République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8157
20. a) Projet de loi constitutionnelle de Mme et MM. Christian Grobet, Pierre Vanek, Rémy Pagani et Marie-Paule Blanchard-Queloz modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (limites territoriales). ( )PL8157
PL 8160
b) Projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (réforme institutionnelle). ( )PL8160
PL 8163
c) Projet de loi constitutionnelle de Mme et MM. Roger Beer, Thomas Büchi, Daniel Ducommun, Pierre Froidevaux, Bernard Lescaze, Jean-Louis Mory, Jean-Marc Odier, Walter Spinucci et Marie-Françoise de Tassigny modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (révision totale). ( )PL8163
RD 340
d) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil relatif aux actions entreprises, dans le cadre de la réforme de l'Etat, dans le domaine de la répartition des compétences entre l'Etat, la Ville de Genève et les communes. ( )RD340

Projet de loi constitutionnelle(8157)modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (Limites territoriales)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 144 Limites territoriales (nouvelle teneur)

Les limites d'une commune ne peuvent être modifiées que par une loi, précédée d'une délibération acceptant cette modification adoptée par le Conseil municipal de la ou des communes concernées.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le projet du Conseil d'Etat visant à « liquider » la Ville de Genève, la plus grande commune de notre canton, met en évidence que la Constitution cantonale ne garantit pas la condition démocratique élémentaire pour un tel changement, à savoir que l'accord des citoyennes et citoyens de la commune intéressée soit indispensable à son aboutissement, comme cela doit se faire pour tout démantèlement ou toute fusion d'une collectivité publique.

Tel est le but du présent projet de loi. En effet, au vu du projet imaginé par l'Etat, on se rend compte que le simple renvoi par la Constitution à la législation cantonale n'est pas suffisant et pourrait même être modifié par le Grand Conseil.

Vu l'initiative prise par le Conseil d'Etat, il est indispensable que la Constitution garantisse les droits des communes qui sont déjà limités.

Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à ce projet de loi.

Projet de loi constitutionnelle(8160)modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (réforme institutionnelle)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit .

Art. 183 Réforme institutionnelle (nouveau)

1 Dans un délai de 3 ans dès l'approbation par le Conseil général de la présente disposition, le Grand Conseil, sur proposition du Conseil d'Etat, élabore un train de lois prévoyant :

2 Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil associent des représentants de la Ville de Genève et des autres communes du canton à cette élaboration.

3 Ces lois sont soumises au référendum obligatoire dans les 6 mois dès leur adoption par le Grand Conseil.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le terme de « réforme » est à Genève sur toutes les lèvres, mais force est de constater que, s'il y a unanimité à vouloir une réforme, les divergences sont majeures dès qu'il convient de préciser en quoi devrait consister ladite réforme. Pour certains, la réforme doit consister en une diminution du rôle de l'Etat, pour d'autres, au contraire, la réforme doit renforcer le rôle du politique par rapport à l'économique, tandis que pour d'autres encore, seule une réforme de la gestion est envisagée.

Buts de la réforme :

Renforcer et développer la démocratie - Rendre l'administration efficace

Le Conseil d'Etat est d'avis qu'une véritable réforme doit avoir un double but, à savoir, d'une part, de renforcer et de développer la démocratie et, d'autre part, de rendre plus efficace l'administration, soit d'améliorer les prestations et d'en diminuer les coûts.

Il résulte de cette vision qu'il convient de distinguer clairement le niveau politique, c'est-à-dire le niveau où la participation des citoyens et des élus doit être renforcée, du niveau administratif, c'est-à-dire l'organisation de gestion qui peut être centralisée, donc simplifiée, et par conséquent être plus économique. La centralisation de la gestion n'exclut pas pour le surplus la décentralisation de l'exécution.

Dans le cadre de la réforme institutionnelle, le Conseil d'Etat a constaté que la commune est la cellule de base de l'organisation politique suisse et donc genevoise. La quasi totalité des communes genevoises fonctionnent avec une administration réduite, ce qui n'empêche pas lesdites communes de manifester clairement leur position politique et de se faire respecter. En effet, dans les petites communes sans administration ou presque, la position exprimée est celle des élus, élus qui sont de surcroît proches de leur population. En proportion, les 15 conseillers municipaux de Bellevue représentent 1'735 habitants, soit un conseiller municipal pour 115 Bellevistes, alors qu'en Ville 80 conseillers municipaux représentent 175'000 habitants, soit 1 conseiller municipal pour 2'187 habitants.

Si le rapport Etat-commune est adéquat dans le cas des petites communes, car la position des communes reflète une attitude politique prise par des élus proches de la population, il en va différemment en ce qui concerne la Ville, car la position de la Ville est souvent celle de l'administration municipale et s'il s'agit de celle des élus, ils ne sont pas plus proches de la population que le Conseil d'Etat.

En définitive, il y a sur le territoire genevois une administration (cantonale) et 44 communes qui gèrent la moitié de la population et deux administrations (cantonale et municipale) qui gèrent l'autre moitié. Sur la base de ce constat, le Conseil d'Etat a passé en revue les diverses solutions envisagées ou discutées, en gardant constamment à l'esprit que le but de la réforme institutionnelle doit promouvoir et développer la démocratie communale, d'une part, et rendre plus efficace l'administration, d'autre part.

Le problème de la double administration Ville-canton ne date pas d'aujourd'hui !

Après la Seconde Guerre mondiale, aussitôt qu'il apparaît que la reprise économique va entraîner un développement sans précédent de Genève, l'Etat mandate un collège d'experts pour effectuer « une vaste étude d'ensemble des conditions actuelles et futures de la ville ». Celui-ci remet en 1948 le « Rapport de la commission d'étude pour le développement de Genève » qui, parmi les nombreux constats, énonce :

« Qu'il nous soit permis d'ouvrir une parenthèse et d'exprimer le sentiment que beaucoup taisent depuis la fusion de 1930 : l'expérience n'a pas été concluante, parce que mal préparée. Notre canton n'est pas assez grand pour laisser subsister deux administrations parallèles importantes et, tôt ou tard, il faudra rechercher une solution qui supprime les antagonismes malheureux pour créer un équilibre harmonieux entre organismes cantonaux et communaux dans le cadre d'une hiérarchie raisonnable. Les conditions dans lesquelles se trouve notre canton nous obligent à chercher une solution genevoise à un problème qui est foncièrement différent dans la plupart des autres cantons.

Nul doute que la question ne soit particulièrement délicate, mais nous ne pourrions la passer sous silence dans un exposé de cette nature ».

C'était il a 50 ans !

La démarche pragmatique et sectorielle de réforme atteint ses limites

Depuis une dizaine d'années de nombreuses actions ont été entreprises dans de cadre de la réforme de l'Etat, concernant la répartition des compétences entre l'Etat, la Ville de Genève et les communes. Certaines actions ont été proposées par le groupe de travail créé sur l'initiative du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie et composé de représentants de l'Etat, de la Ville de Genève et de l'Association des communes genevoises. D'autres sont issues de l'audit global confié à Arthur Andersen. Le Grand Conseil et le Conseil municipal de la Ville de Genève se sont également montrés préoccupés par cette problématique et plusieurs motions y ont été discutées, notamment en ce qui concerne la répartition des compétences en matière de l'aménagement du territoire, de la circulation et des institutions culturelles.

Jusqu'à ce jour, l'objectif a toujours été de rechercher des projets concrets, réalisables rapidement et visant des aspects sectoriels. Toutefois, force est de constater que les limites de cette démarche pragmatique et sectorielle de réforme conduite jusqu'ici sont sur le point d'être atteintes compte tenu des structures politiques et administratives actuelles. C'est donc sur celles-ci que devront porter nécessairement les efforts de réflexion.

Solutions examinées par le Conseil d'Etat

Dans le cadre de cette réflexion, le Conseil d'Etat a examiné les solutions suivantes pour une réforme majeure de nos institutions :

1. Chasse aux doublons

Cette méthode, utilisée ces dernières années avec un succès variable, a certes produit quelques effets et offre l'avantage d'être politiquement peu discutée, dès lors qu'elle ne remet pas en cause fondamentalement le système établi. Elle a, en revanche, pour inconvénient majeur de n'avoir que des effets relativement marginaux et de ne pas s'attaquer au mal à la racine, dès lors que rien n'empêche la création de nouveaux doublons.

2. Transfert de compétences dans le sens Ville-Etat

L'avantage de cette solution consiste à rapprocher l'activité de la Ville de celle des autres communes genevoises, la Ville n'assumant de responsabilités que dans les mêmes limites que les autres communes ; les tâches qu'elle effectue pour l'ensemble de la communauté genevoise se trouvent dès lors assumées, comme cela est logique, par le canton. Cette solution a en revanche l'inconvénient de heurter de front la Ville, qui ne saurait tolérer que des prérogatives lui soient enlevées et elle méconnaît de surcroît le rôle de centralité spécifique à la Ville de Genève.

3. Transfert de compétences dans le sens Etat-Ville

Cette solution offre l'avantage de désengager l'Etat de tâches qui peuvent être considérées comme locales, mais elle offre en revanche l'inconvénient de renforcer le schéma d'une double administration gérant le même territoire.

4. Création d'une structure d'agglomération urbaine

Cette solution va dans le sens de la reconnaissance de la Ville, telle que préconisée par la Constitution fédérale, mais elle se heurte à deux inconvénients majeurs : d'une part, une structure de plus est créée, intermédiaire entre la commune et le canton, compliquant de la sorte le jeu démocratique et multipliant les échelons administratifs et, d'autre part, elle affaiblit la commune en tant que telle, qu'il s'agisse de la Ville de Genève elle-même ou des communes suburbaines qui seraient appelées à participer à une telle structure.

5. Création de deux demi-cantons

L'avantage d'une telle solution est de supprimer le schéma de la double administration, mais cette solution est irréaliste, car un demi-canton de Genève-campagne n'a manifestement aucun sens ni aucun avenir.

6. Fusion Ville-canton

L'avantage évident de cette solution est de supprimer la double administration régissant le territoire municipal, mais elle a pour inconvénient de supprimer par la même occasion l'échelon politique de la commune.

7. Création de la République et Ville de Genève

L'avantage de cette solution est de créer une structure unifiée qui renforce la spécificité d'un canton urbain défini par une ville de 400'000 habitants. La démocratie communale y est développée, tout en rationalisant l'organisation administrative du canton par le regroupement des administrations de la Ville et du canton.

L'agglomération genevoise dépasse aujourd'hui les frontières du canton

Historiquement, la Ville a été la structure de base de la République jusqu'à l'annexion de Genève à la France en 1798. De 1798 à 1813, Genève adoptera les institutions municipales en vigueur sous la République, le Consulat puis l'Empire. La Constitution, adoptée le 24 août 1814, mettra fin à ce régime et créera un Conseil représentatif et souverain dont la mission était de voter les lois, tout en étant subordonné à un exécutif fort, le Conseil d'Etat.

Une pétition demande en 1841 la création d'un Conseil électif pour la Ville. La nouvelle Constitution, votée le 7 juin 1842, concrétisera la métamorphose des institutions politiques genevoises. Le 1er août 1842, un Conseil municipal nouvellement constitué élira le premier Conseil administratif de la Ville de Genève. La nouvelle loi sur l'administration des communes, du 3 juillet 1954, offre la possibilité pour les communes ayant des Conseils administratifs de nommer un maire.

En 1822, la Ville est, avec ses 24'879 habitants, la plus grande ville de Suisse. Elle est la seule commune de plus de 10'000 habitants dans le canton dont la population atteint 51'113 habitants. Elle garde cette situation dominante jusqu'en 1880 où la commune de Plainpalais dépasse la barre des 10'000 habitants. Suivent ensuite : les communes des Eaux-Vives (1900) et Petit-Saconnex (1920). La fusion de ces quatre communes urbaines en 1930 en une seule commune, la Ville de Genève, consacre le fait que trois quarts de la population genevoise y vit. Elle se traduit par un accroissement du poids démographique, administratif et politique de la Ville par rapport aux autres communes du canton.

Cette situation très dominante de la Ville de Genève dure jusqu'aux années soixante. Avec la construction de grands ensembles dans les communes périphériques de Carouge, de Lancy, de Vernier, de Meyrin et d'Onex, la situation se renverse. Dès 1980, moins de la moitié de la population du canton habite en Ville de Genève, mais l'administration et les compétences de la Ville de Genève, notamment sur le plan culturel, sont restés tels qu'à l'époque où l'agglomération genevoise était représentée par la seule Ville de Genève.

Aujourd'hui, nous sommes plutôt dans une situation de communauté urbaine ou d'agglomération composée d'un réseau de 8 villes, de 8 communes de taille moyenne (3'000-10'000 habitants) et de 29 petites communes (moins de 3'000 habitants). Trois quarts de la population vit maintenant dans les 8 villes du canton.

Lors du dernier recensement fédéral de la population en 1990 il a été constaté sur la base d'un certain nombre de critères que, du point de vue statistique, les limites de l'agglomération genevoise dépassent largement les frontières du canton en débordant sur la France voisine et sur le canton de Vaud. Elle est constituée de 108 communes (toutes les communes genevoises, à l'exception de Gy, Jussy, Avully, Chancy, Dardagny et Russin, 30 communes vaudoises et 37 communes françaises) et 550'000 habitants y habitent. A quelques exceptions près, tout habitant de ce canton réside aujourd'hui dans cette agglomération urbaine. Le canton est réellement devenu un canton-ville.

La meilleure solution :

Création de la République et Ville de Genève

Compte tenu de l'histoire urbaine et de l'évolution démographique des communes de notre canton, et après avoir examiné les différentes solutions, le Conseil d'Etat est d'avis que la solution de la création de la République et Ville de Genève est la meilleure solution possible moyennant les conditions suivantes :

1. Il ne s'agit ni de supprimer le canton, ni de supprimer la Ville, mais de retrouver sous l'ancienne dénomination historique « République et Ville de Genève » une structure unifiée, tenant compte de cette réalité incontournable que près de la moitié environ de la population genevoise vit sur le territoire de la Ville.

2. Le processus de réforme doit bien entendu s'accompagner de la garantie que les nouvelles institutions qui en découlent respectent un équilibre entre les communes urbaines et les autres communes. Différents mécanismes peuvent être envisagés pour éviter à la fois que les communes rurales ne puissent l'emporter sur les communes urbaines ou, qu'à l'inverse, celles-ci ne l'emportent sur les communes rurales. Fondamentalement, ce problème existe bel et bien aujourd'hui et la péréquation financière intercommunale ne le règle que de manière insatisfaisante. C'est pourquoi le Conseil d'Etat propose de la réexaminer.

3. Il convient, dans le cadre de cette réforme, de recréer sur le territoire de la Ville de Genève un échelon politique communal en recréant cinq à dix communes urbaines dotées des mêmes compétences que les autres communes du canton, c'est-à-dire susceptibles de faire valoir la position politique de la population et des élus de ces communes, sans avoir la charge d'une administration municipale souvent concurrente de l'administration cantonale sur le même territoire et à l'égard des mêmes administrés. Les compétences entre les anciennes et les nouvelles communes doivent être redéfinies de manière homogène afin qu'il n'y ait aucune distinction possible de droit ou de préséance entre elles.

Si l'on analyse la proposition de création de la République et Ville de Genève au regard des buts assignés à la réforme institutionnelle, on s'aperçoit aisément qu'elle respecte le double but assigné à ladite réforme, à savoir une participation plus démocratique et une meilleure efficacité administrative.

En effet, les nouvelles communes urbaines, dont les autorités seront plus proches de la population, sont à même de remplir les exigences de démocratie locale, dite parfois démocratie de quartier, mieux que ne le fait une maxi commune telle que la Ville de Genève d'aujourd'hui, et la suppression d'une administration communale qui double partiellement l'administration cantonale garantit une meilleure efficacité du système.

Les avantages de cette solution

Il convient encore de comparer la solution retenue avec les autres solutions examinées par le Conseil d'Etat.

1. Par rapport à la solution dite de la chasse aux doublons, la solution de création de la République et Ville de Genève permet d'éliminer à terme tous les doublons et d'éviter qu'il ne s'en constitue de nouveaux, dès lors, par exemple, que le Grand Théâtre peut à la rigueur dépendre de la Ville de Genève, mais qu'il est illusoire d'imaginer qu'il dépende de la commune de Plainpalais ou des Eaux-Vives.

2. Par rapport à la solution d'un transfert de compétences dans le sens Ville-Etat, la solution retenue reconnaît les spécificités de la Ville puisque Genève reconnaît de la sorte sa spécificité de canton-ville et qu'il ne s'agit donc pas d'une reprise par l'Etat d'activités de la commune mais d'un véritable regroupement de la Ville et du canton en une nouvelle entité.

3. De la même manière, la création d'une structure d'agglomération urbaine n'apparaît sur le plan politique que comme une solution boîteuse, puisqu'elle maintient à la fois le canton et la Ville tout en créant un échelon intermédiaire, ce qui ne renforce, certes, ni la clarté du débat démocratique en créant un échelon supplémentaire, ni la simplification administrative pour les même raisons.

Les avantages financiers de la solution retenue par le Conseil d'Etat ne peuvent, en l'état, être chiffrés. Toutefois, il paraît plausible que la rationalisation des structures administratives et la simplification des procédures qui en découlent auront, à terme, des répercussions financières positives.

Par conséquent, la solution de création de la République et Ville de Genève est, de toute évidence, la meilleure solution possible.

Pour un vaste débat institutionnel

Le Conseil d'Etat entend engager un vaste débat institutionnel sur cette proposition en proposant un vote populaire de principe, sous forme d'un projet de loi constitutionnelle.

La préparation de ce débat devra être l'occasion de discuter des nombreuses conséquences du principe de la création de la République et Ville de Genève. Il s'agira, notamment, de redéfinir les compétences des anciennes et des nouvelles communes, de revoir les mécanismes de péréquation financière intercommunale, d'assurer au niveau des organes de la République et Ville de Genève une représentation équitable de la population tenant compte notamment du rôle spécifique des communes agricoles, des communes suburbaines et des nouvelles communes urbaines, tout en ne perdant jamais de vue que le but de la réforme doit impérativement demeurer la garantie d'une participation plus démocratique des citoyens et d'une meilleure efficacité de l'administration.

Il s'agira aussi d'améliorer l'organisation de l'Etat en réfléchissant par exemple sur la durée et la compétence de la présidence du Conseil d'Etat et sur l'instauration d'une Cour des comptes. Enfin, ce débat sera l'occasion de définir le rôle et les compétences des communes et de les inscrire dans la Constitution et la loi.

Conscient de l'importance du débat institutionnel qui s'instaure, le Conseil d'Etat souhaite que le cadre de la discussion dépasse les institutions qui préparent usuellement les modifications constitutionnelles et légales. C'est pourquoi il propose que le Conseil d'Etat et le Grand Conseil associent des représentants de la Ville de Genève et des autres communes du canton à la discussion du projet de loi constitutionnelle et à l'élaboration du train de lois, en cas d'acceptation de la disposition constitutionnelle transitoire par le peuple.

En conclusion, le Conseil d'Etat est d'avis qu'en lançant ce projet de réforme institutionnelle qui s'inspire, pour une large part, du passé de la République, il ouvre la voie à une réforme susceptible de rencontrer l'adhésion de la population et digne des défis qui attendent les collectivités publiques et leur organisation à l'aube du 3e millénaire.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver bon accueil au présent projet de loi constitutionnelle.

Projet de loi constitutionnelle(8163)modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (Révision totale)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1874, est modifiée comme suit :

Art. 180 Révision totale (nouveau)

1 Sur proposition du Grand Conseil, du Conseil d'Etat ou de 10'000 électeurs, la question de la révision totale de la Constitution est posée au Conseil général.

2 Si le Conseil général vote la révision, elle doit être opérée par une assemblée constituante. Celle-ci est élue par le Conseil général au scrutin de liste, d'après le principe de la représentation proportionnelle tempéré par un quorum de 3 %.

3 La Constitution ainsi révisée doit être soumise à la votation du Conseil général ; la majorité absolue des votants décide de l'acceptation ou du rejet.

Article 2 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les réactions aux récentes propositions du Conseil d'Etat montrent qu'il est nécessaire d'avoir, en tenant compte des avis de la société civile, un débat de fond sur la répartition des compétences entre canton et communes ainsi que sur l'organisation future de notre canton. Nous estimons que ce débat devrait avoir lieu, entre autres, dans une assemblée constituante, qui préparerait le texte d'un projet d'une nouvelle Constitution genevoise. Ce projet serait ensuite soumis à l'approbation des citoyens genevois.

Le 25 avril dernier, la population suisse a accepté une nouvelle Constitution fédérale. De plus, la grande majorité des cantons alémaniques ont adopté ces dernières années une nouvelle constitution. Les citoyens du canton de Vaud ont élu, il y a quelques mois de cela, une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle constitution cantonale. Genève, qui a l'une des plus anciennes constitutions cantonales, devrait donc s'atteler à la révision de sa charte fondamentale.

En effet, la Constitution genevoise de 1847, certes modifiée à de nombreuses reprises, régit toujours le canton. Les radicaux ont su alors doter tant Genève que la Suisse d'institutions modernes qui ont répondu à l'attente des contemporains grâce à l'introduction de principes novateurs toujours d'actualité comme le suffrage universel, l'autonomie communale, la liberté de réunion ou d'association, l'instruction publique laïque et gratuite.

Jusqu'en 1993, un art. 180 Cst. GE prévoyait que l'on posât tous les quinze ans la question de la révision totale de la constitution au peuple. Cet article a été abrogé le 27 mars 1993. Depuis lors, il n'existe aucune disposition permettant de déclencher directement une révision constitutionnelle complète (à moins que le Grand Conseil ou 10'000 électeurs ne déposent un projet complet de nouvelle constitution !). Une seule fois, en 1862, les électeurs genevois ont approuvé le principe d'une révision totale, sans pour autant mener celle-ci à son terme puisque le projet définitif fut finalement rejeté en votation populaire.

Nous proposons donc tout d'abord de compléter la constitution actuelle afin que la question de l'opportunité d'une révision totale puisse à nouveau être posée. Libre ensuite à la majorité du Conseil d'Etat, du Grand Conseil ou à 10'000 citoyens de demander qu'une proposition de révision totale soit soumise au peuple… dont l'approbation conduirait à l'élection d'une assemblée constituante.

Cette procédure permettrait de connaître l'avis du souverain. Il suffirait en effet que la majorité du Grand Conseil ou le Conseil d'Etat en décide ainsi pour que la question d'une constituante soit soumise au peuple.

Notre projet prévoit que l'assemblée constituante serait élue selon les modalités prévues pour l'élection du Grand Conseil, avec pour seule différence un quorum de 3 % (et non de 7 % comme pour le Grand Conseil) afin de permettre à l'ensemble des courants et groupements qui animent la vie politique, économique, sociale et culturelle genevoise d'être représentés, s'ils le souhaitent. L'établissement d'une nouvelle constitution doit être l'occasion d'une réflexion approfondie sur le rôle de l'Etat comme sur les différentes fonctions du lien social.

Les relations entre le canton, la Ville de Genève, les communes, la région et les autres cantons pourront ainsi être repensées sereinement en fonction des attentes et des besoins. Un nouveau catalogue des droits et devoirs fondamentaux pourra être dressé. De même, des problèmes politiques délicats comme la personnalisation de l'exécutif (par la nomination d'un Premier syndic ou d'un gouverneur) ou le rôle des communautés étrangères dans la vie genevoise, sans oublier celui, toujours lancinant, de la péréquation intercommunale devraient aussi pouvoir être abordés d'une manière innovante.

Une constituante représente une marque de confiance en l'avenir. Il s'agit aussi d'une solution propre, au-delà des émotions et des crispations, à favoriser un débat nécessaire sur l'avenir de Genève au XXIe siècle. C'est avec cet espoir de servir le bien public que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à ce projet de loi.

Rapport du Conseil d'Etat(340)au Grand Conseil relatif aux actions entreprises, dans le cadre de la réforme de l'Etat, dans le domaine de la répartition des compétences entre l'Etat, la Ville de Genève et les communes

Préambule

Préoccupation constante des autorités concernées, la répartition des compétences et des tâches entre collectivités publiques genevoises a fait l'objet de nombreuses études et réflexions et ce tout particulièrement après la réponse du Conseil d'Etat à une motion du Grand Conseil en 1987 (M 263).

Sur l'initiative du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (ci-après DIAE), un groupe de travail composé de représentants de ce département, de la Ville de Genève et de l'Association des communes genevoises, a été chargé d'approfondir la réflexion sur ce thème et surtout de maintenir ouvert le dialogue sur toutes propositions rentrant dans le cadre de la répartition des compétences entre les collectivités publiques.

Le groupe de travail a mandaté, à son tour, trois de ses membres en vue de dresser un bilan de situation en ce domaine et d'établir une liste de propositions de transfert de compétences susceptibles de fournir aux citoyens des prestations et des services de qualité au meilleur prix.

Dans un rapport intermédiaire de synthèse de janvier 1995, ces trois experts ont dressé un inventaire de l'état actuel de la répartition des tâches et formulé diverses propositions de modification de la structure existante, dont un certain nombre a fait l'objet d'études approfondies.

Simultanément à ces études, l'Etat de Genève faisait l'objet d'un audit global, confié à Arthur Andersen.

Si le partage des compétences entre le canton et les communes genevoises n'est pas traité spécifiquement dans le rapport d'audit, cette question est néanmoins sous-jacente dans plusieurs analyses détaillées et est reprise de manière générale et succincte dans une analyse spécifique (N° 49) intitulée « Groupement de moyens cantonaux et communaux ».

En dépit de la discrétion avec laquelle le sujet a été traité, Arthur Andersen a toutefois relevé le bien-fondé des études entreprises par le groupe de travail Etat/communes, lesquelles devaient être poursuivies, nonobstant leur complexité et les difficultés de mise en oeuvre de solutions.

Fortes de cette caution et de cet encouragement, les études en cours ont été poursuivies et de nouvelles engagées avec la même ouverture d'esprit et de coopération que celles pratiquées jusqu'ici, en ayant comme priorité le développement de la recherche en matière de groupement des moyens respectifs de l'Etat et des communes dans les domaines où ils agissent séparément.

Ces efforts ont fait l'objet de deux rapports du Conseil d'Etat : en février 1997 « Un nouveau dialogue entre l'Etat et les citoyens » (RD 272) et en septembre 1997 « La réforme en marche » (RD 288) qui ont été analysés par une commission ad hoc audit du Grand Conseil désignée à cet effet. La commission a procédé en outre à diverses auditions.

Le rapport de la Commission parlementaire ad hoc audit de l'Etat a été présenté au Grand Conseil le 18 décembre 1998. Conformément aux souhaits exprimés lors du débat parlementaire, le gouvernement entend faire ci-dessous le point de la situation en ce qui concerne le partage des compétences entre le canton, la Ville de Genève et les communes.

A titre liminaire, le Conseil d'Etat rappellera pour mémoire les documents précédemment publiés à ce propos et auxquels il se réfère le cas échéant :

la réponse à la motion M 263 du 18 novembre 1987 ;

le « rapport intermédiaire de synthèse du Groupe de travail ad hoc chargé de l'étude de la répartition des compétences entre l'Etat de Genève et les communes », du 24 janvier 1995 ;

le rapport « Audit global de l'Etat de Genève » de Arthur Andersen SA, du 30 septembre 1996, principalement l'analyse détaillée N° 49 « Groupement de moyens communaux et cantonaux », d'autres analyses détaillées traitant également dans certains domaines des relations Etat-communes ;

la déclaration du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'audit, du 5 décembre 1996 ;

le rapport de février 1997 (RD 272) sur l'analyse détaillée N° 49 ;

le rapport de septembre 1997 (RD 288) sur le partage des compétences entre le canton, la Ville et les communes.

1. Etude d'une nouvelle répartition des compétences

1.1. Les rapports du Conseil d'Etat de février 1997 (RD 272) et de septembre 1997 (RD 288)

Le Conseil d'Etat a confirmé dans son rapport sur l'analyse détaillée N° 49, intitulée « Groupement des moyens cantonaux et communaux », son objectif d'établir un réel partenariat dans ses relations avec les communes. Il a en outre demandé au groupe de travail de fixer les objectifs prioritaires pour la réforme de l'Etat, afin que ces orientations figurent dans le rapport du gouvernement de septembre 1997.

Ces orientations, confirmées depuis lors, ont été réalisées ou sont en cours de réalisation ; elles feront ci-dessous l'objet d'une énumération détaillée.

1.2. Une approche pragmatique de la répartition des compétences

Le but des études menées à ce jour est de proposer des projets concrets, réalisables assez rapidement pour apporter des premiers éléments de réponse à la problématique de la répartition des compétences entre le canton, la Ville et les communes.

C'est ainsi qu'au travers des différents projets, il a été possible d'établir des rapports de partenariat, d'améliorer des processus de gestion administrative, de clarifier des flux d'informations et de décisions, d'améliorer la maîtrise des coûts.

Ces démarches proches du « terrain » permettent d'obtenir des résultats sectoriels bénéfiques, elles se heurtent cependant aux limites imposées par la structure institutionnelle existante.

2. Les domaines d'activités considérés

Considérant les conclusions de l'audit de la société Arthur Andersen, de même que les propositions issues d'autres démarches de réflexion, sept domaines principaux d'activités ont fait l'objet d'études, de réalisations achevées ou en cours auxquelles s'ajoutent des sujets plus ponctuels.

Il s'agit de :

1. L'aménagement du territoire

les procédures d'autorisation de construire

l'agence d'aménagement du territoire

le système d'information du territoire genevois

2. L'environnement

la gestion des déchets

l'usine des Cheneviers

3. L'action sociale

les centres d'action socio-sanitaire (CASS)

les prestations financières

4. La sécurité

les agents de sécurité municipaux

la sécurité civile

5. L'éducation et la culture

les activités parascolaires

les constructions scolaires

la culture

6. Les finances

les renseignements fiscaux

la péréquation financière

7. L'énergie

le fonds énergie des collectivités publiques

le centre inter-collectivités pour la maîtrise de l'énergie

3. Aménagement du territoire

Le territoire étant un élément constitutif de l'Etat comme de la commune, son aménagement (de la planification à l'exécution des ouvrages) est un enjeu premier pour le développement et la gestion du canton comme de chacune des communes. Cependant, les communes ne détiennent que des compétences consultatives, à l'exception de l'adoption des plans d'utilisation du sol (PUS) ; le pouvoir de décision relève de la compétence du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après DAEL), du Conseil d'Etat ou du Grand Conseil.

3.1. Simplification des procédures

A la suite du dépôt du rapport d'audit Arthur Andersen SA (analyse détaillée N° 44), le Conseil d'Etat a tout d'abord suggéré des améliorations dans le traitement administratif de l'aménagement du territoire, dans le cadre d'un projet de loi (PL 7692) sur l'aménagement du territoire et des constructions du 19 août 1997.

Ce projet, mis en consultation auprès des communes et d'autres milieux intéressés, a été présenté au Grand Conseil le 26 septembre 1997.

3.2. L'agence d'aménagement du territoire

Dans le cadre des négociations engagées en 1998 autour de la Table ronde, le Conseil d'Etat a soumis aux communes genevoises une proposition de création d'une agence d'aménagement communal et local, rattachée administrativement au DAEL mais gérée par un conseil constitué paritairement entre l'Etat, la Ville et les communes.

La réforme ainsi proposée avait pour objectif de permettre une simplification des procédures, d'associer plus étroitement les communes dès le début du processus d'aménagement du territoire et de mettre un terme à d'évidentes redondances et parfois à des incohérences dans les activités des uns et des autres, plus particulièrement en ce qui concerne les études menées en la matière par la Ville de Genève.

Alors que cette proposition rencontrait un accueil relativement favorable auprès de l'Association des communes genevoises (ci-après ACG), elle se heurtait au scepticisme appuyé du Conseil administratif de la Ville de Genève qui estimait que cette proposition ne présentait « aucun intérêt réel pour notre cité et plus généralement pour les communes du canton ».

Au vu de cette détermination et des orientations exprimées publiquement par les représentants du Conseil administratif issu des dernières élections municipales, ce projet n'a pu être développé.

L'idée ne devrait cependant pas être complètement abandonnée mais pourrait être reprise à plus long terme. Cette institution pourrait en revanche être remplacée par une délégation du Conseil d'Etat à l'aménagement, comprenant des représentants des trois départements directement concernés (DAEL-DIAE-Département de justice et police et des transports, ci-après DJPT) et élargie à la Ville de Genève et à l'ACG.

3.3. Le système d'information du territoire genevois (SITG)

Le système d'information du territoire genevois (SITG) est une organisation de l'acquisition, de la conservation, de la communication et de la mise en valeur des données relatives au territoire genevois, au moyen notamment des technologies, informatiques, dans le but de contribuer à la réalisation économique et pertinente de produits et de prestations.

Aujourd'hui, le SITG regroupe des partenaires du secteur public (canton, communes, Ville de Genève, Services industriels de Genève, Aéroport international de Genève).

Déjà dans l'audit global de septembre 1996, Arthur Andersen SA avait consacré une analyse détaillée particulière au SITG (N° 45) en le qualifiant de « modèle de coopération et de coordination » et en soulignant sa « structure originale, illustrant l'aptitude à la coordination au sein de l'administration cantonale, entre différents niveaux d'administrations publiques ».

Après une phase de lancement, un projet de loi PL 8091 a été déposé le 24 août 1999 afin de consacrer dans un cadre juridique les éléments de l'organisation du SITG qui ont fait leurs preuves et de permettre la création des instruments juridiques adaptés à la mission novatrice de ce réseau d'information accessible à tous les partenaires intéressés, tant publics que privés. Ce projet de loi introduit notamment un principe tout à fait novateur en ce sens que les données relèveront à l'avenir du domaine public.

Il s'agit du premier projet de loi de cette nature en Suisse, qui suscite par ailleurs de l'intérêt même hors de nos frontières nationales.

4. Environnement

Concernées par tous les domaines de la gestion environnementale, la Ville et les communes sont très directement parties prenantes en matière de gestion des déchets et d'assainissement des eaux.

4.1. Gestion globale des déchets

La loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (L 1 20), son règlement d'application du 28 juillet 1999 (L 1 20.01), de même que le plan de gestion des déchets du canton de Genève 1998-2002 adopté par le Conseil d'Etat, ont été étudiés en étroite concertation avec les représentants des communes, et avec l'appui de ceux des milieux de l'industrie, du commerce, de la protection de l'environnement et de la protection des consommateurs. Ces textes confèrent aux communes des compétences très étendues. Ces dernières, avec le concours des représentants des milieux ci-dessus énumérés, réunis en Commission de gestion des déchets, disposeront de moyens importants pour appuyer la mise en oeuvre du plan de gestion des déchets.

4.2. Usine des Cheneviers

Le projet de loi sur l'usine des Cheneviers (PL 7991) qui prévoit de conférer à l'usine le statut d'établissement autonome de droit public, placé sous la surveillance du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, est à l'examen devant ce dernier.

Ce projet de loi s'inscrit de manière cohérente dans l'ensemble du dispositif de gestion des déchets régi par les textes mentionnés sous chiffre 4.1. ci-dessus.

5. La Sécurité

5.1. Agents de sécurité municipaux

Menée en collaboration avec l'ACG, une longue réflexion a défini une nouvelle vocation pour les anciens agents de police municipale qui sont devenus des « agents de sécurité municipaux ».

Approuvée par le Conseil général le 13 juin 1999, une nouvelle base constitutionnelle (art. 125A) permet à la loi de déléguer « au personnel qualifié des communes des pouvoirs de police limités ». Cette délégation est concrétisée par le nouveau règlement sur les agents de sécurité municipaux, du 12 mai 1999 (F 1 05.37), le cas particulier de la Ville de Genève étant encore en voie de règlement.

Le nouveau concept octroie à l'agent de sécurité municipal une double représentativité en l'investissant :

de toutes les compétences déléguées par la commune (sécurité, prévention, protection, assistance) ;

de nouvelles compétences de police déléguées par la loi.

La mission de l'agent de sécurité municipal est donc double :

assistance et prévention

L'agent assure la sécurité et entretient un climat de confiance avec la population ;

contrôle et répression

Il est chargé de faire respecter la loi et les règlements et intervient lorsque le maintien de l'ordre public le nécessite.

Quant aux nouvelles attributions de police de l'agent de sécurité municipal, elles concernent tout particulièrement :

- les amendes d'ordre,

- les contrôles d'identité,

- l'enlèvement des véhicules,

- la collaboration avec la police.

Par l'application de ce nouveau concept, le rôle de la commune est aussi renforcé. Outre un élargissement de sa compétence territoriale, elle bénéficiera dorénavant de la totalité du produit des amendes d'ordre et ordinaires, généré par les interventions des agents de sécurité municipaux.

5.2. La Sécurité civile

Dans son rapport d'audit, Arthur Andersen SA avait proposé, s'agissant de la sécurité civile, de développer la complémentarité des moyens de prévention, de formation et d'intervention. C'est pourquoi, en 1998, une réforme des services de l'administration cantonale a mis en place un nouveau fonctionnement de la sécurité civile cantonale en intégrant dans une structure unique l'inspection cantonale du feu, la protection civile cantonale et le service hélicoptère. Cette structure est opérationnelle depuis le 1er janvier 1999.

Parallèlement à cela, l'Etat, la Ville et l'ACG ont lancé un projet prioritaire dénommé « Sécurité civile Genève (SCGe) » visant à créer une organisation intégrée de la sécurité civile dans le canton. Les travaux, déjà largement avancés, portent sur :

- une évaluation impartiale des risques,

- la suppression des doublons,

- la maîtrise et une économie des moyens,

- une gestion financière efficace et la diminution des coûts.

Un avant-projet de loi, actuellement discuté entre les autorités concernées, devrait amener à la constitution d'un établissement de droit public autonome regroupant, sur le territoire du canton, l'ensemble des agents professionnels et des infrastructures chargés de la protection civile et des biens culturels ainsi que des interventions en matière d'incendie et de secours et de protection de personnes, des biens et de l'environnement.

Les synergies que permettra la SCGe devraient conduire à une diminution notable des coûts liés à la sécurité pour les différentes collectivités cantonales et communales concernées (environ 20 % sur 5 ans).

6. Energie

6.1. Fonds énergie des collectivités publiques

Les réflexions sur la suppression inéluctable du rabais imposé aux Services industriels de Genève sur leurs fournitures aux collectivités publiques ont conduit à la mise en place, d'entente entre l'Etat, la Ville de Genève et l'ACG, d'un fonds destiné à financer les mesures permettant une réduction de la demande d'énergie pour l'Etat comme pour les communes (loi L 2 40 du 20 novembre 1998). La commission d'attribution de ce fonds est constituée paritairement de 4 représentants de l'Etat et 4 représentants des communes, aux côtés de 3 techniciens.

6.2. Centre intercollectivités pour la maîtrise de l'énergie

Une évolution décisive de la collaboration technique entre l'Etat, la Ville de Genève et les communes est en gestation sous la forme d'une mise en commun des ressources, compétences et prestations dans un centre intercollectivités pour la maîtrise de l'énergie. Cette nouvelle approche permet d'améliorer les synergies et de favoriser la promotion d'actions particulièrement efficaces auprès de tous les partenaires concernés. Elle est retenue par le Grand Conseil dans la conception générale de l'énergie (RD 319 du 10 mars 1999), adoptée en commission parlementaire le 15 octobre 1999.

7. Finances

Le système de péréquation financière intercommunale, grâce à une approche concertée entre tous les partenaires intéressés et à une meilleure définition des objectifs communs, a bénéficié de notables améliorations depuis deux ans, portant notamment sur :

- une modification des paramètres de calcul de l'indice de capacité financière ;

- une répartition privilégiée du fonds de péréquation des personnes morales en faveur des communes dont le taux de centimes additionnels est égal ou supérieur à 50 cts, mais la valeur inférieure à 25 F, respectivement 30 F par habitant ;

- dotation supplémentaire de 800'000 F du Fonds d'équipement communal en faveur des communes d'Avully et d'Onex ;

- amélioration notable de l'accès à l'information fiscale (notamment en matière de statistiques) fournie aux communes pour permettre une meilleure gestion financière.

8. Action sociale

Le domaine de l'action sociale, dans le cadre duquel les communes assument des prestations dont certaines sont complémentaires à celles de l'Etat, fait l'objet depuis quelque temps d'importantes mesures de réorganisation, portant aussi bien sur la nature des prestations offertes, que sur l'organisation et la gestion des activités sociales.

Dans le cadre de la mise en place des CASS (centres d'action socio-sanitaire) le chevauchement de certaines tâches entre les services sociaux communaux, l'Hospice général et la FSASD (Fondation des services d'aide et de soins à domicile) a été identifié. Dès lors une réflexion menée sous la direction de la présidente du Comité de direction de l'aide à domicile est actuellement en cours pour éliminer ce type de « doublon » et définir une meilleure répartition des missions dévolues à chacun des partenaires.

Cette problématique, déjà évoquée par la motion M 1145-A, sera traitée dans le cadre de la prochaine révision de la loi sur l'aide à domicile.

Un autre « doublon » a été identifié en ce qui concerne les prestations financières, certaines communes accordant en effet des suppléments d'allocations à des personnes qui bénéficient déjà de prestations de l'Hospice général ou de l'Office cantonal des personnes âgées (OCPA). Ce point est actuellement à l'étude.

9. Education

9.1. Les activités parascolaires

En 1992, le Département de l'instruction publique (DIP) a proposé aux communes de leur déléguer la compétence de la gestion des activités parascolaires, tout en continuant à participer partiellement à son financement, d'une manière dégressive jusqu'à un montant maximum de 50 %. Cette somme couvre les frais des surveillantes du DIP qui garantissent par leur formation le bon fonctionnement des activités en question (études surveillées, jeux éducatifs, restaurants scolaires). Le personnel complémentaire, mis à disposition par les communes et la Ville de Genève, est composé de commissaires bénévoles. Les communes et les parents participent au financement du solde non couvert par le DIP.

Cette délégation de compétence a été concrétisée en 1994 par la création d'un Groupement intercommunal pour l'animation parascolaire (GIAP) qui comprend comme partenaires 38 communes et le DIP.

Les organes du GIAP sont :

- le conseil intercommunal, composé de représentants de l'Etat et de chacune des communes membres,

- le comité, composé de 9 membres élus par le conseil intercommunal,

- la direction, assurée par le secrétariat général de l'ACG,

- le service, dirigé par un chef et comprenant 600 animatrices et animateurs et 4 responsables de secteurs.

Ce partenariat fonctionne à la satisfaction des usagers et des entités concernées depuis 5 ans.

9.2. Les constructions scolaires

Les communes doivent mettre à disposition l'infrastructure scolaire pour le cycle primaire, selon des directives et normes établies par le canton.

Une révision de ces normes était envisagée pour obtenir de substantielles économies, mais aucune avancée ne peut être signalée dans cette direction, sinon des assouplissements admis de cas en cas en matière de rénovation de bâtiments scolaires ou de réhabilitation de classes dans d'anciens locaux.

9.3. La culture

Il s'agit d'un domaine où des partenariats devraient pouvoir être mis en place entre l'Etat, la Ville et les communes. Le problème n'est pas exclusivement financier, mais il est regrettable que certaines expositions voire pièces de théâtre ou concerts ne puissent pas être présentés tout à la fois en Ville et dans des communes périphériques équipées, ainsi que dans la région frontalière ou Rhône-alpine. La question se pose dans les mêmes termes avec le canton de Vaud.

Le Grand Théâtre et les musées situés nécessairement en ville sont financés partiellement déjà par le jeu de la péréquation financière intercommunale vu leur importance régionale.

Depuis quelques années, les communes suburbaines ont construit ou aménagé des centres de loisirs polyvalents, tels le Forum de Meyrin, la Maison onésienne ou des théâtres comme celui de Carouge dont elles assurent les frais d'exploitation, la plupart du temps sans subvention cantonale ou de la Ville.

Dans sa fiche sur les objectifs en matière de gestion des subventions (N° 11 du rapport du Conseil d'Etat de sept. 1997), une collaboration de l'Etat avec la Ville principalement et les communes était vivement souhaitée. Après un an de négociations, les parties concernées sont récemment convenues d'engager formellement une étude sur l'offre culturelle impliquant l'Etat, la Ville de Genève et l'ACG.

L'étude poursuit trois objectifs :

établir l'inventaire des prestations ;

mesurer le soutien financier et matériel accordé ;

évaluer les activités d'intérêt communal, régional, national et international.

Le mandat sera adopté formellement par les trois instances concernées dans les semaines à venir.

10. Autres domaines

Dans de nombreux autres domaines, plus ponctuels, des compétences nouvelles ou élargies ont été octroyées aux communes. A titre d'exemples non exhaustifs on peut citer :

- la compétence de délivrer des cartes d'identités,

- dans le cadre de l'organisation des scrutins communaux, la diffusion du matériel de vote et la rédaction des notices explicatives,

- la faculté, dans le cadre des procédures de naturalisation, de présenter au Grand Conseil une demande de réexamen au cas où le préavis municipal négatif ne serait pas suivi par le Conseil d'Etat,

- la compétence pour délivrer - pour autant que le projet de loi 8078 déposé le 9 juin 1999 (F 3 20) sur les procédés de réclame soit voté - les autorisations concernant les procédés de réclame et, le cas échéant, d'établir un concept directeur visant tout le territoire communal, tant public que privé. Les compétences de décision sont ainsi transférées de l'Etat aux communes.

11. Les rapports institutionnels, la législation sur l'administration des communes

11.1. Surveillance des communes

Les procédures de contrôle des décisions municipales tendent à allonger les délais et ne sont plus toujours compatibles avec les exigences de la marche des affaires, en particulier s'agissant des rapports patrimoniaux entre les communes et les particuliers (achat d'immeubles, corrections de limites etc.).

Deux démarches sont en cours qui visent :

1. à rationaliser le processus de décision et de contrôle en matière d'opérations foncières, ce en précisant les responsabilités des autorités municipales, des notaires et de l'administration ;

2. à reprendre le processus d'acquisition, du suivi et de communication des préavis de l'administration préalables à la décision du Conseil d'Etat.

Le contrôle financier, quant à lui, fonctionne bien, la collaboration entre le service du contrôle financier des communes et ces dernières est très étroit et performant.

11.2. Collaboration intercommunale

La révision de la loi sur l'administration des communes en 1984 a ouvert la voie à la mise en commun des moyens de plusieurs communes pour la réalisation d'infrastructures souvent onéreuses, d'intérêt régional. L'Etat a soutenu ces démarches, dans certains cas, au moyen de subventions (cf. par exemple la loi sur l'encouragement aux sports - B 6 15).

Actuellement, des groupements intercommunaux permettent des actions communes dans des domaines tels le parascolaire, l'élimination de certains déchets, la construction d'installations sportives, l'informatique et les transports.

Le Groupement intercommunal résulte d'une approche pragmatique et factuelle de la collaboration entre les communes. Si les résultats pratiques et économiques sont très bons, l'absence de réelle dimension politique se fait sentir, qui empêche notamment l'exercice d'un contrôle démocratique équivalent à celui qui existe pour les affaires que chaque commune traite pour elle-même.

La démarche suivante, qu'il s'agit d'entreprendre pour donner une dimension supplémentaire, politique, à la collaboration intercommunale, vise l'élaboration des « communautés de communes ». Cela a été évoqué en particulier dans le discours du Conseil d'Etat, prononcé lors de la prestation de serment des conseillers administratifs, maires et adjoints des communes genevoises, en la Cathédrale Saint-Pierre, le 2 mai 1999.

Il s'agit, en s'inspirant notamment du modèle français, d'inscrire les communes existantes dans un cadre régional cohérent et une structure de collaboration permanente et ce, sans alourdir l'infrastructure administrative.

Cela nécessite également une reconsidération du modèle actuel des rapports institutionnels entre l'Etat et les communes.

Les premières réflexions et études sont en cours sur ces sujets.

Conclusion

Le modèle actuel d'organisation et de relations entre l'Etat et les communes influence très largement les réformes entreprises dans le cadre de l'Etat.

Le présent rapport montre que les axes de réforme et de restructuration mis en évidence dans le cadre de plusieurs démarches, de réflexion et d'audit (dont celui de la société Arthur Andersen) ont été exploités ou sont en voie de l'être.

Les limites de la démarche pragmatique et sectorielle de réforme conduite jusqu'ici sont sur le point d'être atteintes compte tenu du cadre institutionnel actuel. C'est donc sur ce dernier que devront porter nécessairement les prochains efforts de réflexion.

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Préconsultation

Le président. Mesdames, Messieurs, nous prenons les objets non traités lors de la précédente séance, à savoir le point 18, qui sera traité, comme nous l'avons décidé, le bureau et les chefs de groupe, avec les points 46, 47 et 48 en un seul débat, un débat général de péconsultation et de vote sur le rapport du Conseil d'Etat. Chaque groupe disposera de dix minutes pour s'exprimer.

Mme Christine Sayegh (S). Au nom du groupe socialiste, je demande que le point 46, projet de loi 8160, soit discuté immédiatement. 

Le président. Je souhaite que les intervenants se prononcent sur cette demande de discussion immédiate. Si tel ne devait pas être le cas, je passerai au vote.

M. Pierre Vanek (AdG). Mon groupe n'est d'ordinaire pas favorable à la discussion immédiate. Elle doit rester une exception dans le travail de ce parlement. Nous avons été la victime lors de la législature précédente d'un certain nombre de demandes de ce genre, qui avaient pour but d'éluder un travail sérieux en commission sur des projets de lois que nous proposions et qui n'avaient pas l'agrément d'une majorité de cette assemblée ou de la majorité de l'époque. Mais face au projet de loi 8160 du Conseil d'Etat, la solution de la discussion immédiate s'impose. Elle s'impose puisque le Conseil d'Etat n'a pas voulu entendre les avis largement et majoritairement exprimés en réaction à la déclaration de Mme la présidente du Conseil d'Etat sur ce projet, réactions qui étaient assez unanimement négatives. Elle s'impose aussi parce que ce projet de loi serait de nature à discréditer le fonctionnement du Grand Conseil si nous lui donnions un avenir dans cette institution.

Le Conseil d'Etat a fait preuve en effet d'une insoutenable légèreté en déposant ce projet de loi. Nous avons ici un projet de loi constitutionnelle que l'on nous demande de renvoyer en votation populaire. Ce projet dispose que le Conseil d'Etat devra par la suite, ultérieurement, dans un délai qui dépasse le mandat de Mmes et MM. les conseillers d'Etat, ce Conseil d'Etat devra donc proposer au Grand Conseil des lois sur les points a), b), c), d) et e). Je ne rentre pas ici dans le débat de fond. Il y a effectivement des chantiers à ouvrir dans tous ces domaines, mais, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, si vous voulez que des chantiers s'ouvrent - vous avez été élus pour cela - vous pouvez commencer à travailler sur ces objets sans attendre trois ans, vous pouvez faire des propositions législatives sérieuses et nous pourrons aller devant le peuple avec un préavis de ce Grand Conseil sur la base d'un contenu un tout petit peu plus complet.

C'est la démarche même de ce projet de loi que je propose de rejeter en discussion immédiate, puisqu'il s'agit d'aller devant le peuple avec un principe creux, avec du vent, plutôt que de prendre nos responsabilités, tant sur les bancs du gouvernement que de cette assemblée et d'entamer un réel débat sur les problèmes qui sont posés.

Je propose donc la discussion immédiate pour briser là avec cette démarche. J'appuie en ce sens la représentante du groupe socialiste, Mme Sayegh. J'aimerais cependant ajouter qu'il y a une alternative à la discussion immédiate, alternative qui serait encore meilleure. C'est l'application de l'article 127, alinéa 1 de la loi portant règlement du Grand Conseil qui dispose que les auteurs d'un projet de loi peuvent en tout temps le retirer !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous débattons de la discussion immédiate du projet de loi 8160.

M. Philippe Glatz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien s'oppose à la mise en discussion immédiate de ce projet de loi. Le sujet abordé dans le cadre de ces projets de lois constitutionnelles est d'extrême importance. Il s'agirait dès lors de pouvoir le renvoyer en commission afin qu'il puisse être étudié plus largement.

Dans sa grande sagesse, le bureau nous a proposé de lier les trois projets de lois qui ont trait à la répartition des tâches entre le canton, la Ville et les communes, et plus généralement à l'organisation du canton. Je crois que nous devrions en rester à cette vision des choses et que nous devrions nous opposer à la mise en discussion immédiate du seul projet 8160, de manière à permettre cette liaison utile et nécessaire entre les trois projets de lois de modification constitutionnelle. 

M. David Hiler (Ve). Les Verts s'opposent à la discussion immédiate d'un tel projet. La raison en est bien simple. La discussion de ce projet de loi sera complète lorsque chacun des groupes aura dit ce qu'il souhaite et pas seulement ce qu'il ne souhaite pas. C'est un débat difficile pour tous les partis, avec à l'intérieur de chacun des fractions et des divisions sur le fond. Mais c'est un débat essentiel. On ne peut évidemment pas dire qu'il est bien parti. J'ai déjà eu l'occasion d'intervenir sur ce point. Il n'empêche qu'il est préférable à ce stade de clore la discussion plutôt que de « shooter », comme l'on dit, ce projet en discussion immédiate.

Pour notre part, ce débat ne nous fait pas peur. Le débat en commission sera long, car nous attendons - c'est un préalable que je signale - que l'ensemble des scénarios soient présentés et développés avant d'entrer en matière sur quoi que ce soit au niveau de la commission. Pour le moment, il nous semble que la discussion immédiate est une mesure dont le symbolisme ne nous échappe pas, mais qui, considérée avec recul, ne présente pas grand intérêt. Elle est à vrai dire surprenante de la part d'un groupe au moins, celui du conseiller d'Etat qui a préparé ce dossier avec l'une de ses collaboratrices du même parti. 

Mme Janine Hagmann (L). Le groupe libéral, comme les deux préopinants, s'opposera à la discussion immédiate de ce projet. Le groupe libéral s'étonne que cette proposition vienne du groupe socialiste. J'ai le souvenir, moi qui suis là depuis quelque temps, que nous nous sommes fait fustiger de nombreuses fois parce que nous avions osé demander une discussion immédiate. Nous nous éloignons ainsi beaucoup du but démocratique que nous visons dans cette enceinte. Le groupe libéral, qui ne craint absolument pas cette discussion, regretterait que ce débat soit abordé en discussion immédiate. Il s'opposera donc à celle-ci et vous proposera en temps voulu un renvoi en commission afin que tous les éléments puissent être pesés et que toutes les finalités de ces projets puissent être mises dans la balance. Ce serait trop bête d'entamer une discussion immédiate qui pourrait aboutir à un refus de ce projet, ce qui nous ferait perdre un grand nombre d'informations qui pourraient s'avérer intéressantes pour l'avenir.

M. Bernard Lescaze (R). Sur le fond du problème, il n'y a pas de doute qu'il y a quelque chose à faire. Nous l'avons déjà dit dans cette enceinte, les radicaux le redisent aujourd'hui. Ils ont formulé une proposition, celle d'une constituante qui, je le souhaite, sera renvoyée en commission et qui permettrait d'examiner les scénarios dont parle M. David Hiler, qui essaye évidemment de sauver la mise de son conseiller d'Etat.

Le groupe radical a décidé d'accorder à chacun de ses membres une liberté de vote, parce qu'il considère, d'une part, que le Conseil d'Etat pose une bonne question à laquelle il apporte une très mauvaise réponse, qu'il serait, d'autre part, peut-être malséant de renvoyer immédiatement ce projet, quoiqu'il le mérite, à ses auteurs. Mais d'un autre côté, on ne peut pas laisser passer l'affirmation que la Ville de Genève doit être pulvérisée comme cela en huit morceaux. Dans ces conditions, les uns feront confiance au Conseil d'Etat et les autres s‘efforceront de défendre leur commune. 

Le président. Monsieur Koechlin... (Le président est interpellé.) Mesdames, Messieurs, aucune disposition réglementaire ne limite dans une discussion immédiate le nombre d'orateurs à un par groupe ! Monsieur Koechlin, vous avez la parole !

M. René Koechlin (L). Vous avez raison, Monsieur le président. Si la discussion immédiate est demandée, ce n'est plus une seule personne par groupe qui peut s'exprimer. Il s'agit alors d'un débat sur la discussion immédiate. Ce sont alors trois interventions par personne, à raison de dix minutes par personne !

J'espère que l'on n'abusera pas de ce temps de parole. Je m'efforcerai pour ma part de ne pas en abuser à mon tour !

Le projet de loi du Conseil d'Etat a peut-être des défauts. Il ne convient pas aux uns et aux autres, mais il pose un problème. Non seulement il pose un problème, mais surtout, il ouvre un débat. Or, nous sommes des débataires. Alors, soit nous acceptons de débattre d'un problème important, oh combien controversé, nous avons confiance en nous et nous pensons que nous sommes adultes et capables de débattre de cette question sereinement en commission. Nous renvoyons alors ce projet en commission. Soit nous refusons le débat. Nous considérons pour notre part que demander la discussion immédiate pour simplement refuser purement et simplement ce projet de loi revient à refuser le débat sur une question fondamentale et qui devrait être débattue de préférence au sein de ce Grand Conseil et au sein de la commission à laquelle il sera renvoyé, plutôt qu'à travers la presse, comme cela a été le cas jusqu'à présent. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous demande de refuser la discussion immédiate et de renvoyer sereinement ce projet, avec les autres, en commission, soit à la commission des droits politiques, soit à la commission législative.

M. John Dupraz (R). Après le tintamarre engendré par l'idée émise par le Conseil d'Etat, la rencontre - non-rencontre avec la Ville de Genève et le coup médiatique fabuleux des journalistes qui a tout mis par terre - ce que je regrette infiniment, car je pense que la presse devrait avoir un peu plus de retenue lorsqu'elle donne des informations de ce type...

M. Bernard Annen. Prends un abonnement au Courrier !

M. John Dupraz. Mais je suis déjà abonné au Courrier ! Excellent journal !

Depuis, la Ville de Genève et le Conseil d'Etat ont repris contact. On discute. Je comprends que notre ami Lescaze ait été courroucé par le projet d'émiettement de la Ville de Genève, mais nous parlons en fait depuis fort longtemps de doublons entre Ville et Etat. Enfin, je dirais enfin, pour une fois que le Conseil d'Etat ose présenter un projet novateur, qui bouscule les habitudes et les événements ! Je trouve qu'il serait regrettable de le jeter immédiatement à la poubelle sans aller en commission pour avoir une plus large discussion. Quant à moi, je trouve qu'il est urgent d'aller en commission, d'en discuter ouvertement, de purger ce projet de ses imperfections et de n'en garder que la substantifique moelle. C'est dans cet état d'esprit que je voterai le renvoi en commission de ce projet de loi.

Mme Christine Sayegh (S). Il est bien évident qu'en demandant la discussion immédiate le groupe socialiste entendait refuser ce projet de loi. S'il veut refuser ce projet de loi, c'est également parce que la méthode utilisée s'est révélée plus que surprenante, a focalisé les positions et n'a pas permis un débat démocratique, ni une explication correcte. Les autres projets de lois que nous aurons à traiter permettront effectivement de débattre en commission. De toute façon, avec ce projet de loi, le Conseil d'Etat veut se donner un mandat à lui-même. Il ne veut pas que nous-mêmes, parlement, fassions un débat. C'est la raison pour laquelle je suis surprise que vous acceptiez d'aller discuter ce projet en commission, puisqu'il n'y a de toute façon rien à discuter. On donne ou non un mandat au Conseil d'Etat.

M. Michel Balestra (L). Je suis de ceux qui, lors de la première discussion au sujet de cette brillante idée du Conseil d'Etat, avaient affirmé urbi et orbi que la forme était inacceptable, que l'on ne pouvait pas, Conseil d'Etat, décider la suppression de la Ville de Genève sans en discuter préalablement avec ses représentants. Nous discutions là sur la forme et la manière. Sur le fond, Mesdames et Messieurs, la prise de position que vous voulez nous faire adopter, c'est-à-dire la discussion immédiate immédiatement suivie d'un vote négatif sur ce projet de réforme institutionnelle, veut dire que vous affirmez que tout va bien et qu'il n'y a pas de problème. Eh bien, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat pose un problème. Ce problème existe. Alors de deux choses l'une, soit vous avez peur de votre ombre, c'est-à-dire que vous avez peur de ne pas vous maîtriser dans les débats de commission et dans le rapport que le Grand Conseil consacrera au projet proposé par le Conseil d'Etat... Si c'était le cas, ce serait alors très grave ! Car vous semblez oublier que vous êtes seuls maîtres de l'avenir de ce projet. Il est indispensable, si le Conseil d'Etat pose un problème, de l'entendre et de l'appuyer ou de le combattre sur la proposition qu'il prévoit pour lui trouver une solution.

Réfléchir au principe de subsidiarité entre la Ville et l'Etat est au moins un des éléments de ce projet de loi que personne ne peut intellectuellement refuser. C'est pourquoi je vous demande, au nom de la raison, de laisser votre mauvaise humeur dans votre poche et d'accepter que ce projet de loi aille en commission, de manière que nous puissions sereinement en discuter et arbitrer en toute conscience, puisque nous sommes les seuls habilités à légiférer, contrairement à ce que d'aucuns semblaient affirmer dans les débats précédents. 

M. Albert Rodrik (S). Permettez-moi d'abord de porter témoignage ! Je ne suis pas de mauvaise humeur, je suis d'humeur tout à fait gaie. Je l'ai déjà dit à la fin du mois d'octobre, il y a non seulement la manière, mais déjà la manière. La manière est révélatrice de la non-volonté du faire ensemble. Ce n'est pas seulement de la grossièreté de manière.

Je reviens à présent sur le fond. Toute l'architecture institutionnelle de ce canton est sujette à réflexion, a du mal à ses articulations et doit être revue pour entrer dans le XXIe siècle. Mais pas à partir du diagnostic posé par le Conseil d'Etat, qui dès l'origine est conceptuellement faux. Il est myope et pose le problème de travers, partant de l'idée qu'il y a une ville trop grande et que le seul problème dans ce canton vient de la Ville de Genève. Nous refusons ce diagnostic. Il y a un problème du statut des communes dans ce canton, il y a un problème de savoir comment nos institutions franchiront le cap de l'an 2001, Monsieur Segond, pas 2000. Pour faire cette réflexion-là, il faut d'autres prémisses, d'autres commencements et un autre stimulant intellectuel que celui qui nous vient du Conseil d'Etat. Le groupe socialiste vous demande de ne pas encombrer nos commissions avec des erreurs syncrétiques. (Applaudissements.) 

M. Pierre Ducrest (L). Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! Il est notoire, d'après les propos que j'ai entendus, que l'on recommence le débat interminable qui s'est tenu il y a quelque temps dans ce prétoire sur un projet paru par indélicatesse dans la presse et relayé après par d'autres personnes. Alors, que ce passe-t-il ? Vous voulez affliger un camouflet au Conseil d'Etat ? Le seul projet du Conseil d'Etat, c'est celui-ci, qui est collé à différents points de l'ordre du jour que nous traitons ensemble. Et qu'avons-nous ? Nous avons trois projets de lois constitutionnelles. Nous avons le projet de constituante présenté par nos cousins radicaux. C'est un gros bateau, c'est une chose à laquelle il est difficile de s'atteler, mais qui mérite d'aller en commission. Nous avons ensuite un autre projet de loi constitutionnelle, présenté par les bancs d'en-face et qui consiste à dresser des barricades, pour mettre des cautèles telles que rien ne puisse se faire. Nous avons enfin le projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat, qui l'a certes présenté de manière un petit peu troublante... Mais enfin, qui peut dire qu'il n'y a pas de problèmes dans cette République ?

Il y en a ! Par conséquent, le rejeter en discussion immédiate, est-ce pour que vous puissiez lire dans les journaux demain matin que vous avez gagné, que vous avez obtenu la discussion immédiate, que vous avez shooté un projet constitutionnel présenté par le gouvernement ? Si c'est cela votre désir, si c'est cela votre gloire, alors faites-le ! Quant à moi, je vous dis que la raison des députés, qu'ils soient de gauche ou de droite, devrait être d'aller en commission, afin que l'ensemble, y compris ceux des projets constitutionnels qui ne nous plaisent pas, puisse être discuté, car nous sommes entièrement ouverts à la discussion.

M. Bernard Lescaze (R). Au-delà de la discussion immédiate, nous essayons en réalité de voir comment les projets pourraient être renvoyés en commission. Deux interrogations à ce sujet. Je suis tout d'abord particulièrement inquiet de voir que le Conseil d'Etat, non seulement ne retire pas son projet, ce qui est son droit après tout, mais souhaite que son projet soit gelé en commission. Or, nous sommes en train de faire un débat sur les trois projets. Le groupe radical ne tient absolument pas à ce que son propre projet de constituante soit gelé en commission. Il estime que son projet, le projet 8163, doit être traité et doit même être traité en priorité, quelles que soient les discussions entre le Conseil d'Etat, le Conseil administratif ou la commission qu'ils veulent instituer, car ce projet n'est en rien lié au projet du Conseil d'Etat. C'est un projet qui vise à étudier les relations institutionnelles de notre canton, qui vise à dépoussiérer notre constitution qui date quand même de 152 ans. Ce projet-là est capital. Or, le but du Conseil d'Etat serait malgré tout, en maintenant son projet, d'entamer des discussions avec des groupes, sans aucun contrôle démocratique et parlementaire, si ce n'est celui des prochaines élections cantonales et d'empêcher ainsi que le projet radical de constituante puisse être traité avant.

Je constate que personne n'a dit, sur les bancs du Conseil d'Etat, que c'était le projet qui devait être en réalité celui qui pourrait tous nous unir. Je remarque donc que certains conseillers d'Etat n'en veulent pas. D'ailleurs, M. Cramer, chef du département de l'intérieur, n'est pas là, alors qu'il s'est prononcé en faveur de l'émiettement de la Ville voici quelques semaines. J'aimerais rappeler que dans le Courrier du 15 février 1999, on lisait : « Partout, il y a des villes et des communes, si quelque chose doit être supprimé un jour, c'est le canton. » Qui a prononcé ces fortes paroles ? je vous le donne en mille ! M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, chef du département de l'intérieur !

Lorsque le Conseil d'Etat cessera de patiner d'un jour à l'autre entre une position et une autre, lorsque ses membres se seront mis d'accord sur un projet ou nous diront qu'ils soutiennent le projet de constituante, nous pourrons alors entrer en matière sur ses propres propositions.

Le président. Je rappelle que nous débattons toujours de la demande de discussion immédiate.

M. Pierre Vanek (AdG). Je vais essayer de faire preuve de discipline et ne pas dire tout le mal que je pense sur le fond de l'émiettement de la Ville et d'un certain nombre d'autres éléments contenus dans ce projet.

Sur la discussion immédiate, M. Dupraz a dit qu'il fallait renvoyer ce projet en commission pour le purger de ses imperfections et en faire quelque chose de bien.

M. John Dupraz. C'est ce que l'on fait toujours !

M. Pierre Vanek. C'est ce que l'on fait normalement !

J'ai bien dit que cette demande de discussion immédiate était exceptionnelle et s'expliquait par le fait que le projet de loi était sans contenu. Il propose de fixer un délai de trois ans - ces Messieurs, dames se donnent plus de temps qu'ils n'ont à siéger au Conseil d'Etat, sous réserve d'une réélection qui est dans les mains du peuple - pour présenter des projets de lois sur ces problèmes, qui sont effectivement des problèmes réels, des problèmes qui nous divisent, des problèmes sur lesquels il faut avancer. Si l'on purge ce projet de loi constitutionnelle, Monsieur Dupraz, il n'en restera strictement rien.

D'autres ont dit que nous refusions ce renvoi en commission parce que nous avions peur de ces débats. Non, bien sûr ! La peur se trouve du côté de ceux qui refusent d'avancer des idées dans ces domaines, d'avancer sur ces projets que l'on nous promet d'ici trois ans ou même de faire des rapports sur ces questions avec des points de vue politiques qui vont effectivement créer des débats contradictoires au sein de ce parlement et évidemment au sein du Conseil d'Etat. Alors, on crée une coquille vide, une coquille creuse, et l'on soumet cela ou plutôt l'on a la velléité de soumettre cela au peuple, dans l'espoir peut-être d'aboutir à un consensus ! On se contente d'une espèce d'enveloppe et d'une espèce d'étiquette. C'est ce procédé que je fustige et que j'appelle à refuser. Ce n'est pas un refus du débat sur le fond. Au contraire ! Que le Conseil d'Etat revienne avec des propositions concrètes sur les points a), b), c) et d), des projets de lois ou des rapports tendant à aller vers des projets de lois. Ceci permettra la discussion. En l'état, ce que je combats, c'est l'idée que l'on doit commencer par ne surtout pas discuter et faire un «vote de principe», sachant bien qu'au-delà des soi-disant principes il y a des oppositions politiques qui devront se manifester et que l'on cherche à escamoter aujourd'hui. Eh bien, ce procédé-là constitue tout simplement une manière de contourner le débat politique réel que nous devons avoir dans cette assemblée et dans ce canton. Le début de l'exposé des motifs est clair à ce sujet. Il part de l'idée que tout le monde parle de réforme et que chacun y met ensuite ce qu'il veut.

Nous demandons un peu de courage politique au Conseil d'Etat. Nous lui demandons de revenir, pas forcément dans trois ans, mais de revenir dans six mois, dans trois mois s'il est prêt, avec du matériel politique un tout petit peu sérieux pour un débat politique. C'est nous discréditer et discréditer le Conseil d'Etat d'accepter le procédé du projet de loi proposé en l'état.

Certains ont dit que notre position était motivée par l'envie de pouvoir dire que nous avions infligé un camouflet au Conseil d'Etat. A mon avis, c'est plutôt le maintien envers et contre tout de ce projet par le Conseil d'Etat qui est dicté par une volonté de sauver la face et non par une volonté de discuter sérieusement des problèmes qui sont soulevés ! 

M. Roger Beer (R). Je me suis demandé, au début de ce débat, si je ne devrais peut-être pas m'abstenir à cause de l'article 27 de la loi portant règlement du Grand Conseil. Mais lorsque j'entends tout ce qui se raconte... (L'orateur est interpellé.) ...ou l'article 24, oui... lorsque j'entends tout ce qui se raconte, je me dis finalement que je vais quand même intervenir.

Tout d'abord pour dire que lorsque ce projet de loi a été publié par une organisation filtrée, voulue ou non, dans la Tribune de Genève, j'ai compris une chose qui m'a paru très claire. C'est que le Conseil d'Etat était conscient des capacités de la Ville. On a très nettement eu l'impression que le but était finalement de supprimer l'échelle politique et de s'approprier les services assurés par la Ville, de manière à augmenter le pouvoir de chaque conseiller d'Etat dans leurs domaines respectifs.

Je me suis cependant dit que ce n'était pas possible, car trop machiavélique. Puis, j'ai constaté qu'il était question de 150 millions d'économies. J'ai eu beau relire, je n'ai pas bien vu comment. Dans un article qui a suivi la publication du projet, pour lequel le journaliste avait visiblement fait quelques téléphones ciblés et intelligents, on arrivait à 25 millions d'économies - j'ai presque envie de dire que c'est peut-être par jour ! Il me semble que la seule économie directe que l'on pourrait trouver, ce serait de ramener le Conseil d'Etat à cinq personnes et le Conseil administratif à trois personnes ! On serait alors sûr de parvenir immédiatement à un ou un million et demi d'économie. Je ne pense cependant pas que ce soit non plus le but.

J'imagine qu'après les premiers énervements de parts et d'autres - je crois savoir que vous vous êtes revus - les choses se sont calmées et que vous avez décidé de créer une sorte de délégation du Conseil d'Etat, du Conseil administratif et de la fameuse et sacro-sainte société civile pour discuter concrètement de la réalité de cette amélioration, de cette recherche de doublons, s'il y en a, et de cette amélioration de la Cité. La question est maintenant de savoir si le projet de loi tel qu'il est déposé, avec un certain nombre d'énervements très sérieux sur notre gauche, si c'est effectivement ce projet de loi qui peut mettre la pression pour une recherche d'amélioration ou si ce n'est pas plutôt le fameux projet de constituante qui le permettra. On ne vous a d'ailleurs pas encore entendus, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, à ce sujet. Nous aimerions savoir ce que vous en pensez. Parce que si vous trouvez d'office qu'il est nul, on ne pourra effectivement pas entrer en matière sur votre projet. Si le tout peut se discuter un peu plus calmement, dans ce cas effectivement, comme l'a dit M. Lescaze, on pourra alors discuter de votre projet.

Quant à l'envolée de mon excellent collègue Dupraz...

M. John Dupraz. Bravo, Beer !

M. Roger Beer. ...je me suis demandé s'il ne voulait pas que l'on prenne aussi en compte Soral dans la discussion.

M. John Dupraz. Mais pourquoi pas !

M. Roger Beer. Je ne sais pas s'il y a là-bas une administration efficace... Mais trêve de plaisanterie ! La balle est plutôt dans votre camp, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat ! A vous de nous dire comment vous envisagez une discussion sereine après le pataquès que vous avez provoqué !

M. Philippe Glatz (PDC). Je dois dire que nous avons beaucoup de peine à comprendre pourquoi certains d'entre vous sont favorables à la discussion immédiate dans le but de renvoyer ce projet ad aeternum. En effet, être contre la mise en discussion immédiate et pour le renvoi de ce projet en commission ne veut pas dire que l'on accepte tous les termes de ce qui nous est soumis. Cela veut simplement dire que l'on souhaite examiner et critiquer, constructivement, l'ensemble des propositions qui nous sont faites. Dès lors, la seule attitude que nous pouvons avoir, c'est de vouloir en discuter. Il s'agit d'une attitude ouverte et objective. Personne ne dit qu'il faut a priori accepter quoi que ce soit. Si nous avons le bonheur de ne pas renvoyer ce projet en discussion immédiate et ainsi ne pas le renvoyer aux calendes grecques, nous pourrons nous donner l'occasion tout à l'heure de le critiquer de manière aussi certaine et constructive. 

M. Armand Lombard (L). Nous sommes en train de débattre de la discussion immédiate et d'un vote immédiat de notre plénum sur un projet d'une importance qui me paraît considérable. Ce que l'on peut retenir jusqu'à présent de la discussion, c'est d'abord la présence d'un quarteron de prétentieux invraisemblable. Ce n'est pas une nouveauté, ni un scoop ! Il y a beaucoup de prétention dans ce Grand Conseil, de chacun qui pense qu'il est mieux, qu'il a mieux dit, qu'il a mieux fait, qu'il a mieux proposé. « Oui, d'accord pour le projet, mais... » et l'on en a pour dix minutes, « Jamais comme cela, mais autrement », « Mon cher projet que mon groupe propose. » - nous venons de l'entendre - « Mon cher projet que mon groupe propose, que j'ai personnellement signé et composé et qui est bien meilleur. », « Mon projet à moi. »... Voilà le quarteron des prétentieux qui n'avance strictement à rien notre discussion et qui n'améliore en tous cas en rien l'état de la République.

Le Conseil d'Etat a été certainement maladroit, je me permets de le dire, dans sa façon d'aborder son projet. Il a présenté les choses un peu durement, un peu fortement, pas comme M. Machin le voulait ou comme M. Tartempion le souhaitait, mais il a formulé une proposition. Il a fait une proposition sur un projet qui apparaît essentiel pour l'avenir de la cité, sur les structures mêmes de la cité. Dans ce Grand Conseil, nous le répétons tous avec nos mots, l'autre partie de la salle n'est évidemment pas d'accord, mais avec nos mots nous le disons tous. Il y a besoin de restructurations dans cette République, il y a besoin de restructurer un certain nombre de secteurs, soit parce qu'ils coûtent trop cher, soit surtout parce qu'ils sont mal gérés, qu'ils nous donnent la nausée ou nous pèsent sur le moral. Nous nous trouvons ici devant un de ces problèmes de restructuration essentiels, dont tout le monde a parlé et dont tout le monde souhaite finalement parler. Vous ne cessez de le dire. Procéder à une discussion immédiate maintenant ne me semble pas souhaitable, me semble de mauvaise augure pour l'avenir de nos travaux, me semble mauvais pour cette République. Rappelez-vous chers collègues d'en-face, combien de fois vous nous avez dit, à nous qui avions la majorité dans un lointain passé, rappelez-vous combien de fois vous nous avez dit que cette procédure n'était pas démocratique, que c'était tuer le débat démocratique que de procéder ainsi, de « shooter » des projets en plénum ! Nous l'avons fait, c'est évident. Aujourd'hui que nous nous situons dans la position inverse, c'est vrai que c'est regrettable. Mais ce n'est pas une raison, parce que nous avons peut-être mal fait une ou deux fois, de vous lancer stupidement dans la même pratique !

M. Rémy Pagani (AdG). Contrairement à ce qui vient d'être dit, je trouve que le débat qui nous est proposé aujourd'hui vaut la peine d'être vécu. La démocratie telle que voulue par le Conseil d'Etat, le rôle de la Ville, me semblent effectivement constituer un véritable problème pour nos sociétés modernes. Or, que nous propose le Conseil d'Etat ? Il nous propose tout simplement de refuser ce rôle privilégié à la Ville de Genève et à l'ensemble des villes. Il y a là un problème important qui aurait pu être renvoyé en commission. Malheureusement, en examinant la proposition de projet constitutionnel qui nous est faite, nous constatons que le Conseil d'Etat, alors qu'il posait un véritable problème politique, s'est tout d'un coup aperçu de la levée de boucliers et du risque possible qu'il prenait de voir l'inverse se produire, c'est-à-dire un renforcement du rôle de la Ville par rapport aux communes suburbaines. Il s'est donc dépêché de nous proposer de lever le pouce pendant trois mois.

Je suis effectivement d'accord avec le parti radical, ou en tous cas la majorité des membres du parti radical qui prétendent que le projet de loi tel qu'il nous est proposé aujourd'hui va geler, si nous le renvoyons en commission, l'ensemble des débats et ne fera pas avancer cette discussion essentielle qui doit avoir lieu sur la Ville. C'est pour cela que je trouve, contrairement à ce qui vient d'être dit, que le renvoi en commission ne se justifie pas, puisqu'il paralyserait en fait ce débat. Je trouve que ce débat doit au contraire avancer. Il doit avancer sur passablement de points - on a notamment parlé de démocratie de quartier. Il faudrait une fois ou l'autre se déterminer sur ce qu'est la démocratie de quartier. C'est d'abord, me semble-t-il, la transparence de l'acte de l'autorité. Les autorités n'ont en l'occurrence pas fait preuve de transparence en ce qui concerne les deux derniers exemples, la place des Nations et la place Neuve. Il y a là effectivement un problème. Et ce n'est pas en créant huit communes que l'on résoudra ce type de problème de transparence et de participation des communes. Je trouve donc, de ce point de vue-là, qu'il est erroné de nous reprocher de vouloir casser le débat. Au contraire, voter le refus d'entrer en matière en discussion immédiate se justifie pour continuer à discuter du rôle de la Ville dans nos sociétés modernes. 

Le président. Mesdames et Messieurs, j'aimerais que vous vous focalisiez sur cette discussion immédiate. Je passe encore la parole à trois intervenants - Mme Bernasconi, M. Balestra et M. Vaucher - puis à la présidente du Conseil d'Etat, Mme Brunschwig Graf. Nous procéderons ensuite au vote. Telle est la décision du Bureau.

Mme Madeleine Bernasconi (R). Je trouve ce débat fort intéressant et il me semble nécessaire de le renvoyer en commission. Nous ne sommes pas le seul canton à nous poser des questions sur ses structures. Mais nous ne pouvons pas débattre aujourd'hui du bien-fondé d'un projet de loi par rapport à un autre projet de loi. Il est important, puisque nous sommes dans une démocratie, de pouvoir en débattre en commission, de faire part de nos sensibilités et d'apporter une amélioration à ces différents projets de lois. Nous avons pu nous exprimer aujourd'hui. C'était important, car il s'agit de notre rôle. Mais il est aussi important de renvoyer, par politesse, ces projets de lois en commission pour pouvoir y travailler d'une façon sérieuse. Nous ne pouvons pas nous déterminer aujourd'hui sur un projet de loi plutôt qu'un autre. Je souhaite donc réellement, puisque nous avons la liberté de vote - n'est-ce pas, Monsieur le chef de groupe ! - que l'on renvoie ce projet de loi en commission. 

M. Michel Balestra (L). Je ne partage pas l'ensemble du point de vue de mon collègue Armand Lombard concernant le problème de la paternité des projets. Que les gens soient fiers du projet qu'ils ont déposé, c'est leur droit le plus élémentaire. Et encore heureux qu'ils le soient, sinon ce n'est pas la peine de les déposer. Mais la multiplicité de ces projets est pour moi la preuve qu'il est nécessaire de tous les renvoyer devant une commission parlementaire.

S'agissant de la crainte exprimée par M. Lescaze que le gel du projet de loi du Conseil d'Etat, qui ne fait de loin pas l'unanimité, entraîne le gel de l'ensemble des autres projets, je rappelle à M. Lescaze que nous sommes maîtres de l'ordre du jour de nos commissions et que nous avançons sur l'ensemble des projets à la vitesse à laquelle nous voulons avancer. Quant à M. Vanek qui demande des projets politiques avec un contenu fort, je suis d'accord avec lui. Mais comment élaborer des projets politiques avec un contenu fort ou demander au Conseil d'Etat quels sont ses projets politiques avec un contenu fort si l'on refuse même de discuter en commission des projets qu'il nous propose ? Il y a là, à mon sens, une incohérence totale entre la volonté que je crois sincère et la manière que vous proposez. Car, Mesdames et Messieurs les députés, seul un renvoi en commission vous permettra de rester maîtres du jeu et seuls à décider du rythme, du contenu et de l'issue que vous entendez donner à ces réformes institutionnelles.

Mme Martine Brunschwig Graf. Il est en principe vrai, en termes de discussion immédiate, que la parole est donnée en préambule à celui ou celle qui formule la proposition. Nous avons en l'occurrence souhaité prendre la parole à la fin du débat pour vous permettre à chacun de vous exprimer à loisir.

Le Conseil d'Etat observe tout d'abord une première chose. Quel que soit ce qui peut être dit sur le contenu du projet, et pour autant que l'on admette qu'après tant de semaines la forme peut entrer dans le domaine des prescriptions, il n'y aura pas eu depuis fort longtemps dans ce parlement autant de débats, d'interventions et de préoccupations touchant à un élément essentiel et reconnu comme essentiel de l'organisation de notre canton. Personne, et pas même les historiens, ne pourra éclaircir le fait de savoir si une telle opportunité se serait présentée dans cette législature sans projet de loi du Conseil d'Etat.

Je note tout de même que quelques faits nouveaux sont intervenus depuis notre dernier débat. L'un de ces faits nouveaux a été mentionné tout à l'heure par M. Brunier au moment des interpellations urgentes. Il semblait s'intéresser très fortement à l'activité du groupe de travail dont le Conseil d'Etat et le Conseil administratif doivent approuver les modalités le 15 décembre prochain. M. Brunier souhaitait donc déjà connaître le rythme des rencontres, le financement des travaux, la composition du groupe et d'autres choses. C'est dire si M. Brunier attache de l'importance au fait que la Ville, l'Etat et d'autres acteurs, y compris les communes, puissent travailler ensemble dans le cadre de la préoccupation que vous avancez tous en matière d'organisation du canton. Le Conseil administratif aurait bien entendu souhaité que nous ne déposions pas le projet de loi. Mais il est clair que l'accord intervenu avec le Conseil administratif ne vise à geler ni le parlement ni ses travaux, mais à proposer à la commission parlementaire qui pourrait s'occuper de ce dossier et de tous les autres de bien vouloir au moins attendre que la concertation ait eu lieu pour pouvoir en débattre sur la base des discussions préliminaires. Ceci pourrait aller dans le sens de l'intervention de M. le député Hiler qui demandait à ce qu'une commission s'occupant de ce dossier puisse avoir connaissance de tous les scénarios. Il est probable qu'une discussion avec les groupes en question permettrait en tous cas de tous les évoquer à fond et avec la manière que vous voulez. Cette proposition n'empêcherait en rien les travaux que souhaite M. le député Lescaze à propos d'une constituante.

M. Balestra a rappelé tout à l'heure que vous étiez maître de vos ordres du jour et que la constituante et les ambitions que vous décrivez, Monsieur Lescaze, impliquent bien entendu une discussion en commission sur l'organisation des choses et montrent bien que vous souhaitez un travail global. En admettant que le travail du groupe que l'on se propose de mettre sur pied et dans lequel il faut certes veiller à une bonne représentativité, en admettant que les résultats de ce groupe de travail permettent aussi d'alimenter les travaux d'une éventuelle constituante, nous aurions peu perdu notre temps. Aussi, je ne vois au nom du ciel pas pour quelle raison un projet de loi constitutionnelle, que vous définissez parfois comme une initiative, que certains affectent de voir comme étant inchangeable et qui pose quatre questions distinctes, dont au moins deux ne touchent pas directement la problématique de la République et Ville de Genève, comme vous pourrez le lire, mais la péréquation financière intercommunale et la répartition des tâches entre les communes, je ne vois au nom du ciel pas pour quelle raison ce projet de loi...

M. Claude Blanc. Laisse le ciel où il est !

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Pour des démocrates-chrétiens, cela me semblait tout à fait approprié ! Je continue... en vous disant que le Conseil d'Etat n'a pas souhaité retirer son projet de loi, non pas par orgueil, non pas par vanité, ni même par obstination, mais simplement parce qu'il a constaté, comme vous tous, que ces dernières semaines auront finalement permis de poser un vrai débat sur la table, de donner quelques envies d'en discuter et qu'il y aurait pire que tout cela. C'est que tout ceci retombe comme un soufflé. Dans notre République, où ces sujets ont été traités pendant des dizaines d'années dans des groupes de travail, je constate que le carcan que représente une éventuelle discussion en commission sur un projet de loi constitutionnelle est en tous cas de nature à provoquer l'intérêt des uns et des autres, une volonté de se mettre autour de la table avec la Ville et d'y inclure les communes et la société civile. Je vous demande donc fermement, au nom du Conseil d'Etat, de considérer que cette avancée-là vaut bien un débat en commission.  

La proposition de discussion immédiate sur le projet de loi 8160 est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée par 47 oui contre 37 non.

Premier débat

M. Pierre Vanek (AdG). Je serai très court. J'ai été très bref tout à l'heure et je ne propose pas d'entamer ici et maintenant une réforme constitutionnelle. Il était tout à fait clair que la demande de discussion immédiate visait à rejeter ce projet immédiatement. J'appelle à voter dans ce sens et à passer rapidement au vote. Ce qui ne signifie évidemment pas que le Conseil d'Etat ne puisse pas, ne doive pas s'il a les convictions pour le faire, nous présenter sur les quatre points qu'il évoque dans ce projet de loi des propositions législatives que nous discuterons quant à elles en commission.

Mme Myriam Sormanni (S). A partir du moment où la phrase « 150 millions d'économie » a été lancée dans la population, pensant de plus en plus, à tort, de devoir payer moins d'impôts, il est clair que celle-ci votera les yeux fermés s'il y a vote en l'état.

Pourquoi ce projet de loi arrive-t-il maintenant, lorsque nous avons comme par hasard quatre conseillers de gauche sur les cinq magistrats en Ville de Genève ? Qu'avons-nous à donner comme leçon, nous Grand Conseil, dont la situation financière n'a rien à envier à celle de la Ville ? On peut prétendre que la démocratie de quartier ne fonctionne pas, mais nous donnons-nous seulement la peine d'écouter correctement les gens et de tenir compte de leur avis, au lieu des les convier à des séances d'information où tout est déjà joué et où les habitants n'ont plus qu'à s'incliner. Je prends pour exemple la couverture des voies CFF de Saint-Jean.

Oui, la mentalité, la façon de percevoir les choses ne sont pas les mêmes à Champel qu'aux Pâquis, à Saint-Jean qu'à la Jonction. Combien donc de conseillers municipaux faudra-t-il si un tel projet de loi passait ? Où serait donc l'économie ? Si l'on divisait pour le surplus la Ville en huit communes, on remettrait huit mairies, huit administrations, etc. Ce ne seraient donc pas des doublons que nous aurions, mais des « octoblons », voire des « décablons » ! 

M. Albert Rodrik (S). Nous nous sommes expliqués longuement dans un débat... appelons-le d'entrée en non-matière, pour exposer les raisons pour lesquelles nous ne pouvions pas prendre en considération le projet de loi du Conseil d'Etat. La discussion immédiate avait en conséquence pour but de le refuser, je vous demande donc de le refuser. 

M. Philippe Glatz (PDC). Il faut que nous prenions conscience que le public doit savoir aujourd'hui que demander la discussion immédiate signifie paradoxalement refuser d'en discuter. Nous déplorons cet état de fait, car le projet qui nous est soumis est totalement imparfait. Nous souhaitions qu'il soit renvoyé en commission de manière à pouvoir vraiment en discuter et revenir devant ce plénum de façon à améliorer et changer les choses. Mais aujourd'hui, à cause de la position que la majorité de ce parlement vient de prendre, il nous est impossible d'en discuter. Nous estimions, nous, groupe démocrate-chrétien, que l'on ne pouvait pas accepter le projet de loi tel quel. Il nous est maintenant impossible d'en discuter, vous nous avez enlevé cette possibilité et vous en prenez la responsabilité.

M. Bernard Lescaze (R). Je m'exprimerai très brièvement sur le fond du projet pour expliquer son rejet. La disposition transitoire qui nous est présentée est floue, mal rédigée et mal ficelée. Elle va au rebours de ce qui se fait à l'heure actuelle en Suisse. On s'efforce en effet de regrouper les communes. Or, la disposition transitoire prévoit à sa lettre b) la création de plusieurs nouvelles communes urbaines. C'était valable, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, au siècle dernier. James Fazy a scindé plusieurs communes, y compris par exemple celles de Gy et de Jussy. On pourrait de nouveau les réunir et je serais heureux de voir la réaction de M. le député Koechlin à ce sujet !

M. René Koechlin. J'applaudis !

M. Bernard Lescaze. Vous applaudissez, mais l'on voit que vous n'êtes ni maire de Gy, ni maire de Jussy, ni même membre des conseils municipaux de ces communes !

Je continue. L'article 183, alinéa 2, est à mon avis tout simplement d'une application irréaliste, voire surréaliste, car je ne vois pas comment, sans modifier la loi portant règlement du Grand Conseil et sans modifier d'autres dispositions légales, vous pouvez, dans une modification constitutionnelle et institutionnelle, associer des représentants de la Ville et des autres communes du canton à l'élaboration qui finalement se fait malgré tout et encore dans une commission du Grand Conseil. Ou c'est alors, Mesdames et Messieurs, mais je ne peux pas l'imaginer parce que vous êtes des gens réalistes, connaissant et respectueux de notre démocratie parlementaire, vous imaginiez que pour un tel projet vous pourriez vous passer des commissions parlementaires et du vote du Grand Conseil. L'alinéa 2 est purement et simplement anticonstitutionnel. Je ne sais pas, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, où vous cherchez vos juristes. Mais je constate dans d'autres projets que j'ai l'honneur d'examiner pour le canton que ces projets sont parfois très mal préparés. Je vais d'ailleurs m'en ouvrir à la présidente du Conseil d'Etat. C'est une raison supplémentaire, pour ne pas faire valoir des raisons politiques de fond, qui ont été abondamment explicitées avant, pour dire que ce projet ne vaut strictement rien. 

M. Michel Halpérin (L). Le projet qui nous est soumis, puisque nous sommes en discussion immédiate, mérite une lecture attentive et approfondie. Que nous propose-t-il ? Un article 183, réforme institutionnelle, qui serait un nouvel article de la constitution, qui prévoit à son alinéa 1 que le Grand Conseil, dans un délai de trois ans dès l'approbation par le conseil général de la présente disposition, élabore un train de lois sur proposition du Conseil d'Etat. Il s'agit donc d'abord d'adopter une norme qui nous impartisse, à nous Grand Conseil, un délai de trois ans pour élaborer un train de lois. Jusqu'ici, je ne vois personnellement rien à redire à ce texte. S'impartir un délai pour fonctionner normalement et élaborer des textes n'a rien de choquant, ni de troublant.

De quoi devrait parler ce train de lois qu'il faudrait que nous élaborions dans les trois ans qui viennent, ou plutôt dans les trois ans qui suivraient l'approbation de ce texte par le conseil général ? D'abord de l'organisation administrative et politique du canton sous la dénomination République et Ville de Genève. La révolution est là ! Est-ce une vraie révolution ? Il ne s'agit pas encore de l'adopter, il s'agit de l'étudier pour déterminer si cette organisation administrative et politique du canton sous cette dénomination serait possible et si oui sous quelle forme elle se ferait. Il s'agit donc d'un chantier que nous allons ouvrir et dont nous allons débattre. Au terme de ces trois ans d'exercice, nous serons d'accord ou pas d'accord avec la constitution d'une République et Ville de Genève dans une organisation administrative nouvelle.

Deuxièmement, de la création de plusieurs communes urbaines. M. Lescaze vient de nous expliquer - ses qualités d'historien sont notoires - que c'était le projet de James Fazy autrefois et que nous ne sommes aujourd'hui plus au temps de James Fazy. Je l'ai connu plus respectueux de ce grand ancêtre, mais enfin le temps passe, même pour les grands ancêtres. Très bien ! Nous allons donc peut-être arriver, au terme de ces trois ans d'efforts dans ce Grand Conseil, à la conclusion qu'il ne faut pas créer de nouvelles communes urbaines. Ou peut-être, instruits par notre propre réflexion, parviendrons-nous à la conclusion inverse, qu'il faut quand même créer de nouvelles communes urbaines. Le point d'interrogation est inscrit, certes sans typographie, dans cette demi-ligne qui constitue la lettre b).

Troisièmement, de la répartition des compétences, basée sur le principe de la subsidiarité entre la République et Ville de Genève et les communes anciennes et nouvelles. C'est en quelque sorte le pendant de la proposition constitutionnelle de constituante qui fait partie du point 47 de notre ordre du jour, donc le prochain, qui veut revoir l'ensemble de la réorganisation du canton. On peut la vouloir plus spécifique, comme c'est le cas dans la proposition du Conseil d'Etat, on peut la vouloir plus floue, comme c'est le cas de la proposition de M. Lescaze et de quelques-uns de ses collègues députés radicaux. L'essentiel, c'est finalement, semble-t-il, d'examiner comment cela marchait jusqu'à maintenant, comment cela marchera à l'avenir, quelles sont les articulations et les charnières entre la Ville, l'Etat et les autres communes qui composent Genève. Examiner cette répartition des compétences dans les trois ans qui suivront le vote populaire n'est peut-être pas au-dessus de nos forces. Je pense que nous sommes capables, en trois ans, dans une commission qui pourrait être ad hoc ou qui pourrait être la commission des droits politiques ou une autre, d'examiner attentivement l'articulation actuelle.

L'alternative qui est proposée par M. Lescaze et ses amis radicaux, qui pourrait d'ailleurs être mise en parallèle à celle qui nous est proposée ici si nous pouvions les discuter toutes les deux en séances de commission, pourra être discutée plus tard lorsque nous aurons adopté ce texte et pourrons comparer pendant les trois ans qui viendront les avantages réciproques et respectifs de la proposition de constituante ou de la proposition de révision du Conseil d'Etat. C'est effectivement, qu'il s'agit ou de charger une commission de ce travail ou d'en charger une assemblée constituante. On pourra se poser à ce sujet la question de savoir s'il est plus expédient et plus raisonnable, au vu des structures déjà lourdes dont l'Etat est doté, de travailler comme nous avons l'habitude de le faire en commission, puis en plénum ou s'il faut qu'une assemblée distincte vienne réfléchir aux mêmes problèmes, encombrant ainsi nos institutions d'un fardeau supplémentaire. La question est ouverte. Je n'ai pas de réponse à ce stade, mais nous pourrons en tous les cas l'examiner dans les trois ans qui viennent.

Je crois enfin comprendre que la péréquation financière intercommunale fait partie de l'appel d'un certain nombre de députés de toutes tendances, notamment des partis de gauche et du centre, qui sont d'avis que cette péréquation devrait être revue.

En d'autres termes, Mesdames et Messieurs les députés, si j'examine le premier alinéa de cette nouvelle réforme institutionnelle, j'y vois peut-être matière à redire sur tel ou tel point, mon opinion personnelle n'est pas définitivement faite, mais je ne vois rien que nous ne puissions examiner attentivement dans les trois ans qui suivront l'approbation de cette mission. Tout ce que nous allons soumettre à la population genevoise et au souverain, c'est en définitive un mandat qui nous donnerait pour mission d'examiner dans les trois ans ces propositions. Et il en ira de ces propositions comme il en est allé autrefois de la traversée de la rade - vous vous souvenez que le souverain a voté le principe d'une traversée de la rade, que nous l'avons très longuement examiné en parlement, puis que nous avons élaboré des propositions que nous avons à nouveau soumises au souverain, qui a décidé qu'il ne voulait ni de l'une, ni de l'autre. Ce qui nous est demandé aujourd'hui, c'est d'inviter le souverain à nous donner un mandat d'étude que pour ma part j'accepte volontiers, car je crois que la tâche du parlement, c'est effectivement d'abord et avant tout d'assurer le bon fonctionnement des institutions. A cet égard, je ne sais pas si le deuxième alinéa, qui prévoit que les représentants de la Ville et des autres communes soient associés par notre parlement aux travaux, est conforme à la lecture stricte du fonctionnement de notre règlement du Grand Conseil s'agissant des commissions du Grand Conseil, mais nous sommes ici en plénière. Si nous adoptons ce texte et que le souverain l'adopte après nous, dans les trois ans qui viennent le souverain nous aura enjoint - comme son nom l'indique, il n'y a rien au-dessus du souverain - de travailler la main dans la main avec les autres entités politiques qui doivent participer avec nous à cet effort de réflexion sur nos institutions. Dans ces conditions, je ne vois rigoureusement rien qui entame ma sérénité de juriste. Prévoir finalement que ces lois soient soumises au référendum obligatoire dans les six mois dès leur adoption par le Grand Conseil, cela allait peut-être même sans le dire, mais cela ne va en tous cas pas plus mal en le disant.

En d'autres termes, Mesdames et Messieurs les députés, en procédant à cet examen superficiel sans doute, mais nous sommes en plénière et je ne voudrais pas abuser de votre patience, à cet examen superficiel du texte qui nous est soumis, comme il l'aurait été dans la commission où il aurait pu vous plaire de le renvoyer, je constate que rien, rigoureusement rien ne fait obstacle à ce que nous invitions le peuple souverain à nous charger de cette mission. S'il l'accepte, nous devrons, dans les trois ans, élaborer et conduire à son terme une réflexion d'ensemble sur les rapports entre Etat et communes. S'il le refuse, le souverain nous aura ainsi indiqué qu'il est tout aussi peu partisan que certains d'entre vous d'un débat sur cette question et nous en aurons le coeur net. En revanche, si nous refusons ce texte aujourd'hui, nous faisons en quelque sorte un doublon. Je sais que c'est apprécié par certains d'entre vous, d'autres ne les aiment pas. Le doublon consisterait ici à avoir, d'une part, décidé de discuter immédiatement sans passage par une commission d'un texte important pour ensuite, comme d'autres l'ont dit avant moi, le rejeter tout aussitôt parce qu'il déplaît. La seule démonstration qu'ils auront faite à cette occasion devant le peuple souverain, c'est leur absence de disponibilité pour discuter d'un texte qui dérange certains, mais qui appelait à tout le moins réflexion. Puisque nous nous sommes refusé le temps de réflexion en commission, je vous propose par conséquent, par déférence pour le souverain, qui devra avoir le dernier mot sur ce sujet, d'accepter le projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis. 

Mme Martine Brunschwig Graf. J'ai le sentiment, à l'issue de ce débat, mais ce n'est pas qu'un sentiment, étant donné que certains d'entre vous, en demandant la discussion immédiate, l'ont ainsi exprimé, que l'objectif de cette discussion immédiate n'était certes pas de connaître les arguments et les raisons des uns et des autres, ni même les suggestions des uns et des autres par amendements, mais tout simplement, comme vous l'avez exprimé vous-même, de refuser le projet de loi du Conseil d'Etat.

Refuser signifie, comme il a été rappelé, ne pas débattre, ne pas argumenter autrement qu'en disant que cela déplaît. Refuser dans le cas particulier, c'est aussi décider, s'agissant d'un projet de loi constitutionnelle, de ne pas permettre au peuple de se prononcer sur les principes mêmes qui sont évoqués. Comme l'a rappelé, beaucoup mieux que je ne l'aurais fait, M. le député Halpérin - il aura, je l'espère, au moins plu en cela à M. Lescaze, puisqu'il est juriste et avocat de renom, ce que je ne suis pas - comme il l'a rappelé, il s'agit de poser des questions qui doivent ensuite trouver concrétisation. Je m'étonne que l'on puisse à la fois nous reprocher de poser les questions et s'étonner en même temps de ne pas déposer les lois qui devraient être encore mieux rejetées, j'imagine, par certains d'entre vous. Parce que poser les principes permet justement de se mettre d'accord sur une direction. Libeller des projets de lois sur chacun des éléments qui sont ici, nous en serions bien empruntés après vous avoir écouté toutes et tous, vous qui vous êtes prononcés pour la discussion immédiate. Parce qu'il y a une chose sur laquelle vous êtes d'accord ce soir : c'est de refuser ce projet de loi et d'empêcher le Conseil d'Etat de pouvoir s'en expliquer devant une commission. Mais il n'y a strictement que cela sur quoi vous êtes d'accord. Aucun d'entre vous n'a véritablement élaboré de pistes concrètes sur les projets qui pourraient être développés. Et ceux qui sont si friands de projets de lois que le Conseil d'Etat devrait déposer sont aussi ceux qui, sur le plan de l'argumentation, se sont plus largement abstenus sur les pistes à emprunter.

Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous nous sommes mis d'accord avec le Conseil administratif sur des pistes de travail. Il faudra bien nous dire ce que vous entendez faire maintenant de ce type de travail-là, compte tenu de l'intérêt que vous portez aux questions que nous posons.

Je tiens à dire au député Lescaze que ma non-qualité de juriste, qui m'empêche à l'alinéa 2 d'argumenter aussi brillamment que le ferait le député Halpérin, me fait quand même dire qu'avec un peu de bon sens, comme nous l'avons fait dans d'autres cas, il est apparu que l'on pouvait mettre en place soit des groupes de travail, soit même des constituantes, Monsieur le député, soit tout autre modèle qui permet des préconsultations, y compris lorsque des objets suivent la voie parlementaire. Votre brillant plaidoyer de tout à l'heure sur les capacités du Grand Conseil à débattre est inversement proportionnel dans son intérêt au fait que dans le cas particulier vous refusez justement que le parlement puisse débattre de l'objet que nous proposons.

Je vous entends bien dans vos préoccupations de l'alinéa 2 dire que ce projet pourrait dans votre esprit priver le Grand Conseil de ses compétences et de ses prérogatives. Je vous entends moins bien, Monsieur le député, lorsque, pour le même sujet et pour le principe lui-même et non pas son application, vous refusez même que ledit parlement composé de personnalités diverses et d'idées tout aussi diverses, puisse les exprimer en commission et faire avec le Conseil d'Etat le travail qui est le sien.

Alors ce soir, une majorité claire refusera ce projet de loi constitutionnelle. Je ne crois pas que les débats y auront gagné, je ne crois pas que la démocratie aura gagné. Je crois aussi que le parlement se sera privé lui-même d'une part de ses pouvoirs. (Applaudissements.)

M. Bernard Annen (L). Eu égard à l'importance du sujet, le groupe libéral demande l'appel nominal. (Appuyé.) 

Le président. Mesdames et Messieurs, nous en sommes à l'issue du premier débat. Notre Grand Conseil se prononce sur la prise en considération du projet de loi 8160.

M. Christian Grobet (AdG). Je voulais juste faire une remarque à la suite de la déclaration de la présidente du Conseil d'Etat, qui a toujours l'art de transformer la portée des débats. (Brouhaha.) Vous avez posé une question sur le groupe Etat - Ville. Nous espérons et ne voyons pas pourquoi ce groupe de travail ne pourrait pas continuer à travailler, parce qu'il est vrai qu'il y a des problèmes importants entre l'Etat et la Ville, il y a des dossier qui ont été gelés par le Conseil d'Etat, comme celui des agents municipaux de la Ville de Genève qui ne peuvent toujours pas notifier des amendes en raison de l'inertie du Conseil d'Etat. Il y a donc encore bien du travail sur la planche de ce groupe de travail et vous n'avez pas lieu de vous inquiéter. 

Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent l'entrée en matière du PL 8160 répondront oui, et celles et ceux qui la refusent répondront non.

Ce projet est rejeté en premier débat par 54 non contre 29 oui et 2 abstentions.

Ont voté non (54) :

Esther Alder (Ve)

Roger Beer (R)

Claude Blanc (DC)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (AG)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Nicole Castioni (S)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Régis de Battista (S)

Jeannine de Haller (AG)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Hubert Dethurens (DC)

Erica Deuber Ziegler (AG)

René Ecuyer (AG)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Luc Gilly (AG)

Alexandra Gobet (S)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Marianne Grobet-Wellner (S)

Christian Grobet (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

Antonio Hodgers (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Bernard Lescaze (R)

Pierre Marti (DC)

Jean-Louis Mory (R)

Louiza Mottaz (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni (S)

Walter Spinucci (R)

Pierre Vanek (AG)

Alberto Velasco (S)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Salika Wenger (AG)

Ont voté oui (29) :

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Janine Berberat (L)

Madeleine Bernasconi (R)

Nicolas Brunschwig (L)

Gilles Desplanches (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Pierre Ducrest (L)

Henri Duvillard (DC)

Philippe Glatz (DC)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Armand Lombard (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Pierre Meyll (AG)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Jean-Marc Odier (R)

Michel Parrat (DC)

Catherine Passaplan (DC)

Barbara Polla (L)

Pierre-Louis Portier (DC)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

Se sont abstenus (2) :

Thomas Büchi (R)

John Dupraz (R)

Etaient excusés à la séance (7) :

Charles Beer (S)

Jacques Béné (L)

Juliette Buffat (L)

Christian de Saussure (L)

Hervé Dessimoz (R)

Cécile Guendouz (AG)

Claude Haegi (L)

Etaient absents au moment du vote (7) :

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Chaïm Nissim (Ve)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Louis Serex (R)

Jean Spielmann (AG)

Présidence :

M. Daniel Ducommun, président.

Le président. Nous poursuivons nos débats avec les deux autres projets de lois, ainsi que le rapport du Conseil d'Etat.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je voulais demander la parole à propos du rapport du Conseil d'Etat, mais je pense qu'il est préférable que j'intervienne après mes collègues qui souhaiteraient s'exprimer sur les deux projets de lois constitutionnelles.

Le président. Nous traitons l'ensemble en un seul débat, Madame. Vous pouvez donc vous prononcer sur le rapport.

Mme Françoise Schenk-Gottret. Merci, Monsieur le président. Ce rapport du Conseil d'Etat rejoint dans l'ordre du jour, et ce n'est pas fortuit, le projet de loi radical de révision totale de la constitution, ainsi que le projet de loi de nos collègues de l'Alliance de gauche sur les limites territoriales des communes. Ce rapport est léger, très léger. La réflexion a besoin d'être approfondie, de nombreux points repris. Un rapide pointage est significatif à cet égard. En matière d'aménagement du territoire, la réflexion tourne rapidement court. Qu'en est-il d'un approfondissement en matière de répartition de compétences entre le canton et les communes ? Rien ou peu de choses ! On nous reparle d'un projet de loi provocateur datant de la précédente législature sur une soi-disant amélioration du traitement administratif de l'aménagement du territoire. On rappelle un projet d'agence d'aménagement du territoire qui a été parachuté avec la même absence de tact que le projet de loi 8160 du Conseil. En matière d'environnement et d'énergie, on trouve pêle-mêle un mélange de concepts, de projets de lois, de création de fonds, qui font référence soit à des processus de concertation ou de non-concertation, soit à l'instauration de démarches conjointes, voire complémentaires. En matière d'action sociale, à la page 11, le mot « doublon » est lâché. Le voilà, ce fameux mot si à la mode. Mais l'on n'a pas de définition du doublon. S'agit-il de doublon ou de complémentarité ? Le Conseil d'Etat se réfère à des documents précédemment publiés : la réponse à la motion 263 de 1987, le rapport intermédiaire du groupe de travail ad hoc chargé de l'étude de la répartition des compétences entre l'Etat et les communes de 1995, le rapport de l'audit global d'Arthur Andersen de 1996 et la déclaration du Conseil d'Etat de 1996, ainsi que les rapports 272 et 288 de 1997 sur le partage des compétences entre le canton, la Ville et les communes.

Soyons plus prospectif ! Et puisque la commission législative se penchera sur les projets de lois constitutionnelles relatifs à une révision totale de la constitution et au processus d'adoption des modifications des limites territoriales des communes, qu'elle porte un regard circonspect sur ce rapport et dise s'il mérite que l'on en prenne acte ! 

M. Christian Grobet (AdG). Si nous avons voté en faveur de la discussion immédiate du projet du Conseil d'Etat pour le rejeter, nous pensons par contre que les autres projets de lois, y compris le projet de loi radical - avec lequel nous ne sommes pas d'accord, je tiens à le préciser - doivent faire l'objet d'une discussion en commission. Nous pensons qu'une révision totale de la constitution constituerait un exercice extrêmement difficile. On a vu que la Confédération y a renoncé au profit d'une révision qui était plus un exercice de toilettage. Nous estimons qu'il n'y a pas de nécessité à revoir complètement la constitution, même si des choses peuvent être améliorées - nous sommes bien entendu d'accord avec le renvoi en commission du projet de loi des collègues radicaux. En ce qui concerne notre projet de loi, nous demandons également son renvoi en commission. Je pense qu'il conserve son utilité, parce que le projet de loi du Conseil d'Etat nous a tout de même fait apparaître une question qui pourrait conduire à des résultats inacceptables. Dans tous les dossiers qui ont concerné en Suisse des fusions ou des création de nouveaux cantons, on a toujours fait voter les deux entités concernées. Je pense qu'il serait inacceptable qu'une solution de fusion et de démantèlement de la Ville de Genève soit imposée par le canton contre l'avis des communiers de la Ville de Genève. Le projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat a fait apparaître à nos yeux une lacune.

Une question se pose maintenant par rapport à notre projet de loi. Je l'ai du reste dit à un ou deux éminents représentants de l'Entente, comme M. Blanc. Peut-être faudrait-il ici prévoir, dans une telle hypothèse, un vote obligatoire. Car dans notre système actuel, si le projet de loi n'était pas accepté par le Conseil municipal, son vote mettrait fin à la procédure. Ce n'est peut-être pas ce que l'on veut non plus. C'est une question qui est venue à notre esprit après coup. Il faut en débattre. C'est la raison pour laquelle nous espérons pouvoir trouver une solution en commission, solution qui impliquera dans une telle hypothèse l'acceptation des deux entités en cause.

M. Albert Rodrik (S). Je vous dirai quelques mots sur le projet de loi de l'Alliance de gauche, ma collègue Véronique Pürro parlera du projet radical.

Mesdames et Messieurs, les moins jeunes d'entre nous se souviennent de la manière dont on caractérisait le football suisse dans les années 50. On parlait avec révérence du « verrou suisse ». Je crois que nos amis de l'Alliance de gauche ont inventé le double verrou. Cela me fait aussi penser au processus par lequel on a réglé la question jurassienne. Voilà notre additif constitutionnel bernois du 1er mars 1970. Les mauvaises langues dont nous ne sommes pas pourraient dire : «  Voilà que l'on sort les kalachnikovs pour tirer sur les moineaux ! ». Mais nous ne sommes pas de ces mauvaises langues. Nous disons autre chose. A qui la faute ? A qui donc la faute ? Pourquoi donc de tels projets arrivent ? Parce que nous avons eu de divines surprises à la fin octobre avec certains projets aujourd'hui défunts du Conseil d'Etat. C'est donc pleins de mansuétude que nous enverrons le double verrou en commission pour voir s'il est vraiment nécessaire et s'il ne devient pas un instrument d'égoïsme et de blocage.

Une petite question pour finir ! Aurait-on pu réaliser avec ce projet l'école du Pré-Picot entre Cologny et la Ville de Genève ? Cela ne fait rien si je n'obtiens pas la réponse immédiatement. Nous en discuterons !

Mme Véronique Pürro (S). Il a beaucoup été question tout à l'heure, lors du débat sur le projet du Conseil d'Etat, du projet des radicaux. Certains ont même parlé du projet de Bernard Lescaze. J'aimerais vous rassurer. Si les radicaux nous avaient approchés, nous aurions très probablement pu le signer avec eux, dans la mesure où notre congrès s'est déjà prononcé en mars dernier pour la révision totale de notre constitution. Et vous le savez probablement, je vous le rappelle, que notre ancien collègue René Longet, était très attaché à cette révision de la constitution. Nous aurions donc pu parler d'un projet radico-socialiste. C'est donc bien évidemment avec bonheur que nous renverrons ce projet en commission, parce que nous considérons, tout comme les radicaux le mentionnent dans leur exposé des motifs, qu'il ne suffit pas de revoir les relations entre le canton et la commune « Ville de Genevè », mais qu'il y a lieu de rediscuter toute une série de choses. Car quelques-uns d'entre vous l'ont relevé tout à l'heure, notre constitution actuelle mérite un dépoussiérage. Il s'agit de supprimer les règles surannées et les détails inutiles. Il s'agit aussi de revoir les droits fondamentaux, de clarifier bien évidemment les tâches et les moyens de l'Etat.

J'imagine que nous aurons là enfin l'occasion de parler de la réforme de l'Etat, et non des réformettes, mais de la véritable réforme que nous appelons tous de nos voeux, de clarifier bien évidemment les relations du canton avec les communes, l'ensemble des communes et pas seulement la commune « Ville de Genève », mais aussi du canton avec les autres cantons. Car comme vous le savez, nous sommes quelques-uns dans cette enceinte à militer pour la fusion de notre canton avec d'autres cantons, en imaginant, dans la perspective de l'intégration européenne, que les cantons se meuvent en régions. Il s'agit aussi de clarifier les relations de notre canton avec la Confédération. Je pense que le projet de péréquation financière est un premier pas, mais nous aurons d'autres clarifications à faire. Il s'agit enfin de redéfinir la nature et le fonctionnement des principales autorités et institutions de notre canton. C'est là qu'interviendra la discussion que nous avons eue tout à l'heure. Voilà ! C'est un vaste et ambitieux programme que nous comptons mener, à travers la constituante, avec la population, avec l'ensemble des citoyens et des citoyennes de notre canton, car une constituante, selon la manière avec laquelle nous allons l'instituer et les moyens que nous allons lui donner pour avancer, une constituante peut également être le point de départ d'un vaste débat public que nous appelons de nos voeux.

Je terminerai en disant que le parti socialiste déposera au mois de janvier un projet de loi qui complétera le projet radical pour définir la constituante, sa composition, sa méthode de travail et le calendrier de ses travaux. Je me réjouis de participer, avec la population genevoise, à ces vastes débats.

M. Philippe Glatz (PDC). Ma position sera ici un tout petit plus confortable, car, comme vous avez pu le constater tout à l'heure, nous avions une petite minorité défavorable au renvoi en commission. Je vais à présent exprimer l'opinion de l'unanimité du groupe démocrate-chrétien relative au projet de loi constitutionnelle 8157 proposé par quelques éminents députés de l'Alliance de gauche.

Le parti démocrate-chrétien, vous ne l'ignorez pas, Mesdames et Messieurs, a toujours été très attaché à l'indépendance des communes. C'est même un fait historique. Partant, et ce ne sera donc une surprise pour personne, le groupe démocrate-chrétien reste aujourd'hui toujours soucieux des droits des communes, droits qui ne doivent pas être battus en brèche. Il convient toujours de respecter leur degré d'autonomie, comme leur capacité de décision et d'autodétermination dans les affaires qui les concernent. S'il en est une qui les concerne au plus haut point, c'est bien la manière de gérer le découpage de leur territoire et la modification éventuelle qu'elles entendent appliquer à leurs limites. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien ne peut avoir qu'un préavis favorable à l'égard du projet de loi 8157, qui confirmerait dans la constitution le respect légitime que tous doivent à la capacité d'autodétermination de ces mêmes communes et de leur population. Force est cependant de reconnaître, nous le regrettons ici, que le projet de loi qui nous est soumis ce soir, a été rédigé un peu à la hâte, dans le but déclaré de faire barrage au projet du Conseil d'Etat, qui lui méritait pour une grande majorité du groupe démocrate-chrétien, je le rappelle, discussion et intérêt.

A ce titre... (L'orateur est interpellé.) Oui, j'insiste, Monsieur Lescaze. A ce titre, nous ne saurions comprendre en quoi le dépeçage d'une ville ou d'une commune telle que Genève pourrait être une condition essentielle aux nécessaires modifications qu'il faut engager dans l'organisation et la répartition des tâches entre canton et communes. Les limites territoriales ne constituent que le cadre dans lequel nous évoluons. Vouloir modifier ces limites par-dessus les populations qui sont concernées est un abus.

Le groupe démocrate-chrétien est donc favorable au renvoi en commission législative du projet de loi constitutionnelle 8157, afin que celui-ci puisse être étudié, et peut-être même complété dans le cadre d'une vision plus large des intentions et possibilités de réforme, qui, nous le rappelons encore, sont absolument nécessaires. C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien votera également le renvoi en commission du projet radical de révision totale de la constitution, de manière que celui-ci puisse être ainsi complété, discuté et examiné. 

M. David Hiler (Ve). Concernant d'abord le rapport du Conseil d'Etat, il nous semble, après l'échec que celui-ci a subi aujourd'hui, qu'il devrait, plutôt que nous faire baisser les bras, faire ce par quoi il aurait dû aboutir, à savoir un vrai et intéressant rapport, contrairement à celui qui nous été soumis, pour dégager et étudier enfin les possibilités de modifications territoriales qui pourraient être envisagées. Le Conseil d'Etat a suivi son projet. Bien ! Nous avons relevé à plusieurs reprises que celui de la communauté urbaine n'était pas sans intérêt. Nous avons également relevé que l'on ne peut exclure sans autre un nouveau projet de grande Genève, comme ce fut le cas autrefois pour arriver à ce que nous considérons aujourd'hui comme la Ville de Genève, c'est-à-dire une toute petite Genève.

Nous souhaitons que le débat continue, nous l'avons dit. Nous encourageons donc le Conseil d'Etat à aborder ces questions sans se limiter aux problèmes de doublons et en partant peut-être du principe que les compétences des communes doivent être accrues dans le cadre d'un tel processus.

Deuxième point. Ces compétences doivent-elles êtres accrues au point qu'une commune puisse empêcher complètement les modifications de ses limites. Les communes ont été instituées par l'Etat. A preuve du contraire, lorsque le canton a été créé, il a constitué des communes et toutes les modifications qui ont eu lieu depuis, y compris les modifications conflictuelles, parce qu'elles ont été nombreuses dans l'histoire de Genève, ont été arbitrées par ce Grand Conseil qui a décidé et tranché.

Il nous paraît tout de même exagéré de donner à des collectivités, éventuellement très petites, la possibilité de bloquer tout effort de réorganisation territorialle. De ce point de vue-là, nous ne sommes pas prêts à suivre le projet de l'Alliance de gauche tel qu'il est formulé. Nous l'examinerons en commission, parce que nous étions au fond prêts à examiner tous ces projets en commission.

J'en viens maintenant à la constituante. L'Alliance de gauche a laissé poindre une opposition à ce processus. J'ai bien entendu l'enthousiasme socialiste, que nous ne partageons pas entièrement après une première lecture. Nous ne sommes pas sûrs qu'il soit urgent aujourd'hui à Genève de reprendre l'ensemble de la constitution, même s'il y a un travail à faire et à ne pas faire trop lentement, nous le répétons, sur le plan de l'organisation territoriale. Pour le reste, j'aimerais bien savoir comment le parti socialiste imagine que nous parviendrons à l'issue de ces travaux à une meilleure constitution qu'auparavant dans des domaines comme l'énergie, l'environnement, le droit des locataires. Parce que, contrairement à la constitution du canton de Vaud, la constitution genevoise a énormément bougé ces 20 dernières années sous la pression d'initiatives acceptées... enfin, grâce à des initiatives acceptées par le peuple genevois ! Nous voulons tout de même peser le pour et le contre. C'est bien sûr une démarche dynamique. Est-ce la plus urgente ? Qu'il faille le faire un jour ou l'autre, nous en sommes sûrs. Qu'il faille le faire demain, nous en sommes beaucoup moins sûrs !

C'est donc avec la même approche que celle que nous avions à l'égard du projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat que nous étudierons le projet de loi du parti radical soutenu par les socialistes, à savoir qu'il est intéressant de poser la question, mais que la question n'est pas forcément positive. 

M. Michel Halpérin (L). A mon tour, je voudrais, comme M. Hiler et donc sans beaucoup répéter, parce que c'est inutile, rappeler que les compétences des communes, leur existence même, découlent de notre constitution et nos actes légaux, de sorte que la proposition qui figure sous le point 18 de notre ordre du jour et qui émane de l'Alliance de gauche, constitue une véritable innovation, en ce sens qu'elle donnerait un véritable droit de veto aux communes s'agissant de leur propre destin, c'est-à-dire qu'elle réduirait la compétence cantonale s'agissant des communes qui procèdent pourtant jusqu'à maintenant de la compétence cantonale. C'est dire que nous verrons sans problème que cette discussion s'engage, mais que notre préavis est à ce stade fortement négatif, tant il est vrai que les dernières années, les dix, les quinze ou les vingt dernières années, ont montré que notre République souffrait davantage d'un phénomène de blocages accumulés que d'un phénomène de fluidité excessive. Nous pensons donc qu'accroître le risque de ces blocages revient à fortement mettre à mal les institutions qui dans leur état actuel ne nous paraissent déjà pas si agréables à conduire.

Mais nous examinerons cela en commission, parce que nous ne voyons pas plus de raison de refuser l'examen de ce projet en commission, que nous n'en voyions tout à l'heure à propos du projet du Conseil d'Etat. Je pense là aussi, comme M. Hiler, que la cohérence est de mise. Mon seul étonnement, c'est que tous ceux qui étaient contre l'examen du projet du Conseil d'Etat soient pour l'examen des autres. J'y vois un paradoxe, mais nous n'allons pas y contribuer.

Deuxièmement, je ferai une remarque à propos du rapport du Conseil d'Etat qui partira lui aussi en commission. J'ai entendu tout à l'heure Mme Schenk-Gottret, je crois, expliquer qu'elle le trouvait léger. Il est peut-être léger, mais il aurait été alourdi, plombé si j'ose dire, si nous avions pu l'examiner ensemble avec le projet du Conseil d'Etat, notamment sur l'articulation des communes et de l'Etat. Je n'exprimerai donc pas de regrets inutiles, mais j'aurais assez aimé que le tout soit examiné, plutôt que de reprendre les propositions du Conseil d'Etat à l'occasion de l'examen de son rapport.

J'en viens au projet de constituante de M. Lescaze et du groupe radical, qui me semble poser un certain nombre de problèmes assez délicats. D'abord, et pour l'ensemble de ces trois textes, je ne suis pas sûr d'avoir compris pourquoi il serait question de les envoyer en commission législative, alors que la compétence normale reviendrait à la commission des droits politiques. Je vous rappelle qu'à teneur de l'article 224 de notre règlement cette commission des droits politiques est chargée d'étudier les objets qui concernent les droits politiques. Il me semble difficile d'examiner un projet qui touche davantage aux modifications des droits politiques qu'un projet touchant à l'articulation des rapports entre l'Etat et les communes et a fortiori qu'un projet qui touche la constituante. En revanche, la commission législative a pour vocation d'examiner ce qui relève de la constitutionnalité d'un projet et d'une initiative. Nous n'en sommes pas à une initiative, nous en sommes à un projet. Nous n'examinons pas sa constitutionnalité, mais son opportunité politique. De sorte que l'envoyer à cette commission législative ne me paraît pas conforme à la finalité de cette commission. J'ajoute que cette commission, qui a une vocation à la sagesse, est aussi une commission qui a une vocation à la modestie par le nombre, pas par l'ampleur des esprits qui l'habitent, puisque c'est une commission de neuf personnes, alors que la commission des droits politiques est de quinze et qu'elle est à ce titre plus représentative de notre parlement dans ses forces politiques. De sorte que nous vous demanderons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ces trois projets à la commission des droits politiques, plutôt qu'à la commission législative.

J'en viens à présent au projet de loi 8163, modifiant la constitution de la République sous l'angle d'une révision totale, pour faire trois remarques. La première, c'est que je rencontre quelques problèmes juridiques à la lecture de ce texte. J'ai des problèmes juridiques parce que l'on nous propose d'introduire un article 180 nouveau, c'est-à-dire sous le chapitre « mode de révision de la constitution », qui dirait à son premier alinéa que sur proposition du Grand Conseil, du Conseil d'Etat ou de 10 000 électeurs, la question de la révision totale de la constitution est posée au Conseil général. Or, nous avons un article 65 et un article 65A dans notre constitution qui prévoient déjà qu'une initiative peut proposer une révision totale ou partielle de la constitution et que cette initiative doit simplement rassembler les 10 000 signatures dont on parle déjà. Nous allons donc vers une duplication partielle d'un article qui existe déjà dans un autre article, ce qui veut dire que nous aurons deux dispositions de notre constitution, ou trois - 65, 65A et 180 - qui seront d'une lecture comparée assez problématique. La commission pourra se pencher sur ce sujet, elle pourra corriger ce qui lui paraît étrange, mais je voulais attirer d'emblée votre attention sur ce point-là, qui n'est pas le seul qui ait retenu mon attention de juriste. Parce que l'alinéa 2, qui concerne lui effectivement les modalités de la révision, vous indique que cette révision devrait être effectuée par une constituante. Fort bien. Elle vous indique comment cette constituante devra être élue au système proportionnel. Pourquoi pas, c'est dans l'ordre des choses. Proportionnellement plus large que notre système de parlement. Pourquoi pas, on en discutera en commission. Est-ce que c'est 3, 7, 12 ou 15... peu importe le quorum. En revanche, ce qui m'étonne beaucoup, c'est que l'on ne nous dise même pas comment sera constituée numériquement cette constituante. Sera-t-elle de 100 membres comme le parlement, sera-t-elle de 200 comme la constituante vaudoise, sera-t-elle de 1 000 parce qu'il faut être après tout totalement représentatif ou bien imagine-t-on une constituante composée du Conseil général en entier, qui travaillerait sur la place du Molard et qui... (L'orateur est interpellé.) ... ou sur la place Saint-Gervais selon les préférences ou éventuellement en deux demi-assemblées, l'une sur la place Saint-Gervais et l'autre sur la place du Molard, voire une troisième pour la partie haute de la vieille-ville, qui pourraient ensuite échanger par des estafettes leurs opinions sur ces sujets.

Je trouve que le sujet est traité d'une manière superficielle, pour ne pas dire évanescente, dans la proposition qui nous est soumise. Je comprends bien, Mesdames et Messieurs les députés, que la commission qui l'examinera aura vocation à combler les lacunes laissées ici, probablement de propos délibérés par les auteurs, mais cela me pose un problème de lecteur moyen. A quoi nous sert de travailler sur un texte dont nous n'avons pas compris quelle était la finalité exacte. Car j'ajoute, Monsieur Lescaze, mais je sais que vous nous expliquerez bien les choses, j'ajoute que nous avons un problème de fond et pas seulement de forme. On nous explique qu'une révision totale de la constitution est nécessaire. Fort bien. M. Hiler a dit tout à l'heure, et je suis une fois de plus d'accord avec lui, qu'il est toujours nécessaire d'avoir une révision totale de la constitution. Est-ce que c'est maintenant plutôt que plus tard ? Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est que contrairement à nos confrères et confédérés, nous irons très lentement dans cette réforme constitutionnelle, que la constituante sera dotée de pouvoirs qui lui permettront de se survivre à elle-même pour une trentaine d'années. En ce sens, elle sera d'ailleurs un excellent exutoire pour notre parlement.

Lorsque nous aurons été atteints par la limite d'âge, nous irons à la constituante et ça nous permettra de continuer à fonctionner un peu. Mais j'aurais voulu savoir de quelle nouvelle constitution on nous parle. Parce que, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons déjà le droit aujourd'hui de vous soumettre une nouvelle constitution intégralement refondue et recomposée et qui donnerait alors lieu à une réflexion d'un autre type que celle d'une constitution fantomatique lorsqu'on nous dit qu'il est urgent de l'examiner. Je regrette que ce projet soit, à la forme comme au fond, suffisamment creux pour laisser place à tous les fantasmes et par conséquent à toutes les désillusions. C'est à reculons que nous irons devant la commission qu'il vous plaira de choisir pour examiner ce texte qui est appelé au mieux à nourrir nos fantasmes, plus probablement à entretenir nos désillusions. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, fidèles à cette image toujours cohérente que le groupe libéral donne de lui-même en toutes circonstances, nous ne refuserons pas, par humeur chagrine, ce que vous avez refusé au Conseil d'Etat tout à l'heure et nous examinerons ce texte si creux qu'il nous semble aujourd'hui ! 

Le président. Mesdames, Messieurs, nous levons la séance et poursuivrons ce débat à 17 h.