République et canton de Genève

Grand Conseil

No 31/V

Vendredi 9 juin 2000,

nuit

La séance est ouverte à 20 h 30.

Assistent à la séance : Mmes et MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf et Micheline Calmy-Rey, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Jacques Béné, Marie-Françoise de Tassigny, Hervé Dessimoz, Bénédict Fontanet, Jean-Pierre Gardiol, Philippe Glatz, Alexandra Gobet, Michel Parrat et Micheline Spoerri, députés.

3. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

La présidente. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :

M 1358
de Mmes et MM. Esther Alder (Ve), Roger Beer (R), Janine Berberat (L), Dolorès Loly Bolay (AG), Juliette Buffat (L), Marie-Françoise de Tassigny (R), Gilles Godinat (AG), Mireille Gossauer-Zurcher (S), Cécile Guendouz (AG), Pierre Marti (DC), Louiza Mottaz (Ve), Catherine Passaplan (DC), Véronique Pürro (S), Albert Rodrik (S) et Jean Rémy Roulet (L) concernant la politique familiale du canton. ( )M1358

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

PL 8244-A
4. Suite du premier débat sur le rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jean Spielmann, Dominique Hausser, Pierre Vanek, Salika Wenger, Christine Sayegh, Alexandra Gobet, Georges Krebs et Jean-Pierre Restellini modifiant la loi sur la Banque cantonale de Genève (D 2 05). ( -) PL8244
Mémorial 2000 : Projet, 3635. Renvoi en commission, 3787. Rapport, 4800.
Rapport de M. Christian Grobet (AG), commission de contrôle de gestion

Suite du premier débat

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre ordre du jour là où nous l'avons laissé à 19 h. Je vous donne la parole, Madame Sayegh.

Mme Christine Sayegh (S). Nous poursuivons donc nos travaux sur l'étude du projet 8244 relatif à la loi sur la Banque cantonale de Genève.

J'aimerais rappeler que le Conseil d'Etat est l'autorité de surveillance de la Banque cantonale de Genève et que le Grand Conseil en est la haute surveillance.

Nous avons remarqué au cours de ces années, depuis la création de la Banque cantonale de Genève ainsi que lors des travaux de la commission d'enquête parlementaire, que ce pouvoir de surveillance n'a pas été exercé. On peut dès lors se demander s'il n'y avait pas volonté de l'exercer ou si le système mis en place était insuffisant... Pour ma part, je pencherai pour la seconde hypothèse. Or ce projet de loi nous propose précisément de permettre l'exercice de cette autorité de surveillance, afin, Messieurs les députés... (Brouhaha.) Car c'est surtout vous qui parlez, Messieurs !

M. Claude Blanc. Ce sont ceux de l'Alternative !

Mme Christine Sayegh. Oui, effectivement, ce sont les messieurs de l'Alternative ! Ils devraient écouter un peu mieux !

...afin que nous puissions vérifier l'application du but constitutionnel de la loi. A l'époque, nous avons souhaité, tous partis confondus, une banque cantonale avec une envergure régionale, qui, avant tout, dynamise le tissu économique de notre région.

Les renforcements prévus permettent effectivement tout d'abord à la Banque cantonale de Genève d'avoir un contrôle interne indépendant. Il est évident que ce contrôle est quelque peu limité lorsqu'il est exercé par le président de la banque et le directeur de la banque...

M. Lombard s'est gaussé du fait que cette loi avait besoin d'une maman... Eh bien, si à l'époque de la création de la banque nous avions eu un peu plus de transparence, nous aurions pu évaluer l'héritage qu'elle faisait et nous aurions peut-être eu l'imagination dont nous faisons preuve aujourd'hui en créant une fondation de valorisation des créances gagées litigieuses ou faiblement couvertes ! Malheureusement, nous n'avons rien su ! Le secret bancaire et une non-volonté d'information ont fait que cet héritage n'a pu être vraiment évalué qu'il y a quelques mois seulement, puisque c'était en octobre de l'année dernière.

Et les différentes propositions contenues dans cette loi, même si elles déplaisent à certains, permettent enfin de répondre non seulement à la volonté du législateur mais encore à celle de la constitution. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas essayer de trouver des défauts à cette loi par tous les moyens. Au contraire, soyez constructifs ! Nous donnons ainsi à la Banque cantonale de Genève toutes les chances de pouvoir enfin travailler avec efficacité, puisque nous l'avons délestée de ses créances gagées, lourd héritage impossible à gérer. Il faut la laisser travailler, dynamiser notre économie pour qu'elle retrouve, enfin, une réputation qui nous fera tous plaisir ! Faisons confiance à l'efficacité des mesures d'assainissement qui ont été prises !

Ces mesures d'assainissement ainsi que le projet de loi que nous allons voter ce soir ont reçu l'aval de la Commission fédérale des banques. C'est donc une garantie, puisque certains contestent notre audace à vouloir mettre à l'examen la manière dont la Commission fédérale des banques contrôle l'activité des banques, qui se limite la plupart du temps à lire le rapport des organes de révision. La Commission fédérale des banques est maintenant d'accord sur le fait que ces mesures d'assainissement sont nécessaires et, bien sûr, de la pertinence de ce projet de loi. Alors suivons la Commission fédérale des banques, Mesdames et Messieurs les opposés à ce projet de loi, parce que c'est un bon conseil et c'est une garantie ! J'espère que vous voterez non seulement le projet de loi mais également les quelques amendements que nous allons proposer. (Applaudissements.) 

M. Claude Blanc (PDC). Je souscris dans les grandes lignes aux propos tenus à l'instant par Mme Sayegh, à une exception près... (Exclamations.)

Je suis d'accord sur le rétablissement de la confiance et la nouvelle chance qu'il faut donner à la banque, mais pas avec le fait que vous profitiez de l'occasion qui vous est donnée - puisque ces temps-ci vous tenez le couteau par le manche - pour intensifier le contrôle politique sur la banque. C'est certain, la banque, comme toutes les banques d'ailleurs, a besoin de contrôleurs... Mais est-ce une raison pour vouloir impliquer directement ou indirectement le pouvoir politique, comme vous le souhaitez ?

Mettez-vous, Mesdames et Messieurs, à la place des clients de la banque, même des plus honnêtes, même des plus loyaux vis-à-vis du fisc ! Croyez-vous que ceux-ci verront d'un bon oeil que, par personnes interposées, le département des finances aille mettre le nez dans leurs affaires ? Je ne le crois pas ! Le remède que vous préconisez va à mon avis être pire que le mal en ce sens qu'il va faire peur : il va faire peur à un certain nombre de clients qui ne tiennent pas du tout à ce que l'Etat mette le nez dans leurs poches - même s'ils sont honnêtes et loyaux vis-à-vis du fisc, j'insiste ! Pouvez-vous imaginer qu'ils pourront avoir confiance en cet établissement ? Cet établissement sera peut-être blindé, mais il risque fort de ne plus avoir de clients, ce qui est bien embêtant ! Vous tenez le couteau par le manche, comme je l'ai déjà dit, alors vous allez l'utiliser, mais vous en porterez la responsabilité. Si certaines mesures sont bonnes, d'autres vont à mon avis beaucoup trop loin, et je crains que les clients n'éprouvent un sentiment de méfiance. 

M. Albert Rodrik (S). S'il y a une chose qui me fatigue dans les débats à propos de la Banque cantonale de Genève, c'est le radotage de certains, depuis des mois, sur le fait que ce sujet est politisé de façon excessive...

Permettez-moi de vous dire ceci : les deux banques qui ont donné naissance à la Banque cantonale de Genève n'ont pas pâti, au terme de leur vie, de l'excès de politisation, mais de la surdité énorme qu'elles opposaient à ce que les délégués du monde politique, de ce que l'Etat, de ce que le Grand Conseil ou le Conseil d'Etat pouvaient bien leur dire, quand ils s'intéressaient au devenir de ces banques !

Il y a donc des baudruches à crever... Pourtant, nous en avons passé du temps à dire des vérités dans un certain nombre d'enceintes, à de pseudo managers qui voulaient être dans le marché. Et nous n'étions pas si incompétents que cela pour le leur dire : que ce soit dit une fois pour toutes ! Aux basques de combien de pseudo professionnels n'a-t-il pas fallu s'accrocher pour les empêcher d'être trop dans le marché et, en plus, ils avaient le sentiment d'être persécutés !

Mesdames et Messieurs les députés, ce qui vient de la politique n'est pas par définition «incompétent» ! Je voudrais demander à Armand Lombard au nom de quoi il nous a couvert de son mépris... S'il veut venir faire un quiz sur le métier de banque avec moi, je lui dis «chiche» et on verra bien qui gagnera : c'était mon premier métier !

Cela dit, Mesdames et Messieurs, vous pouvez trouver excessif l'appareil mis en place, mais la faute à qui ? La faute à quoi ? Et pourquoi en est-on arrivé là ? Je suis le premier à dire que nous ne devrions pas avoir besoin de cela ! Eh bien, nous verrons avec la preuve par l'acte - comme pour le service civil - si dans cinq ou six ans il sera possible de réduire ce type de contrôles, mon cher Blanc !

M. Claude Blanc. Si la banque existe toujours ! (Exclamations.)

M. Albert Rodrik. J'espère bien qu'elle existera encore ! Parce que la manière dont certains, plus proches de vous que de nous, l'ont gérée aurait pu la conduire directement à saint Georges ! Heureusement, ce n'est pas le cas ! Je concède toutefois très volontiers que l'on ne devrait pas avoir besoin de tels contrôles, mais, en attendant, sans cela, on ne sait pas très bien où on irait. Prenons rendez-vous dans cinq ans : nous verrons alors bien si nous pouvons nous en passer, si la preuve est faite, mais il faudra bien qu'elle le soit, parce que pour l'instant, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la seule preuve que nous ayons, c'est une banque à l'agonie !

Je vous remercie. (Applaudissements.) 

M. Bernard Clerc (AdG). Tout à l'heure, nous avons entendu, dans la bouche du député Armand Lombard, qu'il est important que les actionnaires privés soient représentés dans la Banque cantonale de Genève parce que les privés posent des questions... Sous-entendu : ils posent de bonnes questions, alors que les représentants des pouvoirs publics, par définition, posent de mauvaises questions !

Le problème, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que l'actionnariat privé est représenté dans les organes de la Banque cantonale de Genève, mais, comme par hasard, ils n'ont pas, semble-t-il, posé les bonnes questions, vu la situation dans laquelle s'est retrouvée la banque. Faisons donc fi du mythe de la performance automatique découlant du simple fait que l'on représente l'actionnariat privé !

Venons-en à la question du contrôle dit «politique» évoqué par M. Blanc, qui, comme à son habitude, fait dans le populisme en parlant de politisation ! J'aimerais donc à ce sujet rappeler un certain nombre de choses et quelle est notre conception à nous du politique. Notre conception du politique, c'est que à travers les instances démocratiquement élues le peuple de ce canton se donne des représentants qui sont chargés simplement de surveiller, de contrôler, de proposer un certain nombre de choses pour le fonctionnement de notre République. C'est ce que j'appelle une conception noble du politique, qui n'est pas celle évoquée par M. Blanc, qui, lui, fait indirectement référence - ou par contrepoint - à la politique dite «des petits copains» que nous avons vus à l'oeuvre dans cet établissement. Evidemment, nous ne voulons pas d'une telle politique et nous n'en voulons plus !

C'est la raison pour laquelle aujourd'hui ce projet de loi est essentiel pour ramener la confiance vis-à-vis de cet établissement. La banque cantonale est un outil indispensable à la vie économique de notre canton. Je rappelle à ce sujet à un certain nombre de députés qui se trouvent de l'autre côté de l'hémicycle que si par malheur leurs prédictions - ce que certains d'ailleurs souhaitent en sous-main pour des raisons d'élimination d'un concurrent sur le marché - devaient se réaliser et que la Banque cantonale de Genève ne parvienne pas à assumer ses tâches, cela aurait des conséquences considérables, bien sûr en priorité pour les salariés de ce canton, mais aussi pour un certain nombre d'entreprises que vous êtes censés représenter. Alors, votre attitude aujourd'hui, par rapport à la mise en ordre indispensable et nécessaire qui doit avoir lieu pour la Banque cantonale de Genève, est d'une certaine manière incompréhensible par rapport à toutes les personnes qui vous accordent leur confiance.

J'en resterai là, et je vous demande d'approuver ce projet de loi pour un contrôle renforcé des représentants du peuple sur une banque qui appartient, je le rappelle, au peuple de ce canton ! (Applaudissements.) 

Mme Micheline Calmy-Rey. Le rôle du Conseil d'Etat dans l'affaire de la Banque cantonale de Genève n'a effectivement pas été facile ni particulièrement agréable. Mais si aujourd'hui le Conseil d'Etat est obligé de s'impliquer plus que certains ne pourraient le souhaiter, c'est bien parce que d'autres n'ont rien fait dans ce dossier !

Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, l'Etat de Genève ne joue pas un rôle négatif mais un rôle positif. Et vous savez pertinemment, Monsieur Blanc, que le rôle de l'Etat ne consiste pas à aller regarder dans le porte-monnaie des gens ni dans leurs poches, qu'ils aient un compte à la Banque cantonale de Genève ou pas ! Le rôle joué par l'Etat à la Banque cantonale de Genève est un rôle de surveillance. C'est évident : ce rôle nous appartient ! La Commission fédérale des banques nous a demandé d'assumer ce rôle, et je l'assume avec un grand sens des responsabilités, parce que à peu près la moitié des Genevois a des relations bancaires avec la Banque cantonale de Genève. C'est notre banque ! C'est la banque de la population genevoise, et les autorités politiques genevoises n'ont pas le droit de ne pas être à ses côtés le jour où elle est en difficulté !

Nous discutons aujourd'hui des dernières mesures d'assainissement de la banque, et nous espérons qu'à partir de là elle se portera mieux.

Mesdames et Messieurs, dans cette loi, le comité de contrôle n'est pas une nouveauté, contrairement à ce que certains ont dit : sous le nom de «comité d'audit», c'est un organe qui existe dans de nombreuses multinationales et dans de nombreuses banques. Ce n'est pas une «genevoiserie» que de vouloir un tel comité de contrôle ! C'est simplement se donner les moyens d'exercer une surveillance, tout en gardant à cette surveillance l'indépendance nécessaire. C'est pour cela que le Conseil d'Etat s'est engagé : pour une surveillance plus transparente et pour un audit plus indépendant.

Quant à la stratégie de la banque, c'est vrai qu'elle se concentre actuellement sur le court terme et, de ce point de vue, ce sont des mesures d'assainissement et des mesures d'urgences qui ont été discutées jusqu'à maintenant. Mais M. Lombard devrait le savoir : le fait de vouloir uniquement une banque de proximité ne va pas sauver la banque de tout risque. En effet, les activités de proximité - nous avons pu le voir durant cette période difficile - que ce soient les crédits hypothécaires ou que ce soient les crédits commerciaux en blanc, sont des activités risquées en termes de rentabilité pour la banque. Il faudra réfléchir à la stratégie lors de l'assemblée générale du mois de septembre.

Ce dont la Banque cantonale de Genève a besoin aujourd'hui, c'est de confiance. Le rôle joué par l'Etat aujourd'hui est le rôle d'un actionnaire de référence. Il n'est pas différent de ce que souhaitent les actionnaires au porteur qui ont investi des millions dans cette banque cantonale. Ce qu'ils veulent, c'est que cette banque soit surveillée, c'est avoir leur mot à dire, précisément parce qu'ils ont fait confiance à cette banque.

C'est la raison pour laquelle ce projet de loi a une portée symbolique et il est important qu'il soit adopté ce soir.  

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur. Madame Calmy-Rey, face à la nécessité de redonner confiance à la population et aux clients de la banque par rapport à l'avenir de la Banque cantonale de Genève, vous avez raison de dire que ce projet de loi a valeur de symbole.

J'insiste toutefois une nouvelle fois sur le fait que ce projet de loi n'a pas seulement une valeur symbolique. Cette loi vise - c'était le début de mon intervention tout à l'heure - à instaurer un certain nombre de règles de fonctionnement, qui n'ont pas été appliquées dans le passé, pour tenter d'éviter à l'avenir de refaire les erreurs du passé. En ce qui me concerne, il ne se passe pas un jour sans que je rencontre des gens dans la rue qui se félicitent que l'Etat ait pris les mesures nécessaires sur le plan financier. Mais ils pensent que cela ne servirait à rien de sauver la banque si elle devait recommencer les erreurs du passé. Il est donc absolument primordial de fixer un certain nombre de règles de fonctionnement pour cette banque.

Cela m'amène à répondre à M. Lombard. Je regrette qu'il ne soit pas resté dans cette salle après avoir fait son intervention pour entendre la suite du débat... J'ai bien l'impression que la Banque cantonale de Genève ne l'intéresse pas beaucoup...

Une voix. Il n'y connaît rien !

M. Christian Grobet, rapporteur. Il éprouve sans doute plus d'intérêt à faire connaître ses opinions dans les médias ! En définitive, on voit qu'il fait partie... du parti libéral ! Je ne sais pas si cela correspond à la pensée de tout le parti libéral, mais celui-ci n'a visiblement pas envie de sauver la banque. Cela paraît évident en lisant l'opinion exprimée par M. Lombard et celle exprimée par M. Gauthier dans la colonne des invités d'un grand quotidien de la place.

Cela étant dit, j'ai le sentiment que M. Lombard n'a visiblement pas une très haute opinion de notre intelligence, qu'il a qualifiée tout à l'heure de «limitée», mais je ne lui ferai toutefois pas l'injure de sous-estimer la sienne... Je dirai simplement que M. Lombard ne s'est pas donné la peine de lire notre projet de loi. En effet, quand il prétend que c'est une simple copie... (L'orateur est interpellé par M. Ducrest.) Je comprends, Monsieur Ducrest, que cela vous gêne qu'on répète les choses, mais c'est important, puisque nous avons encore la chance que notre débat de ce soir soit télévisé... (Exclamations.) Les citoyennes et les citoyens de ce canton ont aussi le droit d'être informés ! M. Lombard prétend que ce projet de loi est une simple copie... Je dois lui répondre que c'est une contrevérité flagrante !

J'ai effectivement dit à M. Halpérin que nous n'avions pas inventé de nouveaux organes, si ce n'est celui du comité de contrôle, mais j'ai aussi dit que l'objectif de la loi était de mieux fixer les compétences des différents organes, de redonner au conseil d'administration, qui est l'organe suprême les compétences qu'il aurait dû exercer et qu'il n'a pas exercées, d'instaurer un véritable contrôle interne de la banque qui soit indépendant de la direction de la banque, parce qu'il est évident qu'un contrôle interne ne fonctionnera pas correctement s'il est sous la coupe du directeur de la banque qu'il est censé surveiller. Alors, si vous ne comprenez pas aujourd'hui - ou plutôt si vous feignez de ne pas comprendre - les nouvelles règles de fonctionnement qui touchent à des principes fondamentaux du fonctionnement d'une banque, c'est à désespérer !

M. Lombard a dit à juste titre - je suis d'accord sur ce point avec lui - qu'il faudra définir - ou redéfinir, plutôt - la stratégie et les objectifs de la banque, et il nous a donné des leçons... Alors, je lui rappelle - ainsi qu'aux députés qui font face à la majorité - que nous avons déposé il y a plus de deux ans un projet de loi sur la Banque cantonale de Genève, qui dort encore dans les tiroirs de la commission des finances et dont le but était précisément de fixer les objectifs de la banque ! Et nous avions soulevé à cette occasion certaines des questions évoquées par M. Lombard tout à l'heure. Par exemple : est-il judicieux que la banque s'engage dans certaines activités à hauts risques comme le négoce, comme les produits dérivés ? Est-il logique que la Banque cantonale de Genève achète plusieurs banques pour faire de la gestion de fortune - une succursale de cette banque de gestion d'affaires a été lâchée entre-temps au Tessin - dans les îles Caïmans, en Floride ?

Madame la présidente, je veux bien comprendre qu'il faut compenser les activités de proximité par certaines autres activités, mais faut-il pour autant avoir une banque de gestion de fortune avec des succursales aux îles Caïman et en Floride ? J'en doute beaucoup !

Il faudra examiner également le fonctionnement de la succursale de la Banque cantonale de Genève à Lyon. Nous avons soulevé ces problèmes en son temps, mais, Mesdames et Messieurs les libéraux, nous n'avons reçu aucun soutien de votre part... Au contraire, vous étiez de ceux qui refusiez d'entrer en matière sur ce projet de loi !

J'abandonne ici ma casquette de rapporteur quinze secondes et je prends celle de député de l'Alliance de gauche pour dire ceci : il est clair que nous demanderons que ce projet de loi, qui touche d'autres aspects des activités de la Banque cantonale de Genève que ceux traités par la loi ce soir, soit réexaminé en commission. En effet, tout comme M. Lombard, nous pensons qu'il est essentiel de bien cadrer les activités de la banque pour l'avenir.

Je ne peux pas non plus laisser passer votre déclaration, Monsieur Blanc. Je déplore dans ce débat sur la Banque cantonale de Genève le nombre de déclarations trompeuses qui ont été faites par un certain nombre de personnes qui, effectivement, sapent la confiance de la population et des clients. Vous avez dit tout à l'heure - et vous savez que c'est faux - que ce projet de loi va permettre au département des finances de mettre le nez dans les affaires des clients - ce sont les propos que vous avez tenus... Eh bien, c'est une pure contrevérité ! Il n'y aura pas de représentant du département des finances à la Banque cantonale de Genève.

Je trouve inadmissible, alors que nous discutons de l'avenir de cette banque, que vous doutiez qu'elle soit encore en vie dans quelque temps ! Si nous prenons aujourd'hui les mesures nécessaires pour permettre à la Banque cantonale de Genève de poursuivre ses activités, c'est parce qu'un certain nombre de personnes ont voulu cacher la vérité sur la situation de la banque. Si ces personnes avaient fait correctement leur travail, ces mesures auraient pu être prises il y a deux ans déjà, et nous aurions évité que la banque se trouve dans cette situation !

Il y a des choses que je ne dirai pas ce soir, Monsieur Blanc ! J'attendrai cinq ou dix ans pour les dire, si Dieu me prête vie, quand la banque sera aussi prospère, je l'espère, que la Banque cantonale de Zurich. Il n'y a en effet pas de raison que la Banque cantonale de Genève ne soit pas aussi prospère que les autres banques, puisqu'on vient de lire dans la presse que toutes les banques suisses font d'énormes bénéfices... Mais vous n'avez pas le droit, ce soir, au moment où nous essayons tous - du moins, je l'espère - de sauver la Banque cantonale de Genève, de laisser entendre que cette loi pourrait permettre au département des finances de mettre le nez dans les affaires des clients ! Ce n'est pas vrai ! Je vous renvoie à nouveau aux propos du conseiller fédéral Kaspar Villiger qui, lors de la révision de la loi fédérale sur les banques, l'année dernière, a rappelé que le premier devoir des cantons est de surveiller le bon fonctionnement des banques cantonales. Faut-il encore leur en donner les moyens ! Ce soir, nous donnons modestement des moyens au Conseil d'Etat de jouer son rôle : il ne s'agit pas de faire intervenir une autorité politique comme vous l'avez dit ! Le Conseil d'Etat est l'une des trois institutions de notre canton : ce n'est pas seulement une autorité politique dans le sens où vous l'avez dit !

Nous, nous voulons précisément dépolitiser la banque, parce qu'elle a été justement trop longtemps l'apanage de certains milieux politiques, ce qui l'a malheureusement conduite là où elle est aujourd'hui. Nous proposons simplement que le Conseil d'Etat puisse exercer son devoir de surveillance ! Nous avons expliqué comment cela se ferait : par un mandataire qui dépendra du Conseil d'Etat et non pas du département des finances ! D'un mandataire indépendant, qui ne sera donc pas un fonctionnaire du département des finances ! Qui sera soumis au secret professionnel et qui sera punissable pénalement s'il viole ce secret professionnel auquel il sera astreint ! Et vous osez laisser entendre que ce futur mandataire du Conseil d'Etat pourrait révéler des renseignements au département des finances ! Eh bien, Monsieur, je trouve inadmissible, dans le débat de ce soir, que vous laissiez entendre des choses pareilles, et je me devais de les contredire vivement !

Je vous invite expressément, Mesdames et Messieurs les députés, à voter la loi telle qu'elle vous est présentée ce soir ! C'est ce que la population attend aujourd'hui : il faut que la Banque cantonale de Genève n'ait plus la bride sur le coup et qu'elle soit surveillée correctement, sans excès, qu'un contrôle soit exercé sur ceux qui sont chargés de l'administrer pour le compte de la population de ce canton !

La présidente. Monsieur Blanc, je vous donne la parole, mais je vous demande d'être très bref. Nous avons encore quatre points de notre ordre du jour, qui sont extrêmement importants et qui risquent d'être longs à traiter. J'aimerais donc bien passer rapidement au vote d'entrée en matière.

M. Claude Blanc (PDC). Madame la présidente, je serai bref, mais je ne peux tout de même pas laisser passer tout ce qui vient d'être dit sans réagir ! (Exclamations.)

Mesdames et Messieurs les députés, le comité de contrôle sera composé de trois personnes dont deux administrateurs et un représentant du Conseil d'Etat pris en dehors de l'administration. Mais que fera ce représentant du Conseil d'Etat ? Sera-t-il une potiche qui ne dira rien à personne ? Comment voulez-vous alors qu'il soit efficace ? Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous voulez que le Conseil d'Etat ait un représentant, si celui-ci ne peut pas rapporter au Conseil d'Etat sur les choses qu'il aura observées !

Je vois tout de même, à l'alinéa 3, que le comité de contrôle a les pouvoirs les plus étendus sur toutes les opérations de la banque et a, par conséquent, le droit - moi, je sais comment fonctionne le comité de contrôle dans une banque ! - de mettre son nez dans tous les dossiers de tous les clients de la banque, sans en référer à personne. Quel rôle voulez-vous donner au représentant du Conseil d'Etat ? Sera-t-il indépendant par rapport au Conseil d'Etat, ou devra-t-il rapporter au Conseil d'Etat ? Il faudrait peut-être le préciser ! Vous avez beau dire qu'il sera soumis au secret bancaire, s'il est soumis au secret bancaire par rapport au Conseil d'Etat, à quoi cela sert-il, je vous le demande ? 

Mme Micheline Calmy-Rey. Monsieur Blanc, vous avez une conception fort curieuse de la surveillance d'une institution ! La surveillance d'une institution ne consiste pas à aller regarder dans les comptes des personnes ! Ce n'est pas comme cela que cela se fait ! Le Conseil d'Etat doit être informé, d'après les termes de la loi que vous allez adopter ce soir, à l'exclusion de tout élément relevant du secret bancaire. Et nous n'avons pas besoin de connaître le détail des débiteurs de la banque pour pouvoir la surveiller ! Ce qui importe ce sont les informations concernant ses risques, sa stratégie, sa rentabilité ! Ce qui est important : c'est son business plan !

Monsieur Blanc, comment nous sommes-nous rendu compte que la banque était dans une situation difficile ? Parce que j'ai réclamé ce business plan, dans le courant de l'année 1998 ! Parce que lorsqu'on me l'a donné, en automne 1999, il est apparu que la stratégie de la banque, qui consistait à amortir ses pertes dans la durée n'était plus possible en regard d'objectifs de rentabilité. Alors, la Commission fédérale des banques y a mis fin ! C'est comme cela que les choses se sont passées.

Moi, je n'ai pas connaissance des éléments concernant les clients et je ne les demande pas ! Aucun des membres du Conseil d'Etat ne le souhaite et personne n'en a besoin pour pouvoir surveiller correctement la banque ! Le rôle du représentant du Conseil d'Etat au comité de contrôle est précisément un rôle de haute surveillance, mais son but et sa fonction ne sont pas de rapporter au Conseil d'Etat sur des situations individuelles, puisque, je le répète, aucun élément touchant au secret bancaire ne peut être transmis au Conseil d'Etat. Alors, il faut cesser de faire croire aux gens que l'Etat a la possibilité de regarder dans les comptes des clients de la banque, parce que celle-ci est surveillée par l'Etat ! C'est faux !

Le rôle de l'Etat, aujourd'hui, consiste à donner une garantie sur les dépôts d'épargne et sur les dépôts de prévoyance : c'est un rôle éminemment politique, et c'est ce qui fait que les gens peuvent continuer à avoir confiance dans la Banque cantonale de Genève. Cessez donc de dire des bêtises ! (Applaudissements.) 

La présidente. Monsieur Blanc, j'aimerais passer maintenant au vote d'entrée en matière. Vous aurez l'occasion de vous exprimer dans le cours du débat ! Bon, puisque vous insistez, allez-y !

M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais dire ce qui suit par rapport au comité de contrôle qui a la même fonction que le conseil de surveillance.

Je suis président d'une banque Raiffeisen et nous avons un conseil de surveillance. Chez nous, le rôle du conseil de surveillance est de s'assurer que les prêts qui ont été consentis à des clients l'ont été dans les règles. Par conséquent, ces personnes viennent vérifier la manière dont les prêts ont été accordés et, pour ce faire, ils demandent les dossiers des clients pour vérifier la solidité des garanties. Ils ont donc le droit de mettre le nez dans les affaires des clients ! D'ailleurs, l'alinéa 3 de votre article 14A le dit très bien ! Vous me dites que le représentant du Conseil d'Etat est soumis au secret bancaire et que, par conséquent, il ne vous rapportera rien... Alors, à quoi sert-il ?

En effet, prenons un dossier qui nous a beaucoup occupés ces dernières années : le dossier Stäubli... Si ce dossier avait été directement surveillé par un comité tel que celui que vous nous proposez, il vous aurait signalé depuis longtemps que Staübli n'était pas solvable ! Mais comment l'auriez-vous su si votre représentant ne vous l'avait pas dit, Madame la présidente ! Il faut bien, à un moment donné, que ce représentant vous dise que la banque a accordé un crédit à une personne non solvable ! (Exclamations.) Et pour le savoir, il faut pouvoir aller mettre le nez dans ses comptes ! (L'orateur est interpellé.) Mais tous les clients sont susceptibles de ne pas être solvables, et il faudra bien tous les contrôler ! 

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur. Monsieur Blanc, je trouve que vos déclarations, alors que vous êtes responsable d'un établissement bancaire, est grave ! D'autant que vous savez parfaitement que ce que vous venez de dire est complètement faux !

Je voudrais tout d'abord rappeler que l'alinéa 1 de l'article 14A que vous avez évoqué se termine par les mots suivants, que j'aurais bien voulu que vous lisiez : «Il - le comité de banque - est soumis au secret bancaire.»... C'est clair ! On ne peut donc pas violer le secret bancaire ! Celui qui le fait est passible de la loi pénale. C'est le premier point.

Vous dites que si le représentant du Conseil d'Etat dans le comité de contrôle ne peut pas parler au Conseil d'Etat des dossiers des clients de la banque son rôle est réduit à néant... Et vous avez fait allusion au rôle du comité de contrôle de la Banque Raiffeisen... Vous avez pu constater, en lisant le projet de loi qui nous est soumis, que les compétences du comité de contrôle de la Banque cantonale de Genève, telles que nous les avons définies, vont bien au-delà des compétences dont vous avez parlé tout à l'heure, s'agissant du comité de contrôle de la Banque Raiffeisen ! Vous avez en effet dit que le comité de contrôle de votre banque se limitait à contrôler les conditions d'octroi des crédits. Eh bien, je le répète, le comité de contrôle de la Banque cantonale de Genève aura des compétences beaucoup plus étendues !

Monsieur Blanc, vous savez très bien quel est le problème de la Banque cantonale de Genève ! Tous les gens de votre milieu le connaissent ! Nous avions soulevé ce problème sans en avoir la preuve, mais nous étions convaincus que les provisions constituées étaient insuffisantes par rapport aux risques. Dans un tel cas, il est clair que le comité de contrôle, qui aurait suivi les affaires de la banque depuis sa création, aurait su que les provisions étaient insuffisantes ! Entre nous soit dit, l'organe de révision externe aurait également dû le constater et le déclarer... Vous êtes d'accord, et je m'en félicite ! Et le représentant du Conseil d'Etat dans le comité de banque aurait pu dire, sans parler de M. Staübli - c'était un secret de polichinelle, mais cela est un autre problème : «Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, d'après les vérifications auxquelles j'ai pu procéder, je vous signale que les provisions sont insuffisantes et que le bilan de la banque ne répond pas aux exigences du code des obligations et de la loi fédérale sur les banques.»... C'était cela, la réalité ! Et je suis convaincu que s'il y avait eu un comité de contrôle pour surveiller la banque, un tel renseignement aurait été communiqué au Conseil d'Etat. C'était un renseignement vital pour l'avenir de la banque, et les noms des clients en cause n'auraient pas été cités : cela n'était pas nécessaire !

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article 1 (souligné)

Art. 5, al. 4 (nouveau)

Mis aux voix, l'article 5, alinéa 4 (nouveau) est adopté.

Art. 10, lettre f (nouvelle)

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Grobet, à l'article 10, qui ajoute une lettre f) à l'énumération des organes de la banque. Je vais vous lire cet article, parce que votre document ne comporte pas la loi dans son entier, en y ajoutant l'amendement de M. Grobet :

«Article 10 : organes de la banque.

Les organes de la banque sont :

a) l'assemblée générale des actionnaires ;

b) le conseil d'administration ;

c) le comité de banque ;

d) la direction générale ;

e) l'organe de révision ;

f) le comité de contrôle.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 10 ainsi amendé est adopté.

Art. 11, al. 2, lettre a) (nouvelle teneur)

La présidente. Vous n'avez pas cet article sous les yeux non plus. Je vous le lis tel qu'il est dans la loi actuelle, avec l'amendement proposé par M. Bernard Clerc. La loi actuelle dit donc en son article 11, alinéas 1 et 2, concernant l'assemblée générale des actionnaires, je cite :

«1L'assemblée générale des actionnaires est l'organe suprême de la banque.

2Elle dispose notamment des compétences suivantes :

a) elle adopte et modifie les statuts de la banque sur proposition du conseil d'administration ; le Conseil d'Etat constate par arrêté que les statuts ou leurs modifications sont conformes à la présente loi ;».

(Un oiseau entre par une fenêtre ouverte.)

Une voix. Eteignez les lumières, pour faire sortir l'oiseau !

La présidente. Les huissiers pourraient-ils éteindre les lumières ? Stéphane, s'il vous plaît ! Nous suspendons la séance un instant !

(L'oiseau vole dans la salle du parlement puis ressort par une des fenêtres ouvertes.)

La présidente. Je reprends l'amendement à l'article 11 que j'étais en train de vous lire. L'amendement de M. Bernard Clerc reprend l'alinéa 2, lettre a), nouvelle teneur, comme suit :

«2Elle dispose notamment des compétences suivantes :

a) elle adopte et modifie les statuts de la banque sur proposition du conseil d'administration ou du Conseil d'Etat, pour entrer en force, les modifications de statuts doivent être ratifiées par le Grand Conseil ;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Art. 11, alinéa 2, lettre f)

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur. Il me semblerait, pour être logique par rapport à la modification que nous venons d'adopter en ce qui concerne les statuts, qu'il faudrait dire, s'agissant de l'assemblée générale :

«f) elle approuve la charte éthique de la banque, qui est soumise à la ratification du Grand Conseil ;»

Cela éviterait en effet qu'il y ait une double approbation et cela serait plus correct ainsi.  

La présidente. Monsieur Grobet, si j'ai bien compris, votre amendement consiste à remplacer le mot «approbation» par «ratification» ? Bien, vous voudrez bien nous le donner par écrit, pour qu'il figure dans nos documents.

Je le mets donc aux voix.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 11 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 12, alinéas 1 et 2, est adopté, de même que les articles 12, alinéa 3 à 14A.

Art. 16 (nouvelle teneur)

Mme Micheline Calmy-Rey. L'article 16, dans sa version actuelle, fait une confusion entre l'organe de révision bancaire, au sens de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, et l'organe de révision prévu par le code des obligations. Il est vrai que dans la pratique ces deux organes représentent souvent la même chose. Mais, au terme de l'article 39 de l'ordonnance sur les banques, celles-ci doivent mandater au début de chaque exercice un organe de révision bancaire, et la banque doit solliciter l'agrément de la Commission fédérale des banques avant de le désigner pour la première fois ou de le changer. L'assemblée générale n'est donc clairement pas l'organe adéquat pour une telle compétence. C'est la raison pour laquelle nous proposons une modification du début de l'article 16. 

La présidente. Cet amendement du Conseil d'Etat est-il clair pour tout le monde ? Je vous le lis :

«L'assemblée générale des actionnaires nomme chaque année une société spécialisée dans la révision bancaire comme organe de révision au sens du code des obligations. Le conseil d'administration désigne au début de chaque année avec l'agrément de la commission fédérale des banques la même société comme organe de révision bancaire selon la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne. Les rapports de l'organe de révision externe...»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 16 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 16A est adopté, de même que les articles 16B à 25.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné)

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8244)

modifiant la loi sur la Banque cantonale de Genève (D 2 05)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur la Banque cantonale de Genève, du 24 juin 1993, est modifiée comme suit :

Art. 5, al. 4 (nouveau)

Le comité de banque et la direction générale informent régulièrement le Conseil d'Etat de la marche des affaires de la banque. Le Conseil d'Etat peut demander toute information et tout rapport sur les affaires de celle-ci, y compris les rapports de l'organe de révision externe et de l'organe de l'Audit interne, à l'exclusion de tout élément qui relève du secret bancaire.

Art. 10, lettre f (nouveau)

Art. 11, al. 2, lettre a et f  (nouvelle teneur)

Art. 12, al. 1 (nouvelle teneur)

 al. 2 (nouveau, les al. 2 à 8 anciens devenant les al. 3 à 9)

1 Le conseil d'administration détermine la politique générale de la banque et la nature de ses activités en fonction des objectifs définis par la loi, tout en veillant à la réalisation de son but tel qu'il est défini à l'art. 2. Il surveille la direction générale et l'activité du comité de banque. Il adopte les règlements internes et directives relatives à l'activité de la banque, plus particulièrement en matière d'octroi de crédits, et surveille leur application. Il désigne des comités chargés d'examiner les diverses activités de la banque et de lui faire rapport à ce sujet.

2 Le Conseil d'administration se réunit une fois par mois au moins. Ses membres doivent pouvoir consulter les dossiers relatifs aux points portés à son ordre du jour dans un délai fixé par le règlement de ce conseil, mais au plus tard 24 heures avant l'ouverture de la séance.

Art. 12, al. 3, lettre b (nouvelle teneur)

Art. 12, al. 4 et 9 (nouvelles teneurs)

4 Le Conseil d'Etat désigne le président parmi les administrateurs.

9 Les administrateurs représentant l'actionnariat nominatif doivent être désignés jusqu'au 31 mars précédent l'assemblée générale, qui procède au renouvellement du mandat des administrateurs représentant l'actionnariat au porteur.

Art. 14, al. 2 (nouvelle teneur), al. 5 et 6 (nouveaux)

2 Le comité de banque est composé de 7 membres, dont au moins un représentant de la Ville de Genève et un représentant des actionnaires au porteur, soit le président, nommé par le Conseil d'Etat, le vice-président, le secrétaire et 4 administrateurs désignés par le conseil d'administration.

5 Le comité de banque se réunit tous les quinze jours au moins. Ses membres doivent pouvoir consulter les dossiers relatifs aux points portés à son ordre du jour dans un délai fixé par le règlement de ce conseil, mais au plus tard 24 heures avant l'ouverture de la séance.

6 Le comité de banque, respectivement le conseil d'administration, doivent donner leur approbation à l'octroi de tout crédit, participation ou acquisition dont le montant est supérieur aux limites fixées dans les statuts de la banque.

Art. 14A Comité de contrôle (nouveau)

1 Le comité de contrôle de la banque se compose de deux administrateurs désignés par le conseil d'administration et d'un troisième membre désigné par le Conseil d'Etat. Le membre du comité de contrôle désigné par le Conseil d'Etat ne peut pas faire partie de la fonction publique. Il est soumis au secret bancaire.

2 Le comité de contrôle se réunit tous les quinze jours au moins. Il supervise le respect des dispositions légales, statutaires et réglementaires applicables à la banque, ainsi que des usages bancaires. Il assure la liaison et la coordination entre le conseil d'administration et les organes de contrôle interne et externe. Il donne au conseil d'administration son préavis sur la nomination du chef de l'Audit interne et de ses collaborateurs, sur le cahier des charges et sur le programme de travail de celui-ci, en coordination avec celui de l'organe de révision externe.

3 Le comité de contrôle peut charger l'Audit interne de toute opération de contrôle ou procéder lui-même à des contrôles sur toute l'activité de la banque. Il prend connaissance des rapports de révision de l'Audit interne et de l'organe de révision externe. Il a accès en tout temps à tous les dossiers de celle-ci, dont ceux portés à l'ordre du jour du conseil d'administration et du comité de banque. Les convocations de ces deux organes, la liste des objets qui leur sont soumis, leurs procès-verbaux, ainsi que ceux de ces deux organes, de la direction générale et des organes de révision lui sont communiqués.

4 Le comité de contrôle donne son préavis sur toutes les décisions de la compétence du conseil d'administration et du comité de banque en matière de contrôle et de révision. Il peut également faire des propositions à ces deux organes.

Art. 16 Organe de révision externe (nouvelle teneur)

L'assemblée générale des actionnaires nomme chaque année une société spécialisée dans la révision bancaire comme organe de révision au sens du code des obligations. Le conseil d'administration désigne au début de chaque année avec l'agrément de la Commission fédérale des banques la même société comme organe de révision bancaire selon la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne. Les rapports de l'organe de révision externe sont communiqués au comité de banque et au conseil d'administration. Ils sont également transmis au Conseil d'Etat à l'exclusion de tout élément soumis au secret bancaire.

Art. 16A  Organe de contrôle interne (Audit interne) (nouveau)

1 L'Audit interne est chargé du contrôle financier et du contrôle de gestion de la banque. A ce titre, il est chargé d'effectuer des contrôles réguliers sur toute l'activité de la banque et à accès en tout temps à tous ses dossiers.

2 L'Audit interne est subordonné au conseil d'administration, qui adopte son cahier des charges sur préavis du comité de contrôle.

3 Le conseil d'administration nomme le chef de l'Audit interne et ses collaborateurs sur préavis du comité de contrôle.

4 L'Audit interne transmet ses rapports au comité de contrôle, au conseil d'administration et à la direction générale.

5 L'Audit interne informe le conseil d'administration de toute irrégularité et des mesures qu'il propose pour y remédier avec le préavis du comité de contrôle.

6 Le conseil d'administration, le comité de banque, le comité de contrôle, ainsi que la direction générale peuvent à tout moment charger l'Audit interne de toute opération de contrôle qu'ils estiment utile.

Art. 16B Incompatibilités (nouveau)

1 Les administrateurs, les membres de la direction générale et les membres de leur famille ayant un lien de parenté direct, tel que défini dans les statuts de la banque, ne peuvent pas, après leur entrée en fonction, bénéficier de nouveaux crédits de la banque si ce n'est pour des crédits lombards ou hypothécaires affectés à leur logement personnel, approuvés par le comité de banque.

2 Le comité de banque établit et tient à jour un registre des liens d'intérêts des membres du conseil d'administration, de la direction générale et du comité de contrôle de la banque. Les statuts de la banque déterminent la nature des liens d'intérêts qui doivent être portés dans ce registre.

3 Les statuts de la banque déterminent également les règles applicables à l'octroi de crédits aux membres des organes de la banque cités à l'alinéa 2 et aux personnes ainsi qu'aux organismes entretenant des liens d'intérêts avec ceux-ci.

Les conditions d'octroi des ces crédits ne peuvent en aucun cas différer des conditions usuelles appliquées par la banque. Leur octroi est soumis à la ratification du comité de contrôle.

4 Pour le surplus, la charte éthique peut prévoir d'autres conditions d'incompatibilités.

Art. 19 (nouvelle teneur)

La banque est tenue de donner à la fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève instituée par la loi du 19 mai 2000, tous les renseignements dont celle-ci a besoin pour remplir son but. La banque répond à toute demande de collaboration dont la Fondation a besoin à l'occasion du transfert, de la gestion et de la réalisation des actifs qui lui sont transférés.

Art. 20 (abrogé)

Art. 23 Adaptation des statuts de la banque (nouvelle teneur)

Vu les modifications apportées à la présente loi et l'augmentation du capital social de la banque, les statuts de celle-ci sont adaptés en fonction des dispositions légales faisant l'objet du présent projet de loi.

Art. 24 (abrogé)

Art. 25 (abrogé)

Article 2 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

 

La présidente. Je vais vous rendre la parole, Monsieur le président !

Présidence de M. Daniel Ducommun, président

Le président. Merci, Madame la vice-présidente, de votre active et compétente collaboration ! Nous poursuivons nos travaux avec le point 38 de l'ordre du jour.

R 425
5. a) Proposition de résolution de Mmes et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Christine Sayegh, Anne Briol, Nelly Guichard, Bernard Annen, Christian Grobet, Michel Halpérin et Jean-Marc Odier invitant un délégué de l'ONU et un délégué des Organisations non gouvernementales (ONG) à venir présenter, au Grand Conseil, les enjeux du «Sommet social» qui se tiendra à Genève, du 26 au 30 juin 2000. ( )R425
R 426
b) Proposition de résolution de Mmes et MM. Bernard Annen, Anne Briol, Erica Deuber Ziegler, John Dupraz, Nelly Guichard et Jean Spielmann concernant les déclarations de M. François Nordmann, ambassadeur de Suisse près les Organisations internationales. ( )R426

(R 425)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Trois arguments peuvent venir expliquer la volonté de l'ensemble des groupes politiques de notre Grand Conseil à déposer cette résolution :

C'est la seconde fois dans l'histoire que Genève accueillera une assemblée extraordinaire de l'ONU. Le Sommet social, appelé également « Copenhague + 5 », car intervenant 5 ans après le sommet de Copenhague, est donc un événement tout particulier pour Genève et aura un retentissement très important.

Les députés ont affirmé à plusieurs reprises leur souhait de rapprocher le monde international de notre Genève quotidienne. Mais une sortie annuelle entre « internationaux » et députés ne suffit pas. D'autres actions doivent être imaginées. Cette proposition en est une, attestant la volonté de notre Parlement de souligner un événement important de la Genève Internationale.

Le Sommet verra se côtoyer deux grandes rencontres. L'une ministérielle gouvernementale et l'autre de représentants d'ONG, appelée Forum des ONGs. Certes, plusieurs ateliers prévoient des participations communes. Mais par cette résolution, les députés veulent démontrer leur attachement à une écoute égale des deux communautés, l'une issue des gouvernements, l'autre de la société civile.

L'événement est majeur pour Genève. A cela notre Parlement peut répondre de manière nouvelle et exceptionnelle :

Inviter un représentant gouvernemental et un représentant du Forum des ONG à venir parler, devant notre assemblée et exposer leur approche, leurs préoccupations, leurs solutions face aux enjeux du développement social de ces prochaines années.

Concrètement cet événement pourrait avoir lieu le 23 juin, notre Parlement siégeant toute la journée.

Vous êtes invités, Mesdames et Messieurs les députés, à donner un signe clair de soutien à cette initiative originale en votant cette résolution à l'unanimité.

Débat

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Je veux juste faire une motion d'ordre Monsieur le président ! Peut-être vouliez-vous faire la même proposition ?

Nous avons déposé sur le bureau la proposition de résolution concernant les déclarations de M. François Nordmann, ambassadeur de la Suisse auprès des Nations Unies, que nous aimerions voir traiter en urgence avec le point 38. Je vous remercie. 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution qui porte le numéro d'ordre 426 est actuellement distribuée sur vos places. Mme Deuber nous propose de la traiter en même temps que la résolution 425. Celles et ceux qui acceptent cette proposition voudront bien se manifester.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

M. Bernard Annen (L). Nous sommes assez satisfaits d'avoir lancé cette initiative, en collaboration avec Mme Reusse-Decrey, à laquelle l'ensemble des chefs de groupe a adhéré. C'est au cours d'un débat auquel un certain nombre d'entre nous ont participé, traitant des relations de notre parlement avec les organisations internationales, que cette idée est née. Nous avons en effet estimé que nous devions donner un signe tangible de notre reconnaissance aux organisations internationales, à l'occasion de cette session extraordinaire de l'assemblée générale de l'ONU.

Pour le parti libéral, ce Sommet social n'est pas seulement important : il est symbolique de son attachement à ce que l'économie, aussi libérale soit-elle, soit au service de l'homme et non pas le contraire...

En parallèle à cette assemblée générale, nous pouvons saluer l'initiative de la Confédération d'organiser ce Forum des Organisations non gouvernementales appelées les ONG. Il nous est apparu, dans l'optique de notre rôle d'Etat neutre, indispensable que le Grand Conseil entende les deux points de vue avec la sérénité digne de cette enceinte démocratique.

Il paraît naturel au groupe libéral que deux représentants de ce sommet puisse venir nous exposer leurs espoirs et leurs craintes. Le groupe libéral ne partage pas les réserves de M. l'ambassadeur Nordmann, même si celles-ci ont très certainement été montées en épingle, car s'il est vrai qu'il existe des risques de débordements que personne ne néglige, il est indispensable de favoriser tout dialogue constructif. Notre initiative a pour seul et unique but de contribuer à favoriser le bon déroulement de ce sommet et de démontrer tant à l'ONU qu'aux ONG que notre parlement est reconnaissant et fier que Genève ait été choisie comme lieu pour débattre d'un sujet aussi fondamental.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). A événement exceptionnel, projet exceptionnel.

L'événement exceptionnel c'est le Sommet social «Copenhague + 5» à l'ONU, fin juin, comme M. Annen vient de le dire. Il est temps, cinq ans après ce grand sommet de Copenhague, de faire le point et le bilan de ce qui a été entrepris ces dernières années et de redéfinir les enjeux de la politique sociale mondiale. Enjeux absolument déterminants pour l'avenir de notre planète, puisque chacun sait que les risques de détérioration du climat mondial sont désormais dus à la pauvreté, au clivage Nord-Sud et au déplacement des populations à la recherche d'autres conditions de vie. Les inégalité sociales sont toujours tôt ou tard source de violence.

C'est un événement exceptionnel, parce que c'est la seconde fois seulement que Genève accueille une assemblée générale extraordinaire de l'ONU. On pourrait même dire que, pour la première fois, c'est un choix. En effet, l'assemblée précédente avait en quelque sorte été une solution d'urgence, de rechange, les Etats-Unis refusant l'entrée sur leur territoire à M. Arafat : une solution de repli avait été trouvée à Genève. Evénement donc d'importance pour notre canton, que nous devons marquer, nous parlementaires, par une initiative particulière.

L'autre élément important est de démontrer notre souci, dans toute négociation et discussion internationale, de donner désormais une écoute identique aux représentants de l'ONU et des gouvernements, d'une part, et aux représentants de la société civile, d'autre part. Leurs discours sont différents, leur approche et leurs analyses divergent, mais il est important que nous puissions leur signifier notre volonté d'écoute, et c'est aussi pour nous un apprentissage. C'est le témoignage de celles et de ceux qui ne passent pas leur vie dans des ambassades, mais oeuvrent sur le terrain et ceci est également une source de richesses immenses en termes de réflexion et d'expérience.

Et à ce sujet, j'aimerais dire ici qu'au vu de l'actualité de ce jour, nous pouvons être fiers d'avoir déposé cette résolution : elle tombe particulièrement bien après les propos de M. l'ambassadeur Nordmann ! Cette résolution démontre que ceux qui ont des responsabilités politiques à Genève sont capables de faire preuve d'ouverture et ne sont pas prêts à suivre l'ambassadeur Nordmann sur son terrain. Ses propos, à quelques jours du grand rassemblement des ONG ne sont guère acceptables et pour le moins maladroits.

Cela étant dit, j'aurais aussi aimé dire à la presse - mais, hélas, aucun journaliste n'est là - «Stop, ne commencez pas à jeter de l'huile sur le feu !». Le titre de l'article de la «Tribune de Genève» sur cette question et la manchette de ce journal sont des ingrédients parfaits pour faire monter la tension. La presse a le droit d'être indignée, nous le sommes aussi, mais rien ne sert de jouer avec le feu et d'envenimer les choses.

Enfin, j'aimerais rappeler que les ONG - ce que nous appelons les représentants de la société civile - deviennent une force incontournable et qu'il est impératif de leur offrir un lieu d'écoute et d'expression où leurs options sont prises en considération, plutôt que de les laisser à l'écart des négociations et des décisions et de devoir faire face, ensuite, à des réactions de rejet hélas parfois violentes.

En menant une telle initiative, notre parlement démontre non seulement son attachement à la présence internationale à Genève mais également son souci de donner une place au monde des ONG. C'est non seulement une preuve d'ouverture et d'intérêt, mais aussi, peut-être, une manière de détendre le climat et de diminuer les tensions. Nous pouvons jouer ce rôle, nous avons choisi de le jouer. J'espère que le vote sur cette résolution sera unanime, ce qui lui donnera tout son sens. Je vous remercie donc d'y faire bon accueil.

M. Pierre Vanek (AdG). Je n'entends pas jeter de l'huile sur le feu...

Je souscris évidemment à cette résolution, aux propos qui ont été tenus sur l'utilité possible du Sommet social de l'ONU ainsi que sur l'utilité du forum qui est organisé sous le label «Geneva 2000» en marge de celui-ci.

Toutefois, je tiens à dire que, personnellement - et je crois que nous sommes nombreux dans cette enceinte à être dans ce cas - je soutiens aussi et surtout les organisations qui, suite à cet appel dit «de Bangkok», se mobilisent dans un cadre autonome - non officiel - organisations qui sont particulièrement visées par les déclarations inappropriées - je ne m'étendrai pas sur ce sujet - de M. l'ambassadeur Nordmann... Ces organisations n'ont pas forcément les moyens ni la volonté de s'intégrer dans la grande machine que représente la partie officielle du Sommet social de l'ONU, connue sous le label de Forum «Geneva 2000». Je le répète, je soutiens cet appel de Bangkok.

J'ai vu avec plaisir que nous sommes saisis d'une résolution qui a été signée par des représentants de tous les groupes politiques de ce Grand Conseil - y compris par M. Annen. Celle-ci tape un tant soit peu sur les doigts de l'ambassadeur Nordmann, relevant qu'il est normal de soutenir le droit des mouvements sociaux de s'exprimer à Genève, y compris des mouvements sociaux qui sont critiques, voire opposés à l'OMC. C'est un point de vue légitime, et je le partage ! Ce débat doit pouvoir avoir lieu à Genève, avec le soutien des pouvoirs publics qui sont fortement attachés au débat démocratique et qui ont des responsabilités particulières, du fait même que nous accueillons dans notre ville une organisation comme l'OMC, avec ce qu'elle représente en termes de ligne politique, en termes de défense d'une conception libérale à tous crins des affaires économiques internationales.

La résolution 425 demande au bureau du Grand Conseil, je cite : «d'inviter un représentant de la délégation de l'ONU et un représentant de la délégation des ONG...». Je crains que le libellé soit un peu problématique, parce qu'il n'y a pas précisément une seule délégation des ONG... Ce qui caractérise ce sommet et ce qui se passera autour c'est précisément la grande diversité de celles-ci qui ne sont pas forcément au même diapason. Quoi qu'il en soit, ce qui est demandé est très bien. Toutefois j'aimerais également, puisqu'il s'agit d'inviter ces représentants à venir présenter leur position devant ce Grand Conseil en marge de notre ordre du jour, que nous invitions - c'est un amendement formel que je fais au projet de résolution 425 dont nous sommes saisis - un représentant ou une représentante du Comité suisse de l'appel de Bangkok. Cela montrerait que le Grand Conseil et les autorités reçoivent tout le monde et écoutent sans exclusive ce qui va se dire à Genève. Cela permettra de démontrer concrètement, et non par des discours irrités, que nous suivons une voie toute différente de celle que nous conseille, ou nous intime, M. l'ambassadeur Nordmann !

Mon amendement à cette résolution se lit donc comme suit :

«d'inviter un représentant de la délégation de l'ONU et un représentant de la délégation des ONG ainsi qu'une ou un représentant du Comité suisse de l'Appel de Bangkok...» 

Le président. Merci de bien vouloir nous le confirmer à l'aide du document adéquat, Monsieur Vanek !

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). En ce qui nous concerne, nous soutiendrons, évidemment, la résolution 425. Je vous demande de bien vouloir la soutenir aussi, comme la résolution 426. Ce serait magnifique qu'elle soit votée à l'unanimité !

Ce serait un signe qui fait référence à quelque chose d'intrinsèque à Genève, pas seulement depuis l'installation de l'ONU, etc., mais depuis plusieurs siècles déjà. Genève a en effet une capacité à se construire comme république bourgeoise - elle l'a eue depuis longtemps - et, dans le même temps, à accepter l'apport du débat contradictoire, quelle que soit la nature du conflit dans lequel ce débat contradictoire s'inscrit. Cette capacité dialectique est inscrite dans la tradition humaniste de Genève. C'est ce qui fait notre fierté. Et plus on l'analyse, plus elle fait notre fierté !

Je suis sûre que, même si les propos de M. l'ambassadeur ont été en partie altérés par la presse, il était quand même dans son esprit qu'il n'est pas admissible qu'une ville et un canton qui se respectent dans la Confédération puissent pratiquer une telle dialectique. Tout simplement, parce que M. François Nordmann n'a pas vécu suffisamment longtemps à Genève, qu'il ne connaît pas cet esprit de Genève, cette fronde profonde de Genève à laquelle nous sommes attachés !

C'est la raison pour laquelle je remercie tous les chefs de groupe d'avoir bien voulu soutenir cette résolution, et je serais très heureuse que nous puissions voter les deux résolutions qui nous sont soumises à l'unanimité.

M. Bernard Annen (L). Je suis un peu surpris de la proposition de notre collègue Vanek... Je ne suis pas opposé à sa proposition d'entendre la personne en question, mais alors que ce soit elle qui représente l'ensemble des organisations non gouvernementales !

Nous avons décidé - et c'est toute la discussion que nous avons eue avec Mme Reusse-Decrey - qu'il y ait un équilibre entre la représentation des uns et celle des autres. Je rappelle à cette assemblée qu'il n'est pas question de faire un débat politique mais de donner une impulsion, pour que les représentants de chaque camp - si tant est qu'on puisse parler de camp - puissent s'exprimer devant notre parlement. Le but de notre intervention est de donner un signe de soutien au Sommet social.

Monsieur Vanek, si une autre personne vient s'exprimer, cela risque de politiser notre intervention à outrance, et j'ai peur que cela fasse l'effet inverse... Je n'ai rien contre votre représentant, Monsieur Vanek, et si cette personne convient aux ONG, j'applaudirai ! Mais je préférerai quant à moi, qu'il n'y ait pas de déséquilibre : ce serait dommage et, surtout, dommageable ! 

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je reviens juste sur l'amendement de M. Vanek...

Nous avons délibérément mis dans l'invite qu'il s'agissait d'une délégation des ONG, précisément pour ne pas faire de différence entre les deux rencontres : l'une est le Forum organisé par la Confédération qui a invité un certain nombre d'ONG - mais certaines n'ont pas pu s'y rendre en raison des frais d'inscription extrêmement élevés - et l'autre est l'Appel de Bangkok. Nous n'avons pas voulu préciser, car nous avons estimé que ce n'était pas à nous de choisir ! Nous sommes en train de discuter avec les ONG : ce sont elles qui doivent décider qui elles délégueront du Forum ou de l'Appel de Bangkok, et pas nous ! C'est donc délibérément que l'invite parle de délégation des ONG et non pas du Forum 2000 ! Par conséquent, votre amendement est inutile, Monsieur Vanek, et je ne souhaite pas qu'il soit voté !  

M. Pierre Vanek (AdG). J'entends bien ce qui a été dit par M. Annen à l'instant et par Mme Reusse-Decrey...

M. Annen a dit qu'il ne fallait pas «politiser»... Je me suis volontairement abstenu de faire des grands discours politiques : chacun connaît les opinions respectives des uns et des autres dans cette salle... J'aurais pu dire toutes sortes de choses... Vous aussi... Nous nous les sommes déjà dites, et nous nous les redirons certainement...

Je voulais simplement rendre cette assemblée attentive au fait qu'il y a effectivement trois étages, en quelque sorte, autour du Sommet social : l'ONU qui a son assemblée officielle où les Etats sont représentés, en marge de celui-ci, organisé avec l'appui de la Confédération et le nôtre aussi, le Forum, qui a tout de même des caractéristiques semi-officielles, qui compte des gens de terrain dont on peut partager ou non les points de vue, mais qui viendront encore, à un troisième niveau, débattre dans notre ville et manifester leurs opinions sur les affaires du monde.

En examinant le texte, je constate que sont invités à venir nous parler un représentant de l'ONU et un représentant de la délégation des ONG - la, c'est au singulier... On me dit qu'il ne faut pas politiser et exclure personne, mais tout de même ne nous voilons pas la face ! Il y a un réel problème, et le dérapage de l'ambassadeur Nordmann met le doigt sur ce problème ! Il ne se permettrait évidemment pas de condamner l'échelon officiel de «Geneva 2000», mais il tape sur ce qui est lié à l'Appel de Bangkok...

Mon amendement n'avait pas d'autre but que de demander qu'un représentant de l'Appel de Bangkok puisse aussi être entendu, dans la mesure où celui-ci fait partie du débat ! Si d'aucuns refusent de le voter, estimant qu'il introduit un déséquilibre, eh bien tant pis, je n'en ferai pas une maladie ! J'estime simplement qu'au contraire cet amendement introduirait un équilibre entre les différentes parties liées à cet événement qui va avoir lieu incessamment à Genève. C'est en tout cas dans cet esprit que je l'ai proposé, pour ne pas évincer qui que ce soit... Je pensais que des représentants de chaque partie devaient pouvoir prendre la parole symboliquement - je dis symboliquement parce qu'un représentant par secteur c'est peu de chose - et il me semble que nous devons accepter que des voix différentes puissent vouloir se faire entendre au sein des ONG. Je ne trouve donc pas abusif de rajouter de façon explicite qu'une troisième personne puisse s'exprimer. Viendront-ils ne viendront-ils pas : à eux d'en décider... Moi, je vous propose cet amendement... Si vous considérez qu'il est inopportun, ne le votez pas ! 

R 425

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous venez de l'entendre, un amendement a été proposé par M. Vanek. Il consiste à ajouter un troisième représentant, je cite :

«d'inviter un représentant de la délégation de l'ONU et un représentant de la délégation des ONG ainsi qu'une ou un représentant du Comité suisse de l'Appel de Bangkok...» 

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée au Bureau du Grand Conseil.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(425)invitant un délégué de l'ONU et un délégué des Organisations non gouvernementales (ONG), à venir présenter, au Grand Conseil, les enjeux du « Sommet social » qui se tiendra à Genève, du 26 au 30 juin 2000

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

R 426

Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée au Bureau du Grand Conseil.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(426)concernant les déclarations du M. François Nordmann, ambassadeur de Suisse près les Organisations internationales

Le Grand Conseil s'inquiète des déclarations de M. François Nordmann, ambassadeur de Suisse près les Organisations internationales, largement rapportées par la Tribune de Genève ce vendredi 9 juin 2000.

M. Nordmann relève la contradiction qu'il y aurait, selon lui, de la part des pouvoirs publics, d'appeler de leurs voeux la présence d'organisations internationales telles que l'OMC à Genève, et, en même temps, de soutenir des mouvements sociaux qui les contestent.

Le Grand Conseil identifie les ONG et les mouvements sociaux qu'ils représentent comme des acteurs indispensables à l'exercice d'une véritable démocratie, à l'échelle locale et nationale comme à l'échelle mondiale.

Il estime que l'ensemble des peuples représentés aux Nations Unies ont tout à gagner de l'apport des ONG aux débats onusiens. Il se félicite, à cet égard, non seulement de la tenue du Sommet social de l'ONU à Genève, mais encore de la mise sur pied du Forum social "; Geneva 2000 ", ainsi que de l'invitation à débattre lancée à cette occasion par l'Appel de Bangkok.

Le Grand Conseil décide de mandater son Bureau pour rencontrer M. François Nordmann, ambassadeur de Suisse près les Organisations internationales afin de lui faire part de son désaveu et lui demander de participer activement à l'intégration des ONG à la Genève internationale.

Le président. En ce qui concerne la résolution 425, le Bureau organisera, comme convenu, la participation de ces représentants lors de notre prochaine session. Par ailleurs, le Bureau du Grand Conseil prend acte de la résolution 426 et de son contenu. Il se propose, comme convenu également, d'inviter M. l'ambassadeur Nordmann à l'une de nos prochaines séances, afin d'échanger en sa compagnie nos opinions respectives et éviter tout malentendu à l'avenir.

Pour le surplus, Mesdames et Messieurs les députés, nous tenons à maintenir notre soirée avec la communauté internationale du 1er septembre prochain, synonyme de convivialité, de partage et de reconnaissance.

Nous passons au point 40 de notre ordre du jour avec le projet de loi 8193-A.

PL 8193-A
6. Rapport de la commission des jeux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05) (contreprojet du Conseil d'Etat à l'initiative populaire 110 «Pour la suppression partielle du droit des pauvres»). ( -) PL8193
Mémorial 2000 : Projet, 1619. Renvoi en commission, 1628.
Rapport de majorité de M. Pierre Ducrest (L), commission ad hoc des jeux
Rapport de minorité de M. Bernard Lescaze (R), commission ad hoc des jeux

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur : M. Pierre Ducrest

Sous la présidence de M. Pierre-Pascal Visseur, la Commission des jeux chargée d'examiner le contre-projet du Conseil d'Etat à l'initiative 110 s'est réunie à 4 reprises, soit le 20 mars 2000, les 4 et 10 avril 2000 et enfin le 15 mai 2000.

MM. Gérard Ramseyer, président du Département de justice, police et des transports DJPT, Nicolas Bolle, secrétaire adjoint du DJPT et Peter Gautschy, directeur du Service des autorisations et patentes ont assisté partiellement aux travaux de la commission.

Il faut relever que ce contre-projet n'a été présenté que tardivement par le Conseil d'Etat à la session du mois de mars ce qui a entraîné la commission à travailler dans l'urgence, la date limite pour la décision du Grand Conseil étant fixée au 16 août 2000. Ce retard de présentation est dû essentiellement à l'attente de la publication de l'ordonnance du Conseil fédéral sur la nouvelle législation fédérale en matière de jeux, les députés désirant que le texte du contre-projet ne soit pas présenté auparavant.

Préambule

Il convient de rappeler ici que le contre-projet du Conseil d'Etat sous la forme du projet de loi PL 8193 fait suite à l'initiative 110 visant à la suppression partielle du droit des pauvres.

Celle-ci, ayant suivi le cursus habituel, a été refusée par le Grand Conseil le 24 juin 1999 qui lui a opposé le principe d'un contre-projet. Pour mémoire la Commission des jeux était chargée d'élaborer le contre-projet mais a finalement demandé au Conseil d'Etat de le faire, ses services étant mieux à même d'en établir la structure. Le contre-projet avait tout d'abord été présenté par le Conseil d'Etat à la Commission des jeux sous forme d'une ébauche et, à l'occasion de la séance du 19 avril 1999, les commissaires avaient pu, par des votes successifs, orienter la forme finale que devait avoir le projet de loi.

Auditions

M. .

M. Ramseyer expose aux commissaires qu'il est conscient des éléments positifs et négatifs de la teneur de l'initiative 110 ce qui amène le Conseil d'Etat à proposer un contre-projet. Il rappelle que le canton de Genève n'est pas favorisé dans le domaine du sport et des spectacles, éléments importants de la vie économique locale. Pourtant la perte d'un revenu pour l'Etat, non négligeable, que représente le droit des pauvres est à mettre en exergue pour l'établissement de ressources compensatoires. Il conteste le fait de départs d'organisateurs de manifestations uniquement à cause du droit des pauvres. L'établissement d'un casino, qui pourrait rapporter à l'Etat des profits substantiels, est confronté aux velléités d'autres cantons romands. Il indique que le dossier « casino A ou B » est suivi avec acharnement et ne veut pas rentrer dans une polémique avec M. Heidiger au sujet de la meilleure solution à prôner pour Genève. Selon M. Ramseyer le peuple genevois n'est pas prêt à ce que l'on supprime le droit des pauvres et que, par conséquent, l'adoucissement proposé dans le contre-projet devrait suffire à rétablir la situation. Ce contre-projet est raisonnable et sérieux, il ménage tout le monde et est plus crédible que la suppression partielle voulue par les initiants. S'il y a un effort à faire dans le canton de Genève, c'est du côté des infrastructures à fournir aux organisateurs de spectacles et non pas par l'enlèvement d'une taxe.

Mme Nicole Couderey, Arthur's, Association des cabarets dancings, M. Pierre Kunz, président du Comité d'initiative, M. Miguel Stucky, directeur de Métrociné et M. Willy Wachtl, président du Groupement des cinémas genevois.

Selon les auditionnés, le contre-projet est réjouissant et affligeant. La classe politique admet qu'il y a un vrai problème représenté par le droit des pauvres qui est une entrave au développement économique et culturel du canton mais d'un autre côté les propositions du contre-projet sont ridicules et insignifiantes. Passer de 13 % à 10 % ne représente qu'un effort non perceptible par les consommateurs qui ont pris l'habitude d'aller ailleurs. La concurrence tant étrangère que du canton voisin est telle qu'une grande partie de revenus potentiels échappe aux milieux genevois et ceci à cause du droit des pauvres, spécificité désuète et bien genevoise. Cette taxe est contraire à l'équilibre concurrentiel et pénalise le marché local des spectacles sous toutes les formes. L'engagement pris par les milieux que défendent les initiants de baisser les tarifs si la taxe était supprimée est réel car la nécessité d'attirer une clientèle disparue est vitale. Les auditionnés citent le cas de Zurich où le peuple à abolit la taxe régionale par 91,4 % des votants alors que l'ensemble des partis politiques était contre. Ils maintiennent donc leur initiative et refuse le contre-projet.

Lettre de l'Association des communes genevoises

L'association ne pense pas que le fait de baisser les taux applicables au droit des pauvres reviendrait à faire réduire le prix des billets des manifestations et diminuer les montants des subventions accordées par les municipalités. Elle affirme que le droit des pauvres jouant un rôle marginal, la réduction de taxe serait utilisée afin d'améliorer les budgets des manifestations dont on sait qu'ils sont par nature toujours trop serrés.

Il y aurait lieu préalablement d'y avoir une étroite concertation entre les promoteurs d'un casino A, à savoir MM. Ramseyer et Heidiger pour définir en compensation l'augmentation du taux appliqué sur les jeux d'argent.

Lettre de la Ville de Genève

Cette lettre reçue pendant les travaux de la commission au sujet du contre-projet ne rappelle en fait que la position de la Ville de Genève relative à l'initiative 110.

Selon la Ville, la suppression partielle du droit des pauvres n'aurait pas de conséquences notables sur le prix des billets d'entrée aux manifestations culturelles concernées.

En revanche, et cela est une remarque intéressante, cette suppression pourrait éviter certaines augmentations des subventions versées aux institutions culturelles.

Tant M. Vaissade pour le domaine culturel que M. Heidiger pour le domaine sportif rappellent que les associations qui reçoivent des subventions de leurs départements sont favorables à la suppression du droit des pauvres qui grève lourdement leur budget.

Travaux de la commission

La commission n'a pas voulu refaire le débat sur le bien-fondé du droit des pauvres mais a concentré ses efforts sur le contre-projet tout en auditionnant les personnes concernées et par l'initiative et par le projet de loi 8193. Le rapporteur de majorité renvoie pour le détail à la lecture du Mémorial 33 du 24 juin 1999, page 4998, qui contient, outre l'excellent rapport très fouillé de M. Lescaze, la totalité des débats qui ont conduit au refus de l'initiative par la majorité du Grand Conseil.

Concernant le contre-projet la majorité de la commission doute, vu le côté cosmétique de son contenu qu'il passe positivement devant le peuple alors que l'initiative est claire et indique nettement les enjeux.

En effet l'abaissement de 13 % à 10 % de la taxe n'est pas un élément tangible mais fait plutôt penser à un marchandage de dernière minute pour essayer de sauver ce qui peut l'être.

D'autre part le maintien d'une taxe sur les manifestations de bienfaisance dont les charges dépasseraient les 50 % des produits montrent à l'envi ce côté lésineur du droit des pauvres et de ceux qui sont chargés de l'encaisser.

Enfin, une taxe est un impôt et le climat n'est plus à défendre cette forme de ponction si tant qu'elle accomplit un rôle social qui peut très bien trouver sa solution de manière différente et surtout plus moderne. (Rendement 1999 21 Mo brut / 19,63 Mo net).

Discussion des articles

Un commissaire propose un amendement à l'article 443 LCP bien qu'il ne fasse pas partie du projet de loi. Il s'agit de modifier la répartition des revenus du droit des pauvres qui est actuellement de 70 % à l'Hospice général et 30 % à l'Etat. L'amendement viserait à donner les 100 % du rendement à l'Hospice général.

De même il propose de mieux définir le but du droit des pauvres à l'alinéa 1 de l'article 443 LCP.

Au vote la modification de l'alinéa 1, art. 443 est rejetée par 6 non, 1 oui et 3 abstentions.

L'amendement concernant l'alinéa 2, art. 443 (modification de la répartition) est rejeté par 7 non, 1 oui, 2 abstentions.

Article 445

Suite à un courrier entre le DJPT et l'Office fédéral de la police, celui-ci propose une modification de texte de l'alinéa pour coller avec la nouvelle loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ), les ordonnances sur les maisons de jeu (OLMJ) et sur les jeux de hasard (OJH). Ce texte accepté par le DJPT et la commission devient :

Art. 445, al. 2

La taxe sur le produit brut des jeux des casinos au bénéfice d'une concession B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu selon les articles 40 et ss de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les articles 74 et ss de l'ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ). Le taux applicable correspond au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi ; soit 40 % de l'impôt fédéral perçu.

Art.445, al. 3

Celui-ci a déclenché une série de questions de plusieurs commissaires qui désiraient savoir ce qui était considéré comme activité professionnelle et à partir de quand dans ce domaine la taxe n'était pas réduite.

A la réponse à ces questions par une note pour le moins troublante voire confuse du Service des autorisations et patentes la commission a préféré voter un amendement supprimant dans le texte :

…, soit encore d'autres personnes.

(5e ligne de l'alinéa 3)

Cet amendement est accepté par 8 oui et 2 abstentions.

Art.445, al. 4

Amendement pour le rejet pur et simple d'une taxe sur les manifestations à but caritatif si le produit net n'atteint pas 50 %.

Refus de la commission par 5 non, 4 oui et 1 abstention.

Amendement pour modifier le taux de 5 % par la fixation d'un taux selon le Conseil d'Etat.

Soit le texte :

Toutefois, si le produit net n'atteint pas le 50 % de la recette brute, l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.

Cet amendement est accepté par 7 oui, 1 non et 2 abstentions.

L'article 445, tel qu'amendé, est accepté par 5 oui, 1 non et 4 abstentions.

Art.446

L'abrogation de cet article qui traite des entrées de faveur (taxe de 25 centimes) est acceptée par 6 oui contre 4 non.

Art. 447

Cette article qui concerne les forfaits. Certains commissaires se sont étonnés de la fourchette allant 1 à 5 % qu'il considéraient trop large. En fait la pratique habituelle se situe aux alentours de 2 % et soit à peu près entre les deux extrêmes. L'article 447 est accepté sans amendement par 5 oui, 2 non et 3 abstentions.

Vote final de la commission

Le projet de loi PL 8193 (contre-projet à l'initiative populaire 110 pour la suppression partielle du droit des pauvres) est refusé par 5 non (2 DC, 2 L, 1 R) contre 5 oui ( 1 AdG, 1 R, 3 S) .

Projet de loi(8193)

modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05)(contre-projet du Conseil d'Etat à l'initiative populaire 110 "; Pour la suppression partielle du droit des pauvres ")

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :

Art. 445 Taux (nouvelle teneur)

1 Sous réserve des alinéas 2 à 4, le taux ordinaire de la taxe s'élève à 10 % de la recette brute versée par l'ensemble des clients, spectateurs, auditeurs ou autres participants. La taxe sur les loteries nationales et intercantonales, qui est perçue en sus des enjeux auprès des joueurs, s'élève également à 10 %.

2 La taxe sur le produit brut des appareils à sous servant aux jeux de hasard et des jeux de table des casinos B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu, conformément à l'article 43 de la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu, du 18 décembre 1998. Elle est fixée au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi (soit à 40 % de l'impôt fédéral).

3 La taxe est réduite à 5 % pour les spectacles ou manifestations organisés par les sociétés locales sans but lucratif, pour autant que ces spectacles ou manifestations ne comportent pas, à un titre quelconque, l'exercice d'une activité professionnelle ou commerciale, même accessoire, soit au profit de la société elle-même, soit de ses membres, soit encore d'autres personnes. Pour bénéficier de la réduction, les sociétés doivent avoir leur siège à Genève, être constituées depuis deux ans au moins et produire des statuts qui établissent clairement qu'elles n'ont pas un but lucratif.

4 Les spectacles, manifestations ou fêtes dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance sont exonérés totalement de la taxe. Toutefois, si le produit net n'atteint pas le 50 % de la recette brute, l'exonération totale n'est pas accordée et c'est le taux réduit à 5 % qui s'applique.

Art. 446 (abrogé)

Art. 447 Forfait (nouvelle teneur)

Pour les installations foraines, ou lorsqu'il n'est pas délivré de billets d'entrée permettant un contrôle exact des recettes, la taxe peut être convertie par le Département de justice et police et des transports en une somme fixe payée par jour, par semaine ou par mois. Ce forfait est calculé sur la base de 1 à 5 % de la recette brute (TVA déduite). Les personnes physiques ou morales soumises à la taxe forfaitaire sont tenues de produire les renseignements et comptes demandés par le département.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur : M. Bernard Lescaze

Introduction

Le Grand Conseil ayant décidé, dans sa session de juin 1999, de rejeter l'initiative 110 « pour la suppression partielle du droit des pauvres » et de lui opposer un contre-projet suivant pour l'essentiel les sept propositions contenue dans la note du 26 mars 1999 du Département de justice et police et des transports, la Commission des jeux a suspendu ses travaux jusqu'au dépôt, le 1er mars 2000 du projet de loi 8193 qui sert de contre-projet à l'initiative susdite. La Commission des jeux a tenu quatre séances, les 20 mars, 3 et 10 avril et 15 mai sous les présidences respectives de Mme Elisabeth Reusse-Decrey et de M. Pierre-Pascal Visseur, députés. Le DJPT n'a été représenté aux travaux de la commission que le jour de l'audition de son chef, M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, le 4 avril 2000, par M. Nicolas Bolle, secrétaire-adjoint et M. Peter Gautschi, chef du Service des autorisations et patentes. Il convient en outre de noter qu'en suite de diverses absences, le rapporteur de majorité, désigné le 20 mars 2000, s'est retrouvé, le 15 mai 2000, rapporteur de minorité, le contre-projet amendé ayant été finalement refusé par 5 voix contre 5. Le rapporteur de minorité n'entend donc pas retracer minutieusement les débats, mais seulement en donner les principaux reflets.

Séance du 20 mars 2000

Il est rappelé que le projet de loi 8193, qui sert de contre-projet à l'initiative 110, ne contient pas d'élément nouveau par rapport aux décisions de principe prises par la Commission des jeux le 19 avril 1999 (voir rapport IN 110-C). On a attendu que la nouvelle législation fédérale sur les casinos soit précisée par une ordonnance du Conseil fédéral, ce qui est désormais chose faite.

Par ailleurs, la rédaction du projet de loi 8193 paraît peu lisible. Les opposants au droit des pauvres persistent à penser que la suppression de la taxe amènerait des activités nouvelles dont les retombées économiques et fiscales seraient supérieures au produit de ladite taxe.

La Commission des jeux vote l'entrée en matière par 9 oui ( 2 AdG, 2 DC, 1 R, 1 L, 2 S, 1 Ve) contre 2 abstentions (1 L, 1 R).

Séance du 3 avril 2000.

Le chef du DJPT, M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, commente le contre-projet. Il rappelle que, dans le domaine du sport et des spectacles, Genève n'est pas favorisée, selon lui, mais que la suppression de cette taxe entraînerait la perte de ressources importantes pour l'activité sociale de l'Etat. Au passage, le magistrat note que certaines organisations n'ont pas quitté Genève pour une question de taxe, mais bien pour une question d'infrastructures.

C'est le cas de M. D. Perroud qui paie davantage de taxe à Bâle-Ville, mais a vu son profit augmenter parce qu'il pouvait disposer dans la cité rhénane d'une infrastructure déjà mise en place. D'ailleurs, cet organisateur envisage de revenir à Genève.

Le conseiller d'Etat n'entend pas revenir sur le problème de la concession du futur casino de Genève. La Ville souhaite obtenir une concession A (grands jeux) ce qui paraît irréaliste à M. Gérard Ramseyer, qui rappelle qu'une étude de la Romande des Jeux conclut qu'un casino de type B est beaucoup plus lucratif qu'un casino de type A.

Il s'inquiète de voir la Confédération tenter d'une part d'empocher la mise des casinos alors que, d'autre part, elle s'efforce de s'approprier le bénéfice des loteries. Il réaffirme son soutien au contre-projet qui adoucit la situation de certains organisateurs, auxquels la véritable réponse à apporter consisterait à leur fournir des infrastructures plutôt que de supprimer le droit des pauvres.

Le contre-projet, à son avis, est raisonnable et sérieux. Il ménage les intérêts de chacun . Il est crédible alors que la suppression de la taxe ne l'est pas.

Pour ce qui concerne la répartition du produit de la taxe, 70 % à l'Hospice général et 30 % à l'Etat (pour ses activités sociales), le contre-projet reprend la répartition actuelle. Les commissaires obtiennent des précisions sur l'art.445 Taux dont la nouvelle teneur permet un taux réduit à 5 %, au lieu de la gratuité (cas normal) quand le produit net de la recette brute n'atteint pas le 50 % de la recette brute. On veut éviter ainsi qu'un organisateur ne mette tous ses frais annexes dans son budget et qu'il ne subsiste plus que le 10 % de sa recette brute qui revienne à une oeuvre charitable. D'ailleurs, les services officiels appliquent déjà avec souplesse la règle actuelle (dans une fourchette de 5 à 10 %) et ils pratiqueront de même entre 0 et 5 % si le contre-projet est adopté.

De même, pour l'article 447, le contre-projet diminue la fourchette de la taxe qui oscillerait entre 1 à 5 % contre 10 à 13 % actuellement. La diminution est sensible. Le droit des pauvres est, comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi 8193, supporté par le spectateur et non par l'organisateur.

Les opposants estiment qu'il est supporté par l'exploitant. Les cinémas pourraient baisser le prix des places tandis que les spectacles subventionnés verront une baisse de leurs charges pouvant entraîner une baisse des subventions. Force est de constater que les opposants n'envisagent pas une baisse du prix des places des spectacles subventionnés. Il est précisé que les sociétés sans but lucratif sont des sociétés qui ne poursuivent pas le but de réaliser un profit, mais que cela ne veut pas dire que tout le monde soit bénévole, d'où le taux réduit, voire gratuit dans certains cas.

Séance du 10 avril 2000

L'audition du président du Comité d'initiative, M. Pierre Kunz, accompagné du président du Groupement des cinémas genevois, du directeur de Métrociné et de la représentante de l'Association genevoise des cabarets dancings permet à ces derniers de confirmer qu'ils n'entendent pas retirer leur initiative au profit du contre-projet. Ils estiment que le droit des pauvres constitue « une entrave au développement économique et culturel du canton ». La baisse faible, selon eux, du taux, de 13 à 10 % n'apporte pas d'amélioration à la situation des exploitants ni à celle des consommateurs de spectacles. En réalité, les opposant font mine d'oublier que le contre-projet apporte une réponse claire à la situation des sociétés sans but lucratif qui organisent des soirées à but charitable. Ce sont ces organisateurs qui se trouvaient pénalisés et ne le seront plus avec le contre-projet. Cette situation intolérable n'existera plus. Mieux, les commerçants en spectacle se trouveront, eux aussi, avantagés.

M. Willy Wachtl confirme que les prix des billets de cinémas baisseront de 16 F à 14 F et les cartes de fidélité de 9 F à 8 F. Il ne voit pas la possibilité de prendre n'importe quel prétexte pour remonter les prix dans les mois qui suivent, à moins d'une inflation importante. Il convient cependant de nuancer ces propos si l'on se souvient que malgré une inflation presque nulle ces cinq dernières années, les prix des places ont nettement augmenté durant la même période. Certains exploitants prétendent même ne pouvoir continuer que grâce aux bénéfices de la vente de pop corn et de boissons gazeuses !

Quant à la représentation de l'Association des cabarets dancings, elle estime que la suppression partielle du droit des pauvres conduira à la baisse des prix et à la hausse des fréquentations en s'appuyant sur le fait que la manifestation qui a battu tous les records de fréquentation en 1999 est la soirée du Nouvel-An organisée par Signé 2000 sur la plaine de Plainpalais. Face à cet argument, il convient de se rappeler que ladite soirée était fortement sponsorisée et subventionnée et qu'en l'occurrence, comparaison n'est pas raison !

Plusieurs commissaires constatent que les prix des cinémas ne sont pas plus bas à Nyon qui ne connaît pas le droit des pauvres qu'à Genève.

Comme les exploitants cinématographiques ont pratiqué une politique des prix intelligente avec diversification des cartes, un commissaire s'inquiète de savoir s'ils possèdent encore de la marge. Le directeur de Métrociné, M. M. Stucky répond affirmativement, ajoutant que c'est le client qui paie la taxe et non l'exploitant. Il contredit ainsi directement les propos tenus par un député partisan de l'initiative qui estimait que c'était l'exploitant qui supportait la taxe. Cette fragilité du raisonnement économique ne peut qu'entraîner des doutes sur la validité de celui qui veut qu'à la suppression de la taxe corresponde une augmentation de l'activité économique entraînant un gain fiscal supérieur par le biais des autres impôts.

Les initiants précisent ne pas vouloir démanteler l'action sociale genevoise, mais simplement abolir une taxe. Pour eux, l'amélioration de la situation économique permet de trouver cet argent ailleurs. Comme le précisait un député favorable à leurs idées, si la situation économique se détériore à nouveau, il suffira d'augmenter les impôts (sic) ! Dans la discussion, on s'aperçoit que le fonctionnement, jugé tatillon et bureaucratique du Service de la perception du droit des pauvres entre pour une bonne part dans le voeu des initiants de le supprimer ou du moins d'en réduire fortement l'activité. En revanche l'affectation du produit de la taxe aux activités sociales ne soulève pas (heureusement) les même réserves, quand bien même certains auraient souhaité que le produit du droit des pauvres soit entièrement affecté à l'Hospice général.

Au nom du Comité d'initiative, M. Pierre Kunz « signale que les théâtres uniquement ont versé, en 1998, une somme de 2 125 000 F au droit des pauvres. Il voit que cela ferait déjà tout cela de récupéré et qu'on réduirait les subventions d'autant ».

Séance du 15 mai 2000

La Commission ayant sollicité divers avis écrits, elle constate que le Comité d'initiative pour la suppression partielle du droit des pauvres confirme par écrit sa position exprimée le 10 avril 2000. L'Association des communes genevoises déclare formellement que « les représentants des communes sont d'avis que ces mesures ne donneront lieu ni à une réduction du prix du billet des manifestations, ni à une diminution des montants des subventions accordées par les municipalités. En effet, le droit des pauvres ne jouant qu'un rôle marginal dans la formation des prix des billets, l'on peut aisément imaginer que sa réduction sera utilisée avant tout à améliorer les budgets des manifestations dont on sait qu'ils sont par nature trop serrés. » (Lettre du 12 mai 2000.)

Pour la Ville de Genève, par lettre du 15 mai 2000, le conseiller administratif André Hediger soulignait que « la suppression éventuelle du droit des pauvres n'aurait vraisemblablement pas de conséquences notables sur le prix des billets d'entrée aux manifestations culturelles. » En revanche « on peut imaginer que la Ville pourrait éviter certaines augmentations des subventions versées aux institutions culturelles concernées ». Il ajoutait que « les associations, groupements et clubs sportifs, souvent subventionnés par la Ville de Genève, qui organisent des compétitions et diverses manifestations apprécieraient particulièrement la suppression du droit des pauvres qui grève lourdement leur budget ».

Amendements proposés

Un député propose de reformuler l'art. 443 But (nouvelle teneur) afin de mieux formuler le but de la loi et de modifier la clé de répartition en vigueur. Cet amendement a la teneur suivante :

« Art. 443 But (nouvelle teneur)

1 Afin d'accorder une assistance aux personnes démunies, il est institué une taxe dite droit des pauvres, qui est prélevée auprès des organisateurs de spectacles, manifestations, fêtes, loteries, jeux de hasard et jeux de table des casinos, et calculée sur la base des recettes brutes encaissées, sous déduction des frais de perception et de contrôle.

2 Le produit de la taxe est versé à l'Hospice général, qui affecte cette recette aux personnes domiciliées à Genève qui ne bénéficient pas de revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins fondamentaux, ni de fortune. Les comptes annuels de l'Hospice général indiquent l'affectation du produit du droit des pauvres qui lui est versé. »

Le but de la modification du premier alinéa est de souligner la portée sociale du maintien partiel ou non du droit des pauvres, que les initiants maquillent en simple taxe sur les spectacles dans leurs nombreuses publicités cinématographiques dont on peut se demander si elles sont légales. Il convient que les électeurs sachent à quoi s'en tenir. Pourtant, il serait préférable de ne modifier qu'un petit nombre d'articles, selon un député, car il s'agit d'abord d'un problème de communication.

Au vote, la commission rejette la modification de l'art. 443, al.1 proposée par 6 non ( 2 L, 2 R, 2 DC) contre 1 oui (AdG) et 3 abstentions (3 S) La modification de l'art. 443, al. 2 qui prévoyait que l'ensemble du produit de la taxe aille à l'Hospice général est refusée par 7 non contre 1 oui (AdG) et 2 abstentions (1 L, 1 DC). En effet, la teneur actuelle de l'art. 443 est déjà transparente.

Titre IX Droit des pauvres

Art. 445 Taux (nouvelle teneur)

Tandis que l'al. 2 est modifié, conformément à la proposition de l'Office fédéral de la police, adressée le 31 mars 2000 au chef du DJPT afin de le rendre conforme à la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les ordonnances sur les maisons de jeu (OLMJ) et sur les jeux de hasard (OJH), l'al. 3 mérite une petite explication de texte. Suivant une réponse interprétative du département, l'engagement d'artiste avec cachet pour un spectacle organisé par une société à but non lucratif, ne permet pas de bénéficier d'une taxe réduite. « En revanche, s'il s'agit de défrayer un intervenant, le cas n'entre pas dans la problématique » et la réduction de taxe peut être obtenue. Il en va de même pour un « professionnel » caché parmi les amateurs, ou pour le cas d'un électricien. Pour le DJPT, « de pratique constante, la loi a toujours été appliquée avec souplesse et discernement. Il faut entendre par activité professionnelle ou commerciale, même accessoire... principalement l'engagement d'artistes au cachet, la production de professionnels du sport, les clubs sportifs qui accordent des ponts d'or à certains de leurs joueurs ou encore l'engagement de ciné-conférenciers professionnels.» Finalement, l'al. 3 de l'art. 445 est adopté avec l'amendement suivant, biffant les mots « soit encore d'autres personnes », comme l'avait accepté un représentant du DJPT. Cet amendement autorise donc de modestes défraiements pour un technicien par exemple, par 8 oui ( (1 AdG, 1 DC, 1 L, 2 R, 3 S et 2 abstentions (1 DC, 1 L). L'al. 4 suscite une vive discussion. Les adversaires du droit des pauvres, tentent de le modifier, en invoquant le risque de mauvais temps qui peut gâcher la recette ! Les partisans s'inquiètent d'ouvrir la possibilité d'organiser de prétendues soirées de bienfaisance dans lesquelles l'essentiel de la recette brute serait mangée par les frais généraux, tente, fleurs, garde d'honneur, etc. Cette proposition est rejetée. Toutefois, afin de faire un pas dans le sens d'une plus grande souplesse un amendement est proposé:

al. 4 : ... l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.

Cet amendement est accepté par 7 oui (1 AdG 1 L, 2 R, 3 S) contre 1 non (1 L) et 2 abstentions (2 DC).

L'art. 445 amendé est accepté par 5 oui (1 AdG 1 R, 3 S) contre 1 non (1 L) et 4 abstentions (2 DC, 1 L,1 R).

Art. 445 Taux (nouvelle teneur)

1 Sous réserve des alinéas 2 à 4, le taux ordinaire de la taxe s'élève à 10 % de la recette brute versée par l'ensemble des clients, spectateurs, auditeurs ou autres participants. La taxe sur les loteries nationales et intercantonales, qui est perçue en sus des enjeux auprès des joueurs, s'élève également à 10 %.

2 La taxe sur le produit brut des jeux des casinos au bénéfice d'une concession B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu selon les articles 40 et ss de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les articles 74 et ss de l'Ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ). Le taux applicable correspond au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi, soit 40 % de l'impôt fédéral perçu.

3 La taxe est réduite à 5 % pour les spectacles ou manifestations organisés par les sociétés locales sans but lucratif, pour autant que ces spectacles ou manifestations ne comportent pas, à un titre quelconque, l'exercice d'une activité professionnelle ou commerciale, même accessoire, soit au profit de la société elle-même, soit de ses membres. Pour bénéficier de la réduction, les sociétés doivent avoir leur siège à Genève, être constituées depuis deux ans au moins et produire des statuts qui établissent clairement qu'elles n'ont pas un but lucratif.

4 Les spectacles, manifestations ou fêtes dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance sont exonérés totalement de la taxe. Toutefois, si le produit net n'atteint pas le 50 % de la recette brute, l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.

L'abrogation de l'art. 446 est acceptée par 6 oui ( 1 AdG, 2 R, 3 S) contre 4 non (2 DC, 2 L).

Art. 447 Forfait (nouvelle teneur)

Après une courte discussion où il est rappelé que le DJPT a préféré conserver l'éventail proposé, même à taux réduit, pour se doter d'une plus grande souplesse dans la pratique, mais qu'il a d'ores et déjà indiqué qu'il faudra affiner les termes de cette problématique dans le règlement d'exécution, l'art. 447 est accepté par 5 oui (1 AdG, 1 R, 3 S) contre 2 non (2  L) et 3 abstentions (2 DC, 1 S).

Puis la commission vote sur l'ensemble du projet, alors que 10 membres sur 15 sont présents. Le contre-projet est rejeté par 5 non (2DC, 2 L, 1 R) contre 5 oui (1 AdG, 3 S, 1 R).

Conclusion

Seule l'absence involontaire de plusieurs députés a permis ce vote négatif dont le rapporteur de minorité espère que le Grand Conseil ne l'admettra pas. Il faut relever que l'un des députés rejetants annonçait, quelques minutes avant le vote qu'il allait s'abstenir car, à titre personnel, il avait toujours défendu le droit des pauvres ! Ce commissaire n'avait que faire qu'on taxe les matches de football, les cinémas ou d'autres manifestations, mais trouvait aberrant qu'un certain nombre d'événements à but non lucratif soient taxés.

En réalité, les voeux de ce commissaire sont entièrement satisfaits par le contre-projet du Conseil d'Etat. Toutes les manifestations dont le produit net (et non brut) est intégralement versés à des oeuvres de bienfaisance sont totalement exonérés de la taxe. Quant aux sociétés locales sans but lucratif, elles bénéficient d'un taux réduit et peuvent affecter le produit de leurs manifestation à leurs buts sociaux. Grâce au contre-projet, les principales sources de mécontentement que pouvait susciter le droit des pauvres sont éliminées.

Personne n'a contesté l'utilité des ressources provenant du droit des pauvres affectées à des fins sociales évidentes. Les adversaires utilisent en réalité les sociétés locales et les petits clubs, les amicales et les associations sans but lucratif comme paravent pour obtenir la disparition de ce qu'ils appellent taxe sur les spectacles au profit pur et simple de certains gros exploitants. Les spectacles subventionnés ne verraient pas le prix de leurs places baisser, mais bien les subventions accordées par les pouvoirs publics, très éventuellement. Quant aux autres spectacles, seuls les cinémas et le cirque se sont engagés à répercuter l'éventuelle suppression sur le spectateur. Mais pour combien de temps ?

Il ne s'agit pas ici de faire du misérabilisme. Toutefois le droit des pauvres, collecté de longue date, n'apparaît pas foncièrement injuste. Il est nécessaire. Ses adversaires n'opposent que des arguments économiques non prouvés, non chiffrés et ne proposent pour le remplacer, si la situation économique et sociale venait à empirer, qu'une hausse d'impôts ! C'est dire qu'en réalité, ils ne poursuivent qu'un seul but, celui d'accroître les bénéfices réalisés par certains entrepreneurs en spectacles. Le contre-projet du Conseil d'Etat mériterait de s'intituler « Pour un droit des pauvres équitable ». Il supprime en effet la plupart des inconvénients et des défauts de l'actuelle perception tout en conservant la majorité des recettes. Il est plus juste, plus équitable, plus souple aussi, avec les amendements que lui a apporté la Commission des jeux, amendements souvent adoptés par ceux-là mêmes qui, en final, pour des motifs de tactique politicienne, ont refusé ce contre-projet. C'est dire que les dispositions contenues dans le contre-projet méritent de trouver un large soutien car elles tiennent compte de la réalité locale de multiples associations et non seulement du profit personnel de quelques entrepreneurs. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à soutenir le contre-projet modifié par la commission.

Tableau

tableau page 2

Premier débat

M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Voici une année exactement, nous prenions position sur l'initiative 110 visant à supprimer partiellement le droit des pauvres. Ce jour-là, ce parlement a voulu faire un contreprojet à cette initiative voyant qu'il y avait quelques difficultés à aller contre le bien-fondé de celle-ci, car le droit des pauvres, comme tout le monde le sait, est tout à fait obsolète à notre époque.

Ce contreprojet a été rédigé par le Conseil d'Etat, à la demande de la commission des jeux, qui l'a étudié en quatre séances. On peut être pour ou contre le droit des pauvres, on peut en dire du bien ou du mal : chacun a son avis à ce sujet. Certains ont un avis basé sur l'aspect financier. D'autres, comme le rapporteur de minorité que j'ai la chance d'avoir en face de moi, ont des motivations qui reposent essentiellement sur l'aspect historique - il faut dire que c'est sa vocation.

Mais, voyez-vous, Monsieur le rapporteur de minorité, je pense que le droit des pauvres ne devrait rester à la postérité que par une plaque sur une rue de Genève : «la rue du Droit des pauvres»... Et la taxe devrait être supprimée ! Comme c'est le cas à Carouge, avec la place de l'Octroi, la rue de la Gabelle... Nous ne parlons plus de nos jours de la dîme, de la taille, du cens, du denier du culte et autres impôts vieillots. Eh bien, cela devrait être la même chose pour le droit des pauvres.

J'en viens au contenu du contreprojet. Il était évident que si certains voulaient contrer l'initiative 110, il fallait que ce contreprojet ait de l'allure, c'est-à-dire pas comme il est présenté ce soir avec une vague cosmétique : une sorte de projet mal ficelé que l'on essaye de rafistoler et qui, malheureusement, ne passera pas la rampe devant le souverain... Si le Conseil d'Etat avait voulu avantager les initiants, il n'aurait pas fait plus que d'élaborer ce contreprojet qui ne va pas assez loin, malheureusement !

Quelques exemples vont vous le prouver. Descendre une taxe qui est péjorante pour beaucoup de commerces : je pense aux cinémas, aux sociétés sportives, etc., de 13 à 10% : vous avouerez avec moi que cela n'est pas beaucoup ! D'autre part, cela revient à donner d'une main pour reprendre de l'autre. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe pour les fêtes de bienfaisance : le contreprojet du Conseil d'Etat propose d'exonérer les sociétés qui mettent sur pied ce genre de manifestations, mais, par ailleurs, il les ponctionnera de 5% si la part de leurs charges dépasse 50% des produits. Vous savez très bien, comme moi, que certaines fêtes de bienfaisance ont lieu sur la voie publique, et qu'elles sont péjorées si d'aventure la météo ne leur est pas favorable. En outre, l'Etat va maintenir le droit des pauvres qui sera prélevé à hauteur de 5%.

Tout cela est fort compliqué : il n'y a qu'à lire les deux textes - celui de l'initiative et celui du contreprojet - pour se rendre compte tout de suite que le citoyen qui devra voter l'un des deux choisira plutôt l'initiative, en raison de la plus grande clarté de son texte. Celle-ci supprime complètement le droit des pauvres dans certains cas, mais elle le maintient dans d'autres cas bien précis. Le contreprojet, lui, est un embrouillamini entre ce qui est taxable et ce qui ne l'est pas.

Je m'arrêterai là. Je vous dis simplement que je suis rapporteur de majorité, car peu de députés étaient en commission et que nous avons beaucoup discuté de petites culottes à la française pour finir par une pantalonnade ! Je demande au Grand Conseil de refuser le contreprojet.

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Il est vrai que ce rapport que je défends est celui d'une minorité, puisqu'il a été refusé par cinq voix contre cinq. En effet, il y avait des absents, mais aussi des députés qui, comme les girouettes - ou comme le vent, pour reprendre les propos d'Edgar Faure, ont changé d'avis et ont tourné avec celui-ci...

Des voix. Des noms !

M. Bernard Lescaze, rapporteur de minorité. Le rapport indique assez clairement de qui il s'agissait ! En conséquence, ce rapport s'est trouvé être un rapport de minorité. M. Ducrest semble féru d'onomastique et de nomenclature : il mentionne d'obscures rues de Carouge. Il pourrait, à mon avis, très bien prendre domicile à Morges dans l'impasse de l'Enfant prodigue : je l'y vois parfaitement ! Elle est d'ailleurs également très obscure...

Cela dit et pour être sérieux, le contreprojet présenté par le département de justice et police et des transports, à la demande du Conseil d'Etat, est un texte relativement juridique et relativement compliqué dans sa formulation, mais, en réalité, parfaitement clair dans ses objectifs. Et je pense que les citoyens sauront voir l'essentiel et non pas l'accessoire.

D'ailleurs, pour les y aider, je dépose ce soir, avec certains de mes collègues, un certain nombre d'amendements, à commencer par un amendement portant sur l'intitulé du contreprojet, qui devrait en effet s'appeler : «Pour un droit des pauvres équitable». Car c'est bien de cela dont il s'agit, de même que l'initiative s'appelle «Pour la suppression partielle du droit des pauvres».

Vous allez le voir, tout est dans le mot «partielle». Il faut se souvenir qu'à plusieurs reprises le droit des pauvres - impôt pourtant fort ancien et, chose rare, assez juste, au moins dans sa philosophie - a été contesté. Par qui ? Au départ, par des sociétés locales et des organisations de bienfaisance qui se plaignaient d'être trop lourdement taxées. Aujourd'hui, grâce à l'article 445 nouveau, ces sociétés locales, ces petites organisations de quartier ou de village - si vous n'êtes pas attaché, Monsieur Ducrest, à la démocratie de quartier, vous l'êtes certainement à la démocratie villageoise - obtiennent entière satisfaction, car la taxe n'est pas réduite de 13 à 10% - cette mesure est prévue pour les spectacles à but lucratif - mais bien de 13 à 5%, taux applicable pour les spectacles ou manifestations organisées par les sociétés locales sans but lucratif.

Et nous avons encore, à la demande de certains commissaires - qui ont pourtant ensuite retourné leur veste - précisé que cette mesure pouvait s'appliquer même si un professionnel se glissait parmi les amateurs. Mieux encore : il est maintenant clairement dit à l'alinéa 4 que les spectacles, manifestations ou fêtes dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance sont totalement exonérés de la taxe !

Le contreprojet, en réalité, donne satisfaction aux très nombreuses demandes de sociétés sportives, de vogues de villages, qui souhaitaient un allégement du droit des pauvres. A qui donc ne donne-t-il pas satisfaction, puisque l'initiative maintient à juste titre le droit des pauvres sur les loteries et les jeux de hasard ? Il ne donne pas satisfaction essentiellement à deux catégories : aux cinémas, qui effectivement ne verront une baisse que de 13 à 10% et aux spectacles à but lucratif comme les théâtres. Et là, on assiste à un curieux tour de prestidigitation de certains exploitants, qui, d'une part, prétendent qu'ils répercuteront sur le spectateur la baisse éventuelle du droit des pauvres mais qui, d'autre part, continuent d'augmenter, comme ils l'ont fait ces cinq ou six dernières années, le prix des billets de cinéma ! Et récemment encore, certains, qui s'imaginaient que les billets de ciné-fidélité étaient toujours à 9 F, ont eu la désagréable surprise - je le leur avais dit en commission, mais ils ne m'ont pas cru - de découvrir que ces billets étaient passés à 11 F ! Comme par hasard, vous le voyez, même avec une taxe réduite ou une taxe supprimée, l'exploitant gagnerait encore 1 F de plus.

Quant aux théâtres, on a pu faire miroiter à certaines troupes que l'économie ainsi réalisée leur serait laissée, mais les magistrats et notamment le magistrat en charge des affaires culturelles de la Ville de Genève ont bien précisé que la suppression éventuelle du droit des pauvres n'aurait vraisemblablement pas de conséquence notable sur le prix des billets d'entrée aux manifestations culturelles : façon élégante de dire qu'elle n'en aurait aucun. En revanche, continuaient M. Hediger et M. Vaissade, on peut imaginer que la Ville pourrait éviter certaines augmentations des subventions versées aux institutions culturelles concernées. En réalité donc, on le voit, les subventions de ces organisations, en tout cas à l'avenir, sont même menacées par l'acceptation éventuelle de l'initiative.

J'en viens maintenant aux conclusions dans ce premier round, car je ne doute pas que le rapporteur de l'actuelle majorité va vouloir défendre son os... Le contreprojet pour un droit des pauvres équitable remplit toutes les demandes qui avaient été faites par les sociétés locales il y a quelques années. En conséquence, il convient maintenant de bien se souvenir que le droit des pauvres est utile. Nous avons maintenu la répartition de 70% à l'Hospice général et de 30% à l'Etat de Genève. Personne ne dit que les initiants veulent aboutir à un démantèlement social : ce sont là des mots qui n'ont jamais été prononcés !

En revanche, il me paraît clair que les opposants au contreprojet ne sont pas soucieux de l'intérêt général, mais de l'intérêt d'une petite corporation particulière d'exploitants de spectacles. C'est en réalité dans la poche de ces exploitants qu'irait la différence, si on diminuait cette taxe comme ils le demandent.

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Comme le rapporteur de minorité le disait tout à l'heure, faute de combattants nous n'avons pas pu gagner ce vote en commission, et j'espère que cette bévue sera réparée ce soir. Comme il l'a dit, certains députés étaient absents et d'autres ont tourné casaque...

J'en viens maintenant aux arguments des représentants du comité d'initiative qui prétendent que le droit des pauvres constitue une entrave au développement économique et culturel du canton. Cette analyse ne tient absolument pas la route pour plusieurs raisons. Tout simplement parce que le canton de Genève n'est pas le seul en Suisse à appliquer une taxe analogue. Treize cantons en Suisse l'appliquent. Par ailleurs, plusieurs pays européens, et pas des moindres, ont non seulement une taxe analogue mais une TVA qui oscille entre 15 et 25% ! Dire que les cinémas et les spectacles sont pénalisés est totalement faux ! Le prix du billet à Nyon, où pourtant cette taxe n'existe pas, est exactement le même qu'à Genève. Lorsque des spectacles de qualité sont organisés à Genève, je pense notamment à Notre-Dame de Paris, au film Titanic, les billets se vendent comme des petits pains. Cela veut dire que lorsque le spectacle est bon les gens se déplacent en masse.

Autre argument. Supercross nous avait dit qu'il avait quitté Genève en raison de la taxe du droit des pauvres, ce qui est totalement faux. En effet, il existe exactement la même taxe à Bâle. Si Supercross est parti à Bâle, c'est pour une raison de structure. Il semble du reste qu'il désire maintenant revenir à Genève.

Si on prend les chiffres 1999 par rapport au produit de la taxe et qu'on les compare à ceux de 1998, on voit que pour les cinémas le produit est descendu de 200 000 F, ce qui représente en définitive 7 692 F par cinéma, puisqu'il y a aujourd'hui à Genève vingt-six salles de cinéma, sans compter bien entendu le complexe de Balexert. Si la théorie des exploitants de salles de cinémas était juste - qui prétendent que beaucoup moins de personnes se déplacent pour aller au cinéma - alors pourquoi a-t-on construit le complexe de Balexert qui compte plusieurs salles de cinéma ? A mon avis, les promoteurs de ce complexe ont préalablement fait une étude de marché et se sont rendu compte que le cinéma se portait - heureusement - fort bien à Genève.

Actuellement le produit de la taxe s'élève à 21 millions. Si le contreprojet était adopté, il passerait à 17 millions. Par contre, si l'initiative passait, il descendrait à 9 millions... La question se pose alors de savoir où il faudra prendre la différence. Il ne faut pas oublier, Mesdames et Messieurs les députés, que 70% du produit de cette taxe sont destinés à l'Hospice général, ce qui permet de financer les activités d'aide humanitaire, de la santé publique et du bien-être social. Il ne faut pas oublier, même si la conjoncture est plus favorable aujourd'hui - fort heureusement - qu'il y a à Genève entre 15 et 20% de la population qui se trouve au seuil de la pauvreté et que ces personnes ont un besoin vital de l'Hospice général et des associations caritatives, à qui sont destinées ces rentrées fiscales.

Ce contreprojet donne donc satisfaction à l'ensemble des gens qui organisent les spectacles. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'accepter les amendements qui vous sont proposés. En outre, Monsieur le président, je demanderai, pour que tout le monde prenne ses responsabilités, l'appel nominal pour le projet d'ensemble.  

M. Chaïm Nissim (Ve). Le groupe des Verts ne fait pas partie des girouettes dont parlait le rapporteur de la minorité, il n'a pas varié tout au long des débats en commission. (L'orateur est interpellé.) Effectivement, la seule petite erreur que nous ayons commise, c'est de ne pas avoir assisté, mon copain Antonio et moi-même, à la dernière séance : celle où il y a eu le vote... Nous en sommes absolument désolés ! Mea maxima culpa ! Je bats ma coulpe...

Toujours est-il qu'en ce qui concerne le droit des pauvres nous n'avons pas varié. Nous avons toujours pensé que cet argent était utile, justement pour les pauvres de l'Hospice général qui reçoit 70% du produit de cette taxe. Alors, tant qu'on nous aura pas trouvé un autre moyen de financer l'Hospice général, nous serons évidemment favorables au contreprojet qui préserve l'essentiel. Comme mon amie Loly Bolay vient de le dire, cela nous laissera quand même des rentrées pour les pauvres de ce canton. 

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Les socialistes non plus n'ont pas changé d'avis, et ils maintiennent que cette initiative est trompeuse et qu'ils n'en veulent pas...

Rappelons-le, cette initiative est trompeuse parce qu'elle affirme dans son titre qu'il s'agit d'une diminution partielle du droit des pauvres, ce qui est faux ! En effet, chacun sait que la seule perception qui serait maintenue porterait sur les jeux de hasard, les loteries et les machines à sous. Or, on sait maintenant que sur ce point Berne ne nous fera aucun cadeau et se servira très largement. Il faut le dire et le répéter, cela représente une diminution très importante d'une part de moyens tant pour l'Hospice général que pour le fonds du droit des pauvres.

Les mêmes députés qui s'apprêtent à refuser ce contreprojet, et qui avaient déjà refusé l'initiative, votent pourtant d'un seul élan, la main sur le coeur, des subventions pour le Mozambique après les terribles inondations ou pour le Venezuela encore tout récemment ! Rappelez-vous pourtant que ces montants sont pris sur le fonds du droit des pauvres ! Rappelez-vous également que ce fonds permet à de nombreuses associations de faire un travail remarquable, encadrant et soutenant les plus démunis et les plus désespérés de notre canton ! Que ferez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque ces associations cesseront leurs activités faute de moyens ? Vous voterez alors probablement des crédits supplémentaires aux services sociaux officiels qui devront les prendre en charge : c'est intéressant comme calcul, mais c'est peu efficace !

On a même entendu des députés dire que cette taxe pouvait être supprimée puisque les finances de l'Etat étaient à nouveau saines - en oubliant au passage nos 10 milliards de dette - et que si les recettes venaient à nouveau à baisser il suffirait d'augmenter les impôts pour assurer la politique sociale du canton... C'est ce qui s'appelle gouverner à la petite semaine ! Il est d'ailleurs également intéressant de constater que les petites organisations, souvent conduites par des bénévoles qui organisent des fêtes, des concerts ou des ventes, ne soutiennent pas ceux qui veulent aujourd'hui supprimer cette taxe. Au contraire, ils connaissent le mot «solidarité» et ils savent à quel point ce fonds est précieux.

En fait, ce sont ceux qui brassent l'argent et qui font des bénéfices qui veulent supprimer cette taxe, histoire de faire encore un peu plus de bénéfices...

Outre le titre qui est trompeur, le message qui l'accompagne l'est aussi : nous en sommes convaincus. Les propriétaires des cinémas sont partis très clairement en guerre contre cette taxe et nous assurent que les prix des billets vont baisser... Permettez-nous d'en douter sérieusement, car nous avons déjà entendu ce genre de discours, mais les événements nous ont toujours prouvé que nous avions raison de ne pas y croire !

Voilà ce que le groupe socialiste pense de l'initiative.

Par contre, et nous l'avons déjà dit, nous sommes favorables à un contreprojet. En effet, si historiquement les Genevois sont attachés au droit des pauvres qui constitue un des outils de la politique sociale du canton, il paraît essentiel d'adapter ce prélèvement à l'évolution de notre société et à ses habitudes. Cette initiative nous en donne l'occasion, et nous la saisissons volontiers.

Le contreprojet du Conseil d'Etat intègre toutes les priorités que nous avions définies et soutenues en commission. Certes, on peut toujours encore diverger sur quelques pourcentages, mais là n'est pas l'essentiel. Le message que nous voulons transmettre en soutenant le contreprojet ce soir, c'est notre volonté de moderniser la loi sur le droit des pauvres qui en avait bien besoin en apportant quelques modifications et, également, notre volonté de réaffirmer l'importance de maintenir un outil de politique sociale de notre canton, un principe de solidarité qui fait partie de l'histoire et de l'esprit de Genève, auxquels nous sommes attachés. 

M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Malheureusement, je ne connais pas l'impasse de l'Enfant prodigue chez nos amis de Morges, mais dans la ville de Tours, dans le beau pays de la Loire, il y a la rue du Rapace mal repenti... C'est un peu ce que fait le Conseil d'Etat en présentant ce contreprojet ce soir !

Il suffit d'ailleurs d'entendre le rapporteur de minorité qui essaye, avec force circonvolutions, de nous expliquer les raisons de ce contreprojet ainsi que les amendements qu'il veut présenter au dernier moment, car il n'est pas sûr de son fait ! Il n'est qu'à voir la transformation de l'article 443, non prévue dans le contreprojet, et le changement de titre pour amuser les votants de ce canton : «Pour un droit des pauvres équitable»... Rien que cela démontre que le contreprojet a du plomb dans l'aile !

M. John Dupraz. Et le bonus logement, c'était quoi ? (Rires.)

M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. Il est vrai que le droit des pauvres - 70% pour l'Hospice général et 30% pour l'Etat - est destiné aux oeuvres sociales. Mais nous sommes dans un Etat social, puisque nous dépensons plus de 2,6 milliards pour la politique sociale ! Mme Bolay et Mme Reusse-Decrey nous ont entonné le couplet des indigents et le refrain des démunis... Nous connaissons !

M. Albert Rodrik. Non, tu ne connais pas !

M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. Dites-vous bien, Mesdames et Messieurs les députés, que l'aspect commercial est toujours le même ! Si un commerçant peut offrir à ses clients de meilleurs prix, parce qu'il a des marges plus grandes, il obtient évidemment de meilleurs rentrées, par conséquent l'Etat aussi. Il ne faut donc pas avoir peur, si l'initiative passait, pour les quelque 13 millions qui manqueraient en théorie par rapport à l'exercice 1998 ! Il n'y a aucun risque à ce sujet.

En tout cas, je trouve indécent que des gens qui font du commerce et qui emploient du personnel soient concurrencés par des exploitants qui se trouvent de l'autre côté de la frontière, laquelle fait plus de 170 km de long, je vous le rappelle...

M. John Dupraz. 104 !

M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. Et je trouve encore plus indécent qu'ils soient encore pénalisés par un Etat rapace ! Il convient de remettre de l'ordre dans la maison genevoise pour pouvoir justifier une imposition égale à tous les commerçants dans un climat de concurrence équitable : il en va de la survie de ces commerçants. 

M. Claude Blanc (PDC). Dans un certain sens, il est heureux que le Conseil d'Etat ait mis de longs mois à nous présenter son contreprojet, car cela nous a permis entre-temps de réfléchir à l'ensemble de la situation. Je dois dire que même ceux qui ont voté in extremis ce contreprojet ne l'ont pas reçu avec un grand enthousiasme... Il avait l'air d'un monstre mort-né !

Moi qui suis plongé jusqu'au cou dans un certain nombre d'associations à but non lucratif, je me suis demandé comment j'allais vendre ce projet à mes amis... Car il faudra bien le vendre, et le peuple devra décider ensuite, Mesdames et Messieurs les députés ! Or, pour vendre un projet au peuple, il faut avoir des arguments solides. Ce contreprojet bâtard, qui ne fait que diminuer un peu ce qui pourrait être supprimé complètement, est tout à fait invendable ! J'ai pu m'en rendre compte en essayant d'en parler autour de moi ! Je le répète, il est invendable !

On a eu droit à de grandes envolées sur l'action sociale de l'Etat et sur les moyens de la financer... Je suis tout à fait d'accord, chers collègues ! Mais l'action sociale de l'Etat se calcule par centaines de millions, si ce n'est plus d'un milliard ! Or, la différence entre l'initiative et le contreprojet, c'est seulement 8 millions de francs ! De qui se moque-t-on ? Va-t-on faire avaler au peuple un impôt antédiluvien, impôt que M. Lescaze défend avec son talent d'historien ? Je comprends bien que c'est l'un des acquis de la Genève radicale de Fazy et, pour ma part, j'ai le plus grand respect pour Fazy et pour l'action sociale qu'il a entreprise dans ce canton, contrairement à certains radicaux présents dans cette salle ! M. Segond en sera témoin, n'est-ce pas ? Moi, je dis simplement qu'il est inutile de maintenir une structure pour une différence d'encaissement de 8 millions, alors que l'action sociale de l'Etat représente plus d'un milliard et que les rentrées fiscales de l'Etat atteignent presque 5 milliards.

Quelqu'un a prétendu tout à l'heure - ce qui est faux - que j'avais dit que lorsqu'on ne pourra plus financer l'action sociale il faudrait augmenter les impôts... Les impôts, c'est presque 5 milliards, alors que votre «machin», c'est 8 millions ! Alors, arrêtez d'amuser le peuple avec ces 8 millions ! Admettez une fois pour toutes que cet impôt est complètement désuet et qu'il est injuste, parce qu'il frappe seulement les consommateurs de spectacles.

Il fut un temps où il était justifié - sur ce point Fazy et ses sbires avaient raison - car seuls les riches pouvaient aller au spectacle. Les pauvres ne connaissaient pas le théâtre, et le cinéma n'existait pas. Les pauvres n'avaient pas les moyens de se cultiver parce qu'ils n'avaient pas accès aux spectacles, qui étaient trop chers pour eux. Il était donc normal à cette époque que les riches qui pouvaient se les payer prélèvent une partie du prix de leur billet pour faire fonctionner l'Hospice général et pour alimenter l'action sociale de l'Etat. Mais tout cela est aujourd'hui dépassé ! Si cette taxe est maintenue, ce sont les pauvres qui vont subventionner les pauvres, car maintenant, tout le monde peut aller au cinéma ou au théâtre ! (Exclamations.) Cet impôt, je le répète, est complètement désuet et inutile. Par conséquent, il faut se résoudre à le laisser mourir de sa plus belle mort.

Et puis, comme le disait M. Ducrest, on pourra peut-être trouver une rue quelque part que l'on baptisera la rue du Droit des pauvres. Ce serait une bonne idée ! Pour ma part, j'avais souhaité ce contreprojet, mais je me rends compte qu'il est indéfendable. Je ne le voterai donc pas.

M. Nicolas Brunschwig (L). Nous avons des vaches sacrées dans ce canton, et il semblerait que le droit des pauvres en est une... Savoir si cette vache est utile et efficace est une question qui semble ne pas devoir être posée devant ce parlement !

La discussion d'aujourd'hui illustre les difficultés que nous avons à faire une certaine autocritique du fonctionnement de nos institutions et montre aussi que la rénovation de nos différentes taxes est fort ardue.

Mesdames et Messieurs, la suppression du droit des pauvres aurait deux répercussions directes positives : il est clair et évident qu'elle susciterait une augmentation des manifestations sportives et culturelles, pour le plaisir des habitants de la région, et qu'elle générerait par ailleurs une augmentation du revenu cantonal et des recettes fiscales ordinaires. Mesdames et Messieurs, vous qui pensez que cela n'est pas vrai, je peux vous garantir par expérience que certaines manifestations sportives ont cessé à cause du droit des pauvres, car cela représentait des prélèvements trop importants. (L'orateur est interpellé.) Monsieur Ramseyer, ne dites pas que cela n'est pas vrai ! Je peux vous dire que le tournoi de tennis professionnel qui avait lieu à Genève n'a pas eu lieu pour cette raison ! (Exclamations.) Parfaitement, pour cette raison ! Et je crois que je connais mieux ce sujet que vous, Monsieur Lescaze ! Je ne marcherai pas sur vos plates-bandes - les bibliothèques - mais ne parlez pas de ce sujet que je connais mieux que vous ! (Le président agite la cloche.)

D'autre part, Mesdames et Messieurs les députés, il est clair que beaucoup de manifestations sont subventionnées par les collectivités publiques. Bien évidemment, une suppression du droit des pauvres entraînerait une diminution des charges de ces manifestations et permettrait donc une diminution des subventions octroyées par les collectivités publiques.

Ces exemples montrent bien, et nous en sommes convaincus - certes, la démonstration nécessiterait quelque travail de doctorant - que les répercussions financières positives qui résulteraient de la suppression du droit des pauvres représenteraient bien davantage que les 8 millions que nous perdrions par rapport au contreprojet.

D'autre part, Mesdames et Messieurs les députés, la construction sociale de notre canton - qui coûte quelques milliards, comme l'a dit M. Blanc - ne dépend pas de ces 8 millions. Alors faire croire une telle chose sera peut-être bon pour le débat populaire, mais ce n'est certainement pas un argument objectif cohérent.

Nous vous rappelons aussi que l'Hospice général, qui reçoit 70% du produit du droit des pauvres, est subventionné à raison de quelques dizaines de millions - aux alentours de 80 ou 100 millions - par le canton, et nous avons d'ailleurs l'obligation constitutionnelle de couvrir le déficit de celui-ci par le biais de la subvention du canton. L'équilibre de l'Hospice général n'est donc aucunement remis en cause par la suppression du droit des pauvres !

Nous n'avons bien évidemment aucun doute sur le vote de ce parlement sachant que nous serons battus aujourd'hui, mais nous sommes beaucoup plus optimistes sur la sanction populaire qui résultera d'un vote qui aura lieu sans doute d'ici une douzaine de mois. Nous sommes convaincus que le peuple supprimera cette taxe qui est totalement archaïque et dont l'administration est lourde et totalement inefficace. 

M. Roger Beer (R). Mesdames et Messieurs les députés, le débat de ce soir est extrêmement intéressant même si, effectivement, le droit des pauvres est un peu symbolique.

Nous avons entendu des arguments simplistes, populistes, qui vont dans le sens du temps : il faut payer moins d'impôts et il faut en supprimer la plupart. J'exprime l'avis d'une partie des radicaux...

Une voix. La mère Denis !

M. Roger Beer. ...et je défendrai l'excellent rapport de M. Lescaze.

M. Claude Blanc. Je te rappelle que tu es à la télévision en direct ! (Rires.)

M. Roger Beer. Mais, tout arrive !

Lorsque la proposition de supprimer le droit des pauvres a été faite, j'étais a priori d'accord. Je trouvais effectivement que c'était une bonne idée de payer moins cher pour aller au cinéma ou aller au spectacle en famille. Mais la démonstration nous a été faite qu'aucune diminution du prix des billets n'interviendra et que seule la marge bénéficiaire augmentera. De plus, toutes les discussions montrent que le contreprojet ne touche pas les manifestations bénévoles.

Monsieur Brunschwig, vous dites qu'il y aurait beaucoup plus de manifestations sportives à Genève s'il n'y avait pas le droit des pauvres. Alors, regardez le calendrier de toutes les manifestations qui ont lieu en ville de Genève et dans les communes : je vois mal comment il pourrait y en avoir davantage dans l'année ! Ce n'est vraiment pas un bon argument.

J'ai pensé que l'argument de la baisse des prix avait été avancé dans les législatures précédentes au sujet des taxis et que ces derniers nous avaient seriné pendant des années que la libéralisation entraînerait la baisse des prix... Bien évidemment, la votation populaire a été positive et favorable à «plus de taxis moins chers». Pourtant, deux ans après, les mêmes taxis étaient là, dans la salle des Pas Perdus, en train de pleurer pour qu'on remette la loi en vigueur... Je pense que ce sera exactement la même chose pour les cinémas, et c'est ce qui m'a fait changer d'avis.

Je ne suis évidemment pas persuadé que le contreprojet est excellent. On parle de 17 ou de 21 millions... Mais le problème, c'est qu'on ne peut pas dire que cela ne vaut pas la peine d'en parler, parce qu'il s'agit de 17 millions et que par rapport aux 80 ou 100 millions alloués à l'Hospice général ce n'est rien du tout. Notre société doit aussi faire des gestes symboliques dans le sens du partage. Le fait qu'une part du prix du billet serve à des personnes dans le besoin lorsqu'on va voir un spectacle est un geste symbolique excellent.

Monsieur Ducrest, Monsieur Blanc, je suis persuadé que la politique ne consiste pas seulement à dire ce que les gens ont envie d'entendre. Le droit des pauvres en est la démonstration. Je sais pertinemment qu'au café du Commerce - à la place du Marché - que vous connaissez bien, il sera plus facile de dire qu'il faut supprimer le droit des pauvres pour pouvoir garder le cinéma tout proche. Comment s'appelle le cinéma qui se trouve à la place du Marché déjà ? (Exclamations.) Mais ce n'est pas de ce discours dont il s'agit !

Le contreprojet proposé par le Conseil d'Etat est tout à fait réaliste et permettra de réactualiser et de moderniser une taxe destinée à la redistribution des richesses. Il semble que le vote de ce soir est acquis, mais je suis persuadé que le peuple votera autrement - malheureusement. Alors, il faudra bien trouver d'autres solutions ! Mais il nous reste quelques mois encore pour convaincre la population. Ce sera difficile. Il est évidemment plus facile...

M. Nicolas Brunschwig. Les taxis !

M. Roger Beer. Justement, Monsieur Brunschwig, l'exemple des taxis est excellent ! En effet, les taxis nous ont fait aller dans le sens qu'ils voulaient, et maintenant ils pleurent. Et cela, nous le rappellerons à la population ! 

M. Rémy Pagani (AdG). Je suis scandalisé par vos propos, Monsieur Ducrest ! Vous avez en effet employé les termes : «couplet des indigents et refrain des démunis»...

Monsieur Ducrest, on voit que vous n'allez pas souvent faire vos commissions dans les rues de nos quartiers ! J'imagine que vous faites faire ces tâches à votre personnel de maison en lui glissant une petite pièce, comme cela doit être le cas d'ailleurs pour la majorité des députés d'en face... Mais malheureusement, les pauvres, ça existe ! Les gens qui n'ont pas suffisamment d'argent pour aller au cinéma sont malheureusement de plus en plus nombreux, et j'ai bien l'impression que vous n'en avez jamais rencontré. Quand on a un chômeur en face de soi qui ne dispose que de 1 500 F pour nourrir sa famille, on se rend compte de la réalité ! Il est aberrant et indécent de tenir de tels propos dans cette enceinte. Ces propos ne représentent pas la majorité de la population !

Les libéraux nous serinent à longueur d'année qu'il faut soutenir les véritables pauvres... Ils procèdent à une véritable déconstruction du système social, et, quand on parle des véritables pauvres, ils disent qu'il n'est plus nécessaire de soutenir un impôt qui vise effectivement intrinsèquement à faire prendre conscience aux riches de ce pays qu'il y a des pauvres et qu'il faut faire en sorte qu'il y en ait de moins en moins ! Nous, nous aimerions ne plus en voir dans nos rues, mais il y en a, sans parler de tous ceux que l'on ne voit pas - je veux parler de ceux qui se terrent dans des appartements et qui se nourrissent de pommes de terre et de pâtes.

Mesdames et Messieurs les députés, c'est ça la réalité sociale dans laquelle votre système néolibéral que vous défendez nous a plongés. (Exclamations.)

M. Nicolas Brunschwig. Pagani, c'est toujours le même discours !

M. Rémy Pagani. Non, ce n'est pas toujours le même discours ! (Exclamations.) C'est la réalité sociale dans laquelle nous nous trouvons ! C'est le processus dans lequel vous nous entraînez en voulant supprimer toutes les taxes !

Vous nous dites aujourd'hui que cet impôt ne couvre qu'une toute petite partie du coût de la politique sociale de notre collectivité - ce qui est vrai - mais demain vous serez les premiers à dire qu'il faut encore vider les caisses de l'Etat, car il y a trop de gens subventionnés dans notre canton ! (Exclamations.) Lorsqu'un certain nombre de personnes ont ce privilège - aller au Grand Théâtre ou tout simplement voir un spectacle ; c'est malheureusement redevenu un privilège aujourd'hui - nous estimons qu'ils doivent participer à l'effort commun pour aider les plus défavorisés d'entre nous.

J'espère que pendant la campagne les concitoyens s'en rendront compte et maintiendront cet impôt qui, à mon sens, est malheureusement redevenu très moderne et très actuel. (Applaudissements.) 

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Il s'agit en réalité d'une taxe neutre et d'un impôt qui n'est certainement pas aussi désuet que d'aucuns veulent bien le croire.

L'un des opposants, libéral...

M. Bernard Annen. Encore moi ! (Rires.)

M. Bernard Lescaze, rapporteur de minorité. ...parle de la multiplication des pains et voit dans la suppression du droit des pauvres l'annonce d'une ère où le miel et le lait couleraient - puisqu'il emploie également des références sacrées... Malheureusement, il n'est même pas d'accord avec certains des partisans de l'initiative sur qui paye actuellement cette taxe ! En effet, M. Nicolas Brunschwig n'a cessé de nous dire tout au long des débats que c'était l'exploitant qui supportait la taxe sur le billet, alors que le patron de Métro-ciné - qui doit aussi s'y entendre en matière de cinéma - a bel et bien dit que c'était le client.

Je constate d'ailleurs que les paradoxes sont également valables pour M. Ducrest qui nous a fait, alors que je croyais que son parti était favorable aux bilatérales, une démonstration de «petit nationalisme de clocher» au sujet des cinémas de part et d'autre de la frontière. Cela prouve surtout que M. Ducrest n'est jamais allé au cinéma dans le nouveau centre situé de l'autre côté de la frontière, car il aurait constaté que ce qui en fait le succès c'est le fait que les salles sont propres, qu'on n'y trouve pas de rats comme dans certaines salles du centre-ville et que les écrans et les sièges sont modernes. Le succès des nouveaux complexes multisalles à Genève peut s'expliquer également par le fait que les salles sont modernes. En tout cas, il y a deux façons désormais d'aller au cinéma, mais ce n'est pas le droit des pauvres qui fait la différence.

Avec M. Blanc, nous avons atteint les sommets de l'incohérence, mais il est vrai qu'il nous y a souvent habitués... En effet, il vante l'importance du budget social et essaye de dire que les 8 millions de différence ne représentent rien. J'ai alors envie de demander à ce modeste député pourquoi il y tient tant et pourquoi il se bat tellement pour que ces 8 millions aillent dans la poche des exploitants s'ils ne servent à rien ! En réalité, et vous le savez bien, le produit du droit des pauvres est extrêmement utile et important pour de très nombreuses associations qui reçoivent des subventions pour des projets sociaux n'émargeant pas aux grands budgets du département de l'action sociale et de la santé, comme l'aide à la vieillesse ou les assurances sociales, par exemple. En fait, il s'agit de petits budgets qui ne sont pas capitaux mais vitaux pour les sociétés et les organisations qui les reçoivent.

Et je suis d'autant plus surpris de la position du parti démocrate-chrétien qu'à plusieurs reprises ses représentants - notamment M. Marti - ont plaidé pour le vote de projets de lois en faveur d'associations très utiles, nécessaires, comme par exemple la Corolle et tant d'autres dont on pourrait égrener la liste et qui émargent précisément au droit des pauvres. Alors, il faudrait savoir ! Et la réponse simpliste consistant à dire qu'il suffira, si ces associations en ont besoin, d'augmenter les impôts, comme cela figure dans les notes de séance du lundi 15 mai - notes qui n'ont jamais été démenties - est parfaitement déplaisante et parfaitement insuffisante de la part de ceux qui, précisément, souhaitent que ces impôts soient baissés.

Les amendements qui vous sont proposés ne sont pas un subterfuge, parce que nous ne serions pas sûrs de notre affaire. Ce sont des amendements dont le but - notamment pour le titre - est justement de clarifier les choses. M. Ducrest est le premier à le savoir, la majorité de la population - et tant mieux pour elle - n'a pas fait de longues études de droit, et elle a besoin d'avoir des précisions. Vous-même, je crois, Monsieur Ducrest, souhaitiez que le titre de certains projets de lois ou de certaines initiatives soient davantage conformes à leur véritable contenu, et je suis heureux qu'aujourd'hui vous n'ayez pas critiqué le titre. En effet, le contreprojet du Conseil d'Etat est effectivement une modernisation du droit des pauvres qui rend ce dernier équitable. C'est-à-dire que la pleine taxe est maintenue pour les jeux de hasard, pour les jeux d'argent et pour les spectacles à but lucratif. Pour tous les autres, il y a d'importantes diminutions qui vont, pour les spectacles, les galas de bienfaisance, jusqu'à l'abolition complète de la taxe. Je le répète, la modernisation est indiscutable.

D'autre part, sur le fond du contreprojet - nous l'avions déjà décidé l'année passée, le Conseil d'Etat a scrupuleusement suivi les demandes qui avaient été faites par la commission des jeux et que vous retrouvez dans le texte de l'initiative 110, rapport C, qui avait été déposé le 7 juin 1999.

En conséquence, de ce point de vue là, il n'y a rien de nouveau et, d'ailleurs, les opposants n'ont pas non plus varié dans leurs attaques : elles sont de nature purement économiques. Mais, jamais à aucun moment - et c'est pourquoi je parle du miracle de la multiplication des pains - le moindre chiffre n'a été apporté tendant à prouver qu'une abolition complète de cette taxe augmenterait davantage les bénéfices des exploitants de cinémas. 

M. John Dupraz (R). Je suis un peu abasourdi par ce débat, notamment lorsque M. Brunschwig fait des comparaisons de compétitivité d'entreprise : cette taxe empêcherait certains commerces de se développer ou de se développer à Genève.

Monsieur Brunschwig, vous qui êtes un distingué commerçant - et très compétent - vous n'avez certainement pas le magasin le meilleur marché de la place, mais vous avez pourtant des clients... C'est parce que vous correspondez à la demande d'une certaine clientèle. Nous savons très bien qu'en France voisine vous pouvez trouver de nombreux articles dans différents domaines qui sont bien meilleur marché que chez nous. Et pourtant le commerce de détail continue à se développer chez nous et de grands centres se construisent comme Signy, La Praille, où les chalands viennent s'approvisionner. Alors, il est faux de prétendre que le droit des pauvres est obsolète, désuet et inadapté à notre époque ! M. Blanc, qui, je dois le dire, m'a un peu étonné, car il est habituellement un peu plus large d'esprit, fait des comptes de «petit comptable» !

En ce qui me concerne, j'aime le concept de cette taxe du droit des pauvres. J'aime penser qu'à chaque fois que je m'offre un moment de plaisir je paye quelque chose pour les démunis. C'est ça le sens du partage. Or, je constate que certains esprits, dans ce Grand Conseil, ne sont plus capables de raisonner autrement qu'en vertu du profit immédiat : sans coeur et sans esprit de partage ! (Applaudissements.) Cela me déçoit profondément, mais c'est un signe du temps... Vous pouvez sourire, Monsieur Brunschwig : c'est un signe du temps !

On le voit très bien : les règles de l'OMC, c'est exactement cela ! On peut le voir dans la bagarre qui commence à propos des taxes sur les énergies non renouvelables et dans laquelle les milieux économiques font une campagne mensongère, totalitaire et scandaleuse, avec l'argent qu'ils prélèvent chez leurs membres. Il n'y a plus que le profit immédiat qui compte, au détriment de toute considération sociale et de toute vision de société à moyen et long terme !

Mesdames et Messieurs, les radicaux se préoccupent de l'avenir... (Exclamations.) Ils ont le sens des responsabilités... (L'orateur est interpellé par M. Annen.) Annen - je te l'ai déjà dit - tu n'es pas obligé de faire hi-han à chaque fois que je dis quelque chose ! (Rires.) J'insiste, lorsqu'on s'offre quelques instants de plaisir, il me semble que c'est une bonne chose de partager avec les plus démunis : c'est un état d'esprit. J'ai reçu une éducation allant dans ce sens, j'ai essayé de la transmettre à mes enfants et j'essaye d'être conforme à l'éducation que j'ai reçue dans mon action politique, contrairement à certains catholiques démocrates-chrétiens ! (Rires et applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Albert Rodrik (S). Je vais essayer d'être la face sobre du débat...

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, pour la troisième fois en trois ans, je vais répéter que cette initiative, en grande partie mensongère, est une chance unique de réformer une taxe qui n'attendait que cela depuis longtemps. J'espère vivement que nous n'allons pas rater le coche et que nous tenons cette fois la bonne occasion de la rénover pour pouvoir la garder longtemps.

Mesdames et Messieurs, je trouve parfaitement cynique de tirer argument du fait que le peuple a tendance à se montrer négatif sur certains sujets pour se délester et abandonner... Même si c'est vrai que le peuple de Genève, depuis le 16 février 1992, n'a accepté aucune initiative de nature fiscale, il est de notre devoir de nous battre pour préserver ces ressources qui sont nécessaires. Je ne savais pas que 8 millions étaient «cacahuètes» pour le parti démocrate-chrétien : on les mettra pour le Cartel, cela leur fera peut-être plaisir !

Je reviens maintenant à mon propos. Mesdames et Messieurs, nous avons enfin abouti à une modernisation de ce droit, alors j'espère que nous irons de l'avant.

Je voulais vous dire deux mots du tableau que le Bureau a eu l'obligeance de nous remettre. Il se présente comme des amendements, mais ce sont en réalité des modifications de texte très largement adoptées en commission, même par ceux qui ont voté contre en finale. Nous n'avons présenté qu'un seul et vrai amendement et celui-là, avec votre permission, Monsieur le président, nous l'exposerons en deuxième débat.

Je le répète, Mesdames et Messieurs, quelles que soient les tendances du peuple, nous devons défendre ce que nous considérons comme un acquis important pour une cause importante. La modernisation de cette taxe est une occasion unique que, j'espère, nous ne raterons pas ! 

Le président. Monsieur Marti, vous avez la parole !

M. Bernard Annen. Défends notre église, Pierre ! (Rires.)

M. Pierre Marti (PDC). Je suis quelque peu navré de la tournure de cette discussion, dans laquelle on tente de culpabiliser tout le monde... Il y a une certaine démagogie qui est faite à propos du sens du partage... Pourriez-vous me dire, Mesdames et Messieurs, si vous pensez vraiment que vous êtes en train de partager avec les pauvres, lorsque vous allez au cinéma ou au théâtre ?

M. John Dupraz. Oui, Monsieur ! (Rires et exclamations.) (Le président agite la cloche.)

M. Pierre Marti. Très franchement, Monsieur Dupraz, moi je vous aime beaucoup, mais une telle démagogie, c'est honteux !

M. John Dupraz. C'est pas très chrétien, tes propos !

M. Pierre Marti. Je sais que ce n'est pas chrétien, mais parfois il y a des choses qu'il faut dire !

Le président. Monsieur Marti, vous vous adressez à l'assemblée et à la présidence ! S'il vous plaît !

M. John Dupraz. Sinon le président, il va te convoquer ! (Rires.)

M. Pierre Marti. Monsieur le président, il y a quelques années, on a certainement dû oublier qu'il fallait se donner une bonne conscience et avoir le sens du partage au moment où la taxe de luxe a été abolie. Je le rappelle aux plus jeunes... Moi, j'ai connu cette époque, puisque j'ai plus de 60 ans... (Exclamations.) On payait donc une taxe de luxe sur un certain nombre de produits : alcools, parfums, etc. Et pourtant, cette taxe a été abolie...

Cette initiative nous permet de réformer, de moderniser, comme le dit M. Rodrik, le problème de la fiscalité, ce qui est une bonne chose, car cette taxe des pauvres est à mon avis tout à fait surannée. Mais le contreprojet qui nous a été présenté était tellement peu clair que nous ne savions plus où nous en étions. Nous avons posé de nombreuses questions et M. le rapporteur de minorité a également posé plusieurs questions. Malheureusement personne n'a compris les réponses apportées. Vous en serez d'accord, Monsieur le rapporteur !

Une voix. Il a quand même fait un bon rapport !

M. Pierre Marti. C'est vrai, il a quand même fait un rapport qui se tient, malgré les réponses très fumeuses ! Ce contreprojet, comme les discussions l'ont été en commission, est si confus qu'il nécessite de nombreux amendements. On ne peut malheureusement pas renvoyer ce projet en commission, en raison des délais qu'il faut respecter.

Il faut tout de même rappeler que les propriétaires de salles de cinémas, se sont engagés clairement à baisser le prix des billets, même s'il est vrai qu'ils ont dit que c'était les clients qui payaient le droit des pauvres. Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de cet engagement ! (Exclamations.)

Si nous voulons véritablement aller de l'avant et si nous voulons avoir une taxe qui soit la plus sociale possible et proportionnelle au revenu et à la fortune, ce n'est que dans la fiscalité générale que nous trouverons la solution !

M. Albert Rodrik. On s'en souviendra ! (Le président agite la cloche.)

Mme Myriam Sormanni (S). Après avoir diminué les recettes fiscales - rappelez-vous la votation de septembre 1999 - voilà maintenant qu'une certaine droite veut encore diminuer des recettes fiscales ! Et puisque, comme le disait M. Brunschwig, le canton doit couvrir le déficit de l'Hospice général, il devra couvrir ce déficit de 8 millions.

Le droit à l'assistance est un droit pour qui en a besoin. Voulons-nous continuer à avoir une société où le fossé se creuse entre les pauvres toujours plus pauvres et les riches toujours plus riches ? Moi j'en appelle à votre conscience, et je vous demande de réfléchir à cela.

J'aimerais poser une autre question à ceux qui sont dans les milieux immobiliers : seriez-vous prêts à baisser les prix des loyers pour les gens qui ont des difficultés et qui n'arrivent pas à s'en sortir ? Les baisseriez-vous, par exemple, de 30, 40, voire 50% ? Feriez-vous cet effort ? 

M. Nicolas Brunschwig (L). Je vais répondre à quelques-unes des objections qui ont été faites dans cette enceinte, en particulier par M. Rodrik et par Mme Sormanni, qui finalement se rejoignent, si j'ai bien compris.

L'objectif de ce parlement est-il de maximiser les recettes fiscales globales, auquel cas nous sommes très largement d'accord de partager cet objectif avec vous, ou bien est-il de multiplier le nombre de taxes, auquel cas nous ne pouvons pas vous suivre ? Nous sommes convaincus que ce qui est important pour ce canton c'est d'avoir des recettes importantes, massives. Or, la diminution du nombre de taxes ainsi que l'abaissement des taux, comme nous avons pu le constater déjà cette année, amènent des augmentations de recettes fiscales. Ceci est vrai non seulement à Genève, mais dans tous les cantons de Suisse et dans tous les pays qui en ont fait l'expérience. Citez-moi un seul contre exemple, si vous le pouvez !

Monsieur Dupraz... Il n'est plus là, mais on lui rapportera... (Exclamations.) Ah, il est là ! Il est déjà presque au Conseil d'Etat, mais il devra patienter encore quelques mois ! Monsieur Dupraz, vous êtes sans nul doute le champion suisse du contingent laitier... Ce soir, vous nous avez montré que vous êtes sans doute le champion du monde de la démagogie !

M. John Dupraz. Ça, j'accepte pas, c'est mes convictions !

Le président. Monsieur Dupraz, regagnez votre place, s'il vous plaît !

M. Nicolas Brunschwig. Monsieur le président, je ne comprends pas ce député qui joue l'électron libre !

M. John Dupraz. T'as un tiroir-caisse à la place de la cervelle ! (Rires.)

M. Nicolas Brunschwig. En tout cas, en ce qui concerne vos qualités en termes de stratégie commerciale, j'exprime quelques doutes sur votre comparaison entre les commerçants, qui d'ailleurs ne prélèvent pas de droit des pauvres, et les organisateurs de manifestations !

Mais venons-en à l'essentiel qui a été exprimé par M. Lescaze : la fixation des prix ! Par qui les prix sont-ils fixés ? Bien évidemment par l'exploitant, en fonction du produit qu'il offre, en fonction du marché, en fonction de la concurrence. Alors, si en théorie le droit des pauvres est payé par le consommateur, comme la TVA d'ailleurs, la réalité est toute différente, car l'exploitant fixe le prix de son billet en fonction de la compétition et des possibilités du marché.

Je vais vous donner un exemple concret pour vous aider à comprendre. Lorsque la TVA est passée de 6,5% à 7,5% - c'était, sauf erreur, le 1er janvier 1999 - selon votre théorie, tous les prix auraient dû augmenter de 1%, vu que c'est le consommateur qui l'assume, et l'ensemble des distributeurs aurait donc dû augmenter leurs prix de 1%. Or, nous avons pu constater que très peu de prix ont évolué, justement parce que la compétition et la concurrence ne permettaient pas aux distributeurs d'augmenter leurs prix. Cette théorie ne se vérifie donc pas dans la pratique. Bien évidemment, les prix sont fixés en fonction des conditions du marché et non pas en fonction des différentes taxes qui existent. La taxe ne fait qu'enlever une partie de la marge à l'exploitant.

Mesdames et Messieurs les députés, Genève se doit d'organiser de nombreuses manifestations. Nous sommes un lieu d'excellence en terme culturel : nous avons des manifestations de qualité très largement subventionnées d'ailleurs, comme je l'ai évoqué, ce qui est sans doute légitime.

Le problème des organisateurs de manifestations est de deux sortes. Tout d'abord le coût des installations : vous savez qu'à Genève le coût des installations, en particulier lorsque cela se fait dans le cadre de Palexpo, est excessivement cher. Le coût de la place est très élevé, ce qui est dissuasif pour les organisateurs. Le deuxième problème est le droit des pauvres qui péjore financièrement les comptes d'exploitation qui sont presque déficitaires par définition dans ce genre d'organisation. Ce sont ces quelques centaines de milliers de francs ou quelques dizaines de milliers de francs qui manquent dans les comptes d'exploitation qui font que ces derniers se retrouvent dans les chiffres rouges.

De plus, le droit des pauvres alourdit incroyablement les démarches à effectuer pour les organisateurs de manifestation. Tous ceux qui ont organisé des kermesses ou autres manifestations le savent bien. Il faut aller discuter, dialoguer, négocier, expliquer quelle partie du prix correspond à la manifestation, quelle partie du prix correspond à la restauration, etc. Tout cela est très lourd et très compliqué. Les aspects financiers négatifs ainsi que les démarches administratives que cette taxe du droit des pauvres implique sont tout à fait dissuasifs et défavorisent le canton de Genève. Nous sommes convaincus, je le répète, que la suppression du droit des pauvres amènera davantage de manifestations, une augmentation du revenu cantonal et des recettes globales plus importantes.

Mais nous ne pouvons malheureusement que constater que la majorité de ce parlement ne nous suit pas sur ce raisonnement. 

M. Claude Blanc (PDC). M. Dupraz m'a traité tout à l'heure de populiste... (Exclamations.) Alors, Mesdames et Messieurs les députés, que dire de lui ? (Rires.) Dupraz, lui, il n'est pas seulement populiste, il est démagogique à un point - tout le monde le sait dans ce Grand Conseil - qu'il a tenté de séduire toutes les tendances de ce parlement en espérant récolter des voix - ce qui lui a réussi jusqu'à présent, d'ailleurs, et ce qui lui réussira probablement encore... Mais il devrait commencer par se regarder dans la glace avant de taxer les autres de populistes !

Moi, Monsieur Dupraz, mon populisme me conduit à mouiller ma chemise dans des associations qui, semaine après semaine, se crèvent la peau - si vous me passez l'expression - pour organiser des manifestations de petite envergure ! Tous les lundis - parce que le droit des pauvres ne se contente pas d'encaisser : ses méthodes sont inquisitoriales - il faut qu'une personne bénévole d'une de ces sociétés se rende au droit des pauvres pour apporter les comptes du week-end. Lorsqu'un match est organisé, qui vous rapporte 500 F, il faut apporter les billets le lundi matin au droit des pauvres. C'est comme cela que cela fonctionne ! Alors, les populistes, Monsieur Dupraz, ce sont ceux qui mouillent leur chemise et qui se sentent pressés et persécutés, car, s'ils oublient de se rendre au droit des pauvres un lundi, on leur rappelle que la loi les y oblige. Alors, comprenez que nous en avons assez de faire ce genre de démarches ! Et tous les gens qui comme moi mouillent leur chemise, dimanche après dimanche, en ont marre ! Alors, Monsieur Dupraz, vous irez expliquer à ces personnes ce que vous nous avez dit ce soir !

J'en reviens à l'assistance publique d'une manière générale, car c'est de cela qu'il s'agit. J'ai la constitution sous les yeux qui dit, à son titre 13, à l'article 169 : «Les organismes chargés de l'assistance publique sont : a) l'Hospice général, institution genevoise d'action sociale, b) les autres organismes publics ou privés auxquels la loi attribue de telles tâches.» De nombreux organismes, en commençant par Caritas, le Centre social protestant, etc., ont donc le droit d'émarger au budget de l'Etat, en vertu de l'article 170A de la constitution qui dit : «Le déficit des organismes chargés de l'assistance publique - ceux que je viens de citer - est couvert par un crédit porté chaque année au budget de l'Etat.» Il n'est donc nullement question du droit des pauvres ici !

Le droit des pauvres, c'est en quelque sorte une roue de secours, un appoint supplémentaire ! Mais c'est un appoint supplémentaire qui est devenu dérisoire par rapport aux tracas qu'il occasionne à tous ceux qui sont obligés de le prélever ! Alors, pour 8 millions que vous mettez dans les 5 milliards que l'Etat encaisse chaque année, pour ces 8 millions, vous emmerdez le monde, Mesdames et Messieurs, dimanche après dimanche ! Le droit des pauvres nous oblige à faire des décomptes fastidieux... (Le président agite la cloche.) ...pour verser des clopinettes chaque semaine ! Il faut arrêter ce cirque ! Il faut cesser de se donner bonne conscience par rapport aux plus démunis ! Ce n'est pas vrai ! C'est la constitution qui fixe la source de l'aide aux plus démunis ! Et le droit des pauvres, c'est des cacahuètes ! Et je remercie M. Rodrik de ne pas avoir parlé de peanuts !

M. Olivier Vaucher. Je suis d'accord avec toi ! 

Le président. Je donne encore la parole aux deux rapporteurs et nous passerons ensuite au vote. Je vous donne la parole, Monsieur le rapporteur de majorité.

M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Monsieur Lescaze, je ne vous ferai pas le cinéma que vous nous avez fait tout à l'heure de façon fort hollywoodienne en parlant de la modernisation due à ce contreprojet... Voulez-vous me dire en quoi ce contreprojet modernise la taxe du droit des pauvres ? On passe du coucou à l'avion à hélice ! On passe de la draisienne au grand bi ! Si l'on était passé au vélo de M. Annen, alors là on aurait pu parler de modernisation ! Malheureusement, ce n'est pas le cas ! J'ai un texte sous les yeux qui dit notamment : «L'engagement pris par les milieux que défendent les initiants de baisser les tarifs, si la taxe était supprimée, est réel, car la nécessité d'attirer une clientèle disparue est vitale.» Ça c'est du concret ! Par contre, les supputations et les hypothèses émises par certains dans ce parlement ne sont que du vent !

Toutefois, nous devons nous excuser... (Exclamations.) On parle malheureusement du droit des pauvres et en prononçant le mot «pauvre» nous avons empiété sur le bas de laine, le fonds de commerce de nos amis qui pour une fois se trouvent derrière moi ! Notre système, comme l'a rappelé M. Brunschwig avec intelligence, consiste à obtenir de meilleures rentrées fiscales par une meilleure attractivité, s'agissant de culture et de spectacles, ce qui permettra aux personnes qui ne le peuvent pas à l'heure actuelle d'y avoir accès. C'est une autre vision des choses. Ce n'est certainement pas contre les pauvres qu'est dirigée notre action, mais, bien au contraire, pour eux ! 

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Je n'aimerais pas revenir sur certains arguments personnels. Je trouve que ce débat a quelque peu dérapé et en ce qui concerne la culture et les spectacles de nature sportive - qui sont aussi des spectacles - je rappellerai tout de même qu'il n'y a pas que le coût des installations et le droit des pauvres qui portent préjudice à leur organisation. En tout cas, en matière de concerts comme de théâtre, plus l'on joue, plus l'on a de succès, et plus cela coûte, contrairement à un commerce normal. On ne peut donc pas appliquer les règles normales du commerce que connaissent fort bien certains opposants libéraux aux organisations de spectacles culturels ou sportifs. Pour le reste, je me borne à constater qu'il y a entre M. Miguel Stucki et M. Nicolas Brunschwig un désaccord intéressant, mais qui n'a finalement pas grand-chose à voir avec le débat.

Il y a eu tout au long des débats en commission, et ça vient de resurgir maintenant, de basses attaques contre les fonctionnaires chargés de prélever le droit des pauvres. On leur a quasiment reproché d'en être encore au Moyen-Age, une époque où il n'y avait quand même pas le droit des pauvres, même s'il est plus ancien que le régime de James Fazy. Le contreprojet offre un système beaucoup plus simple, beaucoup plus souple, puisqu'il permettra précisément aux organisateurs qui «mouillent leur chemise» pour des sociétés de bienfaisance de ne plus avoir à aller le lundi matin au droit des pauvres. Ils pourront donc faire la grasse matinée s'ils le souhaitent !

Je rappelle d'ailleurs que le département a déclaré à la commission - cela figure dans mon rapport à la page 15 - que la loi a toujours été appliquée avec souplesse et discernement. (Exclamations.) Et je ne doute pas que cela soit encore le cas à l'avenir.

Enfin, je répète une nouvelle fois que, quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse, l'appoint que le droit des pauvres procure à de très nombreuses organisations sociales n'est certainement pas dérisoire. C'est là le véritable but du droit des pauvres, et c'est cela que nous voulons maintenir en l'ayant modernisé. 

M. Gérard Ramseyer. Ce contreprojet, le Grand Conseil l'a voulu le 29 juin de l'an dernier. Il maintient un principe général sur une taxe aux spectacles. A ce principe général, j'entends répondre. Mais, au préalable, je tiens à dire qu'un démocrate devrait avoir de la peine à dire qu'il n'y a pas de pauvres... En tous les cas, un chrétien n'en a pas le droit ! (Exclamations.)

Ce contreprojet abaisse un certain nombre de taux. Il exonère les oeuvres de bienfaisance. Il supprime les petites taxes perçues comme des chicanes. Il propose des simplifications administratives. Il en proposera d'autres encore demain, lorsque le droit des pauvres deviendra à son tour une priorité sur le plan informatique, mais vous m'accorderez que ce n'est pas encore aujourd'hui que le droit des pauvres est une priorité informatique.

Si l'initiative passe, nous perdrons entre 12,4 millions et 14,6 millions. Si ce contreprojet est accepté, il y aura quand même des conséquences : nous perdrons entre 4 millions et 6,2 millions, mais nous gagnons une simplification administrative qui n'est pas négligeable. Je suis personnellement surpris et peiné que l'on puisse dire du côté des initiants que de toute façon on trouvera de l'argent ailleurs... Ce n'est vraiment pas ce que j'avais cru comprendre jusqu'à maintenant !

Treize cantons font comme Genève. Le cinéma qui fait beaucoup de bruit ne représente que 16% du droit des pauvres. Le sport, dont on parle beaucoup, Monsieur Brunschwig, représente 3% du droit des pauvres, et ce ne sont pas ces 3% qui jouent un rôle quelconque sur les organisations dont vous parlez ! Monsieur Brunschwig, le football aura rapporté en une année 300 000 F, ce même sport pour lequel on s'apprête à dépenser 70 millions... C'est bien la preuve que le problème n'est pas le droit des pauvres, mais le manque d'installations. Vous êtes suffisamment versé dans la partie pour savoir que c'est uniquement un problème d'installations !

On a parlé des pauvres, mais pour moi Pro Senectute, le club Fauteuils roulants, les Colis du coeur ou Suisse transplant ne sont pas des pauvres stricto sensu, mais toute cette myriade de petites associations reçoivent un appoint qui est bienvenu.

C'est la raison pour laquelle en conclusion, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve que cette taxe a un côté moral, un côté éthique, un côté qui fait partie de notre fierté.

Monsieur Marti, vous savez combien je vous apprécie, mais je tiens à vous dire que lorsque je me rends dans une manifestation, lorsque je vais au cinéma, lorsque je m'amuse, lorsque je me rends au stade, cela me fait plaisir, d'une certaine manière, de savoir que je paye un petit peu pour quelqu'un qui ne s'amusera plus jamais ou pour quelqu'un qui est en fauteuil roulant. A ceux qui parlent des grandes manifestations, je dis ceci : prenez le temps ce week-end d'aller à Bernex voir le tournoi de football organisé pour les trisomiques ! Les billets comprennent une petite taxe, mais quand vous verrez ce qui a été fait avec cette petite taxe, vous serez d'accord avec moi pour reconnaître que vraiment la valeur éthique de cette taxe mérite qu'on s'y attache. C'est en tout cas ce qui devrait être votre fierté de député ! (Applaudissements.)

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le président. Nous sommes saisis de deux séries d'amendements. Deux tableaux vous ont été présentés. Je prends le premier.

Demande d'amendement présentée par Mme et MM. Briol, Grobet, Lescaze et Rodrik consistant tout d'abord à intégrer dans le titre : «Pour un droit des pauvres équitable», ce qui donne le titre suivant :

«Projet de loi modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05) «Pour un droit des pauvres équitable» (contreprojet du Conseil d'Etat à l'initiative populaire 110 «Pour la suppression partielle du droit des pauvres»)»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, le préambule est adopté.

Article unique (souligné)

Art. 443 (nouvelle teneur)

Le président. Nous sommes également saisis d'un amendement qui figure sur le même tableau, à l'article 443, alinéa 1, que je vous lis rapidement :

«1Il est institué une taxe dite du «droit des pauvres» dont le produit est affecté à des activités relevant des domaines de l'action sociale, de l'aide en cas de catastrophes et des conflits, ainsi que de la santé publique.

2Sous déduction des frais de perception et de contrôle, le produit de la taxe est versé :

- à raison de 70% à l'Hospice général en tant que ressources complémentaires pour l'accomplissement de ses tâches d'assistance publique,

- à raison de 30% à l'Etat de Genève pour les activités énumérées à l'alinéa 1.

3Toute allocation prise sur la part attribuée à l'Etat doit faire l'objet d'une loi si elle atteint ou dépasse la somme de 10 000 F pour la même oeuvre et dans la même année. La liste des bénéficiaires est publiée chaque année dans la Feuille d'avis officielle (FAO).»

M. Albert Rodrik (S). Au sens strictement technique, cet article 443 n'avait pas besoin d'être modifié. Il s'agit simplement, avant de soumettre un projet à un vote populaire, de ne pas nous contenter de détails techniques des taux, mais de rappeler le comment et le pourquoi des choses au-delà de vos épiceries et de vos modernités, qui sont aussi ringardes que vos discours ! (Exclamations.)

Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit de dire au peuple ce que nous faisons et comment nous le faisons ! J'ai distribué pendant vingt ans avec honneur et distinction, grâce à mes conseillers d'Etat, le produit de ces droits des pauvres pour qu'un certain nombre de gens dans ce canton puissent bénéficier de choses qu'on ne peut pas éternellement puiser dans le budget ! Mesdames et Messieurs, avez-vous vu la dernière annonce du Comité d'initiative ? Ils ont écrit, je cite de mémoire : «...puisque nous apprenons que l'Hospice général se dote de bons outils de gestion pour devenir une entreprise performante, cela signifie qu'ils n'ont pas besoin du droit des pauvres !» Je vous laisse, vous et le peuple, réfléchir à ce genre de propagande, et je vous demande de voter cet amendement ! (Applaudissements et bravos.) 

Le président. Je soumets donc à votre approbation l'amendement que je viens de vous lire.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 443 ainsi amendé est adopté.

Art. 445 (nouvelle teneur)

Le président. Nous sommes saisis d'un nouvel amendement à l'article 445, alinéa 2. Vous le trouverez sur le deuxième tableau sur lequel figure à gauche la loi actuelle, puis le projet de loi tel que présenté au centre et les amendements de la minorité à votre droite. Cet amendement a la teneur suivante :

«2La taxe sur le produit brut des jeux des casinos au bénéfice d'une concession B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu selon les articles 40 et ss de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les articles 74 et ss de l'ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ). Le taux applicable correspond au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi, soit 40% de l'impôt fédéral perçu.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'alinéa 3 qui figure également sur le même tableau et qui consiste à supprimer : «soit encore d'autres personnes» à la fin de la phrase, après «soit de ses membres», ce qui donne :

«..., soit de ses membres. Pour bénéficier...»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Nous sommes encore saisis d'un amendement à l'alinéa 4 qui figure aussi sur le même tableau et qui consiste à modifier la fin de la phrase, comme suit :

«..., l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 445 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 446 est adopté, de même que l'article 447.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8193)

modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05)" Pour un droit des pauvres équitable"(contre-projet du Conseil d'Etat à l'initiative populaire 110 "; Pour la suppression partielle du droit des pauvres ")

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :

Art. 443 (nouvelle teneur)

1 Il est institué une taxe dite du "; Droit des pauvres " dont le produit est affecté à des activités relevant des domaines de l'action sociale, de l'aide en cas de catastrophes et de conflits, ainsi que de la santé publique.

2 Sous déduction des frais de perception et de contrôle, le produit de la taxe est versé :

3 Toute allocation prise sur la part attribuée à l'Etat doit faire l'objet d'une loi si elle atteint ou dépasse la somme de 10 000 F pour la même oeuvre et dans la même année. La liste des bénéficiaires est publiée chaque année dans la Feuille d'Avis officielle (FAO).

Art. 445 Taux (nouvelle teneur)

1 Sous réserve des alinéas 2 à 4, le taux ordinaire de la taxe s'élève à 10 % de la recette brute versée par l'ensemble des clients, spectateurs, auditeurs ou autres participants. La taxe sur les loteries nationales et intercantonales, qui est perçue en sus des enjeux auprès des joueurs, s'élève également à 10 %.

2 La taxe sur le produit brut des jeux des casinos au bénéfice d'une concession B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu selon les articles 40 et ss de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les articles 74 et ss de l'Ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ). Le taux applicable correspond au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi, soit 40 % de l'impôt fédéral perçu.

3 La taxe est réduite à 5 % pour les spectacles ou manifestations organisés par les sociétés locales sans but lucratif, pour autant que ces spectacles ou manifestations ne comportent pas, à un titre quelconque, l'exercice d'une activité professionnelle ou commerciale, même accessoire, soit au profit de la société elle-même, soit de ses membres. Pour bénéficier de la réduction, les sociétés doivent avoir leur siège à Genève, être constituées depuis deux ans au moins et produire des statuts qui établissent clairement qu'elles n'ont pas un but lucratif.

4 Les spectacles, manifestations ou fêtes dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance sont exonérés totalement de la taxe. Toutefois, si le produit net n'atteint pas le 50 % de la recette brute, l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.

Art. 446 (abrogé)

Art. 447 Forfait (nouvelle teneur)

Pour les installations foraines, ou lorsqu'il n'est pas délivré de billets d'entrée permettant un contrôle exact des recettes, la taxe peut être convertie par le Département de justice et police et des transports en une somme fixe payée par jour, par semaine ou par mois. Ce forfait est calculé sur la base de 1 à 5 % de la recette brute (TVA déduite). Les personnes physiques ou morales soumises à la taxe forfaitaire sont tenues de produire les renseignements et comptes demandés par le département.

Le président. Monsieur Pagani, vous désirez vous exprimer ?

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, je propose que nous continuions notre ordre du jour pour traiter de l'hétérogénéité au cycle d'orientation, comme cela était prévu. Ce sujet est important, car il concerne tous les élèves du canton du cycle d'orientation.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il avait en effet été prévu dans l'organisation de nos travaux de ce soir de traiter les points 20, projet de loi 8203, 21, projet de loi 7697-A et 22, motion 1336. Etant donné qu'il est déjà 23 h 10, je mets aux voix la proposition de M. Pagani de traiter ces points encore ce soir. Je suis bien entendu à votre disposition pour cela.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

PL 7697-A
7. a) Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier le projet de loi de Mmes Elisabeth Reusse-Decrey, Nicole Castioni-Jaquet et Liliane Charrière Debelle modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10). ( -) PL7697Rapport de majorité de M. Bernard Lescaze (R), commission de l'enseignement et de l'éducation
Mémorial 1997 : Projet, 6095. Renvoi en commission, 6098.
Rapport de majorité de Mme Marie-Françoise de Tassigny (R), commission de l'enseignement et de l'éducation
Rapport de minorité de M. Jean-François Courvoisier (S), commission de l'enseignement et de l'éducation
PL 8203
b) Projet de loi de Mmes et M. Caroline Dallèves-Romaneschi, David Hiler et Jeannine de Haller modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10). ( )PL8203
M 1336
c) Proposition de motion de Mmes et M. Janine Hagmann, Janine Berberat, Nelly Guichard, Vérène Nicollier, Michel Parrat et Marie-Françoise de Tassigny pour l'étude d'une modification des structures du cycle d'orientation. ( )M1336

Rapportde la Commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier le projet de loi 7697

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur : Mme Marie-Françoise de Tassigny

Lors de sa séance du 26 janvier dernier, la majorité de la Commission de l'enseignement a décidé d‘étudier le projet de loi 7697 concernant la 7e hétérogène et ce, malgré la position de la minorité qui avait jugé préférable d'attendre le rapport final demandé par le DIP à son service de la recherche en éducation (SRED).

Il aura fallu quatre séances, les 2, 9, 16 février et le 2 mars 2000 pour traiter de ce projet de loi. Les séances ont eu lieu sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny pour deux séances et de Mme Caroline Dalleves-Romaneschi pour les deux autres (en l'absence de la présidente).

La commission a été assistée dans son travail par M. Schurch, directeur général du Cycle d'orientation. De plus, les travaux de la commission ont été retranscrits fidèlement par M. Jean-Luc Constant, procès-verbaliste.

Qu'ils soient remerciés pour leur contribution.

Rappel contextuel et historique

Ce projet de loi traite d'une modification fondamentale du Cycle d'orientation. En effet, il propose de généraliser la 7e hétérogène dans l'ensemble du Cycle d'orientation, une réforme déjà opérante au Collège de Budé, des Coudriers et du Bois Caran.

Ces trois collèges ont introduit en lieu et place des sections dès la 8e, un système de cours à niveaux (allemand et mathématiques) et à option qui permet d'individualiser, dans une certaine mesure, la formation de l'élève.

L'objectif visé par cette réforme repose sur un véritable débat de société : Faut-il orienter, plus ou moins tôt, les élèves en leur apportant dès la 7e du cycle des cours spécifiques selon leurs sections ou faut-il, au contraire, leur laisser le temps de s'orienter en homogénéisant l'enseignement et en avançant avec des niveaux « de branche » ?

Par ailleurs, il est rappelé aux commissaires que depuis déjà dix années le Cycle d'orientation a mis en place une longue réflexion qui est aujourd'hui sur le point d'aboutir et d'être concrétisée à la rentrée scolaire 2000. Le point fondamental de cette réflexion repose sur la détermination de ce que les adolescents doivent acquérir pendant les trois derniers degrés de la scolarité obligatoire.

Cette finalité est aussi discutée dans d'autres pays européens.

En effet, différents constats ont amené le corps professoral à se poser des questions : tels le comportement des adolescents, l'augmentation de la violence, le non respect des professeurs ; telle l'introduction de nouvelles branches comme l'informatique, créant ainsi la suppression d'une autre branche ; telle la nouvelle façon d'apprendre par des séquences d'apprentissage reposant sur une pédagogie active. En effet, le rôle du professeur change considérablement dans cette nouvelle optique. Dès 1997, le Cycle s'est attelé à la « redéfinition » des objectifs d'apprentissage de toutes les disciplines et à la réécriture des plans d'étude ainsi qu'à une nouvelle grille horaire qui sera appliquée à la 7e, dès la rentrée 2000.

Cette rénovation vise à supprimer l'enseignement tel qu'il était connu jusqu'à présent. D'une démarche enseignante, il passe à une démarche d'apprentissage.

Il s'agit d'assigner les mêmes objectifs d'apprentissage à tous les élèves contrairement à ce qui se pratique actuellement. En effet, certains élèves, par exemple, de latine et scientifique ne font pas d'anglais. Cet état de fait ne devra plus exister.

Il ne faut pas confondre les objectifs d'apprentissage et les objectifs d'acquisition, les confondre signifierait que l'on vise le sommet pour tous les élèves. En revanche, il ne faut pas non plus interdire aux élèves de commencer l'ascension.

Le contexte des années 60-70, où figuraient 40 % d'élèves dans la section prégymnasiale, 40 % dans la section générale et 20 % dans la section pratique, s'est modifié comme suit : à ce jour, 70 % des élèves sont en prégymnasiale.

Une classe hétérogène existe donc de fait mais pas dans une version absolue.

Travail de la commission

Pour traiter et étudier cette rénovation proposée par le Cycle d'orientation, la commission a procédé à une série d'audition.

Audition de Mme Martine Brunschwig-Graf, conseillère d'Etat en charge du Département de l'instruction publique, accompagnée de MM. Norberto Botani, directeur du SRED, François Rastoldo et Bernard Favre, collaborateurs scientifiques au SRED.

Mme Brunschwig-Graf précise qu'elle a mandaté le SRED pour un rapport intitulé « Hétérogénéité et différenciation du Cycle d'orientation. Le débat genevois dans le contexte national et international : pratiques et recherches » et annonce que le rapport du SRED est en cours de validation auprès de son service. Seul un rapport intermédiaire a été remis aux commissaires.

Mme Brunschwg-Graf explique qu'une analyse de la situation a été souhaitée dans le cadre du débat instauré par le projet de loi et que cette recherche de nature scientifique est indispensable pour traiter un sujet aussi complexe.

Elle rappelle qu'il est délicat de traiter ce sujet sans en avoir le rapport final détaillé. De plus, Mme Brunschwig-Graf insiste sur le fait que les choix à effectuer sont de nature politique mais aussi de nature idéologique.

M. Botani explique qu'il ne s'agit que du rapport intermédiaire qui fait état des travaux d'exploration pour cadrer la problématique, déterminer les enjeux et connaître la situation en dehors de Genève. M. Botani est admiratif devant la richesse du travail effectué dans ce domaine à Genève. Il souhaite replacer la problématique en question car, aujourd'hui, on se trouve dans une configuration économique éducative et sociale nouvelle. De nouveaux défis doivent être relevés. Il y a un cadre nouveau que l'on ne peut ignorer et c'est dans cette perspective là que l'on peut parler d'histoire inachevée.

M. Favre explique la structure et le contenu du rapport qui relate l'état de la question, le fond du problème et l'horizon sur lequel apparaît la proposition d'introduire l'hétérogénéité en début de 7e année. Les experts ont voulu dessiner l'horizon spatio-temporel, c'est-à-dire la situation suisse est celle des pays européens qui présentent des raisonnements différents et des solutions différentes selon si on la considère intégré dans un processus d'enseignement ou exclusivement dans une formation de base.

De même, M. Favre précise que la recherche scientifique n'a pas apporté de réponse définitive. Les auteurs ont montré la multiplicité des facettes. Dans le rapport final, ils présentent les arguments militant en faveur d'un tronc commun ainsi qu'un certain nombre de réserves, d'obstacles et de difficultés.

M. Botani précise que le travail exploratoire a été effectué. Le travail en cours actuellement est de saisir l'opinion des principaux acteurs en cause pour déterminer les facteurs favorables et ceux défavorables.

M. Rastoldo signale qu'une enquête est en cours auprès des élèves de 7e année à section ainsi qu'auprès des groupes d'acteurs adultes, soit les directions du cycle et les enseignants ainsi que les enseignements de 6e et les parents d'élèves. Il précise que toutes les prises d'information ont été faites, à l'exception des enseignants. Il reste donc à analyser les enquêtes conjointement ce qui aboutit à un calendrier de fin d'année.

Audition de la FAMCO

M. Georges Bellon, maître au Collège de Bois-Caran.

M. Bellon, maître dans un cycle appliquant une 7e hétérogène en rénovation. Il s'insurge en faux devant une dépêche de l'ATS qui parlait de nivellement par le bas. Il cite plusieurs exemples pour démontrer le contraire. Il constate que les résultats ne s'avèrent absolument pas inférieurs dans une classe hétérogène. Il n'y a donc aucune raison de vouloir séparer les élèves qui présentent un esprit de coopération et de partage à souligner. M. Bellon pense que la 7e hétérogène est un choix politique et invite la commission à avoir le courage d'opérer un tel choix. Les commissaires interrogent M. Bellon sur les aspects concrets de la réforme, la formation des enseignants, les moyens mis à disposition et le climat qui règne dans son cycle.

Audition des représentants du SSP/VPOD et du SPG

MM. Gilles Milliquet, Alain Denizot, Jean-Marc Richard (SPG) et Charles Heimberg et Mmes Anne Michel, Claire Martenot et Marie-Ange Barthassat (SPG).

La représentante des syndicats des enseignants, Mme Michel, relève que ces derniers sont impliqués à différents titres dans des projets de réforme. Ils savent bien que tout changement au sein de l'école relève de la complexité et touche à différents piliers comme la structure ou les moyens. Il se trouve toutefois que l'un de ces piliers est aujourd'hui bloqué. Ils soulignent aussi que le problème se situe au niveau d'un blocage idéologique.

M. Milliquet pour le SPG tient pour sa part à évoquer la cohérence du système. La suppression des notes vient d'être décidée au niveau du primaire sauf en 6e année. Il n'y a donc plus de logique au système. Cette situation fait que le SPG appuie totalement le projet de loi. Mme Martenot insiste sur la motivation des élèves et la qualité de leur intégration.

Les commissaires échangent ensuite avec les représentants des syndicats et du SPG sur le retardement de la sélection et la prolongation de la durée des études, la cohérence entre le système d'enseignement du primaire et du cycle d'orientation et les effets pervers de l'orientation.

Audition des membres du comité de l'UCESG

MM. François Bertagna, Henri Magnenat et Jean-Claude Buffo, Mme Christa Dubois-Ferriere

M. Bertagna défend la position de l'UCESG qui repose sur un constat à savoir que l'hétérogénéité pratiquée dans un certain nombre d'établissements restreint toutefois en raison de blocages. Il rappelle que son groupement insiste sur la nécessité de faire des choix progressifs et d'avoir des possibilités de réorientation. M. Bertagna constate que la réforme de l'ORM a engendré un très large hétérogénéité à l'intérieur des collèges de Genève induisant une valorisation du choix des élèves. Il note aussi l'existence de la logique des options qui doit être maintenue, développée et amélioré. Il précise que ses remarques s'inscrivent dans une cohérence générale.

Les commissaires s'entretiennent avec les représentants de l'UECESG sur la liason CO-PO, sur la grille horaire, sur la possibilité d'extension de l'hétérogénéité pour la 8e et la 9e, de la prolongation de l'orientation en 10e degré.

Audition de M. Schurch, directeur général du CO

M. Schurch distribue aux commissaires un dossier relatif au projet de loi 7697. Il commente un bref historique de la démarche entreprise au CO, la nouvelle grille horaire du CO, les sept points devant figurer dans les places d'étude.

Il précise que la nouvelle grille horaire n'est pas un but en soi mais un moyen d'introduire de nouvelles pratiques enseignantes dans le but de passer de la notion d'empilement des connaissances à la notion de construction des connaissances. Pour finaliser les plans d'études, il s'est avéré nécessaire de fixer le temps de chaque discipline. La grille horaire est définitive pour la 7e et peut avoir encore quelques légers aménagements pour la 8e et la 9e. Les commissaires s'interrogent sur plusieurs aspects de la grille horaire avec M. Schurch sur les cours à option, sur la maîtrise de classe, sur l'éventualité de suppression de cours, sur le mécontentement d'une partie du corps professoral, sur l'introduction de la nouvelle grille horaire.

Discussion de la commission

La présidente met au voix la proposition d'auditionner un directeur d'un CO qui ne soit pas en rénovation étant entendu que la commission s'apprête à rencontrer le directeur du Cycle des Coudriers.

Vote

Motion 1096, complément à la passerelle uni-emploi

Est mis aux voix la proposition d'auditionner un représentant des professeurs de latin

Une discussion s'instaure entre les membres de la commission sur quatre aspects fondamentaux qui soustendent ce projet de loi

sur la pertinence du moment pour accepter un projet de loi alors que nous ne sommes pas en possession du rapport final sur le sujet

sur les aspects financiers d'application de cette référence qui ne sont pas encore chiffrés précisément

sur le constat que l'enseignement fait l'objet actuellement de beaucoup de réformes et qu'il serait peut être souhaitable de faire une pause

sur le fait que la proposition du projet de loi est digne d'intérêt mais qu'il serait souhaitable que la réforme concerne l'ensemble du cycle pour ne pas créer une réforme au rabais.

Certains commissaires jugent prématurés l'entrée en matière mais veulent montrer leur préoccupation pour le problème de l'hétérogénéité en donnant un signal clair au DIP par une motion.

La présidente met aux voix la proposition d'élaborer une motion.

La présidente met aux voix la proposition d'entrée en matière.

La majorité de la commission a donc refusé le vote d'entrée en matière considérant les quatre aspects fondamentaux cités précédemment, laissant surtout du temps au Département de l'instruction publique pour fournir des éléments scientifiques solides et étayés pour bâtir une véritable réforme du Cycle d'orientation. L'importance de ce changement mérite de réunir l'adhésion de tous les acteurs concernés, direction du Cycle d'orientation, enseignants et classe politique afin de ne pas mettre en péril un fleuron de l'enseignement genevois : le Cycle d'orientation.

Ce sont les raisons pour lesquelles la majorité de la commission vous prie de suivre leur position et de refuser l'entrée en matière de ce présent projet de loi.

Projet de loi(7697)

modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940, est modifiée comme suit:

Art. 54 Orientation (nouvelle teneur)

1 L'orientation continue des élèves est notamment assurée par l'observation directe, par l'évaluation formative ainsi que par des entretiens avec l'élève, sa famille et les conseillers en orientation scolaire.

2 Afin d'éviter une sélection trop précoce, le septième degré est organisé dans tous les collèges en classes hétérogènes, sans section.

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11RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur : M. Jean-François Courvoisier

Je ne reviendrai pas sur les des motifs exposés dans le présent projet, qui à eux seuls justifient pleinement son envoi au Conseil d'Etat.

Mais, au cours des auditions que nous avons eues en commission, à la suite de notre visite aux Coudriers et de la lecture du rapport du groupe de recherche sur la gestion de l'hétérogénéité et la différenciation au Cycle d'orientation, d'autres motifs me sont apparus, qui rendent encore plus indispensable l'adoption sans délai de ce projet.

Les principales objections évoquées par M. Georges Schurch, directeur général du Cycle d'orientation, à la 7e hétérogène sont que celle-ci amènerait un nivellement par le bas, que les élèves doués seraient freinés dans leur instruction et donc moins bien préparés à affronter la suite de leurs études.

Cet argument est démenti à la page 14 du rapport précité où il est écrit : « quant aux résultats des élèves, il apparaît que la 7e hétérogène offre plus de stimulation pour les élèves moyens et faibles. Sans pour autant handicaper les bons élèves ».

Les classes homogènes ne semblent pas donner de meilleurs résultats en ce qui concerne les élèves doués, elles ont cependant un effet pervers sur les élèves faibles comme il est écrit à la page 47 du même rapport : « toute une série d'études qualitatives des élèves appartenant à des sections ou des niveaux différents : les fait apparaître des différences assez nettes entre les attitudes et comportements élèves forts développent des attitudes positives face à l'école et les élèves faibles des attitudes négatives. En regroupant des élèves de cette manière, l'école envoie des messages dévalorisants à une partie de sa population qui répond ensuite en conséquence par de l'indiscipline, un faible investissement dans l'apprentissage et le rejet de l'école. En différenciant trop tôt, au début du secondaire déjà, l'école crée un groupe d'élèves « désillusionnés » dont les attitudes et les comportements se détériorent encore avec le temps (Eder & Felmee, 1983 ; Taylor, 1993). Taylor soutient que, sur ce plan, le report de la différenciation serait d'un bénéfice considérable pour les élèves faibles. D'autres résultats montrent que la classe hétérogène, qui évite en partie les phénomènes d'étiquetage des élèves, conviendrait mieux à cette catégorie d'élèves (Reid et al., 1981, cité par Sukhnandan, 1998). De même, les regroupements correspondant à une ségrégation moins marquée comme la différenciation interne semblent leur être moins néfaste ».

Et toujours dans le même rapport, à la page 48 : « une partie des recherches portant sur l'image de soi des élèves confirment la polarisation et montrent que les regroupements homogènes augmentent l'estime de soi des élèves forts et réduisent celle des élèves moyens et faibles, en comparaison avec ce qui se passe dans le regroupement hétérogène. L'explication avancée est que les élèves, fréquemment « étiquetés » par les enseignants ou par leurs pairs comme forts ou faibles placés dans un environnement hétérogène ont une image de soi plus proche de celle des élèves forts que leurs semblables dans un regroupement homogène semble confirmer cette hypothèse ».

Les expériences faites en Angleterre démontrent également jusqu'à quel point cette sélection précoce peut être injuste. « Des recherches réalisées avant tout en Grande-Bretagne ont examiné un autre aspect de ce problème, à savoir la manière dont les enseignants sont effectivement affectés à des classes de différents niveaux. Il ressort que, en débit de toute idée d'équité (accès égal des élèves aux ressources éducatives), les enseignants les plus qualifiés et les plus expérimentés semblent avoir une plus grande probabilité d'enseigner dans les classes fortes. Finley (1984) signale que les enseignants sont même fréquemment en compétition pour obtenir des classes de niveau élevé, ce qui a pour conséquence de créer également une hiérarchie parmi eux. D'après ce chercheur, ceux qui se retrouvent « en bas de l'échelle » se découragent avec le temps, au même titre que leurs élèves ».

En France, l'expérience montre de manière encore plus significative les avantages des classes hétérogènes comme l'indiquent les conclusions d'une première étude de 1993. « Dans certains collèges, les élèves placés dans un environnement hétérogène progressent tous mieux qu'attendu (efficience) compte tenu de leur niveau de départ ; ceci est vrai en particulier pour les élèves faibles (équité) ».

Dans une étude de 1997, je peux lire : « les analyses montrent que le regroupement des élèves affecte les progressions. Ainsi, des élèves de caractéristiques initiales comparables progressent d'autant mieux que le niveau moyen de leur classe est élevé ; ceci implique que ces élèves vont apprendre davantage lorsqu'ils appartiennent à une bonne classe et moins dans une situation inverse. La pratique de classe de niveau conduit donc à un accroissement des écarts de connaissances entre élèves au delà de leurs caractéristiques individuelles, par opposition à une situation de référence dans laquelle les élèves d'un même collège seraient répartis de manière aléatoire entre les différentes classes de l'établissement. Ce résultat contredit l'opinion selon laquelle les élèves faibles groupés dans une même classe profiteraient d'un enseignement ciblé sur leurs besoins. Il met en évidence l'importance du contexte de scolarisation et souligne la nécessité de prendre en compte concrètement ce qui se passe au sein des classes (la nature et les effets des interactions pédagogiques, la gestion du temps et la réalisation des programmes d'enseignement, les effets d'étiquetage, etc.) ».

En conclusion, cette étude fait apparaître que le maintien d'un cadre de référence commun à l'ensemble des élèves, qu'ils soient forts ou faibles rapides ou lents, paraît, à l'épreuve des faits, un enjeu important pour l'équité.

A Genève, lors des journées d'études dans les collèges au début de l'année 1977, et lors d'une consultation des enseignants par la Famco en 1978, la 7e hétérogène a recueilli la majorité des suffrages.

Dans la journée d'études du Conseil de direction de décembre 1982, le Directeur général du Cycle d'orientation constata que les maîtres ne se rencontraient que sur deux points : « l'introduction d'un tronc commun en 7e et le maintien des sections en 8e et 9e ».

Nous vous demandons aujourd'hui de voter ce que désire la grande majorité du corps enseignant. Ce serait aller à rebours du bon sens de refuser une réforme qui correspond aux voeux de celles et ceux qui doivent enseigner et travailler pour le plus grand bien de nos enfants, avec une répartition des élèves qui leur semble la plus favorable.

Quant au coût engendré par l'introduction d'une 7e hétérogène, puisque seules les questions d'argent semblent avoir de l'importance aujourd'hui, il est probable qu'une meilleure instruction, indépendante de l'avenir professionnel de celui qui en bénéfice, donnera à chacun la possibilité d'accéder plus tard à une culture qui aujourd'hui ne doit plus être un luxe, mais une nécessité. La culture permet de saisir ce qu'il y a de plus beau et de plus noble dans l'histoire de l'humanité, de comprendre d'où l'on vient et, si possible, où l'on va. Cette culture, qui sera un enrichissement pour tous, évitera à beaucoup de jeunes de devenir des cas sociaux et des délinquants juvéniles. Les économies réalisées par une sélection précoce au DIP coûteraient en définitive très cher au département de M. Ramseyer, avec les sentiments de rancune et de désespoir qui auraient pu être évités.

Il est aussi grand temps que dans nos écoles l'esprit de solidarité remplace celui de la compétitivité. C'est ce que met en place le comportement attendu des élèves des Coudriers, où il est demandé à chaque élève de venir en aide, dans la mesure de ses possibilités, à celle et ceux qui sont en difficulté. C'est de cette manière que nous aurons demain une génération saine et heureuse. C'est pourquoi nous vous demandons de voter ce projet de loi quelles que soient vos appartenances politiques. Ce vote sera le témoignage de votre attachement à l'équité et à la démocratie.

Projet de loi(8203)modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940, est modifiée comme suit :

Art. 53A Orientation (nouveau)

1 Les élèves promus de 6e primaire sont inscrits dans une classe du 7e degré du cycle d'orientation.

2 Au 7e degré, l'enseignement est donné en classes hétérogènes.

3 Aux 8e et 9e degrés, l'enseignement est donné en classes hétérogènes avec options et niveaux.

4 L'organisation des 7e, 8e et 9e degrés, ainsi que les conditions d'admission et de promotion des élèves dans ces degrés, sont fixées par le règlement.

Art. 54, note Orientation continue, assistance pédagogique et aide psychologique (nouvelle teneur)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Tout le monde connaît la célèbre phrase de l'article 4 de la Loi sur l'instruction publique qui dit que « L'enseignement a pour but, dans le respect de la personnalité de chacun, de tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire dès les premiers degrés de l'école ».

Un alinéa est en passe d'y être ajouté. Il précise que l'un des objectifs de l'école publique est de « veiller à respecter, dans la mesure des conditions requises, les choix de formation de chaque élève ».

Nous le savons. L'égalité parfaite n'existe pas et n'existera jamais. Mais l'on peut lutter afin de réduire au maximum les inégalités tout en respectant les différences qui, elles, sont souvent enrichissantes.

Les études sociologiques le montrent. Si le niveau général d'instruction des jeunes s'élève, les inégalités de chance de réussite en fonction de l'origine sociale se maintiennent souvent, malgré l'objectif de démocratisation des études. L'image de l'échelle dans l'ascenseur est peut-être celle qui exprime le mieux cette réalité.

Il ne s'agit pas ici de contester le fait que nous bénéficiions à Genève et certainement dans la plupart des régions de Suisse de systèmes scolaires parmi les meilleurs du monde. Mais nous vivons une époque où les risques d'exclusion sociale pour les laissés pour compte de l'école sont plus vifs qu'il y a quelques lustres. C'est pourquoi il importe non seulement d'être extrêmement attentif au maintien d'un bon niveau scolaire, ce qui est loin d'être acquis, mais encore d'améliorer ce qui peut l'être. Or, les signes sont nombreux qui laissent craindre le développement d'une école plus sélective au moment où, justement, la formation devient plus essentielle que jamais.

Il ne s'agit en aucun cas, dans notre esprit, d'abaisser le niveau de l'enseignement mais au contraire de partir du principe que les aptitudes à apprendre se construisent et que les facultés d'abstraction ne sont pas des données naturelles. On peut considérer que le temps d'apprentissage n'est pas nécessairement le même pour tous et qu'il ne suffit pas de multiplier les épreuves notées pour inciter les élèves à apprendre.

Le système actuel

Dans le système actuel, l'orientation d'un enfant se fait relativement tôt, essentiellement en 6e primaire, et l'avis d'un seul instituteur peut alors peser d'un poids disproportionné ; ce phénomène sera encore amplifié par la rénovation du primaire qui verra la disparition des notes.

Ensuite, le CO à sections (latine, scientifique, moderne, générale, pratique), qui a pourtant reçu tous les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa tâche principale d'orientation (conseil de classe réunissant tous les maîtres d'un élève, conseillers d'orientation scolaire, etc.) peine trop souvent, par manque de souplesse propre à son système actuel, à offrir à chacun la voie qui lui conviendrait le mieux.

Au contraire, le cercle vicieux est très rapidement enclenché avec, d'un côté, les élèves propulsés par une dynamique de la réussite et, de l'autre côté, les élèves écrasés par une logique de l'échec. Ensuite, en réduisant les exigences pour les jeunes qui éprouvent des difficultés, on les dévalue encore, pour finir par leur donner une image désastreuse de leurs capacités. Et on se retrouve avec ces cours qui, à force de vouloir vider les situations de toute complexité, privent des élèves de la possibilité de réfléchir sur diverses problématiques.

Cette difficulté est d'autant plus marquée que les années d'adolescence sont souvent caractérisées par des changements brusques de motivation dont dépend l'investissement qu'un élève est disposé à faire dans sa formation. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles la politique du DIP, s'inspirant d'un travail de réflexion mené par les enseignants du cycle d'orientation, vise à articuler le parcours scolaire de chaque élève autour d'un « projet » qu'on l'aura aidé à redéfinir.

Avantages de l'hétérogénéité

Dans cette phase décisive que constitue la tranche d'âge 12-15 ans, un parcours mieux individualisé qu'il ne l'est à présent apparaît alors comme la meilleure garantie d'un choix judicieux de l'activité scolaire ou professionnelle qui suivra le cycle d'orientation. Ce choix, dans les circonstances actuelles, est trop souvent conditionné par la filière empruntée (section) et amène notamment en première année du postobligatoire des élèves qui ne manifestent ni les aptitudes, ni les motivations nécessaires pour entreprendre des études longues. Ces élèves courent alors à l'échec dans une structure qui n'a pas véritablement les moyens de les réorienter et qui se borne à pratiquer une sélection.

Il nous semble hautement souhaitable que l'école privilégie plutôt une hétérogénéité des élèves et développe des pédagogies différenciées dans des classes ou des groupes de classes qui comprennent des élèves très différents que l'on inciterait à collaborer et à construire des savoirs ensemble.

C'est d'ailleurs le but que la rénovation du primaire dit poursuivre, de même que la nouvelle maturité, où les sections ont également disparu au profit des options. C'est ainsi qu'une hétérogénéité au cycle d'orientation serait cohérente avec l'organisation des autres ordres d'enseignement.

Enfin, la modification que nous proposons permettrait d'unifier le système proposé au cycle d'orientation, où coexistent actuellement deux types d'organisation : le système à sections et le système dont s'inspire notre proposition. Cette unification n'est pas une uniformisation, et le système proposé offre la souplesse nécessaire à la mise en place et à l'évaluation de différentes expériences pédagogiques en fonction de la culture propre à chaque établissement.

Le système proposé

Concrètement, nous proposons une 7e entièrement hétérogène. Puis, nous pensons que la 8e et la 9e doivent être hétérogènes avec options et niveaux. Ce qui veut dire que les élèves disposeront d'une marge de manoeuvre et qu'il y aura des évaluations mais que celles-ci viseront surtout à aider l'élève à apprendre.

Le but de ce projet de loi est de permettre une orientation progressive et d'amener le maximum d'élèves à un bon niveau de formation, de susciter chez les jeunes le désir d'apprendre et de se former. Il faut que l'école devienne aussi un lieu où s'apprend la citoyenneté, dans lequel les élèves apprennent également la solidarité, la collaboration à la construction commune de connaissances.

La scolarité, en particulier dans sa période obligatoire, ne doit pas avoir une fonction utilitariste mais de formation et de développement des capacités, sans oublier l'épanouissement. La société a moins besoin de personnes savantes que de personnes équilibrées.

Nous sommes conscients qu'une réforme plus complète du cycle d'orientation serait nécessaire pour rendre ce cycle d'études plus cohérent avec le but de l'école. Mais nous pensons que ce projet de loi va dans le bon sens et nous espérons que vous lui ferez bon accueil.

Proposition de motion(1336)pour l'étude d'une modification des structures du cycle d'orientation

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le projet de loi 7697 déposé en août 1997 a été mis à l'ordre du jour de la Commission de l'enseignement en février 2000. Il propose une modification de la loi sur l'instruction publique qui consisterait à généraliser l'hétérogénéité des classes du septième degré dans les dix-sept établissements du cycle d'orientation. Pour mémoire, seuls trois collèges (Bois-Caran, Coudriers et Budé) fonctionnent déjà avec cette structure depuis plus de 25 ans.

Les commissaires des trois partis de l'Entente ne sont pas entrés en matière sur ce projet de loi estimant qu'ils n'étaient pas en possession des renseignements suffisants pour prendre une décision qui serait lourde de conséquence pour le cycle d'orientation. Ils ne sont pas opposés au principe d'éviter une sélection précoce et reconnaissent que les changements apportés tant au sein des structures scolaires qui précèdent (réforme de l'enseignement primaire) que dans celles qui le suivent (généralisation des options au secondaire II) ont modifié le paysage de l'enseignement à Genève. L'enseignement a suivi les progrès de la pédagogie et se modifie en plaçant toujours plus l'enfant au centre de ses préoccupations. Les objectifs et les méthodes sont réexaminés en permanence en tenant compte des changements intervenus dans la société et de l'évolution des sciences de l'éducation.

Le cycle s'est mis en place à Genève il y a près de 40 ans (en 1961). Depuis lors, le profil des élèves a changé et il est peut-être temps d'envisager des modifications. Les commissaires de l'Entente estiment qu'en l'état de la réflexion, il semble pour le moins prématuré de changer les structures du cycle d'orientation avant de connaître les intentions pédagogiques et les effets de leur application qui pourraient remettre en question l'organisation de la scolarité des élèves dans le cursus des trois années du cycle d'orientation. Le projet de loi 7697 ne concerne d'ailleurs que le septième degré, ce qui nous paraît une mesure dénuée de sens au moment où l'on tend à créer une meilleure continuité durant le cursus scolaire, comme nous le prouvent les réformes des autres ordres d'enseignement. En matière de pédagogie, c'est un leurre de croire qu'un changement de structure permet à lui seul une amélioration des apprentissages des élèves. D'autre part, il est très important d'agir en concertation avec les milieux concernés, en l'occurrence, élèves, enseignants, directions et parents. L'étude demandée au SRED a pour but d'interroger tous les acteurs puis d'analyser les réponses et d'en tirer des conclusions. Attendons donc d'avoir moissonné les avis les plus pertinents, seuls à même de nous conduire à une prise de décision qui soit au bénéfice de nos jeunes.

C'est pourquoi les commissaires de l'Entente demandent impérativement au DIP de leur fournir les éléments indispensables à une prise de décision impossible sans ces renseignements. A ce moment seulement, ils pourront entrer en matière sur un choix réfléchi quant à un changement de structure.

Pour ces motifs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

5

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons traiter ces trois objets en un même débat. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité qui remplace Mme de Tassigny. Je vous en remercie, Monsieur Lescaze.

Premier débat

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité ad interim. Avant de défendre ce projet en tant que tel et à mon tour, je vais simplement vous lire le rapport que m'a préparé Mme de Tassigny, dont la santé l'empêchait d'assister à la séance de ce soir. Vous m'excuserez donc si je trébuche sur un mot ou un autre.

Ce projet de loi traite d'une modification fondamentale du Cycle d'orientation. En effet, il propose de généraliser la 7e hétérogène dans l'ensemble du cycle d'orientation. La question fondamentale que pose ce projet de loi est un véritable débat de société. Faut-il orienter plus ou moins tôt les élèves, en leur apportant dès la 7e du cycle des cours spécifiques selon des sections, ou faut-il au contraire leur laisser le temps de s'orienter, en homogénéisant l'enseignement et en avançant avec des niveaux de branches ? Cette finalité est un sujet de discussion dans de nombreux pays européens.

A Genève, le rapport scientifique demandé par le DIP au service de recherche en éducation ne sera terminé qu'à la fin de l'année 2000. Il comprendra les aspects comparatifs entre les différentes solutions pratiquées dans les processus d'enseignement en Suisse et à l'étranger. La deuxième partie est la récolte des positions auprès des groupes acteurs, adultes, enseignants, direction, parents d'élèves, etc. La position dans sa majorité, lors de la séance concernée par le vote, a trouvé :

a) qu'il n'était pas pertinent d'accepter un projet de loi, alors que nous ne sommes pas en possession du rapport final. Si on suivait l'avis contraire, ce serait jeter l'argent par la fenêtre, car nous aurions fait travailler des chercheurs sans aucune raison ;

b) que les aspects financiers d'application de cette réforme ne sont pas encore chiffrés ;

c) que le constat suivant est évident : l'enseignement fait l'objet de beaucoup de réformes, et il serait peut-être souhaitable de faire une pause, la proposition du projet est digne d'intérêt, mais il serait souhaitable également que la réforme concerne l'ensemble du cycle pour ne pas créer une réforme au rabais, il faut se donner les moyens pour une réforme à la fois concertée et réussie.

Telles sont les nombreuses raisons qui nous conduisent à refuser d'entrer en matière. Par ailleurs, la motion 1336 est un signal clair des partis de l'Entente pour indiquer notre intérêt pour poursuivre une réflexion approfondie sur ce sujet délicat.

Voilà ce qu'écrivait Mme de Tassigny. 

M. Jean-François Courvoisier (S), rapporteur de minorité. La citation qui figure au quatrième alinéa de la page 14 de mon rapport, qui dit que les maîtres sont d'accord sur deux points : l'introduction d'un tronc commun en 7e et le maintien des classes à niveaux en 8e et 9e, date de 1982, à un moment où les enseignants étaient encore divisés sur les structures qui devaient suivre le tronc commun.

Les contacts récents que j'ai eus avec la FAMCO, alors que mon rapport était déjà imprimé, montrent que la majorité des enseignants sont favorables aujourd'hui au projet des Verts.

Si le projet socialiste se contente de demander une 7e hétérogène, cela vient du fait que ce projet semble réalisable dans un proche avenir, mais nous étudierons favorablement le projet de loi 8203 en commission.

Nous avons été séduits par la qualité de l'enseignement donné dans les classes hétérogènes du cycle des Coudriers. Mais ces classes n'ont que dix-huit élèves. Ce n'est que dans ces conditions qu'il est possible de donner un bon enseignement dans des classes hétérogènes. L'introduction des 8e et 9edegrés en classes hétérogènes avec niveaux et options demandera un grand nombre d'enseignants qualifiés supplémentaire, ce qui ne semble pas possible dans un proche avenir.

Le 7e degré hétérogène, qui a des ambitions plus modestes, sera déjà un réel progrès. Comme j'ai pu admirer la rapidité avec laquelle Mme la présidente du DIP pouvait faire entrer en vigueur les réformes désirées par son département, je ne doute pas qu'elle mettra encore plus de zèle à permettre l'entrée en vigueur dans le plus bref délai possible d'un projet de loi voté par le parlement !

Quant à la motion 1336, la gauche est souvent accusée de freiner les projets et de retarder leur application. Or, il y aura bientôt deux ans qu'un projet de loi émanant de trois députées socialistes, qui demandait que le 7edegré soit organisé en classes hétérogènes dans tous les collèges, a été déposé.

Les auteurs de la présente motion n'ont comme seul but que de retarder le vote et l'entrée en vigueur de ce projet de loi, en prétendant de manière hypocrite qu'ils ne sont pas contre le 7e degré hétérogène, mais qu'ils désirent avoir davantage d'informations, alors que nous avons toutes les informations nécessaires qui, toutes, confirment le bien-fondé de la 7e hétérogène.

Nous avons visité le collège des Coudriers, auditionné les représentants de la FAMCO, reçu le rapport du groupe de recherche sur la gestion de l'hétérogénéité et de la différenciation au cycle d'orientation.

Toutes les informations nécessaires nous ont été fournies et la 7e hétérogène a l'approbation d'une large majorité du corps enseignant.

Nous pouvons bien sûr encore auditionner tous les parents d'élèves, étudier les expériences faites de l'Alaska à l'Afrique du Sud et attendre le prochain millénaire pour prendre une décision indispensable à prendre aujourd'hui ! Le groupe socialiste refusera cette motion !

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). J'essayerai d'être brève en me centrant sur le projet de loi 8203.

Ce projet de loi n'avait pas, au départ, l'aval du département de l'instruction publique. Le département n'arrivait pas à décider entre une expérience qu'il conduit depuis de nombreuses années aux cycles des Coudriers, de Bois-Caran et de Budé : la 7e hétérogène et le cycle tel qu'il existe depuis sa fondation et notamment la classe G, dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'elle est une voie de garage par rapport aux autres voies qui débouchent sur les voies gymnasiales.

Le département voulait, au moment où ce projet a été déposé, imposer sa nouvelle grille horaire dans le cycle d'orientation : grille horaire dont une partie du cycle ne voulait pas. Les conditions n'étaient pas bonnes : il n'était pas question pour le DIP d'examiner sérieusement le projet de loi des Verts, dont le but était double. D'une part, il s'agissait d'étendre une expérience en cours depuis de nombreuses années, à souscrire déjà aux résultats d'une étude intermédiaire du SRED montrant qu'il n'y a pas plus de sélection dans l'une ou l'autre des formules à terme, mais qu'il y a plus de satisfaction et moins de discrimination. D'autre part, il fallait harmoniser le cycle d'orientation avec la réforme en cours en amont, c'est-à-dire à l'école primaire qui fonctionnera sur des cycles de quatre ans, sans notes, mais avec une note finale néanmoins, puisqu'il s'agit d'orienter les élèves de l'école primaire vers des sections du cycle, sections dans lesquelles on entre en fonction de ces notes : première incongruité !

Il fallait donc, pour accorder le cycle à cette réforme du primaire, tenter d'offrir de meilleures chances d'orientation à une 7e, et celle-ci a besoin d'être hétérogène pour permettre cette meilleure orientation et cette meilleure distribution des chances. Ce projet de loi prévoyait également - c'est apparu avec netteté au cours des travaux - qu'en 8e et en 9e du cycle on pouvait pour l'instant fonctionner avec les systèmes à options qui maintiennent certains éléments des sections, mais qui les maintiennent de manière souple, avec des passages à niveaux, comme on les appelle pour l'école primaire.

Il s'agissait aussi d'adapter le cycle d'orientation à ce qui se passe en aval, c'est-à-dire vers les formations post-obligatoires, où les passerelles ont été multipliées pour permettre des orientations et une prolongation du temps des études vers les voies d'apprentissage, vers les écoles professionnelles à travers l'école du culture générale ou dans la voie gymnasiale - je vous rappelle que la voie gymnasiale est désormais une voie à option où la première année est largement constituée de troncs communs, en tout cas de préorientation, avant de choisir les options définitives de la 2e et de la 3e année.

Il s'agissait donc de s'intégrer progressivement dans le schéma des modifications et des réformes en cours. Il ne s'agissait pas d'un débat de société, il ne s'agissait pas d'une réforme fondamentale : il s'agissait de faire une réforme raisonnable !

Il se trouve que, par le hasard des présences et des absences en commission, la majorité qui l'a emporté est la majorité opposée à cette option. Aujourd'hui, je souhaite que nous votions ce projet de loi en plénière et que nous puissions très rapidement généraliser cette 7e hétérogène qui est désirée par de nombreux protagonistes du cycle d'orientation et de nombreux parents d'élèves. Je souhaite également que nous examinions comment il est possible de lever les objections encore présentes en particulier dans l'esprit d'un certain nombre de parents d'élèves qui craignent que les cycles à options ne diminuent les chances de bonne sélection de leur enfant. Nous devons choisir entre le fait de favoriser un peu plus l'école active aux dépens d'une école purement sélective, et c'est quand même le sens des réformes de l'école primaire, c'est du moins ainsi qu'elles nous sont présentées, et c'est aussi la direction que prend l'ensemble de notre système d'éducation.

C'est la raison pour laquelle je vous invite ce soir à voter ce projet de loi.

Mme Janine Hagmann (L). Je trouve tout de même un peu étonnant qu'un sujet aussi important fasse l'objet d'un tel forcing de votre part et soit débattu devant une salle aussi vide, alors que nous avons passé des heures et des heures à discuter de sujets de moindre importance. C'est tout à fait inadmissible !

Nous avons l'impression de revivre ce que nous avons vécu en commission ! Les questions qui concernent nos écoles amènent souvent des débats nourris. En l'occurrence, j'ai le sentiment que ce n'est pas vrai : à part les quelques personnes qui exercent ce forcing, ce débat n'est pas un débat très nourri. Pourtant chacun d'entre nous a été élève, il y a plus ou moins longtemps et reconnaît l'importance de la formation. La plupart d'entre nous vit ou a vécu les problèmes scolaires par le biais de ses enfants, si bien que chacun se croit habilité à donner son point de vue sur ce qu'est la meilleure école... Je vous rappelle que les buts de l'instruction publique sont définis à l'article 4 de la loi sur l'instruction publique, dans lequel l'égalité des chances est mise en exergue, d'une part et que, d'autre part, ce même article de loi insiste également sur l'acquisition du savoir.

Que s'est-il passé à la commission de l'enseignement et de l'éducation ? Minorisée, l'Entente à dû se pencher sur le projet de loi bien qu'elle ait recommandé d'attendre et que le département lui-même ait donné également les consignes d'attendre. Mais vous avez voulu qu'on l'étudie tout de suite, car vous savez que vous êtes actuellement plus nombreux. Nous l'avons donc fait.

Mais pourquoi le département de l'instruction publique nous avait-il demandé d'attendre ? Mme de Tassigny l'a très bien expliqué dans son rapport : une large enquête du SRED est mise sur pied. Cette enquête concerne tous les partenaires, directeurs, parents, élèves, et chacun sait que lorsque les partenaires sont associés à la réflexion, les situations conflictuelles sont évitées. La suppression des sections : ce n'est pas n'importe quoi ! C'est un vaste débat.

Le but premier d'une école est-il d'enseigner des savoir-être ou des savoir-faire ? «In medio stat virtus», c'est-à-dire les deux ! La pédagogie est vraiment devenue une science : elle a sa chaire à l'université. Genève a toujours été la cité des pédagogues, des pédagogues qui ont même parfois une notoriété à l'étranger. Je parlais tout à l'heure avec M. Guy-Olivier Segond de la notoriété de Jaques-Dalcroze à Dresde, où je suis persuadée que les petits nains de la montagne : Nix, Nax, Nox, sont bien plus connus qu'ici. Parenthèse fermée.

Tout cela pour expliquer que des décisions concernant une modification de structure d'enseignement ne peuvent être prises simplement par des politiques, comme cela, à plus de 23 h. Il faut impérativement tenir compte de l'avis des spécialistes.

Maintenant, que se passe-t-il au cycle ? Comme toute école, le cycle d'orientation réexamine en permanence ses objectifs. Dès la fin des années 80, les changements fondamentaux intervenus dans la société, le développement du savoir humain et l'évolution des sciences de l'éducation, ont provoqué au sein du cycle d'orientation une réflexion approfondie visant à redéfinir une formation équilibrée de l'élève. Les objectifs d'apprentissage de toutes les disciplines enseignées au cycle d'orientation ont été redéfinies et il a été décidé que ces objectifs d'apprentissage seraient les mêmes pour tous les élèves, c'est-à-dire que tous les élèves doivent avoir accès au même savoir.

Je ne veux pas faire plus long, puisque je pense qu'il sera très intéressant d'entendre la présidente sur ce sujet. Mais ce soir, nous ne pouvons faire qu'une chose : c'est de renvoyer en commission le projet de loi des Verts qui va plus loin que le projet de loi que nous avons examiné. En effet, changer une 7e et ne pas prévoir l'avenir, c'est avancer la tête dans un sac ! Alors, renvoyons donc ce projet en commission !

Par ailleurs, il me paraît invraisemblable que le rapporteur de majorité ne puisse accepter notre motion ! Que demande la motion de l'Entente ? Elle demande que le département nous donne les résultats d'une recherche qui est lancée sur tout le canton dans des délais raisonnables ! Comment pouvez-vous vous opposer à une telle demande ? C'est vraiment de la politique politicienne ! 

Mme Nelly Guichard (PDC). Comme l'a relevé Mme de Tassigny dans l'intervention présentée par M. Lescaze et comme l'a dit aussi Mme Hagmann, en mars nous avons refusé l'entrée en matière sur ce projet de loi, parce que nous n'entendions pas nous prononcer sur le sujet de l'hétérogénéité au cycle d'orientation avant d'avoir pu prendre connaissance des résultats de l'étude large et approfondie qui est en cours. Le service de recherche en éducation aura terminé son travail à la fin de l'année, et ce n'est qu'à partir de ce moment-là que nous pourrons nous prononcer en connaissance de cause. Nous n'avons pas l'intention de nous prononcer la tête dans un sac !

Nous avons donc, puisque nous ne sommes pas entrés en matière, élaboré une motion qui invite le Conseil d'Etat à nous adresser, dès la parution des résultats de la recherche, un rapport détaillé sur l'évolution du cycle d'orientation, et je suis assez étonnée, Monsieur Courvoisier, que vous proposiez le refus d'une telle motion. Cela veut dire en somme que vous prenez une décision sans tenir compte de la vaste étude qui est en cours et qui s'adresse aux parents, aux enseignants, à toutes les personne concernées par l'école... Je trouve cela tout de même un peu fort !

Nous ne sommes a priori pas opposés au principe d'éviter une sélection précoce et nous savons bien que le paysage scolaire a grandement changé depuis la création des cycles d'orientation, voici près de quarante ans. Il serait cependant faux - totalement faux - de prétendre que rien n'a changé depuis leur création : bien au contraire ! Il y a eu une évolution constante au cours de ces dernières années, mais, de toute manière, nous jugeons qu'il est en tout cas prématuré, à ce stade, de prendre une décision sur le projet de loi présenté par le parti socialiste.

Par contre, nous vous proposons de renvoyer en commission le projet de loi 8203, pour pouvoir reprendre ce sujet en commission de l'enseignement et de l'éducation. Si nous décidions ce soir de voter en débat immédiat, comme vous le proposez, nous prendrions en quelque sorte un pari. Avons-nous le droit, face aux jeunes, face aux familles concernées, de parier sur une 7e hétérogène pour l'ensemble du cycle d'orientation ? Eh bien, nous, nous disons non au pari, non à la démagogie, non au dogme politique ! 

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Une réforme du cycle d'orientation mijote depuis bien des années chez certains penseurs de divers partis politiques, et les circonstances font que ce soir c'est devant une salle aux deux tiers vide que nous devons en traiter dans l'urgence, ce qui est effectivement regrettable, comme cela a déjà été dit. En effet, ce sujet devrait intéresser tous les députés tout autant que les sujets concernant les banques ou le droit des pauvres. (L'oratrice est interpellée.) Certains députés ont parfois d'autres manières de meubler leur soirée, c'est vrai, mais il faut parfois savoir faire des exceptions, Monsieur Halpérin ! (Exclamations.) (Le président agite la cloche.)

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, je voudrais simplement poser trois questions qui me semblent être la base du débat :

1. Faut-il réformer le cycle d'orientation ou, plutôt, puisque les réformes se font de toute façon toutes seules et que tout est mouvement à l'école, le parlement doit-il s'en mêler ?

2. Comment faut-il le réformer ? Quelles réformes ?

3. Y a-t-il urgence, et, si oui, pourquoi ?

Pour répondre à la première question, pour faire vite et pour ne pas dire du cycle d'orientation que c'est une institution vieillie et intouchée depuis vingt ans, disons simplement que le principal problème qui se pose c'est la classe générale dite «G». La classe «G» est une classe qui ne répond plus aux objectifs qu'elle s'était fixés dans les débuts du cycle d'orientation. On croyait alors avec une certaine naïveté que les mesures prises en section générale, notamment des effectifs plus faibles, une heure hebdomadaire supplémentaire en allemand et en mathématiques, permettraient à ces élèves de rattraper leur retard. Les études successives qui ont été faites sur ce sujet ont démontré qu'il n'en était rien. Compte tenu du décalage entre les sections latine, scientifique et la section générale, le regroupement en classe homogène, à sections et éventuellement à niveaux, tendrait à accroître la différence. C'est pourquoi le maintien en classe hétérogène peut tendre à diminuer cet écart. En effet, le cycle avec ses classes «G» ne répond plus à cette fonction d'orientation qui lui était donnée. La sélection est en fait en 6e, les élèves de «G» ne passant de fait plus dans les autres sections, et l'on remarque que seul environ un élève par volée, à la fin d'une 7e G peut passer en 8e latine ou scientifique.

C'est ainsi que nous avons vu se créer des sortes de ghettos qui concernent une large partie de la population des enfants de notre canton, malgré tout. Et que deviennent ces enfants à la sortie de ces classes générales ? La question reste posée entièrement, car non seulement ils ne peuvent poursuivre leurs études mais ils ne trouvent même plus de classes d'apprentissage. C'est la raison pour laquelle les Verts pensent qu'il faut réformer le cycle d'orientation.

Deuxième question : quelles réformes ? Deux vous sont présentées ce soir : l'une du parti socialiste vous propose une 7e hétérogène et l'autre, celle des Verts, vous propose de poursuivre le système vers la 8e et la 9e à options et à niveaux. Le projet d'une 7e hétérogène permet, c'est vrai, de retarder la sélection d'un an, car il est bien difficile de sélectionner des enfants à l'âge de 11 ans, déterminant ainsi tout le reste de leur vie.

Au niveau individuel, le report de la sélection d'une année peut représenter une chance supplémentaire. Au niveau de l'ensemble de la population, par contre, nous ne sommes pas sûrs que cela change fondamentalement les choses. Les analyses montrent que, pendant cette phase des degrés 8 à 10, l'orientation se produit très progressivement et que la prochaine étape relativement importante est le 10e degré - nous en traitons d'ailleurs également en commission. Il serait donc très dommage que l'introduction du tronc commun en 7e débouche sur une sélection plus rigide dans les degrés suivants.

C'est pourquoi les Verts vous proposent un projet qui va plus loin que la 7e hétérogène. Le système qu'il vous propose ne part pas de zéro, puisqu'il existe déjà dans trois des dix-sept cycles d'orientation de Genève : ce sont les cycles à options et à niveaux. L'élève y a la possibilité d'affirmer ses aptitudes dans l'un ou l'autre domaine. Il n'est pas forcé d'être bon partout ou mauvais partout. Ce système a déjà donné ses preuves, et s'il avait donné de moins bons résultats que les autres, il est évident que ces trois cycles auraient vu leur système changer. Or, il a duré jusqu'à maintenant et il a été prouvé que ces cycles donnaient d'aussi bons résultats que les autres au niveau des connaissances.

Bien sûr, il reste beaucoup de choses à définir qui ne sont pas contenues dans le projet de loi des Verts : par exemple, quelles sont les branches qui doivent être à niveaux ? Pourquoi seuls les mathématiques et l'allemand seraient concernés ?

Autre question : quels doivent être les effectifs d'élèves dans les classes ? C'est une question très importante, puisqu'évidemment elle est au coeur de tout débat sur l'hétérogénéité. Enfin, quelle meilleure synergie pourrait-on instituer entre les professeurs ? Le débat reste ouvert. Il doit se faire en commission, il doit se faire dans les salles des maîtres, il doit se faire au sein de la population.

J'en viens enfin à la troisième question : quelle urgence y a-t-il à modifier le cycle ? Pourquoi faut-il se dépêcher de faire une réforme ? Je répondrai qu'il y a tout d'abord toujours urgence à se mettre au travail lorsqu'une situation est mauvaise et doit être modifiée, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'enfants et de classes d'âges qui sont touchées les unes après les autres. Mais il faut aussi quand même souligner qu'une nouvelle grille horaire a été mise en place et que celle-ci soulève des tollés aussi bien chez les enseignants que chez les parents qui viennent de déposer une pétition. En effet, cette grille horaire instaure une hétérogénéité de fait sans aucune mesure d'accompagnement en maintenant une seule filière latine qui est d'ores et déjà considérée par les parents comme une sorte de filière d'excellence, puisque tous les parents désirent que leurs enfants entrent dans cette filière. C'est pour le coup que l'hétérogénéité risque d'aboutir au nivellement par le bas si les effectifs des classes ne sont pas réduits, alors que l'hétérogénéité est établie de fait !

En conclusion, je dirai que le débat a commencé ce soir. Il n'est clos en aucun cas. Il doit se poursuivre partout dans le public. Ce domaine devrait en principe intéresser 90% de la population, car l'éducation est un domaine qui concerne tout le monde, et une réforme quelle qu'elle soit ne peut se faire sans concertation et sans consensus. 

Mme Jeannine de Haller (AdG). Je vais raccourcir mon texte d'au moins la moitié, pour vous épargner une longue intervention, à cette heure tardive...

Les deux projets de lois qui nous sont soumis ce soir nous placent devant un choix politique clair quant à l'école que nous voulons pour nos enfants. Voulons-nous privilégier une élite en maintenant la sélection à la fin de la 6e primaire et les sections dès la 7e du cycle ou voulons-nous l'intégration de tous les enfants sans que cela se fasse au détriment de qui que ce soit ? L'hétérogénéité empêche l'exclusion, la démotivation, la marginalisation et la stigmatisation, qui sont le lot actuel des élèves des sections de générale et de pratique. Elle est également socialement plus juste. On sait en effet bien que ce sont les enfants des couches socio-professionnelles les plus favorisées que l'on retrouve dans les sections dites «prégymnasiales» et donc les enfants des couches socio-professionnelles les moins favorisées que l'on retrouve dans les sections générale et pratique.

Mesdames et Messieurs les députés, nous bénéficions aujourd'hui d'une expérience de plus de vingt-cinq ans avec les trois cycles qui fonctionnent en système II, donc d'hétérogénéité. Plusieurs bilans ont été déjà faits et ont montré qu'il n'y avait aucune différence statistique du point de vue des compétences scolaires entre les deux systèmes. Par contre, comme je l'ai déjà dit, du point de vue social, les avantages de l'hétérogénéité sont indéniables. Ainsi et comme nous l'a dit le directeur du cycle des Coudriers, c'est surtout dans ses aspects non mesurables que le système hétérogène est le plus important.

Pour ces raisons, nous vous invitons à voter immédiatement le projet de loi 7697, à renvoyer en commission le projet de loi 8203 et à ne pas entrer en matière sur la motion 1336 qui est tout simplement du vent !

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité ad interim. Je vous ai lu tout à l'heure le rapport rédigé par Mme de Tassigny.

Je vais vous donner maintenant les opinions du groupe radical qui, je le pense, sont celles d'une partie des partis de l'Entente au sujet de ces deux projets de lois et de la motion.

Il me paraît d'abord peu admissible et peu acceptable que des projets aussi importants concernant l'avenir de nombreux enfants, comme l'ont souligné les préopinants d'opinions diverses, soient traités à minuit ou presque, subrepticement et en l'absence de la rapporteuse qui a assisté à tous les travaux de la commission. J'ai eu l'impression qu'on souhaitait aussi l'absence de la conseillère d'Etat chargée du département.

Je précise d'emblée, pour que les choses soient claires, que je demande le renvoi en commission du projet de loi 7697, comme du projet de loi 8203, sur lequel nous sommes d'accord. Je demande également le renvoi en commission de la motion 1336.

Et maintenant, je vais tout de même vous donner un certain nombre d'arguments qui n'ont pas encore été évoqués ici. Je suis tout à fait stupéfait que l'on décide de créer maintenant, ce soir, une 7e hétérogène, sans étude nouvelle et précise, alors qu'on écrit qu'il est important que les enfants puissent s'orienter, si possible, pas trop précocement. Cela alors qu'effectivement les expériences dans les trois cycles de Bois-Caran, des Coudriers et de Budé se poursuivent depuis plus de vingt ans.

Mais alors qu'a-t-on fait pendant ces vingt années, durant lesquelles pendant plus de six ans, huit ans - à mon avis, deux législatures - le conseiller d'Etat chargé du département de l'instruction publique était M. André Chavanne, socialiste, puis M. Dominique Föllmi, qui était plus chrétien-social que démocrate-chrétien ? Pourquoi n'avez-vous pas demandé, au-delà des études - mais vous savez très bien que ces études n'étaient pas si favorables que cela aux classes hétérogènes - que ce système soit étendu à l'ensemble du cycle d'orientation ? Qu'avez-vous fait pendant ces vingt années ?

Je suis stupéfait de constater que c'est au moment où enfin une conseillère d'Etat - certes libérale, donc moins proche dit-on des milieux enseignants - entreprend de véritables réformes, non seulement au cycle d'orientation mais également à l'école primaire comme à l'université que vous bougez. En effet, Mesdames et Messieurs, c'est la première fois depuis vingt-cinq ans ! C'est ma première interrogation.

Je ne suis pas d'accord avec l'idée de Mme de Tassigny selon laquelle il faudrait faire une pause dans les réformes. Finalement, l'école c'est comme l'église protestante : reformata semper reformandi, elle est réformée, mais elle doit toujours être réformée. Encore faut-il le faire à bon escient !

Il y a quelques semaines, j'ai trouvé par hasard un livre de M. Marc Nicole au marché aux puces, qui a été, pendant une année ou deux, directeur général du cycle d'orientation. Il avait succédé à M. Robert Haari, dont il avait été le plus proche collaborateur pendant toute la création du cycle d'orientation.

Mesdames et Messieurs les députés, vous devriez relire les pages consacrées par Marc Nicole - et inspirées à l'évidence par Robert Haari - sur la difficulté de faire des réformes au cycle d'orientation en raison de la position du corps enseignants à leur égard. Véritablement, ces pages qui ont été écrites et publiées il y a dix ans, mais qui reposent sur des souvenirs d'il y a plus de vingt ans, n'ont pas pris une seule ride. Je regrette de n'avoir pas su que ce débat aurait lieu ce soir, parce que je me serais fait un plaisir de vous en lire quelques extraits. Vous auriez vous-mêmes été, Mesdames et Messieurs les députés, stupéfaits !

Avant de parler des autres arguments qui ont été invoqués, permettez-moi, pour une fois, de faire appel à mes souvenirs, à des souvenirs qui remontent presque à un quart de siècle et qui n'ont duré qu'une année. Il se trouve qu'à la fin des années 70 j'ai eu une classe hétérogène au cycle des Coudrier : une 7e dans laquelle je n'enseignais que deux disciplines : le français et l'histoire. Eh bien, parmi les élèves de cette classe dont j'ai conservé un souvenir lointain pour certains - je ne peux du reste pas vous dire s'ils étaient dix-huit ou vingt-deux, mais, à mon avis, ils étaient plutôt vingt-deux - quelques-uns ont été jusqu'à l'université. D'autres, malheureusement, ont dû arrêter en cours d'année, parce qu'il s'agissait de cas pathologiques.

Alors, on a probablement longtemps orienté les gens trop précocement. Mais, malgré tout, même si pour un certain nombre d'élèves il était heureux d'être dans une classe hétérogène et même si, finalement, vingt-cinq ans après, je n'en conserve pas du tout un mauvais souvenir, alors que pour moi le but était de voir comment on enseignait les cycles d'histoire, de l'Egypte ancienne jusqu'à l'histoire contemporaine, je ne suis pas encore persuadé que ce soit une excellente expérience pour tous les élèves. Je dis cela pour les meilleurs comme pour les moins bons. La preuve c'est que, sur les dix-sept cycles d'orientation, quatorze se sont jusqu'à présent refusés, parfois obstinément, à introduire des classes hétérogènes.

Je constate ensuite qu'à l'heure actuelle on ne connaît absolument pas les incidences financières d'une telle mesure. Or, Mme Caroline Dallèves-Romaneschi vient de nous rappeler que, selon elle, un système valable pour les classes hétérogènes entraîne des incidences sur les effectifs des classes. D'autre part, la nécessité, comme le dit très justement le projet, d'orienter les élèves par des entretiens avec des conseillers en orientation scolaire induit également des dépenses supplémentaires, car il n'y a pas assez de conseillers en orientation scolaire à l'heure actuelle. Et il ne faut pas me dire le contraire !

En conséquence et à l'évidence, cette réforme est prématurée pour l'instant - car j'imagine que vous voudriez qu'elle entre en application le plus vite possible - malgré le fait - je rejoins M. Courvoisier sur ce point - que ce système est en place depuis vingt ans dans trois collèges. Mais vous ne pouvez pas aujourd'hui faire payer le retard pris par les conseillers d'Etat de différents partis pendant cinq législatures et alors que vous n'avez rien fait pendant ce temps, pour une raison ou pour une autre. En réalité, je vois bien que derrière cette volonté d'introduire les classes hétérogènes partout il y a surtout une volonté de faire obstacle à la nouvelle grille horaire. Tous les moyens sont bons : nous ne sommes pas complètement aveugles à ce sujet !

Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est important et sage de renvoyer ce projet en commission de façon à approfondir la discussion sur quelques éléments. En effet, sur le fond du problème, il me semble que tout le monde est d'accord, en tout cas jusqu'à un certain âge, sur le fait que l'hétérogénéité n'est pas une mauvaise chose et je pense que dans un avenir proche - pas dans une année ou dans dix ans - il se dégagera une majorité sur ce projet de loi 7697.

En ce qui concerne le projet Vert et Alliance de gauche - d'après les signataires - je dois dire que je suis un peu consterné. En effet, si l'on veut que l'ensemble du cycle d'orientation soit hétérogène à tous les degrés, je ne comprends pas véritablement pourquoi les trois proposants ne vont pas au bout de leur logique et ne proposent pas l'hétérogénéité également pour l'enseignement post-obligatoire, gymnasial, ainsi qu'à l'université. Lorsque les étudiants seront sortis d'universités hétérogènes, on verra bien ce que vaudront les diplômes. Ils entreront dans la vie active où il y a effectivement hétérogénéité, comme ici d'ailleurs : c'est comme cela dans la vie ! C'est parfaitement logique, mais je pense qu'à un certain moment il convient d'avoir également des profils homogènes dans la formation.

D'ailleurs, les socialistes ont été beaucoup plus prudents de ce point de vue là, puisqu'ils ne recommandent l'hétérogénéité que pour la 7e du cycle d'orientation. Je crois que ces deux projets sont totalement différents. Le projet 8203 constitue un véritable bouleversement de la formation, que l'Entente ne peut pas accepter pour l'instant, car il s'agit réellement d'un nivellement - je ne dirai pas un nivellement par le bas - momentané et, en réalité, il pénalise la formation des jeunes de ce pays. Nous nous y opposerons donc de toute façon, après son étude en commission.

En revanche, il me semblerait plus raisonnable de renvoyer le projet socialiste en commission : j'en fais formellement la demande. Depuis plus de vingt ans que les trois collèges Bois-Caran, Coudriers et Budé, expérimentent les classes hétérogènes, on devrait pouvoir avoir une étude pour savoir si les élèves sortis de ces collèges sont réellement d'un niveau moins bon ou meilleur que les autres. Pour ma part, j'ai entendu parler d'une étude dont les conclusions n'étaient pas tout à fait concluantes, mais je me garderai bien d'avoir des opinions arrêtées à ce sujet. Il me semble que ce soir, à minuit moins six, il n'est pas raisonnable de vouloir voter sur le siège ce projet, je le répète, et je vous invite à être raisonnables. 

Mme Myriam Sormanni (S). Le 3 avril 1999, j'ai assisté à une réunion de parents d'élèves du collège de Vuillonnex à Bernex, où ma fille est scolarisée, durant laquelle on nous a présenté l'exemple d'une classe de 7e hétérogène. Et le directeur de ce cycle nous a dit son projet d'obtenir l'autorisation d'étendre ce système à la 8e pour l'année à venir, soit 2000/2001 et à la 9e pour l'année 2001/2002. Ceci pour rassurer Mme Hagmann et Mme Guichard. Nous devrions nous renseigner pour savoir comment cela s'est passé. Ce soir-là on nous a dit que les élèves n'avaient que deux périodes de notes au lieu de quatre et qu'ils étaient beaucoup moins stressés que les autres, qu'ils obtenaient de bons résultats, qu'ils étaient contents et bien dans leur peau.

C'est tout ce que je voulais vous dire. 

M. Charles Beer (S). Certes, ce débat tombe mal ce soir, pour plusieurs raisons. Il semble qu'il y ait aussi une espèce de hiérarchie par rapport à l'importance des sujets. Quelques-uns de ceux-ci obnubilent certains orateurs et encombrent nos travaux, et il reste finalement assez peu de place pour les problèmes de l'éducation, même si, par ailleurs, on reproche à la commission de l'enseignement et de l'éducation de peu avancer.

J'ajoute que le projet de loi socialiste est un bon projet dans la mesure où il a été lancé il y a quelques années et parce qu'il propose une démarche pragmatique, avec une entrée en vigueur de cette mesure en tout cas au niveau de la 7e pour une certain nombre de bonnes raisons. Nous l'avons examiné en commission dans d'assez mauvaises conditions, car un certain nombre d'éléments ont pesé relativement négativement.

Premier élément : la réforme du primaire, que la plupart des députés soutiennent ici. Ceux-ci ont bien remarqué que si cette réforme consacrait un certain nombre de progrès sociaux, elle s'accompagnait en bout de course d'une sélection qui a été décidée in extremis. A partir du moment où cette décision était prise, l'enjeu de la 7e devenait évident : fallait-il faire la sélection à 11 ans, alors qu'on aurait pu commencer à la préparer par un test niant finalement tous les progrès de la rénovation du primaire. Voilà pourquoi, en premier lieu, les travaux ont été accélérés.

S'il y a eu urgence - vous avez raison, Monsieur le rapporteur de majorité - c'est que la grille horaire a pesé et a même fort lourdement pesé sur nos travaux. Avec ce débat qui est mal parti et qui tombe mal que convient-il de faire ? Ce que je vous reproche, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, c'est de faire croire que vous opposez une démarche pragmatique qui tiendrait compte de l'étude du SRED comme centre des réformes... Il n'en est rien, puisque le cycle d'orientation va voir à la rentrée une nouvelle grille scolaire qui, de fait, consacre l'hétérogénéité pour une partie des élèves, mais préserve la filière d'excellence et de l'élite : la filière latine. Et ça vous le savez parfaitement bien, Monsieur Lescaze ! On ne s'est pas empressé d'attendre - si vous me permettez cette expression - l'étude du SRED pour étudier sérieusement les impacts de cette nouvelle grille horaire !

J'ajoute en passant, comme l'atteste le procès-verbal de la dernière conférence de l'instruction publique, que l'association de parents a déploré vivement ne pas avoir été consultée dans le cadre de la mise en place de cette nouvelle grille horaire. A précipitation, précipitation et demie ! Peut-être ? En tout cas, si nous avons souhaité que ce débat soit traité en urgence ce soir, c'est pour une raison bien simple : c'est que la nouvelle grille horaire va effectivement entrer en vigueur au mois d'août, alors que le corps enseignant est relativement révolté par celle-ci - c'est une réalité - et que les associations de parents d'élèves déplorent de ne pas avoir été consultées.

Nous avons donc estimé, du côté de la majorité, qu'il était de notre devoir d'accélérer les choses pour que l'hétérogénéité au cycle d'orientation se fasse tout d'abord en 7e. Nous avons été battus et comme, finalement, tout se précipite, il était logique qu'un projet de loi soit déposé dans le but d'instaurer l'hétérogénéité pour l'ensemble du cycle d'orientation. C'est logique, à partir du moment où il y a décalage et que les choses sont chamboulées - on sait, malheureusement, combien il est difficile de parler de réformes dans le monde de l'éducation.

Nous avons donc dû faire des choix qui sont relativement difficiles mais qui ont le mérite d'être clairs : nous voulons une 7e, une8e et9e hétérogènes. Sommes-nous prêts pour l'instaurer dans tous ses aspects ? Pour ma part, je répondrai non ! Un certain nombre de points doivent être décidés d'ici là. C'est pour cela que le projet de loi qui propose l'hétérogénéité sur les trois niveaux est indispensable. Il permettra d'abord d'étudier la cohérence du système et de savoir, finalement, quel est le but du cycle d'orientation, puisqu'il porte toujours le terme «d'orientation». Un certain nombre de missions sont au centre du cycle d'orientation, et si nous soutenons l'hétérogénéité dans l'ensemble du cycle, c'est bien pour faire reculer quelques éléments qui relèvent de la sélection sociale, que la grille horaire risque bien de précipiter...

Quels sont les points sur lesquels nous allons insister lors de ce débat sur le cycle d'orientation en deux parties, puisque nous souhaitons instaurer l'hétérogénéité en 7e dès ce soir ?

Première chose : il faut avoir des taux d'encadrement satisfaisants. Il n'est pas possible de faire des classes hétérogènes avec des effectifs de vingt-quatre élèves. Il faudra discuter pour savoir s'il faut les ramener à vingt ou dix-huit.

La deuxième chose est une remarque plus personnelle, et j'espère que mon parti ne m'en voudra pas de l'exprimer... Si l'hétérogénéité est placée au centre de la réforme, il conviendra de continuer à mettre en place non seulement l'harmonie, l'entente et l'intégration des élèves mais aussi l'apprentissage : le fait d'apprendre à apprendre.

En effet, je suis inquiet car, quelle que soit la réforme choisie, que ce soit la grille horaire ou que ce soit l'hétérogénéité, aujourd'hui une espèce d'ambiance majoritaire reliant certains milieux libéraux et certains milieux de gauche veut supprimer toute idée de redoublement automatique. Je crains pour ma part que cela ne soit un élément de sélection sociale extrêmement fort.

S'agissant de la nouvelle grille horaire, je me permets de citer un document qui est une communication au conseil de direction du 25 mai qui dit très clairement : «Sur préavis du conseil d'école, la direction peut autoriser un élève à doubler une classe au cours des trois degrés, lorsque les motifs indiqués paraissent suffisants.» Il est donc très clair aujourd'hui, si nous n'y prêtons pas garde, que la suppression de redoublement de fait en primaire sera mise en place dans le cadre du cycle d'orientation, ce qui accentuera encore la sélection et ce qui permettra certainement aux milieux de la construction de trouver toutes les apprenties et les apprentis dont ils rêvent depuis des années en décriant la mauvaise réussite de l'école...

Voilà les éléments qui me paraissent pertinents dans le cadre d'une étude de l'hétérogénéité. Le rapport du SRED nous sera fondamentalement utile et, comme l'entrée en vigueur ne pourra pas se faire au mois d'août de cette année pour la 7e, nous avons une année devant nous. Ce temps nous permettra largement d'avancer de façon à intégrer les conclusions du SRED et à supprimer les effets pervers qui pourraient être mis en évidence dans ce rapport.

Je termine en m'adressant à vous, Madame la présidente. Il est sans doute peu fair-play de vous faire revenir à cette heure tardive, même si c'est vous qui avez décidé de revenir, mais c'est aussi vous qui avez décidé de quitter la séance tout à l'heure en sachant que cet objet était à l'ordre du jour...

M. Michel Halpérin. Comme tout le reste, depuis des mois !

M. Charles Beer. Oui, comme tout le reste : vous avez parfaitement raison ! Monsieur Halpérin, il me semble que vous n'avez pas la parole ! Vous n'aurez qu'à la prendre tout à l'heure !

Pour nos milieux, il est important de pouvoir donner un signe clair pour la rentrée du mois d'août - le troisième débat ne sera sans doute pas demandé et il sera probablement porté à l'ordre du jour de la prochaine session, qui aura lieu au mois de juin - en disant que si réforme il doit y avoir, celle-ci doit être globale, cohérente, et permettre de faire une étude. Nous regrettons aussi tout ce qui entoure ce débat... J'allais parler - excusez-moi du terme - de «l'extrême chienlit» des réformes qui s'additionnent les unes aux autres et qui ne permettent pas toujours d'avoir une vue d'ensemble de la situation.

Mme Janine Hagmann (L). Malgré l'heure, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais vous demander d'être raisonnables - M. Lescaze l'a également dit. Il n'est en effet pas décent de voter des lois dont les conséquences sont aussi importantes à la va-vite à minuit cinq ! Pour montrer que le groupe libéral tient absolument à avoir une école de qualité, il va faire un effort en acceptant le renvoi en commission des deux projets de lois. Si la motion est renvoyée au Conseil d'Etat, cela formera un tout.

Comme cela a déjà été dit, l'expérience de classes hétérogènes dure depuis vingt et un ans dans trois cycles. Et pourtant, les deux conseillers d'Etat qui ont précédé Mme Brunschwig Graf n'ont pas généralisé la formule. Pourquoi ? J'ai entendu ce soir qu'il n'y avait pas de différence entre les élèves qui viennent de classes hétérogènes et ceux qui viennent de classes homogènes. Alors, je vous renvoie l'argument : puisqu'il n'y a pas de différence, pourquoi voulez-vous absolument changer les choses ?

D'autre part, vous avez parlé des postes manquants, parce qu'il semble évident que les effectifs des classes hétérogènes doivent être diminués. Il manquerait, nous a-t-on dit, une centaine de postes... OK, mettons cent postes de plus au budget : il n'y a pas de problème ! Mais vous êtes-vous demandé combien de bâtiments feraient défaut ? Avec des effectifs de dix-huit élèves par classe, il faut en effet forcément des bâtiments en plus. La concrétisation de cette mesure n'est absolument pas possible dans la réalité.

Comme vous l'avez dit, nous nous sommes rendus au cycle des Coudriers : il n'est pas du tout vrai que les jugements des enseignants que nous avons vus soient unanimes. Du reste, le procès-verbal le stipule. Nous sommes allés deux par deux dans les classes. J'étais avec Mme de Tassigny et avec le procès-verbaliste qui a pris note des réactions des enseignants qui ne sont pas du tout tous d'accord d'avoir des classes hétérogènes dès la rentrée. Ils estiment qu'il est nécessaire de laisser passer un peu de temps pour assimiler la grille horaire qui démarre en septembre avant de continuer.

Vous avez dit, Monsieur Lescaze, que vous n'étiez pas d'accord avec Mme de Tassigny qui préconise de faire une pause dans les réformes et vous suggérez de ne pas en faire. En ce qui me concerne, je pense qu'il faut laisser du temps pour que la grille horaire se mette en place. Avec cette grille horaire l'élève sera vraiment au centre des préoccupations  et l'enseignement aussi différencié que possible. Ensuite, nous reviendrons sur le problème de l'hétérogénéité, mais la décider comme cela, en vitesse ce soir, cela ne me paraît pas du tout sérieux !

Je vous propose donc le renvoi des deux projets de lois en commission et la motion au Conseil d'Etat.

Le président. Je donne encore la parole aux deux rapporteurs et, ensuite, je procéderai au vote de ces différents objets, bien entendu après avoir laissé s'exprimer Mme la conseillère d'Etat. Monsieur Courvoisier, je vous donne la parole.

M. Jean-François Courvoisier (S), rapporteur de minorité. Comme Mme Hagmann dit qu'il n'y a pas de différence entre les classes hétérogènes et les autres... Je voudrais citer le rapport intermédiaire que nous avons reçu, qui dit clairement : «Quant aux résultats des élèves, il apparaît que la 7e hétérogène offre plus de stimulation pour les élèves moyens et faibles, sans pour autant handicaper les bons élèves.» Les élèves moyens et faibles sont donc meilleurs !

D'autre part, un peu plus loin, je lis : «Les analyses montrent que le regroupement des élèves affecte les progressions. Ainsi, des élèves de caractéristiques initiales comparables progressent d'autant mieux que le niveau moyen de leur classe est élevé.» Ceci figure dans le rapport intermédiaire que nous avons reçu !

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité ad interim. Longtemps l'enseignement genevois était réputé pour son excellence et, également, pour sa complexité face aux autres systèmes d'enseignement. Aujourd'hui encore, dans toute la France, de Dunkerque à Narbonne, on enseigne les mêmes programmes, je n'ose pas dire pratiquement à la même heure, par exemple en histoire. Aujourd'hui, dans les dix-sept cycles d'orientation genevois, je vous assure que les programmes d'histoire sont différents dans les dix-sept cycles d'orientation et parfois même suivant les enseignants. C'est dire que nous avons nous un système de haute couture, alors que les pays qui nous entourent ont souvent de la confection de bas de gamme. Le dire, ce n'est pas simplement se valoriser ou se vanter, c'est montrer que notre système est extrêmement complexe, et donc extrêmement délicat et qu'il ne peut être modifié qu'en tenant compte de tous les équilibres.

Je le répète, j'ai demandé le renvoi en commission de ces projets. Je suis sensible aux arguments développés par M. Charles Beer, mais je lui demande toutefois d'être pragmatique pour qu'un véritable travail d'analyse de ces deux projets de lois puisse être fait. Comme lui, en ayant, il est vrai, seulement lu le rapport de majorité, je constate qu'un véritable travail d'analyse des conséquences pour les élèves tant pédagogiques, financières, que sociales, du projet de loi socialiste n'a visiblement pas été entrepris par la commission de l'enseignement et de l'éducation. Si par malheur le débat était refusé, j'annonce simplement que je proposerai un amendement à l'article 54, alinéa 2, qui porte sur un seul mot, mais un mot qui me paraît important.

J'ai tout à l'heure évoqué certains souvenirs qui m'étaient personnels, mais je peux en évoquer d'autres de nature plus historique, parce que je ne les ai pas vécus personnellement. Je vous rappelle qu'avant l'introduction du cycle d'orientation en 1961, le conseiller d'Etat chargé de l'instruction publique, qui était radical, M. Alfred Borel, a eu une longue dispute avec les enseignants de l'école primaire, parce qu'il a fait passer à la trappe la 7e primaire dans son projet, en faveur de la 7e du cycle d'orientation inventé par Extermann et qui a été mis en vigueur dès que M. André Chavanne est entré en fonction en 1961. Il voulait donc déjà ôter la 7e primaire au profit de ce qui était l'ancienne 7e du collège de Genève. Au fond, il pratiquait déjà l'homogénéité à sa manière - on ne parlait pas à ce moment-là d'hétérogénéité, mais c'était bien un peu cela, puisqu'il y avait des sections. J'ai un peu l'impression qu'avec votre 7e hétérogène - c'est un peu paradoxal, et je le dis cum grano salis - on verrait en réalité l'ultime victoire de l'enseignement primaire, parce que, finalement, les classes primaires sont des classes hétérogènes. C'est en fait revenir, d'une manière déguisée, à l'ancienne 7e primaire hétérogène, recréée par l'Alternative. Reconnaissez que cela mérite au moins une certaine réflexion durant la pause estivale !

Mme Martine Brunschwig Graf. L'enseignement et l'école méritent suffisamment d'attention pour que l'on soit présent quelle que soit l'heure à laquelle on en parle, même si l'heure est particulièrement mal choisie aujourd'hui.

Le débat entamé en 1997 par le dépôt du projet de loi socialiste m'avait immédiatement décidée à faire une demande de mandat au service de la recherche en éducation - les députés de la commission de l'enseignement et de l'éducation le savent - dont nous attendons les résultats pour la fin décembre de cette année. Si j'ai donné ce mandat, c'était bien dans l'idée d'éviter que des discussions sur des a priori viennent clore de longues années durant lesquelles mon illustre prédécesseur - je le tiens de ses plus proches collaborateurs - refusait toute autorisation d'hétérogénéité, à chaque fois qu'il était sollicité. Il ne s'est pas contenté de les refuser, il a mis en place un règlement au cycle d'orientation pour rendre obligatoire l'autorisation du Conseil d'Etat pour toute poursuite d'une réforme dans ce sens ! S'il l'a fait à l'époque c'est parce que lui, grand champion de l'égalité des chances - vous le reconnaîtrez, comme je le reconnais - a pensé que cette solution qui était expérimentée dans ces trois cycles n'avait pas suffisamment démontré d'intérêt. Pourtant, il souhaitait faire avancer l'accès à l'enseignement dans tous les secteurs, y compris à l'université. Trente ans après, ou à peu près puisqu'il s'agissait des années 73 et suivantes, le débat est le même !

Mesdames et Messieurs les députés, je suis convaincue que dans les années qui viennent nous devrons trouver des solutions nouvelles pour le cycle d'orientation. Il est fort probable que le système actuel devra subir quelques modifications d'organisation, mais je serai vraiment déçue d'imaginer qu'aujourd'hui la solution choisie soit celle qui a été refusée depuis trente ans. En effet, aujourd'hui, personne dans cette enceinte ne peut prouver en quoi que ce soit la différence entre les classes hétérogènes et les autres. Je ne sais ce que va donner le résultat de l'étude, mais ce que je sais c'est que nous avons pris la précaution d'analyser les cohortes d'élèves pour rendre ce débat objectif, que nous avons mené une enquête auprès des enseignants, des parents et des élèves, qui doit nous permettre ensuite d'avoir un panorama global de ce que pensent les uns et les autres. Nous fixerons les procédures à suivre sur cette base.

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu beaucoup de choses sur la grille horaire. J'ai même entendu l'autre jour - je le dis devant le président du groupement des associations de parents d'élèves du primaire - un parent d'élève m'expliquer que son opposition à la grille horaire était moins vive après m'avoir entendu donner des réponses aux questions qui m'avaient été posées... J'ai peu eu à discuter de ce sujet en commission de l'enseignement et de l'éducation parce que j'ai été très peu sollicitée par ladite commission... Je peux simplement dire aujourd'hui que nous avons pris toutes les précautions pour que cette grille horaire ne préjuge en rien des décisions qui pourraient être prises ultérieurement dans l'organisation du cycle. Je dirai même plus, cette grille horaire permet quoi qu'il arrive, avec quelques modifications, de s'ajuster selon les besoins lorsque ce parlement pourra prendre les décisions nécessaires - en connaissance de cause, je l'espère !

Ce n'est pas pour précipiter le mouvement que cette grille horaire a été mise en place à la rentrée de cette année. Je vous rappelle que dix ans de travaux l'ont précédée, qu'elle a été annoncée au printemps de l'année dernière, qu'elle était connue depuis le mois de septembre et qu'avant que certains s'en mêlent - sans faire de nouvelles propositions - pour en faire un objet de combat, personne n'avait émis de critique suffisamment importante pour imaginer qu'il y aurait une opposition massive.

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voté l'autre jour une motion demandant une heure d'éducation citoyenne au programme : la nouvelle grille horaire en compte une demie - ce qui n'existe pas à l'heure actuelle - vous avez voté des motions favorisant la formation bilingue, vous vous êtes souvent préoccupés de la formation professionnelle, etc. Eh bien, si vous examiniez cette grille horaire un peu plus attentivement, vous verriez que la plupart des demandes faites par ce parlement ont été prises en considération.

Mais peu importe, il nous revient de faire le nécessaire pour que tout se passe bien et dans la cohérence. Je tiens à vous dire ceci : vous ne connaissez pas ni moi non plus le contenu de l'enquête qui est menée par le SRED, pas plus que vous ne connaissez - j'en ai moi une idée plus précise - les coûts qui seront engendrés par les mesures que vous souhaitez. Nous les connaissons pour les trois collèges en question : ils sont 10 à 15% plus chers que pour les autres collèges, avec les mêmes structures et dans les mêmes conditions. C'est la réalité.

Si vous voulez introduire trois degrés de classes hétérogènes, cela signifie aussi qu'il faudra une centaine de postes supplémentaires mais aussi presque deux collèges en plus. Même si vous ne vouliez prendre ces mesures que pour un degré, il faudrait tout de même en apprécier les conséquences. Cela signifie que pour la rentrée de l'an 2000, principalement pour les élèves qui ont des difficultés, nous organisons les classes de manière à pouvoir baisser les effectifs si nécessaire et nous prévoyons un encadrement différencié. Vous remettez en cause tout ce travail sans en mesurer les conséquences.

C'est vrai, je ne demanderai pas le troisième débat. Vous avez dit tout à l'heure qu'il était important que le débat se fasse au sein de la population. Mesdames et Messieurs les députés, j'étais présente le 18 mai, disponible pour vous durant toute la soirée, afin d'en débattre. Vous avez souhaité remettre cet objet au mois de juin et, de plus, vous avez choisi une heure où personne ne peut suivre vos débats... Je dis bien «choisi», parce qu'il n'y a aucune urgence à en débattre aujourd'hui, pas plus que demain. Nous aurions pu encore le traiter au moins de juin, puisque de toute façon ces mesures ne seront pas appliquées à la rentrée 2000. Si vous imaginiez sérieusement que ces classes hétérogènes pouvaient être mises en place pour la rentrée 2000, c'est que vous n'êtes vraiment pas réalistes, mais je ne le crois pas une seconde !

Le débat devra donc se poursuivre. Certains de vous souhaitent qu'il se passe en commission pour examiner toutes les possibilités sur la base des résultats de l'enquête que nous attendons. En effet, un débat doit se faire avec les personnes concernées en se basant sur les résultats de l'enquête qui a été menée. Aujourd'hui, vous voulez préjuger de ces résultats parce que vous en faites une question idéologique, alors qu'en demandant cette enquête j'ai justement voulu que le débat se fasse sur des bases plus objectives.

Il est encore temps, Mesdames et Messieurs les députés, de réfléchir. Si je ne demande pas le troisième débat, ce n'est pas par vengeance, mais simplement pour que vous ayez la possibilité de réfléchir davantage à ce que nous faisons, et il faut saisir cette occasion. Il a fallu trente ans pour développer le cycle d'orientation, il me semble que nous pouvons nous donner encore un peu de temps pour l'améliorer. J'ai l'espoir de le faire avec vous, mais pas dans l'ignorance. (Applaudissements.) 

PL 8203

Ce projet est renvoyé à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

PL 7697-A

Le président. Le projet de loi 7697-A a fait l'objet d'une demande formelle de renvoi en commission de l'enseignement et de l'éducation. Je soumets donc cette demande à votre approbation.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission de l'enseignement et de l'éducation est rejetée.

Le président. Je fais donc voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 54 (nouvelle teneur)

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité ad interim. J'ose encore espérer que la majorité de ce Grand Conseil est raisonnable, c'est-à-dire qu'elle se rend parfaitement compte qu'on ne peut pas, même en une année, pour des raisons de locaux, de personnel enseignant, d'enseignement proprement dit, introduire les classes hétérogènes dans tous les cycles d'orientation à la fois. C'est pour que vous puissiez faire un travail législatif sérieux que je demande que le mot «progressivement» soit ajouté après «organisé», à l'alinéa 2 de l'article 54, ce qui donne :

«2Afin d'éviter une sélection trop précoce, le septième degré est organisé progressivement dans tous les collèges en classes hétérogènes, sans section.»

Cela permettra d'ailleurs d'obtenir dans chacun de ces collèges une véritable concertation entre les enseignants, les associations de parents d'élèves de ces collèges et peut-être même d'anciens élèves de ces collèges. On oublie en effet parfois un peu trop d'associer ceux qui ont suivi - j'ai bien dit «suivi» et non pas «subi» - l'enseignement dans ces cycles d'orientation. Je pense que le modeste adverbe «progressivement» permettra au moins à cet article unique modifiant la loi sur l'instruction publique d'être réellement appliqué et évitera qu'il ne soit une sorte de coup de trompette résonnant dans le désert. Je demande donc le vote formel sur cet amendement.

Le président. Je mets donc aux voix l'amendement de M. Lescaze, à l'article 54, alinéa 2, consistant à ajouter «progressivement» après «organisé».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 54 est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme Jeannine de Haller qui consiste à ajouter un article 2, souligné, dont la teneur est la suivante :

«La présente loi entre en vigueur dès sa promulgation. L'article 54 déploie ses effets pour la rentrée scolaire d'août 2001.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté.

Le président. Le troisième débat n'étant pas demandé, il est reporté à une séance ultérieure.

M 1336

Le président. Une demande formelle de renvoi en commission de l'enseignement et de l'éducation a été faite pour cette motion. (Le président est interpellé.) Je suis désolé, mais M. Lescaze a proposé formellement le renvoi de cette motion en commission. Je suis donc obligé, Mesdames et Messieurs les députés, de mettre cette proposition aux voix.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation est rejetée.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.

 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, en raison de l'absence du rapporteur, M. Philippe Glatz, nous reportons le point 45 bis à notre prochaine session du 22 juin, si vous le voulez bien. Je vous souhaite une heureuse nuit.

La séance est levée à 0 h 30.