République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 février 2002 à 17h
55e législature - 1re année - 5e session - 23e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Luc Barthassat, Marie-Françoise de Tassigny, René Desbaillets, Erica Deuber Ziegler, René Koechlin, Alain-Dominique Mauris, Mark Muller, André Reymond et Maria Roth-Bernasconi, députés.
Communication de la présidence
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, un certain nombre de documents ont été déposés sur vos places: le texte de l'interpellation urgente de M. Georges Letellier concernant la création d'une commission Insécurité dépendante du DJPS et le texte de l'interpellation urgente, également de M. Letellier: Quels projets pour pallier au manque de policiers dans notre canton et engagement de ressortissants étrangers (permis c) ? Ce point devrait être traité au point 15 de notre ordre du jour.
M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, hier vous nous avez fait remarquer que nous disposions d'une réponse à une interpellation concernant les demandes d'enquêtes administratives du Conseil d'Etat. J'aurais bien aimé avoir cette réponse. On l'a cherchée, mais on ne l'a pas trouvée...
Le président. Si c'est une réponse à une interpellation urgente, nous allons y venir, précisément sous le point «Réponses aux interpellations urgentes»... (Le président est interpellé.)Je ne parle pas assez fort ? Je vais faire un effort, mais c'est bien la première fois que l'on me reproche de ne pas parler assez fort !
Correspondance
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Courrier de M. DOBLER Olivier concernant l'élection 1145 (juge assesseur au Tribunal des baux et loyers) ( C 1467)
Courrier de M. DOBLER Olivier concernant le PL 8658-A (sur la poursuite pour dettes et la faillite) ( C 1468)
Communiqué de presse de la Cour de justice répondant aux prises de position du SSP (Syndicat du service public) concernant des articles parus dans la presse au sujet de l'activité des juges de l'autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites ( C 1469)
Annonces et dépôts
Néant.
Mme Christiane Veyaest assermentée. (Applaudissements.)
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. L'interpellation urgente que vous m'avez adressée, Madame la députée, concerne deux faillites retentissantes et le développement durable à Genève, et pose les deux questions suivantes:
Quels moyens avons-nous, à Genève, pour orienter notre développement économique vers une production de biens et de services durables, non polluants et utiles ?
Quel filtre avons-nous, ou pouvons-nous mettre sur pied pour éviter, à l'avenir, de tomber dans le panneau d'un développement bidon proposé par des escrocs internationaux ?
Pour répondre à votre première question, Madame la députée, je me permets de rappeler que le développement économique à Genève est soumis à une loi (I 1 36), du 20 janvier 2000. Dans les buts de cette loi, l'Etat peut encourager, par des aides diverses, la réalisation de projets d'entreprises privées, générateurs de richesses économique, sociale et environnementale. Les principes de cette loi sont explicités à l'article 2 alinéa 1. Nous pouvons constater que, dans l'action de l'Etat, celui-ci respecte les principes du développement durable, à savoir un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins.
Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2001. Mes services sont extrêmement attentifs à ces critères. En outre, dans les moyens que nous mettons à disposition des entreprises, nous veillons, lorsque le dossier est examiné, à ce que son activité ne porte pas atteinte à l'environnement, principe qui est fixé, par exemple, dans la loi qui institue une aide financière aux petites et moyennes industries, la LAPMI, (I 1 37), qui est entrée en vigueur le 19 avril 1997.
S'agissant des filtres que nous aurions ou qui pourraient être mis en place pour ne pas tomber dans le panneau tendu par des escrocs, je dois vous dire, en préambule, que les sociétés que vous citez, Enron et Global Crossing, n'ont pas eu de contact pour leur venue à Genève, notamment Global Crossing, indique la promotion économique. Et elles n'ont jamais sollicité mes services. Par conséquent, nous n'avons pas pu examiner leur dossier.
A ce stade, Madame la députée, j'aimerais faire deux remarques.
Premièrement, nous faisons tout ce qui est possible pour travailler avec des personnes de premier ordre et nous multiplions les précautions afin de nous assurer que leur dossier soit de bonne qualité. Il ne s'agit pas, comme vous les avez définis, de dossiers bidon. Cependant, et il faut bien l'avouer, nous ne sommes pas à l'abri d'escrocs, comme vous les avez appelés, et nous ne pouvons jamais garantir à 100%, car cela signifierait que nous devrions prendre part à la gestion même de ces entreprises, puisqu'il s'agit, dans les cas que vous mentionnez, de problèmes de fraude et d'informations truquées.
Deuxièmement, les faillites d'Enron et de Global Crossing n'ont pas seulement surpris le gouvernement genevois, mais toute la communauté internationale dans son ensemble. Ces affaires ont jeté le doute sur des pratiques comptables auxquelles, jusqu'à présent, nous avions l'habitude, les uns et les autres, de faire confiance. Pour éviter ce type de malversations, une réflexion sur les précautions et les mesures à prendre, dans de tels cas, est en cours à l'échelon mondial. Dans notre pays, l'association faîtière «Economie Suisse» devrait bientôt élaborer un code de bonne conduite à l'intention des entreprises suisses.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. A ce jour, je ne peux répondre à la question que vous avez posée que sous l'angle de la facturation de l'impôt sur les véhicules à moteur, le recul que nous avons ne nous permettant pas encore de faire une comparaison en matière de recettes, mais je reviendrai dès que la comparaison sera significative pour répondre sous l'aspect recettes. Je donnerai quand même quelques chiffres qui sont l'illustration de l'application de la loi, donc vue sous l'angle de la facturation.
La facturation est de 70 millions de francs pour 2002. Je parle de l'impôt sur les véhicules à moteur. A la même date, en 2001, elle est de 61 millions. On a donc une différence de 9 millions qui s'explique de la manière suivante:
2 millions sont dus à l'augmentation du parc des véhicules, soit environ 7400 véhicules à 260 F d'impôt en moyenne. Les 7 millions restant se décomposent de la manière suivante:
Environ 3,6 millions sont dus au barème d'impôt arrêté qui correspond à l'assiette fiscale globale pour les voitures de tourisme indexée de 6%, ce qui est conforme à ce qui a été prévu par la loi. Un million est dû pour financer les mesures d'encouragement voulues par le législateur. 800000 F sont dus au nouveau barème adopté pour les motocyclettes. Enfin, 1,6 million est dû au nouveau barème pour les voitures de livraison dont la taxation intervient selon le poids total au lieu de la charge utile. Je ne vous apprends donc rien, ce sont les chiffres en rapport avec la volonté du législateur.
Je voudrais simplement rajouter que la réaction des contribuables à l'augmentation individuelle de l'impôt n'est pas le reflet de l'augmentation globale de la masse fiscale, puisque, dans l'ensemble, environ 40% des contribuables voient leur impôt baisser, pour 20% environ d'entre eux, il reste stable et pour environ 30%, il augmente de façon quelquefois massive, comme vous l'avez souligné.
Dans les meilleurs délais, mais pour pouvoir comparer exactement les recettes, nous reviendrons pour vous répondre à la question sur l'effet induit par la nouvelle loi.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Je rappelle au Conseil d'Etat que la réponse ne doit pas dépasser trois minutes. Vous êtes juste à la limite, mais je tenais à le rappeler, puisque c'est la première fois que nous passons à cette nouvelle règle.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. La question que posait M. Mouhanna était celle de l'ouverture de la formation en emploi à l'école d'ingénieurs. J'y réponds comme suit avec un petit rappel. Jusqu'au milieu des années 90, ces formations étaient offertes dans quatre filières: architecture, génie civil, mécanique, électricité.
Aujourd'hui, faute de demande, cette formation n'est plus offerte que dans la filière électricité qui reçoit: douze étudiants en première année, quatre en deuxième, quinze en troisième et sept en quatrième année. Cette filière a été évaluée, comme toutes les autres filières, dans le cadre de la revue des pairs qui a été organisée sur le plan fédéral.
Les experts ont constaté que, si nous souhaitions maintenir cette filière en emploi, il s'agissait de repenser totalement la structure, d'examiner et d'analyser la demande: effectif, intérêt et soutien des employeurs, attractivité des profils souhaités, etc. C'est la raison pour laquelle la direction de l'école d'ingénieurs a décidé, bien sûr, d'offrir cette filière à la rentrée, mais sous condition de la mettre en place s'il y a un nombre suffisant d'étudiants, douze, au minimum, et s'il y a un travail de redéfinition de ces formations en termes d'offre, d'objectif et de structure, conformément aux exigences de la Confédération et à la stratégie.
Cela signifie simplement que les inscriptions sont ouvertes, que les étudiants peuvent s'inscrire, mais que la filière ne sera ouverte qu'à condition qu'il y ait au moins douze étudiants, ce qui est indispensable, mais aussi que la formation soit redéfinie de façon attractive et ceci est important pour les étudiants qui, eux-mêmes, soulignent que l'on pourrait l'adapter.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Je pense que c'est la présidente qui va répondre à l'interpellation de M. Velasco... Qu'y a-t-il, Monsieur Unger ? Ah, vous répondez à la place de Mme Calmy-Rey, à cette interpellation intitulée: «L'évacuation d'une femme - je comprends que Mme Calmy-Rey ne veuille pas répondre - et de trois enfants. L'Etat ne pourrait-il pas mettre le logement à disposition ?»
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Il ne s'agit en aucun cas d'une dérobade de la présidente: l'interpellation de M. Velasco m'était clairement destinée. C'est la raison pour laquelle je me permettrai d'y répondre.
En ce qui concerne votre première question, Monsieur Velasco, à savoir comment est-il possible que des personnes suivies par des assistants sociaux de l'Hospice général puissent se retrouver évacuées, sachant la longueur des procédures d'évacuation, qui devraient permettre de trouver des solutions avant cette dernière ? Ceci, Monsieur Velasco, pose deux problèmes, en quelque sorte:
Le premier est celui de la coordination. J'aimerais toutefois préciser que, dans le cas particulier que vous avez cité, Monsieur, la personne évacuée n'était pas suivie par l'Hospice général. Elle avait un emploi en occupation temporaire et disposait d'un salaire. La décision d'évacuation lui a été signifiée en septembre, l'évacuation étant repoussée en janvier par décision du procureur général. Aucune démarche n'avait été faite ni auprès de l'Hospice général ni auprès de l'office du logement social.
Sur le plan plus général, dans le cadre des séances d'évacuation présidées par le procureur général, l'office du logement social est présent pour toutes les situations. L'Hospice général et l'OCPA, en revanche, ne sont présents que pour les situations de personnes qui bénéficient des prestations de l'une ou l'autre de ces deux institutions.
La problématique est de mettre en place une vraie coordination entre les différents services. En l'occurrence, l'office du logement social et l'Hospice général, afin que, dès la décision d'évacuation prise, toutes les démarches soient entreprises en concertation et en collaboration, afin que les personnes puissent être relogées. Une clarification des rôles sera entreprise sans délai dans le cadre d'un groupe de travail réunissant des gens de mon département et des collaborateurs de M. Moutinot, afin que de telles situations ne puissent plus se reproduire.
La deuxième sous-question de votre première question concerne la définition, d'une part, et les principes que nous appliquerons à la prise en charge des urgences sociales, d'autre part.
Le DASS est sur le point de finaliser un rapport sur la prise en charge des urgences sociales, tant il est vrai qu'un certain nombre d'initiatives ont été prises par différents partenaires qui paraissent, à ce stade de l'ébauche, relativement disparates, peu complètes et, en tout cas, ne pas répondre aux besoins prépondérants.
Ce rapport sera mis en consultation auprès de différents partenaires au cours du deuxième trimestre. Il s'agira d'identifier clairement les situations relevant réellement de l'urgence sociale, alors que, vous le savez, comme moi, elles sont le plus souvent d'origine psychosociale, nécessitant l'intervention probablement d'un tandem de prise en charge, dès le début du processus.
Enfin, votre deuxième question, compte tenu du parc immobilier, l'Hospice ne pourrait-il pas garder des appartements libres pour les cas d'urgence et les mettre à disposition dans les cas d'évacuation ?
Le parc immobilier de l'Hospice général, Monsieur le député, fournit environ 13 millions de francs de recettes par an, directement affectées au financement de l'assistance publique. Le problème du relogement des personnes évacuées dépasse largement le cadre de l'Hospice général ou celui de l'office du logement social, dont c'est potentiellement davantage la mission. En effet, le problème s'inscrit complètement dans la grave pénurie d'appartements que connaît Genève et qui ne pourra se résoudre qu'à travers une réponse concrète à la crise du logement, dont le Conseil d'Etat est sûr que le Grand Conseil l'aidera à la résoudre, à satisfaction de tous.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Les étrangers sans autorisation de séjour n'ont jamais fait l'objet d'opérations policières ciblées à Genève. Ce n'est certainement pas au moment où la problématique délicate des sans-papiers est abordée au niveau national que le canton déciderait autrement qu'une pratique traditionnellement fondée sur la concertation avec les milieux politiques, les organisations syndicales et les oeuvres d'entraide spécialisées dans le domaine de la migration. A ce jour, vous savez que les autorités genevoises sont intervenues, régulièrement et de longue date, auprès de la Confédération pour obtenir la régularisation des situations à caractère humanitaire, que ce soit dans le domaine des étrangers ou dans celui de l'asile.
Notre canton, à ce jour, est de ceux qui ont fait le plus de demandes à Berne dans le cadre des nouvelles directives qui précisent la pratique des autorités fédérales dans le traitement des cas de rigueur et élargissent quelque peu les critères permettant de régulariser le séjour des étrangers en situation de détresse grave.
J'ajoute que le Conseil d'Etat a accordé des tolérances de séjour cantonales aux réfugiés de la violence, originaires de Bosnie Herzegovine et du Kosovo, quand cela était nécessaire, pour leur permettre de rentrer chez eux sans pression et de prendre des contacts indispensables à un retour serein dans leur région d'origine.
A ce propos, les tolérances de séjour précarisent les situations des personnes qui en bénéficient, car ces dernières ont de la peine à trouver du travail et doivent alors faire appel à l'assistance publique cantonale. Ces mesures d'indulgence ne peuvent donc pas représenter des solutions durables.
La réponse à la question - cette politique aurait-elle changé ou aurais-je donné d'autres directives - est non. Je n'ai donné aucune directive spéciale visant à intensifier les contrôles d'étrangers sans papier à Genève.
Toutefois, dans mon souci de rendre plus sûres les zones de la place des Volontaires et de la gare de Cornavin, la surveillance policière a été augmentée et lors des vérifications d'identité effectuées dans ce secteur bien délimité, la police est immanquablement tombée sur des personnes démunies d'autorisation de séjour, et ce, dans de fortes proportions.
Vous avez demandé si le nombre d'expulsions avait augmenté. Nous n'avons pas fait de statistiques, mais depuis le début de l'année, une petite centaine d'étrangers sans titre de séjour ont été refoulés. Il n'y a pas là de variation significative dans la mesure des comparaisons qui nous sont possibles avec les chiffres de l'année dernière à la même époque. Un certain nombre des personnes concernées avaient commis des délits pénaux, mais, pour l'heure, la police ne tient pas de statistiques sur les motifs de refoulement. J'espère avoir répondu à votre question, sinon je peux apporter un complément d'information si vous le souhaitez.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Nous passons à la dernière réponse aux interpellations urgentes, celle qui doit répondre à l'interpellation urgente écrite de Mme Alexandra Gobet-Winiger: Mandats d'enquêtes administratives.
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Durant les cinq dernières années, c'était là l'objet de la question, soit de 1996 à fin 2001, douze enquêtes administratives ont été confiées par le Conseil d'Etat à des juges titulaires ou suppléants, ainsi qu'à d'anciens magistrats qui continuent d'exercer des fonctions de juge à la Cour de cassation ou à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes, après avoir atteint l'âge de la retraite. Madame, je vous fournirai le tableau des personnes concernées avec leur nom. S'agissant du coût de ces mandats, l'office du personnel de l'Etat n'est pas en mesure de l'indiquer, puisque les frais sont directement réglés par les directions financières des différents départements.
Cette interpellation urgente écrite est close.
Le président. J'ai une déclaration à faire de la part de l'ensemble du Bureau. Hier soir, dans cette enceinte, nous avons passé près de cinq heures à débattre. Le Bureau estime qu'une séance doit durer entre deux heures et deux heures et demie au grand maximum. Comme la séance d'hier a duré deux fois plus longtemps, le Bureau vous informe qu'il en sera tenu compte dans les jetons de présence pour celles et ceux qui étaient présents.
Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons maintenant notre ordre du jour au point 131, soit l'initiative 117-C.
Suite du débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais citer les noms des cinq députés qui avaient demandé la parole et à qui je demande d'appuyer à nouveau sur le bouton d'inscription pour reprendre leur tour dans l'ordre qui était celui qui était affiché au moment où nous avons interrompu nos travaux: Mme Ruegsegger, M. Jeannerat, Mme Frei, M. Hausser, M. Serex.
Madame Ruegsegger, vous avez la parole.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). L'initiative 117 part de plusieurs constats. Tout d'abord que la Suisse doute, que la Suisse est isolée, que les cantons sont de plus en plus désargentés, qu'ils sont à bout de souffle et qu'ils ont de plus en plus de mal à assumer des tâches qui sont toujours plus importantes. Les initiants proposent une solution simple: fusionner les cantons qui sont qualifiés de «nains» en de vastes régions...
Nous partageons partiellement les constats des initiants.
Nous constatons effectivement que la Confédération prend toujours plus de poids, qu'il est difficile pour les cantons d'assumer financièrement des tâches qui sont toujours plus lourdes et qu'il est nécessaire de mettre les forces en commun pour pouvoir les assumer au mieux. Mais, est-ce que l'initiative est la bonne solution ? Nous en doutons fortement.
Les initiants nous parlent de démocratie... Ils disent que l'initiative est une solution démocratique... Mais d'autres solutions démocratiques existent, qui ont, du reste, déjà été partiellement mises en vigueur, telles, par exemple, les collaborations. Celles-ci ont rencontré certains succès comme dans le cas de l'école de pharmacie, comme dans le cas des HES, mais elles ont également rencontré quelques échecs comme c'est notamment le cas du RHUSO.
A notre sens, la démocratie, c'est également écouter ce que les citoyens nous ont dit à travers ces votes. Et s'ils ne sont pas mûrs pour certaines collaborations, ils ne le seront certainement pas pour la fusion des cantons.
D'autre part, nous estimons que cette initiative est contre-productive. On nous dit que les cantons ont de moins en moins de poids face à la Berne fédérale et qu'il faudrait les fusionner. Mais en fusionnant, que va-t-il se passer en fait ? C'est que des cantons comme Genève et Vaud qui ont deux voix au Conseil des Etats n'en auront plus qu'une ! Est-il vraiment productif de diminuer le nombre de voix qu'ont les cantons de Genève et de Vaud au niveau fédéral ? Ce n'est pas comme cela qu'on aura davantage de poids !
Le débat sur la régionalisation est un débat tout à fait pertinent, mais je crois que l'on se trompe de cible... On nous propose de fusionner deux cantons sur vingt-six cantons et demi-cantons, soit vingt-trois cantons, ce qui veut dire que nous essayons d'entamer cette régionalisation à travers un douzième des cantons suisses... Je crois que ce n'est tout simplement pas sérieux !
De plus, le débat sur la régionalisation et sur l'importance des régions doit non seulement se faire à l'échelle nationale - et pas simplement à l'échelle lémanique - mais elle doit également se faire à l'échelle transfrontalière. Nous estimons en effet qu'il y a des collaborations plus naturelles, notamment avec la France voisine. A mon avis, Genève a davantage ou en tout cas autant d'affinités avec les régions de la France voisines comme l'Ain et la Haute-Savoie qu'avec le canton de Vaud.
Enfin, last but not leastje crois qu'il y a une question d'identité dont il faut tenir compte. Nous avons bien évidemment quelques points communs avec le canton de Vaud. Tout d'abord, nous appartenons au même pays, nous partageons la même langue, nous avons le même type de soucis, notamment des problèmes financiers, un endettement endémique et nous partageons le même lac - le lac de Genève. (Rires.)
Nous n'allons peut-être pas parler de fossé culturel entre Genève et Vaud, mais je crois qu'il y a tout de même quelques constats à faire. En fait, c'est le mariage du rat des villes et du rat des champs que l'on veut nous proposer à travers cette initiative, et, du reste, tout le décalage...
Une voix. On ne partage pas l'accent non plus !
Mme Stéphanie Ruegsegger. On ne partage pas l'accent non plus, c'est vrai ! ...et tout le décalage entre Genève et Vaud se retrouve ne serait-ce que dans la qualification des deux cantons: nous ne sommes qu'une simple République alors que le canton de Vaud est un pays.
Alors, nous pensons que si le débat qui est entamé sur la régionalisation est un débat pertinent, la solution qui nous est proposée est une mauvaise solution, et nous vous proposons de la rejeter. (Applaudissements.)
Mme Anita Frei (Ve). Le groupe des Verts reconnaît à l'initiative Vaud-Genève le mérite de poser une question très importante: celle de l'organisation politique future de notre territoire pour répondre à des besoins et des enjeux nouveaux.
Nous sommes en revanche beaucoup moins certains que la solution passe par la fusion des deux cantons, pour des tas de raisons que je ne développerai pas ici et qui ont été avancées par mes préopinants d'hier et d'aujourd'hui.
Pour nous, la solution passe plutôt par la constitution de vraies régions, d'entités nouvelles détachées de leur passé et du poids de l'Histoire. Les Verts ont d'ailleurs proposé au niveau Suisse une organisation comportant six régions qui constitue une base de discussion à notre avis intéressante, en tout cas plus intéressante que la fusion de deux cantons.
Plus près de nous, la dimension transfrontalière constitue à nos yeux un enjeu de toute première importance et forme aussi une des dimensions de la région.
C'est donc pour le groupe des Verts: oui à la région, oui à toutes les formes de coopération régionale et transfrontalière pour aboutir peut-être finalement à une vraie région qui soit détachée des cantons ou même des pays, qui passe par-dessus les frontières. Alors: oui à la région, mais non à la fusion Vaud-Genève, et c'est pour cela que la majorité du groupe des Verts s'abstiendra.
M. Jacques Jeannerat (R). J'aimerais faire quelques remarques sur le rapport de notre collègue M. Charbonnier.
La première a trait au débat sur la régionalisation tel qu'il est mentionné dans le rapport. Je crois qu'il faudrait une fois pour toutes cesser de dire qu'on est d'accord d'ouvrir le débat sur la régionalisation et le fermer immédiatement après... Je prends l'exemple de la promotion économique. Je prends aussi l'exemple de la fiscalité... On a vu qu'il était impossible de régler le problème de la fiscalité avec les Vaudois qui travaillent à Genève.
L'initiative est finalement le seul moyen concret pour ouvrir le véritable débat sur la régionalisation.
En effet, cette initiative prévoit une constituante qui, dans un délai de quatre ans, doit rendre un projet de constitution. Les citoyens devront ensuite se prononcer sur cette constitution. Il s'agit donc, en quelque sorte, d'une fusée à deux étages. Le premier étage est le vote sur l'initiative, c'est-à-dire le principe - c'est en quelque sorte les fiançailles. Le deuxième étage est le vote sur le projet de constitution, c'est-à-dire sur les modalités sur les points précis de fond - c'est en quelque sorte le mariage. Si l'action de se fiancer a pour but, en finalité, de déboucher sur le mariage, ce n'est pas sûr à chaque coup... (Rires.)
Le rapport de M. Charbonnier parle également de perte d'identité. Mais, aujourd'hui, qui peut décliner son identité sur un seul terme. Par exemple, qui peut dire qu'il est Genevois et uniquement Genevois. En fait, on se sent Romand quand on est en Suisse alémanique, on se sent Suisse quand on va en France, on se sent francophone quand on va en Allemagne et on se sent Européen quand on va aux Etats-Unis.
L'attachement unilatéral à une communauté n'existe donc plus, à plus forte raison dans une région comme la nôtre, lorsque des milliers de personnes traversent la frontière chaque jour, qu'il s'agisse de la frontière cantonale ou de la frontière nationale pour venir travailler et participer ainsi à la prospérité économique de la région au sens le plus large.
Le rapport de M. Charbonnier parle encore de modification d'équilibre au sein de la Suisse romande... Mais de quel équilibre parle-t-on ? Et de quel projets ? Y a-t-il des projets en cours ?
En réalité, la région existe déjà sur le plan culturel, sur le plan social et sur le plan économique...
Il s'agit donc dès lors simplement de mettre en adéquation la réalité avec les institutions politiques. Il s'agit de faire correspondre trois cercles: celui des utilisateurs, celui des payeurs et celui des décideurs. Il s'agit encore d'améliorer le service aux citoyens, grâce à une meilleure utilisation du produit de l'impôt et il s'agit enfin de mettre en commun les ressources de gré plutôt que de force dans quelque temps, sous la pression financière. (Applaudissements.)
M. Dominique Hausser (S). Je rebondis sur l'intervention de M. Jeannerat... Oui, la région existe, ou, plutôt, les régions existent.
Elles peuvent être géographiques, elles peuvent être économiques, elles peuvent être culturelles, elles peuvent être sociales, elles peuvent être linguistiques et, chaque fois, nous avons des frontières de région qui changent. Sur ce point-là, je vous rejoins donc, Monsieur Jeannerat, la notion même de région a une existence et cette existence varie selon la perspective selon laquelle on la considère.
Quand on parle de la région lémanique, il ne s'agit pas seulement de Genève et Vaud. On peut y ajouter le Valais, on peut y ajouter la Haute-Savoie, on peut encore dire que cela ne concerne pas la totalité du canton de Vaud, mais seulement la partie sud du canton de Vaud.
Si on décide de parler de la Suisse occidentale, à ce moment-là on peut y ajouter encore le canton de Neuchâtel, le canton de Fribourg et on peut même penser à une partie du canton de Berne.
Je crois qu'on se rend bien compte que si on veut raisonner au niveau région, il faut savoir de quoi l'on parle exactement.
Beaucoup sont intervenus au niveau institutionnel pour rappeler que la Confédération était le résultat de négociations, une construction au cours du temps de toute une série de collectivités, de communautés, qui ont décidé de s'allier soit pour résoudre un certain nombre de problèmes soit pour faire face à un certain nombre d'agressions extérieures.
Aujourd'hui,l'équilibre est important. Nous avons les moyens de renforcer les pouvoirs de la Confédération si nous estimons nécessaire que la collaboration intercantonale passe par une discussion au niveau de cette dernière. Nous avons les moyens de travailler avec l'Europe en intégrant l'Union européenne qui est une structure existante si nous estimons nécessaire de le faire au niveau européen. Nous pouvons adhérer à l'ONU de manière à participer aux activités de l'ensemble de la planète.
Maintenant, pour revenir à des choses un tout petit peu plus pratiques, nous avons un outil défini dans la Constitution qui s'appelle le Concordat ou la Convention intercantonale qui permet à différentes entités, sur des intérêts particuliers, de se mettre autour d'une table et de décider d'un commun accord de travailler ensemble sur un dossier. Il y a quelques mois, grâce à un certain nombre de discussions, qui ont d'ailleurs démarré au moment où les cantons de Vaud et Genève avaient envisagé la fusion des hôpitaux universitaires Vaud-Genève, il a été décidé de travailler dans le cadre d'une commission interparlementaire. Ce processus a été répété plus tard, avec les discussions autour des HES. Et puis, finalement, se rendant compte que ce processus était important, l'ensemble des cantons romands ont décidé de faire ce qu'on a appelé la «convention des conventions» qui associe systématiquement les parlementaires au travail visant à mettre sur pied une collaboration entre deux ou plusieurs cantons, de manière qu'on ne soit pas ici seulement pour approuver des projets par oui ou par non.
Je crois que nous avons aujourd'hui, dans le cadre institutionnel qui est le nôtre, les moyens de travailler, de développer la ou les différentes régions, de renforcer l'activité fédérale, de décider qu'effectivement, comme le disait M. Jeannerat tout à l'heure, il est bon que les processus de décision se trouvent au même niveau que les utilisateurs et que, par ailleurs, ils soient au même niveau que ceux qui financent. Les institutions que nous avons aujourd'hui à disposition sont là, et si véritablement nous devions dessiner à nouveau la carte des cantons de la Confédération, il serait bon que cela se fasse pour l'ensemble de la Suisse et pas simplement entre deux cantons dans un coin de cette même Suisse.
C'est la raison pour laquelle nous n'accueillons pas favorablement cette initiative, et nous recommanderons au peuple de la rejeter.
M. Jacques Pagan (UDC). Il va sans dire que le groupe UDC s'oppose à cette initiative trompeuse comme l'a très bien dit hier M. Christian Grobet... (Exclamations.)Le titre : «Oui à la région» est une grave erreur, et il faut carrément dire qu'il s'agit d'un projet tendant à obtenir la fusion du canton de Vaud et du canton de Genève. Je ne sais pas exactement dans quel sens, mais nous verrons cela plus tard, si jamais cela se fait.
J'aimerais simplement ajouter que nous sommes certainement le seul parti au sein de cette enceinte à avoir établi un dialogue avec nos homologues Vaudois, puisque, vous le savez, le parlement cantonal vaudois compte aussi une section UDC, pour discuter de ce projet. Nous sommes naturellement arrivés exactement aux mêmes conclusions. Malheureusement, c'est peut-être très intéressant d'un point de vue théorique, mais ça ne répond pas fondamentalement à un besoin immédiat. Il s'agit plutôt de plans que l'on veut tirer sur la comète, demain... Cela a quelque chose de terriblement abstrait, et je crois que la population qui peut nous regarder maintenant à la télévision n'a que faire de ce genre de choses.
Mais enfin, ce qui m'a fait plaisir à l'occasion de ces travaux préparatoires, c'est que, dans le fond, nous nous sommes découverts, Vaudois et Genevois, tout à fait unis pour défendre exactement les mêmes causes avec la même argumentation, ce qui fait que pour finir, Mesdames et Messieurs les députés, point n'est besoin de fusion pour se bien entendre...
M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais revenir sur les propos tenus hier par M. Grobet, si je ne me trompe pas, au sujet du titre fallacieux de cette initiative.
Je m'étonne que la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, qui a l'habitude de couper les cheveux en quatre - quand ce n'est pas en huit... - se soit laissée menée ainsi sans s'apercevoir que le titre ne correspondait absolument pas au contenu... C'est comme si vous achetiez une bouteille de Haut-Brion et que vous trouviez du picrate vaudois dedans... C'est exactement la même chose ! C'est de nature à tromper l'électeur, et je pense - je me rallie tout à fait à ce qu'a dit hier M. Grobet - que nous ne pouvons pas soumettre au peuple une initiative intitulée «Oui à la région» alors que ce n'est pas du tout ce dont il s'agit: il s'agit de la fusion Vaud-Genève, ce qui n'a strictement rien à voir. Le titre de cette initiative est donc trompeur.
Je ne sais pas comment il faut faire maintenant... Nous aurions dû nous en apercevoir avant, au moment où nous avons voté sur la recevabilité de l'initiative: nous aurions dû la refuser. Et vous auriez bien pu aller au Tribunal fédéral: il n'y a absolument aucun rapport entre le contenant et le contenu ! C'est de la tromperie, et je ne vois pas comment on peut honnêtement soumettre cela au peuple !
M. Christian Grobet (AdG). Je vous remercie, Monsieur Blanc, d'avoir rappelé cet aspect des choses qui a été évoqué hier soir, et je me félicite qu'une fois de plus nous nous trouvions d'accord, Monsieur Blanc... (L'orateur rit.)Et la nuit portant conseil, ou, disons, le temps de réfléchir, je me suis permis de concrétiser l'hypothèse que j'avais évoquée hier soir que notre Conseil vote une résolution à l'intention du Conseil d'Etat.
Je n'ai pas eu le temps, Monsieur Blanc, de faire une recherche de jurisprudence, mais je sais que la jurisprudence du Tribunal fédéral permet à l'autorité qui est chargée d'organiser la votation de préciser un titre qui est de nature trompeuse. Je vois que nous arrivons à la même conclusion en ce qui concerne le caractère trompeur de ce titre, et il m'a semblé, mais le texte de cette résolution vous sera distribué tout soudain, qu'il suffirait, comme je l'avais suggéré hier soir, que l'on mette après le titre de l'initiative que l'on ne peut pas supprimer en tant que tel, entre parenthèses et en caractères gras: (fusion Vaud-Genève).
Comme j'ai annoncé cette proposition de résolution hier soir - vous vous en souviendrez - je pense que notre président acceptera que l'on puisse débattre en discussion immédiate du texte de cette résolution qui invite le Conseil d'Etat, dans le cadre de toute la documentation qui sera envoyée aux électrices et aux électeurs, comme ce qui sera publié dans la "Feuille d'avis officielle", etc., d'adapter à chaque fois le titre avec le complément que je propose. Je crois que cette formule a le mérite de ne pas modifier le titre même de l'initiative, mais, simplement, de le préciser dans le sens voulu par les initiants.
On voit que dans l'excellent rapport de M. Charbonnier qui a repris l'exposé des motifs de l'initiative, les initiants eux-mêmes ont indiqué, en caractères gras, ce qu'ils estimaient être l'essence de cette initiative, c'est-à-dire la fusion Vaud-Genève. Je crois qu'il n'y a rien là d'erroné de vouloir préciser le titre comme il aurait dû l'être.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez reçu le texte de cette résolution. Eu égard au fait...
Une voix. On l'a pas !
Le président. Alors, vous allez l'avoir... Nous l'avons eu au Bureau... Il est en train d'être distribué. Je mettrai sur le compte de notre apprentissage, puisque c'est la première session que nous expérimentons les nouvelles formules, notamment pour la modification de l'ordre du jour, le fait que vous nous la présentiez maintenant. J'aurais préféré que vous nous la présentiez tout à l'heure, mais je l'accepte volontiers, car je crois qu'il ne faut pas trop faire de formalisme. L'ensemble des groupes de ce parlement fait la même réflexion que vous, à savoir que le titre de cette initiative prête à confusion. J'accepte donc que nous parlions de cette résolution.
M. Pierre Kunz (R). Si j'ai bien compris, la résolution en question invite le Conseil d'Etat à adapter le texte, mais on ne doit pas débattre de cela maintenant, n'est-ce pas ?
Le président. Je viens de le dire...
M. Pierre Kunz. Moi qui allait justement complimenter cette assemblée sur la belle entente qui règne aujourd'hui après les invectives d'hier soir: Blanc, Pagan, Grobet, même combat... N'est-ce pas magnifique ! Mais, si on commence à débattre de cette affaire, on risque d'aller loin...
Le président. Cela dépend de vous, Monsieur le député !
M. Pierre Kunz. Enfin, si c'est la volonté de ce parlement, nous nous y ferons !
Mesdames et Messieurs les députés, parmi les initiants, les radicaux ont joué un rôle important, et, fort heureusement, parmi ces initiants il y avait des brasseurs d'idées et des pionniers... Ces brasseurs d'idées et ces pionniers - nous sommes tous d'accord sur ce point - sont ceux qui font avancer le débat politique.
En dernière analyse, nous avons constaté au sein du parti radical que nos opinions étaient divergentes. Certains continuent de penser qu'il faut appuyer cette initiative, car son acceptation populaire aurait des effets très positifs sur les deux cantons et d'autres pensent, au contraire, que cette initiative, si elle devait être approuvée par les peuples vaudois et genevois, ne pourrait se révéler que dommageable pour la cause qu'elle prétend promouvoir. Elle est en effet prématurée, donc irréaliste. Il lui manque en fait tous les fondements économiques, sociaux, financiers, politiques et administratifs, qui la rendraient réalisable. Son acceptation par les Vaudois et les Genevois ne pourrait déboucher que sur des déséquilibres ingérables et, par conséquent, sur une déception généralisée.
C'est donc cet avis qui est celui de la majorité de notre groupe, et c'est pourquoi la plus grande partie des radicaux votera contre l'initiative 117.
M. Antonio Hodgers (Ve). Par souci de transparence démocratique, je crois en effet que la proposition de M. Grobet, pour autant qu'elle soit acceptable, est une bonne idée. Elle permettra ainsi de donner un titre à cette initiative qui, à mon sens, sera complet puisque les initiants veulent dirent oui à la région à travers l'union Genève-Vaud.
Et mon intervention vise justement à modifier le libellé du titre de cette initiative proposé par M. Grobet. En effet, je parlerai d'union et non de fusion pour rendre hommage aux initiants de cette initiative qui parlaient plus volontiers d'union que de fusion, le mot «fusion» ayant une connotation forte au niveau économique, et, également, par égard pour nos citoyens, je parlerai de Genève-Vaud et non l'inverse, qui était le titre vaudois.
Je pense que M. Grobet ne verra pas d'inconvénient à cette petite modification de forme.
Le président. Bien. Toute la question est de savoir s'il s'agit d'une fusion ou d'une union. En ce qui me concerne, je pense que vous allez pouvoir vous prononcer sur ce point. Je vous rappelle que le canton de Vaud a passé une toute petite demi-heure sur cet objet, et que nous en parlons depuis trois quarts d'heure... Quoi qu'il en soit, je vous laisse volontiers la parole... Monsieur Spielmann, vous avez la parole.
M. Jean Spielmann (AdG). Il convient de rappeler également que cette initiative a été lancée à un moment particulièrement important, puisque c'était après l'échec de l'Espace économique européen. Beaucoup de personnes déçues du résultat du vote et des conséquences sur notre canton ont voulu, après cet échec, développer une politique transfrontalière et l'ouverture sur la région. Des modifications ont été faites et le Conseil fédéral a même accepté d'élargir la possibilité constitutionnelle pour les cantons d'aller vers les régions: c'est à ce moment-là que l'initiative «Oui à la région» a été lancée. Alors, bien sûr, beaucoup de personnes interpellées au moment de ce débat ont signé cette initiative.
Pour ma part, j'ai discuté avec certaines personnes à qui j'ai dit que je ne trouvais pas juste d'interpeller les gens qui étaient favorables à la région et de leur faire signer une initiative sur la fusion Vaud-Genève.
Partant de là, le problème posé aujourd'hui n'est pas seulement le titre de l'initiative... Elle a abouti, alors, maintenant, il faut la voter. Le problème ce sont les conséquences politiques qu'elle va avoir sur notre région. A la veille d'un scrutin aussi important que l'adhésion de la Suisse à l'ONU, on ne peut pas oublier que pour faire passer des idées dans ce pays, surtout des idées d'ouverture sur le monde, il faut une double-majorité: celle du canton et celle du peuple.
Il ne serait pas possible d'avoir cette double majorité si tous les cantons qui partagent l'idée d'une Suisse plus ouverte se mettaient à fusionner, car le nombre de leurs voix réduirait de moitié... Je pense que cette idée doit encore faire du chemin, qu'il faut en modifier le concept parce si le résultat de la votation devait être opposé, c'est-à-dire que le peuple vote oui et les cantons non, cela reposerait encore le problème.
Je suis fondamentalement convaincu que notre Confédération est ainsi faite qu'il faut respecter le vote des cantons sous peine de devoir discuter pour les convaincre.
Mais la fusion c'est un autre problème ! Hier, nous avons parlé de différence de fonctionnement des deux cantons, que les députés n'ont pas la possibilité de déposer un projet de loi, mais on n'a pas dit que dans la salle du Grand Conseil vaudois les députés n'ont pas tous une place assise. Il manque en effet environ une quarantaine de sièges. Ils s'assoient donc alternativement. Certains vont à la buvette, puis ils reviennent. Je crois savoir qu'ils vont modifier cela, qu'ils ont réduit le nombre des députés, qu'ils ont modifié la constitution, mais cela pose tout de même un problème de fonctionnement de fond. Des questions se posent: où irions-nous siéger, jusqu'à quelle heure et comment reviendrait-on ? Où les administrés des deux cantons iraient-ils régler leurs problèmes administratifs ? Les gens d'Aigle viendraient-ils à Genève ou les Genevois devraient-ils aller à Yverdon ? Il y a donc toute une série de questions de proximité et des questions de fond qui se posent, indépendamment du fait que la culture et la manière de traiter les problèmes sont très différentes d'un canton à l'autre, aussi bien en ce qui concerne le fonctionnement des communes que les débats. Ces raisons font que cette fusion ne peut faire l'objet d'un vote du peuple pour ou contre celle-ci, sans que tous ces problèmes soient examinés sérieusement. Il me semble qu'aujourd'hui la pesée des intérêts nous incite à voter non à une telle initiative. Et j'aimerais bien qu'on explique clairement, en tout cas le Conseil d'Etat, que ce non à l'initiative n'est certainement pas un non à la région, ce qui serait une catastrophe pour nos voisins. Nous avons le devoir d'expliquer que le canton de Genève a la volonté de développer une politique régionale aussi bien avec le canton de Vaud, que le pays de Gex et la Haute-Savoie. Avec l'ouverture des bilatérales, nous devons impérieusement discuter et débattre de l'ensemble des problèmes, aussi bien ceux liés au déplacement des personnes qu'au transport pour questions économiques. Il serait catastrophique que le message de ce vote - le rejet que j'espère - soit un non à la région. Il est absolument indispensable que nous précisions sur quoi il faut voter de manière qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.
Par conséquent, je pense que cette résolution est la bienvenue. Je trouve vraiment que la commission législative devrait faire davantage attention lorsqu'elle examine le texte d'une initiative, car le titre de cette initiative est une véritable escroquerie: les gens vont dire oui à la région, alors qu'en fait cette fusion engendrera plus de problèmes qu'elle n'en résoudra.
M. Pierre Weiss (L). Je crois qu'en la matière et sans m'exprimer du tout sur le fond de l'initiative sur laquelle nous devrons voter dans quelques minutes - je l'espère - il conviendrait d'éviter d'utiliser des termes qui s'écartent sinon de l'esprit en tout cas de la lettre du texte qui a été proposé à notre attention. Et, plutôt que de parler de «fusion Vaud-Genève» - le terme fusion est d'ailleurs connoté, y compris atomiquement - il serait bon de se référer à ce qui est dit au premier paragraphe de la page 13 de l'initiative 117, soit: «création d'un canton commun unissant en une première étape les cantons de Genève et de Vaud». Je pense que, de la sorte, nous serions respectueux des intentions des initiants et, par ailleurs - et je viens là dans la direction de M. Grobet - nous ne prêterions pas le flanc à la critique selon laquelle nous donnerions une illusion qui ne permettrait pas aux citoyens de comprendre exactement ce sur quoi ils sont appelés à se prononcer. Respectons les intentions mais soyons extrêmement précis et réutilisons les termes qui ont été proposés par les initiants ! Je crois que cela serait une marque de respect pour les signataires de l'initiative que d'aller dans cette direction.
Le président. Bien, je vous prie de bien vouloir déposer votre amendement, Monsieur Weiss. Nous pourrions aussi rajouter l'amitié, tout ce qui nous rapproche du canton de Vaud. Il y en aurait encore pour deux trois phrases, mais je vous laisse libres de le faire... J'essayerai de m'en sortir. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil ne s'est effectivement pas penchée sur le problème du titre de l'initiative, comme l'a dit, M. Blanc tout à l'heure... Nous n'aurions pas du voter sa recevabilité...
Par rapport aux termes fusion, union, amitié - comme disait le président - il faut d'abord être transparents vis-à-vis de la population qui nous reproche déjà trop souvent de lui envoyer des messages pas très clairs.
Et puis, je crois savoir que les Vaudois vont voter sur un texte intitulé «fusion Vaud-Genève». Il me semblerait donc raisonnable, d'autant que les deux cantons vont voter en même temps, que l'on reprenne les mêmes termes, comme l'a proposé M. Grobet.
Mme Anne-Marie Von Arx Vernon (PDC). Le groupe du parti démocrate-chrétien tient à relever l'excellente proposition de M. le député Weiss, qui correspond parfaitement à l'esprit de l'initiative, qui est, dans le fond, d'entamer un processus. Et, dans cette explicitation, nous retrouvons la notion de processus.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Qu'on le veuille ou non, le 2 juin prochain, les citoyens et les citoyennes du canton de Genève et du canton de Vaud seront simultanément invités à se prononcer sur une initiative qui vise, il faut bien le dire, à les unir en un seul et unique canton.
Déposée en avril 1999, l'initiative populaire constitutionnelle Vaud-Genève a recueilli, dans le canton de Vaud, 13 428 signatures valables. Quatorze mois plus tard, soit en juin 2000, l'initiative jumelle mais appelée autrement, «Oui à la région», était déposée à Genève avec 10 104 signatures.
Cette idée de fusion entre les deux cantons a été lancée - M. Spielmann l'a justement rappelé - en préambule d'un éventuel redécoupage institutionnel de la Suisse en quelques régions. Tout en leur reconnaissant le mérite d'ouvrir un débat intéressant sur le fonctionnement de notre système fédéral, les gouvernements de Vaud et de Genève se sont clairement prononcés pour le rejet de ces initiatives.
Cela, Mesdames et Messieurs les députés - et je tiens à le dire très fort ici - n'empêche pas le Conseil d'Etat de Genève de dire résolument oui à la région, mais sans militer pour la création d'un supercanton lémanique, qui, loin de gommer les frontières, ne ferait que les repousser sur un territoire à peine plus vaste.
Genève dit oui à la région par le biais des coopérations intercantonales et transfrontalières, que le canton développe et qu'il entend développer encore davantage avec la Suisse occidentale et avec la France voisine. Car c'est bien dans un espace plus large - cela a été dit - que celui proposé par les initiants que réside désormais notre avenir.
Les macrorégions transfrontalières ou non qui se dessinent à l'échelon européen pèsent, si j'ose dire, quelque 10 millions d'habitants. Autant dire qu'une entité Vaud-Genève ne saurait à elle seule faire le poids. Dans cette perspective, l'avenir ne peut se construire en repoussant la frontière de quelques kilomètres pour créer une nouvelle organisation institutionnelle statique.
A l'intérieur de ces vastes régions, nous devons mettre sur pied, de façon souple, des collaborations à géométrie variable, qui correspondent aux différents bassins de vie et qui offrent une échelle de développement économique pertinente. Genève peut ainsi multiplier les ouvertures vers la Suisse occidentale, mais aussi vers la France voisine avec qui des liens privilégiés doivent être entretenus, vu la position géographique du canton.
Par ailleurs, que ce soit dans le cadre des accords bilatéraux ou dans le cadre de la Conférence des gouvernements de Suisse occidentale - qui, je le rappelle, réunit les cantons du Jura, de Berne, du Valais, de Fribourg, de Neuchâtel, de Vaud et de Genève - de nombreuses collaborations ont déjà eu lieu et, souvent, cette conférence s'est réunie pour essayer de défendre des projets communs. Cela dépasse largement la collaboration que nous pourrions avoir avec une simple fusion Vaud-Genève.
Nous le faisons en collaborant projet par projet, dans un intérêt réciproque. Notre promotion économique, par exemple, travaille déjà avec le canton de Vaud sur plusieurs projets ponctuels. Notre promotion touristique aussi. Notre réseau de transport régional est pensé de façon concertée lorsqu'il s'agit de se manifester auprès de Berne pour défendre certains dossiers comme, notamment, celui de la douane-poste, et, dans ces cas-là, nous parlons d'une seule voix.
Certes, nous avons aussi dans le domaine fiscal, par exemple, nos divergences et nos différences. Des différences historiques, institutionnelles et géographiques, que la fusion proposée voudrait ignorer mais qui constituent une réalité, vous l'avez tous, Mesdames et Messieurs les députés, les uns après les autres, souligné.
L'idée même de région à laquelle les initiants se réfèrent ne recouvre pas la même notion pour les citoyens genevois et vaudois, en raison de l'intensité des liens que chaque canton entretient avec les régions voisines. Pour nous: Rhône-Alpes, l'Ain et la Haute-Savoie, bien entendu, et, pour nos amis vaudois, le Jura français et les cantons du Mittelland. Donc, nous sommes et nous restons attachés à un système fédéral qui a fait ses preuves. Les gouvernements de Genève et de Vaud estiment qu'un éventuel redécoupage - s'il se fait - devrait être réfléchi à l'échelon national, simultanément, par l'ensemble des cantons.
Le président. Il va vous falloir conclure, mon cher président !
M. Carlo Lamprecht. Le projet de fusion des cantons de Genève et de Vaud présente le risque de provoquer des déséquilibres importants au niveau des institutions cantonales, régionales et fédérales.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous invite fermement à rejeter l'initiative, «Oui à la région», et vous prie également d'accepter sur le fond la proposition du député Grobet.
Le président. Nous allons tout d'abord voter sur l'initiative, et, ensuite, si tout le monde est d'accord - je crois que c'est le cas - nous traiterons la résolution présentée par M. Grobet. Nous allons procéder au vote électronique. Monsieur Hiltpold, vous voulez ajouter quelque chose ?
M. Hugues Hiltpold (R). Monsieur le président, je demande l'appel nominal !
Le président. Je n'ai rien entendu, mais je vous ai compris. Le vote nominal est-il soutenu ? Mesdames et Messieurs les députés, la prochaine fois, soyez plus nombreux à lever la main, vous êtes juste à la limite... (Appuyé.)
Nous allons donc voter sur la prise en considération de l'initiative. Je vous rappelle, pour que les choses soient bien claires, que la majorité de la commission par six voix contre une et trois abstentions, a décidé de refuser cette initiative. Par conséquent, ceux qui la refusent, comme la commission, doivent voter non. Le vote est lancé...
Mise aux voix, l'initiative 117 est rejetée par 57 non contre 5 oui et 14 abstentions.
Le président. Il y a donc 57 non... (Exclamations.)Non, non, le résultat affiché est de 55 non, mais les votes de deux députés n'ont pas été pris en compte, ce qui fait 57... (Protestations.)Mais je n'y peux rien, ce n'est pas moi qui suis aux commandes, que voulez-vous que j'y fasse ? La technique est-elle prête pour relancer le vote ? Deux députés n'ont pas pu voter... Peut-on relancer le vote ? Non ! Bien, nous allons en rester là: je demande simplement que figurent les noms de M. Christian Grobet et Mme Jeannine de Haller dans la liste des députés qui ont voté non. Par conséquent, tout devrait rentrer dans l'ordre... (Brouhaha.)
M. Louis Serex. Ce ne sont pas les ordinateurs qui donnent la date des vendanges !
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons continuer nos travaux avec la résolution. Nous sommes saisis d'une proposition de résolution de M. Grobet concernant l'intitulé de l'initiative. Il n'est pas question de changer cet intitulé, car nous n'en avons pas les moyens, et ce n'est pas notre rôle.
Par contre, M. Grobet propose que le Conseil d'Etat mentionne «Fusion Vaud-Genève» lorsqu'il fera les communiqués dans la «FAO» et dans la brochure explicative pour la votation. Nous sommes saisis d'un premier amendement de M. Hodgers pour remplacer «Fusion Vaud-Genève» par «Union Genève-Vaud»... Nous avons un deuxième amendement proposé par M. Weiss... J'ai vu qu'il faisait deux pages et demie, mais je ne le vois pas...
Une voix. Il est là !
Le président. Cet amendement consiste à modifier la résolution présentée par M. Grobet, soit la résolution 455, en complétant l'intitulé «Oui à la région» avec «création d'un canton commun unissant (en une première étape) les cantons de Genève et de Vaud» et en complétant le premier considérant comme suit: «...explicite par rapport au but de l'initiative qui vise à la création d'un canton commun unissant les cantons de Genève et de Vaud auxquels pourraient se joindre un ou plusieurs cantons tiers limitrophes». Voilà !
Monsieur Grobet, vous avez la parole !
M. Christian Grobet (AdG). Je me rallie à l'amendement qui a été proposé par M. Weiss. La résolution a en effet été rédigée un peu rapidement, avec aussi l'idée de mettre entre parenthèses une indication relativement brève. Mais il est aussi vrai que le terme «fusion» n'est pas forcément compréhensible pour toutes les citoyennes et tous les citoyens... (Exclamations.)Personnellement, je trouve que la formulation de M. Weiss a le mérite de reprendre les termes exacts des initiants et que, par voie de conséquence, personne ne pourra nous reprocher d'avoir complété le titre d'une manière qui ne serait pas fidèle à l'expression même de l'initiative... Alors, la formule de M. Weiss est peut-être un petit peu longue, mais elle a au moins le mérite de reprendre exactement les termes de l'initiative et d'éviter ainsi d'éventuelles contestations.
M. Antonio Hodgers (Ve). Comme mon groupe, je me rallierai volontiers à l'amendement de M. Weiss. Je retire donc mon amendement.
Le président. Monsieur Serex, vous avez la parole.
Une voix. Allez, Loulou ! Tu dois te lever !
Une voix. Parle de la date des vendanges ! (Rires et exclamations.)
Le président. Monsieur Serex, je suis en train de me demander si vous êtes rentré chez vous cette nuit... On dirait que vous avez passé la nuit ici ! (Rires.)
M. Louis Serex (R). Monsieur le président, chers collègues, si vous insistez pour que je vous dise quelques mots aimables... (Rires.)...c'est avec un plaisir immense que je vais essayer d'agrémenter cette soirée... (Rires.)Mais, franchement, je ne sais pas pourquoi mon bouton papillonne à chaque fois... Il doit y avoir une interconnexion intellectuelle... (Rires.)...à moins que ce ne soient des problèmes psycho-végétatifs... (Redoublement des rires.)Je pense en tout cas que nous devons avoir les mêmes problèmes tous les deux... (Eclats de rire.)Et, si ça ne va pas trop bien chez vous, chez moi, ça ne va pas du tout ! (Rires et applaudissements.)
Le président. Monsieur Pierre Weiss, vous avez la parole, dans le même ton et le même registre, si possible... (Rires.)
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je m'en voudrais de ternir l'hilarité générale... (Rires.)...sur un sujet qui, évidemment, engage pour les siècles à venir non seulement l'avenir de notre canton mais, également, celui de la Compagnie de 1602, dont nous débattrons par ailleurs.
J'aimerais simplement préciser ici que je remercie M. Grobet et M. Hodgers d'avoir retiré leurs amendements. En ce qui me concerne, vous avez eu quelque peine à lire mon écriture qui est celle d'un gaucher... (Rires.)...qui n'a pas appris à écrire avec des méthodes renouvelées d'enseignement... Néanmoins, j'avais indiqué dans un considérant qui complétait celui de M. Grobet une phrase que l'on trouve dans le texte qu'il nous avait remis - je suis même prêt à retirer le considérant, parce qu'il pourrait sembler trop long à certains - mais l'essentiel est que nous complétions le titre «oui à la région» par les termes que j'ai proposés tout à l'heure. Je crois qu'ils sont suffisamment explicites et non susceptibles d'interprétation peu conforme avec les intentions des initiants.
M. Jean Spielmann (AdG). Je vous informe que la volonté des initiants dans les considérants - cela a été clairement manifesté depuis le départ - a été de lancer les initiatives parallèlement dans les deux cantons. Ils ont même voulu que les votations aient lieu le même jour, soit le 2 juin. Pourquoi le texte de l'initiative genevoise n'est pas le même que celui de l'initiative vaudoise ? Il a une raison politique à cela... Du reste, le résultat de la récolte de signatures le démontre: on a réussi, en utilisant l'expression «oui à la région», à récolter 10104 signatures, soit juste le nombre nécessaire. Mais je suis persuadé que si le terme «fusion» avait été utilisé, on n'aurait pas obtenu un nombre suffisant de signatures. Aujourd'hui, on essaye de cacher les choses. Moi, je pense qu'il faut être précis, et, puisqu'on veut faire les choses en même temps et que les textes soient les mêmes, il faut que le peuple genevois et le peuple vaudois aient les mêmes possibilités de s'exprimer. Si on veut la fusion, il faut que du côté vaudois l'initiative soit intitulée «fusion Vaud-Genève» et, de notre coté, nous devons expliquer qu'il s'agit de la fusion Genève-Vaud, de manière que les gens sachent sur quoi ils votent. Si on donne des explications alambiquées après l'intitulé «oui à la région», les gens ne comprendront pas qu'il s'agit du même objet. Moi, je suis désolé, mais il faut faire les choses le plus simplement possible pour que les gens comprennent !
M. Claude Blanc. Il faut appeler un chat un chat !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter. Je vous propose donc de ne pas modifier les considérants, puisque M. Weiss renonce à cette modification, et je crois qu'il a raison: c'est l'invite qui est importante, le reste l'est beaucoup moins. Je vais prendre la proposition la plus éloignée du texte initial présenté par M. Grobet, c'est-à-dire celle de M. Weiss, qui consiste à ajouter à l'intitulé de l'initiative «oui à la région»: «création d'un canton commun unissant (en une première étape) les cantons de Genève et de Vaud»
M. Claude Blanc (PDC). Cela fait un bon moment que nous tournons autour du pot, en essayant de faire de la phraséologie... Finalement, M. Spielmann a raison: il faut appeler un chat un chat...
Une voix. Miaou !
M. Claude Blanc. Or, de quoi s'agit-il ? De la fusion de deux cantons en un seul ! Rien d'autre ! Vous pouvez faire toutes les circonvolutions verbales que vous voudrez, cela ne changera rien au fond. Les citoyens sont appelés à voter sur la fusion, il faut donc le dire honnêtement et que les choses soient claires et simples pour tout le monde !
Une voix. Bravo !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'appuie ces dernières interventions.
Pour avoir suivi ce dossier attentivement du début jusqu'à la fin, l'honnêteté - y compris par rapport à nos voisins vaudois, d'ailleurs - voudrait - puisque les initiants ont insisté très fortement pour que l'on vote le même jour de la même manière - que les citoyens genevois sachent sur quoi votent leurs voisins vaudois. Ce d'autant plus que les Vaudois sont libres de mettre entre parenthèses s'ils le souhaitent ce sur quoi votent leurs voisins genevois. C'est leur affaire. Mais par honnêteté pour les citoyens qui se sont battus pour que l'on vote le même jour et vu que la responsabilité des initiants est engagée, je propose que l'on mette entre parenthèses «création d'un canton Vaud-Genève».
Le président. Bien, comme hier soir, vous me facilitez la tâche... Je continue à appliquer le règlement en faisant voter la proposition la plus éloignée, à moins qu'elle ne soit retirée...
Monsieur Pierre Weiss, vous avez la parole.
M. Pierre Weiss (L). Bien que cette proposition ne reprenne pas exactement les termes qui figurent dans le texte qui nous a été soumis, mais parce qu'elle correspond exactement à l'intention des initiants, je retire mon amendement en faveur de la suggestion de Mme Brunschwig Graf.
Le président. Puis-je vous proposer, Madame Brunschwig Graf, pour abréger les débats, de prendre la parole tout de suite, cela simplifierait les choses... (Exclamations.)Je fais donc voter, puisque la proposition de M. Weiss est retirée, la proposition de Mme la conseillère d'Etat, qui consiste à ajouter à la dernière phrase de la résolution, après le libellé «création d'un canton Genève-Vaud».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, la résolution 455 ainsi amendée est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
Suite du premier débat
Le président. Nous avions laissé ce point de côté lors de la séance de 17h d'hier dans l'attente d'un budget. Je vous donne la parole, Monsieur le rapporteur.
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Je me dois de donner quelques informations complémentaires au rapport, puisque ce sont des informations qui sont parvenues après le dépôt du rapport.
J'aimerais d'abord rappeler que le projet de loi a été présenté par le Conseil d'Etat en juillet 2001, qu'il n'a été traité à la commission des finances que le 16 janvier 2002 demandé en urgence, puisque les manifestations du 400e débuteront le 1er juin de cette année.
Le montant que nous devons voter est de 731 600 F et non pas de 651 000 F comme indiqué dans le titre. Le projet de loi a été modifié, puisque, suite au dépôt du projet par le Conseil d'Etat, le département de l'instruction publique a décidé de soutenir un autre projet de 80 000 F qui était pris dans le budget «Grandes manifestations». Pour des questions de lisibilité, le projet de loi a donc été amendé: ces 80 000 F ont été additionnés au montant initial, ce qui porte le montant à voter à 731 600 F.
Les commissaires des finances n'étaient pas en possession du budget de la manifestation, au moment de l'examen de ce projet de loi, ce qui semblait la moindre des choses, et l'on peut s'étonner d'ailleurs que le Conseil d'Etat ait approuvé un projet de loi sans voir le budget... Nous l'avons donc demandé et nous l'avons obtenu aujourd'hui même... Il a été remis dans sa version complète à chaque groupe et dans sa forme raccourcie à tous les députés.
La question qui avait été posée par rapport au rallye canin qui avait provoqué quelques étonnements est élucidée, puisque nous avons appris tout à fait dernièrement que le comité avait renoncé à l'organisation de cette manifestation.
Je terminerai en disant que sur le montant de 731 600 F qui est soumis au vote, 170 000 F sont déjà pris sur le budget «Grandes manifestations» que nous avons voté en même temps que le budget de fonctionnement annuel de l'Etat de Genève.
Dernière chose: on peut s'apercevoir que 35% du montant global budgété est financé par des fonds privés, 35% par le produit des ventes lors de la manifestation et les 30% qui restent correspondent au projet de loi qui nous est soumis. Pour une manifestation de cette ampleur, je relève l'importance des fonds privés: 35%.
Je vous suggère d'approuver ce projet de loi.
M. Jean Spielmann (AdG). Dans le cadre des travaux de la commission, je m'étais opposé à ce projet, non pas que je sois contre la fête de l'Escalade et la manière dont elle se déroule, car je trouve que le travail effectué est excellent. Mais, à mon avis, un tel budget mériterait un minimum de sérieux dans la présentation, d'autant plus que l'on nous a expliqué en commission que les gens qui avaient élaboré ce projet sont des responsables de milieux bancaires, qui sont donc tout à fait au courant de la manière dont on doit présenter un budget...
Si je compare la version d'aujourd'hui à celle de mercredi - il y a deux jours - de petites modifications sont intervenues mais, par contre, on ne trouve pas dans le budget le montant qui correspond au projet de loi que l'on va voter. On va donc devoir voter 731 600 F moins 170 000 F déjà accordés, soit 561 000 F. Si on examine le budget qui nous a été distribué aujourd'hui, on voit que la subvention du canton figure à plusieurs endroits, pour une somme avoisinant les 300 000 F, mais on ne sait pas très bien sous quelles rubriques chercher le reste... J'imagine que nous aurons la possibilité de ventiler ces sommes, parce que ceux qui se sont amusés à chercher à comprendre la présentation des comptes se sont rendu compte qu'il y avait, en tout cas au niveau des recettes, quelques problèmes. Par exemple, on va organiser, entre le 13 et le 20 août, une grande fête aux Bastions avec, si j'ai bien lu, trois cents personnes costumées qui vont défiler. Les prix d'entrée seront de 40 F par personne, et on estime que dix mille personnes seront présentes, ce qui permettra de boucler les comptes de cette manifestation. C'est la même chose pour les multiples autres prestations. Mais on a supprimé, entre mercredi et aujourd'hui, une série de dépenses, notamment s'agissant des frais administratifs, ce qui fait qu'on nous présente aujourd'hui un compte final équilibré... Alors, si ce compte est équilibré, je me demande où vont aller les quelque 600 000 F que l'on verse... (L'orateur est interpellé.)Ils sont dedans mais en partie seulement, Madame la conseillère d'Etat ! Si vous regardez bien, 107 000 F figurent dans une des recettes correspondant au banquet annuel, 126 000 F correspond à la journée d'ouverture - et 100 000 ailleurs... Je n'ai retrouvé qu'un peu plus de 300 000 F ressortant du projet de loi... On ne sait pas très bien à quoi le reste correspond...
Mon intention n'est évidemment pas de gâter le 400e anniversaire de la fête de l'Escalade, mais je tiens tout de même à dire que certaines manières de présenter un budget et des comptes rendent difficile leur approbation. Je rends ce Grand Conseil attentif au fait que nous allons voter une subvention totale de 731 600 F, qu'il y aura certainement plus de déficit que prévu, parce que je suis persuadé que la plupart des manifestations ne feront pas le plein vu le prix des places. Il y aura donc probablement des trous à boucher. J'espère que d'autres que l'Etat le feront. Je constate simplement qu'on prévoie aussi que tous les théâtres contribueront au financement, que le département de l'instruction publique payera une des manifestations de la bande dessinée, à hauteur de plus d'une centaine de milliers de francs, que la Ville participera, que le Grand Théâtre va faire une grande manifestation et payera aussi. Tout cela représente un volume global de dépenses important, et je ne sais pas si vous vous rendez bien compte où nous entraînent ce 400e anniversaire et les gens qui l'organisent ! En tout cas, ceux qui ont les documents en main - les trois budgets successifs avec des chiffres complètement différents et farfelus - se rendront compte que nous sommes entraînés dans une aventure périlleuse, car, je le répète, je ne suis pas persuadé que les comptes pourront être équilibrés.
Je vous défie de réexpliquer ce que vous avez expliqué aujourd'hui sur les comptes, Monsieur Odier. Je suis sûr que vous ne vous y retrouverez pas.
Le président. Madame Morgane Gauthier, vous avez la parole... Ce sera le 72, Madame... Voilà !
Une voix. Il ne fonctionne pas !
Le président. Il est bloqué ? Bien, alors je vous prie de prendre la place de M. Hodgers, Madame ! Vous avez la parole.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Merci, Monsieur le président, merci, Madame.
Les représentants des Verts ont soutenu ce projet de loi en commission, et nous le soutiendrons évidemment ce soir, même avec les imprécisions qu'il comporte. Effectivement, ce budget n'est pas assez précis, mais, néanmoins, nous ne voulons pas bloquer ce projet en n'accordant pas le crédit ce soir, car nous estimons que cette fête est extrêmement importante pour le canton dans son ensemble.
Malgré cela, je voudrais rappeler que nous demandons au Conseil d'Etat d'accorder une attention toute particulière aux dépenses liées à ce projet de loi et de revenir vers nous à la commission des finances en nous expliquant bien où est passé exactement cet argent, en accord avec la Compagnie de 1602.
M. Claude Blanc (PDC). Je rejoins les propos de M. Spielmann et je reviens à ce que nous disions tout à l'heure: il faut que les choses aient le goût de ce qu'elles sont, comme disait Brillat-Savarin, c'est-à-dire qu'il faut savoir ce que l'on mange...
Nous sommes ici en présence d'un budget global dans lequel je vois deux lignes: une pour le mécénat et l'autre pour le sponsoring. Alors, bien sûr, le mécène est celui qui donne sans compter et le sponsor est celui qui donne en espérant recevoir... C'est comme cela que l'on peut différencier ces deux mots.
Mais où est la contribution de l'Etat ? La moindre des choses, la moindre honnêteté, lorsque l'on présente un budget et qu'on estime des recettes, serait d'écrire: «Participation de la République et canton de Genève: 731600 F». Ainsi, on saurait que l'Etat a versé une subvention à hauteur de cette somme. Or, là, l'Etat est perdu dans le mécénat et le sponsoring... On ne sait trop où... On nous demande de l'argent mais on nous présente un budget où ce que l'on donne n'apparaît pas ! Cela me paraît vraiment inconcevable ! Je ne comprends pas en vertu de quoi on présente un budget de cette manière... Je ne comprends vraiment pas !
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Je comprends l'étonnement des personnes qui se sont exprimées par rapport à la présentation de ce budget... Par contre, je ne pense pas que cela autorise à parler d'honnêteté ou de malhonnêteté, Monsieur Blanc ! Je pense que c'est uniquement une question de présentation...
Quant aux auteurs du projet de loi, je regrette, ils ne viennent pas des milieux bancaires, il émane de la chancellerie.
Maintenant, je vais vous donner deux ou trois explications par rapport au montant articulé. Un budget général a été distribué pour chaque groupe ici représenté. Le montant de 126 500 F concerne le coût du banquet figure dans le budget. Un deuxième montant de 126 500 F y figure aussi pour la journée d'ouverture, ce qui fait 253 000 F. Il y a un montant de 90 000 F pour le spectacle école compris dans le budget déjà accordé au DIP et les 308 600 F sont dispatchés dans les différentes rubriques en dessous: administration, publicité, achat de timbres, etc. Comme il est indiqué dans le projet de loi, sous chiffre 1, les dépenses réelles seront facturées à la Compagnie de 1602 qui redemandera à la chancellerie le versement de ces sommes. On ne peut effectivement pas dire que la présentation de ce budget soit conventionnelle par rapport aux subventions que nous avons l'habitude de voter, mais le projet vient de la chancellerie qui l'a élaboré dans l'urgence, et c'est ce qui explique le résultat. Toutefois, je considère qu'il faut voter ce montant comme une enveloppe. Considérant l'ampleur de la manifestation qui se déroulera sur six mois, qui fera appel aux deux mille cinq cents membres de la Compagnie de 1602, par rapport à ce qu'on connaît de cette compagnie, des manifestations qu'elle organise chaque année à l'occasion de l'Escalade, à l'importance que cela revêt pour Genève, je ne pense pas que l'on doive s'arrêter à ces considérations de présentation...
En revanche, nous pouvons effectivement demander au Conseil d'Etat qu'il ait un oeil des plus attentifs lors du déblocage des sommes pour payer les différentes factures qui seront présentées.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de stopper la liste des intervenants, qui sont au nombre de huit. Il s'agit de MM. Hausser, Weiss, Pagani, Spielmann, Portier, Glatz et Velasco, et, pour finir, M. Laurent Moutinot.
Je suspends les travaux, puisque nous devons traiter un rapport de la commission de réexamen en matière de naturalisation à huis clos. Nous reprendrons nos travaux à 20h30.
Je demande aux personnes à la tribune et aux journalistes de bien vouloir quitter la séance.
La séance publique est levée à 18h50.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
L'objet est clos.
La séance est levée à 19h10.