République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 avril 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 7e session - 19e séance
R 422 et objet(s) lié(s)
4. Suite du débat sur les objets suivants :
Suite du débat
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je dois dire en préambule que j'ai apprécié l'intervention de Mme la députée Salika Wenger, surtout le début de son intervention. J'ai par contre un tout petit peu moins aimé la fin.
Après l'échec du 6 décembre, les accords bilatéraux constituent une véritable chance pour notre pays. L'Union européenne est notre principal partenaire commercial et économique. Mme Salika Wenger a rappelé tout à l'heure des chiffres qui sont éloquents. Rester isolé ne peut donc que nuire à nos intérêts. Les sept accords permettent de renforcer nos liens avec l'Union et d'améliorer nos relations. Bien négociés et équilibrés, ils constituent un progrès dans de nombreux domaines. Les entreprises suisses auront un accès facilité à ce grand marché, les entraves aux échanges seront fortement diminuées, les Suisses pourront jouir de la libre circulation dans l'Union européenne. Notre pays pourra également faire appel plus facilement à une main d'oeuvre hautement qualifiée qui fait fortement défaut en Suisse, comme par exemple les informaticiens. Notre pays a également obtenu toutes les garanties nécessaires pour une ouverture en douceur.
M. Pagani a parlé de la libre circulation en Suisse, des pressions qui existent déjà au niveau de la libre circulation en Europe. Je constate que la libre circulation existe en Suisse et qu'il n'y a pas de nivellement de salaires par le bas, ni de nivellement tout court des salaires, puisque l'on constate que les salaires à Genève ne sont pas les mêmes que les salaires dans le Jura, dans les Grisons ou encore en Valais. Cette constatation vaut également pour l'Europe, puisque les salaires allemands ne sont pas les mêmes que les salaires français, ni que les salaires grecs, etc.
De plus, on n'a constaté aucun mouvement migratoire d'importance en Europe. Au contraire, on a même remarqué que l'ouverture des frontières avait pour conséquence de freiner les éventuels mouvements migratoires. Les seuls mouvements migratoires auxquels on pourrait s'attendre en Europe, ce serait plutôt du Nord vers le Sud et non le contraire comme on aurait pu le penser initialement. La Suisse, malgré ces garanties et ces constats faits dans notre pays et en Europe, a pris quelques précautions pour une introduction en douceur de la libre circulation et des mesures de sauvegarde ont été incluses dans l'accord. Nous avons également adopté des dispositions de droit interne à travers les mesures d'accompagnement, qui garantissent le respect des conditions locales de travail. A cet égard, on ne peut que constater que le canton de Genève dispose d'ores et déjà d'une pratique reconnue et efficace contre tout risque de dumping salarial et social à travers la commission tripartite. La position quasiment unanime, peut-être à une exception près, des syndicats est à ce titre éloquente. Nous avons donc suffisamment de garanties pour éviter ce dumping tant décrié et tant craint.
Contrairement à ce que M. Beer dit, lui qui voit dans les accords bilatéraux un premier pas vers l'Union européenne, je pense que les accords bilatéraux peuvent effectivement constituer pour certaines personnes un premier pas vers l'Union européenne, mais il y a d'autres personnes - il y a même parmi elles des députés de cette enceinte - pour lesquelles les accords bilatéraux sont précisément bons parce qu'ils ne constituent pas une adhésion à l'Union européenne. Une chose est sûre, c'est que les accords bilatéraux représentent un projet en tant que tel. Ils ne constituent ni un galop d'essai vers l'adhésion, ni une forme d'Alleingang. Ils laissent la Suisse libre de tout choix par la suite. Ils sont donc simplement une chance pour notre pays et je vous propose de saisir cette chance le 21 mai prochain !
M. Jean Spielmann (AdG). Le débat sur l'Europe a déjà fait l'objet de nombreuses discussions et a suscité de nombreuses décisions dans notre pays, malheureusement aussi un certain nombre d'échecs. Je voudrais quand même rappeler ici que dès le moment où nous avons décidé de franchir le pas et de nous engager en direction des accords de l'Espace économique européen, il s'est agi pour la Suisse et pour ce parlement - nous en avions discuté à l'époque - de modifier notre législation pour l'adapter à la réalité européenne. On a pu constater rapidement qu'un grand nombre de lois devaient être modifiées. On a ainsi pu comprendre que la construction de l'Europe s'était faite avec le postulat de l'admission d'un minimum de sécurité sociale et d'un minimum de lois mises en place qui, paradoxalement, étaient toutes d'un niveau quasiment plus élevé que nos lois portant sur les mêmes objets. Les modifications intervenues au niveau de la législation européenne nous ont par exemple obligés à changer nos dispositions sur l'assurance-maternité, à changer nos dispositions sur l'assurance-maladie, à changer les dispositions légales sur la participation des travailleurs, à lever une partie du secret bancaire, soit toute une série de législations qui ont bénéficié d'améliorations considérables.
Malheureusement, après l'échec de cette proposition devant le peuple, pratiquement toutes ces lois ont été abrogées. Il n'en reste que quelques-unes. On a cependant pu constater à ce moment-là que ceux qui craignaient que l'ouverture vers l'Europe ne constitue un nivellement vers le bas des assurances sociales et des conditions sociales, s'étaient trompés et qu'il y avait là un potentiel de développement que l'on n'avait peut-être pas vu jusque dans le détail.
L'Espace économique européen refusé, il restait toutefois d'autres alternatives, celle de l'adhésion à l'Union européenne, en discutant avec la population et en argumentant, et celle des accords bilatéraux. Je crois qu'il faut dire haut et fort que les accords bilatéraux constituent en fait un leurre, parce qu'il n'y a de bilatéral que le nom des accords conclus entre la Suisse et chacun des pays de l'Union européenne. Dans l'échange, nous nous en sortons bien sûr très largement gagnants, puisque chaque Suisse pourra choisir quinze pays, alors que les accords ne concerneront dans l'autre sens que quinze pays vis-à-vis de la Suisse. L'échange concerne 6,5 ou 7 millions de Suisses qui peuvent s'ouvrir des perspectives vers les quinze pays et vers quinze horizons européens différents. De l'autre côté, ce sont 300 à 350 millions d'Européens qui pourraient venir chez nous, ce qui reste cependant encore à démontrer.
La situation pose donc une série de problèmes. Les sept accords, tous confondus, nous apportent certes une amélioration considérable. Par le biais des accords bilatéraux, que ce soit par la reconnaissance des produits ou que ce soit par la possibilité d'exporter, on a accordé une série de faveurs à la Suisse. Il faut bien reconnaître que l'ensemble des sept mesures sont des mesures plutôt favorables. Mais il y a bien sûr des problèmes. Personnellement, je n'ai pas voté, à Berne, l'accord concernant la libre circulation des personnes, parce que j'ai considéré qu'il y avait là encore un certain nombre de lacunes qui ont été soulignées tout à l'heure par M. Pagani. Lorsqu'on souligne des lacunes, il faut cependant aussi voir dans quel processus on se situe. Dans le processus de la libre circulation des personnes, il y a des faits qu'il faut mettre sur la table. Il faut considérer que les accords bilatéraux constituent une amélioration considérable par rapport à la situation actuelle. Premièrement, il y a en Suisse près de 800 000 ressortissants de la Communauté européenne, 797 000 d'après les statistiques. Il faut savoir que nous nous sommes battus contre le statut de saisonnier, contre le fait que notre pays ne pouvait pas signer la convention des droits de l'enfant, par quoi l'on ne reconnaissait ni le droit au regroupement familial ni le droit à la formation des jeunes. L'accord bilatéral sur le déplacement des personnes prévoit la suppression du statut de saisonnier. Ce ne sont bien sûr pas les 797 000 Européens qui travaillent en Suisse aujourd'hui qui sont saisonniers. Mais une grande partie d'entre eux ont subi ce statut inique contre lequel nous nous sommes battus. C'est un aspect extrêmement positif de ces accords, parce qu'il faut que les ressortissants de la communauté européenne représentent les 60% des étrangers qui travaillent dans notre pays. Par conséquent, la suppression du statut de saisonnier est un pas extrêmement important. Reste aussi le problème, puisque l'on parle des bilatérales, de la situation de la population suisse qui travaille dans la Communauté européenne. Il faut savoir qu'il y a 340 000 Suisses qui travaillent dans l'un des pays de la Communauté européenne. Pour eux, il n'y aura aucune mesure d'accompagnement qui les obligerait à attendre douze ans pour bénéficier des libertés, notamment celle de s'établir. Cette dernière sera valable dès la signature des accords.
Si l'on examine l'ensemble du dossier et que l'on fait encore un pas de plus en allant vers les conventions collectives et si l'on examine comment se développe le régime des conventions collectives et des contrats de droit du travail, il faut savoir que la part des personnes couvertes par une convention collective de travail est aujourd'hui beaucoup plus importante, dans le canton de Genève - ce n'est pas une particularité suisse, c'est ainsi dans pratiquement toutes les régions frontalières - chez les résidants étrangers que pour la population suisse. Pour le canton de Genève, il y a 35% de ressortissants suisses qui sont couverts par une convention collective de travail et plus de 50% de frontaliers et près de 49% d'étrangers. Il y a là une réalité dont il faut tenir compte lorsqu'on parle de qui on défend et comment on veut défendre des populations que l'on entend défendre dans les différents accords.
On peut donc dire, je me permets de l'affirmer ici et j'attends d'être démenti sur les faits, que les accords bilatéraux en ce qui concerne le droit des travailleurs et en ce qui concerne les protections sociales sont une avancée par rapport à la situation actuelle. Il est vrai que le dumping salarial est un problème, qu'il va perdurer et que l'on n'éliminera pas tout, mais il sera moins grave qu'il ne l'est aujourd'hui. Il y a aujourd'hui plus de dumping salarial qu'il n'y en aura demain avec les accords bilatéraux. Les accords tels qu'ils ont été élaborés, avec la possibilité de maintenir les contingents pendant les deux premières années puis de revoir l'accord après cinq ans et de ne rendre définitive la libre circulation des personnes qu'après douze est un processus qui permet l'évolution vers la signature beaucoup plus large de conventions collectives. Les partenaires sociaux développent aujourd'hui l'argument de la convention collective pour expliquer qu'il faut aller dans ce sens. Car aussi bien les industriels que les patrons ont intérêt d'avoir des conventions collectives avec les employés, car s'il y a dumping sur le plan des salaires, il y a aussi dumping sur le plan de la mise au concours des travaux. Nous avons par conséquent intérêt, les uns et les autres, à se mettre d'accord sur un certain nombre de règles minimales qui évitent le dumping pour les entreprises au niveau du prix de la construction, le dumping social et le dumping salarial.
Je conclurai en disant qu'il faut aussi, lorsqu'on prend position sur un dossier comme celui-là, sur les sept dossiers qu'il serait bien sûr beaucoup trop long à énumérer ici, se rendre compte ce que signifierait l'échec des accords bilatéraux. Ce serait la fermeture de la Suisse par rapport à l'Europe, ce serait continuer à vivre toutes fenêtres closes, alors que notre avenir se construit dehors.
Je voudrais conclure par des exemples. Avant la mise en place des accords de Schengen, s'agissant des déplacements et des échanges avec nos voisins, par exemple entre les postes française et genevoise, des cars postaux partaient de la poste du Mont-Blanc pour aller à Annemasse et d'Annemasse à la poste du Mont-Blanc afin d'échanger les paquets. Depuis les accords de Schengen, toute lettre, qu'elle parte de Moillesullaz ou d'Annemasse, passe soit par Bâle, soit par Lyon. Ce sont deux passages obligatoires et autorisés pour entrer sur le territoire de la Communauté européenne.
L'espace et les frontières sont aujourd'hui relativement souples, parce que l'on attend une réponse de la Suisse par rapport à ces accords bilatéraux avec nos voisins. Si nous refusons ces accords et que nous fermons nos frontières, il est clair que les choses vont se compliquer sur deux niveaux. Le premier niveau est celui du déplacement des frontières et le deuxième niveau est le droit des Suisses d'aller dans les autres pays. Et le plus important, la vente des produits suisses qui, parce qu'ils n'auront pas la reconnaissance de marque et le timbre CE, ne pourront pas avoir accès au marché de la communauté européenne, alors que plus de 70% de nos produits, cela a été dit tout à l'heure, partent vers la Communauté européenne. Ce serait un suicide politique et une hérésie que de refuser les accords bilatéraux. Ce sont des accords qu'il faut signer, ce sont quinze accords avec quinze pays différents. Il fallait les négocier. Il faut à présent les mettre en route. Les négociations ont été favorables à notre pays et notre canton se doit de respecter et d'aller de l'avant avec ces accords afin de développer une politique d'ouverture et pas une politique de repli.
M. John Dupraz (R). C'est un plaisir d'entendre M. Spielmann montrant le côté positif de ces accords bilatéraux, au contraire de M. Pagani qui, lui, peint tout en noir. Il faut dire que ces accords - M. Spielmann l'a très bien expliqué, ainsi que M. Charles Beer, Mme Salika Wenger et Mme Ruegsegger - constituent une formidable chance pour notre pays de sortir de son isolement. Il ne s'agit pas d'adhérer à l'Union européenne. Ce sont des accords sectoriels qui vont faciliter nos rapports économiques et sociaux avec l'Union européenne qui, encore une fois, est notre plus gros client économique et notre plus gros fournisseur.
Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas rester géographiquement isolés au milieu de l'Europe sans avoir économiquement, politiquement et socialement de bonnes relations avec l'Union européenne. Ce n'est pas possible !
Parmi ces accords, deux accords sectoriels méritent d'être soulignés. C'est la libre circulation des personnes, qui donne la possibilité à nos jeunes de travailler dans tous les pays de l'Union européenne. Ils peuvent aujourd'hui s'y rendre, mais ils rencontrent les pires difficultés à obtenir des permis de travail. C'est donc une chance ! Après deux ans déjà, ils pourront aller travailler dans l'Union européenne. Les accords concernant cette libre circulation apparaissent par contre plus restrictifs pour l'Union européenne, pour ceux qui voudraient venir chez nous. Comme cela a été dit, on constate que l'Union européenne n'a pas connu de problèmes de Portugais, d'Espagnols ou de Grecs qui auraient « envahi » la France, l'Allemagne ou les pays du Nord de l'Europe. Les problèmes de l'Union européenne sont des problèmes de migration Nord-Sud. Ce sont exactement les mêmes problèmes que nous avons. Je ne crains donc pas un « envahissement » de notre pays par les ressortissants de l'Union européenne ! Il y a certes, comme tout accord, quelques risques. On a parlé de dumping salarial. Ce risque existe. Il a été identifié et des mesures complémentaires d'accompagnement ont été prises. Il reviendra aux syndicats ouvriers, aux syndicats patronaux, aux autorités politiques de les appliquer et de les respecter. Je crois qu'un maximum de précautions ont été prises pour éviter les effets négatifs de cet accord.
Un deuxième accord sectoriel m'apparaît très important. Il montre que même un petit pays comme la Suisse peut avoir une grande influence sur un grand ensemble politico-économique comme l'Union européenne. C'est l'accord sur les transports terrestres. Nous avons mis en place un système qui va transférer le transport routier vers le rail. Cet accord précis, concrétisé notamment par la construction des nouvelles lignes ferroviaires alpines, va inciter nos voisins européens à aller dans le même sens. C'est un accord et un succès fantastiques pour la Suisse, qui permet à la fois de respecter nos engagements de politique intérieure par rapport à l'initiative sur les Alpes, acceptée par le peuple, et de faire preuve d'ouverture envers l'Union européenne avec l'introduction progressive des poids lourds de 40 tonnes. Nous voulons cependant en limiter les effets négatifs par le biais de cette taxe poids lourds, qui constitue à mon avis un élément de progrès social et économique pour l'avenir de la Suisse et de l'Union européenne.
Je crois qu'il ne faut pas hésiter ! Nous devons dire oui, avec enthousiasme, à ces accords qui peuvent constituer pour certains un premier pas vers une future adhésion à l'Union européenne ou pour d'autres une fin en soi ! Ces accords sont nécessaires pour permettre à notre pays de poursuivre dans la voie du développement, dans la voie d'un meilleur équilibre dans les échanges que nous avons avec l'Union européenne.
Enfin, pour faire référence à ce problème de dumping social et salarial, notre collègue Seydoux présente un amendement à la résolution, que vous accepterez, je l'espère !
M. Rémy Pagani (AdG). Je reprends la parole parce qu'il me semble que plusieurs questions ont été posées, en tout cas par mon intermédiaire, qui n'ont pas trouvé de réponse. J'ai posé un certain nombre de questions concrètes concernant des problèmes que les gens vont vivre au quotidien, comme boucler les fins de mois. Je sais que la majorité d'entre vous ne connaît pas forcément ce type de problème. Toujours est-il que la question se pose pour la majorité de nos concitoyens. Or, l'ensemble des interventions, à part celle de M. Spielmann tout à l'heure, ont répondu à ces questions de manière générale : « l'internationalisme prolétarien », « ces accords sont une nécessité pour la Suisse », etc. Si vous persistez à mener cette campagne de cette manière, beaucoup de gens vous feront de moins en moins confiance !
Je fais pour ma part état de problèmes réels. J'espérais obtenir des réponses concrètes, car il y a quand même un certain nombre de choses qu'il faut dire sur le plan concret. Lorsque, par exemple, M. Spielmann parle de la suppression du statut des saisonniers - cela fait à peu près 25 ans ou 30 ans que je me bats contre ce statut - j'ai le regret de lui dire que le statut de saisonnier ne sera pas aboli. Il sera certes aboli pour la population de l'Union européenne, mais il ne sera aboli ni pour les Turcs, ni pour les Yougoslaves, ni pour les Hongrois. C'est bien ce qui va se passer. On va effectivement ouvrir les frontières, mais nous ne pourrons de fait pas ratifier la convention internationale qui protège notamment les droits de l'enfant, parce que le regroupement familial des personnes relevant du deuxième cercle - théorie xénophobe au possible - subsistera.
J'ai aussi des choses à dire en ce qui concerne le dumping salarial. Concrètement, vous n'avez fourni aucune réponse au niveau de la loi. Vous m'avez simplement dit que ce n'était pas vrai et que l'on disposait de toutes les garanties pour empêcher ce dumping salarial. Vous ne pouvez en fait pas me contredire sur ce terrain et vous en restez effectivement à des généralités. Venons-en donc à ces généralités, puisque le discours s'arrête à ce niveau-là ! J'ai été et je reste un Européen convaincu ! (Exclamations.) J'ai voté pour l'Europe lors du débat sur l'EEE ! M. Spielmann a rappelé plusieurs choses. Par exemple, lorsque nous avons voté une série de lois en vue de l'adhésion à l'EEE - elles sont tombées depuis parce que nous n'avons pas adhéré à cet Espace économique européen - nous avons modifié toute une série de lois sociales, notamment, Madame Wenger, l'assurance-maternité qui nous aurait été imposée lors de notre entrée dans l'Espace économique européen. Or, elle ne nous sera pas imposée par ces accords bilatéraux.
Je prends un autre exemple, la transparence des bilans, qui est une règle fondamentale de la comptabilité européenne et qui rendrait service tant aux syndicats qu'à l'économie suisse, aurait été imposée par l'Espace économique européen. Cette transparence des bilans, comme d'ailleurs la participation dans les entreprises, nous aurait permis, à nous syndicalistes, de faire notre boulot. Ces aspects sociaux n'ont toutefois pas été négociés. Au contraire ! Ce qui a été négocié dans ces accords bilatéraux, c'est la possibilité pour le patronat de mettre en concurrence 360 millions d'habitants contre 6 millions d'autres salariés. C'est cela la réalité ! Si vous aviez été honnêtes, vous auriez précisé qu'il n'était pas possible de les mettre en concurrence. Cela veut dire que l'Etat doit opérer des contrôles a priori, comme il le fait aujourd'hui. Là encore, je ne suis pas d'accord avec mon collègue Spielmann, lorsqu'il explique que la situation n'est aujourd'hui pas maîtrisée. Ce n'est pas vrai, Mesdames et Messieurs ! Si nous sommes arrivés à 40%, voire 50% de personnes qui vivent avec nous et qui travaillent au coude à coude avec nous, c'est parce que les syndicalistes d'il y a 40 ou 50 ans - je parle là du syndicaliste Tronchet - ont imposé le contrôle par l'Etat de l'ensemble des conditions de travail et de rémunération des personnes venues nous aider à construire ce pays. Je crois qu'il y a une tradition syndicale qu'il s'agit de respecter et j'espère en être le digne continuateur.
Ceci étant et toujours au niveau des généralités, vous nous dites que la Suisse va profiter merveilleusement bien de ces sept accords bilatéraux ! Le produit intérieur brut va s'élever ! Je vous rappelle cependant le débat qui s'est déroulé il y a moins d'une heure et qui a montré que la richesse de ce pays n'allait plus que vers les riches et que les pauvres s'appauvrissaient de plus en plus. S'il ne s'agit donc que de permettre à la Suisse de pénétrer les marchés européens, de s'enrichir et d'augmenter son produit intérieur brut... Vous le savez, c'est une des conséquences de la crise que nous venons de traverser. Vous avez réussi, vous les libéraux, Mesdames, Messieurs des bancs d'en face, à découpler l'emploi et les richesses ! Vous accaparez, les actionnaires de ce pays s'accapareront les richesses. De mon point de vue, les salariés n'ont donc rien à attendre de ces accords bilatéraux.
Je ne suis pas le seul à le dire, Monsieur Annen ! Vous prétendez que je suis isolé, mais je ne suis pas isolé. La question est donc de savoir comment expliquer les choses aux travailleurs, qui seront en définitive ceux qui iront voter.
En plus de cela, il y a un autre problème que vous n'avez pas imaginé. Les accords bilatéraux vont faire pression sur la masse salariale. Les salaires ont stagné au cours de ces dix dernières années, ils vont continuer à stagner, voire diminuer pour certaines catégories. Avec cette masse salariale diminuant, voire stagnant, il y aura des problèmes par rapport à l'AVS. Quant aux personnes âgées ou à nous-mêmes, qui atteindrons demain l'âge de l'AVS, il faut savoir que nous disposerons d'encore moins d'argent pour l'AVS. Nous augmenterons la TVA et c'est l'ensemble de la population, par un impôt injuste, qui payera cette différence ! Il y a là une logique dans laquelle je n'entre pas. Je le redis, je voterai non à ces bilatérales.
Une voix. Tu seras le seul !
M. Jean Rémy Roulet (L). Le parti libéral apportera son soutien franc et massif aux sept accords bilatéraux Suisse-Europe qui seront soumis au peuple le 21 mai prochain.
Au vu du débat de tout à l'heure, initié par M. Pagani, il y a lieu de rappeler très brièvement sur quoi portent ces accords. Cela nous permettra, je l'espère vivement, de se rappeler que ces accords touchent un vaste domaine d'activités humaines et qu'il ne serait donc pas honnête, comme l'a rappelé mon collègue Annen, de les circonscrire à la seule question des employés d'Orgexpo.
Quels sont les objectifs poursuivis par ces accords ? En matière de transport terrestre, il s'agit de mettre en place une politique coordonnée des transports dans l'arc alpin. En matière de libre circulation des personnes, deuxième accord, il s'agit d'introduire progressivement les règles européennes de libre circulation entre la Suisse et l'Europe. En matière d'obstacle technique au commerce, il s'agit de faciliter l'exportation des produits suisses en Europe par la reconnaissance des normes suisses et des certificats de contrôle délivrés par notre pays. En matière de transport aérien, il s'agit de mettre les compagnies aériennes suisses sur pied d'égalité avec les compagnies européennes. En matière d'agriculture - il s'agit là du cinquième accord, il n'en reste que deux ! - il s'agit d'ouvrir mutuellement certains marchés agricoles et notamment de libéraliser en cinq ans le marché du fromage. En matière de recherche, il s'agit d'assurer la participation des chercheurs aux entreprises et des entreprises suisses aux programmes de recherches européens. Enfin, le dernier accord a trait aux marchés publics. Il s'agit de poursuivre l'ouverture amorcée avec l'accord de l'OMC sur ce type de marché.
Tout ceci en mettant en place des mesures d'accompagnement, essentiellement dans le domaine de la libre circulation des personnes, afin d'éviter d'éventuelles, permettez-moi l'expression française, sous-enchères salariales !
Pour ce qui est des avantages de ce traité, je vous renvoie à l'excellente présentation qui a été faite tout à l'heure, avant la pause, par notre collègue Charles Beer et, juste après la pause, par M. Spielmann, Tout a été dit ! Permettez-moi donc d'ajouter en guise de conclusion un élément de politique genevoise ! Si ce parlement vote ce soir cette résolution : « Oui aux accords bilatéraux le lundi 21 mai prochain », il démontrera son attachement à une idée on ne peut plus fédératrice. C'est celle de l'appartenance de notre région à l'Europe, toutes tendances politiques confondues. C'est, je vous le rappelle, l'enseignement que nous avaient délivré les concitoyennes et les concitoyens de ce canton le 6 décembre 1992.
Mme Jeannine de Haller (AdG). Je n'entrerai pas en matière sur les nombreux aspects de ces accords bilatéraux qui ont déjà été amplement mentionnés ce soir. Je me contenterai d'évoquer un seul point qui est fondamental pour moi et qui est lié à l'ouverture des frontières et à la libre circulation des personnes.
Nous avons ici en Suisse un nombre considérable de personnes qui travaillent sans papier, sans permis de travail, et qui, pour ces raisons-là, sont sous-payées. L'ouverture des frontières et, justement, la libre circulation des personnes permettront à ces gens de vivre ici légalement et de recevoir un salaire décent.
M. Dominique Hausser (S). Le « oui » aux accords bilatéraux est une nécessité. Certes, Mme Ruegsegger l'a dit tout à l'heure, ce n'est pas, pour certains, un premier pas vers l'adhésion à l'Union européenne. Mais pour le socialiste, ça l'est ! Il est nécessaire de passer par là pour adhérer à l'Union européenne.
Ces accords sont de nature essentiellement économiques. Je reviendrai tout à l'heure sur l'un des accords particuliers qui n'a pas été évoqué jusqu'à maintenant ou que très partiellement. Mais il est clair que si nous voulons participer au développement social de l'Europe et de la Suisse - certains éléments ont été mentionnés tout à l'heure, en particulier l'assurance-maternité - nous nous devons de nous inscrire dans l'Union européenne pour nous trouver à un niveau équivalent de discussion. Les mesures d'accompagnement adoptées par le parlement fédéral sont certes minimales, mais elles sont largement suffisantes et ceci en particulier grâce au travail intensif des syndicats et de la gauche pour éviter un certain nombre de problèmes liés à ces accords.
Brièvement, l'accord concernant la recherche. Depuis le 1er janvier 1993, soit quelque 15 jours après le vote du 6 décembre 1992, l'ensemble des chercheurs suisses ont perdu toutes les égalités dont ils disposaient avec les chercheurs européens. Ils ont perdu toute possibilité de conserver le leadership sur des projets européens et internationaux. Depuis huit ans, les chercheurs suisses doivent se bagarrer pour rester en compétition, pour collaborer avec leurs partenaires européens. Sur ce point-là, je crois que l'accord sur la recherche est extrêmement important.
Si l'impact des accords bilatéraux sur Genève sera, pour la plupart des accords, relativement modéré, il est cependant vrai que le canton doit prendre un certain nombre de mesures d'accompagnement et de mesures d'application de ces mesures d'accompagnement. C'est de la compétence du canton et il doit se montrer explicite sur ce plan-là. Je crois que l'amendement proposé par M. Seydoux est très clair et nous devons le soutenir, puisqu'il demande au Conseil d'Etat de nous dire concrètement ce qu'il compte faire et qu'il lui demande de compléter de façon exhaustive la motion 1342, qui touche plus particulièrement le volet transport et aménagement du territoire au niveau transfrontalier. Il est important, sur ce point-là, de suivre cet amendement.
Enfin, contrairement au 6 décembre 1992, il ne s'agit pas de réunir une double majorité, mais une majorité simple. C'est la raison pour laquelle je souhaite voir la plus grande majorité de ce parlement inviter nos concitoyens à participer massivement au vote du 21 mai 2000 et à dire oui tout aussi massivement. C'est le seul moyen de permettre la réussite de cette opération et de cette votation.
M. Gilles Godinat (AdG). Juste quelques mots. Sur le contexte général, nous assistons depuis plusieurs décennies à une offensive néo-libérale sans précédent sur l'Europe - tout le monde en a fait le constat - importante dans son ampleur, sa durée et ses conséquences sociales. Le monde syndical est sur la défensive. C'est le moins que l'on puisse dire et tout le monde le reconnaît !
Notre mouvement a dit non à Maastricht et a dit non à Schengen. Et pourtant ce soir, je voterai la résolution. Je vais m'en expliquer. Les bilatérales - je rejoins en ce sens complètement mon collègue Pagani - jettent de la poudre aux yeux. En aucun cas, ces bilatérales ne constitueront un levier pour l'émancipation des salariés de ce pays. Je crois qu'il a raison d'insister sur ce point, la seule condition de l'émancipation, c'est l'unité, la combativité et la lutte en faveur d'objectifs syndicalement clairs, allant vers une alliance au niveau européen. Nous souscrivons effectivement à l'internationalisme prolétarien, parce que nous pensons que c'est la seule issue possible. Il n'y a pas d'issue dans un repli et le réduit national ne constitue en aucune mesure une perspective pour le mouvement ouvrier suisse et international, puisque la composition du mouvement ouvrier en Suisse est international.
La libre circulation des personnes constitue pour nous un principe fondamental. C'est un héritage du mouvement ouvrier auquel nous sommes profondément attachés. C'est une des raisons essentielles pour lesquelles, en ce qui me concerne, je voterai pour les bilatérales. Dans mon mouvement, je me suis associé au vote blanc, parce que j'estime que la dynamique dans laquelle nous nous situons est une dynamique patronale. Nous sommes dans une position de « suivisme » du côté des salariés. Il faut le reconnaître. Cela nous place donc dans une position difficile. Mais dans le contexte de ce soir, comme l'abstention est absurde et que le vote blanc n'est pas significatif dans cette assemblée, je voterai donc pour la résolution. Enfin, je soutiens évidemment, parmi les autres accords bilatéraux, l'accord qui encourage la mobilité des étudiants. Il est fondamental. Par ailleurs, j'ai été particulièrement choqué de voir une partie du corps médical, dans une attitude corporatiste, adopter une attitude ultra-protectionniste en se protégeant contre d'éventuels confrères étrangers. Pour ces différentes raisons, je voterai cette résolution ce soir.
M. Charles Seydoux (R). Je m'associe pleinement à cette proposition de résolution, non seulement en qualité de député du parti radical, mais surtout en tant que chef d'entreprise actif dans ce canton. Ces accords sont en effet très importants pour notre avenir à tous. J'aimerais toutefois insister sur les mesures d'accompagnement destinées à éviter tout dumping social, salarial et économique pour les travailleurs, ainsi que pour les entreprises et les artisans des branches de l'économie intérieure. A cet effet, tant les autorités cantonales que les partenaires sociaux ont un rôle essentiel à jouer. Notre canton possède déjà un dispositif tripartite performant. Nous savons que des mesures de contrôle complémentaires sont sur le point d'être adoptées sous l'égide du département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que le texte de la proposition de résolution fasse mention de la détermination des autorités et des partenaires sociaux de maîtriser ce passage délicat. Les électrices et les électeurs doivent être rassurés sur la volonté politique d'appliquer ces mesures d'accompagnement dès l'entrée en vigueur des accords. Aussi, je propose de compléter le texte de la proposition de résolution au deuxième alinéa, en ajoutant à la fin de celui-ci la phrase :
« demande au Conseil d'Etat de s'engager d'ores et déjà à mettre en place un dispositif efficace pour permettre le respect des mesures d'accompagnement proposées par le Conseil fédéral dans notre canton. »
Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de bien vouloir accepter cet amendement.
M. Bernard Annen (L). Très rapidement pour dire que si le parti libéral est derrière l'acceptation de cette résolution, c'est parce qu'il est un inconditionnel partisan de l'acceptation de ces bilatérales. Mais même en étant inconditionnel, il sait très bien qu'il y a des responsabilités à endosser là derrière. Tout le débat engagé par ceux qui ont soulevé un certain nombre d'interrogations tourne autour de la question de savoir si l'on fera oui ou non respecter les mesures d'accompagnement.
Le parti libéral a toujours été pour la paix sociale. Cette paix sociale implique naturellement une responsabilité. S'il y a une signature de convention collective, cela équivaut à dire qu'il faudra la faire respecter. C'est là l'inquiétude que je sens de la part de M. Pagani, même s'il le dit de manière maladroite ! Cette inquiétude-là doit être levée, mais pas en montrant du doigt ou en fustigeant les entreprises.
Quelle peur avez-vous donc des entreprises, Monsieur Pagani ? Quelle insulte vis-à-vis des syndicats que de dire qu'ils font preuve de « suivisme » ! Mais non ! Les syndicats eux-mêmes ont participé à l'ensemble de ces travaux. Il est vrai qu'il faudra s'assurer que tout cela soit respecté. Nous avons pu analyser la situation, nous avons pu comparer avec les autres pays. Je crois que l'exemple du Luxembourg est un bon exemple. On trouve au Luxembourg, tous secteurs confondus de l'économie, 70 contrôleurs. Nous n'en avons effectivement pas suffisamment aujourd'hui. Il faudra donc bien collaborer à un moment donné dans ce sens, même si les libéraux se montrent très réticents par rapport à l'augmentation du nombre de fonctionnaires, pour respecter tout simplement les engagements pris. Car on ne peut pas faire que de la théorie. Sur le terrain, il faudra bien que nous fassions le nécessaire.
Je crois qu'il y a d'autres mesures à envisager, de façon que tout le monde soit sur pied d'égalité, que ce soient les travailleurs - c'est normal - mais que ce soient aussi les entreprises. De notre point de vue, il n'est pas question d'envisager des distorsions de concurrence sur le dos des charges sociales. Si l'on accepte les charges sociales, si l'on accepte et l'on signe une convention collective, il est important de la faire respecter.
Au-delà de ce que vous pensez des entreprises susceptibles de venir s'installer en Suisse et qui pourraient être de dangereuses concurrentes, il y a d'autres entreprises dont il faut se préoccuper. Ainsi, les entreprises de travail temporaire ne devront jamais prendre le relais de certaines entreprises, de mauvaises entreprises, qui délégueraient, elles, leurs responsabilités en matière de conventions collectives. J'en suis le garant, j'en suis le garant de par ma profession. Je ne peux pas admettre - je l'ai déjà dit publiquement dans les journaux - que des gens acceptent, signent quelque chose, mais ne le respectent pas ! C'est une question de personnalité, Monsieur Pagani, et rien d'autre ! De ce point de vue-là, on peut s'interroger sur l'enjeu. L'enjeu, c'est la paix sociale. Sachez que les libéraux y sont très attachés !
M. David Hiler (Ve). Une toute petite voix verte pour vous dire deux choses. La première concerne le fond. C'est bien entendu parce que nous souhaitons l'adhésion à l'Union européenne et en fonction de ce choix que nous soutenons aujourd'hui les bilatérales. Car, à bien y réfléchir, est-ce que quelqu'un peut prétendre aujourd'hui, parmi ceux qui sont favorables à l'adhésion, qu'un vote négatif nous avancerait de quelque manière ? Non ! On est obligé de faire le pas selon un itinéraire que l'on n'a, à vrai dire, pas choisi. Mais le fait de ne pas choisir un itinéraire ne vous oblige tout de même pas à rester sur place et à renoncer à atteindre votre objectif !
Nous voulons adhérer à l'Europe parce que nous sommes tout simplement européens. Nous voulons adhérer à l'Europe parce que, chaque jour qui passe dans notre vie quotidienne, les décisions prises à l'échelle de l'Union européenne apparaissent de plus en plus importantes.
La deuxième chose concerne un certain nombre de points soulevés par M. Pagani. Comme écologiste, je dois dire qu'il y a une chose à laquelle je ne crois pas, c'est à un changement qui n'apporte que du bien ! On peut bien sûr le prétendre le temps d'une votation. On peut dire qu'il n'y a que du positif dans les bilatérales et leurs mesures d'accompagnement. Mais ce n'est certainement par le cas. Il y aura certainement - ils sont d'ailleurs difficiles à discerner - des gagnants et des perdants au sein de la société suisse, comme chaque fois que la société change. Ce que je sais en tout cas, c'est que toute théorie - qu'elle émane du mouvement écologiste, d'une petite fraction ou qu'elle émane de certains milieux syndicaux - qui tendrait à faire de la Suisse une sorte de réduit, à partir duquel on pourrait résister à je ne sais quel grand mouvement mondial qui nous menacerait, est fausse.
C'est en Suisse, Mesdames et Messieurs, que la révolution conservatrice est en marche. C'est en Suisse que le danger est le plus grand. S'y développe exactement le même type d'idéologie qui s'est développé dans l'Amérique reaganienne. Je suis désolé, mais on a toujours dit que la théorie de Reagan se résumait à une question économique. Ce n'était pas seulement cela, c'était avant tout un discours archiconservateur sur les moeurs et un discours archinationaliste doublé d'une politique de laisser-faire total. Qu'est-ce qui triomphe aujourd'hui à Berne ? Avec qui s'allie, sinon avec Blocher, une partie des partis bourgeois ? C'est ici qu'est le danger ! Pas chez vous, Monsieur Dupraz, mais chez certains de vos amis d'outre-Sarine ! Hélas oui !
M. John Dupraz. Des noms !
M. David Hiler. Les dangers sont aujourd'hui là. Il faut donc cesser d'avoir cette vision de l'île qui nous protégerait des requins menaçants. Les requins ont des pattes, ils sont sur l'île et ils courent vite ! C'est pour cela que M. Pagani ne peut pas avoir tout à fait tort. Le problème que nous avons face à ces bilatérales, c'est qu'elles viennent à un moment où le rapport de force entre les salariés et les entrepreneurs n'est pas bon en Suisse, mais ce n'est pas... (L'orateur est interpellé.) S'il te plaît, tu peux me laisser finir ? ...ce n'est pas à cause des bilatérales que le problème se pose. Le problème est inhérent aux structures sociales suisses et à la montée du chômage pendant un certain temps. C'est l'enjeu de demain. Mais prétendre que les bilatérales vont dégrader la condition des travailleurs condamne ceux qui le disent à rejoindre des rangs qu'ils ne souhaiteraient probablement pas rejoindre, parce qu'ils placent finalement en avant le critère de la nationalité ! Parler de ce critère-là vous conduit toujours au mauvais endroit, Monsieur Pagani !
Le président. Mesdames, Messieurs les députés, il reste quatre intervenants, MM. Spielmann, Rodrik, Beer et Pagani. Etant donné que chacun a pu s'exprimer ce soir librement pendant un laps de temps suffisamment long, le Bureau prend la décision de clore la liste des orateurs après M. Pagani et de passer ensuite au vote.
M. Jean Spielmann (AdG). On ne peut pas ne pas répondre aux questions posées, comme celle du problème des immigrés. Il est clair que s'il n'y a pas trace dans les bilatérales - dans les accords qui seront conclus avec chacun des quinze pays européens et qui auront préalablement été négociés avec la communauté dans son ensemble - de politique d'immigration pour les résidents hors Communauté européenne, c'est tout simplement parce que la Communauté européenne n'a pas, pour elle-même, de politique d'immigration commune et qu'il n'y a pas d'accord entre ses membres sur la manière avec laquelle traiter ceux qui proviennent d'autres régions. Or, à partir du moment où l'on signe des accords avec plusieurs pays, on ne peut pas aborder un problème qu'ils ne traitent pas eux-mêmes et que l'on traite pour notre part différemment. Cela signifie donc que le problème reste entier et qu'il n'y a pas de solution, il faut le dire, pour les travailleurs provenant de l'extérieur du cercle de la communauté européenne. Les dispositions en vigueur restent ainsi ce qu'elles étaient.
Je rappelle quand même les proportions pour savoir de qui l'on parle. Près de 60% - 58,6% exactement - de résidents proviennent de la Communauté européenne, ceci à la fin de l'automne 99. Ce sont, pour être bien précis, des salariés étrangers en Suisse. Il y avait à peu près 5% de résidents de Turquie, 24% de résidents provenant de l'ensemble de l'ex-Yougoslavie et à peu près 10% venant d'autres horizons.
Cela signifie donc que l'on ne va pas changer ces problèmes-là. A partir du moment où on ne les change pas et qu'il y a statu quo, il faut se demander si ces bilatérales apportent quelque chose de positif ou de négatif. Si elles ne règlent pas le problème, il ne suffit pas de le dire. On ne va pas refuser ces bilatérales parce que l'on ne règle pas un problème qui existe déjà aujourd'hui.
Le problème est de savoir, je l'ai déjà dit, que les droits vont changer pour 790 000 résidants étrangers. Ils n'auront plus le droit de résider ici en fonction du permis de travail. Mais ils auront le droit de séjour d'une année, ils auront le droit au regroupement familial et le droit à l'éducation des enfants. Ils auront accès à l'ensemble de ce que l'on devrait normalement offrir à une famille dans ce pays, ce qui n'a pas été fait pendant des années, il faut quand même le dire ici. C'est donc un pas considérable qui est franchi.
En ce qui concerne les bilatérales dans leur ensemble, il est clair que les accords bilatéraux n'amèneront certainement pas une embellie extraordinaire au niveau économique. Certes, personne ne peut le prévoir, mais ce qui est en tout cas sûr, c'est que si l'on n'aboutit pas sur les accords économiques, le peu que nous produisons encore dans ce pays et qui est exporté aura une difficulté considérable, par défaut de compatibilité des produits et par défaut d'ouverture, à atteindre un marché où la Suisse exporte actuellement 70% de sa production. Je l'ai dit tout à l'heure en citant l'exemple de la Poste et des échanges avec les pays voisins. Ce sera la fermeture de l'Europe, alors qu'il est nécessaire, si l'on produit, d'essayer de vendre les produits à l'extérieur.
Cette fermeture est vraiment le thème essentiel du débat. Sans ces accords avec quinze pays de la communauté européenne, portant sur un échange, sur une possibilité d'échanger, nous risquons de nous refermer sur nous-mêmes. Une politique de nain de jardin limitera forcément l'horizon à ce niveau-là. On a parlé tout à l'heure de l'AVS et des problèmes sociaux, il faut savoir que la Suisse ne résoudra pas ces problèmes en se refermant sur elle-même. Si l'on se borne à régler entre nous les problèmes du vieillissement de la population et le problème des assurances sociales et que l'on ferme nos frontières en refusant ces accords conclus avec les quinze pays de la communauté, on rencontrera des difficultés considérables. Le renouvellement de la population passe plutôt, compte tenu de la situation actuelle et de l'évolution démographique, par la venue de personnes extérieures qui rajeuniraient et donneraient un sang nouveau à notre pays.
Je ne veux pas d'une Suisse qui serait, dans l'Europe, une sorte de Hong-Kong, encore que l'on se fasse peut-être des illusions et que les casinos, la bourse, les banques et les différentes loteries pourraient peut-être constituer un attrait pour certains. Je ne suis cependant pas sûr qu'on nous laissera jouer ce jeu-là, jeu qui pourrait s'avérer dramatique pour la population et pour l'avenir du pays. Je ne veux encore moins d'une Suisse qui serait une tribu de nains de jardin, condamnés à regarder ce qui se passe dehors et à subir la vie. Autant prendre quelques risques et aller de l'avant !
Je relève encore, Monsieur Annen, que vous avez fait tout à l'heure des promesses à propos du respect des contrats et de la manière avec laquelle on devait conclure des conventions collectives. Je vous ai toutefois entendu tenir un autre langage hier soir, lorsque nous avons simplement demandé à Orgexpo de donner une information sur les entreprises travaillant à Palexpo. La population aurait intérêt à se méfier de la manière avec laquelle on lui jette la poudre aux yeux à propos de ces accords. Elle doit rester attentive et surtout contrôler ce qui se passe sur vos bancs et la manière avec laquelle le pouvoir financier et industriel conduira ces accords bilatéraux dans le but d'utiliser à son profit le dumping salarial qui apparaîtra malgré les dispositions prises. Elle devra rester attentive pour essayer de limiter au maximum les dégâts.
En conclusion, toute autre politique que l'acceptation des bilatérales irait dans le mauvais sens.
M. Albert Rodrik (S). Au soir du 6 décembre 1992, une grande aventure collective s'est cassée. Pendant deux ans, ce pays a travaillé à refaire toute sa législation et, oh miracle, pendant le printemps et l'été 92, des combats, que le mouvement syndical et le mouvement progressiste de ce pays n'avaient pas pu mener à la réussite, ont étonnement trouvé des majorités aux Chambres. C'est ce rêve qui a été cassé. En plus, cet important effort collectif a été présenté par prudence pendant la campagne comme une manière autre de faire commerce, alors que nous allions effectivement et que nous devions aller vers une grande aventure collective.
Aujourd'hui, après cet échec, profil bas ! Nous avons cet accord à ambition limitée. Si nous ne réussissons pas cette étape des ambitions limitées, nous n'aurons pas d'autres perspectives.
Mesdames et Messieurs, comment est-il possible, alors que le mouvement syndical et le mouvement progressiste passent leur temps à dénoncer les lacunes et les carences de ce pays, que certains commencent tout à coup à nous brandir une espèce de porc-épic en platine merveilleux, qui est tellement précieux qu'il faut le défendre et empêcher qu'il puisse s'ouvrir sur quelque chose d'autre ?
Mesdames et Messieurs, nous vivons dans un pays d'économie de marché, injuste, inégalitaire et perfectible. L'Europe, l'Union européenne, est faite de quinze pays d'économie de marché, injustes, inégalitaires et perfectibles. Notre rôle de mouvement progressiste et de mouvement syndical est de mener le combat dans cet ensemble-là. Parce que les peuples de Suisse sont des peuples européens et que notre destinée est d'être solidaire de nos frères européens.
Je terminerai en paraphrasant Jaurès : « Un peu d'Europe éloigne de la patrie, beaucoup y ramène ! ».
M. Charles Beer (S). J'essayerai d'être relativement bref et plutôt très bref. J'aimerais d'abord rendre hommage sur un point au député Pagani. Il a amené dans cette enceinte un certain nombre de doutes qui traversent malgré tout la population. Ils ne sont pas exprimés directement par les organisations, les organisations syndicales auxquelles j'ai fait référence tout à l'heure. On ne peut pas retomber dans l'erreur commise en 92, qui serait d'imposer le terrorisme du non-débat. Je tiens donc à rendre hommage à mon collègue Rémy Pagani pour avoir posé le débat en exprimant des doutes qui n'ont pas toujours la place de s'exprimer ici. C'est le premier point.
Deuxième point, cet hommage n'empêche pas d'avancer deux éléments importants d'explication Un de ces éléments d'explication tient à la loi fédérale sur la participation. Elle a été votée dans le cadre de Swisslex et c'est justement grâce au mouvement de 1992 que nous avons aujourd'hui une loi fédérale sur la participation, certes fort perfectible, inadéquate, mais qui existe.
Troisième élément, je souhaite répondre à M. Godinat sur un point qui me paraît important. M. Hiler y a fait allusion tout à l'heure. Oui, le mouvement syndical est sur la défensive ! Il faut le reconnaître tout à fait honnêtement. Pourquoi ? Un élément d'explication peut être avancé : en Suisse, le mouvement syndical n'a pas été capable - c'est une réalité historique, sociale et politique - de développer dans les entreprises, au niveau des branches, un rapport de force suffisamment important et suffisamment dynamique, à l'image de la social-démocratie allemande et de son mouvement syndical ou encore du mouvement syndical suédois. Le mouvement syndical suisse n'a pas pris non plus la tournure politique du mouvement syndical latin, aiguillonné qu'il fut par les organisations communistes.
Le mouvement syndical suisse a choisi une autre voie. Cette autre voie s'appelle la construction de la redistribution par le contrôle de la main d'oeuvre étrangère. Ce mouvement a, d'une certaine manière, organisé une forme de pénurie, de façon à rendre le rapport entre l'offre et la demande sur le marché du travail favorable à ses revendications. Cette politique du mouvement syndical suisse a aussi amené un certain nombre de compromissions et ne lui a pas toujours permis d'organiser ses rangs de manière aussi combative qu'il eût été nécessaire. Il convient de le dire par honnêteté.
Aujourd'hui, si je suis partisan de la perestroïka syndicale sur ce point, il faut quand même reconnaître que le cadre actuel auquel se réfère M. Pagani est justement celui de l'ancienne régulation qui a conduit à la politique des trois cercles - il y a du reste fait allusion - qui a également produit son lot de travailleurs et travailleuses clandestins - Mme de Haller y a fait référence - et qui a aussi engendré un certain nombre de dysfonctionnements, type Orgexpo, que la législation n'a jamais empêchés. S'agissant d'Orgexpo, ce que vous avez dénoncé, ce que nous avons dénoncé ici, s'est produit, malgré le contrôle et le système actuels. C'est donc que ce système n'était pas si protecteur que cela.
Dernier élément sur lequel je souhaite intervenir en guise de conclusion, les bilatérales vont nous permettre, d'abord au niveau local, de construire par des mesures d'accompagnement un certain nombre d'outils qui sont aujourd'hui défaillants. M. Pagani et l'Alliance de gauche ont déposé à l'époque un projet de loi, actuellement en commission de l'économie si ma mémoire est bonne, qui vise justement à généraliser les contrats-type. Or, les contrats-type constituent, au niveau légal, du droit dispositif, c'est-à-dire que l'on peut en tout temps y déroger, y compris en défaveur des salariés. Ce qu'offrent les mesures d'accompagnement, outre l'extension facilitée des conventions collectives de travail, c'est de permettre, s'il y a dumping social et salarial, de rendre ces contrats-type obligatoires et d'interdire les dérogations en défaveur des travailleurs et des travailleuses. C'est dire que cette conquête n'est malgré tout pas si négligeable que cela.
Enfin, il faut quand même le reconnaître - M. Hiler y a fait allusion tout à l'heure - toute aventure et tout changement entraînent des risques et entraînent peut-être aussi un certain nombre de désagréments. Nous devrons probablement passer par là. Mais fondamentalement, la construction d'un rapport de force qui doit exister et qui doit malgré tout animer notre vie politique passe par un cadre adéquat. Le cadre européen apparaît beaucoup plus adéquat que le cadre helvétique, caractérisé par sa révolution néo-conservatrice à laquelle a également fait allusion le député Hiler.
Je tiens encore à dire que n'est pas fils de Tronchet qui veut, et le oui à l'Europe est un oui à l'Europe par un chemin imposé. Je reprends l'expression encore une fois du député Hiler. Je terminerai en utilisant la boutade de M. Blanc et, sauf erreur, de Mme Sormanni, par rapport au chemin qui mène à Rome. Le chemin le plus court pour aller à Rome, si Bruxelles est Rome, ne passe pas par Lima !
M. Rémy Pagani (AdG). J'ai plaisir à reconnaître que le débat a au moins eu lieu. C'était l'objectif que je m'étais humblement fixé par rapport aux généralités et aux poncifs qui sont distillés dans la presse et ailleurs, notamment par le biais du bus que M. Lamprecht s'apprête à mettre sur pied et qui stationnera aux Bastions pour expliquer aux travailleurs ce que seront ces accords bilatéraux. Il me semblait donc important d'avoir un débat sérieux sur cette problématique.
Juste quelques petits points. M. Annen a soulevé le problème du Luxembourg. J'ai des contacts avec des syndicalistes de ce pays. Il y a 400 000 personnes et 70 contrôleurs, Monsieur Annen. Or, les syndicats ont depuis 1964 le privilège, si j'ose dire, par rapport aux accords bilatéraux de pouvoir lever le doigt, exiger une convention collective dans un secteur déterminé et de pouvoir l'obtenir dans les six mois. Ce qui ne sera pas le cas avec les accords bilatéraux que vous nous proposez ! C'était un point de détail que vous mentionniez... (L'orateur est interpellé.) Oui, cela concerne les accords bilatéraux, car ces accords bilatéraux imposeront non seulement aux syndicats de faire l'état des lieux, mais aussi d'avoir une majorité dans les discussions tripartites, réunissant les patrons, l'Etat et les syndicats, pour obtenir éventuellement l'extension des conventions collectives. En plus de cela, ce ne seront pas les syndicalistes qui détermineront les salaires minimaux. Ce sera un juge de la Chambre des relations collectives de travail, anciennement l'office de conciliation. Ce sont là les problèmes concrets qui se posent.
Ceci étant, j'aimerais vous soumettre un problème que le député Hiler a soulevé. Il a expliqué qu'il fallait voter ces accords bilatéraux. Je crois que nous avons tous du mal, moi y compris, à voir ce qui se passe, à voir la réalité en mouvement de l'économie mondiale dans laquelle nous nous trouvons. J'offre pour ma part aux personnes qui nous écoutent un autre scénario de réflexion sur ces accords bilatéraux. Je prétends que ces accords bilatéraux constituent un véritable traquenard pour nous empêcher une fois pour toutes d'adhérer à l'Espace économique européen ou directement à l'Union européenne. Je vous laisse imaginer le scénario : dans une année, nous allons voter sur l'initiative des jeunes pour l'adhésion à l'Europe. Je vous file mon billet, si j'ose dire, que cette initiative ne passera pas la rampe en raison du contre-projet constitué par les bilatérales ! Nous en avons d'ailleurs la preuve ! Ce matin, une enquête est parue dans la « Tribune de Genève », que vous avez sans doute tous lue. La majorité de nos concitoyens suisses allemands vote ces bilatérales pour effectivement refuser ensuite l'adhésion à l'Union européenne.
Une voix. Et toi, tu l'accepteras ?
M. Rémy Pagani. Moi, je l'accepterai effectivement, mais nous serons une fois de plus, nous les Romands, minoritaires. C'est, je vous le redis, un véritable traquenard ! Pourquoi, me direz-vous ? Pourquoi est-ce un traquenard du point de vue économique, du point de vue des éléments soulevés par M. Hiler et du point de vue de la contre-réforme néolibérale ? Parce qu'il est important pour la bourgeoisie mondiale, si j'ose dire, et pour les multinationales d'avoir une plate-forme suisse. La question que l'on devrait se poser, la question que devraient se poser tous les citoyens genevois, suisses et les habitants de ce pays, c'est de savoir pourquoi les multinationales viennent s'implanter dans notre pays, plus particulièrement à Genève, et non pas à Bruxelles. C'est parce qu'elles savent que le néolibéralisme, selon la méthode thatcherienne, s'y est déjà implanté de manière très importante. Il n'y a qu'à voir la déstructuration de la politique des services publics. Ce néolibéralisme s'est donc déjà installé dans notre pays. Les multinationales ont décidé d'en faire une plate-forme. En votant ces accords bilatéraux, vous précipiterez le mouvement !
C'est pour cela, je le répète une fois de plus, que je voterai contre ces accords bilatéraux.
M. Carlo Lamprecht. J'aimerais tout d'abord saluer la qualité des débats qui ont eu lieu ce soir dans cette enceinte. Des débats qui ont démontré que la majorité de ce conseil va accepter ces accords bilatéraux et que ce conseil a compris l'importance de ces accords pour notre pays. Je souhaiterais cependant aussi faire état des critiques qui ont été mentionnées ici ce soir. Il est vrai que l'acceptation de ces accords bilatéraux, auxquels nous tenons tous, nous obligera à les gérer à travers un certain nombre de mesures à prendre. Nous sommes obligés et tenus de bien gérer ces accords, puisqu'ils pourraient, je vous le rappelle, revenir devant le peuple. Si les mesures d'accompagnement n'étaient pas suivies tel que nous le souhaitons, le peuple suisse pourrait encore faire marche arrière.
J'aimerais vous dire que le souci de mon département, et celui du Conseil d'Etat, a été, dès le paraphe de ces accords bilatéraux, d'informer au mieux la population genevoise, nos partenaires français, ainsi que les élus et tous les milieux concernés par l'importance de ce canton et l'avenir de notre pays. Le Conseil d'Etat vous fera d'ailleurs rapport, lors de la prochaine session, sur toutes les actions entreprises dans ce sens et sur celles qu'il va entreprendre à l'avenir, surtout dès le 21 mai, si ces accords bilatéraux sont acceptés par le peuple.
Alors, Mesdames et Messieurs, que l'on adhère ou non au projet de construction européenne, l'Union européenne reste notre premier partenaire commercial. Elle reste également le point de repère de nos cultures, des trois cultures de ce pays. Nous ne pouvons décemment pas lui tourner le dos sous le prétexte mythique d'un « Sonderfall ». Le Conseil fédéral l'a d'ailleurs bien compris. Il a âprement négocié ces accords bilatéraux, taillés sur mesure pour notre pays et qui doivent nous permettre de rester arrimés à l'Europe !
Contrairement à ce que prétendent M. Blocher et les opposants, souvent divisés par des conflits sectoriels, ces accords sont bons. Même si - il serait irresponsable de ne pas l'affirmer - ils nécessiteront, comme je le disais tout à l'heure, quelques ajustements. Pour cela, des groupes de travail sont déjà à pied d'oeuvre dans tous les départements pour en évaluer l'impact législatif, organisationnel et budgétaire. L'entrée en vigueur progressive de ces accords et les mesures d'accompagnement dont ils seront assortis nous donnent toutes les garanties de pouvoir gérer les situations nouvelles qui se présenteront à nous et qui constitueront sans doute une évolution salutaire pour l'ensemble de la population suisse. Toutes ces mesures seront finalisées par les départements et les partenaires sociaux au cours de ces prochains jours.
Mesdames et Messieurs, j'ai pour ma part confiance dans nos institutions. J'ai confiance dans le dialogue qui existe aujourd'hui entre les partenaires sociaux et le gouvernement. J'ai confiance dans le bon sens et la capacité du peuple suisse de s'adapter et de relever ce défi. Et, comme la plupart d'entre vous, je voterai oui le 21 mai, car, une fois de plus, j'ai confiance en ce pays et je veux que nos enfants ne soient pas exclus des grands échanges économiques, sociaux et culturels que nous offrent concrètement ces accords pour l'avenir.
Ce soir, ce parlement, comme le gouvernement le fera, se doit de donner un avis favorable, un avis fort comme on l'a dit tout à l'heure, au peuple genevois. Cet avis de Genève, cet accord de Genève doit pouvoir faire école dans les autres cantons de Suisse ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote des trois objets qui nous occupent sur les accords bilatéraux.
R 422
Le président. Nous sommes saisis d'une invite supplémentaire, présentée par M. Charles Seydoux, qui consiste à ajouter le texte suivant à l'invite qui figure déjà dans le document de base :
« demande au Conseil d'Etat de s'engager d'ores et déjà à mettre en place un dispositif efficace pour permettre le respect des mesures d'accompagnement proposées par le Conseil fédéral dans notre canton ».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
M. Claude Blanc (PDC). Je crois que l'heure de vérité est arrivée. Je demande le vote par appel nominal sur la résolution 422, afin que nous puissions nous compter et que le peuple puisse aussi nous compter. (Appuyé.)
Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent la résolution 422 répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.
Cette résolution ainsi amendée est adoptée par 75 oui contre 2 non et 3 abstentions. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
Ont voté oui (75) :
Esther Alder (Ve)
Bernard Annen (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Charles Beer (S)
Roger Beer (R)
Jacques Béné (L)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Dolorès Loly Bolay (AG)
Christian Brunier (S)
Thomas Büchi (R)
Juliette Buffat (L)
Alain Charbonnier (S)
Jacqueline Cogne (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Jeannine de Haller (AG)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Hubert Dethurens (DC)
Erica Deuber Ziegler (AG)
Pierre Ducrest (L)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
René Ecuyer (AG)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Christian Ferrazino (AG)
Magdalena Filipowski (AG)
Bénédict Fontanet (DC)
Philippe Glatz (DC)
Alexandra Gobet (S)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Mariane Grobet-Wellner (S)
Nelly Guichard (DC)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (Ve)
Antonio Hodgers (Ve)
Yvonne Humbert (L)
Georges Krebs (Ve)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Pierre Marti (DC)
Alain-Dominique Mauris (L)
Pierre Meyll (AG)
Jean-Louis Mory (R)
Louiza Mottaz (Ve)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Chaïm Nissim (Ve)
Jean-Marc Odier (R)
Danielle Oppliger (AG)
Catherine Passaplan (DC)
Pierre-Louis Portier (DC)
Véronique Pürro (S)
Jean-Pierre Restellini (Ve)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Jacques-Eric Richard (S)
Albert Rodrik (S)
Jean Rémy Roulet (L)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Christine Sayegh (S)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Charles Seydoux (R)
Myriam Sormanni-Lonfat (S)
Jean Spielmann (AG)
Walter Spinucci (R)
Micheline Spoerri (L)
Olivier Vaucher (L)
Alberto Velasco (S)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Salika Wenger (AG)
Ont voté non (2) :
Rémy Pagani (AG)
Pierre Vanek (AG)
Se sont abstenus (3) :
Anita Cuénod (AG)
Luc Gilly (AG)
Cécile Guendouz (AG)
Etaient excusés à la séance (15) :
Michel Balestra (L)
Anne Briol (Ve)
Nicolas Brunschwig (L)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Bernard Clerc (AG)
Régis de Battista (S)
Gilles Desplanches (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Claude Haegi (L)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Michel Parrat (DC)
Louis Serex (R)
Etaient absents au moment du vote (4) :
Fabienne Bugnon (Ve)
Pierre Froidevaux (R)
Christian Grobet (AG)
René Koechlin (L)
Présidence :
M. Daniel Ducommun, président.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(422)« Oui aux accords bilatéraux le 21 mai 2000 »
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
M 1341
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1341)sur les accords bilatéraux avec l'Union européenne : quels sont les conventions collectives et les contrats-types en force dans le canton ?
M 1342
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1342)concernant les mesures d'accompagnement aux bilatérales dans le domaine des transports