République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 mai 2003 à 10h25
55e législature - 2e année - 7e session - 40e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 10h25, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: MM. Robert Cramer et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. René Desbaillets, Antoine Droin, René Ecuyer, Michel Halpérin, André Hediger, David Hiler, Nicole Lavanchy, Blaise Matthey, Alain-Dominique Mauris, Alain Meylan, Jacqueline Pla, Pierre Schifferli et Ivan Slatkine, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Préconsultation
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts ne s'opposent nullement à ce projet de loi, en tout cas pour l'instant. Il s'agit de problèmes que nous avions vu surgir à la commission des transports. Toutefois, nous trouverions sain que ce projet de loi soit examiné à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Nous vous proposons donc formellement de le renvoyer à ladite commission.
M. Christian Grobet (AdG). Nous sommes également favorables d'entrer en matière sur ce projet de loi.
Il est exact que les rapports de la Fondation des parkings portant sur la gestion et les comptes de cette fondation ont depuis de nombreuses années été présentés avec beaucoup de retard au Grand Conseil. Il nous a été indiqué en commission des transports que si ces comptes étaient présentés tardivement, c'était principalement parce que le Conseil d'Etat devait les faire vérifier par le contrôle financier de l'Etat avant d'en saisir le Grand Conseil. Il faudra donc effectivement que le Conseil d'Etat voie ce qu'il en est s'agissant du retard de la présentation de ces comptes: s'ils ont été adressés en temps voulu par la fondation au Conseil d'Etat, et, si oui, si le Grand Conseil en a été saisi tardivement, parce que ces comptes sont restés en souffrance au département de justice et police - qui, à l'époque, était le département rapporteur - ou si l'Inspection cantonale des finances qui a beaucoup de travail n'a pas pu les contrôler plus tôt ? En effet, c'est bien joli de fixer un délai dans un projet de loi, mais si ce délai ne peut pas être respecté, cela ne sert à rien.
On peut aussi se demander s'il est nécessaire que les comptes soient vérifiés par l'Inspection cantonale des finances avant d'être soumis au Grand Conseil... On pourrait en effet imaginer que les deux vérifications se fassent en parallèle, puisque, même si le Grand Conseil n'est pas une autorité de vérification des comptes, il doit tout de même se prononcer - politiquement, dirai-je - sur ces comptes. Et puisque la fondation a sa propre personnalité juridique, on pourrait penser que les comptes...
Le président. Monsieur Bavarel !
M. Christian Grobet. Je disais, Monsieur le conseiller d'Etat, puisque c'est principalement à vous que je m'adresse et non à M. Unger, qui, je dois le dire, est toujours attentif, quel que soit le département concerné. Il sera donc toujours prêt à vous remplacer. Mais, puisque vous êtes là, autant vous parler directement... (Rires.)Je disais, donc, que la fondation ayant sa propre personnalité juridique, il n'est pas nécessaire à mon sens que l'Inspection cantonale des finances ait déjà approuvé les comptes pour saisir le Grand Conseil, comptes qui, sauf erreur, doivent être tenus par une fiduciaire. On peut donc partir de l'idée que ces comptes devraient être exacts, indépendamment du contrôle de l'Inspection cantonale des finances. C'est une première réflexion que je tenais à faire.
C'est en raison de ma seconde réflexion que nous ne nous opposons pas à ce que ce projet de loi soit renvoyé à une autre commission que la commission des transports. Doit-il être renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil qui est la plus qualifiée pour cela ? Pour ma part, je pencherai plutôt pour la commission des finances. En effet, aujourd'hui, le problème des délais pour traiter les rapports de gestion de la Fondation des parkings est posé, mais il faut savoir que le Grand Conseil est saisi de toute une série de comptes annuels et rapports de gestion de diverses autres institutions de droit public. Par voie de conséquence - et c'est ma seconde réflexion - je trouve qu'il faudrait définir une règle de portée générale à l'égard de ces comptes, et non une règle spécifique - aussi bonne soit-elle - pour la Fondation des parkings. Il faudrait en quelque sorte recenser tous les rapports de gestion et comptes d'institutions qui sont soumis à l'approbation du Grand Conseil et prévoir une règle générale - je ne sais pas dans quelle loi - qui s'applique à tous les rapports de gestion et à tous les comptes dont le Grand Conseil est saisi. Et je crois que le président du Grand Conseil... (L'orateur est interpellé.)Oui, j'arrive au bout de mon temps de parole - j'ai compris - mais je sais que vous êtes très soucieux du bon fonctionnement de notre Conseil, Monsieur le président du Grand Conseil, par conséquent mes propos s'adressent également à vous.
J'aurais donc tendance à dire qu'il vaudrait peut-être mieux renvoyer ce projet de loi à la commission des finances.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Effectivement, les cinq minutes qui vous étaient imparties étaient écoulées. Je donne la parole à Mme Gobet Winiger, pour le parti socialiste. Je vous rappelle que nous sommes en préconsultation et qu'un député par groupe au maximum peut s'exprimer. Allez-y, Madame !
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Les socialistes préconisent le renvoi de ce projet de loi en commission des droits politiques pour s'assurer du terme qui a été prévu dans ce projet.
Cela dit, nous sommes d'avis que, dans le cadre de la structure d'une fondation, c'est avant tout le réviseur indépendant désigné qui certifie les comptes, et c'est vrai que nous nous demandons pourquoi nous sommes obligés d'attendre le rapport de l'Inspection cantonale des finances. Il nous paraît plus diligent que le Conseil d'Etat fasse des propositions sur la base du rapport des réviseurs - car, sinon, à quoi servent-ils ? - quitte à ce que le rapport plus fouillé de l'Inspection cantonale des finances, mais qui est présenté bien après, fasse l'objet d'autres interventions.
Nous recommandons donc le renvoi de ce projet de loi en commission, tout en sachant qu'environ trois cents fondations sont concernées.
M. Gilles Desplanches (L). Vu la façon actuelle de travailler de ce Grand Conseil, on s'aperçoit qu'il se passe deux ans et demi avant que les problèmes liés à la Fondation des parkings ne soient traités... Aucune entreprise privée ne pourrait se permettre d'effectuer un travail de vérification deux ans et demi après ! A un moment donné, nous devons être pragmatiques et nous demander si, oui ou non, notre rôle est de vérifier ces comptes, et, si c'est oui, nous devons nous en donner les moyens et savoir dans quel délai ce travail doit être effectué.
Je souhaite pour ma part que ce projet de loi soit renvoyé à la commission des transports, du moins dans un premier temps, pour qu'il puisse être traité correctement. Il concerne la Fondation des parkings, et, visiblement, nous n'avons pas eu tous les renseignements que nous estimons utiles. Ensuite, il pourra être examiné ailleurs, mais j'insiste pour le renvoyer d'abord à la commission des transports.
M. André Reymond (UDC). On peut effectivement se poser des questions quant aux délais qui sont nécessaires pour que les rapports sur les comptes nous soient soumis en plénière...
Vu qu'il n'y a pas de délai fixé pour que le Conseil d'Etat rende son rapport et qu'il faut attendre entre dix-huit et vingt-quatre mois pour avoir les documents, le groupe UDC sera d'accord, avec une majorité de ce parlement, pour renvoyer ce projet de loi à la commission des transports, pour nous permettre, justement, de travailler d'une manière efficace.
Le président. Je tiens tout de même à signaler que M. Slatkine a rendu son rapport en mars 2003 et que c'est à la demande de différents groupes qu'il n'a pas pu figurer dans les extraits de l'ordre du jour...
Monsieur le député, Robert Cramer, vous avez la parole. (Rires.)
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Le député Robert Cramer, qui assume... (Exclamations.)...par ailleurs la fonction de vice-président du Conseil d'Etat s'adresse à cette assemblée... (Rires.)...pour vous dire ce qui suit...
Tout d'abord, le Conseil d'Etat est le premier à déplorer le retard avec lequel ces rapports vous sont communiqués. Du reste, l'exposé des motifs relève où résident les difficultés et qu'elles sont dues à un double phénomène.
Cela tient, d'une part, au fait que nous devons attendre le rapport de l'Inspection cantonale des finances, et on pourrait très bien imaginer, comme le disait tout à l'heure M. Grobet, emprunter un raccourci en vous transmettant directement - si c'est le voeu de ce Grand Conseil - les rapports sur la Fondation des parkings. Et nous pourrions transmettre ultérieurement le rapport de l'ICF à la commission concernée.
D'autre part, cela tient au mode de communication de ces rapports au Grand Conseil. Concernant ce dernier point, il m'apparaît que ce projet de loi doit à l'évidence être renvoyé à la commission des droits politiques. Pourquoi ? Parce que ce qui nous permettra de raccourcir les délais, c'est essentiellement la modification de l'article 174 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, et non pas la modification de l'article 20 de la loi sur la gestion des parkings. Et si vous souhaitez profiter de ce projet de loi pour engager une réflexion plus vaste sur la façon de raccourcir les délais concernant le traitement des rapports, il me semble évident qu'il faudra intervenir au niveau de la loi portant règlement du Grand Conseil. Généralement c'est la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil qui manie cette législation et qui en initie les modifications. Il me semble donc que c'est dans ce cadre-là que l'on doit s'efforcer de traiter les questions relatives aux procédures parlementaires et au raccourcissement de celles-ci.
Cela dit, chaque député est compétent pour traiter de toutes les questions, et ce ne serait pas un drame si ce projet de loi était renvoyé à la commission des transports. Mais, si on veut travailler efficacement sur les délais, la commission compétente me semble véritablement la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le vice-président du Conseil d'Etat. (Rires.)
Nous sommes en préconsultation. Le projet de loi va donc être renvoyé en commission. Les auteurs de ce projet de loi ayant souhaité le renvoyer à la commission des transports, je mets d'abord aux voix cette proposition. Si elle est refusée, je ferai voter sur le renvoi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Monsieur Grobet, vous avez la parole, mais sur la procédure de vote. Vous avez bien demandé le renvoi de ce projet de loi en commission des finances, n'est-ce pas ?
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je ne veux pas abuser du temps de parole, mais je crois qu'il faut dire deux mots sur le renvoi en commission de ce projet de loi.
Je suis prêt, puisque M. Cramer préfère que ce projet de loi soit renvoyé à la commission des droits politiques, à renoncer à demander son renvoi à la commission des finances.
Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'il soit justifié de le renvoyer à la commission des transports pour aborder le contenu des rapports de la fondation. Je rappelle à cet égard aux députés libéraux que nous avons déjà reçu ces rapports et que c'est dans le cadre de l'examen de ces rapports que nous devons examiner les anomalies qui ont pu se produire et pas dans le cadre de ce projet de loi.
M. Gilles Desplanches (L). Suite aux propos de M. Cramer, je me rallie à sa position. Et je pense que c'est la commission des droits politiques qui sera la mieux à même de traiter ce projet de loi... (Des téléphones portables provoquent des interférences.)
Le président. Vous êtes priés d'éteindre vos portables !
M. Gilles Desplanches. Cela nous permettra certainement de résoudre d'autres difficultés, mais nous devons surtout être beaucoup plus rigoureux en matière de gestion à l'avenir, car le Grand Conseil fait aujourd'hui un piètre gestionnaire en traitant ces rapports de gestion après un délai aussi long.
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Premier débat
Mme Jeannine De Haller (AdG). En relisant ce projet de loi qui a été traité en décembre 2001, je suis étonnée - même si, en réalité, je ne le suis pas tout à fait - du refus d'entrer en matière sur un point qui me paraît pourtant vraiment évident.
En effet, pour beaucoup d'entre nous - hommes et femmes, d'ailleurs - il est extrêmement difficile de participer aux séances du Grand Conseil et, donc, à la vie politique de notre canton, vu les horaires des séances qui correspondent exactement au moment où les enfants rentrent de l'école et où il faut s'occuper de leur faire faire les devoirs, de leur donner à manger et de les coucher.
Il me semble donc évident - au minimum - d'inciter et d'encourager les femmes - et certains hommes - à participer à la vie politique en les dédommageant des frais de garde inévitables que cette participation implique. Nous ne sommes pas très nombreuses dans cette enceinte à avoir des enfants en âge scolaire, mais les choses sont très compliquées pour nous selon les horaires des séances, que ce soit entre midi et 14h, entre 17 et 19h, ou les séances plénières qui durent toute la soirée depuis 17h. Ces horaires, je le répète, nous compliquent énormément la vie.
La moindre des choses serait donc d'avoir une compensation financière pour nous aider à payer une tierce personne qui viendrait garder les enfants. Je ne comprends même pas que les députés des bancs d'en face refusent d'entrer en matière sur quelque chose d'aussi évident !
Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président
Mme Morgane Gauthier (Ve). Ce projet de loi, présenté par l'AdG, est un bon projet de loi. Je tiens à rappeler que le Bureau précédent, soit celui de la dernière année de la législature précédente, avait décidé de contribuer aux frais des personnes devant faire garder leurs enfants pendant les séances plénières.
Je peux vous dire, puisque j'en bénéficie, que c'est une très bonne chose et que cela fonctionne très bien, mais cette mesure est appliquée uniquement pour les séances plénières du soir, même si les horaires des séances de commission posent aussi problème. Les Verts ont du reste déposé un projet de loi à cet effet, pour trouver une solution à ce problème. Mais les choses ne changent toujours pas et elles ne changeront pas avant trois ans, ou, plus exactement, deux ans et demi.
Il est toujours très difficile de concilier vie professionnelle, vie de famille et vie politique. C'est un problème de fond. Ce projet de loi n'y répond pas véritablement, mais il apporte un début de solution. Et je crois qu'il faut saisir cette occasion. Si le message de ce Grand Conseil consiste à dire qu'il faut laisser les choses comme elles sont, cela signifie que toute une frange de la population est exclue, de fait, de la vie politique, parce que les horaires de nos commissions correspondent aux heures cruciales pour nos enfants. On n'arrête pas de nous dire que les parents démissionnent et ne s'occupent pas de leurs enfants... Mais quand on veut s'occuper de nos enfants, lors de ces moments clés, ce n'est tout simplement pas compatible avec les horaires de la vie politique !
Je peux parler de mon expérience personnelle, si vous le voulez... Il est impossible de trouver une garde pour un enfant scolarisé entre midi et 14h ou entre 17 et 19h. Ou alors, dites-moi comment, Madame de Tassigny, vous qui êtes bien placée pour le savoir !
Pour notre part, nous estimons donc que ce projet est bon et que le message de ce Grand Conseil est mauvais, par la voix de sa rapporteuse.
J'aimerais juste rappeler que, dans sa conclusion, elle invite «chaque parti à mener des actions concrètes pour faciliter l'arrivée des femmes en politique.» Mais regardez votre propre parti, Madame ! Vous êtes la seule représentante féminine des bancs radicaux ! (Exclamations.)Oui, mais c'est bien la preuve... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)...que les partis n'ont pas les moyens nécessaires pour amener les femmes en politique ! (L'oratrice est interpellée par M. Dupraz.)Monsieur Dupraz, je vous remercie !
Le président. Monsieur Dupraz, s'il vous plaît !
Mme Morgane Gauthier. Tout cela pour dire qu'il faut absolument soutenir ce projet de loi. Même si ce n'est qu'un début, c'est la bonne direction à prendre ! (Applaudissements.)
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). En 1893, la Nouvelle-Zélande fut le premier pays à donner aux femmes le droit de vote et d'éligibilité. En Suisse, nos mères ont dû attendre 1971 pour avoir accès aux institutions politiques. (Exclamations.)La démocratie en Suisse est donc toute jeune, car un pays qui exclut la moitié de sa population à l'accès aux droits démocratiques ne peut pas être qualifié de pays démocratique.
A l'échelle planétaire, la part des femmes dans les parlements s'élève à 13,8% en moyenne. Les pays nordiques arrivent largement en tête avec une moyenne de 38,8%, alors que la Suisse se place au vingt-et-unième rang, à égalité avec l'Autriche. Genève a eu durant plusieurs années une représentation de femmes au parlement cantonal plus forte que les autres cantons, mais, avec l'arrivée de l'UDC, parti machiste par excellence... (Rires et exclamations.)...et le virage à droite des autres partis de l'Entente... (Vif brouhaha.)Mais, regardez ! Regardez ! (Le président agite la cloche.)Elle est où la femme, dans le groupe UDC ? L'a-t-on entendu s'exprimer une seule fois ? ...la part des femmes, ici, a fortement diminué - de 36% à 23%.
On peut se demander pourquoi les femmes occupent surtout les bancs de la gauche... Moi, j'ai deux explications à cela. D'une part, les femmes de gauche ont en général un discours clair quant à la défense des intérêts spécifiques qui concernent les femmes, comme, par exemple, l'augmentation des crèches, la parité, l'aide pour la garde des enfants, etc. Le fait qu'aujourd'hui une femme de l'Entente - et je ne vous attaque pas personnellement, Madame de Tassigny, parce que je vous aime bien - défende un rapport refusant d'apporter une aide aux députées mères - ou, plus rarement, aux députés pères - démontre bien que les femmes de droite se laissent utiliser comme porteuses d'eau... (Exclamations.) ...ou, plutôt, comme porteuses d'idées contraires aux aspirations de la majorité des femmes... Et je le regrette infiniment !
D'autre part, les buts mêmes des partis politiques font que les femmes se sentent probablement plus à l'aise dans un parti qui défend en priorité la justice sociale ou le développement durable. En effet, défendre la cause des femmes, c'est défendre un projet politique global, c'est lutter pour une égalité tant formelle que réelle entre les sexes. Cette politique est novatrice, radicalement critique, et vise à substituer une démocratie réelle à une démocratie formelle.
Les féministes dérangent, Mesdames et Messieurs, parce qu'elles remettent en cause un modèle de société basé sur le masculin, sur le patriarcat ou sur le capitalisme. Or, il est évident que si l'on veut défendre cette vision de la société, il est plus difficile de le faire dans un parti qui défend le modèle dominant actuel, basé sur le capitalisme et le libéralisme sauvages. (Exclamations. On entend des cris d'animaux.)J'explique ma vision par rapport à ce problème ! (Le président agite la cloche.)
Venons-en maintenant au sujet de ce rapport. Le groupe socialiste soutient évidemment ce projet de loi pour les raisons suivantes. En effet, si notre parlement manque encore cruellement de représentantes féminines, c'est qu'elles sont moins disponibles pour faire une carrière politique, à cause de leur double, voire triple charge: familiale, professionnelle et politique. Quand on sait qu'aujourd'hui encore la grande partie du travail domestique et éducatif est assumée par les femmes, on ne s'en étonne guère ! D'autres éléments interviennent certainement aussi comme, par exemple, le fait qu'elles sont moins bien représentées dans les organisations économiques, car elles manquent encore cruellement de réseaux ou de lobbies efficaces, et que les médias les considèrent encore souvent comme quantité négligeable. (Exclamations.)
M. John Dupraz. Vous n'êtes pas beaucoup sortie !
Mme Loly Bolay. Mais, c'est vrai !
Mme Maria Roth-Bernasconi. Monsieur Dupraz, vous avez lu l'étude...
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Dupraz !
Mme Maria Roth-Bernasconi. Monsieur Dupraz, vous avez lu l'étude de l'université ?
Mme Loly Bolay. Mais tais-toi, Dupraz !
Mme Maria Roth-Bernasconi. Monsieur Dupraz, avez-vous lu le rapport qui a été fait par l'université de Berne sur la présence des femmes dans les médias...
Le président. Ne vous adressez pas à M. Dupraz, Madame Roth-Bernasconi !
Mme Maria Roth-Bernasconi. ...après les élections de 1999 ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Mesdames et Messieurs les députés, comptez les interventions des hommes et des femmes citées dans les médias, et vous aurez vite compris ! Au début de cette année, «Le Temps» - pour ne pas le nommer - a demandé à certaines personnalités ce qu'elles attendent de l'année 2003... Eh bien, aucune femme n'a été interrogée ! Voilà, comment les femmes sont représentées dans les médias !
Ce projet de loi, présenté à l'époque par nos collègues de l'Alliance de gauche, ne mange pas de pain... (Rires et exclamations.)Mais il est un petit signe en faveur des jeunes femmes et des quelques hommes qui ont la charge de petits enfants. Et Mme Morgane Gauthier l'a très bien expliqué, elle qui a l'expérience de cette situation. J'en ai moi-même fait l'expérience, car mes enfants étaient encore petits quand j'ai commencé à faire de la politique. Cela peut donc être une mesure incitative favorable pour une catégorie de la population très peu représentée dans ce parlement: les jeunes mères de famille.
Donnons donc ce petit signe à cette catégorie de personnes et adoptons ce projet de loi modeste mais fort symbolique ! (Applaudissements.)
Le président. La parole est à vous, Monsieur Jean-Michel Gros. (Exclamations de satisfaction.)
M. Jean-Michel Gros (L). Le groupe libéral partage les conclusions du rapport de Mme de Tassigny...
L'idée de ce projet est certes sympathique, le problème est certainement réel, et les trois préopinantes l'ont bien évoqué: oui, c'est un problème pour les mères de participer à la vie politique pour des questions d'horaires des sessions. Il n'est certainement pas très commode de faire garder ses enfants, surtout les enfants en bas âge. Et que l'on ne m'oppose pas l'article 24, parce que je ne suis pas concerné par ce problème ! (Rires.)Mais comme le dit ou le sous-entend le rapport, en octroyant une indemnité pour la garde des enfants, nous ouvrons une boîte de Pandore, parce qu'ensuite il faudra également donner des indemnités spéciales à ceux qui ont à charge une personne âgée, à ceux qui doivent engager une personne supplémentaire au bureau, à ceux qui ont la garde d'un conjoint handicapé, etc. Je crois que c'est aller trop loin !
Mesdames et Messieurs les députés, l'article 46 de notre loi portant règlement du Grand Conseil précise que l'indemnité due aux députés est décidée en fin de législature par le Bureau. Pour le groupe libéral, cette indemnité est globale. Elle doit couvrir tous les inconvénients de la charge de député. Alors: est-elle suffisante ? Ça, c'est sûrement une bonne question, et nous suggérons que les deux Bureaux qui vont se succéder d'ici aux prochaines élections se penchent sur cette question et revoient, le cas échéant, cette indemnité à la hausse.
Les problèmes particuliers de chaque député ne peuvent pas être pris en compte par cette indemnité. C'est peut-être - on l'a dit et Mme de Tassigny l'a souligné - à chaque parti aussi d'examiner chaque cas particulier. Nous avons appris en commission que le groupe SolidaritéS avait mis sur pied un système de prise en charge des enfants en bas âge et organisait lui-même cette prise en charge. Eh bien, bravo ! C'est très bien que le parti se préoccupe de ce problème. Peut-être les autres partis devraient-ils en prendre de la graine !
Il faut savoir que les indemnités sont en partie dues aux députés mais que, souvent, ces derniers les reversent à leur parti ou à leur groupe. Dans certains groupes, cela vire quasiment au racket, puisque plus de 70% des jetons de présence sont prélevés ! Sur ce point aussi, il y a peut-être quelque chose à faire. Au lieu de demander une indemnité spéciale pour la garde des enfants, peut-être ces partis devraient-ils prélever une somme moins importante pour les personnes obligées de payer une aide. Ce serait également une solution à étudier. (Applaudissements.)
C'est dans ce sens-là: pour ne pas ouvrir une boîte de Pandore - et non pour nous opposer à ce problème réel - que le groupe libéral vous demande de refuser ce projet.
Des voix. Bravo !
Mme Morgane Gauthier (Ve). Je voulais juste ajouter une petite chose. Il ne s'agit pas d'un débat gauche/droite. C'est un message que nous devons envoyer. C'est très différent ! Il ne s'agit pas de savoir s'il y a plus de femmes sur les bancs de la gauche que sur les bancs de la droite. Il s'agit d'un problème global !
Notre parlement est-il d'accord d'envoyer un message pour montrer sa volonté d'aider les femmes qui ont des enfants en bas âge ou les personnes qui ont des charges de famille à participer à la vie politique de ce canton ? C'est la question que nous devons nous poser. La réponse qui nous est donnée est non... Très bien ! Mais justifiez ce refus correctement ! Vous dites que l'on risque d'ouvrir une boîte de Pandore... Trouvez-vous que c'est une justification correcte ? Moi, je ne le pense pas du tout ! Cet argument n'est pas bon. L'accepter, c'est accepter de laisser de côté une partie de la population ayant une charge de famille. Nous voulons un parlement cantonal représentatif, c'est-à-dire que les parents doivent aussi être représentés pour s'occuper de leur avenir et de l'avenir de leurs enfants. Vous pouvez m'opposer l'article 24, Monsieur Gros, si vous voulez, mais je trouve que votre justification n'est absolument pas valable ! (Applaudissements.)
M. Claude Blanc (PDC). J'ai été très intéressé par ce qu'a dit tout à l'heure mon excellent collègue Gros, et je suis tout à fait d'accord avec lui que c'est au parti d'assumer les difficultés de ceux de leurs membres qui ne peuvent pas se libérer pour les séances du Grand Conseil en raison de leurs charges de famille. Je le répète, je suis tout à fait d'accord avec lui sur ce point, mais, pour le reste, je lui rappelle que nous sommes précisément en train d'examiner à la commission des droits politiques un projet de loi visant précisément à donner aux partis les moyens de réaliser la proposition de M. Gros. J'invite donc nos amis libéraux à revoir leur position par rapport au projet de loi sur le financement des partis politiques et puis, comme cela, tous les problèmes seront résolus...
Je suis donc prêt à dire que ce projet de loi est superfétatoire, mais à condition que le projet de loi sur le financement des partis politiques puisse être voté. (Applaudissements.)
Mme Marie-Françoise De Tassigny (R), rapporteuse. J'attendais la fin des interventions, car je pensais bien que le débat serait un peu tendu...
Mais on ne peut pas m'accuser de ne pas défendre la cause des femmes dans ce parlement en ma qualité de rapporteuse. Et je n'ai vraiment pas l'impression non plus de me sentir muselée ou brimée par les partis que je représente...
La véritable égalité des droits, c'est que chaque député puisse accomplir son mandat. Que dire des députés qui doivent quitter leur fonction dans la journée, ce qui représente pour eux un manque à gagner ! Ce n'est pas seulement un problème pour les femmes: c'est un problème pour tout parlementaire !
Cette motion aborde un problème tout autre, qu'il faut considérer dans une vision générale de notre parlement et de la charge que cela représente pour chacun de nous qui sommes ici dans ce parlement pour faire de la politique. Il faut poursuivre notre politique de développement des modes de garde intensément et revoir véritablement l'organisation du parlement. C'est ainsi que nous donnerons un véritable signal. (Applaudissements.)
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 38 non contre 32 oui.
Premier débat
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de majorité. La majorité de droite va certainement renvoyer cet objet en commission. L'entrée en matière de ce projet de loi a été refusée par une majorité de circonstance, alors que ce vote était annoncé à l'ordre du jour de la commission. Et ce n'est certainement pas de cette façon que l'on va accélérer les débats de ce parlement, ce qui semble pourtant être une préoccupation majeure des partis de la droite...
Avant de soigner une maladie, il faut faire un diagnostic. Le service du Grand Conseil a fourni à la commission des droits politiques, par l'entremise de notre sautière, un tableau sur les travaux de notre parlement durant ces quatre dernières années. On peut constater que le nombre d'objets traités par notre plénière augmente dans la même proportion que le nombre des nouveaux projets de lois déposés. C'est donc l'augmentation massive de ces nouveaux projets de lois - plus de 50% en moyenne - qui est responsable du surcroît de travail de notre parlement. Les autres objets, par contre, sont soit en diminution soit à peu près au même niveau, y compris les interpellations urgentes, qui, soi-dit en passant, sont aussi la cible des partis de la majorité.
Cette augmentation des nouveaux projets de lois est certainement due à différents facteurs. Un de ceux-ci - il faut le noter - est certainement le saucissonnage systématique de certaines lois effectué par la majorité, comme, par exemple, pour le logement ou les droits politiques.
Ce diagnostic posé, je reviens aux débats de préconsultation que les partis de droite veulent supprimer. Nous sommes opposés à cette suppression parce que nous pensons que ce ne sont pas ces débats qui ralentissent les travaux de notre parlement.
Trois raisons à cela. Premièrement, la plupart des projets de lois sont renvoyés directement en commission.
Deuxièmement, toute ancienne présidente ou ancien président de notre Grand Conseil vous le dira, le débat de préconsultation est le plus facile à gérer, car le temps de parole est strictement réglementé. En effet, un seul député par groupe peut prendre la parole pour un temps maximum de cinq minutes. Je rappelle que pour les autres débats - motions, rapports sur un projet de loi, etc. - le temps de parole est de trois fois sept minutes par député, plus les temps de parole sur les amendements, etc.
Troisième raison - et ce n'est pas la moindre - en cas de suppression du débat de préconsultation, il suffira à une formation politique de déposer une motion sur le même sujet pour avoir la parole en plénière, et cela avec un temps de parole bien plus important, ce qui impliquera un ralentissement encore plus important du travail de notre parlement.
Par ailleurs, nous estimons que certains projets de lois méritent ce débat de préconsultation en plénière, car il permet à chaque formation de donner son opinion sur un projet de loi avant son renvoi en commission, d'où le texte revient souvent passablement changé par les amendements. Ce débat de préconsultation permet d'indiquer clairement aux autres partis mais aussi aux citoyens la position politique de chacun sur le sujet traité avant les travaux de commission.
Le rapporteur de minorité parle de la nécessité de réforme. Je le rejoins sur ce point, mais alors il faut faire de vraies réformes, comme le projet de loi sur les secrétaires de commission rédigé par notre collègue Jean-Michel Gros, celui des Verts sur les horaires des sessions ou, encore, celui sur le financement des partis déposé par les Verts, le PDC et nous-mêmes, les socialistes. Des réformes qui apportent de réelles améliorations pour l'efficacité du travail de député face à l'augmentation de la tâche qui atteint réellement une limite extrême. De vraies réformes et non des «réformettes» de premier degré, qui, tout bien réfléchi, pourraient occulter une partie du débat démocratique et provoquer des effets pervers, dépôts de motions, qui alourdiraient encore plus notre ordre du jour.
Je vous demande donc de bien réfléchir et d'accepter ce rapport de majorité.
M. John Dupraz (R), rapporteur de minorité ad interim. Je ne sais pas s'il s'agit d'une «réformette qui entraînerait des effets pervers»... A mon avis, c'est le rapporteur de majorité qui a l'esprit pervers en prétendant que si les débats de préconsultation étaient supprimés les mêmes auteurs déposeraient des motions pour pouvoir débattre en plénum des sujets traités dans leurs projets de lois.
Mesdames et Messieurs les députés, moi je constate une chose: c'est qu'aux Chambres fédérales il n'y a pas de débat de préconsultation ! Je considère pour ma part que ce qui est important, c'est la publicité faite autour des objets traités afin que les tiers concernés puissent demander à être entendus. Les projets seraient toujours mis à l'ordre du jour de la séance plénière du Grand Conseil. Les députés pourraient en débattre dans leur groupe respectif et, s'ils ont un point de vue à émettre, ils pourraient aussi le faire par voie de presse. Les trois quarts des projets de lois sont renvoyés en commission sans débat et les autres sont de toute façon renvoyés en commission après un débat qui ne sert strictement à rien si ce n'est que chaque groupe peut dire ce qu'il pense du projet de loi, ce qui va ou ce qui ne va pas.
Si l'on veut améliorer l'efficacité des travaux de ce Grand Conseil et diminuer la durée des séances plénières, il faut renvoyer directement les projets de lois en commission. Cela n'occulte en rien les débats démocratiques, contrairement à ce que vous dites.
C'est pourquoi je persiste dans les conclusions du rapport de minorité, et je demanderai que le débat porte sur le renvoi en commission et uniquement sur le renvoi, afin d'en débattre tranquillement en séance de commission.
Présidence de M. Bernard Lescaze, président
Le président. Je prie les orateurs - un par parti - de ne s'exprimer que sur le renvoi en commission demandé par M. le rapporteur Dupraz. Monsieur Jean-Michel Gros, vous avez la parole.
M. Jean-Michel Gros (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette histoire de débat de préconsultation est un véritable serpent de mer, puisqu'on en parle, je crois, une fois par législature !
Je voulais juste dire quelque chose à M. Charbonnier...
Le président. Non, Monsieur, vous ne parlez que du renvoi en commission, sinon je serai obligé de vous couper la parole... Je respecte le règlement, Monsieur Gros !
M. Jean-Michel Gros. Je m'exprime pour expliquer ma volonté de renvoyer ce projet de loi en commission, si vous permettez que j'argumente un peu ce renvoi ! (Exclamations.)
Je pense que ce projet doit effectivement être renvoyé à la commission des droits politiques, et cela, pour le simple motif que, comme l'entrée en matière a été refusée, nous avons quelques incertitudes juridiques et nous devons apporter quelques amendements. Je tiens toutefois à insister sur le fait qu'il faut absolument entrer en matière sur ce projet de loi et que ce soit fait en commission.
En effet, Monsieur Charbonnier, vous parlez de «réformette», vous dites que la préconsultation n'est pas une perte de temps puisque chaque groupe ne dispose que de cinq minutes... Je vous signale que vous tenez le même langage pour les motions, pour les interpellations urgentes: à chaque fois que nous abordons un projet dans ce sens, vous répondez que cela ne prend pas beaucoup de temps et que ce n'est pas ce qui solutionnera le problème... Eh bien, les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, je pense qu'il faut s'attaquer à chaque problème l'un après l'autre: les interpellations urgentes, mais aussi la préconsultation, de manière à rationaliser nos débats !
C'est dans ce sens que le groupe libéral vous demande de renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Ce projet de loi pose un débat essentiel sur le fonctionnement de notre Grand Conseil...
La majorité de circonstance qui a abouti au refus de l'entrée en matière n'est pas le reflet de la réalité que, nous, les cent députés, partageons. Nous devons travailler ensemble en commission pour améliorer l'efficacité du Grand Conseil, et nous sommes tous d'accord sur ce point. C'est possible: ce n'est pas une question de dogme politique, mais une question de gestion des temps publics et privés, professionnels et associatifs.
Toute mesure allant dans le sens d'une meilleure efficacité de gestion de ces temps est bonne à prendre. C'est pourquoi le PDC vous invite à suivre le rapport de minorité et renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques.
M. Antonio Hodgers (Ve). Sur la forme. Nous nous retrouvons ici dans un débat un peu biaisé, parce qu'il manquait des députés de l'Entente en commission. Mais on voit bien le fond du problème: c'est que les députés de milice n'arrivent pas à suivre convenablement les travaux de ce parlement. Et je crois - et ce débat en est la preuve - que c'est la plus grande difficulté que nous rencontrons aujourd'hui.
Ce projet de loi est effectivement une «réformette», et quand un wagon de projets de lois du même style aura été adopté par la majorité de ce parlement, on verra que nos ordres du jour seront toujours aussi garnis, que les travaux de commission seront toujours aussi lents et que nous n'aurons rien changé du tout.
Pour notre part - nous l'avons dit - il faut réformer le fonctionnement de ce parlement en profondeur, et une telle réforme devrait pouvoir aboutir à une présence beaucoup plus assidue de tous les députés en commission - dont ceux de la majorité. Cela éviterait des pertes de temps comme celle que nous connaissons aujourd'hui avec ce projet de loi, due à la désertion de certains députés des travaux de la commission des droits politiques.
Nous comprenons que ce projet de loi soit renvoyé en commission, car, en l'état, il entraînerait l'effet néfaste que les projets de lois ne puissent plus être traités en discussion immédiate. Les premiers projets de lois qui feraient les frais de ces dispositions sont ceux notamment proposés par le Conseil d'Etat au sujet des crédits exceptionnels pour la Croix-Rouge.
Pour ce motif, il me semble effectivement important de ne pas voter un tel projet de loi et de le renvoyer en commission pour solutionner ce problème.
M. Christian Grobet (AdG). Je pense qu'il est important de renvoyer ce projet de loi en commission. En effet, je vois que M. Dupraz, pour le justifier, fait allusion à la procédure qui est appliquée aux Chambres fédérales. (L'orateur est interpellé par M. Gros. Le président agite la cloche.)Mais j'explique pourquoi je suis favorable au renvoi en commission. Monsieur Gros, vous avez revendiqué le droit de justifier votre position: je ne fais que suivre votre bon exemple ! Je dis simplement que cette question doit être examinée en commission, parce que la situation - Monsieur Dupraz, vous le savez fort bien, vu que vous siégez comme moi au Conseil national - n'est pas du tout identique. Tout d'abord, les membres de l'Assemblée fédérale ne peuvent pas déposer des projets de lois à titre personnel. Il y a certes un droit d'initiative, traité selon une procédure spéciale, mais les députés ne peuvent pas déposer de projets de lois. Et, ensuite, tous les projets du Conseil fédéral ont fait l'objet d'une consultation auprès des milieux intéressés, y compris les partis politiques, de sorte que lorsque le Conseil fédéral saisit les Chambres fédérales d'un projet, il a déjà en général un fort consensus politique derrière lui.
Je serai pour ma part éventuellement d'accord que les projets de lois du Conseil d'Etat soient renvoyés directement en commission, parce qu'on peut partir de l'idée que le Conseil d'Etat a la sagesse de présenter des projets qui ont habituellement l'agrément du parlement, même si ça n'a pas toujours été le cas par le passé. Il me semble au contraire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'un court débat de préconsultation fait beaucoup gagner de temps - M. Charbonnier l'a évoqué - et que la pire des choses serait de passer des heures et des heures sur des travaux de commission, à faire des auditions, par exemple sur un projet de loi du Conseil d'Etat, et que, pour finir, il soit refusé par le Grand Conseil, tout cela faute d'un débat préalable qui aurait montré qu'une majorité était vraisemblablement opposée à ce projet de loi.
Or, si nos travaux prennent du temps, ce n'est pas seulement en raison des débats en séance plénière. C'est surtout parce que beaucoup de projets de lois importants traînent dans les commissions en raison du nombre trop important de projets à traiter. Il faut donc les traiter par ordre de priorité, mais, à mon avis, ces priorités sont plus faciles à définir en commission, s'il y a eu un débat d'entrée en matière qui permette aux groupes de s'exprimer.
Deuxième chose, je trouve qu'il est grave que des projets de lois importants soient renvoyés immédiatement en commission sans que ce parlement puisse s'exprimer, sans que les citoyennes et citoyens de ce canton sachent quelle est la position des partis. Je pense par exemple, Monsieur Dupraz, au projet de loi que votre parti a déposé en son temps: un projet de loi constitutionnelle visant à modifier fondamentalement le fonctionnement des institutions de ce canton, en nommant un gouverneur, etc. Cela ne me paraît pas acceptable !
C'est la raison pour laquelle nous avons toujours souhaité avoir de bonnes discussions en commission, contrairement à des pratiques anciennes de la majorité - nous nous réjouissons qu'elle les ait abandonnées - consistant à voter des projets de lois sur le siège. Comme cette discussion n'a pas pu avoir lieu, nous appuyons le renvoi de ce projet de loi devant la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, afin, effectivement, d'examiner les questions qui se posent et les problèmes juridiques de manière rigoureuse. M. Gros a eu raison de les évoquer.
Mme Loly Bolay (S). Je serai très brève. Je suis désolée de le dire, mais, à mon avis, les députés qui ne viennent pas aux travaux des commissions devraient se faire remplacer !
Sous prétexte que vous n'étiez pas là au moment où ce projet de loi a été traité en commission, vous nous demandez maintenant d'accepter de le renvoyer en commission.
Certes, la problématique du fonctionnement du parlement nous tient à coeur, puisque cette commission traite de ce sujet à l'heure actuelle. Mais c'est un peu trop facile ! Je le répète: lorsque vous ne pouvez pas assister aux séances, faites-vous remplacer ! Non seulement nous perdons du temps mais encore nous faisons perdre de l'argent au contribuable !
Je suis navrée, mais, dans ces conditions, le groupe socialiste refusera le renvoi de ce projet de loi à la commission des droits politiques.
M. Jean-Marc Odier (R). Je serai également bref. Le groupe radical soutient le renvoi de ce projet de loi en commission.
Le débat de préconsultation peut être valable, à notre avis, s'il a lieu au cours de la séance qui suit le dépôt de l'objet. A partir du moment où nous nous retrouvons avec des ordres du jour de cent cinquante points, voire deux cents, les travaux en sont ralentis. Et si la démocratie doit garantir le droit à la minorité de s'exprimer, la démocratie ne doit pas permettre le droit au blocage, le droit de veto ! Certains projets de lois déposés par la majorité du Grand Conseil ont attendu huit mois, voire une année, avant de pouvoir être traités et renvoyés en commission... Tout cela n'est pas très cohérent ! Si la majorité ne peut pas obtenir de débattre les projets qu'elle propose, à mon sens tout le monde est perdant. Il faut aller dans une direction ou dans une autre avec les objets proposés, et la population jugera, mais, je le répète, la minorité ne doit pas pouvoir bloquer les travaux du Grand Conseil.
C'est pour cette raison que nous soutiendrons vivement le renvoi en commission de ce projet de loi, afin de pouvoir voter cet objet.
Le président. Je mets donc aux voix le renvoi de ce projet de loi en commission pour examen, amélioration, amendements éventuels.
Mis aux voix, ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Premier débat
Le président. Je serais heureux que les députés qui sont sous la tribune, au fond de la salle, et qui n'écoutent même pas ce qui se dit cessent de discuter. Messieurs Jeannerat et Hodgers, veuillez continuer votre discussion dehors ou suivre les débats.
Monsieur le rapporteur de majorité avez-vous quelque chose à ajouter ? Bien, vous avez la parole !
M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur de majorité. Il me semble utile de faire un bref historique du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui...
Il faut savoir qu'en 2001 a été introduit ce nouvel instrument démocratique qui permet aux communes de saisir directement le Grand Conseil, au même titre qu'un député, par le biais d'une motion intitulée communément «motion communale». Il faut savoir également que les relations entre les communes et le canton se sont toujours effectuées directement par les exécutifs communaux ou par le biais de l'Association des communes genevoises, avec le Conseil d'Etat.
A ce stade, il faut relever que rares sont les problèmes touchant directement les communes qui n'aient pas été abordés par ces instances.
Ce nouvel instrument démocratique, mis en place durant l'ancienne majorité de l'Alternative, s'est révélé rapidement inutile et dans bien des cas superfétatoire au regard des moyens déjà existants, puisque, à ce jour, seules quelques motions communales ont vu le jour et n'ont pas donné de meilleurs résultats que les travaux entrepris auparavant.
Sur le plan du fonctionnement de nos institutions, la motion communale pose le problème de la séparation entre les instances communales et cantonales, du fait qu'avec la motion communale il devient possible à un délibératif communal d'empiéter sur les prérogatives d'un exécutif cantonal. Il convient également de rappeler que la motion communale ne peut être que renvoyée directement en commission, afin que les auteurs puissent être auditionnés, ou renvoyée au Conseil d'Etat, mais elle ne peut en aucun cas être modifiée, ce qui pose un problème de fond sur le plan politique.
Le projet dont nous sommes saisis aujourd'hui prévoit l'abrogation de cette motion communale, arguant du fait que ce nouvel instrument démocratique est un instrument inutile dans la mesure où il appartient aux motionnaires communaux de se mettre en rapport soit avec le conseil administratif soit avec le maire ou des députés pour déposer un projet de motion au parlement cantonal. Le but est de clarifier la situation. Quand bien même il diminue quelque peu les prérogatives des conseillers municipaux, il permet de réaffirmer et de renforcer la position de l'exécutif communal face au Conseil d'Etat.
En guise de conclusion - et j'en terminerai par là - la modification législative qui est prévue dans ce projet de loi corrige les mauvaises appréciations de l'ancienne majorité, l'esprit étant de retrouver un fonctionnement plus limpide de nos institutions et une meilleure osmose entre les élus des différentes autorités.
C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi.
Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, vous voulez la parole ? Alors il faudrait appuyer à temps pour vous inscrire, car il y avait des députés inscrits avant vous, et vous leur brûlez la politesse !
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je suis confus de leur avoir brûlé la politesse, Monsieur le président. Je vous prie de m'excuser de ce manquement.
Les propos de mon préopinant, le rapporteur de majorité, éclairent quelque peu ce débat... Il a dit à trois reprises qu'il s'agissait d'un «nouvel instrument démocratique» à démonter... Par principe, nous sommes plutôt favorables aux nouveaux instruments démocratiques, qui permettent aux communes et aux élus communaux, aux membres des conseils municipaux - qui viennent d'être renouvelés démocratiquement par les citoyens, et, en dernière instance, ce sont donc les citoyens qui s'expriment par leur entremise - d'intervenir dans les différents débats sur des questions de portée générale qu'ils pourraient vouloir soumettre à ce Grand Conseil.
Certains argumenteront que nous allons perdre un temps fou, que les ordres du jour du Grand Conseil vont déborder, qu'il y a quarante-cinq communes et que si chacune d'entre elles déposait chaque mois une motion communale, nous serions débordés... Mais ce n'est évidemment pas le cas, et mon préopinant le reconnaissait d'ailleurs, puisqu'il disait qu'il fallait supprimer ce nouvel instrument démocratique étant donné qu'il ne servait guère... Je crois que quatre ou cinq motions communales seulement ont été déposées depuis qu'il est en vigueur, d'ailleurs souvent par des communes dont la majorité n'est pas de notre bord, puisque ce sont des élus de vos partis qui l'ont utilisée.
Maintenant, pourquoi vouloir supprimer ce nouvel instrument démocratique ? Mon préopinant a dit - c'est un terme qu'il vient d'employer - qu'il préfère revenir à un fonctionnement traditionnel par «osmose» entre les exécutifs communaux, le Conseil d'Etat, l'Association des communes etc. Vous savez ce qu'est «l'osmose»: ce sont des matières en suspension...
Une voix. Des échanges !
M. Pierre Vanek. Pardon ? Ce sont des échanges qui se font à travers une membrane d'une manière discrète, invisible à l'oeil nu, les produits sont filtrés... Tout cela n'est évidemment pas très transparent: c'est une métaphore tirée de la chimie.
Nous proposons simplement qu'un certain nombre de questions puissent être posées sur la table de ce Grand Conseil ou dans cette enceinte pour y être débattues publiquement, dans la transparence. Il n'est pas forcément judicieux de fonctionner par «osmose» entre gens qui se connaissent, de manière informelle. Cela comporte sans doute des bons côtés, mais cela pose aussi des problèmes de visibilité et de transparence des processus politiques dans cette République. De ce point de vue, la motion communale donne aux citoyens un moyen supplémentaire pour appréhender les processus politiques et exercer enfin leur «suprême autorité».
Il est principalement reproché à cette motion communale le fait qu'elle empièterait sur le domaine réservé des exécutifs communaux: c'est cela la grande raison ! Il y a un problème de brouillage, parce qu'à travers la possibilité qui est offerte aux communes les conseillers municipaux qui en font partie pourraient venir mordre sur le domaine réservé des exécutifs communaux, qui, comme on le sait, ont beaucoup de compétences, ce qui n'est pas tant le cas des conseils municipaux... On ne reproduit pas en effet à l'échelle des communes le même type de rapports entre législatif et exécutif qu'on trouve dans cette enceinte.
Or, Mesdames et Messieurs les députés, qui avez déposé ce projet de loi pour supprimer la motion communale et enlever ainsi cette petite prérogative aux conseils municipaux et à leurs conseillers, vous vous trompez en disant qu'elle permet aux conseils municipaux d'empiéter sur un domaine réservé des exécutifs. En effet, il n'y a plus de domaines réservés de ce type comme il y en avait par le passé, puisque, dans son article 30, alinéa 2, la loi sur l'administration des communes indique aujourd'hui - et c'est aussi une réforme dans le sens des droits démocratiques et des droits communaux que nous avons fait passer lors de la dernière législature - que le conseil municipal, soit les conseillers municipaux, peut adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés de portée générale régissant les domaines de la compétence des communes. Il n'y a donc pas de domaines de la compétence des communes, tant qu'ils sont de portée générale, qui ne soient pas d'ores et déjà ouverts à l'intervention possible des conseillers municipaux, et c'est fort bien ainsi. Ce Grand Conseil l'a voulu. Et je ne vois pas pourquoi des conseillers démocratiquement élus ne pourraient pas dans des délibératifs - comme vous le dites M. Hiltpold - délibérer et en arriver à des conclusions sur des sujets qui concernent précisément le domaine d'intervention des communes. Alors, si ce type de délibération les conduit à buter sur un point qui est du ressort de l'échelon cantonal, qui demande l'intervention de ce Grand Conseil ou du Conseil d'Etat, pourquoi diable interdire à ces élus communaux de réfléchir, de formuler un projet de motion et de nous le renvoyer ? Il n'y a aucune espèce de raison, sauf de vouloir que les choses se passent sans visibilité, sous la table, entre initiés qui fonctionneraient par «osmose», voire par copinage...
Le président. Il est temps de conclure !
M. Pierre Vanek. Je conclus, Monsieur le président. Nous avons été saisis de quatre ou cinq motions communales - je crois - et il y en a une ou deux inscrites à l'ordre du jour de notre Grand Conseil... Il n'y a donc aucune espèce de raison de renoncer à ce nouvel instrument démocratique mis en place par la dernière majorité dans l'intérêt des citoyens de ce canton et de la bonne résolution des problèmes municipaux.
M. Alain Charbonnier (S). Première constatation: ce projet de loi, déposé afin de supprimer les droits des conseils municipaux de déposer une motion devant notre parlement, est le fait, pour la plupart, de membres d'exécutifs communaux ou d'éventuels futurs membres. Un des signataires est aussi le président de l'Association des communes genevoises, association des exécutifs communaux qui avait été auditionnée à l'époque lors des travaux de la commission des droits politiques et qui n'y était pas opposée mais qui souhaitait que les exécutifs communaux, conseillers administratifs, maires et adjoints, soient associés à la proposition de motion, ce qui avait été réalisé par l'article 37A de la loi sur l'administration des communes, à son alinéa 2, qui précise que le droit de déposer une motion communale est exercé par le conseil municipal sur proposition d'un de ses membres ou de l'exécutif communal.
M. Hiltpold, dans son rapport, estime que les quelques motions communales qui ont été déposées à ce jour l'auraient été à des fins purement polémistes... Les conseillers municipaux apprécieront !
Je vous donne deux exemples. Le Conseil municipal de Vernier a envoyé une motion votée à l'unanimité à notre Grand Conseil concernant le trafic infernal de l'avenue de Châtelaine et les dangers en découlant. Plusieurs accidents mortels ont eu lieu ces dernières années. Tout comme le Conseil municipal d'Onex qui nous a transmis une motion communale concernant le poste de police de leur commune, certainement tout aussi polémiste que celle de Vernier...
Je ne tiens pas à faire la liste exhaustive de ces objets, bien qu'elle ne soit pas longue. En effet, ce ne sont pas les quelques motions communales reçues en dix-huit mois - moins d'une dizaine - qui alourdissent l'ordre du jour de notre Grand Conseil, contrairement à votre affirmation !
Vous écrivez ensuite que les motions communales ne peuvent pas être modifiées. Cette affirmation est mensongère, Monsieur Hiltpold ! Il faut lire la loi de façon objective et complète. La motion communale n'est pas modifiée si elle est directement renvoyée au Conseil d'Etat par notre plénière. Si ce n'est pas le cas, elle est alors obligatoirement renvoyée en commission afin d'y être traitée comme toute autre motion avec la possibilité d'être modifiée et amendée. La seule condition imposée à la commission c'est qu'elle auditionne les auteurs, c'est-à-dire les représentants du conseil municipal concerné.
Quant à l'empiètement du pouvoir délibératif communal sur le législatif cantonal, on croit rêver ! Comme je viens de vous l'expliquer - et vous ne sembliez pas le savoir - si cette motion n'est pas renvoyée directement au Conseil d'Etat, la commission chargée d'étudier cet objet effectue son travail habituel et a l'entière possibilité de proposer dans son rapport, entre autres, le refus de cette motion. Tout comme d'ailleurs notre parlement cantonal a le droit de déposer une initiative cantonale auprès du Parlement national. Dans ce cas, je souhaite savoir si vous estimez que nous empiétons sur les prérogatives du Conseil national ?
J'estime que ce projet de loi supprimant la possibilité aux conseils municipaux de déposer une motion devant notre Grand Conseil est une lutte d'arrière-garde de certains représentants d'exécutifs communaux qui désirent garder pour eux certaines prérogatives sur les conseillers municipaux, comme l'a rappelé M. Vanek.
J'ajoute pour terminer qu'un député de notre Grand Conseil ne sera jamais le représentant de sa commune, encore moins le représentant ou le porte-parole de la majorité d'un conseil municipal.
Je vous enjoins donc de ne pas refuser le droit donné à l'autorité la plus proche du citoyen - l'autorité communale - de nous envoyer certaines de leurs doléances prises à la majorité et souvent à l'unanimité de leur plénum.
M. Patrice Plojoux (L). C'est un représentant de l'arrière-garde qui répond à un préopinant... Ce n'est pas aller contre les communes que de vouloir les prémunir contre des possibles abus. L'Association des communes avait d'ailleurs rendu attentif l'ancien Grand Conseil de ce dysfonctionnement et celui-ci n'a pas voulu tenir compte de ces avertissements. Or, s'il est vrai, comme le soulève M. Vanek dans son rapport de minorité, que les conseillers municipaux peuvent, sous forme de délibération, adopter des règlements, des arrêtés régissant les domaines relevant de la compétence de la commune, il n'en demeure pas moins vrai que ceux-ci doivent être de portée générale: la loi sur l'administration des communes réservant toujours des compétences aux maires, conseillers administratifs ou adjoints. Les libéraux entendent simplement, en demandant la suppression du droit de motion communale, être logique avec l'esprit de la LAC et ne pas conserver une possibilité de mélanges de compétences, afin d'éviter que le Grand Conseil doive arbitrer entre des conflits entre délibératifs et exécutifs, alors que la loi y suffit.
C'est donc par respect dans les compétences communales respectives et afin d'éviter des situations qui pourraient être conflictuelles que les libéraux accepteront ce projet de loi et vous invitent à suivre le rapport de majorité.
M. Ueli Leuenberger (Ve). Les Verts vous proposent de rejeter ce projet de loi.
Nous sommes convaincus que ce nouvel instrument démocratique est une mesure importante, qui ne surcharge actuellement en rien le travail de notre parlement et de nos commissions, dans la mesure où seules quatre ou cinq motions communales ont été déposées en une année. Surtout par rapport aux centaines de projets que nous traitons annuellement ici.
On a pu voir à quel point ces motions ont provoqué un débat important dans les communes concernées, reflétant une préoccupation précise de ces communes de pouvoir les adresser au parlement, dépassant le clivage gauche/droite. Je le répète, quatre ou cinq motions seulement ont été déposées par les communes dans l'année. Et même s'il y en avait quelques-unes de plus dans les mois ou les dans les années à venir, il me semble que nous pouvons faire ce travail ici, car elles sont parfois longuement discutées dans les parlements des communes. Il faudrait plutôt voir comment limiter le nombre des projets déposés et qui surchargent notre ordre du jour.
M. John Dupraz (R). Au nom du groupe radical, je vous demande de bien vouloir suivre le rapport de majorité et de supprimer cette motion communale...
En effet, cela a été dit par le président de l'Association des communes genevoises: c'est un mélange des genres, c'est une diffusion des pouvoirs, et c'est faire de chaque conseil municipal un député potentiel ! L'interlocuteur de la commune, vis-à-vis de l'administration cantonale et de l'exécutif cantonal, voire du Grand Conseil, c'est le maire et les adjoints ou le conseil administratif; et non les conseillers municipaux eux-mêmes.
Mesdames et Messieurs, il est clair que ce qui intéresse M. Vanek c'est la destruction des institutions, c'est la pagaille totale ! (Exclamations.)Oui, c'est la seule chose qui l'intéresse: semer la pagaille partout où il peut !
Ce n'est pas notre objectif. Il faut de la rigueur: chacun doit être à sa place et exercer ses compétences. Et si une commune a un problème vis-à-vis du canton, le conseil municipal peut très bien s'adresser à l'exécutif qui, lui, transmet à l'autorité cantonale. Il faut éviter la diffusion des pouvoirs et le désordre total. C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir accepter ce projet de loi proposant de supprimer cette motion communale, qui est une aberration dans notre système démocratique.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole... Monsieur Vanek, vous voulez déjà reprendre la parole ? Il y a plusieurs orateurs inscrits et vous n'y avez droit que trois fois. (Exclamations.)Non, non, c'est aussi comme cela pour les rapporteurs ! Bien, Monsieur Vanek, rapporteur, vous avez la parole pour la deuxième fois.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. J'ignorais que les rapporteurs étaient limités à trois interventions: c'est une nouveauté pour moi qui ne semble pas conforme au règlement ! Mais cela ne va pas m'empêcher de m'exprimer une deuxième fois !
D'abord, je dirai que M. Dupraz m'amuse... (Exclamations.)Il amuse tout le monde, évidemment ! ...en disant que ma position sur ce sujet et ma très modeste défense du droit des élus municipaux reflètent ma volonté d'appliquer un savant programme de destruction de nos institutions dans le but de semer le désordre total C'est évidemment absolument faux ! Au contraire, je propose de maintenir une réforme certes modeste, mais une réforme démocratique. Et je pense que la démocratie doit être défendue pied à pied, y compris dans les petites mesures qui y contribuent.
M. Dupraz s'est plaint de la position que je défends ici, en disant qu'elle conduisait à une situation malsaine en raison de la «diffusion des pouvoirs»... Il a utilisé ce terme. Je lui concède volontiers qu'avec cette motion communale une parcelle minime de pouvoir s'éloigne des exécutifs communaux pour passer entre les mains des conseils municipaux. Il faut savoir que dans ce canton ces derniers ont relativement peu de pouvoir par rapport aux exécutifs, et je pense qu'il est parfaitement légitime que cette parcelle de pouvoir soit un peu augmentée. Ce pouvoir est exercé en pleine transparence étant donné que les débats des conseils municipaux sont publics, qu'ils sont sanctionnés par des votes pris à la majorité des conseils municipaux, qu'ils aboutissent à des textes qui sont portés à l'ordre du jour de ce Grand Conseil et mis à disposition du public. Je suis effectivement favorable au maintien de ce type de diffusion des pouvoirs, en direction d'«en bas», vers nos concitoyen-ne-s
Par rapport à cette espèce de mainmise sur l'ensemble des pouvoirs au niveau des exécutifs, le président de l'Association des communes a plaidé pour une interprétation trop restrictive de la possibilité que nous avons donnée, à travers la modification de la loi sur l'administration des communes, aux délibératifs municipaux de prendre des règlements ou des arrêtés de portée générale, en insistant sur le terme «portée générale»... Evidemment, une commune ou la majorité d'un conseil municipal ne va pas saisir ce Grand Conseil de motions sur des objets qui n'ont pas un degré de portée générale suffisant ! Je crois qu'on peut faire confiance au bon sens des conseils en question ! De ce point de vue là, et contrairement à ce que dit John Dupraz, je fais confiance à nos institutions et aux conseillers municipaux et conseillères municipales qui ont été élus pour ne pas sombrer dans le ridicule en nous soumettant des objets portant sur des détails de la vie communale. Mais vous n'êtes pas obligés de vous en rapporter à ma parole sur ce point. Vous pouvez vous référer aux questions qui ont effectivement été portées devant notre Conseil par des conseils municipaux à leur majorité - voire, comme l'a dit mon préopinant, à leur unanimité.
Encore deux mots sur l'argumentaire du rapporteur de majorité. Je salue son rapport qui est très synthétique et dont les arguments sont sériés de manière très claire. Celui-ci indique que les motionnaires, entre guillemets, «communaux», c'est-à-dire les conseillers municipaux, devraient, par le biais de leurs associations communales - je cite M. Hiltpold - de partis, se mettre en contact avec les députés pour déposer - en quelque sorte par la porte de derrière - des projets de motions dans ce Grand Conseil. Ce seraient donc les mêmes motions, mais qui ne pourraient pas bénéficier de la publicité d'un débat dans un conseil municipal, d'un test démocratique quant au fait qu'elles soient ou non appuyées par la majorité d'un conseil municipal. Et de ce point de vue là, le fait de faire passer ces objets par la bande, le lobbying, l'osmose, les accointances de partis, est au contraire de nature à faire entrer dans cette enceinte, par des voies effectivement bien moins transparentes, toutes sortes d'objets, qui, eux, pourraient sans doute ne pas avoir cette portée générale qu'il convient de requérir pour débattre d'une préoccupation d'une commune à l'échelle cantonale. Cet argument, Monsieur Hiltpold, me semble de ce point de vue aller à fins contraires.
Votre deuxième argument - mon préopinant, Alain Charbonnier, y a répondu - concerne le procès que vous faites aux communes selon lequel elles vont se servir de cette possibilité par pur esprit de polémique... Ce n'est pas le cas, ça ne s'est encore jamais produit, et il n'y a aucune raison pour qu'il y ait des dérapages de cet ordre.
Votre troisième argument, Monsieur Hiltpold, porte sur le nombre de ces motions communales: quatre ou cinq seulement. Vous ne pouvez pas plaider le caractère superfétatoire de cet instrument et dire qu'il est inutile parce que les communes ne s'en servent pas tout en disant dans le même temps qu'il est urgent et très important de le supprimer. En effet, si les communes ne s'en servent pas, tous les griefs que vous avez contre cet instrument restent naturellement lettre morte...
Il va de soi que d'éventuelles modifications sont possibles. Ces motions sont examinées en commission et, lorsqu'elles reviennent devant ce parlement, elles peuvent, cas échéant, être modifiées de fond en comble. Elles peuvent ne pas être renvoyées au Conseil d'Etat. Par contre, elles ne peuvent pas être modifiées et votées immédiatement sans que les auteurs aient pu être entendus: c'est un minimum de courtoisie envers nos collègues des conseils municipaux. Et même si ces dispositions ne figuraient pas expressis verbisdans la loi, ce Grand Conseil ne se permettrait bien sûr pas de modifier radicalement un texte de motion communale et de le voter immédiatement en séance sans avoir entendu les représentants des communes pour lesquels nous avons une haute estime dans cette enceinte. Ce reproche fait aux dispositions de la loi me semble donc également infondé.
Enfin, encore une fois, votre dernier argument - c'est à mon avis l'argument essentiel - porte sur les pouvoirs des exécutifs communaux qui seraient mis en péril par cette loi... Celle-ci est en vigueur depuis plus d'une année, et, à voir les choses sur le terrain de la vie politique communale, aucun exécutif communal n'a été puissamment incommodé par cette perte de pouvoir, comme vous le craigniez suite à l'introduction de ce nouvel instrument démocratique.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Vous avez parlé exactement sept minutes... Vous avez le temps de souffler... Le Bureau a décidé de clôturer la liste: sont inscrits MM. Portier, Kanaan, Weiss, Rodrik, Guérini, Annen, ainsi que M. le conseiller d'Etat Cramer. Nous poursuivons nos travaux jusqu'à 12h15, et nous reprendrons à 14h avec cet objet pour ne pas influer sur la décision de nos travaux. La liste est close. Seuls les rapporteurs pourront encore intervenir. Ensuite, nous passerons au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.
Vous avez la parole, Monsieur le député Portier.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Permettez à un de vos collègues députés, et également membre d'un exécutif communal... (Exclamations.)...mais qui va bientôt terminer sa fonction d'exécutif communal - dans trente jours exactement: on ne pourra donc pas me reprocher de vouloir protéger mes prérogatives - de vous faire quelques commentaires.
Tout d'abord, Monsieur Vanek, vous dites que les communes ne font pas souvent usage de cet outil démocratique. Alors, certes, les quarante-cinq communes du canton ne nous envoient pas une motion tous les mois, mais le danger existe de voir proliférer ce type de pratique, car les habitudes se prennent vite. J'en veux pour preuve que, durant la campagne électorale des municipales, les socialistes ont tenté de faire voter une motion communale visant à attribuer des fonds spéciaux pour les communes qui accepteraient un certain nombre d'aménagements, et ce, dans une dizaine de communes. Dieu merci, cela a été refusé dans certaines communes, mais je ne sais pas ce qu'il en est advenu dans d'autres, mais voilà une preuve que, d'un coup d'un seul, on pourrait se retrouver avec une dizaine de motions communales à traiter.
Autre exemple du mauvais fonctionnement de ce type d'action politique pour les conseils municipaux - c'est l'objet que nous devrons traiter cet après-midi - la motion 1444 de la Ville de Genève concernant le tunnel du Mont-Blanc. Vous me direz que c'est un sujet qui reste d'actualité - certes - mais cette motion a été votée fin 2001 par la Ville de Genève. Elle a été traitée en septembre 2002 par notre commission des affaires communales, c'est-à-dire bien quelques mois après. Elle nous a obligés à traiter cet objet en commission. Elle nous oblige à faire un débat sur ce sujet cet après-midi, alors que nous avions déjà passé plus de dix séances en commission des affaires communales, régionales et internationales à traiter spécifiquement du problème du tunnel du Mont-Blanc. C'est donc une raison de plus qu'il ne faut pas laisser aux conseils municipaux la possibilité de venir perturber les ordres du jour et le travail normal de notre Grand Conseil.
J'aimerais encore ajouter une dernière chose: les conseils municipaux ont d'autres possibilités de se faire entendre, ne serait-ce que par la voie de la résolution ! En effet, le conseil municipal peut très bien voter une résolution, laquelle est adressée au Grand Conseil, et le Bureau, et chacun d'entre nous, peut demander la lecture de cette résolution et la reprendre à son compte pour élaborer des projets de lois ou des motions traitant du même sujet.
Il y a également la voie de la pétition ! Les conseils municipaux peuvent susciter des pétitions. Ils ont donc plusieurs moyens d'intervenir ou de faire entendre leur voix au sein de ce Grand Conseil: il n'y a pas que les exécutifs communaux ! L'outil démocratique à disposition me semble donc tout à fait suffisant.
C'est pour toutes ces bonnes raisons, Mesdames et Messieurs, que le groupe démocrate-chrétien, tout comme les partenaires de l'Entente, votera le rapport de majorité.
M. Sami Kanaan (S). Cela tombe très bien que je puisse intervenir après notre collègue Portier... Si je comprends bien sa position: quand un droit existe, la grande angoisse c'est qu'il soit utilisé. Moi, je suis surpris que la droite ne propose pas l'abolition de l'initiative populaire ou du référendum, sous prétexte qu'ils pourraient être utilisés ! Et puis, tant qu'à faire, abolissez la pétition, parce que nous avons souvent des pétitions à traiter et que, mon Dieu, cela surcharge les travaux de commission !
Vous avez une conception de la démocratie qui est assez effarante, je vous le dis franchement ! Pas seulement vous mais l'ensemble de cette majorité qui va abolir la motion communale. Pour vous un droit démocratique qui pourrait être utilisé, c'est forcément contreproductif, c'est forcément polémiste, c'est forcément perturbateur ! Abolissez la démocratie, tant que vous y êtes ! (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)En commission des transports - et je parle concrètement - nous avons traité une motion unanime du conseil municipal de Versoix - unanime, j'insiste - dont les membres sont venus - un par groupe politique - nous expliquer la situation de la desserte CFF à Versoix, y compris un conseiller municipal libéral, ancien député, qui, je crois, est candidat au national. C'est cela faire de la polémique ? Vous n'avez aucun respect pour vos collègues des conseils municipaux ! (Exclamations.)Abolissez les conseils municipaux !
M. John Dupraz. Je ne me laisserai pas insulter par ce sinistre monsieur ! (Rires.)
M. Sami Kanaan. Nous avons examiné cette motion - et le rapport de majorité, je suis désolé de le dire, comporte plein d'erreurs - nous l'avons modifiée, nous l'avons adaptée. Il est donc tout à fait faux de prétendre qu'on ne peut pas modifier le texte des motions communales !
Alors, assumez au moins votre position: dites que vous êtes opposés à l'excès d'instruments démocratiques, mais ne nous servez pas d'arguments de faisabilité ou de pratiques malhonnêtes. Même si je crois volontiers que notre collègue Portier ne défend pas ses prérogatives, puisque son mandat de conseiller administratif à Veyrier se termine bientôt, je ne comprends pas sa position. Il y a un déséquilibre qui n'est pas acceptable, d'autant qu'on sait bien que certains députés sont maires ou maires-adjoints de certaines communes, surtout dans les petites communes, et il va de soi que ces derniers ont un accès direct au parlement cantonal - soyons réalistes ! Mais vous n'êtes pas prêts à accepter que les conseils municipaux puissent accéder directement au parlement cantonal par voie de motion ! (L'orateur est interpellé.)Non, je ne suis pas jaloux ! De toute façon, dans notre parti ce genre de situation ne peut heureusement pas arriver, puisque les doubles-mandats ne sont pas autorisés, et je trouve cette mesure extrêmement saine. Vous n'arrivez pas à imaginer que les parlementaires municipaux - parce qu'il s'agit malgré tout de parlements - puissent avoir un accès direct auprès de leurs collègues du canton ! C'est une conception de la démocratie qui, je l'avoue, m'échappe complètement ! (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Je ne voudrais pas mettre le feu à la LAC en intervenant... (Rires.)...comme on pourrait s'y attendre et comme le souhaiterait peut-être l'auteur de cet excellent calembour qui est proche de moi, mon excellent ami Mark Muller.
Mais, néanmoins, et tout en précisant que je me trouve exactement dans la même position que celle de M. Portier, à savoir que j'interviens probablement pour la dernière fois sur une affaire communale, remettant mon mandat à l'Histoire, Monsieur le président de notre Grand Conseil... (Rires et exclamations.)...j'aimerais m'appuyer - une fois n'est pas coutume - sur les propos de M. Vanek dans son propre rapport de minorité, où il fait preuve, sans le vouloir, de bon sens... (Rires.)Il dit, par exemple, citant la lettre dans laquelle le Conseil d'Etat prend position, que celui-ci avait fait observer, à l'époque de l'introduction de ce qu'il appelle «un nouvel instrument démocratique» et que l'on pourrait simplement appeler «une nouvelle démonstration superfétatoire» que: «dans bien des cas ce moyen sera moins efficace en pratique qu'un simple courrier.» Et il ajoute à la page suivante: «Dans notre démocratie genevoise - chaque citoyen-ne, chaque habitant-e même - j'ajoute: a fortiori, chaque conseiller municipal - peut «peser» sur l'ordre du jour du Grand Conseil par le dépôt d'une pétition qui sera inscrite in fineà ce même ordre du jour, et c'est fort bien ainsi !». Je partage aussi l'avis de M. Kanaan: il ne s'agit nullement de restreindre les droits démocratiques. Il s'agit simplement d'utiliser les instruments à disposition sans en créer de nouveaux qui génèrent plus de confusion qu'autre chose, hors toute polémique.
C'est pour cette raison que je soutiendrai l'abrogation de cette mesure, qui ne fait que mettre de la confusion dans les outils politiques à disposition. (Applaudissements.)
M. Albert Rodrik (S). Probablement, si certains de nos collègues n'avaient pas poussé le bouchon un peu trop loin, je me serais peut-être dispensé d'intervenir, les députés qui ont travaillé en commission suffisant amplement.
Mesdames et Messieurs les députés, revenons à la réalité: pourquoi cette motion communale, depuis l'origine, chatouille ? Elle chatouille à cause de la construction de la LAC.
Il y a un article 30, long et exhaustif, pour les conseils municipaux. Il y en a un autre tout aussi long et tout aussi exhaustif - mais peut-être pas tout à fait autant - pour les maires, adjoints et conseillers administratifs, parce que à un moment tout doit être défini dans la loi et tout ce qui n'est pas défini doit être assumé. Et là s'installe l'omnipotence justifiée - puisqu'il ne faut pas que nos communes restent sans tête - des exécutifs.
D'ailleurs, M. Haegi avait fait faire une étude par Me Manfrini pour savoir quel était le statut respectif des conseils municipaux et des maires, adjoints et conseillers administratifs. Et vous en avez le reflet dans la note marginale de l'article 30: «organes délibératifs» pour les conseillers municipaux. Tandis que les autres - les maires, adjoints - sont proprement des «organes exécutifs» avec de vrais pouvoirs. Et c'est sur ce point - et je ne veux pas dire qu'il faudrait changer le statut des conseils municipaux - que se trouve le hiatus et le déséquilibre... On a d'un côté des organes purement délibératifs - même s'ils sont tout aussi démocratiquement élus que les autres - dont les attributions sont parfaitement exhaustives et, de l'autre côté, de vrais organes exécutifs avec de vrais pouvoirs et qui, cas échéant, tout n'étant pas dit et rédigé, peuvent intervenir sur d'autres territoires comportant de vrais pouvoirs...
Face à cette dualité et ces deux piliers de forces totalement inégales, on comprend bien pourquoi les conseils et les conseillers municipaux consultés étaient en faveur de cette motion communale et pourquoi les exécutifs ne l'étaient pas du tout.
Que peut-on faire dans une situation pareille et dans une démocratie ? Il faut trouver un lieu de médiation et d'arbitrage ! C'est de cela qu'il s'agit. Je n'étais pas un très grand supporter de ce projet de loi de l'Alternative, mais je dois bien constater qu'il est entré dans les moeurs et qu'il est utilisé.
En dix-huit mois, j'ai noté que nous n'avons pas une avalanche de ces motions, Monsieur Portier: nous en avons eu cinq, si j'ai bien compté. Une de la Ville, une de Vernier, une de Versoix, une d'Onex, une de Bernex, et ce, sur des sujets totalement différents venant de conseils municipaux et de vies politiques totalement différents, qui n'ont rien en commun. Cela veut dire que l'instrument a été utilisé. Non seulement il a été utilisé mais il n'a pas été utilisé comme je le craignais - quand j'étais plutôt tiède - c'est-à-dire que les conseils municipaux ne sont pas intervenus massivement, par la bande et contrairement à la LAC, dans le domaine des exécutifs en contournant la loi... Nos conseils municipaux ne sont pas tombés dans ce piège, et vous voulez aujourd'hui supprimer quelque chose qui est entré dans les moeurs pour éviter un hypothétique danger ! Mesdames et Messieurs, c'est très simple: vous êtes en train de dire que vous n'avez pas confiance dans le Grand Conseil pour éviter ce piège ! (L'orateur est interpellé.)Mais oui, mon ami, on est pessimiste ou on est optimiste ! Vous êtes en train de dire que vous n'avez pas confiance dans le Grand Conseil pour éviter de tomber dans le piège d'une motion communale qui voudrait détourner la LAC et créer le désordre et le déséquilibre - comme vous le dites - dans les vies communales ! Il suffit donc d'avoir la majorité - vous l'avez, mais je suis sûr que vous pensez que vous ne l'aurez pas pour l'éternité, et c'est cela qui vous inquiète ... - pour éviter une telle mésaventure. Eh bien, moi je pense de façon optimiste que le Grand Conseil peut éviter un tel piège. Votre argument ne porte que sur ce danger hypothétique, qui ne s'est pas avéré en dix-huit mois. Ce droit de motion communale est un vrai droit utilisé par des configurations politiques totalement différentes et de façon adéquate.
Mesdames et Messieurs, je vous invite à ne pas rayer ce droit d'un trait de plume, sur une pure hantise qu'il appartient au Grand Conseil d'éviter qu'elle ne se concrétise.
M. Pierre Guérini (S). Par expérience communale, les motions communales sont discutées dans les communes, et, ce matin, les députés des bancs d'en face nous ont dit que les problèmes étaient dus au fait qu'on passait son temps à discuter... Mais il s'agit d'un premier filtre qui se fait avant l'envoi de la motion communale par les législatifs communaux.
Par ailleurs, ce sont bien souvent des communes à majorité de droite qui ont proposé des motions communales. Par exemple, à Onex, il y a eu un consensus général pour la motion qui était adressée à ce Grand Conseil. Si on doit passer par les députés, le risque de surcharge des ordres du jour du Grand Conseil sera bien évidemment beaucoup plus important.
Mais je ne vais pas dire aussi qu'une seule personne peut signer une pétition, et que, selon l'article 171 du règlement du Grand Conseil, elle doit être transmise à la commission des pétitions qui doit rendre rapport. Je vois donc une grande inégalité de traitement entre les élus municipaux et le simple citoyen. Pourquoi un élu, que les citoyens ont chargé de les représenter par le biais des urnes, ne pourrait pas interpeller le Grand Conseil au même titre que ces derniers ? C'est pourquoi il faut refuser ce projet de loi et rétablir ainsi une certaine égalité de traitement.
M. Bernard Annen (L). J'ai quelques remarques à faire qui n'ont pas été encore faites, certains autres points ont en effet largement été évoqués.
Je suis tout à fait surpris de l'interprétation de l'article 147 faite par le nouveau chef de groupe du parti socialiste. Il dit qu'une motion communale est renvoyée en commission pour que les auteurs - c'est prévu par le règlement - soient entendus et qu'après elle peut être traitée comme toute autre motion... Alors là, les bras m'en tombent ! Cela voudrait dire qu'on pourrait complètement modifier le texte d'une motion communale et lui donner un tout autre sens ou la vider de toute substance ! C'est pourtant ce que vous nous proposez ! Et je suis d'accord avec vous: l'application stricte de cette disposition permet en effet bien de modifier le texte d'une telle motion. Mais au niveau politique, au niveau du respect de la loi et de l'esprit de la loi, je le répète, les bras m'en tombent ! Penser qu'il est possible de modifier la substance du texte d'une motion déposée par une commune en lui laissant le même titre et la faire voter par le Grand Conseil me dépasse littéralement ! Ce seul point devrait vous faire réfléchir et vous amener à la conclusion qu'il ne faut pas retenir une telle proposition.
Deuxième chose - rassurez-vous, je serai très bref - pourquoi multiplier les débats ? Le meilleur exemple est celui de la Ville de Genève, qui est un parlement en lui-même - au-delà de ses prérogatives et de ses possibilités pour légiférer - preuve en est que tous ses débats sont diffusés par Léman Bleu. On va donc déjà avoir un débat fleuve au niveau de la Ville de Genève. M. Kanaan nous l'a dit, et il a raison: certains partis ne permettent pas le double-mandat, Comme ils ne peuvent pas intervenir au niveau communal et au Grand Conseil à la fois, le parti socialiste et d'autres ont imaginé ce moyen pour trouver la parade. Ainsi, sans avoir de double-mandat, ils peuvent intervenir sur des sujets communaux dans la mesure où les communes peuvent renvoyer une motion au Grand Conseil. Le problème risque de se poser pour Vésenaz, pour le tunnel du Mont-Blanc - on va y revenir tout à l'heure... Finalement, chaque structure politique, n'a-t-elle pas son rôle à jouer et rien que son rôle ? Pensez à cela ! C'est une des raisons, parmi celles qui ont déjà été évoquées, pour lesquelles les libéraux accepteront ce projet pour supprimer cet article.
Le président. Bien, je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer, et nous aurons ainsi terminé le premier débat. Nous continuerons ce débat à la séance de cet après-midi.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. M. le rapporteur de la minorité a rappelé quelle avait été la position du Conseil d'Etat en 2001, lorsque la loi portant règlement du Grand Conseil avait été modifiée, de façon à y introduire la motion communale. Ses propos ont du reste été rappelés par M. Weiss.
Nous vous disions à l'époque que le Conseil d'Etat ne voyait aucune raison de s'opposer à cette proposition qui vise à augmenter encore pour les communes cette faculté toute naturelle de pouvoir se faire entendre par l'autorité. Mais, de la même façon, je dirai, paraphrasant ces propos, qu'aujourd'hui nous ne voyons pas non plus de véritables raisons de nous opposer au projet de loi qui vise à retirer cette faculté aux communes.
Et ceci, au fond, pour la raison toute simple - mais peut-être un peu trop pragmatique au regard des débats qui ont animé cette assemblée depuis que vous étudiez cet objet - que la motion, à teneur de la loi portant règlement du Grand Conseil - et je me réfère ici aux articles 143 et ss. - implique que le Conseil d'Etat fasse un rapport si elle est adoptée. Donc, par le biais d'une motion, on s'adresse au Conseil d'Etat et le Conseil d'Etat répond aux motionnaires sous forme d'un rapport, dans un délai dont la constitution nous indique qu'il est de six mois et dont la loi portant règlement du Grand Conseil nous rappelle qu'il doit être observé.
En fin de compte, il s'agit de savoir comment saisir le Conseil d'Etat pour qu'il donne une réponse. Les communes ne sont pas obligées de passer par une telle motion pour ce faire. Et quand je dis les communes - j'entends bien me faire comprendre ici - je ne parle pas seulement des exécutifs, c'est-à-dire des conseillers administratifs, des maires et des adjoints. Je parle aussi des conseillers municipaux et du conseil municipal. Et c'est ainsi qu'il arrive - je ne dirai pas quotidiennement - très régulièrement que nous soyons saisis soit par l'organe de surveillance des communes, c'est-à-dire le département dont j'ai la charge, soit au niveau du Conseil d'Etat de courriers qui nous sont adressés. Parfois, une lettre émane d'un seul conseiller municipal; d'autres fois, la lettre émane du conseil municipal. Et nous répondons de façon systématique à ces courriers comme, du reste, nous répondons aux courriers qui nous sont adressés par les citoyens.
C'est dire que si l'objet premier de la motion communale est de saisir le Conseil d'Etat d'une demande et d'en obtenir une réponse, il existe déjà d'une façon extrêmement peu formaliste, et du fait que c'est très peu formaliste, cela fonctionne aussi beaucoup plus rapidement que cela n'est le cas lorsqu'il faut passer par le Grand Conseil. Il est vrai que la motion communale - je m'en suis rendu compte en écoutant vos débats de tout à l'heure - ajoute un élément: la visibilité d'un débat public dans ce parlement.
Mais, en ce qui concerne ce qui est l'essence même de la motion, c'est-à-dire obtenir une réponse à une question, il n'est réellement pas nécessaire de passer pas la motion communale. Le débat qui nous anime aujourd'hui n'est au fond pas tout à fait un débat sur la problématique de la motion mais plutôt sur la nécessité d'avoir une visibilité sur un certain nombre de sujets communaux, au-delà des discussions qui se tiennent dans les communes.
C'est évidemment une question qu'il vous appartient, Mesdames et Messieurs les députés, d'examiner et sur laquelle le Conseil d'Etat s'interdira d'avoir une opinion, puisqu'au fond c'est une question sur la façon dont vous entendez régir les débats de cette assemblée.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer au vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 37 oui contre 23 non.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite un bon appétit. Nos débats reprennent à 14h.
La séance est levée à 12h15.