République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 mars 2002 à 17h
55e législature - 1re année - 6e session - 25e séance
PL 7450-A
Premier débat
M. Rémy Pagani (AdG). C'est une affaire assez compliquée qui nous est soumise aujourd'hui puisque, je vous le rappelle, le défunt Conseil économique et social a été créé sous le gouvernement monocolore pour laisser une place à la gauche, si réduite alors, ainsi qu'aux partenaires sociaux. Les conclusions de ce Conseil économique et social ont été répertoriées, puisqu'un rapport d'évaluation a été publié. Ce gros rapport nous dit qu'en fait, pour toute une série de raisons - qui tiennent notamment aux publications du CES, aux personnes qui le composaient ou encore à ses responsables - cette structure a montré ses limites, voire son inefficacité. Cela est indiqué très clairement dans ce rapport commandé par le département de l'économie publique.
On nous a dit qu'il fallait tourner la page du Conseil économique et social, et de fait, je rappelle que ce sont plus d'un million de francs par année que nous mettons dans le CES, alors que celui-ci n'est inscrit dans aucune loi. On a donc proposé à la commission de l'économie un nouveau programme. Non pas un nouveau Conseil économique et social - on nous a assuré que cette nouvelle structure n'avait rien à avoir avec le CES - mais une nouvelle mouture visant à faire de la prospective économique, voire sociale. La commission a travaillé, certains, dont je suis, étaient opposés à ce projet. Selon moi, en effet, le Conseil d'Etat n'a pas à déléguer une capacité qui lui est propre, qui est de pouvoir à tout moment mandater - ce qu'il a fait d'ailleurs avec le rapport Flückiger - des économistes, des spécialistes pour pouvoir enquêter sur certaines de ses préoccupations, tant en termes statistiques qu'en termes sociologiques. Nous nous sommes donc opposés à ce projet et pourtant la majorité de la commission en a décidé autrement puisqu'elle a voulu changer, tourner la page, en créant ce nouvel organe de prospective économique.
Là où le tour de passe-passe a été assez sec pour tout le monde, c'est qu'il s'est avéré qu'on prendrait les mêmes personnes qui composaient le CES pour recommencer un nouveau projet. Au premier abord, cela nous a suffoqués et maintenant nous dénonçons cette manière de faire, puisque les personnes qui ont fait partie du Conseil économique et social, le staff dirigeant de ce conseil, seront réemployés dans la nouvelle structure. Cela signifie que l'on met un boulet aux nouveaux spécialistes qui seront désignés. On oblige ces gens à composer avec les anciens qui ont démontré, étude à l'appui, leur inefficacité. C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que d'une part en raison de son histoire et d'autre part en raison de son inefficacité, nous sommes opposés au projet de renouveler l'expérience du CES, surtout aux frais du contribuable, pour un montant d'un million par année. Nous soutenons toutefois, sur le plan théorique, l'existence d'un Conseil économique et social, car nous sommes convaincus de la nécessité que les partenaires sociaux et notamment le monde du travail puissent avoir leur mot à dire dans les questions économiques. Ce que nous demandons, c'est que le nouvel organe ne soit pas composé des mêmes personnes que précédemment.
Mme Esther Alder (Ve). Le Conseil économique et social a été largement contesté, que ce soit par le parlement, par le Conseil d'Etat et enfin par le rapport d'évaluation du RESOP, laboratoire de recherche sociale et politique appliquée. Que nous apprend ce rappport? D'abord que le Conseil économique et social n'a jamais été l'organe de concertation qu'il aurait dû être. Il a été surajouté à l'édifice, et le mot est faible, des commissions et conseils existants. Ensuite, l'évaluation du RESOP confirme la faible utilisation des rapports du Conseil économique et social, que ce soit par le Conseil d'Etat, par l'administration, par le Grand Conseil, ou par les mandataires. En conclusion, personne n'était réellement satisfait du fonctionnement du CES et nombreux étaient ceux qui doutaient de son efficacité. Pourtant, Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec une sorte d'acharnement thérapeutique que la majorité de la commission a souhaité faire survivre le CES. Ce ne sont pas moins de vingt-deux séances de commission, réparties sur trois ans, qu'il a fallu pour faire du CES ancienne mouture, un conseil de prospectives économiques et sociales. La majorité de la commission et le Conseil d'Etat réalisant ainsi à quel point un organisme qui s'occuperait de prospective était nécessaire. Donc, le nouveau Conseil de prospectives économiques et sociales va s'attacher «à promouvoir des pistes de réflexion, des scénarios novateurs sur des problèmes émergents». On reprochait au CES d'avoir des bases floues, bravo à celles et ceux qui y voient plus clair aujourd'hui...
Les Verts déplorent qu'aucune réflexion n'ait été engagée sur les missions des conseils, commissions, plates-formes, observatoires en tous genres qui foisonnent dans notre République. Il est regrettable qu'aucun état des lieux n'ait été mené sur ce qui existe déjà. Cet inventaire aurait au moins eu le mérite de permettre, le cas échéant, des regroupements et d'éviter les nombreux doublons. Ensuite, et ensuite seulement, la question des besoins pouvait valablement être posée. Si les conditions de départ, le manque de clarté des objectifs ont été de toute évidence un handicap pour le Conseil économique et social, il en sera de même avec ce nouveau projet de loi.
Mesdames et Messieurs les députés, êtes-vous réellement convaincus qu'un conseil de prospective soit indispensable? Pensez-vous que les stratégies proposées seront des références incontournables? Et surtout, prendrez-vous l'engagement de suivre ces recommandations? Permettez nous d'en douter et de regretter qu'aujourd'hui ce parlement avalise l'existence d'un organisme qui sera uniquement une structure de relais, qui mandatera des experts pour étude, y ajoutera ses réflexions, le tout pour une ligne budgétaire de 800 000 F annuels. Pour toutes ces raisons, les Verts vous proposent de rejeter ce projet de loi.
M. Gabriel Barrillier (R). Ah, ce CES! Il nous a donné du souci!
En préambule, j'aimerais remercier le rapporteur M. Beer pour l'excellence de son travail. Tout comme votre serviteur et d'autres députés, qui sans doute s'exprimeront tout à l'heure, nous avons vécu de l'intérieur l'histoire du CES depuis 1994. Je crois qu'il faut quand même rappeler que cet organisme a été créé en pleine récession. Il a suscité dès le départ autant d'espoirs que de méfiance. Le CES, version genevoise, devait rendre plusieurs services: supprimer les doublons, cela a été dit tout à l'heure, rationaliser les procédures de consultation, proposer et mettre en oeuvre des mesures susceptibles de sortir Genève de la crise très grave qu'elle connaissait à l'époque; crise conjoncturelle et crise structurelle. Réconcilier certains acteurs politiques, sociaux et civils en mettant de l'huile dans les rouages, voilà une autre tâche du CES. Et puis, par-dessus tout, il fallait faire encore de la prospective. Reconnaissons que c'était beaucoup attendre d'un organisme de milice, composé de soixante personnes de bonne volonté et soutenu par un petit staff conduit par un secrétaire général très motivé, pour ne pas dire omniprésent.
En sept ans, le CES n'a pas mis un frein, c'est vrai, à la pléthore de commissions, conseils, groupes de pilotage dont Genève raffole. Toutefois, Mesdames et Messieurs les députés, outre le mérite d'exister, le CES a atteint plusieurs buts en dépit de ses maigres moyens. Tout d'abord, il a offert la possibilité aux acteurs sociaux et économiques de rencontrer le Tiers Etat, représentant la société civile, et ce au plus fort de la crise. Même les partenaires sociaux, dont nous sommes, pourtant rompus aux vertus du dialogue, ont pu y retrouver un nouveau souffle, laissant au vestiaire leurs casquettes partisanes. En outre, le CES, paradoxalement, a permis de dépasser un tripartisme un peu assoupi. Il a en effet traité de façon approfondie des dossiers d'actualité nés de la crise à partir de l'analyse tripolaire propre au concept du développement durable. Je ne mentionnerai que quelques-unes des réalisations positives du conseil: le rapport sur la formation continue, qui a généré le chèque-formation; la problématique des emplois de proximité, qui a généré le projet de chèque-emploi au niveau suisse, lui-même objet d'un message du Conseil fédéral actuellement à l'étude aux Chambres; enfin la relecture du projet de plan directeur cantonal à la lumière du développement durable.
Certes, la création de la Commission externe d'évaluation des politiques publiques et une nouvelle approche par les partenaires sociaux ont peu à peu relayé, voire relégué, le travail du Conseil économique et social. Cela a été relevé par mes préopinants. Toutefois, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que notre République a les moyens de financer un petit groupe de sages pour faire de la prospective. Ce groupe de prospective ne porte pas atteinte à la séparation des pouvoirs, c'est la raison pour laquelle, sans enthousiasme il est vrai, le groupe radical soutient ce projet de loi et vous prie de faire de même.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le groupe démocrate-chrétien estime que le CES ou plus exactement un Conseil économique et social a sa place dans notre canton. Après quelques années de fonctionnement, nous avons constaté, comme d'autres, que l'actuel Conseil économique et social souffrait de quelques lacunes. Suite au dépôt du présent projet de loi demandant d'inscrire le CES dans la loi, - je vous rappelle en effet qu'il fonctionne aujourd'hui sur la base d'un règlement - une évaluation a été demandée. Il en est ressorti les éléments suivants:
Tout d'abord le CES est pléthorique, à tel point que les soixante membres initialement désignés ont rarement fonctionné ensemble et que le plénum a rapidement été allégé. Corollaire de ce constat, le CES est d'un fonctionnement lourd.
Ensuite, sa mission et ses objectifs n'ont pas été définis de façon claire, de sorte que les sujets dont s'est saisi le Conseil économique et social étaient quelquefois un peu trop bateau pour qu'ils puissent véritablement servir. Il n'a, de plus, pas toujours été utilisé à sa juste valeur: ses rapports qui étaient de qualité, cela a été relevé ce soir, restant le plus souvent sans suite, y compris de la part des mandataires eux-mêmes. Enfin, il n'a pas toujours été le lieu de concertation central.
L'évaluation du Conseil économique et social a par ailleurs permis de mettre en valeur le manque, pour notre canton, d'un véritable lieu de prospection. C'est donc vers cette mission que la commission de l'économie a tenté de faire évoluer le CES, au cours de ses séances, nombreuses il est vrai, mais au cours desquelles elle a fait un travail approfondi. La commission s'est aussi efforcée de gommer les imperfections dont le conseil était entaché et qui étaient révélées par le rapport d'évaluation. Il a été convenu de mieux définir la mission du Conseil économique et social en la basant sur la prospection plutôt que sur la concertation. Je vous rappelle qu'il y a d'autres lieux à Genève destinés à la concertation. La structure du CES a été allégée; c'est un conseil réduit à quinze membres qui est proposé et qui garantit aussi bien sa représentativité que l'efficacité et l'efficience de son travail. Ses tâches ont été redéfinies, elles sont davantage tournées vers l'extérieur, permettant ainsi de faire appel à des experts au travers de commissions ad hoc. Le résultat est une structure plus légère, plus dynamique, plus souple et orientée vers la prospection, qui rencontre l'entière approbation du groupe démocrate-chrétien. Nous vous proposons donc de voter ce projet de loi et nous souhaitons bonne chance au futur Conseil économique et social.
Mme Loly Bolay (S). C'est dans les années soixante déjà que l'idée de créer un Conseil économique et social est née. C'est ensuite dans les années nonante, sous l'impulsion des syndicats, que cette idée est revenue. Finalement, c'est lors des états généraux, en 1993, que cette idée fut revue et lancée. Il existe aujourd'hui neuf conseils économiques et sociaux dans l'Union européenne et il existe aussi un conseil économique et social pour l'Union elle-même. Faut-il donner au Conseil économique et social genevois une base légale? Faut-il lui donner une légitimité démocratique? Pour le groupe socialiste, la réponse est oui. Il a fallu presque quatre ans à la commission de l'économie, siégeant à intervalles réguliers, pour arriver enfin à un large consensus et à voter ce projet de loi.
Deux articles ont posé des problèmes: l'article 3 qui porte sur la saisine et l'article 6 dont Mme Ruegsegger vient de parler, c'est-à-dire la composition du CES. L'article 3 est important parce que nous nous plaignons toujours que le Grand Conseil est surchargé de travail. Nous pensons effectivement que le fait de pouvoir saisir le Conseil économique et social constitue un outil indispensable pour notre Conseil. Enfin, l'article 6 qui ramène le nombre de membres de soixante, composition très lourde, à quinze est une bonne mesure. J'aimerais dire que je comprends un peu les remarques qui ont été faites, notamment par les Verts, et certains d'entre nous pensent qu'effectivement le Conseil économique et social pourrait être un peu moins consensuel, un peu plus provocateur, un peu plus audacieux, un peu plus pertinent, un peu plus percutant.
Je terminerai en vous lisant un paragraphe d'un rapport de stage de M. Lamy qui dit ceci: «Une ville et un canton à vocation internationale telle que Genève se doit de se trouver à l'avant-garde en ce qui concerne les dernières évolutions économiques et sociales et, en ce sens, la vision prospective du Conseil économique et social peut être un atout de taille pour ne pas risquer de se faire dépasser par les événements.» C'est pour cette raison que le groupe socialiste vous invite à voter ce projet de loi.
M. Gilles Desplanches (L). Je crois que pratiquement tout a été dit s'agissant du CES. Le groupe libéral soutient ce projet pour une raison toute simple. Le Conseil économique et social, lorsqu'il a été constitué, était pléthorique, on l'a dit. Il a été redimensionné à quinze membres, la saisine est possible par le Grand Conseil, c'est à lui d'en faire usage et le point le plus important, c'est que c'est un lieu dans lequel on peut réellement travailler au niveau prospectif entre les différentes parties, qu'elles soient employeurs ou employés. Il n'y a pas beaucoup de lieux à Genève où l'on puisse réellement dialoguer hors du sérail associatif ou politique. De plus, contrairement à ce qu'a dit M. Pagani, ce n'est pas 1 million, mais 405 000 F qui sont affectés à ce conseil. Je crois que la paix du travail peut avoir un coût, celui-ci est acceptable et le parti libéral soutient donc ce projet.
M. Robert Iselin (UDC). Evidemment on débarque dans ce Grand Conseil et alors on se plonge dans des lectures qui, je dois dire, sont parfaitement soporifiques. Très franchement, à examiner le projet, ça ne vaut pas pipette ! C'est une fabrique de bla-bla-bla et je pense que notre argent a autre chose à faire que d'être consacré à cela.
M. Charles Beer (S), rapporteur. Je souhaite intervenir rapidement sur quelques questions de faits, car je pense que l'essentiel de ce qui concerne les motivations a été à la fois écrit dans mon rapport et largement évoqué par les différents préopinants.
Premier élément, la question de l'historique. Le Conseil économique et social souffre-t-il d'un péché originel, à savoir être né sous un gouvernement dit monocolore? Est-ce que les conditions de sa naissance doivent déterminer les conditions de sa disparition? Laissez-moi quand même vous dire, Mesdames et Messieurs, que, si l'historique de Mme Bolay est relativement clair quant au déroulement des faits dans les années 60 et au début des années 90, il convient d'y ajouter un point: lors des élections de 1993, la quasi-totalité des partis politiques genevois, y compris les Verts, mettaient à leur programme la création d'un Conseil économique et social. Si la législature a bel et bien correspondu avec la naissance du CES, force est de constater que celui-ci était unanimement demandé, dans les programmes des partis politiques, et non pas bloc contre bloc.
Deuxième élément, l'évaluation. Il est à la mode d'utiliser des évaluations pour faire dire ceci, pour faire dire cela. Tout à coup, parce qu'on a un rapport sur le chômage, on dit qu'il convient de supprimer les emplois temporaires, en ignorant 21 des 22 points du rapport pour se prouver qu'on avait raison, comme tout à l'heure M. Dupraz à l'occasion d'une interpellation urgente. Ici, on prétend que l'évaluation conclut à la disparition du Conseil économique et social. Non, le rapport conclut à la création d'un organisme différent et le projet de loi qui ressort des travaux de la commission est directement inspiré des conclusions dudit rapport d'évaluation.
Troisième élément, l'efficacité du Conseil économique et social. Qui doit mesurer l'efficacité du CES? On l'a dit: l'évaluateur qui a été désigné, le cas échéant le Conseil d'Etat qui a eu à travailler avec ladite structure. En dehors de ces organes naturels d'évaluation, il y a d'autres acteurs qui sont bien placés pour procéder à l'évaluation. Sans doute, par exemple, les partenaires sociaux qui sont la principale composante du CES. La question de l'évaluation, aujourd'hui, est plutôt reprise sous un autre angle, selon d'autres concepts, notamment celui de la lisibilité médiatique. Pour ma part, j'aurais plutôt tendance à dire que si les rapports du Conseil économique et social sont prospectifs, s'ils sont assis sur un consensus, eh bien, cela tourne le dos à la dimension spectaculaire qui retient l'attention des médias. Quelque part, la discrétion d'un certain nombre de rapports prouve que le conseil remplit son rôle. C'est le cas par exemple de certaines discussions importantes, comme la formation continue, le financement des entreprises, les occupations temporaires, et principalement la libre circulation des personnes et ses mesures d'accompagnement.
Troisième élément, tourner la page. De qui ou de quoi veut-on tourner la page? Il convient de dire que l'actuel conseil ne compte plus les soixante membres retenus à l'origine. Il a été redimensionné, cela a été largement dit, pour obtenir un nombre de quinze personnes, assises sur bien d'autres représentativités que l'essentiel du monde patronal et du monde syndical. Aujourd'hui, on voit que le Conseil économique et social est assis sur des légitimités ou des représentativités bien élargies, ce qui évitera une des tares du fonctionnement actuel qui est de répéter en différents endroits mais par les mêmes acteurs le même type de préoccupations. En ce sens-là, l'ouverture du Conseil économique et social à d'autres composantes et d'autres milieux est pour le moins salutaire.
Dernier élément, le coût. Il ne s'agit pas d'un million de francs, mais bien de moins de 400 000 F, c'est-à-dire la dotation actuelle, une dotation qui doit comprendre les études commanditées à des experts, de même que le dialogue de la société civile que doit incarner le Conseil économique et social.
Ainsi, nous avons très exactement retenu l'ensemble des critiques et des points relevés comme problématiques dans le fonctionnement actuel du CES. Laissez-moi dire pour terminer que nous allons sans doute assister à un vote original, puisque les partis qui ne voteront pas le rapport sont très largement situés dans une nouvelle forme de consensus que pour ma part je réprouve plutôt.
M. Rémy Pagani (AdG). Deux remarques seulement par rapport à la prise de position de M. Beer. Je trouve assez typique qu'il cherche à faire l'arbitre dans ce parlement. Je rappelle à M. Beer qu'il n'a pas à juger des prises de position des uns et des autres, parce que si l'on commence, je ne sais pas où l'on finira. Je vous rappelle aussi, Monsieur, que, de manière tout à fait sensée, nos amis écologistes ont voté et voteront contre ce projet de loi.
Du point de vue financier, maintenant, il ne faut pas se leurrer. On nous propose 400 000 F de budget de fonctionnement: c'est sans compter qu'il y a un certain nombre de secrétaires, un secrétaire dirigeant, qu'il faut payer, voilà pour le fonctionnement. Il y aura, de toute évidence, des mandats qui seront décidés, dans le cadre de la nouvelle organisation; ces mandats seront payants, j'imagine, et des budgets seront demandés au Conseil d'Etat. C'est pourquoi nous évaluons la dépense effective au double du budget présenté, soit un million de francs. Nous n'entendons pas les voter la tête dans le sac !
Je rappelle encore que cet organisme est un doublon supplémentaire, puisque nous n'avons pas évalué en commission l'ensemble des organes de concertation et notamment la Commission externe d'évaluation des politiques publiques qui fait et qui fera évidemment double emploi avec ce nouvel organe de prospective économique.
Pour ma part, le débat qui vient d'avoir lieu ici m'a convaincu de façon déterminante que nous avons raison de nous opposer à ce projet de loi.
M. Jacques Pagan (UDC). Je ne vous étonnerai pas en vous disant, suite à la brillante intervention de notre collègue Iselin, que nous nous opposons à ce projet de loi. Nous avons lu, relu, sous toutes ses coutures, ce très bon rapport, je crois qu'il est bien fait et bien écrit. Pourtant, nous avons pris en compte dans notre appréciation de la situation un documentaire que vous avez pu voir sur Léman Bleu et qui était consacré, pendant une quarantaine de minutes, au Conseil économique et social. A l'occasion de ce film, qui remonte à quelque temps en arrière déjà, nous avons pu entendre M. Thorel et plusieurs membres éminents du conseil s'exprimer très largement. Je dois dire que, me mettant dans la peau tout à fait normale, naturelle, d'un téléspectateur moyen, je me suis bien dit après l'émission: « Mais dans le fond, ça sert à quoi? Quelle est l'utilité pratique de ce Conseil économique et social?» Je dois dire que ce film a été une démonstration, je ne dirai pas de l'inutilité du CES, mais en tout cas d'une utilité qui n'est pas suffisante pour légitimer ce projet de loi.
Je suis sensible bien entendu au fait que des partenaires sociaux, de bords très différents, trouvent agréable, dans le cadre d'un Conseil économique et social, de parler de tout et de rien, d'établir des liens d'amitié qui seront utiles plus tard dans le cadre de leurs délibérations et de leurs contestations professionnelles. Je pense pourtant qu'entre gens de bonne volonté on peut faire aussi l'effort de se réunir en dehors d'une enceinte officielle, par exemple en allant simplement au bistrot du coin.
M. Christian Grobet (AdG). M. Rémy Pagani a très bien expliqué le scepticisme de notre groupe à l'égard de ce nouveau conseil qu'il s'agit de créer. Je crois qu'il faut être honnête et du reste le porte-parole du parti radical, M. Barrillier, a bien dû faire un constat d'échec quant au fonctionnement de ce conseil qui existe maintenant depuis sept ans. Véritablement, quand vous dites que le bilan est maigre, je dirais qu'il est extrêmement maigre et qu'il ne justifie en rien toutes les subventions qui ont été versées.
On nous dit aujourd'hui qu'une nouvelle formule a été trouvée, la potion miracle, semble-t-il ! J'aimerais quand même poser une question au Conseil d'Etat: quel est le budget qui a été établi pour ce nouvel organisme et comment va-t-il fonctionner? Parce qu'on est en train de nous demander de voter la tête dans le sac ! Je pense qu'après l'histoire qu'a connue ce conseil ces sept dernières années, si l'on voulait redémarrer avec une nouvelle formule, la moindre des choses, Mesdames et Messieurs, serait de repartir pour un essai, sans voter une loi qui aujourd'hui constitue cet organisme de manière définitive, sans qu'on ne sache si oui ou non nous aurons quelque chose de meilleur que ce qu'on a eu jusqu'ici.
Nous voterons bien entendu contre ce projet de loi, cependant nous souhaiterions obtenir des précisions de la part du Conseil d'Etat relativement aux budgets prévus et aux perspectives financières de ce nouvel organisme, aux garanties qui lui ont été données. Nous souhaiterions aussi savoir pourquoi le Conseil d'Etat n'a pas pensé qu'il était plus sage d'expérimenter la nouvelle organisation pendant une année avant de voter une loi. On a bien expérimenté l'ancienne pendant sept ans sous la forme d'un règlement. Après avoir vécu sous un régime réglementaire pendant sept ans et au moment où tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il faut arrêter les frais, je trouve curieux qu'il y ait un sursaut soudain en faveur de l'adoption immédiate d'une loi.
Je ne sais pas, Monsieur Beer, si on peut parler d'une nouvelle donne au Grand Conseil. On voit effectivement que votre groupe a décidé de voter ce projet de loi avec les partis de l'Entente. Il me semble que c'est plutôt la situation inverse de celle que vous avez décrite qui en train de se produire, en tout cas de ce côté de la salle, mais c'est un à-côté... Je pense que la première des choses à faire pour le CES serait de fournir la preuve qu'il travaille effectivement et efficacement.
Le président. Nous saluons à la tribune un groupe qui participe à un cours de formation citoyenne ayant pour thème le fonctionnement politique de la Suisse. Ce cours est organisé par l'Université ouvrière sous la conduite de Mme Oppliger. (Applaudissements.)Mesdames et Messieurs, un apéritif vous attend dès que nous aurons terminé nos débats.
M. Pierre Weiss (L). Je n'ai aucun commentaire à faire de type herméneutique sur les recompositions temporaires du paysage politique de notre Conseil...
En revanche, je serais presque tenté de voter non à ce crédit en entendant l'argumentation que M. Grobet, et d'autres aussi, ont développée. En effet, pour une fois, à ma grande surprise, à ma délicieuse surprise, je le vois prendre une position favorable à la «non-légiférite». Et c'est, de sa part, quelque chose à quoi je ne m'attendais pas. Je pense qu'il est effectivement intéressant d'entendre cette personne, qui a contribué si largement dans les dernières décennies - on ne peut pas dire le demi-siècle - à l'accroissement de l'appareil législatif de notre Etat, se prononcer ce soir, pour la première fois, pour que ce qui pourrait devenir une institution de cet Etat ne soit pas basé sur une loi. Je prends acte avec un grand intérêt de cette conversion.
Voilà pour la partie originale de l'intervention de M. Grobet et évidemment elle doit cacher autre chose. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas complètement le suivre pour cette fois, d'autres fois sont réservées, d'autres fois où il proposera de ne pas légiférer. Je crois qu'en réalité si certains aujourd'hui ne se prononcent pas en faveur de ce Conseil économique et social dont ils attaquent la production de bla-bla, c'est au fond, et simplement, parce qu'ils n'y ont pas participé et parce qu'ils n'ont pas vu ce qu'impliquait et ce que signifiait la réalité du dialogue. Voilà un endroit où l'on dialogue, voilà pourquoi il faut voter en faveur de ce crédit.
M. Charles Beer (S), rapporteur. Je crois que certains, en matière d'évaluation, doivent être un tout petit peu modestes, parce qu'ils ne nous ont pas forcément habitués à faire fonctionner de façon toujours efficace notre Grand Conseil. Manier l'évaluation comme le couperet, ou plutôt comme la guillotine, alors que l'on enlise ce Conseil dans des discussions inutiles, comme celle-ci par exemple - je me permets de le dire en toute franchise - je trouve cela regrettable.
S'agissant de la base sur laquelle doit reposer le Conseil économique et social, je me permets tout de même d'insister sur un point, c'est qu'un avis de droit a été rendu, de façon spontanée, par un juriste du nom de Robert Zimmermann qui conclut à l'illégalité du Conseil économique et social, dans la mesure où celui-ci ne reposait pas sur une loi. Il suffit donc de lire cet avis de droit pour comprendre les raisons pour lesquelles il convient d'éviter de repartir sur le même type d'erreur qui a conduit à un certain nombre de problèmes sur lesquels vous avez peut-être mis le doigt de façon un peu caricaturale. En effet, s'il y a des problèmes, ils proviennent en partie du manque d'assise du CES et il ne faut pas répéter cette erreur.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je comprends parfaitement que, dans cette enceinte, il y ait des gens qui soient pour ce nouveau Conseil économique et social et d'autres qui, dans le fond, n'ont pas envie de le voir naître. C'est tout à fait légitime, cela dépend de l'appréciation qu'on en fait et, dans tous les parlements, il y a des contradictions. Il est vrai que nous nous sommes rendu compte, lorsque ce projet de loi a été déposé - puisqu'il s'agit bien d'un projet de loi que nous devons traiter - que le Conseil économique et social dans son ancienne version avait un certain nombre de défauts, il faut bien le dire. Il y a eu des travaux qui ont été faits, excellents, peut-être mal utilisés tant par le Conseil d'Etat que par le Grand Conseil. Il y en a eu d'autres, effectivement, auxquels on n'a pas pu adhérer, parce que les conclusions de ce conseil étaient véritablement nébuleuses.
Lorsqu'il s'est agi de réfléchir sur l'existence de ce conseil, le Conseil d'Etat a mandaté le RESOP, cela a été dit, pour avoir une analyse plus scientifique, plus complète du travail du CES. Les conclusions du RESOP étaient un peu la confirmation de ce que nous pensions: la Commission externe d'évaluation des politiques publiques, les nombreuses commissions qui existent déjà au sein de ce parlement et qui s'attachent à explorer et à évaluer, tous ces organes étaient redondants avec le Conseil économique et social dans son ancienne version. D'où peut-être une certaine inutilité et une certaine impuissance.
Certes, le RESOP dit que dans son ancienne formule, composée de soixante membres qui d'ailleurs n'étaient pas toujours tous présents, il aurait fallu supprimer le CES. Cependant, le RESOP dit aussi qu'en donnant au CES une autre vocation, une autre composition, en faisant participer la société civile d'une façon élargie, ce conseil pourrait avoir, au niveau prospectif, une certaine valeur, pouvant en effet analyser des phénomènes au-delà des critères et des passions politiques qui nous animent ici. Le CES devrait pouvoir apporter des réponses plus logiques, plus claires, moins passionnées. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a décidé de proposer à la commission de l'économie la solution décrite par le RESOP, à savoir un Conseil économique et social moins nombreux (quinze personnes au lieu de soixante), au service non plus seulement du Conseil d'Etat mais aussi du Grand Conseil, sur les sujets sur lesquels celui-ci voudra bien l'interpeller. Un Conseil économique et social qui, dans le fond, charge les experts d'étudier certains phénomènes de notre société, résume ces études, procède à des consultations et avance des propositions pour les autorités politiques. C'est vu sous cet angle que la commission a évalué les chances nouvelles de ce Conseil économique et social.
Monsieur le député Grobet, vous parlez très justement d'un budget. Nous ne sommes pas au-delà des 425 000 F, nous essaierons de rester dans cet ordre de grandeur. Quelqu'un a dit aussi qu'on prenait les mêmes pour recommencer, mais pour le moment il faut assurer la transition et il reviendra aux nouveaux membres de ce conseil, que le Conseil d'Etat désignera, de nommer la structure qui va gérer le nouveau CES. Ce sera au CES lui-même de proposer un règlement de fonctionnement. Ainsi, nous pensons que le fait d'établir aujourd'hui un lieu de réflexion en dehors de cette enceinte est une proposition acceptable. Et le Conseil d'Etat, vu les travaux qui ont eu lieu en commission, vu les nombreux débats, les analyses et les réflexions des uns et des autres, vous demande de voter ce projet de loi.
M. Souhail Mouhanna (AdG). J'aimerais faire quelques remarques sur ce projet de loi. Par exemple, sur l'article 3 qui dit ceci: «Il peut accepter des mandats sur tout objet en rapport avec ses buts proposés prioritairement par le Conseil d'Etat ou le Grand Conseil et par ses propres membres.» En général donc les mandats seraient donnés soit par le Conseil d'Etat soit par le Grand Conseil et d'autres. Si je reprends maintenant l'article 2 alinéa 3, je lis ceci: «Il rédige des rapports qui contiennent dans une première partie les analyses des experts externes...» Il semble donc, d'après ce projet de loi, que le CES confiera des mandats à des experts externes. Alors la question que je me pose est la suivante: pourquoi ce conseil est-il nécessaire puisque le Conseil d'Etat et le Grand Conseil peuvent parfaitement confier directement ces mandats à des experts externes? Il y a beaucoup d'autres instances de concertation entre les partenaires sociaux et la question qui se pose en fin de compte est celle de savoir s'il s'agit vraiment d'une instance utile à quelque chose ou bien s'il s'agit d'une instance qui permet à quelques-uns de se retrouver dans une sorte de club qui coûte des centaines de milliers de francs à la collectivité.
J'aimerais encore répondre à M. Weiss, qui est toujours prompt à dire qu'il faut réduire les dépenses et les charges, etc. On voit bien ici qu'il en rajoute, des charges ! Nous serons donc attentifs aux différentes positions concernant les charges et les dépenses de l'Etat quand il s'agira d'éléments beaucoup plus importants que ce Conseil économique et social.
Le président. Nous votons sur ce projet de loi en premier débat, par vote électronique.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 54 oui contre 31 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 5.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Matthey portant sur l'article 6, alinéa 3.
M. Blaise Matthey (L). Mon amendement a trait, comme vous avez pu le constater, à l'alinéa 3 de l'article 6. Il précise que les membres du Conseil économique et social ne doivent pas avoir de mandats électifs. Pourquoi cette disposition? Pour que les responsabilités et les tâches incombant aux uns et aux autres soient clairement définies. Je vous rappelle l'article 3 sur la saisine qui prévoit que le CES peut-être saisi par notre Grand Conseil. La surcharge de travail importante des députés est une bonne raison pour ne pas en rajouter avec la participation de ceux-ci aux activités du Conseil économique et social, ce d'autant qu'il revient en définitive à notre Grand Conseil de trancher lorsqu'il s'agit de sanctionner par une loi un pan de l'activité de notre Etat.
Ce sont les raisons, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, qui font que je vous propose cet amendement.
M. Charles Beer (S), rapporteur. Très rapidement, dans le cadre de la nouvelle structure, s'il devait y avoir une fonction dirigeante au sein du secrétariat ou de la partie permanente du conseil, l'interdiction introduite par M. Matthey devrait être étendue aux fonctions dirigeantes de ce staff permanent, s'il y en a un - je le dis pour le Mémorial plutôt que comme sous-amendement, car je ne vois pas comment le formuler.
Le président. Vous avez tous reçu cet amendement à l'article 6, alinéa 3. Il se formule ainsi: «Les membres sont désignés à titre personnel et n'ont pas de fonction représentative. Ils ne peuvent avoir de mandat électif.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
L'article 6 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 6 à 17.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Grobet visant à ajouter un article 17A.
M. Christian Grobet (AdG). Il y a quelques années en arrière, nous avons adopté une loi prévoyant que nous pourrions, pour des affaires nouvelles, adopter des lois à l'essai. Je propose donc un article 17A qui aurait la teneur suivante: «La présente loi est votée à l'essai et devra être confirmée deux ans au plus tard après son adoption.»
Le président. Je crois que cet article est assez clair. Ce serait donc un article 17A, l'article 17 étant maintenu.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
L'article 17A (nouveau) est adopté, de même que l'article 18.
Troisième débat
M. Rémy Pagani (AdG). L'amendement que nous avons voté à l'article 6 stipule que les membres du conseil ne peuvent pas être au bénéfice d'un mandat électif. Je propose, pour que les choses soient très claires, d'ajouter les membres de la direction dans cet alinéa 3. En effet, même si le rapporteur a annoncé que ça allait de soi, je trouve beaucoup plus sain que cela figure dans la loi.
Je propose donc un amendement qui se formule ainsi:
«Les membres et les membres de la directionsont désignés à titre personnel et n'ont pas de fonction représentative. Ils ne peuvent avoir de mandat électif.»
M. Charles Beer (S), rapporteur. Pour la discussion, il est intéressant de relever que les mêmes qui se font du souci sur le coût de la structure jugée inutile nous proposent aujourd'hui de la doter d'ores et déjà d'une direction. Je m'excuse, rien ne dit qu'à l'avenir nous aurons besoin d'une direction. C'est le nouveau conseil qui devra organiser les travaux et qui devra confirmer et mettre au point la structure. Cet amendement est donc contradictoire par rapport à l'ensemble des préoccupations soulevées et je propose de le rejeter. (Applaudissements.)
Le président. MM. Mouhanna et Grobet sont inscrits, lequel des deux souhaite prendre la parole? Tous les deux? Très bien !
M. Christian Grobet (AdG). L'intervention du rapporteur n'est pas très sérieuse. On ne vote pas un budget de cette importance sans qu'il y ait du personnel permanent. Par ailleurs, à ce que je sache, actuellement, le Conseil économique et social a bel et bien du personnel permanent. Il ne faut pas jouer sur les mots et, s'il n'y a pas de direction, eh bien, l'article ne sera pas applicable. Je ne vois donc pas quelle est l'objection contre la mise en place d'une clause de ce genre qui, au pire, ne sera pas appliquée si cet organisme nouveau se révèle plus économe que nous le pensions.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je propose un sous-amendement à l'amendement de M. Pagani. Il s'agirait de remplacer le mot direction par personnel permanent. L'alinéa se formulerait ainsi: «Les membres et le personnel permanent sont désignés à titre personnel et n'ont pas de fonction représentative. Ils ne peuvent avoir de mandat électif.»
M. Claude Blanc (PDC). Les interventions de l'Alliance de gauche m'amusent beaucoup. Je ne sais pas si vous avez remarqué que les mêmes qui se sont battus tant qu'ils ont pu, et M. Mouhanna en a d'ailleurs bénéficié, pour faire supprimer l'inéligibilité des membres de la fonction publique, se battent maintenant pour que le personnel du Conseil économique et social soit rendu inéligible. Alors j'aimerais vous mettre le nez dans vos contradictions. Ce qui vous arrangeait hier ne vous arrange plus aujourd'hui. Ayez donc une ligne de conduite qui soit digne de députés responsables ! (Applaudissements.)
M. Dominique Hausser (S). Je serai très bref, parce que mon intervention est exactement la même que celle de M. Blanc. (Brouhaha.)Nous ne pouvons pas demander les droits politiques pour l'ensemble de la population et tout à coup, sur un prétexte quelconque, les interdire dans une structure publique ou para-publique. En l'occurrence, cet amendement est absolument inacceptable.
Le président. Mesdames et Messieurs, le Bureau vous propose, après ce long débat, de bloquer ici la liste des intervenants. Nous avons encore MM. Pagani, Beer et Mouhanna. Monsieur Pagani, vous avez la parole.
M. Rémy Pagani (AdG). Je crois qu'on nous fait un mauvais procès; j'ai voté et je me suis battu pendant des années pour le droit d'éligibilité des fonctionnaires, au contraire de vous, Monsieur Blanc, qui y étiez opposé. Aujourd'hui, il y a encore six cents personnes qui n'ont pas le droit d'être élues, ce sont les hauts cadres. Nous proposons donc seulement de respecter la loi, à savoir que ces hauts cadres ne puissent pas être élus, et notamment un qui est en l'occurrence visé. (L'orateur est interpellé.)Je ne tourne pas autour du pot, j'ai fait une première intervention dans laquelle j'indiquais que l'équipe ancienne était reconduite: si la majorité de ce parlement veut se donner des garanties qu'on tourne véritablement la page et qu'on mettra des gens neufs dans une nouvelle structure, elle doit voter mon amendement, dont je précise d'ailleurs la formulation puisque M. Beer a fait une juste remarque. En effet, il n'est pas encore certain que ce conseil aura une direction, mais je vais dans le sens de l'intervention de M. Beer qui affirmait pour le Mémorial que les cadres de ce nouvel organe n'auraient pas le droit de cumuler les fonctions. Je propose donc de manière tout à fait sereine, Monsieur Blanc, et en respect de la loi que nous avons votée et qui a été approuvée par le peuple, la formulation suivante : «Les membres et les membres de l'éventuelle direction sont désignés à titre personnel et n'ont pas de fonction représentative. Ils ne peuvent avoir de mandat électif.» Je crois que c'est assez simple et assez clair.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je suis vraiment frappé par la promptitude à réagir de M. Blanc, qui s'est opposé pendant des années au droit d'éligibilité de la fonction publique et qui, aujourd'hui, vient nous faire la leçon ! Je ne sais pas si la conversion de M. Blanc est une conversion de circonstance ou si c'est une conversion durable, cela on le verra par la suite. Monsieur Blanc, il ne s'agit pas d'un droit d'éligibilité qui serait bafoué. Les personnes en question peuvent parfaitement être élues, mais s'agissant du Conseil économique et social, vous avez vous-même voté un amendement qui dit que les membres du conseil ne doivent pas avoir de mandat électif. On peut affirmer que les fonctionnaires membres du secrétariat du conseil sont au moins aussi influents que les membres de ce conseil pris de manière individuelle. On sait par exemple le rôle que joue l'actuel secrétaire général du CES ! (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)Mais oui, Monsieur Blanc, parce que si vous voulez qu'on mette les points sur les «i», toute cette affaire sert à assurer des emplois à certaines personnes à qui on veut faire un cadeau. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)C'est ça; c'est exactement ça !
De combien de personnes s'agit-il? De deux ou trois personnes peut-être qui formeraient le secrétariat permanent, puisque vous parlez d'un budget qui est de quelques centaines de milliers de francs. Maintenant, M. Blanc veut mettre sur pied d'égalité le droit d'éligibilité de dizaines de milliers de personnes avec deux ou trois personnes à qui on veut faire des cadeaux. Eh bien, Monsieur Blanc, nous sommes contre ce Conseil économique et social, c'est un doublon, c'est une inutilité et en plus c'est un conseil coûteux qui va servir uniquement à faire plaisir à quelques-uns.
M. Charles Beer (S), rapporteur. J'aimerais rappeler que le point sur lequel nous discutons est un point sur lequel j'ai cru devoir préciser une extension de l'amendement de M. Matthey. Théoriquement, nous ne devrions pas avoir de points de désaccord puisque nous estimons que la participation à une structure dirigeante d'un Conseil économique et social ne doit pas aller de pair avec un mandat électif. Maintenant, la question de savoir si l'on doit à tout prix le noter dans la loi, dire «une éventuelle direction» pour mieux se prémunir, alors que l'on explique clairement les choses et que celles-ci figureront au Mémorial, c'est tout simplement grotesque et j'y reviendrai.
Sur la question du sous-amendement de M. Mouhanna, quelque chose ne joue pas du tout. Vous visez l'ensemble du staff permanent du Conseil économique et social et le problème est bien là. Dès que vous dépassez la structure dirigeante pour atteindre une téléphoniste, le cas échéant une secrétaire ou un comptable, je ne suis pas sûr que ce soit constitutionnel de priver ainsi une personne de ses droits. En outre, ce faisant, vous atteignez très exactement les perversités que représente, pour un certain nombre de fonctionnaires, l'interdiction d'être élu. Par conséquent, votre sous-amendement va beaucoup trop loin et n'est pas compatible avec la constitution.
Dernier élément, sur l'aspect grotesque de la chose: je ne peux pas laisser dire que la préoccupation ici est d'assurer la situation de certains demain. Je ne peux pas l'accepter. Par contre, je relève que la préoccupation de celles et ceux qui viennent de dénoncer ce problème est bel et bien d'éviter à certains une situation demain.
Le président. Monsieur Blanc, vous avez été mis en cause, je vous donne deux minutes.
M. Claude Blanc (PDC). Monsieur le président, ce n'est pas directement pour répondre à M. Mouhanna, qui dit des âneries comme d'habitude...
Le président. Alors, je ne vous laisse pas la parole. Je suis navré...
M. Claude Blanc. Je souhaite prendre la parole parce que nous avons découvert entre temps dans la loi un problème technique qui devrait être réglé. En effet, à l'article 6 on dit que le conseil est composé de quinze membres et à l'article 7 il est dit qu'il est renouvelé pour moitié tous les trois ans. Alors, vous m'expliquerez comment on renouvelle pour moitié un conseil de quinze membres. (Rires.)
Le président. Bien. L'avantage, c'est que ça décontracte tout le monde. Cela étant, je vais prendre l'amendement de M. Mouhanna qui est le plus éloigné et qui se formule ainsi: «Les membres et les membres permanents sont désignés à titre personnel et n'ont pas de fonction représentative. Ils ne peuvent avoir de mandat électif.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Je mets maintenant aux voix l'amendement de M. Pagani qui se formule ainsi: «Les membres et les membres de l'éventuelle direction sont désignés à titre personnel et n'ont pas de fonction représentative. Ils ne peuvent avoir de mandat électif.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Nous procédons au vote d'ensemble par vote électronique. Qu'est-ce qu'il y a, Monsieur Blanc? Vous voulez que je cite tous les articles?
M. Claude Blanc. Monsieur le président, nous sommes en train de voter une loi en trois débats. On découvre in extremisqu'une disposition est inapplicable: on ne peut pas renouveler pour moitié un conseil de quinze membres, il faut trouver une solution. (Brouhaha.)
Le président. Je vous propose la formulation de moitié moins 1 et cela devrait résoudre le problème. Nous n'avons pas d'amendement, je suis navré, Monsieur Blanc. Je procède au vote d'ensemble.
La loi 7450 est adoptée en troisième débat par 48 oui contre 30 non et 2 abstentions.