République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 octobre 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 11e session - 49e séance -autres séances de la session
No 49/IX
Vendredi 27 octobre 2000,
nuit
La séance est ouverte à 20 h 30.
Assistent à la séance : Mme et MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Gérard Ramseyer, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot, Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et M. Carlo Lamprecht et Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Marie-Paule Blanchard-Queloz, Anne Briol, Nicolas Brunschwig, Régis de Battista, Luc Gilly, Claude Haegi, Michel Halpérin, Yvonne Humbert, Louiza Mottaz, Jacques-Eric Richard et Charles Seydoux, députés.
3. Correspondance et pétitions.
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil, ainsi que l'acheminement qui lui est réservé.
1250 Lettre 2000013685
Commentaire/Amendement :
Lecture en a été donnée le 27.10.2000 à 20h30
Pris acte Le 27/10/2000 à 20h30
Nous avons reçu un courrier de Mme Myriam Sormanni-Lonfat concernant son exclusion du groupe socialiste par M. Dominique Hausser, contresignée par Mme Christine Sayegh.
Le président. Par ailleurs, la pétition suivante est parvenue à la présidence:
Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions.
Mme Myriam Sormanni-Lonfat(HP). Monsieur le président, je demande la lecture de ma lettre.
Le président. Votre demande est-elle appuyée ?... Je compte neuf mains levées et il en faut dix. Je suis désolée, Madame... (Protestations.) Bien, soyons beaux joueurs, lisons la lettre de Mme Sormanni. Madame la secrétaire, à vous !
Annexe lettre Mme Sormanni 3 pages
2
3
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Le président. Est parvenue à la présidence la proposition de motion suivante :
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine session.
c) de propositions de résolutions;
Le président. Nous avons reçu la proposition de résolution suivante :
M. René Ecuyer (AG). Monsieur le président, je souhaiterais que cette résolution soit traitée ce soir, étant donné l'actualité.
Le président. Ce texte a déjà été distribué. Vous auriez dû intervenir au point 4 «Discussion de l'ordre de jour», Monsieur Ecuyer, mais je peux comprendre qu'il soit souhaitable de traiter cet objet en urgence. Je mets donc aux voix la proposition de traiter cette résolution ce soir.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
La Commission des finances a étudié le projet de loi 8312 lors de sa séance du 27 septembre 2000 sous la présidence de M. Dominique Hausser.
Ont assisté à la séance :
Le procès-verbal a été établi par Mme Eliane Monnin avec grande précision.
Qu'elle soit tout particulièrement remerciée de m'avoir fait parvenir l'extrait du procès-verbal concernant ce projet de loi dans les jours qui ont suivi notre séance afin que je puisse rédiger ce rapport dans le délai imparti.
Présentation du projet
M. Laurent Moutinot, président du DAEL, commente le projet de loi à la commission en rappelant que la Commission des finances a apporté deux modifications au projet de financement initial de la halle 6, présenté par le Conseil d'Etat, l'un consistant à diminuer la dotation de l'Etat de 35 millions, l'autre à ce que ladite dotation soit financée par un centime additionnel sur les personnes morales, considérées comme les principales bénéficiaires de l'opération.
Lors du débat en séance plénière du Grand Conseil, les assurances ont été données que le Conseil d'Etat s'efforcerait de respecter cette décision et il a effectivement essayé de trouver la formule qui puisse la remplir.
Or, force est de constater que les collaborations ont été difficiles avec certaines entités. Le Conseil d'Etat s'est trouvé dans la situation où le consortium BCGe - Crédit Suisse, le seul à être resté en lice, s'est montré d'accord de prêter davantage, soit le montant voté par le Grand Conseil, mais à la condition d'un cautionnement solidaire de l'Etat de Genève, d'une part, et d'un amortissement sur 20 ans, d'autre part.
Dans ces conditions, le Conseil d'Etat a jugé préférable de demander à la commission de revenir au mode de dotation prévu au départ, soit 35 millions de plus. Par contre, prenant acte de sa volonté de le financer par un centime additionnel, le Conseil d'Etat l'a immédiatement prévu dans le projet de loi, en prolongeant la durée de perception dudit centime.
Ce mode de financement permettra d'éviter ultérieurement des charges financières qui peuvent être, malgré tout, lourdes pour une montée des taux d'intérêts pour l'une ou l'autre des structures (Palexpo ou Orgexpo). Il permettra également d'éviter de trop dépendre des bailleurs de fond dont l'attitude n'est pas toujours irréprochable.
En conséquence, le Conseil d'Etat exprime le souhait que la commission vote l'augmentation de 35 millions du capital de dotation en faveur de la Fondation pour la halle 6 plutôt que d'accepter des conditions bancaires jugées déraisonnables et qui sont en réalité une situation de codébiteur, à partir du moment où l'Etat est caution solidaire. En outre, s'agissant du financement, le Conseil d'Etat propose de prolonger le système adopté à l'époque.
Enfin, le Mémorial atteste que les uns et les autres s'étaient montrés d'accord d'accepter une dotation supplémentaire aux mêmes conditions, si elle s'avérait nécessaire. Le Conseil d'Etat reste ainsi dans la logique du débat de janvier 2000.
Travaux de la commission
Les membres de la Commission des finances ont fait part de leur réprobation face à cette situation de « fait accompli ».
Certains attribuent les difficultés de financement de la halle 6 à la mauvaise ambiance qui existe actuellement entre Orgexpo et l'Etat de Genève, d'autres se posent des questions sur la mauvaise volonté, qui paraît manifeste, voire même l'incompétence, dans la recherche de financement de cet investissement par la Fondation pour la halle 6. Le recours déposé contre la décision du Grand Conseil, puis retiré, en est la démonstration.
La rapporteuse, ayant assisté à la présentation du dossier lors de l'examen de la loi 8137 devant la Commission des finances, ose espérer que l'échec de la recherche des fonds n'est pas dû à une présentation aussi fantaisiste des perspectives financières auprès des banques que celle à laquelle la Commission des finances a eu droit ! Sans entrer dans les détails, il suffit de se rappeler la sous-estimation importante des revenus supplémentaires escomptés suite à cet investissement, dont aucune explication crédible n'a pu être donnée.
L'attitude des banques approchées dans ce dossier a également été évoquée.
Le financement de ce crédit sera assuré par une augmentation de 1 centime additionnel sur l'impôt des personnes morales pendant une durée plus longue que prévue initialement dans la loi 8137, soit pour les années fiscales 2005 à 2014 au maximum.
Vote de la commission
Commissaires présents au moment du vote : 11
Entrée en matière
Articles 1, 2 et 3
Art. 4
Un vote formel sur l'article 4 est demandé
Vote final
Conclusions
Malgré l'irritation d'une bonne partie de la commission de se trouver dans une situation de fait accompli, elle constate qu'elle n'a pas d'autre choix que de procéder à cet investissement pour atteindre l'objectif fixé, étant précisé que le financement de cet investissement complémentaire se fera par une prolongation de la durée de perception d'un centime additionnel supplémentaire sur l'impôt des personnes morales.
Compte tenu de ce qui précède, c'est finalement par 10 oui (3 AdG, 3 S, 2 R, 1 DC, 1 L) et 1 abstention (1 L) que la commission vous recommande d'accepter ce projet de loi.
Premier débat
Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse. Cette augmentation du capital de dotation est indispensable afin d'assurer l'achèvement de la halle 6 pour le Salon de l'automobile et l'exposition Telecom 2003.
La Fondation pour la halle 6 s'est, hélas, montrée incapable d'obtenir plus que 30 millions de prêts, sur les 60 millions nécessaires au total, auprès du consortium bancaire, à savoir la BCG et le Crédit Suisse, et ceci sur la base des projections budgétaires fournies par la même fondation. Si ces projections de revenus supplémentaires escomptés, suite à la réalisation de la halle 6, étaient identiques à celles qui ont été présentées à la commission des finances lors de l'étude des projets de lois précédents, au début de cette année, il n'y a rien d'étonnant à ce que les banques refusent de prêter les 35 millions supplémentaires à la fondation. En effet, si les promoteurs et l'exploitant eux-mêmes présentent une vision aussi pessimiste quant à leur capacité d'obtenir les recettes supplémentaires, il est évident que ce n'est pas le consortium bancaire qui va pouvoir ni vouloir affirmer le contraire !
En l'état, l'effort supplémentaire de 35 millions de la collectivité sera financé par une prolongation de la durée de perception d'un centime additionnel supplémentaire sur l'impôt des personnes morales pour les années 2004 à 2014 au maximum.
M. René Koechlin (L). Comme nous l'avons relevé lors du débat de préconsultation sur ce projet, nous nous trouvons exactement dans la situation que nous avions annoncée au mois de janvier. Nous constatons que, sur les bancs d'en face, on est revenu à de meilleurs sentiments et que l'on admet que l'Etat doit aussi prendre sa part dans le financement de la halle 6, comme nous le défendions au mois de janvier. En revanche, nous regrettons qu'on suggère, à l'article 4 de ce projet, de faire appel à un accroissement du centime additionnel pour les personnes morales.
Nous l'avions relevé en janvier : les rendements bruts de ces investissements pour la halle 6, lorsqu'ils sont correctement équilibrés entre l'Etat et Palexpo-Orgexpo, tournent entre 7% et 7,5%, ce qui nous paraît tout à fait acceptable et raisonnable pour un financement public. Compte tenu de ces rendements, il n'y a aucune raison de trouver d'autres sources pour financer cet investissement. Le rendement est tel que nous n'aurons aucune difficulté à trouver les crédits nécessaires. Quand l'Etat doit investir dans une opération sans rendement - une école, un cycle d'orientation - cela peut effectivement poser des problèmes, car il n'y a aucun retour, c'est un investissement, je dirais, à fonds perdus. Mais, dans le cas particulier, c'est différent, j'en ai fait la démonstration au mois de janvier. Je m'étais donné la peine de rédiger un rapport pour les commissions des finances et des travaux réunies, qui démontrait, si nécessaire, que le rendement correspondant à la proposition de financement faite par le Conseil d'Etat à l'époque était tel que, non seulement il n'y avait aucune raison de modifier le projet qui nous était présenté, mais que, de surcroît, il était inutile et superflu de prévoir la hausse d'un impôt quel qu'il soit, même du centime additionnel pour les personnes morales !
Aussi, nous déposons un amendement visant à modifier l'article 4, moyennant quoi nous soutiendrons ce projet. D'ailleurs, je vous dirai que notre groupe a de toute manière l'intention soit de le soutenir, soit de s'abstenir, parce que c'est un investissement qui nous paraît indispensable et que le chantier est en cours. Mais, en l'état, nous estimons que la manière de le financer est tout à fait erronée et abusive. Cela relève, de la part de ceux qui soutiennent cet article 4, davantage de la doctrine que d'une analyse objective des réalités financières liées à cet investissement ; cela ne nous étonne pas, mais nous le déplorons.
Nous savons que votre doctrine, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, consiste à augmenter les impôts chaque fois que vous en avez l'occasion. Chaque fois que vous pensez ne pas devoir trouver d'opposition, crac, vous en profitez pour proposer une hausse des impôts ! C'est malheureusement plus doctrinaire que raisonnable, et en tout cas plus doctrinaire qu'intelligent !
M. Dominique Hausser (S). En termes extrêmement diplomatiques, la rapporteuse de la commission des finances rappelle que la capacité financière d'Orgexpo permet d'assurer le financement de la halle 6. En termes extrêmement diplomatiques encore, elle démontre - je vous renvoie au rapport sur le PL 8137-A - que la capacité financière de Orgexpo permet de financer cette opération sans apport supplémentaire de l'Etat. Enfin, elle démontre, toujours en termes très diplomatiques, que le conseil d'administration d'Orgexpo a visiblement traîné les pieds et que les banques ont décidé de ne pas jouer le jeu, alors même que tous dans cette assemblée, et particulièrement les députés de l'Entente, soutenaient que c'était une opération rentable pour les entreprises genevoises.
Face à cette mauvaise foi, la majorité de ce parlement rappelle qu'elle souhaite non seulement la réalisation de la halle 6, mais aussi celle de la deuxième étape, qui est essentielle pour l'ouverture de la Genève internationale, c'est-à-dire un centre de conférences, digne de ce nom, permettant d'accueillir des scientifiques, des défenseurs des droits de la personne et d'autres acteurs que la majorité parlementaire souhaite voir à Genève encore plus fréquemment qu'aujourd'hui. C'est pourquoi nous sommes prêts à accepter cet emplâtre que nous présente le Conseil d'Etat et à voter ce projet de loi, parce qu'il est lié à une prolongation de la participation financière des personnes morales - au travers de la fiscalité - qui sont directement intéressées à cette opération.
Cela dit, une fois ce projet de loi accepté, mais évidemment sans l'amendement proposé par les libéraux - M. Koechlin croit quelquefois être Dieu le Père dans cette République, mais ce n'est pas parce qu'il dit une chose qu'elle a de la valeur ! - il est indispensable que le Conseil d'Etat prenne des mesures sérieuses concernant le conseil d'administration d'Orgexpo, afin que ce dernier, qui vit des deniers publics, soit un peu plus respectueux de ceux qui l'ont mis en place ! Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il est nécessaire d'accepter ce projet de loi, même si c'est en traînant un peu les pieds ; je crois qu'il est nécessaire de nous assurer de la réalisation de cette opération et de faire le ménage !
M. Bernard Clerc (AdG). Notre groupe a repris la discussion à l'occasion de ce projet de loi et tient à rappeler un certain nombre de choses. Tout d'abord, le projet tel qu'il est en cours est un projet très onéreux, puisque la première étape coûtera 185 millions et qu'avec le centre de congrès on arrivera à 240 millions. Nous l'avons dit à plusieurs reprises : il nous semble qu'il aurait fallu chercher une solution moins onéreuse.
Face à cette situation, nous avions accepté, en début d'année, un compromis qui consistait à ramener la participation du canton à 35 millions, pour autant que cette participation soit financée par un centime supplémentaire sur l'impôt des personnes morales. A l'évidence, Palexpo-Orgexpo a traîné les pieds, il n'y a pas eu de volonté d'obtenir les crédits bancaires nécessaires pour le reste du financement, ce qui conduit aujourd'hui à ce projet, nous mettant, en quelque sorte, devant le fait accompli.
Pour l'ensemble de ces raisons, notre groupe a décidé de refuser ce projet de loi.
M. Christian Brunier (S). Je ferai deux commentaires et je finirai par un message rassurant pour M. Koechlin. Il y a deux enseignements à tirer de cette affaire. Premièrement, nous avons vu qu'aller chercher des fonds privés est une opération difficile, compliquée, que c'est un véritable métier et que le gouvernement a géré le dossier un peu en amateur... (Exclamations.) En effet, il ne suffit pas d'aller manger avec les chefs d'entreprises et de demander la charité pour obtenir des fonds. Deuxième enseignement : les responsables d'Orgexpo nous avaient dit qu'ils allaient mettre des semelles de plomb pour aller chercher des fonds et on s'aperçoit qu'avec des semelles de plomb on n'arrive évidemment pas au but. On arrive à la situation d'aujourd'hui, où c'est au parlement d'être imaginatif et de trouver des solutions, solutions qui ont été proposées par le gouvernement et qui satisfont en tout cas les socialistes.
Quant à M. Koechlin, il a dit que la gauche était dogmatique, qu'elle faisait peur au monde économique, qu'elle faisait peur aux entreprises... J'ai également entendu M. Balestra nous dire tout à l'heure qu'il fallait être neutre et objectif. En l'occurrence, dans l'édition d'aujourd'hui d'«Entreprise romande», qui est un journal plutôt de votre tendance et pas forcément proche de nous, j'ai vu qu'il y avait un article sur Genève et les entreprises. En le lisant, je découvre que Genève, alors qu'il y a une majorité de gauche dans ce parlement qui devrait faire peur aux entreprises, Genève a tout pour attirer les entreprises étrangères ! Je continue ma lecture et je vois qu'une comparaison vient d'être faite entre différentes villes d'Europe pour savoir quelles sont les villes les plus attractives pour les entreprises. Eh bien, dans ce journal qui est proche de vous, Mesdames et Messieurs de la droite, je lis que Genève fait partie des villes les plus attractives pour les entreprises et qu'un de ses attraits, c'est bien sûr son aéroport - M. Lamprecht sera content ! - mais également, je cite, «les conditions fiscales parmi les plus avantageuses d'Europe pour les entreprises»... (Bravos et exclamations.) Avec une majorité de gauche au parlement, avec une conseillère d'Etat de gauche à la tête des finances, Genève est devenue une des villes les plus attractives pour les entreprises !
C'est dire que nous trouvons normal que les entreprises participent à un investissement qui sera bon pour elles, qui sera bon pour notre canton, qui sera bon pour nous tous. Nous espérons que ces entreprises auront du plaisir à participer à la construction de la nouvelle halle de Palexpo et que, si elles se portent bien, elles permettront aussi à leurs employés de se porter mieux ! (Applaudissements.)
M. Claude Blanc (PDC). Mesdames et Messieurs, le débat de ce soir était déjà prévisible au mois de janvier. Au mois de janvier, quand vous avez diminué la participation de l'Etat, vous saviez très bien qu'on n'arriverait pas à nouer les deux bouts et qu'il faudrait revenir sur le financement. Vous le saviez, vous avez voulu l'ignorer et ce soir nous y revenons !
Maintenant, quant à savoir qui doit payer, vous tenez évidemment le couteau par le manche et vous dictez votre volonté. Mais les choses évolueront et, dans un avenir pas trop lointain, nous pourrons sans doute revoir cette position. S'agissant de savoir si nous sommes la ville la plus attractive pour les entreprises, il est vrai que, d'une manière générale, nous le sommes : il y a trois ans, nous l'étions et les entreprises espèrent que, dans une année, nous le serons de nouveau !
M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs, lors du débat de janvier, nous vous avions loyalement indiqué que nous ferions tout pour respecter le plan financier voulu par votre Grand Conseil et c'est évidemment avec un certain sentiment d'amertume que le Conseil d'Etat doit reconnaître n'y être pas parvenu. Ce n'est pas faute d'avoir fait des efforts - nous n'avons pas été manger avec les chefs d'entreprises, Monsieur Brunier, je ne sais pas d'où vous sortez cette information ! - mais nous n'y sommes pas parvenus.
En l'occurrence, la dernière proposition du seul consortium bancaire à être entré en matière consistait à exiger de l'Etat une caution solidaire. Or, vous savez qu'être caution solidaire, ce n'est rien d'autre qu'être débiteur de la dette, sans avoir aucun avantage, raison pour laquelle il nous est apparu préférable de revenir devant votre Conseil avec une demande d'augmentation de la participation de l'Etat. Cela dit, il s'agit bien d'un projet du Conseil d'Etat et non d'un projet de la majorité parlementaire : nous avons pris acte de votre décision de janvier, à savoir que ce financement devait être couvert par un centime additionnel supplémentaire, et c'est la raison pour laquelle nous l'avons immédiatement incorporé au projet de loi. Il y a un avantage évident à ce mode de financement, c'est que les charges financières qui pèseront sur Orgexpo et Palexpo seront réduites d'autant.
Je saisis l'occasion de ce débat pour vous indiquer qu'à ce jour les travaux adjugés devaient atteindre, selon le devis général, 104 millions de francs et qu'ils ont été adjugés pour 102 millions. Pour l'instant, nous sommes donc parfaitement dans la cible, même légèrement en dessous, et j'espère que cela durera pour le total des 157 millions.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter ce projet de loi tel qu'il vous a été proposé par le Conseil d'Etat et tel que la majorité de la commission des finances l'a accepté.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3.
Art. 4
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de MM. Koechlin et Ducrest, consistant à modifier l'article 4, relatif au financement de l'objet. Je le lis :
«1 Le financement de ce crédit est assuré, au besoin, par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissements «nets-nets» fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissement sont à couvrir par l'impôt.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 4 est adopté, de même que les articles 5 à 7 (souligné).
Troisième débat
Mis aux voix, ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit d'investissement
Un crédit d'investissement complémentaire (à la loi n° 8137 du 21 janvier 2000 - 35 000 000 F) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'augmentation du capital de dotation de l'Etat de Genève en faveur de la Fondation pour la halle 6, de 35 000 000 F.
Art. 2 Inscription au patrimoine administratif
Ce capital de dotation est inscrit dans le bilan de l'Etat de Genève au patrimoine administratif sous "; Capital de dotation - Fondation pour la halle 6 ".
Art. 3 Budget d'investissement
1 Pour 2000, la première tranche de ce crédit complémentaire sera comptabilisée dans les comptes sous la rubrique 54.02.00.523.10.
2 Ce crédit complémentaire se répartit en quatre autres tranches annuelles au budget d'investissement 2001, 2002, 2003 et 2004 sous la rubrique 54.02.00.523.10.
Art. 4 Financement
1 Le financement de ce crédit est assuré par une augmentation de 1 centime additionnel sur l'impôt des personnes morales pour les années fiscales 2005 à 2014 au maximum.
2 En dérogation à l'alinéa 1 et au cas où le montant de 17 500 000 F, prévu dans la loi n° 8137 du 21 janvier 2000 à l'article 4 lettre b, était entièrement financé avant 2004, la perception prévue pour assurer le financement du présent crédit complémentaire débuterait l'année suivante.
3 Le prélèvement mentionné à l'alinéa 1 s'arrêtera à la fin de l'année dans laquelle 52 500 000 F auront été atteints, soit 17 500 000 F (sur 35 000 000 F) du crédit initial (PL 8137) additionnés aux 35 000 000 F du présent crédit complémentaire.
4 Lors de la dernière année de prélèvement, le supplément dépassant 52 500 000 F servira à couvrir tout ou partie des intérêts découlant des avances de trésorerie faites par l'Etat.
Art. 5 Amortissement
En raison de la nature de l'investissement mentionné à l'article 1, celui-ci ne donne pas lieu à amortissement.
Art. 6 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
Art. 7 Modification à une autre loi
La loi pour la création de la Fondation de la halle 6, du 21 janvier 2000, est modifiée comme suit :
Art. 2, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)
La Commission d'aménagement du canton, sous la présidence de M. Rémy Pagani, a procédé à l'étude du projet de loi susmentionné, lors de sa séance du 30 août 2000.
Etaient présents à cette réunion : M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, M. George Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures, M. Gilles Gardet, directeur et urbaniste cantonal, Mme Anni Stroumza, chargée de mission, M. Jean-Charles Pauli, juriste au Département des travaux publics et de l'énergie et M. Jacques Moglia, chef du service des études et plans d'affectations.
Situation
Le périmètre concerné par ce projet de loi est bordé au nord par le chemin de la Chênaie, à l'ouest par une grande propriété, au sud par les voies CFF, à l'est par le Nant-des-Limites et le Webster Collège. Il comporte trois bâtiments, soit un chalet et deux dépendances, construits entre 1867 et 1869 par l'architecte Francis Gindroz dans un parc agrémenté de grands arbres aux essences variées.
Petit historique
Le département a autorisé, en 1989, la construction de 38 villas sur cette parcelle avec un plan d'alignement. Ce projet ne s'étant pas réalisé, un autre projet de densification de cette parcelle a alors été élaboré. Une proposition de modification de zone a été faite sur l'ensemble de la parcelle où il était prévu de démolir les constructions existantes ; ce qui a provoqué de vives réactions, et une demande de classement a été déposée pour le maintien de ces bâtiments. En conséquence, ce projet de loi a été abandonné.
Aujourd'hui
Le Crédit Suisse, ayant hérité de cette parcelle, a confié un mandat pour élaborer un projet qui tienne mieux compte du maintien des bâtiments et de la végétation. Ce projet a été fait en consultation avec tous les milieux intéressés. Il en est résulté le maintien des trois édifices existants, construits au XIXe siècle et qui seront rénovés, et propose de nouveaux bâtiments formant une composition architecturale équilibrée avec les anciennes constructions, dans le respect des caractéristiques historiques et morphologiques de l'ensemble et de la qualité paysagère du lieu.
La surface brute de plancher de l'ensemble, y compris celle des anciens bâtiments, a été abaissée à 10'500 m2 au maximum, Ce chiffre tient compte de l'inconstructibilité de la parcelle 3437 (parcelle voisine située au sud du périmètre, grevée d'une servitude de non bâtir au profit des parcelles N° 3452 à 3459 et de l'Etat de Genève) et correspond aux options de la commune qui préconise, pour ce secteur, une densité maximale de 0,3 (y compris la superficie de la partie boisée).
Le gabarit des nouvelles constructions de deux étages sur rez-de-chaussée sans attique est en harmonie avec la volumétrie des anciens bâtiments et des arbres. Tenant compte des inconvénients dus principalement au trafic ferroviaire, du caractère du nouvel aménagement et de la volonté communale de tendre à un équilibre des affectations sur le sol communal, il est préconisé d'affecter l'ensemble des bâtiments à des activités sans nuisances, tout en réservant une modeste surface pour des logements de fonction.
La partie la plus boisée du périmètre sera affectée à la zone des bois et forêts, complétant ainsi la zone déjà créée sur la rive gauche du Nant-des-Limites, du côté du Webster Collège.
Discussion de la commission
Les problèmes de circulation qui seraient engendrés par ces futures activités ont particulièrement retenu l'attention des commissaires. Les conclusions des spécialistes (Sitec, OTC) ont été intégrées dans le plan de quartier. Enfin, il faut préciser que ce projet vaut également plan de site puisque son objectif principal a été d'assurer la protection des bâtiments existants et des qualités naturelles, paysagères et architecturales du site des Chênes. En outre, il respecte le plan d'alignement adopté par le Conseil d'Etat le 21 octobre 1987.
Ce nouveau plan de site préconise aussi de protéger le vallon du Nant-des-Limites en interdisant tout aménagement (accès, passage piéton, stationnement de véhicules, etc.) au-delà de l'alignement des constructions et du système d'accès situés au nord-est du périmètre.
De plus, pour la route de Collex, différents aménagements sont en cours. Il a d'autre part été précisé que l'utilisation du train serait à privilégier, de même que toute solution de transports collectifs.
M. le président Moutinot a tenu à préciser, d'autre part, que ce projet a fait preuve d'une concertation exemplaire entre communes, voisins, WWF, APV, Pro Natura, etc.
Il a donc été décidé de lui demander d'écrire une lettre pour encourager les gens à utiliser les transports en commun présents dans cette zone. Vous trouverez cette lettre annexée à mon rapport.
En conclusion, il est donc proposé de créer sur le périmètre concerné :
une zone de développement 4B, affectée à des activités sans nuisances, d'une superficie approximative de 29'950 m2 ;
une zone des bois et forêts d'une superficie approximative de 11'400 m2 ; celle-ci correspond à la situation de fait actuelle.
En conformité avec les articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986, il est proposé d'attribuer le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le présent projet de loi.
L'enquête publique ouverte du 12 janvier au 10 février 2000 a provoqué quelques observations qui nous ont été transmises. En outre, le présent projet de loi a fait l'objet d'un préavis favorable à l'unanimité du Conseil municipal de la commune de Bellevue, en date du 7 mars 2000.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels une grande majorité de la commission vous propose d'accepter ce projet de loi.
7
Premier débat
M. Rémy Pagani (AdG). Tout d'abord, je prie M. Vaucher de bien vouloir m'excuser. En effet, hier, je suis arrivé en retard à notre séance de 17 h et on m'a transmis une mauvaise information - ou en tout cas une information que j'ai mal interprétée - ce qui m'a conduit à porter des accusations contre M. Vaucher qui n'avaient pas lieu d'être. Ce soir, je voudrais rectifier : M. Vaucher avait effectivement, lors de notre séance de commission tenue avant les vacances, proposé que cet objet soit traité rapidement et il est exact que personne - sans qu'il y ait eu de vote formel - ne s'y était opposé.
Cela étant, le problème est le suivant. Nous avons affaire ici à l'implantation d'une multinationale, qui regrouperait ses activités et qui créerait ainsi cent emplois sur cette parcelle contiguë à la Webster University. La question de fond est de savoir si notre canton peut continuer à accueillir de telles multinationales, sans envisager les logements qui vont avec ces créations massives d'emplois.
Sachant que ce projet de loi figurait au point 114 de l'ordre du jour, nous espérions pouvoir nous donner le temps de réfléchir à cette problématique, dans le cadre du plan directeur. Nous avions agendé pour début novembre, juste avant la prochaine séance du Grand Conseil, une séance avec la commission du logement, afin d'examiner les premiers résultats du travail qui a été fait sur le plan directeur. Je vous rappelle que nous avons voté un concept d'aménagement du territoire qui tente, notamment, de trouver un équilibre entre logements et emplois et qui doit aboutir à un plan directeur définissant les surfaces à bâtir, les zones villas à transformer en zones de développement, etc. Nous avions donc agendé cette séance en pensant que le Grand Conseil traiterait ce projet quelques jours après, à sa séance de novembre.
Malheureusement, les choses étant ce qu'elles sont, il a été décidé de traiter ce projet aujourd'hui. Pour ma part, en tant que président de la commission d'aménagement, je vous propose, Mesdames et Messieurs, de renvoyer cet objet à notre prochaine séance, voire de le renvoyer à la commission d'aménagement, où nous pourrions le réexaminer en tenant compte du travail fait par le département en ce qui concerne l'application du concept d'aménagement cantonal et le plan directeur.
Le président. M. Pagani a fait une proposition de renvoi en commission. Je prie les intervenants de se prononcer sur ce renvoi.
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur. Avant que l'assemblée se prononce sur le renvoi en commission, je voudrais mettre au point un certain nombre de choses, suite aux propos que M. Pagani vient de tenir !
Tout d'abord, je précise que la commission a voté ce projet par dix oui - dont trois libéraux, deux radicaux, un démocrate-chrétien, trois socialistes et un membre de l'Alliance de gauche - et trois abstentions. Nous avons étudié ce projet dans des délais tout à fait normaux et la grande majorité de la commission l'a voté. Je suis donc estomaqué de voir qu'aujourd'hui un membre de l'Alliance de gauche, de surcroît président de la commission, nous demande de revenir sur un projet voté à la quasi-unanimité et sans difficulté.
Je rappelle que ce projet a fait l'objet, de la part du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, d'une consultation extrêmement large ; toutes les parties prenantes ont été consultées et ont donné leur avis. M. Pagani s'inquiète des logements : je rappelle qu'il y aura un logement de fonction sur le site, mais que la société qui va s'établir là-bas est déjà présente à Genève. Elle ne fait que regrouper ses activités et elle ne créera pas deux cents emplois, mais cent emplois supplémentaires. Par les temps qui courent, Monsieur Pagani, ces emplois supplémentaires devraient quand même vous intéresser quelque peu !
Je souhaitais apporter ces quelques précisions, pour éviter que le Grand Conseil, trompé par les propos erronés de M. Pagani, vote un renvoi qui ferait perdre du temps. La société propriétaire est prête à démarrer les travaux, tout est réglé, elle souhaite avoir la possibilité de rester à Genève et démarrer ces travaux au plus vite. Je le répète, le département a pris toutes les dispositions nécessaires. Je demande donc à cette assemblée de ne pas renvoyer en commission un projet adopté, pour une fois, à la quasi-unanimité de la commission, dont les représentants de l'Alliance de gauche !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, de nous avoir donné le détail du vote en commission. Je souhaiterais d'ailleurs que les rapporteurs indiquent systématiquement les résultats des votes à la fin de leurs rapports.
M. René Koechlin (L). Mesdames et Messieurs, si nous suivions la proposition de M. Pagani, nous ne déclasserions plus aucun terrain dans le canton, nous ne voterions plus aucun projet du genre, en attendant le plan directeur ! Je ne sais pas quand sortira ce plan directeur, Monsieur Pagani. Il est à l'étude, ensuite il sera examiné pendant des mois par la commission d'aménagement, avant d'être discuté par le Grand Conseil. Autant dire que votre proposition est tout simplement utopique ! Nous ne pouvons pas geler l'aménagement du territoire et tous les déclassements qui nous sont proposés, sous prétexte d'attendre que notre Grand Conseil ait enfin examiné le plan directeur, après que la commission chargée de l'élaborer aura achevé ses travaux. Monsieur Pagani, soyez un peu réaliste et un peu plus raisonnable ! Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser cette proposition de renvoi en commission et à voter ce projet de loi.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Ce projet était inscrit au point 114 de l'ordre du jour et nous ne comprenons pas pourquoi il est devenu tout à coup urgent de le traiter. Je précise que je ne fais pas partie de la «grande majorité» de la commission dont parle M. Vaucher dans son rapport, mais que je fais partie des gens qui n'ont pas voté ce projet. Au-delà des problèmes de logements évoqués, nous avons posé un certain nombre de questions à M. Moutinot concernant la circulation et on nous a répondu plutôt vivement qu'il y avait une concertation. Or, depuis, j'ai eu des contacts avec des résidents de la commune de Collex-Bossy qui sont particulièrement inquiets. De nombreux parents sont déjà intervenus au sujet de la route de Collex, qui est extrêmement dangereuse et par laquelle passeront tous les gens qui iront travailler sur le site dont on parle ce soir, ce qui entraînera un surcroît de circulation et des risques supplémentaires. M. Moutinot nous a dit que des travaux étaient en cours, que des modérations de circulation étaient prévues, mais nous attendons plus que des perspectives. Nous aimerions que ces mesures soient réalisées avant que le chantier commence et nous n'avons pas eu de réponse à ce sujet.
La précipitation de ce soir ne nous convient pas du tout et une partie de notre groupe votera le renvoi en commission, précisément à cause de cette précipitation, dont nous n'arrivons pas à comprendre le but. Mais peut-être M. Vaucher va-t-il pouvoir nous expliquer quel est l'intérêt d'aller si vite tout d'un coup !
M. Christian Grobet (AdG). M. Vaucher a effectivement demandé hier que ce projet soit traité en urgence et nous le déplorons ! Comme nous déplorons, Monsieur le président, le fait que, une fois le vote acquis contre la proposition de traiter ce projet en urgence et après avoir laissé voter un de nos députés, vous ayez modifié le résultat pour vous donner le privilège de trancher et d'inscrire ce projet en urgence, d'une manière, je le répète, totalement incorrecte...
Le président. Monsieur Grobet, j'aimerais que nous avancions et qu'on ne revienne pas sur ce sujet... M. le député Meyll est entré alors que j'avais demandé qu'on ferme la porte. Il a forcé le passage, il a bousculé l'huissier et cette situation était inacceptable ! Poursuivez, Monsieur !
M. Christian Grobet. Monsieur Ducommun, ce qui est inacceptable, c'est votre comportement !... (Protestations, chahut.) Vous avez violé le règlement de ce Grand Conseil à plusieurs occasions ; vous l'avez violé hier après-midi, en acceptant d'abord que M. Meyll vote, puis, quand vous avez vu que les contre l'avaient emporté d'une voix, vous avez eu l'outrecuidance d'annuler son vote pour pouvoir départager ! Cette attitude est...
Le président. Si vous ne vous calmez pas, Monsieur, je vous interromps et je donne la parole à M. Pagani...
M. Christian Grobet. Non, Monsieur, vous ne m'interromprez pas !
Le président. Prononcez-vous sur le renvoi en commission, sinon je vous interromps !
M. Christian Grobet. Vous m'avez effectivement interrompu hier d'une manière très discourtoise, et maintenant, après vous avoir dit ce que j'avais à vous dire, j'en viens au fond du débat, à savoir le renvoi du projet en commission !
Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vous êtes intervenus récemment à plusieurs reprises, notamment par voie de motions, pour vous plaindre de la situation du logement dans ce canton, pour faire état de la crise du logement qui est en train de se développer à Genève... (Exclamations et brouhaha.) Vous êtes intervenus en particulier pour revendiquer des logements à loyers libres d'un certain standing, afin de faire face à la demande des employés des multinationales, qui souhaitent des logements d'un certain confort. Vous souhaitiez qu'on donne la priorité à ce type de logements plutôt qu'aux logements sociaux, alors même que ceux qui subissent la crise mériteraient plus de considération... (Commentaires et brouhaha.) Or, ce que nous constatons, c'est que cette parcelle est à un endroit idyllique pour faire du logement... (Protestations.)
Je suis en train d'expliquer pourquoi nous demandons le renvoi en commission ! Si je dois continuer à être interrompu et à ne pas pouvoir utiliser mon temps de parole, je réinterviendrai, car je vous rappelle, Monsieur le président, que j'ai le droit d'intervenir trois fois ! (Protestations.) Je finirai donc, quoi qu'il en soit, ce que j'ai à dire et vos interruptions, Mesdames et Messieurs, n'accéléreront pas les débats, mais les ralentiront !
La situation du logement préoccupe tout le monde dans ce parlement, mais quand il s'agit de prendre des mesures concrètes, on voit la différence - c'est le grand canyon ! - entre les discours et les actes ! Je rappelle que la députation de l'Alliance de gauche avait refusé le projet de concept d'aménagement proposé par M. Joye, mais que nous étions tout aussi insatisfaits de la variante proposée par M. Moutinot. S'agissant du logement, nous avons demandé que le concept d'aménagement soit plus précis et fixe des principes clairs, pour que les terrains propices à du logement soient non seulement réservés à cet effet, mais qu'on les densifie. Je ne vais pas vous faire l'injure de vous relire les dispositions qui figurent dans le concept d'aménagement récemment adopté par le Grand Conseil, mais elles sont claires : chaque fois que se présente un terrain important en zone villas, le Grand Conseil doit s'efforcer de le densifier, non pas pour des bureaux, mais pour du logement.
En l'occurrence, nous sommes bien entendu acquis à la création d'une zone 4B de développement. Par contre, réaliser des bureaux sur cette parcelle qui se prête à du logement, alors qu'il y a quantité de terrains en zone urbaine qui se prêtent à la construction de bureaux, c'est aller à contresens de ce que nous avons voté au mois de juin. Vous viendrez, dans deux ou trois mois, vous plaindre que les employés de cette société, les cent nouveaux employés ne trouvent pas de logements, alors que c'est sur cette parcelle que devraient se construire les logements répondant à leurs besoins. Nous nous félicitons que cette société veuille créer cent emplois, mais nous savons quelles seront les retombées de ces emplois. Nous savons qu'il faudra construire des logements et, les terrains à cet effet étant de plus en plus limités dans ce canton, nous ne sommes pas d'accord de les brader !
Pour le surplus, je pose une question très précise à M. le conseiller d'Etat Moutinot : j'aimerais savoir quelle est la valeur de ce terrain, à quel prix il a été acheté par les constructeurs. En effet, on ne m'enlèvera pas de l'idée que si, aujourd'hui, on veut y construire des bureaux, c'est parce qu'il a été acheté à un prix incompatible avec la construction de logements ! Et ce n'est pas le seul cas dans le canton. Je vous citerai d'autres exemples s'il le faut, qui sont bien connus sur les bancs d'en face, où on souhaite réaliser des bureaux en zone villas, parce que les terrains ont été achetés à un prix excessif. Nous voulons savoir ce soir, et c'est un point décisif pour nous, si ce terrain a été l'objet d'une spéculation immobilière ou non, et si c'est ce qui dicte aujourd'hui la construction de bureaux à cet endroit. Quant à nous, nous demandons que le concept d'aménagement - qui est le vôtre, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, et que nous avons finalement accepté de voter du bout des lèvres parce qu'il avait été précisé dans le sens rappelé tout à l'heure - que ce concept soit respecté.
Cet objet est débattu trop tôt : si vous aviez eu la sagesse d'accepter qu'il reste au point de l'ordre du jour où il était inscrit, il aurait été traité à la prochaine séance et nous aurions eu le temps de le réexaminer entre les deux séances. Si nous étions arrivés à la conviction que ce terrain ne se prête pas à du logement, notre position serait différente. En l'état, nous ne sommes pas d'accord de voter un projet qui foule aux pieds les principes adoptés au mois de juin, et qui, à moins qu'on nous prouve le contraire, est très probablement dicté par une opération de spéculation immobilière !
Le président. Mesdames et Messieurs, nous saluons à la tribune du public une délégation de la Fédération genevoise des physiothérapeutes. (Applaudissements.)
Nous poursuivons notre débat. Je vous rappelle que vous devez vous prononcer sur le renvoi en commission. Ce n'est pas tout à fait ce qui a été fait jusqu'à présent, je devrai donc être plus rigoureux pour la suite du débat. Sur le renvoi en commission, je passe la parole à M. Pagani pour sa troisième intervention !
M. Rémy Pagani (AdG). Deuxième intervention, Monsieur le président, je ne suis intervenu qu'une fois !
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Pagani, je crois que Mme Berberat arrive à compter jusqu'à trois ! Je vous donne la parole.
M. Rémy Pagani. Tout à l'heure, je me suis désisté. Je ne suis donc intervenu qu'une fois, pour présenter ce projet...
Le président. Alors, allez-y ! Cela fera deux fois et demie !
M. Rémy Pagani. Je n'imaginais pas que ce projet susciterait un tel débat. Cela étant, ce débat est très intéressant et nous aurions dû l'avoir en commission d'aménagement. S'il n'a pas eu lieu, j'en suis un peu responsable... (Exclamations.)
Nous avons affaire là, M. Grobet ne le sait pas forcément, à un objet spéculatif des années 80, à un terrain qui a fait l'objet d'opérations successives, avec mise en faillite du propriétaire. Par gain de paix, en commission, nous avons cru bon de privilégier l'emploi. Je rappelle que c'était avant les vacances et qu'à ce moment-là, dans la pesée des intérêts, il n'y avait pas encore la montée en puissance de la crise du logement... (Brouhaha.) Il est donc nécessaire de rediscuter de cette question. J'aurais préféré que ce débat ait lieu à une séance ultérieure, mais puisque M. Vaucher a demandé l'urgence, nous n'avons pas vraiment le choix : nous vous proposons de lever le pouce, si j'ose dire, de renvoyer ce projet à la commission - nous travaillerons rapidement - et de revenir sur cet objet lors de la prochaine séance du Grand Conseil.
Le président. Puisque chacun intervient sur le fond, Mesdames et Messieurs, je mets immédiatement aux voix la proposition de renvoi du projet à la commission d'aménagement !
Mis aux voix, le renvoi du projet à la commission d'aménagement du canton est rejeté.
Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Je ne me serais évidemment pas opposée au renvoi en commission, mais je craignais, si j'avais insisté pour prendre la parole avant le vote, de ne pas pouvoir dire ce que j'avais à dire, au cas où le renvoi en commission aurait été accepté.
En effet, indépendamment de l'aspect spéculatif - mais rétroactif, puisque c'est une vieille histoire qui remonte au début des années 80 - il y a un élément dans ce dossier dont personne n'a parlé. Il a fallu de nombreuses années pour sortir ce dossier de la mouise dans laquelle l'avait placé la spéculation et, au cours des ans, il s'est avéré qu'une très bonne collaboration s'était instaurée entre les défenseurs du patrimoine, la commune et les squatters. La villa principale Les Chênes avait valeur de classement et, dès les années 80, la commission des monuments et des sites avait demandé sa préservation. A la suite de la spéculation qui a eu lieu sur le domaine, cette villa a été menacée et une solution est finalement intervenue par le biais d'un montage financier, auquel la banque s'est prêtée en perdant probablement pas mal d'argent et auquel les associations de sauvegarde du patrimoine ont souscrit pour sauver l'essentiel, c'est-à-dire la villa et ses abords. Il s'agit d'une villa chalet des années 60 du siècle passé, construite par un très grand architecte de Genève, Francis Gindroz, qui est aussi l'architecte du Château Rothschild. C'est un élément intéressant du patrimoine genevois et les squatters qui l'ont occupée ces dernières années en ont pris un soin jaloux ; on leur doit la préservation des lieux.
Le projet qui nous est soumis est satisfaisant au moins en ce qui concerne la préservation du site, des arbres, de la parcelle, de la villa et de ses dépendances, des accès... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je suis consciente qu'il pose un problème de trafic dans cette région, qui a été lotie d'une manière parfaitement ignoble au cours des dernières années, avec un grignotage du territoire de Bellevue parfaitement déplaisant par rapport à la beauté de l'endroit autrefois. De plus, ce projet ne propose évidemment ni logement social ni logement du tout, mais il résout un problème créé par la spéculation. Je voulais donner ces informations, pour que vous en teniez compte dans le débat qui suivra, en vous invitant éventuellement à considérer que la concession qui pourrait être faite aujourd'hui vise en particulier à sauver un des très beaux domaines de cette région.
Le président. Je souhaite un peu de silence, Mesdames et Messieurs !
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur. Je ne sais pas pourquoi certains députés des bancs d'en face parlent de précipitation, alors que nous avons simplement demandé que ce projet soit traité lors de cette session. La société qui souhaite voir se réaliser ce projet était devant l'alternative suivante : soit regrouper toutes ses activités à Genève, soit sortir celles qui étaient à Genève et les regrouper dans un autre pays. Les travaux sont prêts à démarrer, le département est prêt à donner l'autorisation, après les démarches préalables nécessaires, et il semblait judicieux de pouvoir donner une réponse positive dans des délais raisonnables. Je rappelle ici que nous devons rendre nos rapports à des dates précises ; si nous faisons l'effort de les rendre aux dates prévues, il paraît logique qu'on puisse les traiter, dans la mesure du possible, à la séance qui suit leur dépôt !
D'autre part, en discutant hier soir de cette affaire avec le député Grobet, je lui avais suggéré de relire le projet du Conseil d'Etat, ou éventuellement mon rapport. Je regrette que vous ne l'ayez point fait, Monsieur le député Grobet, car vous ne seriez pas intervenu comme vous l'avez fait, concernant le logement sur cette parcelle. Si vous aviez relu le projet de loi, si vous aviez regardé le plan, vous auriez vu qu'il est totalement exclu de construire du logement et a fortiori du logement social sur cette parcelle. Et croyez-moi, Monsieur le député, si quelqu'un est intéressé à construire du logement social, c'est bien votre interlocuteur ! En l'occurrence, je vous rappelle qu'une énorme zone de forêts a été préservée, que les constructions sont prévues à 30 mètres de celle-ci, que la densité est de 0,3 et que les constructions ont deux étages sur rez. Dans ces conditions, dites-moi quels logements on pourrait construire ! On aurait éventuellement pu prévoir vingt logements en plein milieu de la forêt, cela aurait peut-être été amusant, mais ce n'était pas vraiment le but recherché !
Quant à M. Pagani, il tient une fois de plus des propos totalement erronés. Dites-moi par gain de quelle paix, Monsieur le président de la commission, vous avez voté ce projet de loi ! Pourquoi parler de paix, alors que nous avons discuté de ce projet tout à fait calmement et ouvertement ? Le département nous a exposé les faits de A à Z et il n'y a eu aucune négociation entre nous, puisque le projet a quasiment fait l'unanimité de la commission. Je ne vois donc pas pourquoi vous dites avoir bouclé l'étude du projet par «gain de paix» ! Nous l'avons étudié en bonne et due forme, avec l'appui du département, qui nous l'a présenté dans tous les détails et qui a répondu à nos questions. Des problèmes de circulation, que j'ai évoqués dans mon rapport, ont retenu l'attention de la commission et un certain nombre de réponses nous ont été données. De surcroît, M. le président de la commission a demandé au président Moutinot d'écrire une lettre en vue d'inciter les employés qui iront travailler sur ce site à s'y rendre avec les transports publics. Le président Moutinot a écrit cette lettre, que j'ai jointe à mon rapport. Alors, ne venez pas dire, Monsieur le président de la commission, que nous avons travaillé en toute hâte et que vous avez accepté le projet par gain de paix ! Nous avons fait notre travail correctement, dans des délais normaux, aussi n'utilisez pas des termes qui sont totalement à côté de la plaque !
M. John Dupraz (R). Mesdames et Messieurs les députés, il y a des propos que nous ne pouvons pas laisser passer. Tout d'abord, je constate que ce projet de loi, comme indiqué dans le rapport, «a fait l'objet d'une concertation exemplaire entre communes, voisins, WWF, APV, Pro Natura, etc.». Ce projet est donc issu d'un long processus de concertation et constitue une solution équilibrée, permettant la protection de bâtiments dignes de protection et la préservation d'une zone de forêts.
Par ailleurs, je suis étonné d'entendre M. Grobet se poser en pourfendeur de l'équité et du droit, notamment à propos du vote d'hier. Monsieur Grobet, je vous rappellerai que notre collègue M. Mory était dans le même cas que M. Meyll, mais qu'il a respecté les instructions du Bureau du Grand Conseil. Votre intervention à ce sujet était indigne d'un ancien conseiller d'Etat et vous devriez modérer vos propos.
Cela dit, je constate qu'une fois de plus M. Grobet s'oppose à un projet prêt à être réalisé. Vous savez qu'on ne décrète pas la croissance. En l'occurrence, ce projet permet à une entreprise de se développer et on vient nous dire qu'il faut faire du logement, parce qu'il y a crise du logement ! Mesdames et Messieurs les députés, qui a été condamné pour recours abusifs contre des constructions ? Action Patrimoine vivant et M. Grobet ! Monsieur Grobet, votre comportement est indigne d'un ancien magistrat. J'ai l'impression que vous souffrez ; vous considérez sans doute M. Moutinot comme un usurpateur qui a pris votre place et vous ne supportez pas qu'il réalise et concrétise des projets... (Exclamations.) Il me semble que votre cas relève plutôt de la psychiatrie et que vous devriez vous faire soigner, parce que cela devient grave ! Je trouve regrettable qu'un ancien magistrat de votre qualité sombre dans une attitude qui se rapproche bien plus de celle d'un voyou politique que d'un homme responsable ! (Chahut.)
Mesdames et Messieurs, je crois que tout a été dit. Il nous faut voter ce projet de loi !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais que le débat reste quand même respectueux. Je ne pourrai pas accepter que l'on continue sur ce ton ! Le débat doit avoir lieu dans les règles de l'art et de la convivialité, s'il vous plaît !
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Ce débat houleux montre que M. Vaucher récolte le fruit de ses manoeuvres... (Protestations.) En effet, il n'y avait pas d'urgence à traiter cet objet ce soir. Néanmoins, un renvoi en commission n'aurait pas changé grand-chose, étant donné que nous avons déjà eu ce débat en commission.
Maintenant, je note au passage que M. Grobet devrait être présent dans toutes les commissions, s'il veut pouvoir mettre son grain de sel partout ! En l'occurrence, les commissaires ont bien travaillé ; puisqu'on ne peut être partout, il faut aussi faire confiance à ceux qui nous représentent dans les commissions.
Le groupe socialiste a voté ce projet de loi. Initialement, il était prévu de démolir des constructions existantes, pour édifier trente-huit villas. Ce premier projet a été abandonné, suite aux vives oppositions qu'il avait provoquées. Nous sommes maintenant en présence d'un nouveau projet, qui tient compte des critiques précédentes et qui prévoit la rénovation des bâtiments existants et la construction de nouveaux édifices, qui s'intègrent à ce site. Il y a eu, d'autres l'ont relevé, une large procédure de consultation, tant des voisins que des associations concernées, qui a abouti à un consensus assez large sur ce projet.
Il est vrai que, tout comme certains députés Verts, nous nous sommes préoccupés de la gestion du trafic. Ce projet va engendrer une augmentation de trafic importante et ces soucis étaient assez légitimes. A cet égard, un certain nombre de réponses ont été données et, au vu des garanties que nous avons reçues, nous pensons que nous pouvons voter ce projet de loi. Je dirai enfin qu'on ne peut pas s'opposer à tout développement. Même si le développement dans notre canton doit être mesuré, nous devons tolérer un certain développement, que ce soit au niveau des entreprises ou sur d'autres aspects.
M. René Koechlin (L). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur Grobet, du calme, du calme ! Je voudrais un peu dépassionner ce débat... (Exclamations et rires.) J'invite celui qui s'est exprimé avec passion tout à l'heure à examiner le plan, ce que nous avons fait en commission. Si l'on tient compte de la maison qu'il faut préserver, si l'on tient compte du secteur de bois et forêts qui est aussi considéré comme devant être préservé, on s'aperçoit que le seul secteur de la parcelle qui reste constructible se situe à proximité immédiate de la voie ferrée et de toutes les nuisances qu'elle dégage. C'est une des raisons qui a incité les auteurs du projet à renoncer à la construction de logements, compte tenu de ces nuisances. Et c'est la raison pour laquelle le département, et le Conseil d'Etat qui l'a suivi, ont proposé, à juste titre, d'affecter cette parcelle à des activités.
Le projet a été correctement étudié, on a tenu compte de toutes les nécessités de préservation et c'est pourquoi la seule affectation possible est celle qui est proposée ce soir. Alors, voyons-la objectivement, en toute quiétude et sans que le ton monte, comme nous l'avons fait en commission. Je demande à ce Grand Conseil d'en faire autant et de voter dans le calme ce projet, qui est un projet de déclassement tout à fait raisonnable.
M. Pierre Meyll (AdG). J'aimerais développer quelques arguments, que j'aurais préféré discuter à nouveau en commission. Ce projet va entraîner cent emplois supplémentaires. S'agissant des gens qui occuperont ces cent emplois supplémentaires, il y a deux solutions : ou ils résident à l'extérieur du canton ou on construit pour pouvoir les loger. S'ils résident à l'extérieur, comme je le crois, il va falloir qu'ils se déplacent et ils se déplaceront en voiture. En effet, ils évoqueront toutes sortes de raisons pour ne pas utiliser les transports collectifs, même des transports collectifs de la société, d'autant qu'ils seront dans un habitat dispersé.
D'autre part, comme je l'avais relevé en commission, s'ils sont domiciliés à l'extérieur, ils seront imposés à l'extérieur. Les recettes fiscales qu'on nous a fait miroiter seront donc très limitées... (L'orateur est interpellé.)
En dehors de l'incidence sur la fiscalité, j'en viens à l'incidence sur l'emploi. En l'occurrence, la société aura besoin de spécialistes et elle fera sans doute venir des gens de l'extérieur, de ce fait-là il n'y aura pas beaucoup de conséquences sur le taux de chômage.
Autre incidence : l'impôt sur les personnes morales. Je rappelle que Richemont - société qui va devenir propriétaire du terrain ou qui l'est déjà - est une grande multinationale de l'industrie du luxe : elle possède les montres Cartier et différentes marques de luxe comme Gucci et autres, je ne suis pas très versé dans la partie... (Commentaires.) Absolument, en suivant les cours de la bourse, Monsieur ! (Exclamations.) Oui, voilà ce que je lis, c'est là que j'ai appris tout cela. Nous nous renseignons, nous ne sommes pas aussi ignares que vous le pensez !
Richemont est, sauf erreur, basé à Cham, paradis fiscal dans le canton de Zoug, ce qui fait qu'au point de vue de l'impôt sur les personnes morales, je crois que là aussi nous pourrons passer devant l'armoire à glace ! Comme je l'ai dit en commission, fiscalement, je ne vois pas l'intérêt de ce projet, mais on pourra peut-être me l'expliquer.
Quant au problème des accès, je l'ai aussi évoqué en commission. Les employés qui habiteront dans cette magnifique région qu'est le pied du Jura, dans la région de Gex et ailleurs, arriveront par la route de Collex qui est étroite. Je doute fort qu'ils utilisent les transports publics. La proximité de la gare pourrait nous le faire espérer ; en revanche, on ne peut guère compter sur le réseau TPG. Il est si peu performant dans cette région, qu'il faut quarante minutes pour descendre en ville depuis Versoix. Et ce sera le cas tant qu'on ne voudra pas réserver un couloir TPG sur la route Suisse.
D'autre part, il est vrai que construire trente-huit villas sur cette parcelle déparerait le paysage, mais on pourrait envisager d'autres choses.
S'agissant de la lettre de M. Moutinot, demandant à cette société de bien vouloir utiliser les transports publics, j'aurais préféré que ce point soit rediscuté en commission et qu'il soit, qui sait, inclus dans la loi. Ce serait une nouveauté. Si j'en crois la page 54 du plan directeur cantonal - que vous n'avez peut-être pas, mais qui existe, puisque je l'ai en mains, signé de M. Moutinot - il s'agit de faire le maximum pour développer les moyens de communication collectifs : on orientera la politique des transports dans l'objectif de la protection de l'environnement, du respect du plan OPAir... Avez-vous l'impression qu'avec ce type de projet on arrivera à respecter le plan OPAir, auquel nous sommes soumis depuis 1990 ? Non ! C'est pourquoi je refuserai ce projet, même si on me fait miroiter toutes sortes d'avantages pour la communauté.
En dernier lieu, j'aimerais poser une question : la société Richemont est-elle au bénéfice d'un forfait fiscal ? C'est une mode, on accorde beaucoup de forfaits fiscaux, mais c'est une inégalité de traitement que je ne saurais tolérer vis-à-vis des salariés qui doivent eux payer des impôts, plein pot !
M. Rémy Pagani (AdG). Il y a une année, nous avons tous applaudi l'arrivée de Procter & Gamble, parce qu'un certain nombre de mètres carrés de bureaux étaient inoccupés et que cela créait un déséquilibre dans notre collectivité. Aujourd'hui, le déséquilibre se produit au niveau des logements. Depuis un ou deux mois, les indicateurs montrent clairement que le taux de vacance des logements est à la baisse et même au-delà du taux normal. Je vous rappelle l'étude faite par Battelle en 1971, qui disait que pour qu'il y ait un libre choix, pour qu'on puisse accéder facilement à des logements à des prix non surfaits, le taux de vacance devait être de 1,3%. Aujourd'hui, le taux de vacance est, dans certaines catégories, de 0,9%. Nous assistons donc à un déséquilibre grave, qui va aller s'amplifiant. Il serait donc irresponsable - je dis bien irresponsable - d'accentuer ce déséquilibre en agissant comme nous le faisions il y a encore six mois, parce que nous avions besoin d'emplois.
Pour savoir s'il vaut mieux laisser construire des logements ou laisser s'implanter des emplois sur cette parcelle à Bellevue, il faut avoir une vision globale du canton. Il faut savoir où on va construire les logements nécessaires et de combien de logements nous disposerons, et ceci non de manière théorique en disant que 30 000 logements sont prévus jusqu'en 2020, mais de manière concrète, afin d'être sûr qu'on avoisinera ce taux de vacance de 1,3%. Je vous rappelle qu'un déséquilibre en logements aura pour conséquence que les locataires vont payer des loyers surfaits, que les entreprises devront verser des salaires plus élevés et que nous repartirons dans une spirale inflationniste, qui n'est bonne ni pour les uns, à savoir les milieux proches des bancs d'en face, ni pour les autres, à savoir les locataires.
C'est cette problématique que nous vous demandons d'analyser de manière globale au niveau du canton, et non à partir du cas particulier de Bellevue. Et c'est pourquoi nous ne disons pas aujourd'hui que nous ne voulons pas d'emplois sur ce terrain ; nous disons simplement qu'il faut étudier cette problématique dans le cadre du plan directeur cantonal. Nous avons agendé une séance de commission qui nous permettrait au moins d'obtenir des assurances de la part du département sur le fait que, dans tel et tel secteur - je pense par exemple à la presqu'île de Loëx - nous pourrons construire tant de logements. Si nous avons cette assurance, nous pourrons alors voter ce déclassement. Autrement, nous allons repartir dans un déséquilibre dont nous avons tous fait les frais.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Vaucher, nous avons effectivement discuté de ce projet hier soir et je vous ai expliqué, non pas ma position personnelle, mais celle du groupe que je représente en tant que chef de groupe : celui-ci a considéré, lors de son caucus, que cette parcelle devait rester affectée à du logement. Vous considériez que l'endroit n'était pas adapté pour la construction de logements et je vous ai écouté, Monsieur Vaucher. Vous relirez mon intervention : j'ai dit tout à l'heure que je regrettais qu'on veuille précipiter les choses et que, si nous avions eu le temps de nous convaincre que le terrain n'était pas propice à la construction de logements, nous aurions peut-être pu changer d'avis.
La commission ne s'est pas rendue sur place, je répète ce qui m'a été dit, n'en déplaise à Mme Rielle ! M. Pagani s'y est rendu personnellement, il nous a fait un rapport très précis lors de notre caucus et aujourd'hui nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas préserver le site tout en construisant du logement. Bien entendu, il ne s'agit pas de construire des immeubles de trois, quatre ou cinq étages, Monsieur Vaucher, mais un taux d'occupation du sol de 0,3 est tout de même préférable à un taux d'occupation du sol de 0,2.
Je rappelle qu'au départ il y avait un projet de construction de villas sur cette parcelle ; il faut donc croire, Monsieur Koechlin, que cette parcelle n'est pas forcément aussi défavorable au logement que vous le dites. Je pourrais comprendre votre position si nous avions, en matière d'aménagement du territoire et de protection contre le bruit, une ligne cohérente excluant par exemple toute construction à moins de x mètres des voies ferrées. Mais je constate que vous tenez ce raisonnement pour cette parcelle, alors que sur quantité d'autres on continue à construire très près des voies de chemin de fer. Il y a là un paradoxe : on tient un raisonnement dans une situation et un autre dans une autre situation - je ne parle pas de votre position personnelle, mais de la politique générale de l'aménagement du territoire.
De même, je constate que les zones NNI B, dans lesquelles on ne pouvait pas construire de logements, ont disparu et qu'aujourd'hui on construit des logements sous les avions ! Personnellement, je pense que ce n'est pas adéquat, mais je dois dire qu'on ne peut pas soutenir une thèse à un endroit sans appliquer les mêmes principes d'une façon générale.
Concernant cette parcelle, notre raisonnement est très simple : nous disons que le site permettrait certainement de construire du logement avec un taux de 0,3, ce qui répond à l'un des objectifs définis dans le concept d'aménagement voté il y a quatre mois. Il est vrai que les associations de protection du patrimoine et de l'environnement sont intervenues sur ce projet, parce qu'elles étaient hostiles à l'implantation initiale des bâtiments et demandaient que ceux-ci soient déplacés pour préserver la maison de maître et la forêt. Mais le débat n'a jamais porté sur l'affectation des bâtiments : il n'est donc pas correct d'invoquer aujourd'hui l'intervention des associations de protection du patrimoine et de l'environnement pour laisser entendre que ces associations se seraient prononcées sur l'affectation des bâtiments et soutiendraient un projet de bureaux. Cela n'a jamais été le cas : notre préoccupation portait uniquement sur la protection du patrimoine et du site.
Je n'entends pas répondre aux insultes de M. Dupraz, nous en avons l'habitude, mais je tiens à préciser que, contrairement à ce que vous alléguez, Monsieur, je n'ai pas été condamné par qui que ce soit ! Je constate que malheureusement, à partir de 20 h 30, vous reprenez vos mauvaises habitudes. Ce n'est pas moi qui vais vous recommander de faire preuve d'un peu plus d'abstinence entre les deux séances... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Visiblement, vous n'y arrivez pas, c'est peine perdue !
La dernière chose que je voudrais relever, c'est que, depuis sept ans, ce Grand Conseil n'a été saisi, sauf erreur, que d'un seul véritable projet de modification de zones portant sur la zone villas : c'était sous l'ancienne législature et il s'agissait des terrains de Belle-Cour sur la commune d'Onex. Il n'y a pas eu d'autre projet de déclassement de terrains. Durant la présente législature, le premier déclassement important de terrains en zone villas qu'on nous propose concerne la construction de bureaux ! Monsieur Koechlin, dans vos milieux professionnels, qui ne sont pourtant pas proches de notre parti politique, j'entends constamment des gens s'insurger, à juste titre, contre le gaspillage de terrain qui a actuellement cours en zone villas. La zone villas est celle qui offre le plus grand potentiel de terrains non bâtis, vous le reconnaissez, vous l'avez déclaré... (Commentaires.) Ces dernières années, en tout cas pas ! Vous vous trompez...
Le président. Excusez-moi, Monsieur Grobet, veuillez éviter les dialogues et vous adresser à la présidence, s'il vous plaît !
M. Christian Grobet. Vous avez raison, Monsieur le président ! En l'occurrence, pour répondre à M. Koechlin, je précise que je parle des projets de déclassement, et non de l'application de la loi Richardet qui permet de définir un taux d'occupation plus élevé. Alors que les déclassements en zone villas ont été très limités ces dernières années, qu'on est en train de gaspiller le terrain en zone villas, je constate que le premier projet de déclassement présenté après le vote du nouveau concept d'aménagement prévoit la construction de bureaux, au lieu de logements. Pour nous, c'est inacceptable. Nous aurions souhaité que l'on puisse examiner cette question rapidement, on refuse de le faire : eh bien, nous voterons contre ce projet, puisque vous ne voulez pas l'examiner dans la sérénité. Enfin, j'attends toujours que M. Moutinot nous dise à quel prix au mètre carré les promoteurs ont acheté cette parcelle.
M. Claude Blanc (PDC). Il est indiscutable que notre canton se trouve à nouveau à la veille d'une crise du logement et je suis heureux d'apprendre que nos voisins d'en face admettent que cette crise du logement est de deux types. Je reconnais volontiers que la crise du logement social existe et qu'elle va s'amplifier, mais je rappellerai à nos collègues d'en face que, notamment dans ma commune, je connais deux cas de terrains constructibles où c'est le parti socialiste qui a lancé le référendum qui a fini par faire capoter des projets de logements sociaux. Je citerai le terrain de la Gravière, où l'Alliance de gauche était à la base du projet, où le terrain coûtait 100 F le mètre et où on pouvait faire du HBM et du HLM : ce sont les socialistes qui ont lancé le référendum, un référendum où chacun dit qu'il faut construire du logement, mais ailleurs, pas chez soi ! C'est ainsi que le projet a été abandonné et que les terrains de la Gravière resteront stériles, puisqu'ils ne sont même pas valables comme terrains agricoles. S'agissant d'un deuxième projet en cours sur le stade principal de Meyrin, ce sont les mêmes socialistes qui vont le faire avorter. Tout cela pour dire qu'il y a des possibilités de construire du logement, mais qu'il n'y a pas de volonté politique. Et ce n'est pas dans nos rangs qu'il n'y a pas de volonté politique, c'est en face, il faut quand même le dire !
En ce qui concerne les logements d'un certain standing - je n'aime pas beaucoup les mots anglais, mais je n'en trouve pas d'autres pour le moment - nous en avons aussi besoin, puisque nous avons, avec succès, attiré à Genève un certain nombre de multinationales. M. Meyll peut s'en gausser, mais Mme Calmy-Rey, elle, est contente, parce que, même si quelques-unes d'entre elles ont obtenu des forfaits fiscaux, ce sont quand même des forfaits très confortables. Les emplois créés sont des emplois à grosse valeur ajoutée et vous verrez que cela se connaîtra dans les résultats financiers de ces prochaines années. En l'occurrence, les employés de ces sociétés ont, pour la plupart, des salaires confortables et il faut pouvoir leur offrir des logements qui correspondent à leur niveau de vie.
A cet égard, il y a un manque et il faudra trouver des solutions, avoir la volonté politique d'en trouver. Est-ce là une solution ? Je ne crois pas, parce qu'il y a non seulement la voie ferrée, mais aussi - M. Grobet, sauf erreur, y a fait allusion - la voie aérienne... (Commentaires.) Mais oui, je connais la région comme si j'y habitais ! Cette parcelle n'est pas en zone NNI, mais zone NNI ou pas les avions y passent et on les entend ! Ce n'est donc probablement pas le meilleur endroit pour construire du logement d'un certain standing, comme vous avez l'air de le dire.
C'est pourquoi la meilleure affectation qu'on puisse décider pour ce terrain, c'est précisément celle qui est prévue, à savoir des activités sans nuisances. La commune de Bellevue pourra ainsi avoir sa zone d'activités, permettant un équilibre communal, et cela évitera de continuer à construire du logement dans des endroits où on sait très bien que, zone NNI ou pas, on finira par avoir des problèmes. Il y a des endroits qui ne se prêtent pas au logement. On a déjà construit des villas dans cette région, c'est vrai, mais on n'aurait sans doute pas dû le faire. Ce n'est pas parce qu'on a commis des erreurs par le passé qu'il faut continuer à en commettre ! On a maintenant une connaissance suffisante des inconvénients entraînés par certaines nuisances pour avoir la sagesse d'essayer de les éviter quand on construit du logement. Voilà pourquoi la solution prévue dans ce projet de loi est une bonne solution. La commission d'aménagement l'a bien vu, elle a voté ce projet et je ne vois pas pourquoi on remettrait en cause ce vote, sous prétexte qu'on aurait pu trouver une autre solution. Je crois que la solution est bonne et que c'est même la seule praticable dans cette région.
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur. Je voudrais faire quelques remarques par rapport à ce que certains préopinants ont dit. Tout d'abord, je remercie Mme Fehlmann Rielle de ses propos, mais je dois rectifier son affirmation selon laquelle je récolterais le fruit de ce que j'ai semé : c'est plutôt l'Alliance de gauche qui a semé le doute ce soir, puisque, je vous le rappelle, une très large majorité de la commission, dont l'Alliance de gauche, avait accepté ce projet de loi. Alors, ne venez pas me dire que j'ai semé la panique ce soir ! Ce n'est pas moi, je réfute totalement cette affirmation.
M. Meyll, lui, a évoqué des problèmes de fiscalité, alors qu'il n'en est nulle part question dans ce projet de loi. Cela m'étonne d'autant plus, Monsieur Meyll, qu'au début de cette session plusieurs d'entre vous, dont M. Brunier, affirmaient que si les finances de la République se portaient bien, c'était grâce à votre politique : on n'a donc pas besoin des apports fiscaux de cette compagnie ! Oublions donc ce volet, Monsieur Meyll, si vous voulez bien !
M. Grobet et d'autres dans les rangs d'en face m'étonnent également, quand ils prétendent que la commission a travaillé très vite et qu'ils n'ont pas eu le temps d'étudier ce projet. Ces propos dénotent une énorme défiance vis-à-vis des collaborateurs du département, qui ont fait un travail tout à fait complet et correct, me semble-t-il. Accorder si peu de confiance aux personnes avec lesquelles vous travaillez, je ne trouve pas cela très révérencieux ! Encore une chose, Monsieur Grobet, concernant la protection du site... Vous pouvez bavarder, Monsieur Grobet, cela ne me gêne pas, je peux parler en même temps que vous... (Rires.) En ce qui concerne le site, ce n'est pas un, mais trois édifices qui ont été sauvegardés et c'est justement le fait d'avoir sauvegardé ces trois édifices qui empêche de construire n'importe quoi sur cette parcelle. En tant que membre éminent d'Action Patrimoine vivant, vous devez savoir que sauvegarder un patrimoine, c'est aussi le mettre en évidence, le mettre en valeur : on ne va pas pouvoir construire tout près de ces bâtiments, il faut laisser un espace autour d'eux, ce qui empêche de construire de nombreux logements à côté. Une fois de plus, je crois que c'est votre méconnaissance du projet qui vous fait douter du travail, complet et fouillé, fait par le département, avant de nous présenter un projet solide en commission.
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler que ce projet a fait l'unanimité du Conseil municipal. Il a été accepté, non pas par une partie, non pas par les uns ou par les autres, mais par le Conseil municipal unanime. C'est pourquoi je vous demanderai, en conclusion, de bien vouloir voter ce projet de loi.
M. Alain Etienne (S). Pour ma part, je constate que l'on refait le débat du concept d'aménagement cantonal. En l'occurrence, il s'agit de laisser à la commission consultative de l'aménagement du territoire le temps de travailler, il s'agit d'attendre le résultat du travail de l'administration. Je rappelle que le concept prévoit aussi un aménagement transfrontalier concerté, ce qui signifie travailler avec la région pour permettre un rééquilibrage entre l'emploi et l'habitat. Il faut maintenant changer notre manière d'entrevoir l'aménagement de notre territoire avec cette ouverture sur la région. Ce soir, je pense qu'il s'agit de voter ce projet de loi, mais je ne comprends pas pourquoi nous n'avons pas eu ce débat en commission.
M. Hubert Dethurens (PDC). Sans allonger, je relèverai qu'il y a un dysfonctionnement à la commission d'aménagement. Je pense que l'Alliance de gauche devrait se réunir en caucus avant les séances de la commission d'aménagement et envoyer dans cette commission quelqu'un qui soit représentatif. En effet, je vois, dans le procès-verbal de commission, que M. Meyll était prêt à accepter ce projet, alors qu'aujourd'hui il veut indiquer dans la loi quels modes de transport on doit utiliser pour se rendre sur ce lieu de travail. C'est assez extraordinaire ! Envoyez, s'il vous plaît, quelqu'un qui représente l'Alliance de gauche, au lieu de voter un projet en commission et de refaire ensuite le débat ici... (Commentaires.) Oui, je pense que M. Grobet pourrait venir, ou quelqu'un d'autre !
M. René Koechlin (L). Je voudrais m'inscrire en faux contre la déclaration de M. Grobet tout à l'heure, qui prétendait que le Grand Conseil n'avait, en sept ans, pas déclassé une seule zone villas en zone à bâtir permettant de construire des immeubles. Nous en avons déclassé je ne sais combien, Monsieur Grobet; vous avez la mémoire courte !
Je commencerai par citer de mémoire - mais il y en a encore certainement beaucoup d'autres - le périmètre du Vélodrome à Plan-les-Ouates : je crois que vous étiez présent lorsque nous avons voté ce déclassement. A Bonvard, nous proposions, par voie de motion, de déclasser une zone entièrement construite de villas pour pouvoir y construire des petits immeubles : vous avez refusé qu'on déclasse ce secteur en zone 4B, vous n'avez même pas voulu qu'on le déclasse en zone villas pour régulariser une situation qui remonte à cinquante ans ! C'est en effet un secteur en zone agricole qui est construit de villas depuis cinquante ans, en vertu d'un règlement voté par le Conseil d'Etat de l'époque. Ensuite, le Grand Conseil a déclassé, pendant la période que vous évoquiez, une zone villas qui se trouvait au centre-ville, à Montbrillant : il l'a déclassé en zone d'utilité publique pour pouvoir y construire le cycle d'orientation de Montbrillant. Enfin, à Valavran, également lors de la précédente législature, le Grand Conseil a déclassé en zone 4B une zone villas qui se trouvait superposée à des zones NNI. Je ne parlerai pas du périmètre de Saussac à Troinex, qui était aussi une zone villas qui a été déclassée en zone 4B..., j'en passe et des meilleures ! Enfin, Monsieur, votre serviteur réalise actuellement des immeubles en zone villas, avec une dérogation et l'aval du Conseil d'Etat et du Conseil municipal de la commune concernée. Donc, les exemples foisonnent. Ce n'est pas aujourd'hui que l'on commence à déclasser des zones villas : on en a déclassé beaucoup et on poursuit. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter ce projet dans l'enthousiasme que je voudrais général !
M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs les députés, je préciserai tout d'abord que je n'ai pas demandé l'urgence et que j'ai appris incidemment qu'elle était demandée.
Cela dit, ce projet de loi a été voté en commission après l'adoption du concept d'aménagement. Par conséquent, je pars de l'idée que la commission, qui a mené un débat serein, s'est précisément inspirée des principes contenus dans ce concept. Il faut savoir que, sur ce périmètre, les contraintes sont extrêmement nombreuses et que les premiers projets de logements prévus, notamment des villas, se sont heurtés à trois oppositions : l'une des défenseurs de la nature, qui souhaitaient préserver le Nant-des-Limites et la forêt avoisinante ; l'autre des protecteurs du patrimoine, qui souhaitaient préserver les deux chalets des Chênes ; en troisième lieu, certains voisins directs.
Il n'est pas contestable que la question de la distance à la forêt et la préservation de ce biotope, d'une part, et la volonté de préserver les deux chalets des Chênes, d'autre part, hypothèquent grandement les possibilités constructives de cette parcelle. Le parti a donc été pris, à un moment donné, de se diriger vers un projet qui permette d'atteindre ces deux objectifs - protection du patrimoine et protection de la nature - qui figurent eux aussi dans les principes du concept et du plan directeur. Il a fallu mettre d'accord le WWF, Pro Natura, la Société d'art public, les voisins, la commune, le propriétaire et le créancier gagiste... On y est arrivé ! Inutile de dire qu'après deux ans si l'on repart de zéro, il n'y a pas l'ombre d'une chance d'arriver à un quelconque projet de qualité, qu'il s'agisse de logements ou d'autres choses. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas soutenu la demande de renvoi en commission.
On a dit qu'il fallait avoir une vision générale des choses. J'observe qu'en ce qui concerne le logement social Bellevue n'a pas toujours été un bon élève, mais que depuis trois ans - je ne sais pas si c'est parce que j'y habite ! - quelques gros efforts ont été faits, notamment en matière de HBM, aux Tuileries.
Il m'a été demandé par M. Grobet quel était le prix de la transaction : je suis navré, je ne le connais pas de mémoire et je ne l'ai pas dans mon dossier. Il faut dire que, lorsqu'un projet est voté en commission par dix oui et trois abstentions, je ne prends pas trois classeurs fédéraux ! Sur des sujets complexes où, visiblement, un débat s'annonce, je prends tout ce que je peux, mais là, effectivement, je n'ai pas imaginé une seconde que j'aurais à entrer dans ces détails.
En ce qui concerne le trafic, vous m'avez demandé d'écrire à la société promotrice du projet. Je l'ai fait, la lettre a été publiée par M. Vaucher dans son rapport. Je vous informe que j'ai reçu une réponse favorable, plus favorable même que je ne l'imaginais, puisqu'une discussion semble possible sur la liaison entre la parcelle des Chênes et la gare de Genthod-Bellevue, dont la desserte sera améliorée par le biais de la troisième voie CFF.
Enfin, je crois que ce périmètre ne doit pas être le lieu d'un combat logements-activités. En effet, dans une telle discussion, force m'est d'admettre que les arguments pour le logement seraient à l'heure actuelle prépondérants. Mais, en raison de la spécificité du site et après avoir étudié la question du logement, nous arrivons à la conclusion qu'à cet endroit la préservation du patrimoine bâti et du patrimoine naturel prime. C'est pour cette raison que je vous demande de bien vouloir voter ce projet de loi.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8250)
modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Bellevue (création d'une zone de développement 4B affectée à des activités sans nuisances et d'une zone des bois et forêts)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1
1 Le plan N° 29'027-506, dressé par le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement le 5 juin 1999, modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Bellevue (création d'une zone de développement 4B affectée à des activités sans nuisances, d'une zone des bois et forêts, chemin de la Chênaie, au lieu-dit "; Les Chênes "), est approuvé.
2 Les plans de zone annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
En sus des conditions stipulées à l'article 2 de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957, la délivrance d'une autorisation de construire dans le périmètre de la zone à bâtir, créée par le plan visé à l'article 1, est subordonnée à l'approbation préalable par le Conseil d'Etat d'un plan de site, au sens des articles 38 et suivants de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976.
Art. 3
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 4B protégée, créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 4
Un exemplaire du plan N° 29'027-506 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
plan
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
décrète ce qui suit :
Art. 1 But
1 L'ensemble des activités des pouvoirs publics s'inscrit dans la perspective d'un développement de la société, à Genève et dans la région, qui soit compatible avec celui de l'ensemble de la planète et qui préserve les facultés des générations futures.
2 A cette fin, on recherchera la convergence et le rééquilibrage entre efficacité économique, solidarité sociale et responsabilité écologique.
Art. 2 Convergence des politiques publiques
Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat veillent à la cohérence des objectifs poursuivis et des modalités adoptées, dans tous les domaines de l'action publique, avec la perspective d'un développement durable.
Art. 3 Orientation pluriannuelle
Le Grand Conseil détermine les objectifs spécifiques de l'Etat en vue d'un développement durable en application du chapitre II de la présente loi. Ils sont revus et actualisés au moins tous les quatre ans, durant la première année de chaque législature.
Art. 4 Calendrier de législature
Le Conseil d'Etat publie et tient à jour un calendrier de législature des actions spécifiquement mises en oeuvre en vue d'atteindre les objectifs déterminés par le Grand Conseil.
Art. 5 Evaluation
Le Conseil d'Etat rend public, en début de législature, un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre de la stratégie en vue d'un développement durable durant la législature précédente.
Art. 6 Organisme indépendant
Le Conseil d'Etat désigne un organisme indépendant qu'il charge de missions en vue de favoriser la concertation, la motivation et la participation de la société civile dans la perspective d'un développement durable.
Art. 7 Agendas 21 communaux
L'Etat soutient et encourage la mise sur pied par les communes de programmes spécifiques en vue d'un développement durable dans leur domaine de compétence.
Art. 8 Actions de la société civile
1 L'Etat soutient et encourage la réalisation de projets spécifiques en vue d'un développement durable par des personnes physiques ou morales.
2 A cette fin, il institue notamment un prix annuel distinguant un projet dont la réalisation a été particulièrement significative, et un concours annuel en vue de l'octroi d'une ou plusieurs bourses en vue de la réalisation d'actions sur un thème précis. L'organisme indépendant prévu à l'article 6 peut être chargé d'attribuer le prix et de mettre sur pied le concours.
Art. 9 Système de management environnemental
L'Etat crée les conditions de la mise en place d'un système de management environnemental pour l'ensemble de l'administration cantonale.
Art. 10 Indicateurs du développement durable
L'Etat favorise l'élaboration et la diffusion d'indicateurs du développement durable reconnus permettant des comparaisons dans le temps et dans l'espace ainsi que la définition d'objectifs quantifiés.
Art. 11 Formation et information
L'Etat intègre progressivement la perspective d'un développement durable dans la formation des enseignants et contribue à l'information de la population.
Art. 12 Ecosite
L'Etat favorise la prise en compte des synergies possibles entre activités économiques en vue de minimiser leur impact sur l'environnement et recherche la possibilité d'une réalisation pilote.
Art. 13 Lutte contre l'exclusion
L'Etat met en place une action transversale entre politique de l'emploi et politique sociale en vue de prévenir l'exclusion du marché du travail en raison de l'évolution économique ou d'une formation devenue inadéquate.
Art. 14 Réseau des villes - santé
L'Etat participe au réseau des villes-santé institué par l'Organisation mondiale de la santé et met en oeuvre des actions visant à atteindre ses objectifs.
Art. 15 Coopération au développement
L'Etat accentue son action en faveur de la coopération au développement dans le tiers monde et développe l'information en vue d'un meilleur équilibre du développement.
Art. 16 Dispositions d'application
Le Conseil d'Etat désigne le département chargé du suivi de la présente loi et édicte les dispositions d'application nécessaires.
Art. 17 Limite de validité
La présente loi est abrogée de plein droit au 31 décembre 2002 si elle n'a pas été révisée par le Grand Conseil dans l'intervalle.
Avec le présent projet de loi, le Conseil d'Etat vous propose de donner suite à la volonté maintes fois exprimée de doter Genève d'un Agenda 21 (programme d'action en vue d'un développement durable) d'une manière modeste et persévérante qui ne démontre pas moins une ambition réelle.
Cette volonté s'est encore exprimée récemment, lors de la séance du Grand Conseil du 21 septembre 2000, au cours de laquelle a été adoptée, sur proposition de MM. Thomas Büchi, Hervé Dessimoz et Roger Beer, une motion 1346 « Développement durable : Genève doit montrer l'exemple » qui invite le Conseil d'Etat :
à s'assurer que les collectivités publiques genevoises, les institutions proches de l'Etat, mettent en application l'Agenda 21 de la République et canton de Genève ;
à développer une politique de sensibilisation de l'opinion publique concernant l'Agenda 21 et plus largement à toute la problématique du développement durable ;
à promouvoir l'image de Genève en tant que lieu mondial de convergence, de réflexion et action liées à la promotion d'un développement durable équilibré.
1. La notion de développement durable
Le « développement durable », traduction de l'anglais sustainable development, a été défini en 1987 par le rapport de la Commission mondiale environnement et développement (Commission Brundtland), qui siégeait à Genève :
Un développement est durable s'il garantit que les besoins de la génération actuelle de tous les pays et groupes de populations sont satisfaits sans porter préjudice aux facultés des générations futures de satisfaire leurs propres besoins.
Cette notion exprime en termes contemporains une sagesse intemporelle que l'on trouvait déjà dans un proverbe indien américain (probablement apocryphe) : « La Terre ne nous est pas léguée par nos parents, elle nous est prêtée par nos petits-enfants ». Le rapport Brundtland marque une étape dans l'approche des organisations internationales sur les grandes questions du développement économique (fossé nord-sud), de l'environnement (pollution, épuisement des ressources naturelles) et de société (démographie, santé, éducation) : elles ne peuvent pas seulement être traitées chacune pour elle-même, il importe de veiller à leurs interactions et de s'inspirer d'un principe directeur commun.
En juin 1992, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, plus communément connue sous l'expression de Conférence de Rio ou Sommet de la Terre, a donné corps à la notion de développement durable en la définissant comme une politique de convergence, ou de rééquilibrage à l'échelon mondial, de trois principes : l'efficacité économique, l'intégration sociale et la responsabilité écologique.
Cette conception du développement durable - expression d'une solidarité non seulement intergénérationnelle mais aussi intragénérationnelle, reconnaissant le droit du sud au développement, la responsabilité du nord de réduire son impact sur l'environnement et l'importance d'une intégration solidaire - est aujourd'hui la référence commune de l'ensemble des organisations internationales et des Etats. A Rio, 181 Etats (dont la Suisse) ont en particulier adopté un Programme d'action pour le XXIe siècle, l'Agenda 21. Ce document invite tous les Etats à établir à leur tour, au niveau national et au niveau des pouvoirs locaux, des Agendas 21 ou programmes d'action pour le développement durable.
2. Vers un Agenda 21 pour Genève
Pour ce qui concerne notre canton, le Grand Conseil a adopté le 23 mai 1996 une motion 1046 « concernant l'application, dans le canton et la région, de la notion de développement durable », qui invitait le Conseil d'Etat à créer les bases d'un Agenda 21 local. A cet effet, le Département de l'action sociale et de la santé a confié un mandat à la Société pour la protection de l'environnement, en septembre 1997. Le mandataire a rendu au début 1999 un dossier composé d'un Rapport de synthèse de 80 pages, intitulé : « Un Agenda 21 pour Genève : 21 propositions pour entrer dans le XXIe siècle », et de 12 cahiers annexes.
Le 14 avril 1999, le Conseil d'Etat a ouvert une vaste consultation sur le Rapport de synthèse et désigné un groupe de travail interdépartemental pour en analyser les résultats et lui soumettre des propositions. La consultation a donné un résultat mitigé et mis en lumière la grande variété de conceptions qui s'appliquent au développement durable. Le rapport au Conseil d'Etat du groupe de travail interdépartemental, Organiser la convergence des politiques publiques vers un développement durable, a été rendu public (et adressé à tous les députés) le 7 avril 2000 avec les orientations retenues par le gouvernement, sur la base desquelles le présent projet de loi a été élaboré.
Le Grand Conseil vient par ailleurs de renouveler son engagement au travers du renvoi au Conseil d'Etat de la motion 1346 « Développement durable : Genève doit montrer l'exemple » à laquelle le présent projet de loi répond très directement.
3. Pourquoi une loi ?
Il y a un paradoxe de la notion de développement durable : d'une part elle a été fort bien intégrée au discours politique, social ou économique ; d'autre part son caractère opérationnel, contraignant, est tantôt exagéré, tantôt banalisé.
A Genève, on peut d'ores et déjà constater que la notion de développement durable est soigneusement déclinée en toutes circonstances, du discours de Saint-Pierre aux concepts directeurs et aux opérations les plus variées. Il faut citer en particulier :
les concepts Circulation 2000 et Mobilité 2005 ;
le projet de concept 2015 pour le plan directeur de l'aménagement du territoire ;
la conception générale de l'énergie ;
le concept cantonal de gestion des déchets ;
le projet de concept cantonal de la protection de l'environnement ;
la loi sur le développement de l'économie et de l'emploi.
Un Agenda 21 ne saurait se substituer à de telles politiques concrètes, il ne doit pas non plus s'y juxtaposer. C'est la raison pour laquelle il y a lieu de mettre principalement l'accent sur le caractère de principe de convergence de la notion de développement durable : il s'applique à l'ensemble des politiques publiques qui, chacune dans son domaine, en précise le contenu. L'Agenda 21 comporte par ailleurs des objectifs ou des actions spécifiques, c'est-à-dire qui ne relèvent pas de politiques publiques particulières, en raison de leur nature transversale.
Inscrire le développement durable dans les institutions genevoises n'est donc ni indifférent, ni univoque, ni irréversible. C'est une orientation politique fondamentale qui, en tant que telle, mérite d'être sanctionnée et renouvelée de manière appropriée. En même temps, cela ne signifie pas l'adoption d'un programme clé en main d'une couleur partisane particulière ou la « fin du politique ». C'est sur le contenu (les objectifs précis, les modalités acceptées) que le débat démocratique pourra se poursuivre, voire se renouveler.
Il est dès lors logique que le Grand Conseil soit appelé à donner la légitimité démocratique la moins contestable qui soit à l'action en vue d'un développement durable, par une loi.
4. Un dispositif souple, concret... et durable
Pour le contenu de cette loi, le Conseil d'Etat vous propose de marier modestie et ambition : modestie des objectifs à court terme, car il s'agit de construire pas à pas un programme d'action en vue d'un développement durable et de rechercher la meilleure synergie possible vis-à-vis des politiques publiques en place ; ambition dans l'inscription de ce programme d'action au coeur des institutions et dans un mécanisme évolutif au fil des législatures.
C'est ainsi que la loi est appelée à contenir non seulement des dispositions permanentes, mais aussi des orientations que le Grand Conseil devra confirmer ou renouveler au début de chaque législature.
Le Conseil d'Etat se verra pour sa part confier la responsabilité de traduire ces orientations en actions à inscrire dans le cours de la législature. Au début de la législature suivante, un rapport sur la mise en oeuvre de la stratégie en vue d'un développement durable servira de point de départ aux orientations futures.
La société civile doit être associée à cette démarche, selon des modalités à définir par la pratique, en vue de favoriser un regard extérieur sur l'action poursuivie par le Conseil d'Etat.
La stratégie cantonale en vue d'un développement durable, si elle concerne au premier chef la contribution que l'Etat lui-même peut et doit apporter, doit enfin encourager deux autres types d'actions :
la mise en place d'Agendas 21 locaux dans les communes, comme nombre d'entre elles ont déjà commencé de le faire ;
les projets émanant de la société civile elle-même.
5. Commentaire article par article
Le projet de loi est divisé en trois chapitres :
un chapitre I qui comprend les dispositions générales ;
un chapitre II qui comprend les orientations que le Parlement entend donner pour la législature
un chapitre III qui comprend les dispositions finales.
Art. 1 But
Art. 2 Convergence des politiques publiques
Art. 3 Orientation pluriannuelle
Art. 4 Calendrier de législature
Art. 5 Evaluation
Art. 6 Organisme indépendant
Art. 7 Agendas 21 communaux
Art. 8 Actions de la société civile
Art. 9 Système de management environnemental
Art. 10 Indicateurs du développement durable
Art. 11 Formation et information
Art. 12 Ecosite
Art. 13 Lutte contre l'exclusion
Art. 14 Réseau des villes - santé
Art. 15 Coopération au développement
Art. 16 Dispositions d'application
Art. 17 Limite de validité
6. Motion 1346
Le présent projet de loi répond également à la motion « Développement durable : Genève doit montrer l'exemple » renvoyée au Conseil d'Etat le 21 septembre dernier et dont les invites sont rappelées au début du présent exposé des motifs :
La future loi constitue elle-même l'élément principal de « l'Agenda 21 pour Genève », de pair avec le calendrier de législature qu'il appartiendra au Conseil d'Etat d'adopter : l'ensemble forme un véritable Programme d'action genevois pour un développement durable (Agenda 21). En ce qui concerne les communes ou, dans un autre genre, les établissements publics cantonaux, il y a lieu de les encourager à élaborer leur propre contribution, dans leur domaine de compétence (cf. art. 7) ; cela va d'ailleurs à la rencontre de ce qui est d'ores et déjà entrepris dans nombre de ces communes et établissements.
Le projet de loi comporte plusieurs éléments qui touchent à la sensibilisation de l'opinion publique (art. 6, 11 ou 15, en particulier).
L'adoption d'une telle loi, particulièrement novatrice, est de nature à confirmer la position de Genève à l'avant-garde de l'action en faveur d'un développement durable, à la fois sur le plan suisse et en cohérence avec la vocation internationale d'accueil de notre canton.
7. Conclusion
Le présent projet de loi manifeste de manière tangible la volonté de doter Genève d'un Agenda 21 qui soit réaliste et efficace. Conçu avant tout dans l'optique du principe « Penser globalement, agir localement », il apporte aussi une contribution originale à la manière de relever le défi d'un développement durable dans l'action publique.
Au bénéfice de ces explications, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à ce projet de loi.
Préconsultation
M. Alain-Dominique Mauris (L). Il était tout à fait logique que notre parlement soit saisi de ce projet de loi du Conseil d'Etat, afin de légitimer l'action entreprise depuis un certain temps par ce parlement au profit du développement durable dans notre canton. Concernant les différentes dispositions qui figurent dans ce projet, nous n'avons pour l'instant que peu de remarques à faire, si ce n'est une au sujet de l'article 7.
Cet article stipule que le canton soutient les communes dans leurs programmes. Sachant que le canton de Genève a un territoire relativement modeste, on peut s'étonner, dans un premier temps, qu'à côté de l'Agenda 21 cantonal on puisse voir fleurir une multitude de petits agendas communaux. Mais enfin, ce parallélisme peut avoir des avantages, surtout si le principe de convergence et de complémentarité est respecté. Cela dit, rappelons quand même qu'il y a quelques grandes communes dans notre canton - la Ville de Genève et d'autres - mais qu'il y a aussi beaucoup de petites communes, qui n'ont pas forcément les moyens de se doter de tous les experts nécessaires pour étudier et éditer des Agendas 21 communaux. Nous comptons donc sur la bienveillance de l'Etat et de ses services. Nous attendons que le Conseil d'Etat nous explique comment il entend concrètement aider les petites et moyennes communes à réaliser leur Agenda 21 communal, à côté de l'Agenda 21 cantonal. Nous soutenons le renvoi de ce projet de loi en commission.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais que les discussions particulières aient lieu hors de cette salle. Monsieur Koechlin et Monsieur Ducrest, votre mini-caucus doit se faire à la salle des Pas Perdus ou à la buvette !... Au fond de la salle, Madame Sayegh, Monsieur Velasco, faites cinq pas en arrière, s'il vous plaît !
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Le canton de Genève est le premier canton suisse à s'être doté d'un Agenda 21 et c'est le premier canton à vouloir se doter d'une base légale pour asseoir cet Agenda 21. En effet, ce projet de loi représente la loi-cadre qui manifeste la volonté politique d'un suivi de la conférence de Rio de 1992.
La Confédération, elle, a créé dans un premier temps un comité interdépartemental du suivi de cette même conférence, puis instauré un conseil du développement durable et mandaté un groupe d'experts pour l'élaboration d'un Agenda 21 fédéral, à partir du bilan qu'avait fourni l'administration fédérale dans ce domaine.
En 1997, le Conseil d'Etat mandatait la Société suisse pour la protection de l'environnement et lui demandait, par le biais d'une étude, d'élaborer un Agenda 21. Un travail gigantesque a été fait, en consultation aussi bien avec toute l'administration cantonale que la société civile. Il a abouti à une série de propositions faisant l'objet de treize cahiers et, pour le commun des mortels, à un résumé en vingt et un points. Pour chaque point, une proposition a été retenue à titre exemplaire et non exhaustif. Ce mandat a été mené à bien très sérieusement et a permis de faire avancer les choses. Le Conseil d'Etat a retenu sept propositions ; ce n'est pas là un choix frileux, mais la manifestation politique d'un choix de priorités. Les autres propositions contenues dans l'étude sont renvoyées, elles, à la société civile.
Enfin, le projet de loi reprend, et c'est là sa force, la définition du développement durable du rapport de la Commission mondiale environnement et développement, appelée plus communément commission Brundtland : «Un développement est durable s'il garantit que les besoins de la génération actuelle de tous les pays et groupes de populations sont satisfaits sans porter préjudice aux facultés des générations futures de satisfaire leurs propres besoins.» Cette définition se retrouve à l'article 1 de la loi et, de façon plus détaillée, dans l'exposé des motifs. Le développement durable fait souvent l'objet de définitions et d'appréciations tarte à la crème et fourre-tout. La définition de la commission Brundtland est très claire et supprime toute équivoque. Elle signifie la prise en compte d'une solidarité dans le temps avec les générations à venir, et d'une solidarité dans l'espace avec le Sud. Il y a, dans ce projet de loi, la volonté au niveau genevois de relayer et reprendre une volonté internationale et nationale. A l'heure de la dérégulation et de la mondialisation d'un libéralisme forcené, c'est une réaction saine et nous nous réjouissons d'étudier ce projet de loi en commission.
M. Thomas Büchi (R). Je voudrais d'abord dire, Monsieur le conseiller d'Etat Cramer, que vous êtes le Lucky Luke de la réponse ! Vous répondez le 11 octobre 2000 à une motion votée le 21 septembre 2000 : je vous félicite, c'est formidable ! Ceci pour vous dire qu'évidemment nous ne pouvons que saluer votre entreprise et le dépôt de ce projet de loi, qui reprend les thèmes développés dans les trois motions que nous avions déposées. Avec ce projet, vous répondez à la première motion ; il y a encore deux autres motions, une sur la forêt et une sur les matériaux de constructions, cette dernière étant en mains du département de l'aménagement actuellement.
S'il est vrai que ce projet de loi répond de façon tout à fait satisfaisante aux deux premières invites de notre motion, nous aimerions en revanche avoir quelques précisions sur la manière dont vous entendez traiter la troisième invite de notre motion, visant, je cite, «à promouvoir l'image de Genève en tant que lieu mondial de convergence, de réflexion et action liées à la promotion d'un développement durable équilibré». Pour notre part, nous souhaiterions qu'une plate-forme élargie, au-delà du simple niveau cantonal, soit mise en place pour mener une réflexion approfondie à ce sujet. Je ne sais pas, Monsieur le conseiller d'Etat, si vous avez des idées et si vous pouvez nous répondre un peu plus précisément sur ce point. Pour le reste, je me réjouis que nous travaillions tous dans le même sens pour mettre en oeuvre un développement durable, sain et équilibré à Genève.
M. Pierre Marti (PDC). J'ai remarqué avec intérêt, dans les diverses dispositions de ce projet sur le développement durable, une ouverture qui englobe le monde entier. En effet, si nous désirons véritablement un développement durable, il faut que nous nous ouvrions au monde entier. Je rappelle qu'il y a une vingtaine d'années une initiative «0,7% pour la coopération technique» avait malheureusement échoué, mais que nous nous étions engagés à faire un effort important en faveur de la coopération. Or, la subvention inscrite à notre budget, qui est restée stationnaire et qui a même baissé, démontre que nous sommes bien loin de cet objectif des 0,7%. C'est la raison pour laquelle je demande à la commission des finances de bien étudier le budget et d'envisager un relèvement de la subvention à la coopération technique.
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Les Verts saluent avec enthousiasme ce projet de loi. Ils espèrent très vivement qu'il sera mis en oeuvre dans sa totalité, d'une part, et sans trahir l'esprit qui prévaut dans l'article premier et qui en définit le but, d'autre part. Il est utile de rappeler les responsabilités de chacun, de rappeler que Genève est reliée à l'ensemble de la planète. Il est bon de réfléchir ensemble, mais il est encore mieux d'agir, chacun à son niveau. Certes, un tel document, novateur et qui sort des sentiers battus, peut toujours soulever des réactions diverses. Il serait facile de dire notamment qu'on aurait pu faire mieux encore, qu'il manque telle mesure ou telle autre... Ainsi, lors de la procédure d'enquête, les Verts avaient émis diverses suggestions qui n'ont pas été reprises dans la version finale. On peut également trouver ce plan de mesures trop contraignant ou, au contraire, trop théorique. On peut penser que nous sommes encore en deçà de ce qu'il faudrait faire, qu'il faudrait notamment fixer des échéances - et vous devinerez que c'est plutôt de ce côté que se situerait la position des Verts si elle devait être critique.
Cela dit, il convient de remarquer qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras et que, plutôt que d'accumuler de nombreux projets à la fois, il était sage d'en choisir un plus petit nombre et d'être sûr de les réaliser. Il faut convenir aussi que ce qui compte surtout, c'est la manière dont ces objectifs seront mis en oeuvre et le suivi qui sera effectué. Dans ce sens, il est positif que le suivi soit groupé dans un département, plutôt que de délayer les responsabilités.
J'aimerais faire rapidement quelques commentaires sur certains des objectifs repris dans les articles 9 à 15. Concernant l'article 9 et le système de management environnemental, il me paraît certes excellent que l'Etat donne l'exemple de ce qu'il prône, dans tous les départements, dans sa politique d'achat, etc., mais il serait souhaitable de fixer assez rapidement des objectifs chiffrés, notamment dans les économies de fluides. Pour ce faire, il faudra mettre en place des systèmes de contrôle qui respectent la transparence. S'agissant du tri du papier, il faut noter qu'un effort important a d'ores et déjà été fait, mais qu'il est encore à développer, dans tous les secteurs, y compris dans les écoles, les hôpitaux, etc.
En ce qui concerne les indicateurs du développement durable, comme nous l'avons déjà dit, nous trouvons que, plutôt qu'une action, il s'agit là d'un préalable indispensable qui devrait chapeauter toutes les mesures. En effet, il est difficile de juger si tel objectif est en rapport avec le développement durable si on manque d'indicateurs. Toutefois, cet objectif est évidemment fort intéressant s'il permet de clarifier la situation.
L'article 11 parle de la formation et de l'information. Là, il nous faut bien sûr faire confiance au département, puisque cet article est assez vague. Cependant, le fait même qu'il ait été choisi tend à prouver l'importance que lui donne le Conseil d'Etat. En cela, nous l'approuvons entièrement, tant il est vrai que ces deux termes, la formation des enseignants et l'information de la population, sont d'une importance absolument primordiale. En effet, à travers les enseignants, ce sont les jeunes que l'on touche, c'est-à-dire l'avenir de notre société. Dans ce sens, de tous les objectifs du projet, c'est peut-être le plus authentiquement «durable».
L'article 12 a trait à l'écosite et les Verts accueillent très favorablement cette action qui vise à promouvoir l'écologie industrielle. Cette proposition vise véritablement à modifier la façon de produire, pilier essentiel du développement durable.
L'article 13 parle de la lutte contre l'exclusion et est également primordial. Il s'agit là d'un ensemble de mesures destinées à agir en amont de l'exclusion des demandeurs d'emplois. Les Verts avaient demandé qu'on y intègre le principe du partage du travail, principe souvent évoqué et rarement appliqué. Nous espérons vivement que le Conseil d'Etat fera lui-même un effort en la matière, du moins dans l'administration, donnant ainsi l'exemple à la société civile.
Enfin, il est clair que le fait d'avoir mis en exergue ces mesures ne doit pas empêcher d'en prendre d'autres, lorsque le besoin s'en fera sentir. Il y manque notamment, me semble-t-il, un élément très important qui est la lutte contre la pollution. Mais l'essentiel, pour le moment, c'est que ces mesures-là ont réussi à réunir un consensus, ce qui est déjà extrêmement positif et porteur d'espoir. Les Verts disent donc au Conseil d'Etat : bravo et maintenant, au travail pour les réaliser !
M. Roger Beer (R). Monsieur le conseiller d'Etat chargé de ce dossier, permettez-moi de m'associer à mon collègue Büchi pour vous féliciter. Il a évoqué Lucky Luke, c'est joli, mais j'irai plus loin : alors qu'en bientôt douze ans de députation, je n'ai jamais vu de réponse à une motion dans les six mois, vous nous apportez, après un mois, une réponse qui est largement satisfaisante.
Cela dit, j'aimerais quand même relever que le débat sur le développement durable a été initié lors de la dernière législature et je tiens ici à rendre hommage au président du Conseil d'Etat, M. Segond, qui avait lancé les premières études sur ce sujet, avec M. Longet notamment, directeur de la Société de protection de l'environnement. Il est vrai que l'étude en soi était facile et que ce qui était beaucoup plus difficile, c'était de réussir à faire une sorte de catalogue. En l'occurrence, vous avez été plus loin, Monsieur le conseiller d'Etat, puisque vous nous présentez un projet de loi qui répond, sommairement mais de façon décisive, aux différentes injonctions de l'Agenda 21.
Nous avons voté tout à l'heure 35 millions pour Palexpo, tout le monde était là, le débat était enflammé ; nous nous retrouvons un peu moins nombreux pour ce projet de loi, je le regrette, parce qu'à mon sens l'application de l'Agenda 21, le développement de ce concept est extrêmement important pour Genève et j'espère bien que nous pourrons continuer à y travailler, même si nous nous approchons de la fin de la législature. Du reste, Monsieur le conseiller d'Etat, je suis un peu étonné que vous ayez prévu d'abroger la loi le 31 décembre 2002, mais vous allez sans doute nous donner des explications. J'imagine qu'en 2002 nous aurons terminé la première phase, mais je me réjouis de voir la suite, puisque l'application de l'Agenda 21 par le canton et les communes ne va sûrement pas cesser en 2002.
Enfin, nous sommes évidemment d'accord que vous continuiez les discussions dans les communes et attendons que vous reveniez avec un rapport circonstancié sur ce sujet.
M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier pour l'accueil que vous réservez à ce projet de loi sur l'Agenda 21 et à notre réponse à la motion 1346 sur ce sujet.
On peut bien sûr regretter que le débat, ce soir, soit consensuel ; il est évident que, si on avait allumé les passions autour de ce projet, nous aurions été un peu plus nombreux dans cette salle et qu'il aurait été plus animé. Mais, pour ma part, je ne regrette pas que, dans ce canton qui fait oeuvre de pionnier en légiférant dans le domaine de l'Agenda 21, nous puissions parler d'une même voix. Nous le devons, vous l'avez rappelé, Monsieur Beer, à cette longue consultation qui a débuté il y a près de trois ans, avec le mandat qui a été confié à la Société pour la protection de l'environnement et l'étude que celle-ci a faite.
La SPE a fait cette étude, non pas en spécialiste, dans son coin, mais en consultant les dizaines de personnes qui avaient quelque chose à dire dans ce dossier, en consultant des dizaines d'associations de toutes natures, qu'il s'agisse des partenaires sociaux, des milieux regroupant des employeurs et des syndicats, qu'il s'agisse d'associations professionnelles, environnementales ou actives dans le domaine social et humanitaire, et bien d'autres encore. Cet immense travail de consultation a débouché sur le rapport «Vingt et une actions pour entrer dans le XXIe siècle», rapport qui fait la synthèse des propositions de ce qu'on appelle la société civile. Le rapport a encore fait l'objet d'une large consultation. Et c'est en essayant de synthétiser ce rapport, en prenant les points qui nous semblaient prioritaires que nous avons débouché sur ce projet de loi. Tout ceci explique le débat consensuel d'aujourd'hui.
La discussion va se poursuivre en commission, mais permettez-moi, à l'occasion de ce débat de préconsultation, de répondre à deux interrogations qui ont été posées quant au projet de loi.
En ce qui concerne les communes, Monsieur Mauris, nous n'avons pas voulu - j'entends vous rassurer sur ce point - être prescriptifs : il ne s'agit pas d'imposer aux communes de faire des Agendas 21, il s'agit d'imposer à l'Etat d'aider les communes qui désirent en faire. Si nous avons prévu cette disposition, c'est parce que certaines petites communes nous ont approchés en nous demandant comment faire un Agenda 21. Les grandes communes, elles, n'ont pas besoin de notre appui, elles ont les moyens et les ressources pour faire elles-mêmes leur Agenda 21. La rédaction d'un agenda 21, selon le chapitre 28 du programme Action 21 joint à la Déclaration de Rio est cependant l'affaire de tous : c'est l'affaire des pays, des régions - en l'occurrence des cantons, dans notre pays - mais c'est également l'affaire des municipalités et des communes. Chacun dans sa sphère de compétences doit s'efforcer d'agir dans le sens de l'Agenda 21.
Deuxième question qui a été posée au sujet de ce projet de loi : pourquoi voulons-nous abroger la loi le 31 décembre 2002 ? C'est bien sûr, Mesdames et Messieurs les députés, pour que vous la votiez le plus rapidement possible et que l'administration puisse se mettre au travail dès le mois de janvier 2001 ! Plaisanterie mise à part, la raison de cette disposition se trouve à l'article 3. Nous avons prévu, dans cette loi, un système de contrôle permanent de la société civile et de ses représentants, que vous êtes, Mesdames et Messieurs les députés. Nous voulons, durant la première année de chaque législature, présenter un rapport au Grand Conseil sur les actions déjà réalisées et un programme pour les actions à mener durant la législature - cela figure à l'article 4. Nous voulons que l'Agenda 21 s'inscrive dans le cadre d'un calendrier de législature, que tous les quatre ans on examine ce qui a été fait - et que cet examen soit une contrainte - et que, dans le même temps, on décide comment continuer. Dans ce sens, comment mieux créer cette contrainte qu'en rendant la loi caduque si, à la fin de la première législature, cet examen n'a pas eu lieu ? Mesdames et Messieurs les députés, ou bien nous considérons que les lois ne sont que des mots et qu'elles ne sont faites que pour nous donner bonne conscience, ou bien nous estimons qu'elles sont faites pour être mises en oeuvre et, dans ce cas-là, nous pouvons légitimement nous imposer ce genre de contrainte.
En ce qui concerne la réponse à la motion, j'ai été interpellé sur un point : que fait notre canton pour favoriser l'image de Genève en tant que lieu mondial de convergence et de réflexion liées à la promotion d'un développement durable équilibré ? Eh bien, nous menons tout d'abord un certain nombre d'actions qui figurent dans ce projet de loi - je vous renvoie plus particulièrement à l'article 15, que M. Marti a mis en exergue et qui concerne la coopération au développement - mais ce n'est pas tout.
Vous vous souvenez peut-être que l'année dernière nous avons inauguré à Genève le siège européen du Programme des Nations Unies pour l'environnement, dont le siège mondial se trouve à Nairobi. Cette réalisation est de très grande importance, elle nous ramène à l'époque où l'on parlait de Genève comme capitale du développement durable, comme capitale de l'environnement. Pour que Genève soit une véritable capitale de l'environnement, il faut d'abord que les Genevoises et les Genevois et leurs autorités en soient dignes, c'est-à-dire que nous nous illustrions dans ce domaine ; j'espère que c'est un peu ce que nous ferons en adoptant ce projet de loi. Il faut ensuite mener les actions nécessaires sur le plan international : c'est là le travail de la Confédération, mais nous pouvons l'aider. En l'occurrence, je vous garantis que, dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l'environnement qui a dorénavant son siège européen à Genève, dans le cadre de cette maison internationale de l'environnement, l'Etat de Genève essaie par toutes sortes d'actions de favoriser son rayonnement et son développement.
Notre dernière action - la presse en a rendu compte il y a quelques mois - a été de développer conjointement des outils géoréférés informatiques, qui permettent d'établir des cartes, de saisir des données et de diffuser des informations dans le domaine de l'environnement. Une bonne partie de ces outils ont été développés à Genève par les services du département de l'intérieur, par le service du cadastre notamment, avec la collaboration de la Confédération et dans le cadre d'un programme international. Ensemble, nous avons pu présenter ces outils, qui sont dorénavant à la disposition de la collectivité internationale, qu'il s'agisse des milieux associatifs ou des organisations internationales. Voilà donc une action que nous avons menée.
Je crois que c'est dans le cadre de cette maison pour l'environnement que les choses doivent se développer. Jusqu'à maintenant, nous avons pu mener ces actions dans le cadre du budget ordinaire de l'Etat, mais sachez que je n'hésiterai pas à vous solliciter, si nécessaire, pour faire progresser de façon utile tel ou tel projet.
M. Hervé Dessimoz (R). J'ai beaucoup apprécié les propos de M. Cramer, mais je voudrais lui rappeler que mes collègues Beer et Büchi et moi-même avions déposé ces trois motions sur le développement durable à un moment où le Conseil d'Etat semblait faiblir dans sa détermination à faire adopter l'Agenda 21 du canton, qui avait été distribué aux communes. En ce sens, l'intervention de M. Mauris est significative des doutes et, peut-être, du manque de conviction du Conseil d'Etat par rapport à sa réelle capacité à faire adhérer le plus grand nombre de Genevois à l'esprit du développement durable.
Le développement durable, et c'est bien la raison du manque de participants à ce débat, se limite, dans la plupart des cas, à une réflexion généraliste, philosophique, alors qu'en fait c'est l'action de chacun, tous les jours, qui est certainement l'engagement le plus crédible par rapport au développement durable. Le développement durable est vraisemblablement quelque chose de payant dans la mesure où chaque citoyen décide, modestement, à son échelle, de contribuer à ce développement.
Monsieur Cramer, vous avez engagé une action avec l'administration et vous la limitez dans le temps pour voir si elle aura du succès et si elle mérite d'être poursuivie. Pour ma part, je pars du principe que cette action, cet engagement mérite l'énergie la plus grande et la conviction qu'on peut réussir. En ce sens, cette limitation dans le temps nous inquiète, parce qu'elle peut laisser supposer que vous doutez du résultat. Nous vous sommes reconnaissants de la réponse rapide que vous nous avez donnée, mais nous pensons que Genève a un rôle particulier à jouer. Depuis plus d'un siècle, Genève a participé aux grands débats mondiaux concernant la protection de l'individu, les droits de l'homme, la protection de l'environnement, et nous aurions souhaité un message beaucoup plus clair sur son rôle au plan mondial. A part la réalisation de la maison de l'environnement, Genève pourrait mener une action «activiste» - vous savez, Monsieur Cramer, ce que signifie une action activiste - en réunissant par exemple chaque année des collectivités qui s'engagent dans des actions concrètes en faveur du développement durable. Nous avons reçu, au printemps dernier, comme invité au Sommet social, la ville de Curitiba : nous n'avons pas engagé le dialogue, nous n'avons pas partagé nos expériences... Monsieur Vanek, pourriez-vous vous déplacer ? J'aime bien votre chemise jaune, mais je trouve quand même les yeux de M. Cramer plus intéressants !
Monsieur Cramer, en plus de l'action que vous allez mener avec l'administration, je vous encourage à mener une action dynamique avec d'autres participants, une action exemplaire qui permettrait de faire chaque année un bilan, sous forme d'une table ronde avec d'autres collectivités. Au lieu de dire simplement : «A Genève, nous faisons», il s'agit de dire : «A Genève, nous participons avec d'autres à la promotion d'un développement durable, c'est-à-dire d'un avenir pour demain». Je pense que vous m'avez compris.
Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Je prends la parole pour dire à mon préopinant que j'approuve entièrement ce qu'il vient d'exposer sur l'esprit d'ouverture. Ce projet est évidemment bienvenu, mais dans l'Agenda 21 et dans les termes du développement durable, il y a pour moitié la préservation de l'air, de l'eau et de la terre, et pour moitié la préservation des individus au sein de leur collectivité, l'esprit de justice, d'équité, de solidarité, qui sont les conditions d'un développement durable de la paix, de la non-émergence de la violence et du conflit de classes, pour employer une terminologie qui nous est propre. Dans ce sens, il est indispensable de se situer dans la mondialisation, avec les autres.
Tout à l'heure, Pierre Marti a souhaité que le relais développement en direction des pays les moins favorisés de la planète soit pris en considération de manière prioritaire. De même, la proposition de M. Dessimoz d'une concertation avec d'autres partenaires préoccupés par le développement durable, en vue d'actions d'ouverture dans tous les domaines, autant les domaines physiques, de la terre, que les domaines relevant du social, doit être prise en considération.
J'aimerais indiquer à cet égard que la Ville de Genève est signataire de la Charte d'Aalborg, charte que des villes à travers le monde ont signée après Rio, pour concrétiser les objectifs de l'Agenda 21. Le premier partenaire de l'Etat devra évidemment être la Ville de Genève et les autres villes signataires, ainsi que les autres partenaires à travers le monde qui partagent les objectifs du développement durable.
PL 8365
Ce projet est renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
M 1346-A
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
La Commission de l'énergie et des Services industriels du Grand Conseil s'est réunie à deux reprises pour traiter de cette pétition de l'association antinucléaire genevoise ContrAtom, les vendredi 6 et mardi 10 octobre 2000, sous la présidence de M. Alberto Velasco.
Lors de la première séance en commission sur cet objet, les partis de l'Entente n'étaient représentés que par une unique députée libérale: Mme Jeannine Berberat. Les autres commissaires de droite avaient apparemment jugé que cette question ne méritait pas leur présence. A la demande de Mme Berberat, et par courtoisie pour la minorité, nous avons tenu une deuxième séance « de rattrapage » pour permettre aux absents de disposer de tous les documents concernant cette affaire et de se prononcer « quand même » en commission. Si Mme Berberat a bien été rejointe lors de la deuxième séance par ses deux collègues libéraux (MM. Mauris et Vaucher) l'absence de tout représentant du PDC ou des radicaux a perduré.
Lors de sa première séance de travail sur cet objet, en présence du conseiller d'Etat en charge du DIAE, M. Robert Cramer et de M. Jean-Pascal Genoud, chef de l'Office cantonal de l'énergie, la commission a reçu et entendu une délégation de ContrAtom, composée de Mme Anne-Cécile Reimann, la pétitionnaire par ailleurs vice-présidente de l'association, du président de celle-ci, M. Raymond Beffa, de son secrétaire, M. Cyril Schönbächler et de M. Denis Perrenoud, membre du comité.
Une pétition antinucléaire qui en reflète une autre
La pétition de ContrAtom, adressée à notre Grand Conseil, porte la seule signature de Mme Reimann, mais elle comporte en annexe une deuxième pétition adressée aux autorités fédérales en juin déjà.
Les autorités genevoises - dont nous sommes - reçoivent ainsi un certain nombre de copies de cette seconde pétition, munies d'environ un millier de signatures recueillies par ContrAtom. Cette association précisera que ces signatures ne représentent pas l'ensemble de celles recueillies dans le canton de Genève, puisque nombre d'autres organisations locales, le WWF-Genève par exemple, l'ont diffusée et ont recueilli des signatures, ceci sans en adresser copie, ni au Grand Conseil, ni au Conseil d'Etat.
Cette pétition fédérale s'inscrivait dans le cadre de la procédure de consultation organisée par le département du conseiller fédéral Moritz Leuenberger sur le projet de nouvelle loi sur l'énergie nucléaire (LENu).
Au-delà de l'habitude, ou de la règle, qui veut que le gouvernement fédéral consulte quelques dizaines de cantons, partis et organismes divers, cette pétition nationale, intitulée « Consultation populaire relative au projet de révision de la loi sur l'énergie nucléaire » représente une irruption volontaire de la démocratie directe dans ce processus et met en avant une position commune, appuyée par l'ensemble des milieux et associations antinucléaires de ce pays.
Le 14 juin dernier, ces milieux - dont ContrAtom fait évidemment partie - déposaient 45 000 signatures à Berne (soit pratiquement l'équivalent du nombre de paraphes requis pour un référendum fédéral) pour dire par ce moyen leur refus, partagé par des dizaines de milliers de citoyen-ne-s, du projet de loi fédéral en cours de consultation que le gouvernement fédéral entendait (et entend d'ailleurs toujours) opposer comme contre-projet de facto aux deux initiatives fédérales antinucléaires pendantes, déposées l'an dernier en prévision de l'expiration du moratoire atomique de dix ans adopté en 1990.
Cette pétition fédérale comprend quelques revendications simples et fort modérées. Elles sont au nombre de cinq. Il est demandé aux autorités fédérales d'élaborer une loi pour sortir du nucléaire et en particulier concrètement :
de limiter la durée d'exploitation des centrales nucléaires à 30 ans au maximum,
d'arrêter le transport et le retraitement d'éléments combustibles usés,
de démocratiser toutes les procédures d'autorisation liées au nucléaire,
d'introduire une responsabilité civile illimitée pour les exploitants des centrales nucléaires,
d'exiger la prise en charge totale des frais d'élimination des déchets nucléaires par les exploitants des centrales.
Le Conseil d'Etat a dérapé : il faut corriger le tir
Ces exigences étaient largement connues et diffusées à travers tout les pays depuis le début du printemps dernier. Or, le 14 juin, au moment où les antinucléaires déposaient les 45 000 signatures à Berne, le président de notre Conseil d'Etat, M. Guy-Olivier Segond, sans en avoir au préalable référé à notre Parlement, ce qu'il aurait évidemment pu (voire dû !) faire sur une question de cette importance, signait une lettre adressée à M. Moritz Leuenberger se présentant comme étant la position du canton de Genève concernant la LENu.
C'est cette lettre que ContrAtom remet en cause et conteste, tant par sa pétition cantonale adressée à notre Grand Conseil et déposée le 30 août dernier, que par une lettre ouverte adressée directement au Conseil d'Etat, à laquelle celui-ci n'a pas jugé utile de répondre ...au motif, selon la déclaration de M. Robert Cramer en commission, que la lettre était ouverte, mais aussi que l'affaire avait été transmise à notre Grand Conseil.
Dans la pétition qui nous est adressée, ContrAtom déplore que le Conseil d'Etat « salue cette loi atomique pronucléaire », position qui n'est à ses yeux « pas conforme à l'art. 160C de notre Constitution cantonale ».
Les pétitionnaires de ContrAtom, représentés par Mme Reimann, estimaient le 30 août que :
« Etant l'autorité de surveillance du Conseil d'Etat, le Grand Conseil se doit de rectifier le tir en adressant un correctif et en faisant entendre à Berne, sous forme de résolution par exemple, une condamnation claire de ce projet de loi fédérale, ainsi qu'un appui aux revendications en la matière du mouvement antinucléaire national ».
C'est là l'invite de la pétition que nous sommes appelés à traiter. La majorité de la commission (3 AdG, 3 S, 2 Ve) a estimé qu'il fallait, dans un premier temps, et sans plus attendre, voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat :
pour marquer notre demande à ce dernier de « corriger le tir » par rapport à son dérapage malheureux du mois de juin, correction que le conseiller d'Etat Robert Cramer s'est d'ailleurs engagé à proposer au Conseil d'Etat
Les commissaires de la majorité ont exprimé le souhait que la lettre « corrective » du Conseil d'Etat à Berne, ou du moins le projet de celle-ci, puisse être disponible et diffusée aux député-e-s avant ou à l'occasion de la séance du Grand Conseil à fin octobre au cours de laquelle devrait être abordé la pétition. Le cas échéant, le Grand Conseil pourrait ainsi donner sur le champ acte au Conseil d'Etat d'avoir répondu à la pétition et le dispenser d'un rapport ultérieur concernant celle-ci.
pour donner acte aux pétitionnaires du fait qu'ils ont bien mis le doigt sur une problème réel et aigu ;
et enfin, pour que notre Parlement lui aussi, par son vote, contribue à resituer publiquement et immédiatement notre canton dans le camp antinucléaire et en posture d'appui aux revendications qu'il exprime.
La minorité (3 L) a estimé qu'un tel renvoi était pour le moins prématuré et qu'il était urgent d'attendre un traitement plus complet de la question, des auditions supplémentaires éventuelles, etc.
Le rapporteur se permet de signaler, sans forcément imputer une telle position à l'ensemble du parti libéral ou a fortiori aux autres partis de l'Entente que Mme Berberat a émis en commission l'avis que la lettre du 14.6.00 du Conseil d'Etat avait été « habile » (sic !) La majorité a quant à elle voulu avoir une interprétation plus charitable de l'incapacité du Conseil d'Etat à faire entendre un point de vue antinucléaire à Berne considérant que celui-ci n'avait pas agi intentionnellement mais plutôt pêché par maladresse et négligence.
Pour la majorité, ce renvoi au Conseil d'Etat n'empêche évidemment pas - bien au contraire - que dans un deuxième acte de sa part concernant cette affaire, notre Grand Conseil se fasse « entendre à Berne » directement, par voie de résolution par exemple comme nous le suggèrent les pétitionnaires, ou sous toute autre forme appropriée.
Mais l'élaboration et le traitement d'une telle résolution, soit directement par la Commission de l'énergie
Comme nous le permet dorénavant notre règlement qui prévoit qu'une commission puisse prendre l'initiative d'un rapport au Grand Conseil sur un objet relevant de son domaine (art.190, al.3).
Genève militerait contre les initiatives de Sortir du nucléaire
En effet, comme la délégation de ContrAtom l'a appris ce vendredi 6 octobre, tant à vos commissaires qu'au conseiller d'Etat présent ou au chef de l'OCEN, le Conseil fédéral a pris position publiquement le 2 octobre en précisant ses intentions quant à la nouvelle LENu et en se fondant sur sa synthèse des résultats de la consultation. Au nom essentiellement des « pertes pour l'économie générale » qu'une limitation de l'exploitation des centrales impliquerait selon lui, le gouvernement fédéral défend aujourd'hui ouvertement une exploitation illimitée de nos réacteurs atomiques vieillissants et le maintien de l'option nucléaire.
Paradoxalement, l'argument essentiel - économique - du Conseil fédéral, rejoint celui de l'exploitant de la centrale de Gösgen qui a recouru contre un certain nombre de mesures de sûreté que cherchait à lui imposer l'autorité de surveillance fédérale en arguant du fait que « les investissements qu'elles impliquent ne peuvent que nuire à la capacité concurrentielle » de son installation.
Or, cette prise de position, qui doit conduire en principe avant mars prochain à l'élaboration d'un projet de loi définitif et à un message ad hoc du Conseil fédéral, outre qu'elle ne prend pas en compte l'avis des 45 000 citoyen-ne-s qui ont refusé ses projets dans le cadre du volet « populaire » de la consultation que nous avons évoqué ci-dessus, s'appuie bien entendu sur les prises de position des cantons.
Pour Genève, sur la base de la prise de position du Conseil d'Etat, notre canton est présenté comme étant dans le camp pronucléaire. Genève est recensé en compagnie par exemple de l'Association suisse pour l'énergie atomique ou du Vorort, ou de la CEDRA ou des exploitants des centrales de Mühleberg, Leibstadt ou Gösgen... comme étant partisan de « maintenir l'option de l'énergie nucléaire » conformément aux articles 12 et suivants du projet (cf. annexe).
Prenant connaissance en commission de cet état de fait, que nous communiquait ContrAtom et que ses services ignoraient jusque là, le conseiller d'Etat Robert Cramer a tenu à déclarer, devant les pétitionnaires et donc en dérogation volontaire à nos us et coutumes parlementaires habituels, qu'il était personnellement « bouleversé » par cette lecture faite de la position genevoise et qu'il travaillerait à y remédier.
Au chapitre de l'appréciation générale du projet, Genève participerait selon le rapport fédéral à cette « majorité des cantons [qui] estiment que la politique énergétique suisse et les entreprises d'électricité ont besoin de décisions rapides en matière nucléaire. Ils approuvent donc le fait que la LENu serve de contre-propositon indirecte aux deux initiatives « Moratoire-plus » et « Sortir du nucléaire ». Ils relèvent que le projet mis en consultation ne traite pas seulement des questions soulevées par les initiatives, mais qu'il élargit le débat et présente un avantage capital, celui de pouvoir être mis en application plus rapidement »
Page 3 du rapport fédéral point 2.1 Cantons
Le rapport fédéral prend ici les termes même de la lettre du 14 juin du Conseil d'Etat genevois qui poignarde dans le dos les initiatives fédérales antinucléaires pendantes en saluant le projet de LENu comme « plus complet et présentant l'avantage de pouvoir être appliqué plus rapidement. »
On pourrait multiplier les citations et développer l'analyse critique de la lettre du 14 juin du Conseil d'Etat
Cette analyse devrait d'ailleurs relever non seulement les ambiguïtés et les déclarations inacceptables de cette lettre, mais aussi la légèreté des 3 pages de réponse et ce qu'elle ne disent pas. Rappelons les moyens engagés à l'époque par les collectivités publiques genevoises, notamment l'engagement d'avocats particulièrement compétents, pour travailler à la fermeture de Creys-Malville par le gouvernement français. A côté de cet effort là l'engagement actuel du Canton en direction de notre propre gouvernement pour faire fermer nos centrales helvétiques apparaît bien faible: il est manifeste par exemple qu'aucun juriste genevois sérieux n'a été mandaté pour faire une étude critique de la proposition de LENu !
Deux points en particulier méritent d'être relevés : le Conseil d'Etat n'a pas eu le courage d'articuler une limite dans le temps à l'exploitation des centrales contrairement aux deux Bâles, au Tessin ou au Jura. Sur le problème du retraitement des déchets radioactifs suisses à La Hague ou à Sellafield il n'a pas eu le courage de demander l'arrêt immédiat de cette activité dont le Conseil fédéral prévoit qu'elle pourra se poursuivre pour « honorer les contrats relevant du droit privé » passés par les exploitants des centrales.
Les Anglais ont un dicton : «The proof of the pudding is in the eating» (la preuve du pudding vient au moment de le manger) ! De même, la preuve du caractère pronucléaire de la position du Conseil d'Etat destinée à la Berne fédérale, c'est que c'est bien comme telle qu'elle a été lue. Certes cette lecture peut être discutée, elle est politicienne. Mais s'attendre à ce que le Conseil fédéral ne fasse pas de politique (ou ne pas savoir dans quel sens il la fera) c'est faire preuve d'une naïveté et d'un angélisme qu'on a de la peine à prêter- quelles que soient ses qualités par ailleurs - au président du Conseil d'Etat Guy-Olivier Segond, signataire de la lettre !
Conclusion
Aujourd'hui donc, Mesdames et Messieurs les député-e-s, au-delà de l'analyse des textes ou des lamentations sur la lecture bernoise du courrier de notre Exécutif, nous vous invitons à renvoyer la pétition de ContrAtom au Conseil d'Etat.
Rappelons que l'art 160C de notre Constitution nous engage à employer « tous les moyens juridiques et politiques » pour nous opposer au nucléaire voisin de notre canton.
Ce vote est un modeste « moyen politique » d'aller dans ce sens. Il y en a bien d'autres que le canton devrait peut être empoigner, par exemple mandater un juriste pour faire une analyse critique de la nouvelle LENu, prendre contact avec les cantons opposés au maintien de l'option nucléaire pour envisager une action concertée, se poser le problème d'un soutien ouvert aux moyens politiques que sont les initiatives Sortir du nucléaire et Moratoire-plus, etc.
Nous aurons l'occasion d'y revenir !
Pétition(1315)
Mesdames etMessieurs les députés,
Nous voulons une loi pour sortir du nucléaire qui soit un véritable investissement pour l'avenir.
C'est pourquoi nous vous demandons concrètement :
de limiter la durée d'exploitation des centrales nucléaires à 30 ans au maximum ;
d'arrêter le transport et le retraitement d'éléments combustibles usés ;
de démocratiser toutes les procédures d'autorisation liées au nucléaire ;
d'introduire une responsabilité civile illimitée pour les exploitants des centrales nucléaires ;
d'exiger la prise en charge totale des frais d'élimination des déchets nucléaires par les exploitants des centrales nucléaires.
Seule une loi qui prévoit une sortie progressive du nucléaire sera porteuse d'avenir et trouvera une majorité.
910111213141516171819
Débat
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Cette pétition a été déposée le 30 août par ContrAtom, en réaction à la réponse du Conseil d'Etat du mois de juin, adressée au Conseil fédéral dans le cadre de la consultation sur la nouvelle loi fédérale sur l'énergie nucléaire (LENu).
Tout à l'heure, dans sa dernière intervention sur un point précédant de l'ordre du jour, le conseiller d'Etat Robert Cramer a dit avec beaucoup de fougue que, soit on considère que les lois ne sont que des mots, soit on considère qu'elles sont faites pour être respectées et appliquées. Or, c'est bien de cela qu'il s'agit en la matière. La loi qu'il s'agit de respecter et d'appliquer, c'est même la loi constitutionnelle qui régit cette République, notamment l'article 160C de la constitution genevoise, qui stipule que les autorités cantonales genevoises s'opposent par tous les moyens juridiques et politiques - j'insiste sur cet adjectif, puisque nous sommes ici dans le domaine de l'élaboration de lois par les Chambres fédérales et donc dans le domaine de la politique - par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires, de dépôts de déchets hautement radioactifs, etc., sur le territoire du canton bien sûr, mais aussi dans le «voisinage» de celui-ci. On sait malheureusement qu'en matière nucléaire la notion de voisinage - M. Cramer ne me contredira pas - doit être interprétée de manière considérablement extensive.
Comme sans doute tout le monde dans cette enceinte, nous considérons que cet article de la constitution impose - et c'est ainsi qu'il a été lu depuis des années - d'avoir une attitude résolue, de mener le combat pour mettre un terme au nucléaire dans ce pays, puisqu'on ne peut décemment pas refuser les centrales ou les dépôts de déchets radioactifs chez nous et les accepter chez les autres, voire tirer notre courant de cette source-là. C'est du reste dans cet esprit et en référence à cet article qu'a été votée récemment dans cette salle, à la quasi-unanimité, la conception générale de l'énergie du canton de Genève.
Or, et cela a été confirmé tout récemment, le projet de loi de M. Moritz Leuenberger et du Conseil fédéral - je n'en ferai pas, rassurez-vous, une analyse critique ici, il est un peu tard - est un projet qui pérennise l'exploitation du nucléaire dans ce pays. Ce projet a d'ailleurs suscité une réaction et une forte mobilisation des milieux antinucléaires de ce pays. J'insiste sur le fait que ce n'était pas un phénomène genevois uniquement : dans l'ensemble du pays, on a récolté, à l'appel d'associations de défense de l'environnement bien plus importantes et rangées que ContrAtom, des dizaines de milliers de signatures, 45 000 environ, pour les remettre à Berne, à l'échéance du délai de la préconsultation. Des dizaines de milliers de personnes ont ainsi signé une pétition pour dire qu'elles étaient mécontentes de ce projet de loi fédéral et pour poser un certain nombre de revendications antinucléaires élémentaires.
Une de ces revendications est qu'on arrête les centrales après trente ans d'activité : ce n'est ni utopique ni très radical, c'est à peu près la durée qui a été retenue en la matière par notre grand voisin du Nord, l'Allemagne. La deuxième revendication de cette pétition est que le retraitement des éléments combustibles irradiés soit arrêté immédiatement. Cette demande est renforcée par les graves pépins et les falsifications qui ont eu lieu à l'usine de Sellafield en Grande-Bretagne, usine qui retraite ce combustible pour en extraire le plutonium, ce qui est une folie à arrêter de suite. La pétition pose aussi certaines conditions par rapport à l'exploitation des centrales nucléaires actuelles, par exemple que l'assurance responsabilité civile soit illimitée, ce qui n'est pas le cas, ou que les collectivités locales soient consultées en matière «d'élimination» des déchets radioactifs.
Bref, il s'agit d'un certain nombre de revendications antinucléaires élémentaires, qui ont largement circulé et qui ont été relayées par ContrAtom à Genève, mais aussi par d'autres associations de défense de l'environnement, comme le WWF, et qui ont cristallisé en quelque sorte le point de vue du camp antinucléaire à l'échelle nationale sur ce projet de loi. Elles ont recueilli, je l'ai dit, 45 000 signatures, c'est-à-dire pratiquement le nombre de signatures nécessaire au référendum fédéral qui sera sans doute lancé contre ce projet de loi. C'est dire que nous étions en droit d'attendre du Conseil d'Etat de notre République - régie par l'article de la constitution évoqué tout à l'heure et dont les affaires énergétiques sont placées sous la houlette énergique de Robert Cramer, lequel n'est pas absolument étranger aux préoccupations antinucléaires ! - nous étions en droit d'attendre une prise de position du Conseil d'Etat qui soit antinucléaire, qui s'oppose à ce projet de loi et qui fasse un certain nombre de propositions sérieusement réfléchies pour le modifier.
En l'occurrence, la prise de position du Conseil d'Etat, ce sont les trois pauvres pages que j'ai là, signées par M. Guy-Olivier Segond, et c'est très, très léger ! La République et canton de Genève n'a visiblement pas jugé bon de mettre au travail une équipe de juristes, qui auraient analysé, critiqué le projet de loi du Conseil fédéral, qui auraient pris cette affaire au sérieux, comme on avait, en son temps, pris au sérieux les recours contre Creys-Malville, dans cette enceinte et au département, en engageant des juristes éminents. Cette lettre a manifestement été rédigée rapidement, sur le coin d'une table, par quelqu'un qui était peut-être plein de bonnes intentions, mais qui n'était peut-être pas très au clair sur le fond de ce qu'il avait à dire, qui n'était pas très au clair sur la critique à faire concernant le projet de loi fédéral et qui n'était guère motivé pour faire sérieusement ce travail.
Qu'on en juge : cette missive du Conseil d'Etat salue ce projet de loi et dit «qu'il répond à certaines préoccupations relatives au recours à l'énergie nucléaire (...) en proposant que soient clairement établies les modalités touchant à des aspects fondamentaux, tels que la durée d'exploitation des centrales existantes...» C'est faux ! Le projet en consultation ne propose pas de durée de vie pour les centrales. Je cite encore, parmi les éléments «satisfaisants» relevés par le Conseil d'Etat : «...en proposant que soient clairement établies les modalités touchant (...) le retraitement du combustible usagé». Si effectivement le projet de loi se propose d'interdire le retraitement, c'est une interdiction bien virtuelle, puisque tous les contrats en la matière, contrats de droit privé qui portent sur des centaines de tonnes de déchets radioactifs, pourront continuer à être honorés sans qu'une limite dans le temps leur soit imposée.
Je ne vais pas passer la nuit à faire la critique de cette missive du Conseil d'Etat, vous trouverez cela dans mon rapport, mais celle-ci dit explicitement, en haut de la page 2, que le projet de loi fédéral serait «plus complet et présente l'avantage décisif de pouvoir être appliqué plus rapidement» que les deux initiatives fédérales antinucléaires intitulées «Moratoire plus» et «Sortir du nucléaire». Le Conseil d'Etat salue ainsi explicitement le rôle de contre-projet indirect que le Conseil fédéral fait jouer à sa loi par rapport à ces initiatives antinucléaires qu'il combat. Soutenir des contre-projets aux initiatives antinucléaires, ce n'est guère employer tous les moyens juridiques et politiques pour appuyer la cause antinucléaire ! Le fond de l'affaire est là !
Maintenant, on nous rétorque que cette missive contient aussi d'excellentes choses : elle contient en effet une référence à la constitution, elle contient une volonté affirmée de rompre avec le nucléaire. Le problème est que ce texte est parfaitement contradictoire, qu'il contient tout et son contraire. Quand on fait un brouet qui contient pour moitié de la viande pourrie, on peut difficilement se justifier en sortant deux ou trois morceaux qui ne sont pas pourris et en disant : «Mais vous voyez, dans la cuisine qu'on vous a préparée, il y a quand même des morceaux qui ne sont pas mauvais !» Ce n'est pas sérieux !
En l'état, cette missive du Conseil d'Etat est de la très mauvaise cuisine, à tel point que les auteurs de la pétition actuelle, à savoir ContrAtom, se sont mobilisés le 30 août devant l'Hôtel de ville et ont remis une lettre au Conseil d'Etat, lui disant en substance : «Mesdames et Messieurs, vous avez sérieusement dérapé, faites ce qu'il faut pour corriger le tir !» Dans le même temps, ils nous ont adressé la lettre-pétition qui figure à la page 9 du rapport, nous demandant à nous aussi, en tant qu'autorité de surveillance du Conseil d'Etat, de corriger le tir et d'adresser à Berne une prise de position qui soit plus claire et qui engage réellement Genève dans le combat politique fédéral contre le nucléaire. Ce jour-là, les membres de ContrAtom ont vu sortir différents conseillers d'Etat, qui tous ont dit que la prise de position du Conseil d'Etat était satisfaisante. J'ai souvenir d'avoir entendu Mme Brunschwig Graf, mais aussi Robert Cramer, qui trouvait, en citant certains passages, que cette prise de position était satisfaisante. C'est dommage ! Il y a eu là légèreté insoutenable : si nos conseillers d'Etat avaient relu objectivement et sérieusement le texte qu'ils avaient commis, ou du moins signé, ils se seraient aperçus que celui-ci pouvait être considéré comme fondamentalement pronucléaire et comme trahissant clairement les objectifs de la constitution.
La preuve du pudding, je l'ai dit dans mon rapport, c'est quand on le mange, disent les Anglais ! La preuve de l'effet d'une action politique, c'est quand on voit comment elle est reçue. Le Conseil fédéral ne s'y est pas trompé, il a classé Genève - et ceci peut être vérifié dans un gros pavé, qui est le résumé de la consultation fédérale et qu'on trouve sur le site Internet de l'Office fédéral de l'énergie - parmi les cantons qui sont favorables, non seulement à l'énergie nucléaire, mais y compris à son développement ultérieur. Et cette interprétation n'est pas un simple dérapage de la plume des politiciens fédéraux qui ont fait cette synthèse ! On me dira qu'ils ont fait une lecture politique, voire politicienne, de la missive du Conseil d'Etat, mais...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le rapporteur, vous avez épuisé vos dix minutes ! Vous pourrez reprendre la parole si nécessaire !
M. Pierre Vanek, rapporteur. Je finis, Monsieur le président ! Nous sommes dans un domaine politique, la lecture qui a été faite par Berne est naturellement une lecture politique et Berne n'a rien inventé ! Preuve en est que le Conseil d'Etat, répondant par anticipation à la commission de l'énergie - qui a tenu deux séances en urgence de façon à inscrire ce point à l'ordre du jour de cette session - a jugé nécessaire de récrire au Conseil fédéral pour dire que Genève était quand même effectivement antinucléaire et pour faire un certain nombre d'observations complémentaires, sur lesquelles, Monsieur le président, je me permettrai de revenir.
Les conclusions de la majorité sont donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, donnant ainsi acte aux pétitionnaires de ce qu'ils avaient raison en la matière, et de reprendre, au niveau de la commission de l'énergie, l'élaboration d'un texte un peu plus complet, sous forme de résolution par exemple, qui pourrait être adressé à Berne sur cette question. La commission pourrait reprendre la lettre que le Conseil d'Etat vient d'adresser à Berne et examiner s'il y a lieu de la compléter, ce qui est à mon avis bien le cas ! (Applaudissements.)
M. Alain-Dominique Mauris (L). En préambule, j'aimerais rappeler où je me situe dans le débat concernant le nucléaire. Il y a plus de vingt ans, je militais déjà aux côtés d'une députée libérale, Mme Monique Bauer-Lagier, contre les risques potentiels liés aux accidents nucléaires ; de plus, vous savez tous, Mesdames et Messieurs les députés, les positions très nettes que j'ai personnellement prises contre la surgénération.
Cela étant dit, je ne comprends pas que la majorité de la commission ait tenté un coup de force pour envoyer au Conseil d'Etat cette pétition, inspirée par la mauvaise interprétation que Berne a faite de la prise de position du Conseil d'Etat. M. Cramer s'en est expliqué en commission. Le groupe libéral aurait préféré que l'un d'entre nous développe une interpellation urgente pour obtenir une prise de position du Conseil d'Etat devant ce parlement, puis que la commission prenne le temps d'examiner les conséquences des invites de la pétition. Celle-ci demande des mesures concrètes, dont les incidences ne peuvent être considérées à la va-vite, sans analyse sérieuse par les commissaires. C'est en cela que la position du groupe libéral diffère de celle de la majorité. Le groupe libéral, seul groupe de l'Entente présent en commission, comme l'a rappelé le rapporteur, aurait souhaité que la commission puisse s'exprimer à ce sujet. La pétition parle de limiter la durée d'exploitation, d'arrêter le transport et le retraitement, et ainsi de suite : ce sont des mesures importantes, dont les conséquences doivent être examinées.
Le groupe libéral va donc s'opposer au renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat et, puisque notre règlement nous empêche de renvoyer une pétition en commission, il propose le dépôt sur le bureau de Grand Conseil. Notre groupe souhaite que, très vite, les députés rédigent un projet de résolution, que celui-ci soit étudié correctement en commission, qu'on fasse les auditions nécessaires, pour qu'ensuite nous puissions prendre une position qui soit claire.
M. Roger Beer (R). Evidemment, lorsque les professionnels de l'antinucléaire monopolisent et le papier et le temps de parole, les autres députés sont un peu mal pris ! Cela dit, Monsieur Cramer, j'ai tout de même été étonné que vous ayez laissé passer une lettre qui prête autant à discussion et qui se prête à une telle exploitation politique par les antinucléaires, dont vous êtes. La réponse du Conseil d'Etat pouvait effectivement être interprétée, ce qui est un peu bizarre puisque notre constitution, elle, est très claire. Mais, comme l'a dit M. Mauris, cela aurait pu se régler de façon relativement simple, par la voie parlementaires à travers, par exemple, une interpellation urgente. S'agissant du travail en commission, on nous a proposé le vendredi soir, à 18 h 45, de nous réunir le mardi suivant. Or, il faut quand même dire qu'il y a des gens qui travaillent ; pour ma part, il m'était impossible d'être là le mardi à midi. C'est pour cette raison, notamment, que les radicaux étaient absents et je crois savoir qu'il en est de même pour mes collègues du PDC.
J'en viens à tout ce qui a été dit par M. Vanek, le professionnel de l'antinucléaire ! Mesdames et Messieurs les députés, si vous avez lu la déclaration du Conseil d'Etat sur Internet, notamment, et le compte rendu de la séance du Conseil d'Etat, vous aurez vu que Mmes et MM. les conseillers d'Etat ont fait amende honorable : ils ont reconnu qu'effectivement le texte n'était pas tout à fait aussi clair qu'il aurait dû l'être. Je crois donc que vous faites là un mauvais procès à M. Cramer - cela me fait d'ailleurs un peu rigoler, car c'est l'un des vôtres ! - qui défend plutôt, me semble-t-il, les thèses antinucléaires. Enfin, je le croyais, mais quand je vous entends j'ai l'impression qu'il est complètement à côté ! Quoi qu'il en soit, je pense qu'il va nous expliquer le problème.
En l'occurrence, vous avez provoqué cette pétition, c'est très bien, elle était justifiée. Au sein de l'Entente, nous sommes un peu mal à l'aise, car c'est le Conseil d'Etat qui nous met dans cette situation où nous devons reconnaître que vous avez raison. Vous exploitez la situation, bravo, c'est la politique, mais je crois qu'il faut maintenant arrêter le jeu et déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, en disant que nous acceptons la réponse donnée dans les journaux et lors du point de presse du Conseil d'Etat.
M. Rémy Pagani (AdG). Je trouve les propositions qui nous sont faites à la fois complexes et très simples. En définitive, les choses se résument à ceci : nous nous sommes mobilisés pendant des années, sur ces bancs mais aussi sur les bancs d'en face, pour que nos concitoyens adhèrent de manière majoritaire à une conception antinucléaire qui permette de combattre par tous les moyens juridiques et politiques les choix qui ont été faits durant les années 60 par les technocrates et qui sont sans avenir. Nous nous sommes mobilisés contre Malville, dans la rue d'abord, puis nous avons obtenu que le gouvernement et de nombreuses communes lancent des recours, qui ont eu des effets, puisque la centrale de Creys-Malville a cessé ses activités et que son démantèlement est en cours. Nous nous sommes mobilisés pour faire aboutir les deux initiatives antinucléaires, dont le moratoire qui est encore en vigueur, et aucun scrutin populaire n'a contredit depuis la volonté de la majorité de ce canton.
Même si l'exécutif de notre canton est aujourd'hui à majorité de droite, je ne vois donc pas ce qui justifierait les réponses sibyllines qui ont été adressées à Berne, y compris le rectificatif. Mon collègue Pierre Vanek a parlé de la première réponse : on pourrait imaginer que cette circulaire adressée à Berne ait passé entre les gouttes et qu'elle n'ait pas été très bien comprise par des esprits mal tournés, notamment du côté des autorités fédérales. En revanche, je comprends mal qu'on trouve une telle phrase dans le rectificatif : «Notre position sur cette question fondamentale est de renouveler notre volonté de voir tous les efforts conjugués pour permettre à terme le désengagement de notre pays dans la filière nucléaire.» C'est utiliser une phrase bien sibylline pour dire une chose qui paraît évidente pour la majorité de la population genevoise et qui a été exprimée d'une manière très claire, dans la rue comme dans les urnes, à savoir : nous sommes fondamentalement antinucléaires et nous invitons à combattre de toutes les manières l'option nucléaire, avec tous les moyens juridiques et politiques à notre disposition !
Quant à moi, je ne suis pas convaincu par ce rectificatif. Je vous demanderai donc, Mesdames et Messieurs les députés, non pas de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, mais de la renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'il se prononce. Je demanderai même que la commission de l'énergie se réunisse rapidement pour voter une résolution et contraindre, s'il le faut, le Conseil d'Etat à respecter la volonté populaire !
Le président. Je salue la présence à la tribune de Margaret et de Frédéric, accompagnés de Sylvie et de Xavier ! (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Il faut évidemment rappeler sans cesse que notre constitution est antinucléaire, que la majorité de la population est farouchement contre l'énergie nucléaire et qu'une majorité politique, dépassant largement les clivages gauche-droite habituels, est aujourd'hui opposée au nucléaire à Genève. A cet égard, le débat a bien évolué, car je ne pense pas qu'il y a une dizaine d'années on aurait pu avoir le débat que nous avons aujourd'hui. A l'époque, il y avait clairement deux camps : un camp un peu avant-gardiste, la gauche, qui était déjà antinucléaire, et la droite : il me semble qu'à droite il y a eu une évolution intéressante sur ce sujet. Le combat antinucléaire a sensiblement progressé, tant mieux, mais il n'est malheureusement pas encore gagné ! Nous savons que pour sortir rapidement du nucléaire - car c'est l'objectif - nous avons besoin d'une farouche volonté politique et que le mouvement associatif, particulièrement ContrAtom, joue un rôle d'aiguillon, joue un rôle essentiel pour pousser le politique à agir dans ce sens.
Parlons maintenant plus précisément de l'affaire qui nous occupe ce soir. Lors de l'élaboration du message du canton de Genève, le Conseil d'Etat - ou le département, mais finalement savoir qui est responsable a peu d'importance - a commis une grosse bourde. Dans le langage populaire, on appelle cela une grosse «connerie»... (Exclamations.) En abusant de la langue de bois, en faisant abusivement preuve de diplomatie, on dit parfois le contraire de ce qu'on pense réellement ; je crois que nous sommes aujourd'hui dans ce cas de figure. Disons-le clairement ce soir : nous ne devons accepter aucun dérapage du gouvernement genevois sur un sujet aussi important que le nucléaire ; Genève doit avoir une position claire et sans faille sur ce dossier. Mais, au-delà de cette bourde politique, j'aimerais quand même souligner l'action très concrète, qui est en fait plus importante que le message, de Robert Cramer sur le dossier nucléaire.
Pierre Vanek l'a dit : Robert Cramer est un antinucléaire historique, c'est sans doute un des premiers parmi nous à être descendu dans la rue, mais, surtout, Robert Cramer, en tant que conseiller d'Etat, poursuit sa politique antinucléaire. Je vous rappelle pour mémoire qu'il y a dix ou quinze ans l'entreprise énergétique du canton, soit les Services industriels de Genève, prévoyait de construire Verbois nucléaire. Aujourd'hui, sous l'impulsion de Robert Cramer, mais aussi de personnes qui sont de tous les bords politiques, les Services industriels sont en train de mener une politique tournée vers l'énergie renouvelable, avec une stratégie avouée de se développer au niveau de l'hydroélectrique. Nous devons donc rendre hommage à Robert Cramer, qui agit concrètement et quotidiennement pour changer la stratégie énergétique de ce canton, et ceci est un élément primordial pour nous.
En conclusion, je voudrais adresser le message suivant à Robert Cramer. Je lui dirai, premièrement, de contrôler peut-être un peu mieux ses fonctionnaires quand ils élaborent des messages et, deuxièmement, de lire peut-être un peu mieux les messages qu'il envoie à la Confédération, puisque, c'est un scoop, on constate que la Confédération lit parfois ce que le canton de Genève lui envoie ! Enfin, je voudrais surtout l'encourager à continuer la politique qu'il mène très concrètement contre le nucléaire depuis quelques années à la tête de son département, à travers la stratégie énergétique du canton.
M. Pierre Ducrest (L). J'interviens sans doute un peu tard dans le débat, car mon propos ne porte pas sur le fond mais sur la forme. Voilà une pétition qui émane d'une association qui s'appelle ContrAtom. Elle a été renvoyée à la commission de l'énergie, qui l'a étudiée, et nous avons devant nous le résultat de ces travaux. En l'occurrence, une chose m'étonne quand même : il y a dans notre règlement un article 24... (Exclamations.) ...que, certes, on peut appliquer ou ne pas appliquer. Mais, dans le cas particulier, il y a vraiment outrance à voir l'ancien président de ContrAtom assis à la table des rapporteurs ! (Protestations.) N'y avait-il pas une autre méthode, ne pouvait-on nommer un autre rapporteur pour dire tout le bien qu'on pense de l'antinucléaire ? Mesdames et Messieurs, si, un jour, nous faisions la même chose sur nos bancs, pour un projet qui nous agréerait et dont le principal acteur serait rapporteur, vous nous le reprocheriez ! Je ne veux pas aller plus avant, Monsieur Vanek, mais je dirai que ce n'est pas logique : si vous vouliez vous étendre sur le sujet, vous pouviez le faire directement depuis votre pupitre et nous vous aurions entendu de la même manière !
M. Alberto Velasco (S). Je voudrais brièvement répondre à mon collègue Beer. Tout d'abord, je tiens à dire que ce point a été mis à l'ordre du jour de la commission sur la base d'une simple pétition munie d'une signature. Comme mes collègues, j'ai donc découvert - avec consternation, car c'était consternant - le contenu du message au Conseil fédéral quand nous avons reçu les pétitionnaires. C'est à ce moment-là que nous avons pris connaissance de la gravité de la situation. Certains commissaires ont alors voulu qu'on donne une réponse ce soir au Grand Conseil, sous la forme d'un rapport, et c'est la raison pour laquelle, Monsieur Beer, la majorité a décidé de convoquer la commission le mardi à midi. Je vous fais remarquer que c'était mardi à midi et qu'en principe, entre midi et 14 h, on ne travaille pas. Cela pour dire que la convocation a été faite dans les règles.
Par ailleurs, il est vrai que le commissaire libéral présent a proposé qu'on fasse une interpellation urgente. C'était une proposition intéressante, mais, face à la gravité des faits dont nous avions pris connaissance, il nous a semblé logique que ce parlement s'exprime par rapport à ce qui est arrivé. Car, Mesdames et Messieurs les députés, quand on lit ce document, il y a de quoi se poser des questions !
Cela dit, je pense, comme le groupe libéral, qu'il serait intéressant de poursuivre le travail sur cette pétition et qu'il y a, dans les cinq invites de la pétition, des choses à approfondir. Je proposerai donc d'envoyer cette pétition au Conseil d'Etat et de poursuivre les travaux en commission, en renvoyant par exemple la lettre du Conseil d'Etat à la commission de l'énergie ce soir même.
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Je vois avec plaisir que tout le monde semble d'accord ce soir. Le Conseil d'Etat est d'accord avec ContrAtom, puisqu'il a écrit sa deuxième lettre avant même que le Grand Conseil le lui demande. Les députés de droite semblent d'accord aussi sur le fond, puisque les seules objections qu'ils ont émises portent sur la forme : faut-il une pétition ou une interpellation urgente ? le choix du rapporteur était-il bien judicieux ? le délai n'était-il pas trop court pour réunir la commission ? Je signale en passant que, si les députés radicaux et démocrates-chrétiens étaient absents lors de cette réunion convoquée en urgence, ils l'étaient également lors de la première réunion de la commission qui était, elle, tout à fait ordinaire !
Bref, cela me rassure de constater que nul désaccord ne se fait jour réellement sur le fond. Dès lors, il ne me semble pas utile ce soir de décortiquer chaque phrase de l'une ou l'autre lettre. Il nous suffit de constater qu'effectivement le moins qu'on puisse dire est que cette lettre prêtait à confusion, puisqu'elle a effectivement été «mal interprétée» par le Conseil fédéral. Il était donc justifié de faire cette pétition et c'est pourquoi nous serons d'accord de la renvoyer au Conseil d'Etat. Pour la suite, nous serons également partants pour rédiger une résolution, ou pour une réaction sous quelque forme que ce soit, avec les députés de la commission qui le voudront bien, mais par pitié, Monsieur Velasco, pas ce soir !
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Je vais essayer d'être bref, à la demande de M. Vaucher qui s'ennuie ! Monsieur Ducrest, ma mise en cause en tant que rapporteur, au nom de l'article 24, est absurde, vous le savez. Je suis certes proche de ContrAtom, je suis même membre de cette association, comme un certain nombre de députés dans cette salle - du reste, je vous recommande à tous d'y adhérer, car elle est d'utilité publique, on le voit bien ce soir ! J'ai effectivement été président de cette association, mais je n'ai, au sens de l'article 24, aucun intérêt personnel direct, financier ou autre, dans cette affaire... (Commentaires.) Monsieur Ducrest, en estimant que ce dont nous débattons relève des intérêts personnels, ou même des idées politiques ou des intérêts partisans des uns et des autres, vous vous trompez profondément. Preuve en est que j'ai voulu placer mon intervention tout à l'heure sous l'égide de l'article 160C de la constitution, que vous comme moi avons juré de respecter quand nous avons commencé à siéger dans cette enceinte, et c'est ce que fais ici, Monsieur Ducrest, en défendant les idées de ContrAtom qui ne demande en l'occurrence pas autre chose.
Je suis effectivement partie prenante du combat antinucléaire, même si je ne suis pas, contrairement à ce qu'a dit M. Beer, un «professionnel» de l'antinucléaire... (Commentaires et brouhaha.) Mon employeur, Monsieur Beer, a en effet des préoccupations qui dépassent la stricte cause antinucléaire. Par contre, certains dans cette salle sont, ou devraient précisément être des professionnels de l'antinucléaire : je pense à M. Robert Cramer par exemple qui, en vertu de cet article constitutionnel, se doit d'être un professionnel de l'antinucléaire, ou à M. Genoud, directeur de l'OCEN, qui est ce soir à la tribune. Et si je suis intervenu dans ce débat, c'est précisément pour dire qu'il y avait eu manque de professionnalisme dans la manière dont ces «professionnels» de l'antinucléaire avaient traité cette affaire-ci.
Maintenant, certains intervenants ont dit que tout cela aurait pu être réglé à l'amiable, que nous étions méchants d'attaquer Robert Cramer, qui est l'un des nôtres... Je crois que Robert Cramer ne demande pas de passe-droits, de privilèges ou de faveurs en tant que vieil ami ; il trouve normal d'être soumis au même degré de sévérité de la part de ContrAtom, ou des députés qui lui sont proches, que l'ont été ses prédécesseurs. Il est parfaitement normal qu'il soit passé au crible de la même critique. D'ailleurs, en rédigeant le rapport et en intervenant à ContrAtom sur cette affaire, je me suis posé la question de savoir ce que dirait ou écrirait le député Robert Cramer si c'était Philippe Joye, par hypothèse - cela a été le cas il y a quelques années - qui était assis à sa place de responsable de la politique cantonale de l'énergie. Je crois donc que quémander des faveurs au nom de l'amitié qui nous lie à Robert Cramer, les quémander pour lui qui ne les demande pas, n'est pas très judicieux et c'est même offensant.
J'en viens à la réponse «rectificative» du Conseil d'Etat. Il aurait été rafraîchissant et nouveau que le Conseil d'Etat reconnaisse franchement qu'il a fait une erreur. En l'occurrence, il ne le fait pas : il parle, dans son rectificatif, de son grand étonnement que le Conseil fédéral ait pu lire sa position ainsi, il parle de résultat «outrancier»... Bien, on ne peut pousser le Conseil d'Etat à faire plus que ce qu'il peut objectivement faire. On ne peut pas lui demander qu'il fasse son autocritique, qu'il reconnaisse qu'il a fait une «connerie», comme disait M. Brunier. Cela n'est pas dans les moeurs politiciennes et il ne le fait pas. Par contre, il corrige le tir, il reprend même le document de la consultation fédérale et remet Genève dans les bonnes parenthèses. C'est évidemment un peu tard, cela signifie qu'il n'avait pas pris le temps d'étudier points et parenthèses et que, post hoc, il corrige le tir.
Cela dit, dans cette seconde réponse, il y a des choses intéressantes, qui méritent d'être débattues et, de ce point de vue là, cette réponse devrait être renvoyée en commission. Pour ma part, je propose donc qu'on renvoie la pétition au Conseil d'Etat, en considérant en quelque sorte qu'il y a répondu par anticipation, et qu'on renvoie la réponse du Conseil d'Etat en commission, pour répondre à la préoccupation de ceux qui veulent, à juste titre, rediscuter de cette question. Encore que nous n'avons pas besoin de passer formellement par un renvoi, puisque notre règlement nous permet de nous auto-saisir d'un objet sui generis.
Je disais que le rectificatif était intéressant. On voit, par exemple, que Genève figure, tout d'un coup, dans les cantons qui sont pour une limitation de la durée d'exploitation des centrales nucléaires à quarante ans. Quant à moi, je me battrai pour que ce soit trente ans, mais c'est un pas en avant, puisqu'en commission Robert Cramer nous disait que le Conseil d'Etat n'était pas mûr pour prendre position sur une durée de vie déterminée. Il nous faut prendre acte de ce pas, en discuter et voir si nous voulons, par hypothèse, aller plus loin. C'est ce que demande la pétition de ContrAtom en parlant de trente ans.
Madame Dallèves, vous avez dit qu'il ne fallait pas «pinailler» sur le détail, décortiquer les lettres, etc. Je relèverai pourtant un dernier point qui montre la légèreté avec laquelle ce dossier a été traité. Nous sommes dans un contexte politique où nous devons être capables d'unir toutes nos forces pour la réalisation de cet objectif antinucléaire, qui est gravement menacé par un certain nombre d'initiatives politiques, par la libéralisation du marché de l'électricité, y compris à Genève, par un développement de la consommation qui fait - ceux qui suivent les affaires des Services industriels le savent bien - qu'on est saisi de demandes d'augmentation de la puissance installée dans ce canton de pratiquement 50%. C'est dire que, si nous n'affrontons pas ces questions, nous pouvons jeter à la poubelle tout ce que nous avons voté ici concernant la conception générale de l'énergie. Or, la seule base que nous ayons pour les affronter, c'est de prendre vraiment au sérieux le combat antinucléaire. Dans ce sens, quand je vois, à la page 10 de la réponse du Conseil d'Etat, que Genève est toujours parmi les cantons qui soutiennent - cela n'a pas été corrigé - un droit d'expropriation en faveur des nouvelles centrales nucléaires, conformément à l'article 50 du projet de loi, ce n'est pas du pinaillage de ma part que de le relever ! Et c'est pourquoi je dis que les gens qui ont rédigé cette réponse l'ont fait sur un coin de table, avec un degré d'investissement en termes de travail, de concentration, de motivation, qui n'était tout simplement pas à la hauteur... (Commentaires.) Non ! Ceci figure toujours dans le rectificatif, dans la seconde réponse ! Celle-ci dénote encore une légèreté certaine dans le traitement de ce dossier.
Quant à moi, je demande qu'on engage aujourd'hui, à Genève, un combat pour faire fermer Mühleberg, mais aussi Leibstadt, Beznau, Gösgen, toutes les centrales nucléaires suisses, un combat qui soit à la hauteur de l'effort politique consacré par notre République à faire fermer le surgénérateur de Creys-Malville. Nous avons su faire des remontrances énergiques à un gouvernement étranger sur ce qu'il faisait chez lui - mais, certes, pas loin de chez nous - soyons capables de faire les mêmes remontrances, avec autant d'énergie, de vigueur, d'intelligence politique, d'imagination juridique, à l'égard de notre propre gouvernement et à l'égard de Moritz Leuenberger, c'est tout ce que je demande ! (Applaudissements.)
Mme Myriam Sormanni (S). Merci à Pierre Vanek pour les propos qu'il vient de tenir ! Je voudrais dire qu'avec de la volonté on peut beaucoup. J'ai fait partie des gens qui ont occupé Kaiseraugst en 1975, j'ai vécu deux mois et demi sur le terrain, et on a gagné : Kaiseraugst n'a jamais été construit !
M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, si je devais vous faire part de mes états d'âme, ce serait bien sûr pour vous dire que je me serais bien passé de ce débat ! Mais, dans le même temps, je dois dire que ce débat - et cela a été relevé par l'un ou l'autre des intervenants - a quelque chose de réjouissant. En effet, sans remonter à dix ans en arrière comme M. Brunier, je ne pense pas qu'il y a ne serait-ce que quatre ans, que l'on aurait trouvé une telle unanimité sur ces bancs, un tel consensus pour affirmer que Genève est un canton antinucléaire. Cette évolution, à propos de laquelle M. Brunier a bien voulu me créditer de quelque mérite, est réjouissante.
Au-delà de la nécessaire polémique qui a animé ce débat - et si j'avais été sur vos bancs, je n'en aurais certainement pas fait moins que Pierre Vanek - il y a un certain nombre de faits qui peuvent être rappelés de la façon la plus sereine. Le Conseil d'Etat a répondu à une consultation sur un projet de loi fédérale sur l'énergie nucléaire, en ayant le sentiment d'avoir livré un message antinucléaire. La façon dont il a livré ce message était d'évidence maladroite, ContrAtom a eu le mérite d'être le premier à le déceler et à le dire. Comme l'écrit justement Pierre Vanek, la preuve du pudding, c'est lorsqu'on le mange : c'est alors qu'on voit s'il est bon ou mauvais ! Notre réponse était mauvaise, puisqu'elle n'a pas été comprise par l'autorité fédérale.
Je dois vous dire à cet égard qu'il n'était pas nécessaire de nous solliciter : dès l'instant où nous avons pris connaissance des résultats du dépouillement de cette consultation par l'Office fédéral de l'énergie, nous avons immédiatement rectifié le tir. En l'occurrence, nous avons pris connaissance du dépouillement exactement au moment de l'audition de ContrAtom en commission. Le texte se trouvait depuis un jour ou deux sur Internet - ContrAtom a eu la curiosité d'aller le lire - nous en avons reçu le tirage papier un ou deux jours plus tard, en Chancellerie, et nous avons immédiatement rectifié le tir, comme nous nous y étions engagés.
Cela étant, on peut dire toutes sortes de choses sur les consultations fédérales et toutes sortes de choses sur, je n'hésiterai pas à employer ce terme, la «bonne foi» avec laquelle l'administration fédérale a lu notre consultation. Selon certains, on pouvait s'attendre à ce que la lecture d'une telle consultation par l'autorité soit une lecture politique. Pour ma part, je n'ai toutefois pas le sentiment que, dans les consultations que nous sommes amenés à dépouiller à Genève, nous nous livrions à une telle lecture politique. Dans le cas particulier, si c'est peut-être en raison de notre maladresse que la réponse a été mal lue, ce n'est assurément pas en raison de notre maladresse que la pétition, munie de 45 000 signatures et qui a donc pratiquement valeur d'un référendum fédéral, n'a pas été mise en évidence lors du dépouillement de cette consultation, alors que c'était en fait l'événement majeur de ladite consultation. Au-delà des prises de position de telle ou telle association professionnelle, au-delà des prises de position de tel ou tel canton, l'événement majeur était en effet cette pétition, qui démontrait qu'il existe la capacité de réunir contre ce projet de loi le nombre de signatures nécessaires pour déposer un référendum, et cela est réjouissant mais cela n'a pas été mis en évidence.
Depuis le début de cette controverse autour de la réponse du Conseil d'Etat, j'ai évidemment prêté une attention toute particulière aux propos que j'ai pu lire ici ou là quant à la façon dont les consultations fédérales se dépouillent. C'est ainsi que tout récemment, dans la publication «Affaires publiques» du mois de septembre 2000, j'ai pu découvrir - dans un tout autre domaine, celui de la protection des données - que le préposé fédéral à la protection des données relève, dans le 7e rapport fédéral d'activité, que les avis qu'il envoie lors des procédures de consultation sont tout simplement ignorés par l'administration fédérale. Vous voyez que nous sommes en bonne compagnie !
La question se pose effectivement de savoir de quelle façon il faut répondre aux consultations fédérales ; elle mériterait d'être posée en commission, ou dans un autre contexte. Sur ce point, l'on peut avoir deux opinions. L'une, c'est qu'il faut répondre de façon extrêmement complète, fouillée et détaillée, en mobilisant des moyens importants sur ces consultations. Je tiens ici à préciser que ces consultations sont extrêmement nombreuses et qu'elles portent sur toutes sortes d'objets qui sont de grande importance. Ainsi, aujourd'hui, nous sommes consultés sur le nucléaire, mais nous sommes dans le même temps consultés sur le génie génétique, sur des nouveaux produits extrêmement toxiques que l'on se propose d'introduire en Suisse ou d'interdire... Si nous devions refaire sur chaque sujet tout le travail de l'administration fédérale, ce serait, je le crains, une tâche disproportionnée. L'autre manière de répondre aux consultations serait d'être plus sommaire et plus politique. Plutôt que d'écrire des lettres de trois pages, où peut-être la pensée se perd, il faudrait se contenter de lettres d'une demi-page portant un message extrêmement succinct et clair, et réserver à des annexes l'un ou l'autre commentaire. Pour ma part, il me semble que cette voie serait la plus praticable.
Mais, au-delà de ces réflexions sur la façon dont on répond aux consultations et sur la façon dont les réponses sont dépouillées, il ne faut pas éluder une autre question, qui a traversé notre débat et qui me paraît être essentielle. Pourquoi le Conseil d'Etat a-t-il répondu à cette procédure de consultation par des courriers du type de ceux dont vous avez reçu copie ? La réponse est toute simple. Aujourd'hui, sur tous les bancs du Grand Conseil et assez clairement au sein du Conseil d'Etat, nous avons à l'esprit que le canton de Genève est un canton antinucléaire, mais, encore une fois, c'est une nouveauté. Je crois qu'il y a quatre ans le Conseil d'Etat n'osait simplement pas dire qu'il était antinucléaire, c'étaient des propos qu'il n'était pas de bon ton de tenir. Si aujourd'hui ces propos peuvent être tenus sans autre, il y a en revanche un autre fait qui est certain : le canton de Genève n'est assurément pas un canton de combat dans le domaine du nucléaire. Le Conseil d'Etat est à même, dans le cadre d'une procédure de consultation, de mettre les croix dans les bonnes cases, de placer Genève, grosso modo, à côté des cantons de Bâle-Ville ou de Bâle-Campagne, ou, plus rarement, du canton de Zurich dont l'engagement dans ce domaine est moins affirmé. En revanche, le canton de Genève ne se perçoit pas aujourd'hui comme étant un canton de combat dans le domaine du nucléaire ; ce n'est à tout le moins pas la perception qu'en ont ses autorités.
Cela signifie que ceux qui entendent se mobiliser sur cet objet ne doivent pas désarmer. ContrAtom a montré le rôle qu'il pouvait jouer dans ce débat, les associations quelles qu'elles soient, mais en particulier les associations actives dans ce domaine, ne doivent pas désarmer parce qu'elles sont indispensables. Entre être antinucléaire et l'affirmer, il y a un pas, qu'elles doivent nous aider à faire.
Le Grand Conseil, lui-même, qui souhaite, semble-t-il, aller plus loin et donner à Berne des précisions que le Conseil d'Etat n'a pas estimé devoir donner, ne peut raisonnablement pas attendre - que la pétition soit déposée sur le bureau du Grand Conseil ou qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat - ne peut pas attendre que le Conseil d'Etat aille au-delà de ce qu'il a dit. Nous avions un certain nombre de choses à dire, nous les avons dites. Elles ont été mal comprises, nous avons rectifié, mais il ne fallait pas s'attendre, et je l'avais dit très clairement en commission, que le rectificatif aille au-delà de la première réponse. Le rectificatif visait simplement à nous faire bien comprendre sur les points où nous avions été mal interprétés.
Mesdames et Messieurs les députés, si vous estimez que la réponse du Conseil d'Etat, bien qu'antinucléaire - Genève est antinucléaire, je tiens à l'affirmer clairement - n'entre pas suffisamment dans les détails, ne prend pas position assez fermement, il appartient à votre parlement de le faire savoir. Il y a un instrument pour cela : c'est la résolution qui vous permet de saisir directement l'Assemblée fédérale.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à statuer sur les deux propositions qui nous ont été faites au sujet de la pétition... Monsieur Vanek, vous avez la parole.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose, premièrement, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour donner acte aux pétitionnaires du fait qu'ils avaient raison d'agiter ce grelot, ou plutôt de sonner le tocsin ! Deuxièmement, je propose à la commission de l'énergie et des Services industriels de se mettre au travail et de rédiger une résolution supplémentaire adressée à Berne.
Le président. Je vous remercie, Monsieur Vanek, mais il y a une troisième proposition qui a été faite ce soir, c'est le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Je vais opposer les deux propositions, renvoi et dépôt.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Rôle de Genève pour la question des peuples autochtones
Genève a historiquement joué un rôle actif concernant la problématique des peuples autochtones et accueille aujourd'hui les conférences les plus importantes sur ce thème, à savoir :
le Groupe de travail sur les populations autochtones de la sous-commission de la promotion et de la protection des Droits de l'Homme de l'ONU ;
le Groupe de travail de la Commission des Droits de l'Homme sur le projet de Déclaration des droits des peuples autochtones ;
la Commission des Droits de l'Homme et la sous-commission de la promotion et de la protection des Droits de l'Homme qui consacrent un point spécifique aux droits des peuples autochtones ;
parallèlement, l'Organisation mondiale de la santé et l'Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle ont chacune mis sur pied des consultations régulières avec les représentants des peuples autochtones.
Il faut aussi mentionner l'Organisation internationale du travail qui est à l'origine des deux seules conventions internationales relatives aux droits des peuples autochtones, les « Conventions 107 et 169 ».
En outre, plusieurs organisations contribuent activement à l'accueil et au soutien des représentants de peuples autochtones durant leur séjour à Genève. Il s'agit de :
Mandat International, qui offre un soutien logistique et permet notamment l'hébergement des représentants des peuples autochtones au moment des conférences. Il organise également des rencontres, des formations et les aide dans leurs démarches auprès des organisations internationales.
Le Conseil oecuménique des églises, qui a joué un rôle de pionnier dans le domaine dès la fin des années 60, aide financièrement certains délégués et met à leur disposition des locaux pour leurs rencontres.
Le doCip (Centre de documentation, de recherche et d'information pour les peuples autochtones) qui appuie les démarches des autochtones à Genève depuis 1978, met à leur disposition un secrétariat technique aux Nations Unies pendant les conférences et rédige un bulletin d'information pour les organisations autochtones. Le doCip gère aussi un centre de documentation spécialisé sur les peuples autochtones qui constitue la mémoire de leur travail à l'ONU et dont l'essentiel sera mis à la disposition du Forum Permanent ; il organise des stages de formation pour leurs délégués et est largement soutenu par la Confédération.
Le principe de la création d'un Forum Permanent pour les affaires autochtones est issu des travaux du Groupe de travail de la sous-commission de la promotion et de la protection des Droits de l'Homme et a été récemment accepté par l'ECOSOC (Conseil économique et social) auquel il sera rattaché. Ce Forum Permanent constituera donc un organe important de l'ONU. Il disposera d'un large mandat dans la mesure où les peuples autochtones représentent environ 300 millions de personnes, soit 5 % de la population mondiale, et que les questions les concernant couvrent de nombreux domaines, la plupart relevant d'organisations spécialisées de l'ONU présentes à Genève.
Choix du siège
L'ECOSOC se réunissant une année à Genève et une année à New York, le Forum Permanent s'établira vraisemblablement dans l'une de ces deux villes.
Les arguments en faveur de Genève sont nombreux puisque notre ville dispose de certaines infrastructures d'accueil qu'il conviendra d'améliorer le cas échéant, et que des organisations expérimentées offrent déjà un soutien adapté aux besoins des délégués autochtones. En outre, rappelons-le, Genève a été le lieu où s'est effectué l'essentiel du travail sur la question des peuples autochtones au plan international. La Confédération a été l'un des premiers Etats à soutenir l'adoption du projet de Déclaration des peuples autochtones. Enfin, la Suisse représente un système politique proche de certaines de leurs aspirations : démocratie directe, autonomie locale, etc. Genève bénéficie ainsi du soutien de nombreux délégués de peuples autochtones.
Néanmoins, le choix du siège dépendra du soutien politique des différents Etats pour l'une ou l'autre option et dans ce contexte, il est important que la Suisse et Genève donnent des signes clairs de leur intérêt à voir s'installer ici ce Forum Permanent.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les député-es, de faire bon accueil à cette résolution et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Comme nous l'avons rappelé dans ce projet de résolution, Genève a joué par le passé et joue toujours un rôle actif et constructif pour les affaires des peuples autochtones, tant au plan des organisations internationales que sur le plan des organisations non gouvernementales, qui offrent un soutien logistique et appuient les représentants des peuples autochtones dans leurs différentes démarches. Je pense en particulier au DoCip, le Centre de documentation, de recherche et d'information pour les peuples autochtones, qui est une source d'information unique au monde, et à Mandat International.
Le principe de la création d'un forum permanent pour les affaires autochtones est issu du groupe de travail de la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, et a été récemment adopté par l'ECOSOC auquel il sera rattaché. Ce forum permanent disposera d'un large mandat dans la mesure où les peuples autochtones représentent environ 300 millions de personnes. Le choix du siège de ce forum est imminent et Genève a donc de bons arguments à faire valoir à cet égard. Il est néanmoins très important que les autorités de notre canton se mobilisent et donnent des signes clairs en faveur de l'établissement de ce forum sur notre territoire. Si Genève est choisie, cela contribuera à renforcer sa position comme haut lieu d'accueil et de soutien des minorités.
Il convient aussi de souligner que ce forum ne devrait pas demeurer un lieu où seuls les délégués internationaux seraient concernés, mais que des synergies pourraient être trouvées avec la cité, notamment au travers du futur musée d'ethnographie, ou dans le cadre de certaines manifestations. On a également évoqué la possibilité de créer une Maison des peuples autochtones, qui représenterait un organisme indépendant au service des peuples autochtones, d'où ils pourraient coordonner leur stratégie et consulter leur base, selon le mode de fonctionnement qui leur est propre. Cela serait un élément concret qui permettrait de donner une cohésion à l'ensemble de la démarche. Les représentants des peuples autochtones sont en effet très attentifs à ce qui contribue réellement à faire avancer leur cause et ne se contentent plus maintenant de vagues promesses.
Pour toutes ces raisons, je vous engage, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de résolution et à le renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Alain-Dominique Mauris (L). Voilà certainement un sujet sur lequel le soutien de l'ensemble des députés est nécessaire, nécessaire bien sûr pour donner un signe précis sur la volonté du parlement genevois de soutenir l'installation à Genève du Forum permanent pour les affaires autochtones.
Dans le respect de la tradition d'accueil, notre cité agissait déjà en pionnière dès 1920, puisqu'elle recevait une première délégation d'Iroquois. Puis, dans les années 50, plusieurs représentants de peuples autochtones se réunissaient pour la Convention 107 et, dès 1977, les autochtones se retrouvent régulièrement à Genève, dont ils ont fait leur capitale. Toutefois, rien n'est encore assuré pour garantir leur maintien à Genève, la décision finale appartenant bien entendu aux Etats. Dès lors, il est primordial de prendre une position claire et d'énoncer des propositions concrètes et convaincantes, militant pour Genève.
Soutenir l'installation de la Maison des peuples autochtones et y ouvrir huit espaces correspondant aux régions du monde concernées est certainement un bon exemple. Autre exemple : l'aide qui a été apportée aux aborigènes d'Australie pour leur permettre de finir et présenter un travail destiné à l'ONU, qui a eu le succès que l'on sait sur les décisions politiques australiennes à l'époque. En plus du soutien logistique, il est bon de rappeler que le peuple genevois a su très vite ouvrir ses foyers pour y loger des représentants des peuples autochtones et a su les inviter dans ses communes lors de célébrations patriotiques, en leur accordant une tribune pour s'y exprimer. La voix de ces peuples se fait entendre, est reconnue au parlement : à nous de les écouter pour les comprendre et de soutenir cette résolution !
M. Robert Cramer. Il va de soi que le Conseil d'Etat accepte avec gratitude cette résolution, qui constitue un soutien dans les démarches que fait actuellement le Conseil d'Etat et sur lesquelles je vais peut-être vous dire un mot.
S'il est vrai, comme cela a été rappelé tout à l'heure, que la question se pose de savoir si le siège du Forum permanent pour les affaires autochtones va être à New York ou à Genève, il faut savoir que les peuples autochtones eux-mêmes sont divisés sur cette question et que ni la Confédération suisse, ni le canton de Genève n'entendent choisir à la place des peuples autochtones. Dans un premier temps, il convient donc que ce débat interne aux peuples autochtones et à leurs diverses organisations trouve une conclusion. A vrai dire, on peut comprendre leur embarras, parce que les deux localisations ont leurs avantages et leurs inconvénients - vous me permettrez de ne pas entrer dans les détails à ce sujet.
Au-delà du soutien concernant l'accueil à Genève de ce forum permanent, des actions sont menées. D'abord, par la Confédération, qui soutient le forum permanent avec une aide financière. Cette aide accordée au DoCip, le Centre de documentation pour les peuples autochtones, était, pour 1999, de 120 000 F, somme reconduite pour l'année 2000. Ensuite, le Conseil d'Etat est intervenu par de nombreuses actions, dont je voudrais rappeler la plus importante et la plus récente : il s'agit des rapports que nous entretenons avec le DoCip, et notamment de l'aide logistique que nous lui apportons actuellement dans le cadre de la recherche de locaux. En l'occurrence, il est évident que les besoins de ce centre vont être différents selon les décisions qui seront prises dans l'arène internationale quant à la localisation du forum.
Quoi qu'il en soit, cette résolution est effectivement bienvenue. Un vote massif des députés présents dans cette salle marquera votre soutien et rassurera le Conseil d'Etat sur le bien-fondé de ses actions.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée à au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(428)soutenant l'installation à Genève du Forum Permanent pour les affaires autochtones
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
Introduction
C'est lors de la séance du Grand Conseil du 13 avril 2000 que le projet de loi 8216 ouvrant un crédit d'investissement de 7 650 000 F pour le projet IJUGE-2001 de modernisation du système d'information du Pouvoir judiciaire a été renvoyé, sans débat, à la Commission des finances.
Celle-ci a étudié ce projet de loi lors de sa séance du 14 juin 2000. Auparavant, la sous-commission informatique de la Commission des finances avait déjà traité ce même projet de loi, lors de sa séance du 31 mai 2000.
MM. Raphaël Mahler, administrateur du Palais de Justice, Laurent Quennoz, directeur des systèmes d'information du Palais de Justice, Jean-Claude Mercier, directeur du CTI (Centre de technologies informatiques), Denis Mouthon, consultant, et Bernard Taschini, secrétaire du CATI (Conseil d'administration des technologies de l'information), assistaient aux travaux.
Que ces différentes personnes trouvent ici le témoignage de notre reconnaissance pour leur participation au bon déroulement des travaux.
Objet du projet de loi
Ce projet de loi s'intègre dans toute une série de projets de loi informatiques visant la modernisation et la mise à niveau des systèmes informatiques des différents services de l'Etat. Celui-ci concerne plus particulièrement le Pouvoir judiciaire.
Suite aux multiples et sévères remarques des députés de la commission - notamment dans le cadre du train de crédits d'investissement informatique présenté à l'occasion du budget 2000 ! - l'administration et plus particulièrement le CTI et le CATI ont soigné la présentation de leurs demandes de crédits.
L'exposé des motifs du projet de loi 8216 (IJUGE-2001) est particulièrement étayé et complet. Cela mérite largement d'être relevé !
Aussi, j'invite vivement les députés plus particulièrement intéressés à s'y référer et à y retrouver les informations chiffrées et détaillées sur la problématique de ce projet de loi.
IJUGE-2001
En préambule, il est nécessaire de rappeler que l'appellation IJUGE-2001 est liée au délai initialement prévu pour terminer le projet du système informatique judiciaire genevois. En 2001, tout devait être terminé.
En fait, même si ce projet est prêt et « mûr » depuis quelque temps déjà, il n'a réellement démarré que tout récemment, notamment pour des raisons de contraintes budgétaires, mais également à cause de priorités liées à l'échéance du passage à l'an 2000 !
Le Palais de Justice en chiffres
Le Pouvoir judiciaire est composé d'une vingtaine de juridictions qui regroupent 71 magistrats de carrière, plus de 100 magistrats suppléants, assesseurs, juges à la Cour de cassation et juges prud'hommes.
En réalité, le Palais de Justice compte 215 collaborateurs et avec les avocats stagiaires, les apprentis, les chômeurs en fin de droit et les collaborateurs auxiliaires, ce sont environ 300 collaborateurs permanents et non permanents qui travaillent au Palais de Justice. Et ceci pour une population de quelque 400 000 habitants et un barreau de plus de 1000 avocats.
Le Palais de Justice est le lieu quotidien de travail de 500 à 600 personnes. Il s'y traite plus de 100 000 dossiers par année et plus de 200 000 personnes y sont convoquées. Ainsi, le Palais de Justice travaille avec des données concernant des échéances et des convocations pour pratiquement un demi-million de personnes morales ou physiques. Le système d'information du Pouvoir judiciaire est donc devenu l'un des systèmes d'information qui détient un nombre très important de données concernant les justiciables.
Enfin, rappelons qu'au 31 décembre 1999, il y avait à Genève un avocat pour 294 habitants et un juge pour 5834 habitants.
La modernisation
Les applications informatiques du Palais de Justice sont obsolètes. Elles ont plus de 10 ans et sont basées sur des technologies qui sont aujourd'hui dépassées. En outre, il n'y a plus la certitude que certains des produits sur lesquels s'appuient ces applications seront encore sur le marché, maintenus par les firmes qui les représentent, d'ici 5 années. Il faut donc moderniser le système dans ce laps de temps.
A l'heure actuelle, il n'y a pas de véritables passerelles entre les applications métiers et la bureautique. Il faut ressaisir les données. Le Palais de Justice souhaite aussi améliorer l'accès à l'information et à la communication, c'est-à-dire s'ouvrir sur l'extérieur. Pour l'instant, il fonctionne encore en circuit fermé, notamment au niveau des justiciables et surtout de leur mandataires qui sont des avocats, voire d'autres administrations.
Le projet IJUGE-2001 vise donc à mieux répondre aux besoins métiers du Palais, en particulier aux besoins des greffes. Il a également pour objectif d'apporter des outils aux magistrats et aux secrétaires-juristes qui rendent des décisions de justice dans le but d'accélérer le processus judiciaire.
Les objectifs
Le projet IJUGE-2001 entend atteindre les objectifs suivants :
une plus grande flexibilité du système d'information du Pouvoir judiciaire qui permettra une meilleure communication ou coopération avec d'autres systèmes d'information (SIPG (Système d'information de la population genevoise), SIEG (Système d'information des entreprises genevoises), Police, Ministère public de la Confédération, OPF (Office des poursuites et faillites), etc.) et évitera les doubles saisies d'informations ;
une meilleure ergonomie et l'intégration des applications informatiques et bureautiques qui permettront une amélioration de la productivité des greffes dans l'administration des procédures judiciaires ;
un accès rapide et aisé par les magistrats et les secrétaires-juristes à l'ensemble des informations et des sources documentaires (recueils de jurisprudence, doctrine, jugements types, catalogues des bibliothèques, etc.), ces différents documents étant nécessaires à la prise de décisions de justice ;
une rationalisation du mode de transmission des informations qui entraînera une diminution des frais de port et de communication (poste, téléphone et fax) ;
une amélioration de la communication entre les justiciables et le Palais de Justice, en donnant un accès sécurisé aux avocats et notaires, pour certaines données judiciaires ;
une amélioration quantitative et qualitative du traitement administratif des procédures judiciaires ;
une plus grande garantie de la confidentialité et de la sécurité des données traitées et transmises.
Pour faire face à la problématique générale de ces objectifs, le Pouvoir judiciaire estime que la refonte et la modernisation de son système d'information est l'une de ses priorités ; les magistrats sont notamment convaincus que l'adéquation du système d'information aux besoins et son bon fonctionnement sont nécessaires à la bonne marche de la justice.
Une étude préalable a été menée en 1998 : son but était de mieux préciser les besoins, de proposer une solution technologique et d'estimer ses coûts de réalisation. Sur la base des résultats de cette étude, la Commission de gestion du Pouvoir judiciaire a déposé un projet au CATI, le Conseil d'administration des technologies de l'information ; sur la base des critères d'évaluation stratégiques et financiers du CATI, ce projet a été retenu comme un projet « clef ».
Il s'agit donc d'une proposition de grande envergure, pour laquelle le Conseil d'Etat et le Pouvoir judiciaire sollicitent du Grand Conseil un crédit de 7 650 000 F. Ce crédit est réparti en quatre tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement 2000 (1 400 000 F), 2001 (2 500 000 F), 2002 (2 500 000 F) et 2003 (1 250 000 F).
Lors de la présentation de ce projet, les collaborateurs du Palais de Justice, du CTI et du CATI se sont basés sur un support visuel très performant ; il a été transmis sous forme de dossier papier aux députés (cf. annexe).
Discussion de la commission
Suite aux discussions, les commissaires comprennent que le Palais de Justice souhaiterait aller dans le sens du dossier virtuel de justice, ce qui faciliterait la consultation et l'aide à la décision. Ce dossier contiendrait l'ensemble des informations utiles sur une procédure et son déroulement au travers de la chaîne judiciaire.
En plus des informations que l'on trouve déjà aujourd'hui sur les bases de données pénales, civiles et administratives, ce dossier serait enrichi des données financières concernant la procédure, de l'ensemble des actes produits par les outils informatiques (procès-verbaux, jugements, ordonnances, etc.) et de certaines pièces versées au dossier qui pourraient être numérisées.
Malgré tout, il reste évident que le dossier virtuel n'engendrera pas l'abandon complet du papier. Il permettra très certainement un gain de temps appréciable. En effet, le fait d'avoir une image virtuelle évite de rechercher les éléments dans un dossier.
D'une manière générale, il s'agit surtout de diminuer l'énorme manipulation de papier qui a lieu au Palais de Justice. Toutefois, pour l'instant, la loi sur les archives et les procédures ne permet pas de suppressions importantes de dossiers ! En revanche, dans la vie d'un dossier, un CD-Rom évitera de faire des photocopies et de déplacer un nombre important de classeurs fédéraux dans certaines affaires...
Contrairement à ce qui semble se passer au niveau de la législation fédérale - qui a adopté la suprématie de l'électronique sur le papier ! -, le Palais de Justice genevois ne se trouve pas encore dans cette situation, où en termes de procédure, la signature électronique est suffisamment intégrée pour qu'il soit possible de se passer du document écrit.
Les différentes propositions contenues dans le projet IJUGE-2001 permettront toutefois d'y parvenir. Pour l'instant, ce sont plutôt des contraintes de procédures existantes que des contraintes techniques qui empêchent ce passage au document électronique.
Les commissaires approuvent la mise en oeuvre des outils de messagerie, d'agenda, de stockage de l'information et, enfin, une communication facilitée avec les autres administrations. Ce projet s'appuie sur des méthodes de développement modernes, en faisant appel aux technologies à base d'Internet et d'Intranet.
L'idée est de créer un Intranet judiciaire pour permettre une meilleure circulation de l'information au sein du Palais et progressivement d'ouvrir cet Intranet vers l'extérieur et d'autres offices judiciaires.
Cette accessibilité à l'information est conçue dans le strict respect de la confidentialité et des règles de procédure pour les magistrats et fonctionnaires du Palais, mais également pour le justiciable et ses mandataires.
Enfin, les députés s'inquiètent du montant du projet. Il leur est répondu que le Palais de Justice a recensé ses besoins, établi un cahier des charges et chiffré le coût du projet, pour arriver aux 7 650 000 F. Il a été prévu un planning étalé dans le temps, une analyse technique, le choix des prestataires et des produits qui seront mis en oeuvre dans le cadre du projet.
La phase 1 prévoit la mise en place d'un Intranet judiciaire (2000-2001) ainsi que la gestion électronique des documents et des outils facilitant le travail de groupe. La phase 2 comporte la gestion des procédures judiciaires, le développement et la mise en oeuvre de la nouvelle application. La phase 3 concrétisera l'abandon de la base de données actuelles et la migration vers celle qui est le standard de l'Etat.
Il est encore précisé que la phase 1 prévoit un montant d'investissement de l'ordre de 1 million, dont 350 000 F destinés à l'acquisition de matériel. En ce qui concerne la phase 2, il est prévu 5 200 000 F, dont 900 000 F pour le matériel. Quant à la phase 3, les 900 000 F représentent uniquement du temps de travail.
L'impact du projet se mesurera au gain de productivité et à une plus grande polyvalence du personnel, ce qui devrait favoriser le travail au sein du Palais. Ce projet fournira également des moyens informatiques à l'usage des magistrats.
Les commissaires apprennent encore que ce projet devrait permettre de gagner 10 minutes sur le traitement d'un dossier. Sur les 100 000 dossiers traités par année, cela représente un gain potentiel de 2083 jours de travail, estimés à un montant d'environ 1 million de francs.
En dissertant sur cette « rentabilité », il est précisé qu'avec ce gain de temps, il ne s'agit pas toujours d'économies, mais souvent de dépenses évitées. En fait, même si ce projet n'engendre pas automatiquement des diminutions de dépenses, il devrait permettre d'augmenter et d'améliorer les prestations.
Les députés s'inquiètent de la sécurité des données : il ne faudrait pas mettre l'information à la portée de tout le monde. Dans ce projet, au plan de la sécurité, le but est de mettre en place les mêmes outils que le CTI a installé pour protéger la police.
Il s'agit en fait de dédoubler ces sécurités pour protéger le Palais de Justice et mettre en place des communications privées, soit avec d'autres administrations, la police par exemple, soit avec des études d'avocats pour garantir la confidentialité des données échangées. Le projet ne vise donc pas à ouvrir tous azimuts les informations du Palais de Justice et à permettre à n'importe qui d'accéder aux données sensibles du Palais.
L'idée est de faire progressivement en sorte qu'une partie de l'information qui n'est pas sensible soit accessible aux justiciables. La première étape du projet est donc liée à des clients bien identifiés, auxquels on peut assurer la sécurité au travers des techniques existantes.
Alors que le Palais de Justice ne maîtrise pas les différents aspects techniques, le CTI reste la référence en la matière ; il gère cette problématique. Le Palais de Justice garde ses exigences à l'égard du CTI, non seulement sur des problèmes de sécurité vis-à-vis de l'extérieur, mais aussi sur la gestion de ces données en interne.
D'une manière générale, les commissaires reconnaissent la nécessité de ce projet. Ils apprécient la garantie qui leur a été donnée que cette proposition est bien préparée et que son utilité est avérée, ce qui découle indéniablement de la bonne collaboration entre le Palais de Justice et l'équipe du CTI. Finalement, les députés apprécient de retrouver une logique identique et cohérente entre les différents projets informatiques présentés. IJUGE-2001 ne fait pas exception à cette logique.
Vote final
Après ces différentes explications, le projet de loi 8216 ouvrant un crédit d'investissement de 7 650 000 F pour le projet IJUGE-2001 de modernisation du système d'information des pouvoirs judiciaires est accepté avec ses différents articles, à l'unanimité des commissaires présents au moment du vote (2 AdG, 2 S, 2 R, 1 L, 1 DC).
En conséquence, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre ce vote positif de la Commission des finances et à accepter ce projet de loi.
ANNEXE
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Premier débat
M. Roger Beer (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, vu l'heure tardive, je serai extrêmement bref. Il s'agit ici d'un crédit de 7,65 millions pour moderniser le Palais de justice, précisément pour mettre son système informatique à niveau. Ce projet était prêt il y a deux, voire trois ans déjà. Le passage de l'an 2000 et des questions budgétaires ont fait que nous ne votons qu'aujourd'hui le projet définitif. La sous-commission informatique de la commission des finances, puis la commission des finances ont étudié de près ce projet. Ce soir, j'aimerais dire, au nom de mes collègues, que nous avons notamment été impressionnés par la qualité de la présentation qui nous a été faite. C'est donc sans aucune arrière-pensée et sans aucun souci que je vous invite à voter ce projet de loi.
M. Gérard Ramseyer. Ce crédit d'investissement vient à son heure pour permettre une modernisation réelle du système d'information du pouvoir judiciaire. Le projet a été conduit en parfaite collaboration avec le CTI, il permettra au pouvoir judiciaire de gagner un temps précieux et, surtout, il permettra de faire des économies importantes. En effet, si vous faites le calcul : dix minutes par dossier multipliées par 100 000 dossiers par année, vous constaterez que cela correspond grosso modo à une petite dizaine de postes de travail, ce qui n'est pas négligeable. C'est la raison pour laquelle j'aimerais remercier très sincèrement la commission des finances pour sa collaboration, en souhaitant bien sûr que ce projet de loi soit voté dans l'enthousiasme.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8216)
ouvrant un crédit d'investissement de 7 650 000 F pour le projet IJUGE-2001 de modernisation du système d'information du Pouvoir judiciaire
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit d'investissement
1 Un crédit de 7 650 000 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'acquisition du matériel, de logiciels et de services nécessaires au projet IJUGE-2001 de modernisation du système d'information du Pouvoir judiciaire.
2 Il se décompose de la manière suivante :
Matériel et logiciel de base
1 200 000 F
Prestation de service (5000j / h)
6 450 000 F
Total
7 650 000 F
Art. 2 Budget d'investissement
Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 2000 sous la rubrique 17.00.00.506.16.
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit est, au besoin, assuré par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement "; nets-nets " fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4 Amortissement
L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
Renvoyé à la Commission des finances le 18 mai dernier, le présent projet de loi a été examiné par notre commission en séance ordinaire le 31 mai 2000.
A cette occasion, elle a auditionné deux représentants de l'association Pro Mente Sana, MM. Jean-Dominique Michel (secrétaire général) et Pierre-Alain Vuagniaux (membre du comité et trésorier), ainsi que M. Pierre-Olivier Valloton, directeur de cabinet au Département de l'action sociale et de la santé.
Objet du projet de loi
La Commission des finances avait à se prononcer sur l'attribution à Pro Mente Sana d'une subvention annuelle de fonctionnement de :
100 000 F pour l'exercice 2000 ;
150 000 F pour les exercices 2001 et 2002.
La couverture financière de cette subvention est assurée via le droit des pauvres.
Présentation de Pro Mente Sana
Pro Mente Sana a pour but la défense des droits et des intérêts des personnes souffrant d'un handicap psychique. Ses activités adoptent plusieurs formes :
la permanence juridique (PSYTEL), très sollicitée par les patients, les familles et les professionnels, auxquels elle apporte des réponses en matière de droit des patients, hospitalisation, assurances sociales, etc ;
l'information, destinée tant aux personnes concernées qu'au grand public, auprès duquel elle effectue un gros travail pour mieux faire connaître les difficultés rencontrées par les malades et surtout démystifier le handicap psychique ;
la promotion de la santé mentale, mais aussi de projets visant à favoriser l'intégration sociale des personnes souffrant d'un handicap psychique.
Bien implantée à Genève depuis plus de 20 ans, Pro Mente Sana est devenue un partenaire incontournable dans ce domaine. Elle travaille en réseau avec l'ensemble des partenaires de la santé (milieux institutionnels, hospitaliers, sanitaires, sociaux), ainsi qu'avec les différentes associations présentes sur le terrain.
Parmi les opérations réalisées par Pro Mente Sana, il faut plus particulièrement souligner sa collaboration avec la fondation « Paint & Smile ». Cette dernière « habille » des hôpitaux de par le monde - notamment la pédiatrie de l'hôpital d'Aigle - pour adapter l'environnement hospitalier à la sensibilité des malades, plus particulièrement celle des enfants. Pro Mente Sana souhaiterait par ailleurs aussi développer une action en pédopsychiatrie.
Son financement est assuré de plusieurs manières : cotisations, dons et legs ; recettes provenant des diverses activités ; mais la principale source de revenus est la subvention accordée par la Confédération via l'OFAS.
La subvention proposée par le Conseil d'Etat sur trois exercices permettrait à Pro Mente Sana de concrétiser un certain nombre de projets, notamment :
la publication de feuillets spécialisés sur des points particuliers (attitude à adopter en cas de crise, aide aux familles, etc.) ;
la réalisation d'un site Internet ;
et surtout le développement d'un service d'orientation psychosociale.
Informations du DASS
Le représentant du DASS dresse un bref tableau de la situation du handicap psychique dans le paysage sanitaire genevois. Le nombre de cas de détresse progresse (près de 50 % entre 1990 et 1996), une augmentation attribuée entre autres facteurs au durcissement des conditions socio-économiques.
Or un rapport rédigé à la demande du DASS concluait en 1994 déjà que le handicap psychique faisait figure de parent pauvre comparé aux autres formes d'invalidité. Etant donné ce fait, l'implication de Pro Mente Sana dans ce secteur depuis plus de 20 ans, son statut d'interlocuteur privilégié auprès de l'OFAS et son rôle fédérateur auprès des associations actives, il paraît essentiel d'apporter à cette association un appui financier via une subvention de fonctionnement.
A titre d'information, il faut savoir qu'environ 200 personnes ont fait appel à PSYTEL en 1999 ; on a en outre constaté une augmentation des demandes de 70 % entre 1998 et 1999. Il en va d'ailleurs de même en matière d'orientation psychosociale.
Discussion de la commission
Interrogée par les commissaires sur les contacts pris pour diversifier ses sources de financement, l'association a expliqué qu'elle s'adressait, d'une part, aux institutions publiques, soit principalement la Confédération et le canton, les communes témoignant d'un intérêt plus discret lorsqu'il s'agit d'opérations ne les concernant pas directement. Elle est d'autre part en contact avec des associations et des fondations diverses, auprès desquelles elle cherche à démontrer l'intérêt des actions développées, afin d'obtenir un soutien financier.
Pro Mente Sana reçoit une subvention de la Confédération, sur la base d'un contrat de prestations et en proportion des salaires annoncés. Or, compte tenu du fait que l'OFAS ne tient pas toujours compte de la nécessité pour certaines associations de se développer, compte tenu de l'utilité indéniable de Pro Mente Sana et de la valeur de son travail (en particulier sur le plan de l'information) il paraît indispensable de lui apporter une aide concrète pour lui permettre le développement de ses activités.
En conséquence, la Commission des finances s'est prononcée à l'unanimité (1 AdG, 2 S, 2 R, 2 DC, 1 L) en faveur de l'octroi de cette subvention.
Au vu de ce qui précède, elle vous remercie donc, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir suivre son préavis et voter ce projet de loi.
Premier débat
M. Philippe Glatz (PDC), rapporteur. Ce projet de loi a pour objet l'attribution à Pro Mente Sana d'une subvention annuelle de 100 000 F pour l'exercice 2000 et de 100 000 F pour les exercices 2001 et 2002, soit 400 000 F au total pour trois exercices.
Pro Mente Sana a pour but la défense des droits et des intérêts des personnes souffrant d'un handicap psychique. C'est une organisation qui est bien implantée à Genève depuis plus de vingt ans. Elle est devenue un partenaire absolument incontournable dans le domaine du handicap psychique et de l'aide apportée aux personnes qui en souffrent. La subvention proposée par le Conseil d'Etat permettrait à Pro Mente Sana de concrétiser un certain nombre de projets importants, notamment le développement d'un service d'orientation psychosociale.
La commission des finances, après avoir examiné très attentivement cette question, s'est prononcée à l'unanimité en faveur de l'octroi de cette subvention. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir suivre son préavis et de voter ce projet.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8249)
accordant une subvention annuelle de fonctionnement à l'Association Pro Mente Sana (exercices 2000, 2001 et 2002)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Subvention de fonctionnement
Une subvention annuelle de fonctionnement est accordée à l'Association Pro Mente Sana. Elle s'élève à :
Art. 2 Comptes et budget de fonctionnement
1 Pour l'exercice 2000, cette subvention est inscrite dans les comptes sous la rubrique 84.99.00.365.23.
2 Pour les exercices 2001 et 2002, cette subvention est inscrite au budget et aux comptes sous la rubrique 84.99.00.365.23.
Art. 3 Couverture financière
Cette subvention est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat qui est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.494.02.
Art. 4 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Cette résolution est une évidence. Voilà pourquoi nous vous invitons à l'accueillir favorablement.
Débat
M. René Ecuyer (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, en soumettant à votre approbation cette résolution, nous demandons au Grand Conseil qu'il fasse un signe au Conseil fédéral, afin que celui-ci fasse preuve d'initiative en faveur de la paix en Israël et en Palestine.
En effet, on ne peut pas rester les bras croisés, on ne peut pas rester indifférents à ce qui se passe là-bas. On ne peut pas rester indifférents face à la disproportion des moyens militaires utilisés contre des populations désarmées. On ne peut pas non plus se taire face au mépris que manifeste Israël, qui se moque totalement des décisions de l'ONU et des pays démocratiques au sujet du retrait des territoires occupés. On a tous en mémoire les images insoutenables de l'assassinat de cet enfant palestinien dans les bras de son père. On a tous en mémoire les images de ces jeunes enfants et adolescents, qui sont abattus à l'arme automatique parce qu'ils lancent des pierres contre des soldats, de ces véhicules blindés, de ces hélicoptères équipés de missiles qui interviennent contre des populations désarmées.
Condamné par l'ensemble des nations démocratiques, on constate qu'Israël a peur, une peur qui le pousse aux pires excès. Dans les heures les plus noires de notre histoire récente, les communistes, les socialistes, les syndicalistes ont partagé à un certain moment les mêmes prisons, ont subi les mêmes tortures et ont franchi les mêmes couloirs de la mort ; les malheurs du peuple juif n'excusent pas la violence de l'Etat d'Israël, n'excusent par l'injustice, la répression sanguinaire contre le faible, le démuni, le paysan sans terre, l'exilé.
Notre pays, au cours de son histoire, a souvent apporté une contribution décisive au règlement de conflits entre Etats. Il ne peut rester sans voix, sans agir, face à ce qu'il faut bien appeler par son nom, ou en tout cas face à ce que je considère comme un génocide. La Suisse est un havre de paix qui pourrait offrir un espace où ceux qui sont en conflit pourraient s'expliquer, aplanir les divergences, trouver des accords pour la cessation des hostilités. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose d'accepter cette résolution.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil fédéral.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(429)en faveur d'une intervention de la Suisse en vue du rétablissement de la paix entre Israël et la Palestine (initiative cantonale)
La séance est levée à 23 h 50.