République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8048-A
25. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur les augmentations annuelles dues aux membres du personnel de l'Etat ainsi que sur la progression de la prime de fidélité (B 5 17). ( -) PL8048
Mémorial 1999 : Projet, 2454. Renvoi en commission, 2679.
Rapport de M. Bernard Clerc (AG), commission des finances

La Commission des finances, sous la présidence de M. David Hiler, a étudié ce projet de loi dans les séances des 17 et 26 mai en présence de Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Département des finances assistée de MM. Bénédikt Cordt-Møller et Jean-Paul Pangallo.

Les organisations représentatives du personnel auditionnées ont unanimement manifesté leur opposition à ce projet de loi. En effet celles-ci ont accepté de réduire de moitié l'enveloppe destinée aux mécanismes salariaux, soit 19,5 millions au lieu des 39 millions prévus par la loi. Elles ont renoncé à l'indexation des salaires et accepté que l'augmentation annuelle soit versée dès le 1er juillet au lieu du 1er janvier. Le désaccord avec le Conseil d'Etat portait donc sur le fait d'accorder une demi annuité dès le 1er janvier ou une annuité entière dès le 1er juillet ainsi que sur la progression de la prime de fidélité. Les conséquences financières sur le budget 1999 sont les mêmes mais l'effet induit pour l'an 2000 est différent. Les conditions d'un accord étaient proches mais il n'a pu, hélas, être formalisé.

Quant aux caisses de retraite (CIA, CEH, CAP), sans se prononcer sur le fond du projet, elles ont fait remarquer à la commission que l'introduction rétroactive d'une demi annuité au 1er janvier entraînerait une surcharge de travail sur le plan administratif sans aucun rapport avec les montants en jeux. Par ailleurs, environ 2000 recalculation de prestations devraient être effectuées pour les assurés dont les droits à une rente ou au libre-passage est intervenu au cours du premier semestre.

Sur trois ans, l'application intégrale des mécanismes salariaux porte sur une somme cumulée de 234 millions. Il convient cependant de rappeler que cela ne signifie pas une augmentation automatique de la masse salariale du même montant puisque, au gré des départs de salariés qui se trouvent au sommet de leur classe de traitement, des économies substantielles sont réalisées par l'engagement des nouveaux collaborateurs qui se trouvent en bas de l'échelle des traitements.

Au moment de traiter ce projet de loi, nous apprenions que le Conseil d'Etat s'apprêtait à engager un nouveau round de négociations avec les organisations représentatives du personnel. Pour être appliquées à partir du 1er juillet les éventuelles dispositions issues d'un accord avec la fonction publique doivent être impérativement votées par le Grand Conseil à la session des 10 et 11 juin. Pour préserver les possibilités d'un accord qui pourrait porter sur trois ans, la majorité de la Commission des finances, pour des motifs différents selon les groupes, a décidé de rejeter le présent projet de loi quitte à ce que le Conseil d'Etat propose des amendements à ce texte en séance du Grand Conseil si un accord est conclu avec la fonction publique.

Le projet de loi a été rejeté par 3 L, 3 S et 3 AdG, accepté par 1 R et 2 DC. Les Verts et 1 radical s'abstenant.

Les libéraux ont refusé le projet en considérant que l'actuelle loi sur les traitements n'est plus adaptée à la situation financière du canton et qu'il convient de la revoir fondamentalement en introduisant notamment le salaire au mérite.

Les commissaires de l'AdG ont précisé que la fonction publique a déjà été largement mise à contribution ces dernières années et que, ceux qui s'opposent à l'application de la loi, doivent avoir le courage politique de la modifier par le dépôt d'un projet de loi et non pas déroger, année après année, à son application. Le refus du projet de loi vise à donner une dernière chance à la négociation. L'acceptation du budget par les représentants de l'AdG étant conditionnée par l'aboutissement d'un accord entre le Conseil d'Etat et le personnel.

Au moment de la rédaction de ce rapport il n'est pas possible d'évaluer les chances de la conclusion d'un accord entre le Conseil d'Etat et les organisations représentatives du personnel. Le rapporteur quant à lui est persuadé qu'une solution est possible et que le présent projet de loi pourrait dès lors être amendé. A défaut chaque groupe politique prendra ses responsabilités tant en ce qui concerne l'application de la loi sur le traitement du personnel que par rapport au vote du budget 1999.

Projet de loi(8048)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

décrète ce qui suit :

Art. 1 Annuités réduites

Pour les années 1999 et 2000, les augmentations annuelles au sens de l'article 2 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, du 21 décembre 1973, sont réduites de moitié.

Art. 2 Prime de fidélité réduite

Pour les années 1999 et 2000, la progression de la prime de fidélité au sens de l'article 16 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, du 21 décembre 1973, est réduite de moitié. La progression sera donc de 2,5 % pour les années 1999 et 2000.

Art. 3 Champ d'application

La présente loi s'applique aux magistrats et aux membres du personnel de l'Etat, des établissements publics, et des institutions subventionnées régies par les normes salariales de l'Etat.

Art. 4 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1999

Premier débat

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur. Je rappelle brièvement ce qui suit :

Ce projet de loi a été déposé par le Conseil d'Etat au moment du dépôt du budget ; il était la conséquence de l'absence d'accord entre les organisations représentatives du personnel et le Conseil d'Etat, mais les négociations ont repris entre-temps et un accord a été trouvé, dont nous sommes satisfaits. Vous avez dû recevoir les propositions d'amendement du Conseil d'Etat qui permettront de régler la question salariale du personnel de l'Etat et des établissements publics pour une durée de trois ans.

M. Bernard Annen (L). Je confirme les propos de notre collègue Bernard Clerc, puisque la commission des finances était dans l'expectative de l'accord entre le Conseil d'Etat et le Cartel de la fonction publique, qui était encore en discussion. Ce projet de loi du Conseil d'Etat est la base de la discussion d'aujourd'hui. Nous avons reçu entre-temps un certain nombre d'amendements - nous y reviendrons certainement tout à l'heure - et une note du Conseil d'Etat intitulée : «Evolution de la masse salariale». Si nous nous référions à cette note, nous pourrions nous imaginer que l'économie est de 90 millions. Or, ce n'est pas le cas, puisque le projet de loi initial - que vous avez sous les yeux et qui va être amendé tout à l'heure - coûte moins cher que l'accord conclu par le Conseil d'Etat et la fonction publique ! C'est dire que ce n'est pas une économie, mais au contraire une augmentation de la charge.

Cette charge est de 243 millions. La note indique que cette somme représente une dépense sur trois ans... Par conséquent, nous pourrions très bien ramener cette dépense sur trois ans à une dépense annuelle de 80 millions par année - pour faire un chiffre rond - ce qui paraît relativement logique.

Mesdames et Messieurs les députés, cela explique notre inquiétude par rapport au déficit du budget : 361 millions annoncés ! La commission des finances et sa majorité ayant approuvé 8 millions supplémentaires, cela fait 369 millions auxquels il faut rajouter 80, soit 449 millions de déficit virtuel - disons 450 millions pour arrondir.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe ne peut pas accepter les amendements qui nous sont proposés ce soir, car il estime qu'ils ne respectent pas le sens du vote du 20 décembre. En effet, si la population a refusé les augmentations d'impôts et de taxes qui nous étaient présentées, elle a également estimé que les économies n'étaient pas suffisantes. Or, aujourd'hui, nous pouvons constater que les mesures prises vont dans le sens inverse.

Notre groupe refusera donc l'ensemble des amendements, mais il soutiendra le projet proposé par le Conseil d'Etat, qui a été singulièrement modifié.

En conclusion, je demande au Conseil d'Etat quel est le coût du projet 8048 initial, car, en fait, on ne le connaît pas... On connaît le coût du projet de loi avec les amendements, mais pas sans ces derniers. En réalité, le coût de ce projet de loi sans les amendements est moindre. Ce qu'on nous propose ce soir est donc une augmentation de la dépense et non pas une économie de 90 millions !

M. Pierre Ducrest (L). Il appartient à l'Etat patron de négocier avec ses fonctionnaires des conditions salariales et des conditions de travail. En l'état, au vu du résultat de ces négociations, il nous apparaît que l'Etat a peu négocié... En effet, dans une négociation, chacun est tenu de faire un effort et chacun doit faire l'effort qu'il peut. Alors, connaissant la situation des finances de l'Etat, celui-ci s'est beaucoup avancé, me semble-t-il...

Nous avons au budget une influence salariale de 19,5 millions - celle-ci ne sera pas changée en l'état pour 99. Mais le reste ? Le reste est phénoménal ! Le reste est phénoménal, car la négociation a été basée sur le seul fait qu'il fallait tenir les 19,5 millions qui apparaissaient au budget ! Et pour le reste, on verra... demain ! Tout cela pour obtenir la paix du travail. Mais à quel prix, la paix du travail ? Et qui va payer la paix du travail ? C'est le peuple, les contribuables ! Je ne reviendrai pas sur les chiffres fort bien énoncés par M. Annen qui a ainsi démontré les conséquences que ce projet risque d'avoir pour les temps futurs. Pour ma part, je dirai simplement que l'Etat a lancé le bouchon un peu loin, sans aucune garantie de rentrées fiscales et sans avoir fait ce qu'il devait, c'est-à-dire une négociation en profondeur.

Nous l'avons dit, nous le répétons ici encore : nous demandions à l'Etat une réforme des statuts de la fonction publique et, à part de vagues promesses, nous n'avons rien ! Vous connaissez tous notre position par rapport au budget sur lequel nous devons nous prononcer le 25 juin. Il n'est pas utile de revenir sur les 19,5 millions en question, mais nous devons nous préoccuper de la suite. Il faut comprendre que, lorsque les budgets 2000 et 2001 vous seront proposés, nous ne pourrons pas revenir en arrière à la commission des finances : il n'y aura pas de discussion, la cause étant entendue. Le surplus des charges salariales sera imputé au budget de fonctionnement sans que nous puissions nous y opposer. Le Conseil d'Etat aura le calme, il croit qu'il l'aura... Mais, d'avance, je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, le déficit s'accroîtra !

Dites-moi quel patron privé peut actuellement prévoir d'augmenter somptueusement les salaires en l'an 2000 et 2001, sans se demander s'il pourra les payer et s'il doit ou non diminuer la masse salariale ?

Ces questions sont simplement repoussées, puisque nous serons saisis du projet de budget 2000 dans quelques mois et du budget 2001 dans une année. Le Conseil d'Etat ne montre aucun courage politique dans cette négociation. Il a choisi la paix immédiate, mais il aura la guerre dans le futur... Eh oui, il y aura la guerre, puisque nous serons tout simplement dans l'impossibilité de payer les fonctionnaires ! Alors, il faudra bien trouver une solution : l'incontournable recours à l'emprunt et l'endettement qui va avec...

Nous vous félicitons de votre courage, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat... Nous attendons la suite avec déférence !

M. Philippe Glatz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est particulièrement déçu, pour ne pas dire plus, des propositions qui sont soumises à notre approbation aujourd'hui. En effet, il y a peu de temps encore, s'adressant publiquement à nos concitoyens et répondant à leurs soucis légitimes, tous les partis politiques, exception faite de l'Alliance de gauche, déclaraient ensemble, d'une voix pour une fois unanime, avoir pris pleine conscience, je les cite, «que Genève vit depuis de nombreuses années au-dessus de ses moyens» !

Avec les partis politiques, la quasi-totalité des élus de ce parlement, libéraux, démocrates-chrétiens, radicaux, Verts, socialistes, s'engageaient enfin fermement et formellement à oeuvrer à l'assainissement des finances cantonales faisant ainsi preuve de leur sens des responsabilités. Tous, nous savions que les efforts à consentir à ce titre sont importants. Ces efforts réclament abnégation et renoncement de la part de toutes les composantes de la société civile ou publique. Mais ils réclament surtout, de la part des responsables politiques, constance et cohérence. Or, nous ne retrouvons aucune de ces caractéristiques dans les amendements qui nous sont proposés aujourd'hui, amendements qui sont subséquents aux accords conclus entre les représentants du Conseil d'Etat et le personnel de la fonction publique.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous sommes plus que déçus et même désappointés du résultat de ces négociations, dont nous attendions plus. Nous sommes déçus également des petits efforts consentis par la fonction publique, dont nous savons qu'ils restent largement insuffisants pour atteindre les objectifs que nous nous sommes engagés à tenir, soit l'équilibre budgétaire à terme. Nous savons les serviteurs de l'Etat aussi solidaires et responsables que les autres corps sociaux et capables d'un engagement plus prononcé.

Au-delà du soulagement et de l'autosatisfaction momentanée - comme le soulignait la presse - des partenaires à cette négociation, nous devons nous demander ce qu'il en sera du futur. L'accord signé nous engage pour trois ans, trois longues années et, soulignons-le, du côté de l'Etat sans autre contrepartie qu'une très relative paix sociale et toutes sortes de bonnes intentions mal définies relatives à une éventuelle réforme de l'administration. Par ailleurs, à cause du mécanisme de l'indexation générale et proportionnelle qu'il continue d'autoriser, cet accord ne permet pas une augmentation plus marquée des bas salaires qui, elle, serait beaucoup plus légitime et sociale.

Est-ce ainsi que l'on souhaite démontrer la rigueur nécessaire à l'assainissement des finances cantonales ?

A-t-on mesuré toutes les conséquences dans lesquelles risque de nous entraîner la poursuite continuelle des adaptations salariales, y compris sur les salaires les plus hauts, dans une période où chacun s'accorde, je le répète, à reconnaître comme prioritaire l'objectif d'équilibre auquel nous nous sommes engagés ?

Comment compensera-t-on l'accroissement des charges si des recettes nouvelles ne peuvent les contrebalancer ?

M. Ducrest évoquait les difficultés nouvelles relatives à ce budget. Je pense plus simplement que nous serons dans l'obligation - plutôt que de remplacer les départs à la retraite par des salaires moins hauts, ainsi que le suggère M. Clerc dans son rapport - de rogner petit à petit sur les effectifs en les diminuant.

Quels seront les sacrifiés ? C'est bien là le piège que se sont tendu simultanément les partenaires à cet accord. En ce sens, nous l'affirmons, cet accord menace à court et moyen terme l'équilibre et la paix sociale recherchés. Nous le reconnaissons, tel que présenté aujourd'hui et en regard de la loi en cours, celui-ci peut apparaître satisfaisant à certains dans un premier temps, puisque, comme le soulignait M. Annen, il permet abusivement de dire que nous générons une économie de l'ordre de 90 millions. Cependant - c'est également ce à quoi M. Annen faisait référence - sachons nous souvenir qu'il est très lointain des bonnes intentions manifestées avant le 20 décembre.

Déficit aggravé, impossibilité de maintenir les effectifs et, par conséquent, menaces sur la paix sociale : ce sont là les risques que nous prendrions, Mesdames et Messieurs, en ratifiant cet accord par le vote des amendements proposés, alors que nous pourrions plus simplement voter le projet de loi 8048, tel que présenté initialement. Nous aurions là au moins le mérite de générer de plus amples économies, certes, peut-être liées à un effort un peu plus important de la part des fonctionnaires, mais garantissant mieux la possibilité de maintenir les effectifs à long terme.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien, dans sa grande majorité, vous invite à rejeter les amendements proposés par le Conseil d'Etat, afin de nous permettre de voter le texte de loi initial.

M. Dominique Hausser (S). Tant mieux ! Cet accord est intervenu : tant mieux ! Il arrive un peu tard pour le budget 1999, car il aurait été plus facile de travailler en commission en connaissant d'emblée le résultat des négociations, mais ce sera très positif pour les budgets 2000 et 2001, puisque nous travaillerons sur la base de l'accord conclu entre le Conseil d'Etat et la fonction publique, donc sur une base stable puisque nous connaissons déjà l'évolution de la masse salariale.

Nous savons que des économies seront faites par rapport à la loi en vigueur - qui n'est pas encore modifiée - et dont l'application impliquerait une charge plus importante. Ce point me paraît essentiel, car il facilitera les discussions sur le budget dans une quinzaine de jours. Nous devons accepter le projet de loi 8048 amendé, pour confirmer et respecter l'accord passé entre le Conseil d'Etat et les fonctionnaires.

Monsieur Glatz, vous avez évoqué le maintien de la paix sociale, mais il semble que vous n'ayez pas bien compris que si le projet n'est pas voté avec les amendements, il n'y aura pas de budget. Et je ne suis pas certain que cela nous aidera à sortir de la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons, ni que l'Hospice général aura les moyens d'assurer les prestations sociales nécessaires au nombre toujours grandissant de personnes pauvres.

Je vous invite donc à voter les amendements, puis le projet de loi tel qu'amendé.

M. David Hiler (Ve). Il y a un peu plus d'un an de cela, le Conseil d'Etat nous faisait savoir qu'il redoutait d'avoir un budget avec un déficit de fonctionnement, hors provisions - hors provisions, j'insiste - de 800 millions. Ce chiffre a été ramené par la suite à 720 millions.

Dans cette situation, des mesures drastiques devaient en effet être acceptées. Pour mémoire, il s'agissait d'une contribution, par le biais de l'assurance pour les indemnités perte de gain, de 2% , soit une diminution générale des salaires de 0,5%, moyennant quoi - je le rappelle tout de même - l'ensemble des mécanismes salariaux au sens strict : annuités et primes de fidélité, étaient assurés, ainsi que l'indexation à raison des premiers 60 000 F pour tous les salariés.

Il se trouve - nous le savons tous - que ces chiffres n'ont pas été confirmés dans la réalité et que les résultats du compte 98 sont loin de ce qui avait été prévu, puisqu'ils ont été pris avant la constitution de provisions, qui sont, pour l'essentiel, des rattrapages de ce qui aurait dû être provisionné par le passé, par un autre Conseil d'Etat et par une autre majorité... Pour le budget 99, les chiffres n'ont rien à voir non plus. En effet, avant la constitution de provisions de rattrapage, ces chiffres sont tels que personne n'aurait osé les imaginer il y a six mois, quel que soit son camp, chacun s'étant basé sur les chiffres fournis par le Conseil d'Etat.

A l'époque, il avait été parallèlement envisagé d'augmenter, pour une durée limitée, les impôts de l'ensemble de la population selon des modalités dont vous vous rappelez certainement. Aujourd'hui, dans une situation beaucoup plus raisonnable, il n'est pas du tout question d'augmenter un quelconque impôt, en tout cas pour l'année 1999 - nous sommes bien d'accord sur ce point - et les personnes qui vont faire des concessions, c'est le personnel de la fonction publique, sans que des sacrifices ne soient clairement demandés à d'autres catégories sociales - pour autant que je le sache. Monsieur Glatz, pour cette raison et dès l'origine, le Conseil d'Etat, comme les personnes réalistes, ont tout de suite pensé qu'on ne mènerait pas la même politique avec un déficit un peu supérieur à 200 millions, avant constitution des provisions, qu'avec 800 millions qui nous tomberaient sur la tête ! Ce n'est en effet pas tout à fait la même chose.

Alors aujourd'hui, nous sommes - disons-le franchement - satisfaits qu'un accord ait été trouvé. Il aurait pu être un peu différent, plus avantageux, ou moins ; cela nous aurait aussi convenu. Nous avions été frappés par le fait que les propositions du Conseil d'Etat et du Cartel étaient très proches avant la première rupture des négociations. Il n'était donc pas utile qu'il y ait un vaincu et un vainqueur, que le Conseil d'Etat ou le Cartel prenne une gifle. Ce dont Genève avait besoin, c'est qu'un accord soit trouvé. Et c'est une bonne chose que les points de vue se soient rapprochés. Nous en sommes satisfaits, pour des raisons dont nous aurons d'ailleurs l'occasion de reparler, mais il n'est pas possible - certains orateurs font le raisonnement inverse sur ce point - de continuer à dire que nous avons un système avec annuités et primes de fidélité, tout en ne les payant pas.

Nous disons ici, comme nous l'avons dit ailleurs, que la pertinence du système actuel doit être soulevée, pas tellement pour des questions de diminution immédiate de la masse salariale mais parce que, dans la société d'aujourd'hui, ce système est probablement inéquitable. Je vous rappelle, en effet, qu'une personne qui prend sa retraite maintenant la touche, ainsi que l'AVS, plein pot et gagne davantage qu'une personne qui occupe la même fonction. Le problème réside dans l'écart de salaire à l'entrée en fonctions et à la sortie, qui ne peut pas se justifier par des questions de productivité ou d'habileté. Cela est socialement très discutable, puisque les meilleurs salaires ne sont pas versés au moment où les personnes ont le plus de charges.

Nous disons ceci, tout en sachant que ce n'est pas forcément un slogan électoral efficace : il faut rediscuter de ce système et trouver autre chose. Par contre, il n'est pas possible de dire encore longtemps que le système va être préservé sans payer, en faisant dérogation sur dérogation. A un moment donné, il faut que cela cesse. Nous avons trois années devant nous pour nous mettre d'accord ou non sur un nouveau système permettant un retour à l'équilibre des finances, ce qui est une très bonne chose.

Pour le moment, nous restons - c'est un message clair pour tous - convaincus que cet accord permettra de revenir, avant provisions - ce qui est tout de même l'objectif essentiel - à l'équilibre financier entre 2001 et 2003.

Nous n'avons pas changé d'avis sur ce point - je veux être très précis - la vraie solidarité consiste à faire le choix des besoins sociaux qui doivent être couverts, et la société doit dire si elle est d'accord de payer ces besoins. La vraie solidarité ne consiste certainement pas à dire : «Après nous le déluge !», en repoussant les dettes à demain, sur d'autres, pour se donner bonne conscience, maintenant. Nous sommes donc, je le répète, satisfaits de cet accord.

Autant je peux comprendre, entendre, écouter vos remarques, Monsieur Glatz, autant je suis étonné de vos leçons de gestion publique, Messieurs les députés libéraux : vous manquez singulièrement de recul par rapport à vos propres expériences ! Alors, cessez de faire la leçon aux autres !

N'est-ce pas vous, par l'un de vos magistrats, qui avez complètement désorganisé un service essentiel : je veux parler de la perception des impôts ?

N'est-ce pas vous qui vouliez nous faire dépenser un milliard pour une traversée de la Rade ?

N'est-ce pas vous, encore, qui pensiez qu'il fallait faire un grand projet pour s'occuper des rivières et «claquer» 800 millions ?

Et après cela, vous donnez des leçons de bonne gestion ! Mais c'est simplement ahurissant - ahurissant - que vous n'ayez pas, contrairement à vous, Monsieur Glatz, la pudeur de respecter le bilan de vos magistrats, qui n'a pas consisté à épargner de l'argent, c'est le moins qu'on puisse dire ! D'autant que vous aviez quatre ans pour changer la loi sur les rémunérations... Non seulement vous ne l'avez pas changée mais vous n'avez même pas tenté de le faire ! (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Enfin, une négociation ! Nous l'attendions depuis 1992 ! En effet, depuis 1992, la fonction publique a été mise sous le boisseau : jamais entendue, sans même pouvoir négocier ses conditions de travail. Négociation signifie : engager de véritables pourparlers et faire des concessions de part et d'autre. Ce qui s'est fait ces deux dernières semaines aurait pu se faire ces quatre ou cinq, voire sept dernières années.

Nous nous trouvons dans une situation relativement catastrophique, malgré tous les efforts fournis pour que la fonction publique puisse négocier de plein droit ses conditions de travail. Je vous le rappelle, il a fallu des pétitions, des manifestations, dont celles qui ont eu lieu en décembre de l'année dernière, des votations, dont celle du 20 décembre, des élections, enfin, qui ont effectivement partagé les camps et décidé de l'avenir social de ce canton, je veux parler des élections municipales et, notamment, des élections du pouvoir exécutif.

Quels dégâts, depuis 1992 ! Les prestations ont diminué - on pourrait le vérifier en examinant les services les uns après les autres - les effectifs ont diminué également de manière alarmante dans les hôpitaux, au service du tuteur général et dans les écoles - et cela continuera malheureusement. Tout ça pour en arriver à prétendre aujourd'hui, s'agissant de la restructuration de l'Etat, dans une formule lapidaire, que tout reste à faire ! Tout reste à faire pour restructurer l'Etat... Je trouve que ce bilan est tout à fait négatif ! A notre sens, une véritable réforme de l'Etat s'impose en cassant les structures hiérarchiques qui freinent l'autonomie des personnes et la coopération, et qui devraient s'instaurer, comme d'ailleurs dans toute entreprise moderne, sous forme de petits groupes. La structure hiérarchique de notre Etat est complètement désuète, ce que nous avons toujours dénoncé.

Cet accord rétablit la confiance, et nous nous en réjouissons. Enfin, la fonction publique peut traiter sur pied d'égalité, comme n'importe quel employé dans le privé, pour négocier ses conditions de travail et de salaire. C'est la raison pour laquelle nous voterons les amendements proposés qui ont été négociés avec la fonction publique. Bien que la confiance soit rétablie, il reste malgré tout au Conseil d'Etat un long chemin à faire pour que l'Etat retrouve la pleine dynamique qui doit être la sienne pour faire face aux difficultés économiques qui sont les nôtres. Nous sommes convaincus que le Conseil d'Etat pourra - si ce dernier y met du sien - ainsi que la fonction publique, parvenir à faire en sorte que l'Etat réponde à l'ensemble de ses mandats.

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur. Un certain nombre de propos méritent tout de même d'être clarifiés pour la compréhension du débat.

Si ce projet de loi modifié n'était pas adopté, que se passerait-il ? C'est la loi générale sur les traitements qui s'appliquerait...

Une voix. Et alors ?

M. Bernard Clerc, rapporteur. ...loi, je vous le rappelle, qui a été votée par un Grand Conseil à majorité de droite, en 1974 !

Quelle est cette loi et quels en sont les mécanismes, s'agissant d'augmentations de salaires ? En réalité, dans le secteur public, les personnes engagées sont payées au bas de l'échelle des traitements et arrivent au sommet, à la fin de leur carrière professionnelle. Les calculs doivent donc être basés sur un salaire moyen sur l'ensemble de la vie professionnelle. Il ne s'agit pas d'une augmentation en tant que telle : le salaire moyen est en quelque sorte déterminé à l'avance. Comme cela a été dit tout à l'heure, cette loi a fait l'objet de multiples dérogations de façon quasi permanente depuis maintenant huit ans.

Une voix. Il faut supprimer la loi !

M. Bernard Clerc, rapporteur. Alors, justement, ayez le courage politique, si vous n'êtes pas ou plus d'accord avec cette loi, de faire une proposition législative pour la changer ! Mais arrêtez de déroger constamment à cette loi ! Hier soir, lors du débat sur l'aéroport, il a été dit que le droit n'était pas respecté, parce qu'on mettait à la charge de l'aéroport les indemnités dues aux riverains en raison des nuisances produites par l'aéroport. Mais ici, en l'occurrence, on ne se préoccupe pas de savoir si le droit n'est pas respecté depuis 1992, et ce, de manière quasi permanente !

Certains députés libéraux ont donné des chiffres tout à fait contradictoires, qui servent sans doute à semer le doute dans le débat. Monsieur Annen, vous savez très bien que le vote de cette loi ne va pas porter le déficit à 450 millions, comme vous l'avez affirmé tout à l'heure ! Pour le budget 1999, il n'y a aucune modification - pas un centime de plus - par rapport au projet de budget. La preuve, d'ailleurs, c'est que M. Ducrest, quelques instants après vous, a confirmé qu'il n'y avait aucune modification au niveau de la masse salariale.

Voilà ce qu'il me semblait nécessaire de préciser. Je rappelle qu'une fois de plus les organisations représentatives du personnel ont fait un pas, car, normalement, l'application totale des mécanismes salariaux impliquerait, pour les trois ans, une dépense supplémentaire de 90 millions.

M. Michel Halpérin (L). Le débat sur les chiffres a déjà été fait. Je ne vais donc pas y revenir, mais je ne peux naturellement pas laisser totalement sans réponse quelques-uns des propos qui viennent d'être tenus.

Monsieur Hiler, au terme de votre long exposé, vous m'avez semblé un peu mal à l'aise de devoir renoncer à l'effort de discipline dont vous aviez été le porte-parole pendant ces derniers mois, quoique réconforté de vous retrouver avec vos amis naturels... Vous n'avez retrouvé un peu de tonus tout à l'heure que lorsqu'il s'est agi de fustiger, une fois de plus, les représentants du libéralisme de cette salle. Au moins, nous savons ce qui vous stimule, et nous en profiterons à l'avenir pour l'égayer un peu ! (Rires.)

Ce n'est pas vraiment nouveau, mais c'est un peu pénible d'entendre constamment calomnier le conseiller d'Etat Vodoz, en lui imputant les dysfonctionnements d'une administration qui, visiblement, dans les derniers mois, voire dix-huit ou vingt-quatre mois, ne s'est pas beaucoup améliorée - puisque les chiffres varient d'une époque à l'autre - si ce n'est par l'embauche de nombreux fonctionnaires supplémentaires, destinés à traquer le contribuable... Cela fait maintenant presque deux ans que l'action de M. Vodoz est dénigrée : on lui impute toutes les erreurs qui ont été commises avant, pendant et après son gouvernement !

Je vous rappelle tout de même, Monsieur Hiler, que M. Vodoz, avant de quitter ses fonctions, annonçait pour 1999 un déficit de l'ordre de 350 à 400 millions. Il a fallu l'arrivée de la nouvelle majorité pour qu'on nous annonce - qu'on nous assène - 800 millions, pour finalement entendre que les chiffres qui nous sont proposés depuis quelques semaines sont bien ceux qui avaient été annoncés il y a deux ans. Voilà ce que je voulais dire, pour rétablir un peu l'injustice de vos propos de tout à l'heure.

Vous nous reprochez aussi d'avoir soutenu des projets que vous jugez dispendieux et auxquels vous avez fait obstacle dans le temps. Ils étaient au moins de ceux qui étaient de nature à renforcer un peu notre économie, à la relancer et, par conséquent, à procurer des ressources nouvelles. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Au moins, nous avons essayé de sauver ce qui pouvait l'être dans cette République... (L'orateur est interpellé.) Oui, Monsieur Nissim, vous continuez naturellement à vous gausser des efforts que font les autres ! Le jour où vous en ferez vous-même, nous serons attentifs !

Monsieur Hiler, nous aurions, nous aussi dans ce Grand Conseil, voulu que la majorité homogène - que vous avez appelée monocolore - fasse davantage usage du pouvoir qui était le sien, mais avant même que nous ayons pris nos fonctions, aussi bien dans la majorité de l'Entente que dans ce gouvernement dit monocolore, il s'est trouvé dans cette salle de nombreuses voix pour vociférer que la droite abuserait du pouvoir. Alors, la droite - malheureusement, en ce qui me concerne, mais avec l'appui actif des autres partis de l'Entente - a fait son possible pendant quatre ans pour montrer qu'elle conduisait une politique de consensus, susceptible sinon de vous rallier, du moins de montrer que nous n'abusions pas de notre pouvoir. Vous avez raison de la discréditer, c'était une mauvaise politique ! Nous avons été les seuls à le dire, et je ne me souviens pas d'en avoir été félicité à l'époque. Je suis content que vous le fassiez rétroactivement : c'est peut-être l'expression de votre regret de constater que nous n'avons pas su, quand nous le pouvions, mener une politique ferme. Nous constatons qu'en ce qui vous concerne ce reproche ne pourra pas vous être adressé ! (Applaudissements.)

M. Bernard Lescaze (R). Je ne reviendrai pas sur vos propos, Monsieur Halpérin, qui semblez lancer vos flèches aussi bien contre vos amis et alliés naturels que contre vos adversaires... Mais il faut de temps en temps faire flèche de tout bois ! (L'orateur est interpellé. Le président agite la cloche.) Je n'insisterai pas davantage...

Le groupe radical est mi-figue mi-raisin face à ce projet de loi. Il a des raisons, comme une partie de cette assemblée, d'être satisfait dans la mesure où une solution est trouvée pour trois ans, car il pense que le conflit entre la fonction publique et le gouvernement n'est pas une bonne chose dans le temps.

Il a des raisons d'être relativement satisfait dans la mesure où ce projet ne charge pas le budget pour 1999.

Il a des raisons d'être satisfait dans la mesure où, effectivement, la fonction publique a fait le sacrifice d'une partie de ce à quoi elle avait droit selon la loi.

Et c'est vrai, comme cela a déjà été dit aujourd'hui, que cette loi n'est probablement pas satisfaisante et qu'il faudra la modifier à un moment ou à un autre. Nous avons trois ans pour y réfléchir. Une phrase profonde a été dite sur mon côté droit, c'est-à-dire à gauche : tout reste à faire pour restructurer l'Etat. C'est sur ce point que le parti radical n'a pas de raison d'être satisfait, au contraire ! Ce projet de loi - mais était-il possible de faire autrement ? - contient des promesses extrêmement vagues, extrêmement fragiles, quant à la restructuration de l'Etat, qui ne nous semblent pas constituer de véritables engagements.

Nous souhaitons - comme tout le monde - le retour à l'équilibre, en tout cas à l'équilibre du budget de fonctionnement, le plus rapidement possible. L'Etat investit tout de même plus de 400 millions dans ses investissements, dont la plus grande partie n'est pas couverte par des revenus propres, mais bel et bien par l'emprunt. Pourtant, personne aujourd'hui, probablement à juste titre, ne songe à réduire le budget d'investissement de l'Etat.

Dans ces conditions, il s'agit évidemment d'une solution de fortune ; probablement s'agissait-il du moins mauvais accord possible pour le gouvernement... Mais le parlement, c'est vrai, n'est pas le gouvernement et vous comprendrez que dans ces conditions, pour le groupe radical, qui tient d'une part à soutenir ses magistrats, mais qui tient aussi à affirmer haut et clair certains principes, la décision de ce soir est particulièrement difficile à prendre, si bien que vous verrez des députés accepter cet accord, parce qu'ils croient ou qu'ils veulent croire aux promesses faites ; d'autres le refuser, parce qu'ils pensent qu'il faut avant tout manifester aujourd'hui une volonté claire d'économie et de redressement des finances publiques - sentiment partagé par tout le groupe radical ; d'autres enfin, dans le doute, s'abstiendront. Voilà la position radicale... (L'orateur est interpellé.) C'est une position difficile.

Mais je ne puis accepter vos reproches, Monsieur Halpérin, quant à la conduite des uns et des autres, lors du gouvernement homogène. Nous avons tous été solidaires d'une certaine politique, et je vous rappellerai que trois de vos amis se trouvaient alors au gouvernement, c'est-à-dire pratiquement la moitié du gouvernement. Nous n'avons pourtant pas entendu beaucoup de promesses pour la restructuration de l'Etat. Au contraire, nous avons dû voter une loi sur la fonction publique, appelée aujourd'hui «loi Vodoz B 5 05» qui est une couleuvre qui, encore aujourd'hui, étouffe certains... Dois-je rappeler à l'honorable préopinant que cette loi a été votée à l'unanimité de la commission des finances, à l'exception du rapporteur qui, lui, s'était abstenu et qui vous parle en ce moment ?

M. Michel Halpérin. Il en manquait un seul !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a encore des orateurs inscrits. Je vous propose d'interrompre ici les débats et de reprendre cet objet à 20 h 30.

En effet, Mme le sautier cessant ses activités au service du parlement à la fin de la présente session, nous souhaitons lui adresser d'abord nos meilleurs voeux et bon vent dans ses futures activités. Nous lui remettons un petit souvenir : un stylo, mais pas le stylo traditionnel, pour son action au sein du parlement. J'invite les députés et les personnes présentes à la tribune à participer à la petite réception qui aura lieu dans la cour de l'Hôtel de Ville. (Applaudissements.)

Nos travaux reprendront à 20 h 30.

 

La séance est levée à 18 h 45.