeurs ne les choisissent pas ! Cela est totalement faux car, lorsque les partis de gauche se donnent les moyens de faire élire des femmes, ces dernières sont élues ! Preuve en est que nous sommes toutes présentes dans cette enceinte.
Je souhaite par ailleurs réagir aux reproches formulés par M. Annen. (L'oratrice remarque que M. Annen est absent.)Ce dernier a sans doute mieux à faire que d'écouter ce que nous avons à lui dire; il est probablement à la buvette... Tout à l'heure, M. Annen a reproché au parti socialiste de donner des leçons aux autres sans avoir inscrit un quota dans ses statuts; à l'inverse, lorsque nous avons inscrit l'interdiction du double mandat dans nos statuts, il nous a reproché de vouloir imposer une mesure aux autres... M. Annen tient là un double discours qu'il adapte en fonction des circonstances.
Pour conclure, je rappellerai simplement que c'est un homme qui a dit, qui a écrit et qui a chanté que «la femme était l'avenir de l'homme» ! (Applaudissements.)
M. Ueli Leuenberger (Ve), rapporteur de minorité. Il est tard et je ne crois pas que nous convaincrons encore quelqu'un ce soir... (Brouhaha.)Comme je l'ai déjà indiqué, une majorité d'entre nous sont attendus par leur femme et une minorité par leur homme; Léman Bleu a également envie de couper la retransmission et de passer ses pubs...
Il a été dit qu'il fallait davantage motiver les femmes. Le projet de loi qui vous est soumis avait simplement pour but d'inciter les partis politique - tous les partis ! - à mieux motiver les femmes. Comme je l'ai déclaré, notre proposition n'a aucune chance d'être acceptée ce soir, car il est trop tôt pour adopter une telle mesure; je suis toutefois convaincu que les quotas doivent être introduits aussi par les partis de droite... (Protestations. Le président agite la cloche.)Les quotas seront introduits le jour où les partis de droite comprendront que de moins de moins de femmes s'engagent dans leurs rangs ou, au plus tard, le jour où ils constateront que de moins en moins de femmes votent pour leurs partis. Rendez-vous dans quelques années !
M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président ! (L'orateur est interpellé par Mme Wenger.)Rassurez-vous, Madame Wenger, je serai très bref car entre les diatribes remplies de haine et les discours pleurnichards, il n'y a pas grand chose à ajouter...
Je souhaite répondre à deux intervenants. Je désire en premier lieu réagir à l'intervention de M. Brunier, qui a évoqué des mesures qu'il avait en son temps proposées dans ce parlement et que la droite a toujours refusées: eh bien, ce sont pour les mêmes motifs que nous les avons refusées, Monsieur Brunier ! M. Annen l'a clairement indiqué et Mme Bolay a probablement mal compris les propos de M. Annen. Il s'agit de l'avis de la majorité: si vous voulez limiter la durée des mandats, vous pouvez l'introduire dans vos statuts...
Une voix. C'est fait !
M. Jean-Michel Gros. Vous l'avez introduite ? Parfait: libre à vous ! Personne ne vous conteste ce droit. Vous avez voulu limiter le cumul des mandats ? Vous l'avez fait dans vos statuts: c'est très bien ! Vous auriez voulu mettre en place des quotas de femmes sur les listes ? Vous avez toute liberté de l'inscrire dans vos statuts ! Nous refusons simplement, par principe, que ces dispositions soient inscrites dans la loi et s'appliquent à tous, y compris à ceux qui ne le veulent pas.
Quant à la constitutionnalité évoquée par M. Blanc, la commission en a effectivement discuté, mais de façon très superficielle, et cela pour le motif suivant: la constitutionnalité de l'initiative fédérale, qui allait beaucoup plus loin que le présent projet de loi puisqu'elle prévoyait un quota de résultat, n'a pas été contestée. Nous sommes donc partis du principe que ce projet de loi, qui va beaucoup moins loin, était sans doute conforme à la constitution genevoise. Si vous relisez attentivement l'article 72, vous observerez d'ailleurs que c'est probablement à juste titre que la commission n'a pas mené plus à fond cette discussion.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Madame Bolay, souhaitez-vous intervenir une nouvelle fois ?
Mme Loly Bolay (S). Je demande simplement l'appel nominal Monsieur le président ! (Appuyé.)
Le président. L'appel nominal ayant été demandé, nous allons y procéder. Celles et ceux qui acceptent l'entrée en matière sur ce projet de loi répondront oui, celles et ceux qui la refusent répondront non.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 46 non contre 38 oui.
Le président. Je constate que vous vous apprêtez tous à partir alors que je n'ai pas levé la séance. (Brouhaha.)J'imaginais naïvement que, puisque vous étiez présents et de bonne humeur, vous auriez pu traiter le point suivant de l'ordre du jour... (Vives protestations. Le président agite la cloche.)
Je relève que, tout en votant des projets de lois qui, comme celui de tout à l'heure, rendront plus difficile notre travail, vous ne voulez pas travailler... Je vous souhaite une bonne rentrée dans vos foyers !
La séance est levée à 23h 20.