République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 29 avril 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 6e session - 14e séance -autres séances de la session
54e législature
No 14/III
Jeudi 29 avril 1999,
après-midi
La séance est ouverte à 14 h.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Micheline Calmy-Rey et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Carlo Lamprecht et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Christian de Saussure, Hervé Dessimoz, Marie-Thérèse Engelberts, Bénédict Fontanet, Pierre Meyll, Véronique Pürro et Louis Serex, députés.
3. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 25 et 26 mars 1999 est adopté.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Le président. Le Bureau et les chefs de groupe vous proposent une série de modifications de l'ordre du jour pour laisser place aux objets qui doivent être traités en priorité.
Le point 17A, les interpellations urgentes, sera traité jeudi à 17 h après les prestations de serment. Le point 17B, réponses à ces interpellations urgentes, sera traité vendredi à 17 h, comme de coutume.
Le point 110, projet de loi 7842-A, sera traité en même temps que le point 49, projet de loi 7841-A.
Le point 100, initiative 111-C, sera traité vendredi à 20 h 30.
Le Bureau vous propose également que l'ensemble des projets de lois concernant les comptes 1998 et le budget 1999 fasse l'objet d'un débat général vendredi à 14 h. Chaque groupe pourra s'exprimer deux fois cinq minutes.
Les projets de lois suivants sont renvoyés en commission sans débat de préconsultation :
- le point 37, projet de loi 8007, à la commission des travaux;
- le point 56, projets de lois 8022 à 8031, à la commission des finances;
- le point 62, projet de loi 8035, à la commission des finances;
- le point 68, projet de loi 8021, à la commission des finances;
- le point 69, projet de loi 8032, à la commission de l'enseignement supérieur;
- le point 71, projet de loi 8033, à la commission des travaux;
- le point 101, projet de loi 8040, à la commission des finances;
- le point 105, projet de loi 8034, à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil;
- le point 107, projets de lois 8037 et 8038, à la commission judiciaire;
- le point 108, projet de loi 8039, à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil;
Enfin,
- le point 65 bis, projet de loi 8065, que vous avez trouvé sur vos places, sera renvoyé directement à la commission des travaux.
Il n'y a pas d'opposition, il en sera fait ainsi.
Le point 6 de l'ordre du jour, rapport divers 321, et le point 7, rapport divers 322, concernant la démission de notre collègue Pierre-François Unger, seront traités ce soir à 17 h.
Au point 65, motion 1275, concernant l'hébergement des requérants d'asile, il faut ajouter les noms suivants aux signataires : Mmes Françoise Schenk-Gottret et Jeannine de Haller. Je signale que le nom de Mme Myriam Sormanni a été omis dans le libellé de l'ordre du jour.
Un projet de loi urgent doit être joint au point précité. En effet, le projet de loi 8063 a été déposé sur vos tables ; il concerne la subvention d'un million de francs au Comité international de la Croix-Rouge pour son action en faveur des victimes de la guerre du Kosovo.
Vous avez trouvé sur vos places le projet de loi 8002, approuvant les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève. La commission l'a déjà traité; le rapport se trouve sur vos tables. Faisant l'unanimité de la commission, nous vous proposons de le traiter au point 102, soit en même temps que le projet de loi 7920-A, qui concerne déjà la CIA.
Il en sera fait ainsi.
Nous traiterons en urgence durant cette séance le projet de loi 8010-A, au point 114 bis, rapport de M. Champod modifiant la loi en matière de chômage.
Nous devons impérativement traiter au cours de cette session le point 76, projet de loi 8005-A ouvrant un crédit d'investissement pour les travaux de rénovation d'installations d'éclairage public du réseau routier cantonal et le point 104, sous le département des finances, soit les projets de lois 7995-A, 7996-A et 7997-A.
Voilà les modifications proposées par le Bureau. Je pars du principe que vous êtes d'accord avec ces propositions. Avez-vous d'autres propositions à faire ? Monsieur Vaucher, vous avez la parole.
M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, j'ai deux choses à vous demander. Tout d'abord, de renvoyer le point 52 de l'ordre du jour en commission, sur la conception générale en matière d'énergie : rapport divers 319, motions 1080-A, 1181-A et 1189-A. En effet, il faudrait que la commission puisse poursuivre ses travaux, afin de respecter les délais impartis. Je ne pense pas que ce sujet donnera lieu à des discussions : ce devrait donc aller vite.
Par ailleurs, eu égard au retard, vu le planning que vous avez indiqué, Monsieur le président, et étant donné les échéances importantes concernant ce projet, il faudrait pouvoir traiter le point 72, projet de loi 7883-A concernant le stade de la Praille, ce soir à 20 h 30.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz(AdG). Il y a deux jours, un enfant de 2 ans est tombé dans une pièce d'eau, dans un jardin public destiné uniquement aux enfants.
Nous ne pensions pas en déposant la motion 1274, qui figure au point 77, qu'elle serait dramatiquement d'actualité. Cette motion propose que le département intervienne auprès des communes pour qu'elles recensent les points d'eau dans les lieux publics et qu'elles procèdent éventuellement à un ajustement aux normes proposées par le BTA en matière de sécurité. Cet enfant ne serait pas mort si une barrière avait été placée autour de ce petit plan d'eau.
Je demande donc que cette motion soit traitée en urgence, pendant cette session.
Le président. Nous sommes donc en présence de deux propositions que je soumets à votre approbation. Je vous demande donc tout d'abord de vous prononcer sur la proposition de M. Vaucher de traiter le point 72 de l'ordre du jour, concernant le stade de la Praille, ce soir à 20 h 30.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
Le président. Ce point restera donc normalement inscrit à l'ordre du jour. Vous devez maintenant vous prononcer sur la proposition de Mme Blanchard-Queloz de traiter le point 77, motion 1274, durant cette session.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Cette motion sera donc traitée durant cette session.
Par ailleurs, M. Vaucher a évoqué le point 52, mais je n'ai pas entendu de proposition de renvoi en commission. De toute façon, il faut que le Grand Conseil prenne une décision concernant ce rapport, mais libre à vous de renvoyer directement ce projet en commission, sans débat. Monsieur Vaucher, votre proposition était différente, puisque vous avez demandé que nous le traitions avant de le renvoyer en commission.
M. Olivier Vaucher. Tout à fait !
Le président. Bien, cela ne mérite donc pas d'autre intervention. Vu son numéro dans l'ordre du jour, le point 52 sera certainement encore traité durant cette session. Si tel ne devait pas être le cas, on s'arrangera pour le traiter.
5. Correspondance et pétitions.
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil ainsi que l'acheminement qui lui est réservé. Il en est de même en ce qui concerne les pétitions. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Correspondance :
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
Il est pris acte de ces deux documents qui ont été adressés à la commission d'aménagement du canton.
Il en est pris acte. Ce document a été transmis aux commissions législative et IN 109.
Il en est pris acte. Ce courrier a été transmis à la commission de réexamen en matière de naturalisation.
Il en est pris acte.
Il en est pris acte. Ce courrier concerne le point 72 de l'ordre du jour. Il sera renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
Il en est pris acte.
Il en est pris acte. Chacun s'inscrira de lui-même.
lettre C 953
lettre C 954
Pétitions :
Elles sont renvoyées à la commission des pétitions.
Par ailleurs, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :
Il en sera fait ainsi.
6. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Le président. Le projet de loi suivant est retiré par son auteur :
Il en est pris acte. Il ne figure donc plus dans la liste des objets en suspens.
b) de propositions de motions;
Le président. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
M. I. H. , 1976, Kosovo, Yougoslavie, serveur, recourt contre la peine d'expulsion judiciaire.
Mme Micheline Spoerri (L), rapporteuse. Ce dossier revêt une certaine gravité... (Brouhaha.) Monsieur le président, je serais très satisfaite que vous obteniez le silence ! Je vous en remercie.
M. I. H. est né le 14 avril 1976 au Kosovo. Célibataire, aîné d'une famille comptant trois enfants, il est arrivé en Suisse pour y rejoindre, en compagnie de sa famille, son père, M. Rouzdi I. H. dans le courant de l'année 1992. En effet, M. Rouzdi I. H., le père, a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour permis B depuis le 11 mars 1991. Auparavant, il était en Suisse en tant que saisonnier depuis les années 80. Toute la famille I. H. jouit depuis bientôt huit ans d'autorisations de séjour B et ce sans interruption.
Dès son arrivée à Genève, c'est-à-dire à l'âge de 16 ans, M. I. H. a été inscrit en classe d'accueil de la scolarité post obligatoire. Il a par la suite suivi une formation de serveur à l'Université populaire albanaise. Depuis lors, il a été régulièrement employé dans différentes entreprises. Il s'est en outre acquitté de ses impôts et des assurances sociales.
Se laissant entraîner par de mauvaises fréquentations, M. I. H. a participé à un cambriolage, le 17 mars 1997, en compagnie de deux ressortissants du Kosovo et d'un quatrième individu resté inconnu, tous trois plus âgés que lui. L'établissement cambriolé, à savoir le restaurant «Le Bayou» à Versoix, a subi une perte de quelques centaines de francs - très exactement 450 F - et un dommage lié aux fractures de deux portes d'entrée.
Dans cette affaire, le rôle de M. I. H. a consisté à servir de chauffeur, utilisant la voiture de son père qu'il lui avait empruntée ce soir-là. Confronté aux interrogations judiciaires et de police, M. I. H. a entièrement reconnu les faits. Par ordonnance de condamnation du juge d'instruction du 24 mars 1997, condamnation confirmée le 5 mai 1997 par le Tribunal de police, M. I. H. a été condamné, pour vol et dommage à la propriété, à la peine de soixante jours d'emprisonnement sous déduction de huit jours de détention préventive, avec sursis de quatre ans et à une expulsion ferme du territoire de la Confédération pour une durée de trois ans. Il a dû en outre s'acquitter des frais de procédure : 447 F et de restitution correspondant à l'enrichissement illégitime pour un montant de 1 294,60 F.
C'est le lieu de relever, maintenant, qu'à l'époque il a été retenu de façon erronée que M. I. H. n'avait aucune attache avec la Suisse et que son expulsion pouvait être prononcée sans sursis. Cette constatation erronée a naturellement eu de très graves conséquences pour le recourant et sa famille. En date du 28 octobre 1998, M. I. H. est expulsé de Suisse, refoulé à Belgrade, en ex-Yougoslavie. Il tente de rejoindre sa province d'origine au Kosovo, alors qu'il ne connaît plus personne en Yougoslavie, pays qu'il a quitté à l'âge de 16 ans, et qu'il ne peut rejoindre d'éventuels membres éloignés de sa famille vu l'état de guerre existant dans cette région.
Au cours de ces péripéties, deux de ses compagnons sont tués, un autre grièvement blessé. Rescapé, M. I. H. est empêché, sur place, de rejoindre le Kosovo. Il n'a donc d'autre choix que de revenir en Suisse où se trouvent les seules personnes au monde qu'il connaît et susceptibles de l'aider.
C'est pourquoi, au début février 1999, il est contraint de revenir à Genève. Quelques jours après son arrivée, il est arrêté et emprisonné à Champ-Dollon.
Le recours en grâce contre la peine d'expulsion judiciaire, qui vous est soumis ce soir, est alors déposé.
Mesdames et Messieurs les députés, sous la mauvaise influence d'individus peu fréquentables, M. I. H. s'est rendu coupable d'un cambriolage portant sur quelques centaines de francs : acte répréhensible, atteignant à la sécurité publique, ce qu'il a totalement reconnu. Alors qu'il vivait à Genève depuis près de sept ans entouré de sa famille et domicilié chez elle, disposant d'un travail, parfaitement intégré et maîtrisant le français, faisant preuve ainsi d'une attitude équilibrée, cet événement a subitement fait basculer la vie de M. I. H., à l'âge de 21 ans.
Il nous est apparu à l'analyse minutieuse du dossier qu'il s'agissait d'un malheureux accident, dont M. I. H. a d'ailleurs reconnu la gravité, et pour lequel il a exprimé des regrets sincères avant son expulsion.
Mesdames et Messieurs les députés, les faits pour lesquels M. I. H. a été condamné ne doivent pas être minimisés, mais mis en regard de sa situation personnelle, de la présence de sa seule famille à Genève ainsi que du climat de guerre notoire au Kosovo, le larcin commis par ce jeune homme, sanctionné par les mesures d'emprisonnement et de dédommagement de frais, ne justifient pas qu'en plus nous lui fassions encourir des risques aux conséquences parfaitement irrémédiables.
C'est donc, Monsieur le président, à l'unanimité de la commission de grâce que nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le recours contre la peine d'expulsion judiciaire.
Je ne peux cependant pas laisser notre parlement ignorer qu'une sanction administrative, probablement liée à son inéluctable retour en Suisse, a été décidée à l'encontre de M. I. H. lui interdisant d'entrer en Suisse du 10 février 1999 au 9 février 2004. Cette sanction lui a été notifiée le 15 mars 1999. Il a été reconduit en ex-Yougoslavie à quelques jours de l'explosion du conflit. Depuis cette date, sa famille, ses avocats, ses connaissances sont sans aucune nouvelle de lui.
Mesdames et Messieurs les députés, nonobstant la sanction administrative, notre décision nous appartient pleinement, et je vous encourage vivement, au nom de l'ensemble de notre commission, à rejeter la peine d'expulsion judiciaire.
M. Luc Gilly (AdG). Je suis effaré d'apprendre cette histoire. C'est la deuxième fois que, dans ce parlement, nous essayons d'empêcher le refoulement de certaines personnes vers l'ex-Yougoslavie. Aujourd'hui, la commission de grâce nous informe qu'elle est opposée à l'expulsion de cette personne, mais, en même temps, on nous dit que l'expulsion a déjà été effectuée !
Monsieur Ramseyer, combien de cas semblables vont-ils se reproduire encore à Genève ? Cette fois-ci, j'attends des explications très claires de votre part, Monsieur Ramseyer !
M. Gérard Ramseyer. Monsieur le député, vous m'interpellez sur une affaire que je ne connais pas du tout... Je découvre à l'instant la feuille indiquant de quoi il s'agit !
Permettez-moi tout de même de prendre le temps d'examiner ce dossier. Si vous le souhaitez, c'est très volontiers que je vous répondrai personnellement. Mais en l'état actuel des choses, je ne me sens absolument pas concerné par cette affaire...
M. Luc Gilly (AdG). Excusez-moi, Monsieur Ramseyer, je ne peux pas me satisfaire de cette réponse !
Moi, je ne sais pas qui expulse les gens : des infirmiers, des maçons, ou des policiers chargés de les conduire à l'aéroport et de les mettre dans l'avion ? Quels sont les services qui s'occupent de l'expulsion de ces personnes, Monsieur Ramseyer, si ce ne sont pas les vôtres ?
M. Christian Ferrazino (AdG). Nous pouvons comprendre que M. Ramseyer ne soit pas au courant du dossier précis dont nous parlons. Nous pourrions toutefois attendre du chef du département que, d'une manière générale, il prenne l'engagement devant ce parlement de ne pas procéder à une expulsion lorsque nous sommes saisis d'une demande de grâce portant précisément sur une expulsion judiciaire; ou, au moins, d'intervenir auprès de l'office cantonal de la population.
En effet, vous savez, Monsieur Ramseyer, que c'est ce département qui prend la décision d'exécuter les expulsions administratives, département qui dépend de votre autorité. Il faudrait donc que l'office cantonal de la population ne prenne aucune décision en matière d'expulsion administrative tant et aussi longtemps que le parlement n'a pas tranché une demande de grâce d'une expulsion judiciaire. Autrement, nous nous trouvons dans la situation d'aujourd'hui : à savoir que nous allons prendre une décision qui n'a absolument aucune signification pour l'intéressé qui la demande, puisqu'elle a perdu tout effet et tout sens, étant donné qu'il a déjà été expulsé.
M. Gilly a raison de rappeler que c'est déjà la deuxième fois que nous sommes placés devant ce que nous pouvons appeler «une politique du fait accompli». Je pense donc que nous serons nombreux à reconnaître que ce n'est pas acceptable. Pas plus que votre réponse, Monsieur Ramseyer, car si vous ne connaissez pas ce dossier - je le répète, cela peut se comprendre - nous ne pouvons toutefois pas accepter que vous ne preniez pas l'engagement aujourd'hui que cela ne se reproduira pas. Pour ce faire, il faut que vous acceptiez de dire à vos services, y compris à l'office cantonal de la population, qu'ils ne doivent pas exécuter des mesures d'expulsion administrative lorsque le parlement est saisi d'une demande de levée de l'expulsion judiciaire.
J'attends de vous que vous preniez une position générale à ce sujet.
Mme Micheline Spoerri (L), rapporteuse. Je suis également choquée de cette situation. Je pense que le ton de ma proposition l'a laissé sentir, et je suis bien déterminée à ce que les choses n'en restent pas là. Je vous le dis très clairement, Monsieur !
Alors que faire et comment pour faire bien ? Je ne sais pas encore ! Je peux simplement vous dire que les commissaires ont également été très étonnés pendant la séance et que, sous la présidence de M. Daniel Ducommun, nous avons l'intention de clarifier ces procédures de façon à ne plus nous trouver devant ce genre de problème.
Mais, de grâce - si j'ose dire - prenez tout de même une décision au sujet du cas qui nous occupe ! Ne faites pas l'impasse sur cette décision - ce serait le pire des cadeaux empoisonnés que vous feriez à ce monsieur - et exercez votre droit de vote, indépendamment - je vous en prie - de la sanction administrative qui a été prise !
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion judiciaire) est adopté.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. André Bretton, présenté par le parti socialiste.
M. André Bretton est élu tacitement.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. David Robert, présenté par le parti libéral.
M. David Robert est élu tacitement.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Philippe Guntz, présenté par le parti radical.
M. Philippe Guntz est élu tacitement.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Nicole Baunaz, présentée par le parti Alliance de gauche.
M. Nicole Baunaz est élue tacitement.
Proposition de motion
(1264)pour une véritable politique de promotion du vélo
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
les problèmes de circulation dans les agglomérations ;
la nécessité de mener une politique active en matière de promotion des déplacements à vélo ;
que les cyclistes contribuent quotidiennement à la lutte contre le bruit et la pollution de l'air ;
que les aménagements cyclables actuellement réalisés sont encore insuffisants ;
que la réalisation de certains aménagements cyclables indispensables attend depuis près de 10 ans, notamment en raison du manque de volonté ou de moyens du département concerné ;
que l'absence de tels aménagements met en danger la vie des cyclistes lors de leurs déplacements ;
que les trottoirs constituent en de tels endroits des refuges sûrs pour les cyclistes et les piétons ;
que de manière générale les trottoirs doivent rester réservés aux piétons ;
que les cyclistes qui circulent sur les trottoirs sont amendables ;
qu'il est incohérent de vouloir favoriser un mode de déplacement en punissant ses adeptes lorsqu'ils cherchent à protéger leur vie ;
qu'une politique de prévention et d'information est plus efficace qu'une politique répressive ;
invite le Conseil d'Etat
à tracer provisoirement sur les trottoirs des voies destinées aux vélos là où les aménagements cyclables importants ne sont pas encore réalisés ou pratiquement inexistants ;
à mener une campagne, en collaboration avec les communes, visant à favoriser une meilleure cohabitation entre cyclistes et piétons sur les trottoirs, là où la vie de ces derniers est menacée en circulant sur la chaussée ;
à poursuivre une politique répressive uniquement à l'encontre des cyclistes « casse-cou » qui ne respectent pas la priorité absolue des piétons sur les trottoirs ;
à réaliser rapidement les aménagements manquants et en attente de réalisation, notamment la traversée du pont et du quai du Mont-Blanc pour laquelle la Ville attend une autorisation d'aménager une piste cyclable depuis de nombreuses années ;
à multiplier la signalisation qui autorise les cyclistes à utiliser les zones piétonnes et passages piétons à des heures où les cyclistes peuvent cohabiter sans danger avec les piétons ;
à généraliser les feux de signalisation spéciaux pour vélos.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Circuler à vélo à travers certaines artères de notre canton, et ceci dans les quartiers de villes à forte densité où aucun aménagement de piste cyclable n'a été prévu devient un exercice périlleux. Nous citerons comme exemple la traversée des ponts de la Coulouvrenière et du Mont-Blanc, où circuler sur les trottoirs ou passages pour piétons devient un exercice de salut citoyen. Dans certains cantons, voire la ville de Zurich, il est d'ailleurs permis aux cyclistes d'utiliser les passages de piétons sans pour cela qu'ils soient amendés.
Si l'on considère que le comportement du cycliste est en général similaire à ceux des piétons, il conviendrait d'avoir une approche différenciée de celle des engins motorisés. En effet, le cycliste tout comme le piéton, utilise sa propre énergie de propulsion, et donc, par la force des choses non seulement circule à vitesse réduite, mais est à même de contrôler celle-ci de manière aisée en cas de difficulté. Le fait d'être dépourvu de toute carapace métallique le rend exsangue de toute agressivité et dangerosité envers les piétons et, au contraire des motorisés, il devient complice au point de cohabiter en harmonie avec ceux-ci.
D'autre part, est-il nécessaire de rappeler les bienfaits pour la population de ce moyen de déplacement pour comprendre que si on veut l'encourager, il faut qu'il bénéficie d'une logistique adéquate. Parmi ces bienfaits, nous citerons son incidence au niveau de la santé où il contribue à la pratique d'exercice bien souvent salutaire, de l'environnement en contribuant à la qualité de la vie de notre République, et au niveau social par son aspect convivial.
A l'heure où notre canton souffre d'un excès de circulation automobile, il est urgent de sensibiliser la population à l'usage de la bicyclette en améliorant les conditions d'utilisation de ce mode de déplacement et de transport.
C'est dans cet esprit que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Proposition de motion(1265)
proposant une extension du réseau de pistes cyclables à Genève
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les cyclistes qui veulent entrer à Genève en provenance des villes et villages de la rive droite rencontrent de nombreux obstacles, ne serait-ce que le bruit et la circulation très dense sur la route de Suisse. Dès lors, l'opportunité d'étendre le réseau des pistes cyclables en coordination avec la construction de la 3e voie CFF a été étudiée par l'ASPIC, en 95. Nous joignons cette première préétude, ainsi qu'une pétition à ce sujet, à l'exposé des motifs de notre motion.
Le DTPE, en coordination avec le DJPT, pourrait dès lors profiter des travaux de la 3e voie CFF, pour essayer de concilier à moindres coûts les besoins des cyclistes et la nécessité d'encourager ce mode de transport.
Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à cette proposition de motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat. Page 3
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Débat
M. Alberto Velasco (S). Récemment, notre collègue Koechlin se plaignait, dans une interpellation, de l'imprudence dont les cyclistes faisaient preuve... Ils ne font pas preuve d'imprudence, mais bien plutôt preuve de courage. Essayez, par exemple, de traverser le pont de la Coulouvrenière, le pont du Mont-Blanc ou la rue des Deux-Ponts, et vous verrez !
Certaines artères permettent aux cyclistes et aux automobilistes de coexister... (Brouhaha.) Considérant que la vitesse de déplacement des cyclistes s'apparente bien souvent à celle des piétons, nous demandons au Conseil d'Etat d'aménager des pistes cyclables, partout où cela est possible mais sans que ce soit au détriment des piétons, et de répondre aux invites de la motion.
M. Gilles Desplanches (L). Le but de cette motion est de favoriser l'usage du vélo dans le canton et de permettre aux cyclistes d'utiliser les trottoirs comme couloirs de circulation. Car il est vrai qu'à certains endroits l'usage du vélo peut s'avérer dangereux, comme l'a souligné M. Velasco.
Par contre, je crois que cette motion sous-estime dangereusement la cohabitation entre les cyclistes et les piétons. Si on acceptait de libéraliser - si j'ose dire - l'usage des trottoirs aux cyclistes, on pourrait craindre un certain nombre d'accidents. Chacun ici connaît les problèmes rencontrés par les cyclistes, par contre personne ne doit ignorer que les trottoirs sont réservés aux piétons, donc à des familles avec enfants et des personnes âgées, qui ont également droit à un minimum de sécurité. A mon avis, le fait de permettre, même à certains endroits seulement, aux vélos d'utiliser les trottoirs va immanquablement porter préjudice aux piétons.
Par ailleurs, certains cyclistes ne manqueront pas de se livrer à un véritable gymkhana sur ces trottoirs. Loin de donner une sécurité supplémentaire à ces cyclistes, cela engendrera, en outre, une forte insécurité, incontrôlable, pour les piétons, alors que l'usage des trottoirs est destiné en priorité à ces derniers. Il faut souligner encore que les piétons se déplacent plus lentement que les vélos. Je peux vous dire - car je pratique le cyclisme - que les vélos roulent entre 18 et 20 km/hre, ce qui fait que la différence entre le vélo et la voiture est la même qu'entre le vélo et le piéton. Or, c'est au piéton que l'on doit accorder un maximum de sécurité.
Je propose donc le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le groupe démocrate-chrétien comprend tout à fait la démarche qui sous-tend la motion. Circuler à Genève en vélo à certains endroits et à certaines heures peut effectivement s'avérer dangereux.
Mais les motionnaires proposent en fait - M. Desplanches l'a indiqué - un transfert du danger. Faire cohabiter les piétons et les vélos sur le trottoir, c'est assurément encourager les accidents, et je ne pense pas que ce soit le but poursuivi par les auteurs de la motion.
Laissons donc les trottoirs aux piétons et les routes aux transports mécaniques et motorisés. Nous devons toutefois constater que les besoins en transport sont multiples et nombreux dans notre canton. Je rappellerai à cet égard que le parti démocrate-chrétien est particulièrement attaché au principe de la complémentarité des transports et que le domaine public n'est pas extensible à volonté. Il nous paraîtrait donc préférable, avant de transférer les vélos sur les trottoirs de valoriser le réseau des pistes cyclables existant et de mieux le faire connaître.
De plus cette motion nous demande de tracer provisoirement des voies pour les vélos. Mais qu'est-il prévu pour la suite des opérations ? Cette motion doit donc être examinée avec une attention particulière en commission. Nous pourrons ainsi analyser les coûts et l'opportunité des mesures qui sont proposées.
M. Walter Spinucci (R). J'aimerais apporter mon soutien à la motion 1265 qui propose une extension du réseau des pistes cyclables à Genève, cela d'autant plus que cela figure sur le nouveau plan directeur établi par la Ville de Genève.
J'aimerais néanmoins mettre un bémol à ce soutien dans la mesure où cette extension ne doit absolument pas retarder la construction de la troisième voie, notamment par une éventuelle remise à l'enquête publique de ces aménagements.
M. David Hiler (Ve). La motion 1264 nous paraît ouvrir un débat qui n'a jamais eu lieu à Genève et qui est assez important : je veux parler du statut de la piste cyclable par rapport aux trottoirs. Vous savez, par exemple, que dans certaines villes d'Allemagne, les pistes cyclables sont bel et bien séparées du trottoir, tout en en faisant partie. Une signalisation visuelle et, parfois, une différence de niveau assurent une grande sécurité pour les cyclistes. Le seul problème que rencontrent les piétons c'est qu'ils doivent faire attention au moment de traverser la route, mais c'est une question d'habitude.
En dehors de toutes les invites intéressantes - et même évidentes - de cette motion, il nous semble qu'il vaut mieux prendre le temps de l'étudier en commission des transports plutôt que de la renvoyer directement au Conseil d'Etat. Cela permettra peut-être de changer un peu notre manière de faire à l'avenir - s'agissant des pistes cyclables - avec l'avantage non négligeable que la méthode choisie à Genève, qui consiste à placer les pistes cyclables sur la chaussée, impose parfois des aménagements de la chaussée, avec notamment des places de parking en épi ou au centre, qui esthétiquement - c'est le moins que l'on puisse dire - laissent profondément à désirer et qui, en plus, sont relativement compliqués à réaliser. A ce stade, il nous semble qu'il serait tout de même judicieux d'avoir une discussion sérieuse en commission sur le type de pistes cyclables que nous voulons désormais à Genève.
C'est la raison pour laquelle notre groupe souhaite instamment le renvoi de cette motion à la commission des transports.
M. Gilles Godinat (AdG). Je réagis aux inquiétudes exprimées par M. Desplanches, même si je les partage en partie. La sécurité des piétons doit effectivement rester prioritaire, et il n'est pas question de la remettre en cause. Par contre, la motion - ce n'est peut-être pas suffisamment précisé - prévoit que la cohabitation ne doit se faire qu'aux endroits où elle est matériellement possible. C'est dire que nous ne voulons pas créer des zones d'insécurité pour imposer cette cohabitation à tout prix. Notre demande ne s'exerce donc évidemment qu'en fonction des possibilités. Les piétons et les cyclistes doivent y trouver leur compte.
M. Chaïm Nissim (Ve). Comme mon collègue Spinucci, je m'exprimerai sur la motion 1265 : je vous la présente en quelques mots. Il s'agit effectivement de profiter de la construction d'une troisième voie CFF pour examiner la possibilité de construire également une piste cyclable le long de cette troisième voie. J'avais du reste proposé un plan à cet égard.
Il faut renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. Je répondrai à M. Spinucci, qui s'en inquiétait, qu'il n'est bien sûr pas question de retarder la construction de la troisième voie CFF. Il faut toutefois examiner la possibilité de prévoir une piste cyclable à l'occasion de cette construction.
M. Bernard Annen (L). Je tiens tout d'abord à vous dire que je suis tout à fait d'avis qu'il faut éviter tout danger pour les piétons qui utilisent les trottoirs. M. Gilles Desplanches a raison : nous ne devons pas prendre de risques inconsidérés dans ce domaine. Je partage également l'analyse de M. Hiler : nous devons tout faire pour trouver les moyens de faire cohabiter les utilisateurs de la chaussée.
Mais, bien que je fasse autant sinon plus de vélo que la plupart d'entre vous, je m'opposerai à la création de toute piste cyclable sur un trottoir dont la largeur ne le permet pas. Par contre, puisque aujourd'hui on fait des trottoirs de 6 à 8 m de large pour empêcher les voitures de circuler normalement, autant en profiter pour que les vélos puissent circuler sans danger. En effet, à force de vouloir empêcher les voitures de circuler en rétrécissant les voies de circulation, les vélos courent de plus en plus de risques. Et je défie quiconque de traverser le pont du Mont-Blanc sur la route : c'est un réel danger. J'ai donc, pas plus tard qu'hier, traversé le pont du Mont-Blanc sur le trottoir en pensant à l'intervention d'aujourd'hui. Quoi qu'on en dise, et M. Ramseyer pourra me mettre l'amende qu'il veut, je continuerai à rouler sur le trottoir pour traverser le pont du Mont-Blanc, parce que ma vie vaut plus que les 100 ou 150 F d'amende qu'il m'infligera. (L'orateur est interpellé.) Je les payerai, ne vous inquiétez pas ! Une vie vaut bien plus cher que cela !
Par contre, nous devons trouver les moyens de cohabiter. Mais ce serait peut-être une erreur de vouloir mettre une piste cyclable sur le pont du Mont-Blanc, et je vais vous expliquer pourquoi. En effet, j'ai vu un jeune traverser le pont du Mont-Blanc en vélo en faisant du slalom entre les voitures. C'est la crainte exprimée par M. Gilles Desplanches : il a raison. Si on mettait une piste cyclable sur le pont du Mont-Blanc, certains cyclistes feraient la compétition pendant que les piétons, eux, regardant le paysage, oublieraient l'existence de la piste cyclable et, sans faire attention, empiéteraient sur cette dernière, risquant justement des accidents.
De mon point de vue, il faudrait tout d'abord respecter les utilisateurs des chaussées, quels qu'ils soient. Par exemple, au pont du Mont-Blanc, il faudrait décréter que le piéton a la priorité. Les cyclistes ne devraient donc pas être autorisés à circuler sur le pont du Mont-Blanc. Ils devraient tout au plus être tolérés dans la mesure où ils roulent à la vitesse du piéton. M. Desplanches a raison : à 15 ou 20 à l'heure, le risque d'accident est trop élevé, et nous ne pouvons pas le prendre, ni pour les enfants ni pour les personnes âgées. Par contre, si les vélos roulent à la vitesse des piétons la sécurité est assurée. Ceux qui veulent faire du vélo pour faire du sport n'ont qu'à aller à la campagne, ou ailleurs.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose, comme M. Hiler, de renvoyer ces motions à la commission des transports, pour essayer de rendre possible la cohabitation des uns et des autres.
Je donnerai encore un exemple concernant l'utilisation des couloirs prévus pour les bus - ce que je fais aussi, Monsieur le président ! En effet, je m'y sens en sécurité, mais, lorsqu'un bus arrive, je me retire pour lui laisser la priorité et ne pas le retarder. C'est cela la cohabitation : il n'y a pas besoin de réglementer... Il suffit d'éduquer les gens ! N'imposez donc rien, car en imposant vous risquez d'aboutir aux effets inverses de ceux que vous voulez et d'amplifier les risques d'accident.
Le président. Le renvoi en commission a été demandé pour les deux motions, je vous prie donc de vous exprimer sur le seul renvoi en commission. Monsieur Velasco, vous avez la parole.
M. Alberto Velasco (S). Mon groupe se rallie à la proposition de M. Hiler de renvoyer ces motions en commission.
J'aimerais toutefois ajouter que c'est parce que la voiture prend trop de place que nous sommes amenés à faire de telles propositions.
D'autre part, je constate que la majeure partie des députés qui circulent en vélo ont l'habitude de circuler à vitesse réduite, que ce soit dans les couloirs des bus ou sur les trottoirs. C'est donc une mesure déjà appliquée dans les faits.
M. Gérard Ramseyer. Je vous donne un éclairage rapide sur la motion 1264. J'aimerais d'abord rappeler la détermination du Conseil d'Etat à l'égard du mode de déplacement deux-roues, volet dont il a la volonté de développer le réseau existant, dans un esprit de complémentarité. Un nouveau projet de loi d'investissement vous sera prochainement présenté à cet égard, conjointement au budget.
Les investissements projetés, alliés à ceux adoptés par les communes, permettront une amélioration notable au profit des deux-roues, même s'il convient de relever les efforts déjà entrepris, ne serait-ce que les 60 km de pistes cyclables réalisées en Ville de Genève.
J'ajoute que le volet deux-roues est systématiquement associé à tous les projets d'aménagement routier, afin de rendre continus et cohérents les itinéraires cyclables.
Concernant l'invite N° 1, j'aimerais relever qu'à certains endroits, et pour autant que la largeur du trottoir le permette, un partage de l'espace entre cyclistes et piétons est envisageable. Notons toutefois que les gabarits genevois ne correspondent pas aux trottoirs des villes allemandes, par exemple. Au surplus, les espaces en question sont déjà souvent encombrés par du matériel urbain, des terrasses, etc. Il faut donc à un certain moment savoir ce que l'on se veut !
Concernant la deuxième invite, mon département et l'office des transports et de la circulation participent activement à plusieurs actions de promotion du vélo, notamment avec la Ville de Genève dans le domaine des publications, des comptages, des études, etc. Il convient également de citer notre soutien et notre engagement en faveur de la semaine «promo vélos» organisée chaque année au printemps en faveur du vélo. Je précise à l'intention de mes sept députées et cyclistes préférées que les invitations seront lancées ces prochains jours.
Pour ce qui est de l'invite N° 4, dans le but d'assurer la capacité nécessaire sur le réseau primaire du pourtour de la Rade, des itinéraires alternatifs ont été réalisés dans un premier temps : place Bel-Air; pont des Bergues; quartier des Pâquis. Une nouvelle étape sur l'axe envisagé ne peut intervenir en l'état sans compromettre gravement la fluidité globale du trafic, transports collectifs compris. J'attire donc votre attention sur le fait que l'invite N° 4 ne respecte pas la notion de complémentarité.
L'invite N° 5 appelle le commentaire, très bref, suivant : c'est par la tolérance et le respect réciproques que la cohabitation doit s'instaurer dans les zones piétonnes et non par la multiplication des signaux, onéreuse et souvent disgracieuse en de tels endroits. Pour cela le cycliste doit garder constamment à l'idée le fait que la priorité revient au piéton. La sensibilisation sur ce point doit être prévue régulièrement; c'est le cas cette année, puisqu'à l'initiative du Conseil de la sécurité routière quatre campagnes successives, d'avril à octobre 1999, ont été lancées sur ce thème.
Dernière invite, enfin : la sixième. Les feux spécifiques pour vélos sont mis en place lorsque ces derniers bénéficient d'une phase propre, indépendante des autres mouvements de circulation. Cela dépend de la configuration du carrefour. Nous généralisons effectivement ce type d'équipement.
Cela étant, le Conseil d'Etat est prêt à débattre de cette motion 1264 en commission. Quant à la motion 1265, qui n'a pas appelé beaucoup de débats, j'aimerais simplement rappeler le rôle essentiel que jouent les communes dans les aménagements le long des voies CFF. Par conséquent, pour que l'Etat puisse s'investir, faut-il que les communes entrent en matière à ce sujet.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais vous indiquer aujourd'hui.
M 1264
Le président. Nous sommes en présence de demandes de renvoi en commission. Monsieur Desplanches, vous avez la parole.
M. Gilles Desplanches (L). Je demande le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Le président. Bien, nous voterons d'abord sur la proposition de renvoi en commission, puisqu'elle a la priorité sur les autres propositions. Je soumets donc à votre approbation le renvoi de la proposition de motion 1264 à la commission des transports.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des transports.
M 1265
Le président. Je soumets donc à votre approbation le renvoi de la proposition de motion 1265 à la commission des transports. (Contestation.)
Mesdames et Messieurs les députés, une proposition de renvoi à la commission des transports a été faite... Monsieur Nissim, vous avez la parole.
M. Chaïm Nissim (Ve). Il y a eu seulement deux interventions sur la motion 1265, faites par M. Spinucci et moi-même, et nous avons demandé tous les deux qu'elle soit renvoyée directement au Conseil d'Etat. Et il n'y a pas eu de demande de renvoi en commission pour cette motion !
Le président. Monsieur Nissim, il faut suivre les débats ! Il y a eu une proposition de renvoi en commission, que je soumets à votre approbation...
M. Chaïm Nissim. Non ! Non, Monsieur le président !
Le président. Si, je l'ai même signalée au moment où elle a été faite. J'ai même précisé que les interventions ne devaient plus porter que sur le renvoi en commission.
Je soumets donc à votre approbation le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission des transports est rejetée.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion
(1265)proposant une extension du réseau de pistes cyclables à Genève
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
le besoin de pistes cyclables sûres et tranquilles, à des coûts raisonnables, en particulier sur la rive droite près de la route de Suisse ;
l'opportunité à saisir lors des travaux concernant la 3e voie CFF ;
invite le Conseil d'Etat
à étudier l'opportunité d'une extension du réseau de pistes cyclables en rapport avec la construction de la 3e voie CFF.
13. a) Rapport de la commission ad hoc chargée d'étudier la résolution de Mmes Fabienne Bugnon, Jeannine de Haller et Marianne Grobet-Wellner pour la nomination d'une commission d'enquête parlementaire ad hoc sur les événements qui ont secoué Genève durant la commémoration du 50e anniversaire de l'OMC. ( -)
b) Proposition de résolution de Mmes et M. Elisabeth Reusse-Decrey, Anne Briol et Christian Ferrazino adressée au Conseil d'Etat pour qu'il mette sur pied dans les trois mois des Assises au sujet de la violence. ( )
R 370 A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Chacun se souvient des manifestations qui ont accompagné la conférence internationale de l'Organisation mondiale du commerce, au mois de mai 1998 à Genève. Des actes d'une violence sans précédent lors d'une manifestation dans notre ville ayant été commis, le Grand Conseil a décidé de charger une Commission d'enquête parlementaire d'établir les faits et d'en rechercher les causes, ainsi que de déterminer, autant que faire se peut, comment éviter de tels agissements à l'avenir.
Pour mener à bien sa tâche, la commission a procédé, sous la présidence éclairée de Mme Fabienne Bugnon, à 14 auditions au cours des 15 séances qui ont eu lieu du 11 juin 1998 au 9 février 1999. Mme Nicole Seyfried a pris d'excellentes notes de séance, qu'elle en soit remerciée.
Il faut encore préciser qu'à partir du 8 octobre, la commission a siégé dans une composition réduite. En effet, les représentants des partis libéral, radical, démocrate-chrétien et socialiste ont déclaré qu'ils exigeaient le départ de l'un des commissaires désignés par l'Alliance de Gauche, sans quoi ils refusaient de siéger désormais. Les autres commissaires, députés de l'Alliance de Gauche et des Verts, en ont donc pris acte et ont nonobstant mené à bien leur tâche.
Introduction
1. Des bâtons dans les roues de la commission d'enquête
Une circonstance particulièrement fâcheuse est venue entraver les travaux de la commission :
Parmi les auditions prévues, deux n'ont pas pu avoir lieu. Les personnes en question étaient des fonctionnaires et n'ont pas reçu l'autorisation de leurs supérieurs hiérarchiques de s'exprimer devant la commission. L'une, assistante sociale, travaille pour le Département de l'instruction publique; l'autre est un membre de la police qui a assisté aux manifestations dans le cadre de ses fonctions.
Ces décisions du Conseil d'Etat ont été fortement blâmées par les commissaires. En particulier, dans le cas du policier, ce dernier s'était déjà exprimé dans les colonnes de « l'Hebdo » au sujet des événements du mois de mai. La commission (alors encore dans sa composition de 15 membres) a jugé inadmissible ce refus, maintenu malgré l'insistance des députés. Une commission d'enquête doit avoir les moyens de procéder à ses investigations.
Le motif invoqué par M. Ramseyer, chef du Département de justice et police, pour justifier l'interdiction faite au policier de se présenter à l'audition était particulièrement choquant : il s'agissait en effet de préserver l'aspect physique du policier vis-à-vis de l'un des commissaires. Il a semblé scandaleux aux commissaires que des soupçons - injurieux quoique indéfinis - puissent ainsi être jetés sur l'un d'entre eux. De plus, le chef du département invoquait des échos parus dans la presse pour émettre des doutes quant au travail de la commission, sa composition, et la responsabilité de la présidente à cet égard.
2. Manifestations de mai 1998 contre l'OMC : Compte-rendu chronologique des faits
L'AMP (Association mondiale des peuples), organisateur des manifestations, avait annoncé quatre manifestations : samedi, mardi après-midi, mardi soir et mercredi. Seule celle du samedi a reçu autorisation de la police. Celle du mardi soir, le « chahut de nuit », sera annulée, les organisateurs ayant annoncé cette décision la veille par voie de presse.
Vendredi 15 mai et samedi matin
Arrivée de représentants de divers mouvements de France, d'Italie, d'Allemagne. (Une grande partie seront refoulés à la frontière ou une fois arrivés en Suisse.) Installation d'un camping sur la plaine de Plainpalais, et au Foyer Saint-Boniface.
Samedi 16 mai
A 14 heures, rassemblement sur la place Neuve des participants à la manifestation organisée par l'AMP. Vers 14h30 arrivent de la rue du Conseil-Général environ 200 manifestants groupés et « cagoulés », avec des hampes taillées en pointe, des sacs, de la peinture dans des caddies, etc.
14h30 : Départ du cortège (5000 personnes selon la police, 8 à 10 000 selon les organisateurs), de la place Neuve vers l'OMC, avec fanfare, sono, tracteurs.
Incidents sur le parcours : sprayages de banques et bris de vitrines (fast-foods, une voiture de sécurité.). Les organisateurs interviennent à plusieurs reprises (répondant aussi à des appels téléphoniques de M. Baer). Au bout de la rue de Lausanne, un hélicoptère survole à basse altitude la manifestation. Arrivée devant la zone interdite (devant l'OMC) ; l'affrontement qui s'amorce avec la police est évité.
Après les discours, le gros de la manifestation se retire au carrefour rue de Lausanne/avenue de France, où une « street party » et un repas se déroulent en musique. D'autres personnes, restées en arrière près du barrage de police, retournent une voiture appartenant à une mission diplomatique.
Le soir venu, vers 22h30, les manifestants retournent place des 22-Cantons où M. de Marcellus dissout la manifestation. Sur le trajet, sprayages et bris de vitrines. Place des 22-Cantons, un char de musique techno joue encore, quantité de badauds rejoignent la fête. Des manifestants brûlent leur propre voiture récupérée à la démolition. Intervention des pompiers et de la police. Selon les témoignages recueillis par la commission, un groupe d'une dizaine d'individus masqués se seraient regroupés sur le parvis de l'église Notre-Dame ; le pavage est arraché, on s'en sert pour briser diverses vitrines. La sono est immédiatement coupée et évacuée en direction de Plainpalais, où M. de Marcellus raccompagne les campeurs.
Sur le chemin de Plainpalais, les casseurs sont à nouveau en action, d'autres vitrines sont brisées, des magasins pillés. Une gendarme chargée de la circulation est agressée et molestée.
Sur la Plaine, des pierres provenant de deux gros tas de cailloux d'un chantier sont jetés contre la police, ainsi que des bouteilles. Celle-ci survole la place en hélicoptère (cet hélicoptère circulera tous les jours jusqu'au mercredi). Les observateurs distinguent deux groupes : les campeurs, assis calmement, et les lanceurs de pierres. Vers 1h15, la police recule et quitte la Plaine en espérant que la tension diminue. Sans succès. Selon les témoignages recueillis par la commission, il y a des blessés (dont un par la police) hospitalisé aux soins intensifs. A 1h30, la police, après 5 sommations, commence des tirs de gaz lacrymogènes. Plusieurs membres du service d'ordre de la manifestation de l'après-midi affirment s'être efforcés spontanément toute la nuit de ramener le calme, qui revient progressivement vers 2h30.
Dimanche 17 mai
Dans les rues, quelques contrôles de police et interpellations sont signalés par les organisateurs.
Lundi 18 mai
Annonce par voie de presse de l'annulation du chahut de nuit du mardi. Diverses actions de désobéissance civile non-violente (sit-ins, etc.) sont organisées durant la journée par les organisateurs de l'AMP. La police signale que des groupes de manifestants utilisent le site d'Artamis, l'ilôt 13 et le parc des Cropettes comme lieux de rassemblement. Les forces de l'ordre sont principalement engagées pour assurer la surveillance du périmètre de sécurité et couvrir la visite du président Clinton.
Vers 19h30, un groupe de manifestants descend de la gare vers Plainpalais.
Vers 21h45 environ, le groupe (environ 200 personnes d'après la police) est bloqué à la place Neuve par les forces de l'ordre. Là, il y a de la musique. Des jeunes se livrent à quelques escarmouches avec la police. Vers minuit, la situation menaçant de dégénérer, les tenants de la sono l'éteignent et s'en vont. Dissensions au sein du rassemblement entre casseurs et non-violents. Des manifestants (un groupe d'une cinquantaine de jeunes) rejoint la plaine de Plainpalais. Ces manifestants font un feu avec des balustrades de chantier et s'installent autour du brasier. Echauffourées entre jeunes et forces de l'ordre.
Vers 1 heure du matin, des agresseurs lancent des barres de fer et des cailloux de ce même chantier contre la police. Deux inspecteurs en civil sont violemment agressés et grièvement blessés.
Mardi 19 mai
Dès 18 heures, un millier de personnes environ se rassemblent à la zone piétonne du Mont-Blanc. Mains liées et bouches bâillonnées, le cortège se rend à l'île Rousseau. La manifestation, calme, est suivie d'un atelier de techniques de manifestation non-violente. Vers 21 heures, il ne reste que quelques membres de l'AMP sur l'île Rousseau. Entre-temps, des personnes sont interpellées et arrêtées à la rue des Bergues après des fouilles sommaires.
Le soir, environ 500 personnes sont au rendez-vous au rond-point de Plainpalais pour le « chahut de nuit contre travail de nuit » organisé avec des milieux syndicaux. On remarque un grand nombre de jeunes de 13 à 20 ans. M. de Marcellus et d'autres annoncent à trois reprises l'annulation de l'action ; les organisateurs et nombre de personnes s'en vont.
Vers 23 heures, des jeunes et divers émeutiers, environ 400, se livrent à des déprédations sur un bus TPG, des vitrines, une cabine téléphonique, et à des pillages. Certaines personnes bombardent la police avec des pierres du chantier (qui auraient été remplacées entre-temps par la Municipalité). Au bout d'une heure de ces diverses provocations, la police se déploie en cordon, et lance 5 sommations pour ordonner la dispersion des manifestants et des curieux, annoncer l'usage de gaz lacrymogènes, et informer que toutes les personnes interpellées dans le secteur sont passibles du délit d'émeute. Tirs de gaz lacrymogènes.
Une course-poursuite s'engage entre les jeunes, les policiers et les badauds. Quelques groupes d'une vingtaine de personnes s'engagent dans les rues adjacentes et y causent des dégâts. Nombreuses interpellations.
Vers 3 heures, la police investit le site d'Artamis et y interpelle un grand nombre de personnes. Ces dernières sont emmenées au poste du Bachet où elles seront enchaînées à des poteaux, faute de place et de locaux adaptés.
Mercredi 20 mai
Vers midi, 150 personnes environ se regroupent devant l'ONU pour une action de désobéissance civile non-violente annoncée la veille. Sur place, l'action qui va se dérouler est de nouveau expliquée aux manifestants et à la police par haut-parleur. Les manifestants veulent tenter de franchir le barrage de police - sans violence et sans répondre aux coups éventuels - pour entrer à l'ONU où se tient la dernière conférence de l'OMC.
La police lance une sommation, puis tend un filet sur toute la longueur nord de la place des Nations et matraque les manifestants. Les forces de l'ordre interpellent 9 personnes et les emmènent. Plusieurs affirment avoir été violemment agressése par la police après leur arrestation (témoignage recueilli par la commission) et présentent des certificats médicaux attestant de leurs blessures. Après quelque temps, les organisateurs interrompent l'action (toujours non-violente) et organisent un sit-in face aux policiers.
Bilan de ces 5 journées selon les recoupements de la commission : 15 policiers blessés dont deux très grièvement. 180 plaintes de particuliers pour dommages à la propriété. 300 personnes interpellées dans la rue, dont certaines passent plusieurs jours en prison avant que leur emploi du temps soit vérifié. 107 personnes déférées devant le juge d'instruction. 77 plaintes de manifestants contre la police, dont 20 plaintes pénales pour lésions corporelles, injures et divers.
Un manifestant, journaliste, constate par la suite que son nom figure sur une longue liste de « participants à la manifestation violente du 16 mai » dans le fichier de la police fédérale. Les blessés du côté des manifestants comme de celui des pilleurs n'ont pas pu être évalués dans leur ensemble ; toutefois la commission a répertorié au moins trois cas graves. Des mesures indéterminées d'expulsion administrative du territoire suisse ont été prises par les autorités.
Auditions
Audition de l'Association mondiale des peuples, représentée par MM. Hausser, Gargantini et de Marcellus ( 18 juin 98).
M. de Marcellus rappelle que la manifestation a été organisée en vue de protester contre la conférence de l'OMC, au niveau non seulement local, mais également international L'un des quatre principes de base de l'AMP est la résistance non-violente. Localement, l'organisation de la manifestation s'est faite comme d'habitude, avec l'intention d'introduire la notion de désobéissance civile non-violente, nouvelle forme d'expression déjà expérimentée dans les pays nordiques et issue des délégués indiens. Personnellement, M. de Marcellus pensait que le fait d'expérimenter cette forme d'expression constituait un apport, puisque dans les pays latins elle est encore peu utilisée.
Malheureusement, en partie à cause de la police, mais surtout à cause de la presse, estime M. de Marcellus, il y a eu une anticipation sur les dérapages qui ont eu lieu. En effet, avant même la première information publique, la presse a publié des manchettes du type « la police sur les dents » et dans la « Tribune de Genève » des pages entières ont été consacrées à « Mai 98 de tous les dangers ». Lors de la conférence de presse de l'AMP faisant suite à ces déclarations, il a été dit ouvertement que ce genre d'articles ne facilitait pas la tâche des organisateurs de la manifestation, qui se voulait avant tout festive et non-violente. De plus, il a été précisé que c'est surtout la désobéissance civile non-violente qui a été prônée.
Cependant, la « Tribune » a fait mention de cours de résistance à la répression policière et de l'intention de pénétrer dans le périmètre interdit. Il s'agit là d'un cas de désinformation. Les organisateurs avaient reçu l'autorisation de manifester devant l'OMC, alors que la presse, rapportant les dires de la police, avait affirmé que cette manifestation était interdite. Le malentendu réside dans le fait que la manifestation était autorisée, mais à 100 m de l'OMC.
Depuis le début de la campagne, M. de Marcellus a été surpris par la sensibilité de la population par rapport au problème de la mondialisation et par l'enthousiasme qu'a suscité la manifestation. Ce sont 8 000 personnes qui se sont déplacées, alors qu'on en attendait entre 2 000 et 5 000. Lors de la manifestation de samedi, la difficulté a consisté à contrôler une petite minorité.
En contact avec la police par le biais du commandant Baer, M. de Marcellus a rencontré ce dernier le vendredi précédant cette manifestation pour discuter de différents problèmes. M. Baer lui a dit de faire surtout attention à l'arrivée de la manifestation devant l'OMC pour qu'il n'y ait pas de tentatives de passer les barrières du périmètre interdit. M. Baer a averti qu'en cas de tentative de passer outre, la réaction de la police serait forte, la localisation étant politiquement sensible. Ainsi, selon M. de Marcellus, les organisateurs ont tout fait pour éviter les dérapages. D'ailleurs, lorsque les manifestants se sont retirés, M. Baer a félicité les organisateurs pour l'influence qu'ils ont eue sur la foule. Par ailleurs, M. de Marcellus précise qu'il était en contact permanent avec M. Baer par un appareil bip.
M. Hausser indique que trois manifestations ont été formellement organisées par l'AMP :
samedi après-midi : de la place Neuve à l'OMC ;
mardi : de la rue du Mont-Blanc à l'île Rousseau ;
mercredi à midi : sur la place des Nations.
Une 4e manifestation, à savoir le chahut de nuit, avait été prévue par le milieu syndical (le comité référendaire contre la loi sur le travail.) pour protester contre la loi sur le travail. Mais elle a été annulée suite aux événements de la nuit de samedi à dimanche.
Pour ce qui est des trois manifestations autorisées, les organisateurs ont travaillé de la même manière que pour d'autres manifestations. Ils ont pris contact avec la police et discuté du parcours, ainsi que des éléments sensibles, sachant que les deux parties ont un rôle différent à jouer. Le service d'ordre a été organisé de la manière habituelle, même s'il était plutôt renforcé en raison de la sensibilité de la situation et des annonces faites par la presse.
De fait, pour M. Hausser, la manifestation du samedi s'est bien déroulée, avec un contrôle correct, malgré quelques anicroches ciblées contre les banques. Il s'agissait davantage d'actes symboliques que d'une déprédation gratuite. L'affrontement avec la police a été évité, cette dernière s'étant conduite de manière remarquable, ne se laissant pas déborder malgré les jets de peinture et les insultes. Il en est de même pour la deuxième manifestation, qui a été dissoute sans difficulté.
La troisième manifestation devant l'ONU s'est déroulée de manière un peu différente. Alors que la volonté des organisateurs était de faire passer un message de non-violence, la réaction de la police a été excessive par rapport à la situation.
Quant aux problèmes qui ont eu lieu en ville, ils se sont produits totalement en marge des manifestations organisées par l'AMP. Cela s'est chaque fois passé après la dissolution de la manifestation.
M. de Marcellus ajoute que c'est une question de niveau. Il était lui-même en contact permanent avec M. Baer et a vu comment la police était manoeuvrée. La façon d'opérer de celle-ci était intelligente, sans provocations. Il précise que les gens du camping ont reçu et donné le signal de s'asseoir, ce que la police a compris. Les choses se sont alors calmées et la police a commencé à se retirer. Mais son repli s'est fait au mauvais endroit, à savoir à proximité d'un chantier d'où une poignée de personnes (une vingtaine) ont profité pour lancer des cailloux et ainsi provoquer la police.
Si M. de Marcellus n'a rien à dire sur le mouvement des troupes, il estime en revanche qu'il y a eu quelques bavures inexcusables, dont le tabassage d'une personne qui a fini aux soins intensifs avec les reins éclatés. Peut-être le problème se situe-t-il au niveau individuel de la résistance des hommes à la frustration et à la tension. Il est vrai que le lundi, deux policiers ont été agressés en dehors des manifestations. M. de Marcellus ajoute qu'il y a eu des matraquages dans les cars de la police. II y a manifestement eu un décalage entre les ordres donnés et le comportement individuel des policiers ; selon lui, le problème ne se situe pas au niveau du commandement.
Quant à la fin des manifestations, elles ont été annoncées au micro. Enfin, il a eu un contact avec M. Baer pendant la manifestation devant l'OMC et le samedi soir, du Centre Saint-Boniface.
M. de Marcellus reconnaît qu'il y a peut-être eu une erreur d'évaluation de la part de la police et des organisateurs. Le souci principal concernait la manifestation devant l'OMC. On était alors à mille lieues de penser que les problèmes se poseraient en ville. Ceux qui étaient à Plainpalais n'étaient pas des manifestants, mais des jeunes arrivés après coup. Il faut donc s'intéresser à ce nouveau phénomène social, les événements qui ont eu lieu n'ayant aucun lien avec l'OMC.
Par ailleurs, il qualifie l'intervention de l'hélicoptère de vaste « auto-goal», ameutant entre 400 et 500 personnes sur la Plaine à 2 heures du matin.
De son côté, M. Gargantini confirme que dans les dix minutes qui ont suivi le premier affrontement avec la police, 200 à 300 personnes sont venues assister au spectacle.
En ce qui concerne la casse, les organisateurs précisent que, grâce à une certaine expérience et à des relais dans des groupes de population, ils ont eu un écho de ce qui pourrait se passer. Mais même dans ces groupes, il n'y avait aucune information quant à l'éventuelle présence de casseurs. Le démarrage de la casse à la place des XXII-Cantons après 22 heures le samedi soir a été le fait d'un petit groupe d'inconnus.
Concernant le Palais de justice, M. de Marcellus estime qu'il y a eu toute une série d'arrestations injustifiées : une personne a été arrêtée le lundi matin à 9 heures alors qu'elle venait de rentrer à Genève et n'avait donc pas pu participer aux manifestations, une autre a été arrêtée trois fois de suite, chaque fois pour identification, et retenue pendant 6 à 8 heures, beaucoup d'autres ont été retenus trop longtemps, la tactique ayant été d'arrêter des jeunes dans la rue pour désorganiser ce qui se faisait.
Audition du comité anti-répression représenté par MM. Alain Riesen, responsable du Comité, et Pierre Linker, participant aux manifestations (25 juin 98).
M. Riesen précise que M. Linker a été témoin des violences policières.
Il informe que le comité est un comité ad hoc qui a été créé pour répondre aux familles, dont le but est de les soutenir et de réagir par rapport aux actions de la police. Il a été fondé juste après les événements avec une dizaine de personnes, dans le cadre de la Ligue des droits de l'Homme, lui-même étant membre de cette Ligue. Il paraissait nécessaire de recueillir les témoignages et les plaintes individuelles. D'ailleurs un petit livre est en cours d'élaboration. Pour l'heure, un mémorandum comprenant quatre témoignages est remis à la commission.
Selon M. Riesen, c'est la première fois qu'il y a une répression policière d'une telle ampleur. Des centaines de personnes ont été arrêtées pendant ou après les manifestations. Le climat était aux rafles et aux contrôles d'identité abusifs. Il existe de nombreux témoignages de brutalité constatée médicalement. Du point de vue du comité qu'il représente, l'attitude de la police était disproportionnée par rapport aux événements. C'est contre cette situation que le comité s'élève. 95 personnes ont été inculpées pour émeute et atteinte à la propriété. Le recours à la loi anti-émeute a été, selon M. Riesen, utilisé de manière arbitraire. Il ajoute que l'ensemble des organisateurs et des associations ont déploré et condamné la violence vis-à-vis des policiers et le bris des vitrines de commerçants. Lui-même n'est pas loin de penser qu'il y avait un caractère de provocation dans ces délits.
Par ailleurs, il souligne le fait que des manifestants ont été refoulés du territoire suisse de manière injustifiée. Certains se sont vu infliger une interdiction de territoire de 5 ans sans même avoir commis de délit. Il s'agit d'une mesure administrative grave. C'est pourquoi il serait utile d'envisager une amnistie générale par rapport à ces interdictions de séjouner en Suisse. Mais cela concerne les organes fédéraux. Ainsi, un appel a été lancé aux autorités policières et administratives pour qu'une amnistie soit déclarée et qu'un débat soit engagé.
M. Linker souhaite témoigner de ce qui lui est arrivé. Il a participé aux manifestations officielles de l'AMP, notamment à celle du mercredi sur la place des Nations dont le but était d'essayer d'entrer dans le bâtiment de l'ONU de façon pacifique et non-violente, ce qui a été clairement annoncé. Il s'est donc présenté en face des policiers et a reçu des coups de matraque sur le ventre et le torse ; il ne s'en plaint pas trop, car il s'y attendait. Mais après, lorsqu'il a réussi à se faufiler entre les policiers, il a d'abord été tiré par les cheveux et jeté à terre, puis violemment étranglé. Deux policiers l'ont ensuite relevé et maintenu pour l'immobiliser pendant qu'un troisième policier (non casqué) lui attrapait les testicules et le couvrait d'insultes. Ce policier a continué de lui serrer les testicules avant de le frapper violemment au visage, lui cassant le nez d'un seul coup.
M. Linker admet qu'il avait l'intention de franchir la barrière du périmètre de sécurité. Il ne se plaint d'ailleurs pas d'avoir été embarqué, mais d'avoir été immobilisé pour être frappé délibérément. La haine qui se dégageait des policiers était impressionnante.
M. Linker a ensuite été traîné à l'écart et attaché à une barrière avec des liens en plastique, et a une nouvelle fois été violenté (bras tordu, …). D'autres manifestants sont arrivés plus ou moins ensanglantés, et tous ont été emmenés en fourgon au Bachet-de-Pesay où ils ont été enchaînés ensemble à un poteau. Là, ils ont passé tout l'après-midi sans qu'une seule question leur soit posée, et personne ne s'est soucié de leur état. Les seuls « soins » ont consisté en un verre d'eau et un nettoyage du visage. Il n'y a même pas eu de contrôle d'identité.
M. Linker a été relâché en fin d'après-midi sur le site d'Artamis d'où il a rejoint l'hôpital par ses propres moyens. Une fois sur place, ses lésions ont été attestées par un médecin. On lui a précisé que s'il était arrivé dans l'heure qui suivait ses blessures, des soins appropriés auraient pu lui être prodigués.
Deux semaines plus tard, alors qu'il se trouvait aux alentours du Palais Wilson avant le rassemblement, 5 policiers l'ont interpellé et l'ont embarqué sans explication à Carl-Vogt où il a été interrogé pendant trois quart d'heure. Quand il a demandé pourquoi il avait été arrêté, on a prétexté, après avoir invoqué plusieurs motifs « bidons », qu'il ressemblait à une personne qui était recherchée.
M. Riesen précise qu'une vingtaine de personnes peuvent attester de ce type de violences. La réaction de la police était disproportionnée, notamment durant la manifestation devant l'ONU, ainsi qu'en dehors des manifestations.
M. Riesen indique qu'il a reçu 6 ou 7 copies de plaintes, mais estime leur nombre à une dizaine. Diverses personnes ont envoyé leur témoignage au comité, ainsi qu'une copie de leur certificat médical. Toutes ces personnes ont été blessées après les manifestations, ce qui est grave.
A la question d'un commissaire qui lui demande si des agents provocateurs ont entraîné les actes de vandalisme, M. Riesen répond qu'il y a eu provocation dans le sens que l'attaque contre les commerçants ne s'inscrivait pas dans l'action et la philosophie de la manifestation contre l'OMC. A son avis, il y a eu trois types de provocation. D'une part, avant les manifestations, un battage médiatique a annoncé des violences, alors que les organisateurs avaient clairement précisé qu'il s'agissait de manifestations non-violentes, issues du mouvement gandhien. D'autre part, de son point de vue, les bris de vitres étaient destinés à empêcher l'expression du mouvement contre l'OMC. Les effets de ce vandalisme ont été de casser une certaine expression populaire au sujet de l'OMC. M. Riesen estime que cette action de casse était délibérée dans ce but, et que d'autres ont suivi le mouvement.
M. Riesen ajoute qu'il ne sait pas qui sont ces casseurs. Quant à la troisième provocation, elle provient de la police et des nombreuses rafles qu'elle a effectuées.
Un commissaire demande qui a organisé la vente systématique de bière dans les manifestations, qui a cassé les feux rouges et ce qu'il en est de la voiture incendiée.
M. Riesen n'a aucune information concernant la vente de bière. Quant à la voiture incendiée, il était présent le samedi soir et affirme qu'il s'agissait d'une mise en scène pour une « street party ». La voiture a été amenée spécialement pour cette occasion. Il s'agissait d'un rituel lié au symbole de la voiture. Par ailleurs, il estime que, ce soir là, ce ne sont pas plus de 5 personnes qui ont commencé la casse en prenant des pavés et en les lançant aussi contre les feux de signalisation. Il les a vus, ça l'a rendu furieux et il condamne fermement les actes commis par ces personnes. La dynamique de la « street party » a été rompue et les gens sont alors partis, mais le mouvement des casseurs était enclenché.
Audition de la police, représentée par MM. Walpen (chef de la police), Prevosto (président de l'Association du personnel de la sûreté), Baer (commandant de la gendarmerie) et Gugliemetti (responsable du commissariat de campagne) (2 juillet 98).
M. Walpen déclare qu'il assume tous les ordres qui ont été donnés et en prend l'entière responsabilité.
Il aborde ensuite la façon dont les choses se sont déroulées avant les événements. La police a été confrontée à des problèmes multiples : assurer la sécurité des chefs d'Etat (dont M. Clinton) et des diplomates, surveiller les activités de l'AMP qui prévoyait diverses actions, dont une tentative d'entrer dans l'OMC et de stopper la conférence. Ainsi, la police s'est trouvée confrontée à une situation nouvelle qu'elle n'avait jamais vécue. Cette situation nécessitait des renforts, mais il n'a pas été fait appel à l'armée, car il était évident que les choses pouvaient mal se passer. Les renforts sont donc venus d'autres cantons, ce qui a constitué un dispositif relativement lourd. (Ce n'est que dimanche soir que sont arrivés 600 policiers confédérés qu'on a placé sur les sites de sécurité (ONU, OMC). Mais les effectifs sont restés insuffisants.)
A cela s'ajoute le fait que tous les délégués ne pouvaient siéger au même endroit. Il fallait donc assurer la sécurité du périmètre de l'OMC, de celui de l'ONU, ainsi que la distance entre les deux. En parallèle, la liberté d'expression des manifestants contre l'OMC devait être garantie ; on a donc pris le risque technique de laisser libre accès à la place des Nations, lieu symbolique. De plus, il fallait également gérer le quotidien de la police et assurer les transports des hôtels aux lieux des conférences. Pour ce qui est du déroulement chronologique des événements, il cède la parole à M. Baer.
M. Walpen propose de s'arrêter quelques instants sur ce qui s'est passé au Bachet-de-Pesay où avait été installé en souterrain un poste de police exceptionnel. Il indique qu'à aucun moment on avait pensé que les interpellations de manifestants seraient aussi nombreuses et que les locaux de ce commissariat de campagne s'avéreraient insuffisants. C'est à cette situation que M. Gugliemetti a dû faire face.
M. Gugliemetti indique que l'on prévoyait 10 à 15 interpellations par jour. Mais en réalité, il y en a eu entre 20 et 30. Une première salle était prévue pour une fouille sommaire et l'explication des motifs de l'interpellation. Une autre salle était destinée à une fouille plus approfondie et à l'enregistrement des dépositions. Mais le commissariat a vite été débordé et le matériel informatique s'est révélé insuffisant dès le vendredi matin avec déjà la présence d'une trentaine de personnes. Ces personnes ont été installées dans les locaux prévus, mais en raison de leur nombre, il a fallu les évacuer. Divers locaux ont été envisagés, dont le garage, mais la seule solution a été d'enchaîner les manifestants à un pilier, sachant qu'il fallait également assurer sa propre sécurité.
D'autres appareils ont ensuite été apportés pour entendre les gens plus rapidement, mais le système électrique n'a pas supporté les nombreux appareils, provoquant une panne. Il aurait également fallu plus de personnel, mais tout le monde était déjà mobilisé. Par ailleurs, un médecin était présent lors des premiers arrivages, mais il n'a pas pu rester. On a donc fait appel à un médecin chaque fois que c'était nécessaire. Quant à la nourriture, des Quick lunches et de l'eau ont été distribués. Chaque fois que cela était possible, on a essayé de garder une certaine propreté dans les locaux. Enfin, le commissariat a été débordé d'une telle façon que le personnel engagé le vendredi matin n'en est ressorti que le lundi 18 mai. Ils ont donc passé environ 40 heures sans arrêt dans ces locaux.
Reprenant la parole, M. Walpen insiste sur le fait qu'il s'agissait de conditions extrêmement difficiles et que la chaîne était la seule solution. C'est une leçon à retenir pour l'avenir : il faut trouver des locaux plus adéquats, cette situation risquant de se reproduire.
De son côté, M. Prevosto, au nom du personnel de la police, relève que M. Baer a bien défini les conditions de travail. Les cailloux, les insultes et le manque de sommeil font que les policiers étaient, à la fin, à bout de nerfs et de force. Dans ces conditions, il est intolérable d'émettre un quelconque jugement à l'encontre de ces hommes. Leur comportement a été exemplaire par rapport aux conséquences qui auraient pu en découler. Il faut relever le courage de certains gendarmes qui, blessés, ont décidé de continuer, par solidarité envers leurs collègues.
En revanche ce même respect ne s'adresse pas forcément au Gouvernement. Les conditions de travail, auxquelles sont venues s'ajouter les restrictions salariales et la proposition de ne pas payer les heures supplémentaires, créent un phénomène important de démotivation et donc un risque de dérapage. M. Prevosto estime que le nombre des blessés parmi les manifestants n'est pas très élevé si l'on tient compte des circonstances. Il ajoute que les propos outranciers de M. Ramseyer n'ont fait que radicaliser le mouvement. Quant aux manifestants, selon lui, des centaines d'entre eux étaient là pour casser (sur commande ?), dont certains jeunes « paumés », entraînant un phénomène de foule capable de tout. Pour ce qui est de la manifestation pacifique, dit-il, elle s'est déroulée sans problème.
M. Walpen indique que 18 plaintes ont été déposées dont 7 pour des cas de lésions corporelles, les autres concernant des contrôles illégaux. C'est peut-être 7 de trop, mais considérant la violence des événements, c'est peu par rapport à ce que ça aurait pu être. D'autre part, il relève que tout le monde s'interroge sur les responsabilités. La police est loin d'imputer aux organisateurs l'entière responsabilité de ces événements, car des éléments extérieurs incontrôlables sont venus pour piller. Pour M. Walpen, les organisateurs sont responsables par omission : ils n'ont pas pris suffisamment de dispositions. De plus, la manifestation devant l'ONU, le mercredi à midi, avec la ferme intention d'entrer dans le périmètre de sécurité, n'était pas incontrôlable, mais c'était une provocation intolérable. M. Walpen ajoute de manière générale qu'il faut faire la distinction entre le reflux des manifestants vers le centre-ville, en lien direct avec les gens qui ont participé à la manifestation, et les éléments extérieurs.
Suite à diverses questions des commissaires, les personnes auditionnées précisent les points suivants :
A propos de l'hélicoptère, M. Walpen indique que lorsqu'il y a une manifestation, la police est aveugle. Seule la voie des airs permet de voir où se déplacent les gens, ainsi que de surveiller le trafic. Bien qu'ayant une connotation agressive, l'hélicoptère est indispensable dans ce cas, parce qu'il n'est pas possible de gérer une manifestation en étant aveugle.
En ce qui concerne le rôle de la presse, il faut distinguer entre la presse écrite et la télévision. Il y a effectivement eu une conjoncture désagréable qui a augmenté les craintes de la police, d'autant plus qu'historiquement, c'était l'anniversaire de mai 68. M. Walpen ajoute que la presse audio-visuelle a constitué une « assurance-vie » pour la police, puisqu'elle a été présente de A à Z, 24 heures sur 24, notamment par l'intermédiaire des journalistes de « Temps Présent » ainsi que de l'équipe de FR3-Région (M. Masselot). Ainsi, rien n'a été caché. Les débordements de la police sont en réalité des calomnies. La mission de la police n'était pas de rester « zen » dans une situation aussi extrême, mais de donner de la force publique. Les gens ont été repoussés à la main et maîtrisés. Il n'y a donc pas eu de violence policière, mais usage de la force publique.
En ce qui concerne les relations avec les organisateurs, il était convenu qu'un Natel serait utilisé pour garder le contact. Le contact a effectivement été établi pendant la manifestation, puis le contact a été interrompu : soit ça ne répondait pas, soit les organisateurs se limitaient à demander quand les gens seraient libérés.
Pour ce qui est des « casseurs », M. Baer constate que des invitations ont été lancées dans le monde entier. Certains leaders y ont répondu. Cela concerne une frange de personnes d'ici et d'ailleurs (Italie, Allemagne, Suisse alémanique et surtout France), dont la culture de manifestations est différente.
Quant aux événements survenus à la place des Nations, la police a demandé aux manifestants de reculer. Puis elle a fait une sommation. Il n'y a pas eu de lacrymogènes, mais des refoulements et des interpellations. M. Baer insiste sur le fait que les policiers ont eu beaucoup de patience, peut-être trop d'ailleurs, au détriment de leur intégrité corporelle.
Audition de M. Jean Rossiaud, chercheur à l'Université (3 septembre 98).
M. Rossiaud explique que le groupe de recherches dont il fait partie s'est créé de manière spontanée avec un ensemble de personnes issues des départements de sociologie et de sciences politiques. Lui-même est maître-assistant de recherche et travaille à l'Université avec un mandat du Fonds national de la recherche scientifique (FNRS). Il a mis sur pied un observatoire du système mondial des mouvements sociaux, pour lequel il a pris contact avec des assistants en sciences politiques. M. Rossiaud assure la coordination du groupe de recherches avec M. Dominique Wisler du Département de sciences politiques.
Le travail du groupe comporte deux orientations : la première concerne le phénomène de la violence par rapport aux événements et à un contexte plus large (données structurelles), comprenant également une étude sur les 10 à 20 dernières années à Genève (données conjoncturelles), notamment en tant que ville internationale. L'autre orientation consiste à dégager le caractère particulier de l'expérience genevoise, en partant du principe que la violence est une forme de relation. Cela ne concerne donc pas seulement la violence des jeunes, mais surtout les mécanismes de dérapages. Ainsi, il ne s'agit pas, pour cette recherche, de désigner les fautifs, mais de comprendre comment chaque acteur contribue à son niveau à l'émergence de la violence, ainsi qu'à sa résorption.
Le groupe n'a pas été mandaté par l'Université, ce qui le laisse libre dans sa manière de poser les problèmes. Le groupe a établi un catalogue de questions qui seront traitées en sous-groupes. M. Rossiaud poursuit en mentionnant les trois directions dans lesquelles se dirigent les recherches :
l'analyse systématique de la presse, effectuée par M. Wisler, expert en ce domaine, comprend une analyse critique des discours et une chronologie des événements ;
deux assistants, travaillant aussi comme animateurs dans des centres de loisirs, profitent de leurs contacts quasi quotidiens avec les jeunes pour leur poser des questions de manière indirecte sur leur rapport à la violence et aux institutions ;
le travail auprès de groupes tels que l'AMP, les syndicats de police et les journalistes tente de déterminer leurs rapports respectifs à la violence et leur rôle dans les événements. Le but est de privilégier une vision pratique en mettant les acteurs en face de leurs responsabilités face à la violence. Il s'agit d'une méthode peu appliquée à Genève, contrairement à Paris, par exemple.
Revenant sur la question de la grille de lecture, M. Rossiaud affirme que l'on ne peut pas concevoir une étude sur les événements sans prendre en compte le contexte structurel, comme par exemple la modification des paramètres de la société industrielle, ainsi que le contexte conjoncturel. En effet, depuis la fin de la guerre froide, avec la globalisation, le statut de ville internationale de Genève, les changements successifs de Conseillers d'Etat, des choses nouvelles sont apparues. Il se trouve que les événements sont liés à l'OMC, organisation internationale, ce qui a amené des manifestants de l'extérieur.
Selon lui, ni ces derniers, ni l'AMP ne sont responsables de la violence, mais il faut regarder du côté du contexte général.
M. Rossiaud aborde enfin la question de la déontologie. Le groupe n'a pas de charte, mais la perspective dans laquelle il travaille est que si le conflit est inévitable, la violence, en revanche, n'est pas inéluctable. Ainsi, considérer des conflits sans l'intervention de la violence est du domaine du possible. Lui-même ne se décrit pas comme non-violent, mais se dit contre l'usage abusif de la violence. Ce qui l'intéresse, c'est la résolution pacifique des conflits. Dans une vision structurelle, il est clair que la violence a toujours existé. Au niveau conjoncturel, avec la fin de la guerre froide, le rapport à la violence a changé, notamment dans les milieux d'extrême-gauche. On remarque aussi une évolution de la police genevoise depuis M. Fontanet. Pour en revenir aux événements, on dénote différents types de manifestants : les partisans de l'AMP, les personnes venues de l'extérieur, les jeunes et les squatters (ou le mouvement de contre-culture). Chaque groupe doit être différencié.
Une commissaire demande si les débordements qui ont eu lieu auraient pu se produire ailleurs en Suisse ou si Genève est un cas particulier.
M. Rossiaud indique que selon le type d'événement, local, national ou international, il attire un public différent. La mondialisation de l'économie a également entraîné celle des réseaux. La question qu'on peut se poser, c'est : pourquoi Genève tend-elle à devenir une ville « comme les autres » (Lyon, Zurich, Berne, etc.). Lui-même va participer prochainement à un colloque sur la violence urbaine, qui aura lieu à Madrid. Cela dit, il considère que Genève constitue un cas à part, même s'il est difficile de dire pourquoi. Sans doute faut-il regarder du côté de l'évolution politique.
La présidente évoque l'existence de trois groupes, à savoir celui des experts mandatés par le Conseil d'Etat, la présente commission et le groupe de recherche en sociologie. Elle demande s'il est utile d'avoir ces trois différents groupes.
M. Rossiaud estime qu'une concertation entre les groupes ne serait pas inutile, sachant que la commission d'enquête ne travaille pas au même niveau que les experts ou que les universitaires.
Audition de M. Gross, commerçant (3 septembre 98).
M. Gross se demande pourquoi on s'en est pris aux commerçants et pourquoi la police n'a pas réagi. Il estime que les commerçants sont les laissés pour compte des événements. Pour lui, l'Etat n'a rien fait. Il n'a d'ailleurs reçu aucun téléphone, aucun encouragement. Concernant les indemnités, son assurance a accepté de couvrir les frais. Néanmoins, M. Gross est resté un mois et demi sans travail.
M. Gross indique que son magasin, situé sur la place Isaac-Mercier, a été totalement saccagé à deux reprises : la première fois, dans la nuit du samedi au dimanche, il a reçu un appel téléphonique d'un ami vers 1 heure du matin, lui signalant que son magasin était la cible de pilleurs. Deux vitrines ont été brisées, une partie du matériel a été volé, une autre partie a servi à fracasser des voitures. M. Gross a appelé à trois reprises le 117, et on lui a répondu de venir déposer plainte le lundi matin. Il a passé une nuit blanche, muni d'une arme, à surveiller son magasin. Le dimanche il a fait des travaux pour remettre en ordre le magasin et installer des vitrines provisoires, le tout à ses frais. La deuxième fois s'est produite dans la nuit de lundi à mardi où, de nouveau, il y a eu casse et vol. M. Gross précise qu'il dispose d'un système d'alarme, mais que, lors de son intervention, la société de surveillance a été bloquée par la police sur la rue de Lausanne. Lui-même a été prévenu par cette société. Quant au vol, il n'y a pas eu de tri : ce qui n'a pas été volé a été saccagé. Le bilan des dégâts et des vols s'élève à Fr. 75 000.-.
Par ailleurs, il a signalé à la police la présence de 5 camionnettes portant des plaques allemandes avec des gens qui chargeaient du matériel.
Il ajoute que selon le témoignage des voisins, il y aurait eu un char transportant des pavés dans lequel se servaient un nombre important de types cagoulés.
Audition de M. André Klopmann, rédacteur en chef d'« Info-Dimanche » (17 septembre 98).
M. Klopmann rappelle que la première parution d'« Info-Dimanche » date du dimanche 17 mai, soit le lendemain de la première manifestation ; d'autres ont suivi les dimanches suivants. Ainsi, ce journal n'a rien publié avant les manifestations. Ensuite, plusieurs journalistes et photographes ont été envoyés sur le terrain, présumant que les choses pouvaient mal se passer.
Pour lever toute ambiguïté, il précise que le 17 mai, deux types d'articles ont paru, à savoir d'une part des portraits de personnalités genevoises engagées, d'autre part des comptes-rendus de la manifestation. Il reconnaît que le titre de cette édition était un titre « choc » et informe la commission que plainte a été déposée, notamment par M. Pagani. Il y a donc litige sur ce point.
Sur l'attitude générale de la presse, il admet que celle-ci a annoncé une montée de la violence. Lui-même a reçu de la documentation, et bénéficie d'« oreilles » dans la République. Il savait que la tension était en train de monter, que les policiers étaient sur les dents, et que certains messages ont été diffusés aux postes-frontières. Ce n'était donc pas du cinéma, il y avait un risque objectif d'infiltration. Selon lui, si les messages qu'il a reçus avaient été aussi bien perçus par l'ensemble du dispositif de sécurité, les responsables de ce dernier n'auraient pas commis de gaffe. Il cite l'exemple, anecdotique, mais néanmoins révélateur, de la présence de la pile de pavés. Ainsi, la presse n'a fait que signaler une montée de tension et tout le monde savait qu'il allait se passer quelque-chose.
M. Klopmann, concernant les signaux qui ont conduit à la décision de donner l'alerte, indique que le journal disposait de certaines informations et de documents. Parmi eux figurait un tract annonçant une conférence sur la résistance pacifique à la violence policière. De plus, le propre d'un journaliste est de pouvoir sentir ce qui pourrait se passer. Dans ce cas, le risque était fort, sans pour autant que l'on puisse affirmer quoi que ce soit. Pour ce qui est de l'alerte, la question était effectivement: « que faire ? » Lorsque l'on sait que la République s'apprête à recevoir des gens susceptibles de noyauter des manifestations, par ailleurs pacifiques et autorisées, faut-il ou non se taire ? En ce qui concerne les effets pervers des informations publiées par la presse, les raisons objectives des manifestants ont été plus ou moins traitées, en raison du caractère rare et impressionnant des événements. On n'a pas vu à Genève de tels événements depuis les manifestations anti-franquistes. C'est ce qui a frappé l'ensemble de la population. Et c'est vrai que tout cela a masqué les raisons objectives des manifestations.
Audition de MM. Patrice Mugny et Olivier Chavaz, rédacteur en chef et rédacteur du « Courrier » (17 septembre 98).
M. Mugny indique que « Le Courrier » a publié 16 pages spéciales avant les événements et mis deux journalistes à plein-temps sur le sujet. En tout, ce sont plus de cent articles qui ont été consacrés aux conférences et aux manifestations. On avait l'impression d'être en état de siège dès avant les débordements. M. Mugny ajoute que la presse a joué un rôle d'amplificateur en insistant sur une mise en scène terrifiante. C'était hallucinant.
Il rappelle qu'en février déjà, des gens du monde entier se sont réunis à Genève et ont décidé d'agir de manière forte. Donc déjà à ce moment, il y a eu l'annonce d'une manifestation radicale, mais non-violente. Il ajoute que sous M. Fontanet, les choses ne se seraient sans doute pas passées de la même manière, et constate que la tension a augmenté. M. Mugny voit clairement que MM. Fontanet et Ziegler avaient réussi à créer un climat pacifique lors des manifestations, laissant ainsi une large part à l'expression de la population. L'attitude de M. Ramseyer n'est pas la même et a créé une situation qui peut se reproduire. Cette situation est donc mal gérée. Du point de vue de la justice, il n'est pas admissible que l'on condamne des manifestants, alors que certains policiers n'ont même pas été inquiétés. M. Mugny estime que la police, telle que gérée actuellement, est digne de certains régimes, créant une ambiance déplaisante et qui risque de conduire à des accidents graves. A son avis, des sanctions doivent être prises.
Quant à ce qu'il faudrait faire avant, M. Mugny indique qu'il faut être conscient qu'une dose de rage couve chez certains manifestants, rage qui s'exprime, sans que l'on puisse dire ce qui va se passer. Il trouve présomptueux de dire que l'on pouvait prévoir ce qui allait se passer. Lui-même n'a pas imaginé que les événements tourneraient ainsi. Bien sûr, le fait qu'il y ait eu quelques vitrines brisées et quelques pots de peinture balancés était à prévoir. M. Mugny indique qu'il faut faire une distinction importante entre les choses et les gens : un pot de peinture n'est pas du même niveau que le tabassage d'un policier. Lui-même condamne la violence physique. Quant aux vitrines des magasins, il reconnaît que cette casse est un acte stupide, même s'il est moins violent. Et c'est le genre d'actes qu'on pouvait imaginer.
M. Chavaz dit ne pas être étonné par les événements du samedi après-midi, mais il ne voit pas comment on pouvait subodorer ceux du soir. Il précise qu'il a assisté à la manifestation de bout en bout, et qu'il n'a constaté comme dégâts que des traces de peinture, et autres déprédations habituelles et ciblées. Il estime que, pour une manifestation de 5 000 personnes, les dégâts sont dans la limite du supportable.
A la conférence de l'OMC, précise M. Mugny, se déroulait un débat fondamental sur l'avenir de l'humanité. Le fait que des jeunes se révoltent et que des gens manifestent constitue une réaction plutôt saine et salutaire. Et si le prix à payer pour cela est une montée de la tension et un peu de casse, ce n'est pas cher payé, car ce qui se passe dans le monde est bien plus grave. Il y a donc une dichotomie complète. Même les pires manifestations seront toujours moins graves que le terrorisme.
Pour ce qui est des raisons du dérapage, personne n'a de réponse à ce sujet. M. Mugny pense qu'il s'agit d'une réaction évidente d'une certaine jeunesse à une certaine société. Enfin, concernant les gens venus de l'extérieur, il n'a pas été prouvé qu'il y avait plus de casseurs venus de l'extérieur que de l'intérieur. D'ailleurs, pourquoi aurait-on fermé les frontières aux manifestants étrangers, alors qu'on laisse passer sans discussion d'autres personnes, comme certains banquiers…
Audition des journalistes de la Télévision suisse romande et de FR3 : MM. Labévière, Mariot, Boubet, Masselot et Genier (24 septembre 98).
M. Masselot précise qu'il peut faire état d'une parfaite collaboration avec la police. Pour le reste, il laisse s'exprimer les autres journalistes.
M. Labévière précise que ces reportages ont été faits en collaboration avec la TSR pour avoir le maximum d'équipes de prises de vue. Il souhaite, par ailleurs, faire trois remarques. La première, c'est que, comparativement aux conférences de ce genre auxquelles il a pu assister, il est étonnant de constater la manière dont l'OMC a organisé la sienne. D'habitude, en effet, en parallèle aux conférences d'Etats, se déroulent celles des ONG, ce qui permet la circulation de l'une à l'autre et le dialogue entre Etat et société civile. Ainsi, en terme de responsabilité, l'OMC peut se poser des questions, du fait que les ONG n'aient pas été associées aux rencontres. Pour lui, il était évident que les ONG trouveraient, de toutes manières, une façon de s'exprimer.
La deuxième remarque concerne l'aspect police/manifestants (anti-OMC et autres). D'une part, M. Labévière a trouvé intéressant le découpage de l'espace urbain des manifestants. Il estime qu'il y avait là matière à une osmose qui aurait pu être sympathique. D'autre part, par rapport à la « violence policière », il juge que l'attitude de la police était plutôt à la détente et à la maîtrise, précisant qu'il s'agit là d'une vision personnelle. A aucun moment, il n'a assisté à une volonté délibérée de violence, même lors de l'évacuation d'Artamis.
Par ailleurs, M. Labevière se dit étonné par l'absence de service d'ordre lors de la manifestation du samedi, dans la mesure où, avant même le début de la manifestation, une équipe de journalistes de la Télévision s'est fait agresser et braquer par des manifestants. Il a communiqué son étonnement aux organisateurs de la manifestation. Pour ce qui est de la manifestation à la place des Nations, il y avait là aussi une volonté que tout se passe bien. Il se trouve que les manifestants voulaient entrer dans le périmètre de sécurité, dépassant ainsi le point de non-retour. Enfin, toujours comparativement, M. Labévière pense que l'appareil sécuritaire était clairement sous-dimensionné.
La troisième remarque concerne la manière d'appréhender les actes violents. Vouloir les imputer aux étrangers et au milieu des squatters n'est pas satisfaisant. M. Labévière qualifie ces actes de violence de « hooliganisme sans football ». Lui-même a essayé de discuter avec les agresseurs, constatant l'absence de tout discours politique, pro- ou anti-OMC. Cette violence doit être assimilée à de la délinquance, pratiquée par des jeunes de 15 à 30 ans montrant une grande volonté d'apparaître, de s'affirmer. Leur comportement de groupe est assimilable à celui d'une tribu urbaine. La signification de la confrontation qu'ils recherchent pourrait être : « on existe ». Ainsi, l'aspect social tient une large place dans les événements, avec une grande volonté d'être reconnu.
M. Mariot confirme les propos de M. Labévière. Lui-même n'a été sur le terrain que lundi et mardi. Il a, lui aussi, remarqué cette dépolitisation de la violence, distinguant les manifestants anti-OMC des « hooligans ». Cette violence est l'expression d'une haine et non d'une volonté politique de changer quelque chose. L'exemple de la casse du magasin Sounds montre clairement qu'il n'y avait aucun rapport avec l'OMC. Pour ce qui est de la violence policière, il estime également qu'elle n'a pas été excessive, du moins pour ce qu'il en a vu. Il a assisté à une ou deux arrestations fermes, mais sans tabassage. Concernant l'organisation policière, elle lui a aussi paru faible, ne donnant pas l'impression d'une organisation ni d'un effectif suffisant.
M. Boubet confirme les propos de M. Masselot quant à l'accord passé avec M. Walpen : les journalistes ont effectivement pu travailler partout et correctement. Il n'a pas non plus remarqué de violence particulière, et précise qu'un micro-émetteur avait été installé sur le commandant Baer lors de la manifestation sur la place des Nations, sous réserve de confidentialité. Ainsi, ils ont pu écouter comment la manifestation était gérée et constater que la police a veillé en permanence à ce qu'il n'y ait aucun débordement. L'ensemble a été géré avec beaucoup de psychologie et avec la volonté de ne pas envenimer les choses. Pour ce qui est des nuits d'émeutes, elles n'ont rien à voir avec la nature des manifestations de la journée. C'est une autre population qui a profité de l'air insurrectionnel pour se livrer à de la casse. En fait, Genève a découvert un phénomène qui existe déjà ailleurs, en France notamment. Ces « nains à bonnet » ont simplement profité d'une occasion de débordement. Et il est réducteur de dire qu'il s'agit de jeunes des banlieues.
M. Genier estime que le dispositif policier mis sur pied le samedi était bien organisé, les quelques dégâts ayant été assumés. Ensuite, durant la nuit, c'est un noyau dur de gens qui s'est manifesté, avec lequel on n'a pas eu de contacts. Et à ce moment, c'était déjà trop tard. D'habitude, les journalistes essaient de prendre contact, avant les événements, avec les personnes susceptibles de se manifester. Or, dans ce cas, la discussion n'était pas possible sur le moment, car les médias représentaient le camp d'en face. M. Genier pense qu'il y a des tribus qui vivent en noyau fermé, influencées par l'éducation, la télévision et l'image de la police. Il rapporte qu'il a entendu des jeunes se contacter par Natel, rigolant à l'avance de ce qui pourrait se produire. S'il n'y a pas eu de déferlement, il y a quand même eu cet aspect de facilité de mouvement, liée à la possession de Natel et de voitures. Ainsi, il n'y avait aucun problème de réunir des gens venant de loin pour improviser quelque chose.
M. Genier ajoute qu'au noyau dur du milieu alternatif se sont greffés des opportunistes décidés à s'en « payer une bonne tranche », des badauds, des gens sortant des boîtes de nuit et des habitants du quartier de Plainpalais. Il y a quelque part une réflexion à faire pour sortir de l'absence de dialogue associée à l'absence de discours politique. On a perdu le contact avec une partie de la population qui a ses propres codes. Ainsi, il y a des pistes à creuser sur l'absence de communication. Parce qu'une fois dans la rue, c'est trop tard.
Pour sa part, M. Labévière estime que les causes de la violence sont en lien avec l'objet spécifique de la conférence. Cette réunion est tombée au moment où apparaissent de graves problèmes sociaux, y compris à Genève. L'OMC devient ainsi le révélateur et cristallise l'inquiétude des gens. Il y a donc un « effet OMC ». Ce qui peut se comprendre quand on est au chômage et que l'on voit les puissants de ce monde se pavaner à Davos. Et il est frappant de voir à quel point ce point de vue n'avait aucun espace pour s'exprimer. M. Labévière a suivi les petites réunions des ONG qui n'ont pas été insérées dans le processus et a constaté la frustration de ces acteurs de la société civile, dont la parole n'est pas reconnue. Il aurait donc fallu opter pour le principe du débat multilatéral.
Concernant le sous-dimensionnement de l'appareil sécuritaire, il rappelle que la visite de M. Clinton en Allemagne a mobilisé 2 000 policiers, soit le double de l'effectif prévu à Genève. Il ajoute qu'il a trouvé plutôt sympa que Genève n'ait pas engagé l'armée. Cela dit, au sous-dimensionnement s'ajoute le manque d'expérience face aux tribus urbaines, particulièrement flagrant dans l'absence de mobilité.
Quant au rôle de la presse, M. Labévière ne veut pas charger ses collègues. Il se dit cependant étonné par le parallèle qui a été fait avec mai 68. Il ajoute que dans l'émission « Temps Présent », on a essayé de suivre les événements et de restituer la parole à l'alternative politique critiquant le processus défendu par l'OMC. La violence des événements a occulté ces discours et les apports intéressants des militants venus apporter une autre vision de la mondialisation.
M. Mariot, quant à lui, rappelle, au sujet de la responsabilité des organisateurs de la manifestation, que manifestants et « hooligans » n'étaient pas les mêmes personnes, et pose la question de savoir si l'on peut demander aux organisateurs de se montrer capables de contrôler tous les débordements.
M. Genier souligne que, si les organisateurs n'ont pas fait preuve d'une maturité exemplaire, les manifestations ont néanmoins été relativement bien maîtrisées. Ils ont fait ce qu'ils ont pu, sachant qu'ils ont une expérience à acquérir. M. Genier affirme qu'il était de notoriété publique que des groupes préparaient quelque chose et indique que certaines personnes fuyaient délibérément les caméras.
Enfin, M. Boubet ajoute que les journalistes ont pu suivre de près également le côté des manifestants. Jamais M. de Marcellus ne s'est opposé à l'activité des journalistes.
Audition de M. Marco Cattaneo, rédacteur en chef de « La Tribune de Genève ».
Suite à un concours de circonstances, convoqué à deux reprises, M. Cattaneo n'a finalement pas pu être auditionné par la commission.
Audition de M. Jean-Pierre Garbade, avocat de manifestants interpellés (8 octobre 98).
M. Garbade indique qu'il défend une trentaine de personnes qui ont été interpellées, et dont les noms et les dossiers pénaux figurent dans la documentation qu'il a remise à la commission. Il fait remarquer que ces dossiers sont vides. Il ne représente donc pas la majorité des personnes interpellées, qui sont au nombre de 300 à 400, et précise que ces interpellations n'ont pas eu lieu lors des manifestations, mais le dimanche et le lundi, alors qu'aucune manifestation n'était organisée. Des rafles ont été effectuées dans la rue et les motifs d'arrestations ont été d'ordre préventif, afin d'éviter de futurs débordements. Or, dans un Etat de droit, ce genre d'arrestation ne devrait être qu'exceptionnel, en cas de danger imminent et particulièrement grave.
Il rappelle que certaines personnes ont été emmenées au poste du Bachet, puis libérées. Dès lundi, la tactique a été modifiée : trois juges d'instruction ont ordonné l'arrestation de personnes durant 2, 3 et 5 jours, prétendument pour les besoins de l'enquête. Mais aucune instruction n'a été faite. Les arrestations visaient en réalité le maintien en détention d'un maximum de monde possible pour éviter les débordements. Concernant les étrangers, les juges ont obtenu de Berne des interdictions d'entrer sur le territoire suisse.
Par ailleurs, M. Garbade signale aux commissaires que dans les dossiers de police dont il a eu connaissance, plusieurs éléments sont inexacts. Par exemple, il est indiqué que certaines personnes ont été arrêtées durant les manifestations. Or, si l'on considère l'heure de l'arrestation, on constate qu'elle se situe en-dehors de toute manifestation. Il n'y a qu'une seule personne dont la détention n'a pas été arbitraire, et qui a été arrêtée lors d'une manifestation.
Deux grandes rafles ont été effectuées. La première a eu lieu le mardi 19 au matin, au cimetière des Rois. La seconde s'est produite le soir, sur le site d'Artamis, où plusieurs personnes étaient venues dormir, alors que les émeutes avaient lieu à Plainpalais. D'ailleurs, sur la Plaine, la police avait disposé des cordons et envoyé des lacrymogènes pour chasser les gens en direction d'Artamis. Puis elle a arrêté tout le monde, sans distinction. Deux à trois mois étant passés, on pouvait penser que des comparaisons auraient été faites avec des photos prises lors des émeutes. Parmi les personnes arrêtées, une seule a été reconnue d'après une photo qui avait été prise lors de la manifestation anti-répression à la douane de Moillesullaz, le dimanche à 22 heures. Cette personne a été arrêtée trois jours plus tard dans la rue, et on lui a reproché d'avoir participé à une émeute. Ainsi, M. Garbade estime qu'il y a eu des abus de la part des policiers et des juges d'instruction.
La deuxième partie des documents remis à la commission d'enquête concerne 15 plaintes pénales qui ont été déposées en se référant à l'art. 114 sur le contrôle d'identité. M. Garbade relève que les formulaires qui ont été remplis l'ont été de manière objective, reconnaissant par exemple le fait que les fouilles corporelles ont été faites dans les règles, soit en deux temps. A ce jour, il n'y a pas encore eu de réponse. Dans les documents qu'il leur a remis, les commissaires trouveront également tout ce qui concerne le poste du Bachet: le fait que les personnes interpellées ont été attachées à un poteau durant trois heures, qu'elles ont été arrêtées de manière arbitraire, qu'elles n'ont reçu ni à boire, ni à manger.
D'autre part, dans ces mêmes documents figure un rapport selon lequel un juge d'instruction a donné l'ordre que les personnes relaxées ne soient libérées ni ensemble, ni devant la porte, mais en pleine campagne, à 300 mètres d'un arrêt de bus. Une personne a même été déposée en rase campagne. Cette situation a été particulièrement mal vécue par des Suisses allemands qui ne connaissaient pas la région. Ainsi, ce n'est qu'à 19 heures, au lieu de 11 heures, que ces personnes ont pu regagner le centre-ville. Ces dispositions auraient été prises soi-disant pour éviter que les interpellés ne rejoignent les manifestations. Or, ces personnes ont été libérées le vendredi 25, soit plusieurs jours après les manifestations. Il y a donc manifestement chicane et abus d'autorité. D'autre personnes ont également été mises directement dans le train pour Zurich, alors que rien n'avait été retenu contre elles.
M. Garbade observe que le même schéma d'arrestations arbitraires s'est produit à Amsterdam, lors de la conférence des ministres de l'Union européenne. Le tribunal vient de condamner l'Etat néerlandais à verser des dommages et intérêts, pour un montant d'environ 1 million de francs. M. Garbade a lui aussi l'intention de demander des dommages et intérêts à l'Etat de Genève. Si tous les plaignants faisaient de même, l'Etat se verrait condamné à verser près de 3 millions de francs, soit 8 000 F par plaignant, comprenant l'assistance juridique et le temps de détention.
M. Garbade attire l'attention des commissaires sur quelques dossiers particuliers. L'un concerne une arrestation sur le pont des Bergues, le lundi 18 : la personne a été détenue trois jours « à titre préventif ». Le même motif a été invoqué concernant une personne interpellée à la rue des Voisins, alors qu'elle était en train de téléphoner sur son Natel. Un autre dossier est en attente de la décision du Conseil d'Etat d'écrire à Berne pour annuler une interdiction de séjour pour une personne qui n'a pas été inculpée.
M. Garbade poursuit en soulignant qu'aucune des personnes qu'il défend n'a été accusée et aucun rapport ne mentionne de dommages à la propriété. Les juges ne se fondent que sur des ouï-dire et sur des articles de presse. Il évoque ensuite la tactique habituelle de la police qui consiste à envoyer dans les émeutes les gendarmes qui connaissent les squatters ; il est demandé à ces policiers de ne pas intervenir durant la manifestation. Ce n'est qu'après celle-ci qu'un rapport est établi. Ce système n'est évidemment pas fiable, car peu précis. Dans le cadre des manifestations contre l'OMC, le problème est que, dès le départ, la police avait assimilé l'AMP aux casseurs. Ainsi, au lieu d'arrêter ces derniers, elle s'est acharnée sur l'AMP.
La troisième partie des documents est issue des cinq personnes que M. Garbade a engagées pour parcourir les manifestations, munies d'un dictaphone. Il a demandé au procureur général, ainsi qu'au chef de la police que ces personnes ne soient pas inquiétées. Mais les deux ont refusé. Néanmoins, les cinq personnes ont pu faire leur travail et retranscrire heure par heure ce qui s'est passé. M. Garbade estime que leurs compte-rendus sont assez objectifs et que leurs observations permettent de compléter la connaissance des événements. M. Garbade demande par ailleurs que les noms figurant dans les dossiers soient gardés confidentiels.
Il évoque ensuite le cas d'un journaliste arrêté à Moillesullaz. Ce qui est intéressant c'est que, plus tard, il s'est rendu à Berne pour voir sa fiche ISIS, (le fichier de sécurité de l'Etat), et ce avant le 1er juillet, date à partir de laquelle ce fichier n'est plus accessible au public. Ce journaliste a découvert une page entière noircie de noms de personnes ayant soi-disant participé à des émeutes violentes à Genève. Il faut savoir que ces informations ont été transmises en Allemagne, et probablement aux Etats-Unis, étant donné que la prochaine conférence de l'OMC se tiendra à Washington. Ainsi, les personnes dont le nom a été transmis se verront interdites de séjour. M. Garbade estime qu'il s'agit d'un risque inconsidéré que de faire passer des personnes pour des ennemis de l'Etat ayant participé à des émeutes violentes. Non seulement la police a fourni de fausses informations, mais en plus il n'y a pas moyen de les vérifier. Les conséquences personnelles peuvent aller très loin.
M. Garbade souhaite enfin que le Conseil d'Etat accepte de dédommager les plaignants pour éviter un recours au Tribunal fédéral. Il précise que le Conseil d'Etat n'a pas encore été interpellé : il attend que les non-lieu soient prononcés.
M. Garbade poursuit en évoquant la voiture en feu, acte qui relevait d'un rituel théâtral ou d'un « living theatre », la voiture étant de toute manière vouée à la démolition. Il y avait de la musique techno, mais l'ambiance était plutôt calme. En revanche, sur le parvis de Notre-Dame, des personnes se sont mises à enlever les pavés et à les entasser, avant d'aller les jeter du côté de la rue Plantamour. Une question se pose : que faisait la police pendant ce temps-là ? En fait, elle ne se trouvait pas au bon endroit, à cause de l'amalgame qu'elle faisait entre AMP et casseurs. Les inspecteurs en civil auraient pu voir ce qui se passait, mais la police n'est pas intervenue, parce qu'elle avait reçu l'ordre de n'arrêter personne. Dès que les gens ont appris qu'il y avait de la casse, la musique s'est arrêtée, et les gens sont partis. Autre fait typique : toujours le même soir, mais quelques minutes plus tard, il y avait un cordon policier qui refoulait les gens sur la rue James-Fazy. Pendant ce temps, à deux mètres derrière les policiers, des casseurs poursuivaient leur oeuvre de destruction. Un des policiers a saisi l'un des casseurs et l'a vivement tancé. Le jeune lui a répondu, mais il n'a pas été arrêté. Ainsi, les débordements ont pu se poursuivre.
M. Garbade indique que ce genre de situation risque de se répéter, voire de s'aggraver, en raison de la récession économique et des problèmes sociaux qui y sont liés. Cette violence qui émerge est du même ordre que celle qui se produit à la sortie d'un match de football. Elle n'a rien à voir ni avec l'AMP, ni avec l'OMC. Il s'agit du même phénomène que le hooliganisme : des personnes s'identifient à un groupe en une occasion particulière. La police doit donc modifier son interprétation de la situation, ainsi que sa tactique. Sinon, les policiers resteront dans un état de frustration les poussant à chercher un ennemi, comme l'a démontré l'affaire « Sissi ». Actuellement, la cible privilégiée de la police est le milieu des squatters. D'ailleurs, ce ne sont pas des Genevois qui ont tabassé des policiers, mais des Français, alors qu'on a pu dire que c'étaient toujours les mêmes. M. Garbade précise que ses propos sont subjectifs et qu'il s'agit surtout d'impressions.
Audition de M. Alain Mathieu, éducateur de rue (26 novembre 98).
La présidente prévient M. Mathieu que sa collègue, Mme Ariane Piguet, dont l'audition était également prévue pour cette séance, n'a pas reçu l'autorisation de venir s'exprimer. Elle demande donc si M. Mathieu est aussi fonctionnaire.
M. Mathieu répond que non.
La présidente le remercie d'être venu et lui explique le but de la commission. Celle-ci souhaiterait l'entendre notamment à propos de ce qu'il perçoit comme message de la part des jeunes de la rue qu'il fréquente.
M. Mathieu a été engagé par les communes de Perly, Plan-les-Ouates, Grand-Lancy, Carouge et Bernex comme travailleur social. Sa mission est d'ordre préventif auprès de jeunes qui pourraient poser problème. Son travail est essentiellement d'assurer un lien social. En prenant l'exemple d'un bus que des jeunes ont démoli, alors qu'il leur appartenait, M. Mathieu explique le principe de l'étincelle (qui met le feu aux poudres). Selon lui, durant les manifestations contre l'OMC, l'étincelle a été fournie par le monde des adultes, en raison des enjeux de la conférence. A cela s'est ajouté un dispositif impressionnant, comme la présence d'un hélicoptère, ce qu'il n'avait personnellement jamais connu.
M. Mathieu se dit frappé par la présence de trois groupes d'intervenants. D'une part, les jeunes qui sont venus casser, sans préméditation et sans conviction politique. D'autre part, la police, particulièrement présente. Enfin, un groupe d'adultes constitué de travailleurs sociaux, de politiques, de journalistes, et venu pour comprendre. Ainsi, dans l'inconscient collectif, il y avait déjà un indice que quelque chose allait se passer. Cette troisième force a joué un rôle positif. Il y a 20 ans, ce groupe ne serait pas intervenu pendant les échauffourées.
En ce qui concerne les jeunes, même s'ils s'ont venus à titre individuel, ils ont exprimé quelque chose d'important par rapport à leur système de pensée. Une centaine d'entre eux étaient en train de poser un acte civique. Il y a eu, lors de ces journées, estime M. Mathieu, deux moments importants. Lors de la première manifestation, la police était là pour protéger les endroits stratégiques par rapport à la conférence de l'OMC. Mardi, la police a eu une autre attitude. On a eu l'impression d'un jeu vidéo géant du chat et de la souris, où les manifestants essayaient de sortir sans encombres de la manifestation. Seuls deux ou trois groupes organisés sont venus exprès pour casser. Quant à savoir s'ils étaient de Genève ou d'ailleurs, cela n'a pas d'importance.
Pour ce qui est de l'attitude de la police, M. Mathieu a l'impression que certains policiers étaient venus pour réprimer et « casser du jeune ». Il se dit choqué, mais pas étonné, de l'intervention au site d'Artamis, estimant que la police y a trouvé un site privilégié et où il y a eu confusion dans les missions : là, le rôle de la police n'a plus du tout été de faire respecter l'ordre. En réalité, il semble qu'elle ait plutôt attisé les tensions. Ainsi, il semble que les cibles visées par la police n'avaient rien à voir avec les manifestations.
Revenant sur la question de l'étincelle, M. Mathieu affirme que tout a été mis en oeuvre au niveau social pour que ces événements puissent se produire. En discutant avec les jeunes, il a de plus en plus l'impression que le message que ceux-ci cherchent à formuler est de prendre davantage en compte les individus et d'exprimer leur volonté de dire « voilà, on existe ». Cela ressort d'autant plus dans un contexte de fatalisme par rapport à la globalisation.
Enfin, concernant les millions de francs de dégâts, si la société doit effectivement mettre des cadres, il serait plus important pour elle de se demander comment prendre en compte l'avis de ces jeunes. Ces derniers ne sont pas des « déracinés », mais « bien de chez nous ». Il n'y a pas de monotype pour les définir.
Les commissaires s'étonnant du jeune âge des manifestants, M. Mathieu reconnaît que c'est la première fois qu'il voyait d'aussi jeunes manifestants. La tranche d'âge devait se situer entre 13 et 25 ans. Alors qu'avant les jeunes se regroupaient autour d'un même centre d'intérêt ou par tranches d'âge, aujourd'hui ils se constituent davantage en bandes, notamment par rapport à la musique rap, tout en étant rarement tous ensemble. Pour ce qui est de la préméditation, il n'y en a eu aucune au sens juridique du terme. Cependant, tout a été mis en place, que ce soit par la presse ou par la venue de policiers d'autres cantons. C'est ce qui a donné envie d'aller voir et a généré une étincelle. On savait qu'il allait se passer quelque chose. Concernant le pillage, la même explication peut s'appliquer : lorsque ça dégénère et qu'il y a de la casse, le pas vers le pillage est vite franchi, grâce à une certaine émulation. Il s'agit donc d'un pillage d'opportunisme.
La présidente demande si l'une des pistes de réflexion pourrait être de renforcer certains moyens, par exemple les effectifs d'éducateurs de rue et d'îlotiers.
M. Mathieu se réfère au rapport de la Commission fédérale de la jeunesse où figurent quelques éléments importants. D'une part, la violence existe, il faut donc composer avec elle plutôt que de la réprimer. Il existe donc une nécessité sociale qu'elle puisse s'exprimer. D'autre part, la politique des jeunes semble de plus en plus échapper aux décideurs politiques. La critique que l'on peut formuler à l'égard de ce rapport, est que les résolutions sont bonnes, mais qu'il faut maintenant les appliquer. Il faut pour cela redonner au politique sa raison d'être. Son rôle à lui est de créer un lien social entre les différentes composantes de la société. Le sport, par exemple, est un bon facteur d'intégration, avec sa règle du jeu à respecter. Mais si, déjà à ce niveau-là, les adultes ne donnent pas le bon exemple, il ne faut pas s'attendre à ce que les jeunes respectent les autres règles de la société.
M. Mathieu évoque aussi un certain déficit de la démocratie et du dialogue avec les jeunes. On ne peut pas dire que les jeunes n'ont pas de projets. Il suffit, pour s'en convaincre, d'observer la vie des lieux alternatifs. Il faut donc leur permettre de se constituer en associations. Au niveau de l'école, certains projets peuvent également être envisagés pour redonner sens au civisme et à la citoyenneté. Des îlotiers ont d'ailleurs essayé de récupérer ce thème, mais il faudrait éviter que ce soit la police qui vienne expliquer ce qu'est la citoyenneté. On peut donc imaginer un forum où la police puisse également s'exprimer. Quant aux jeunes, leurs rapports sociaux sont assez simples : on respecte les plus forts que soi, et on se fait respecter des plus faibles. Enfin, sur les moyens à mettre à disposition, il faut savoir que le problème n'est pas essentiellement d'ordre financier. La première urgence, selon M. Mathieu, est que tout le monde redevienne citoyen.
Audition de M. Serge Châtelain, ilôtier (3 décembre 98).
M. Châtelain indique en quoi consiste son mandat : ce sont les services de la gendarmerie qui, par le biais du programme Pégase, ont mis en place la fonction d'îlotier, en 1994-95. Le but est de se rapprocher du citoyen et que les gens puissent mettre un visage sur un gendarme en particulier. Dans ce cadre, les îlotiers sortent du système normal. Ils ont des contacts privilégiés avec l'ensemble des habitants d'un quartier, que ce soit avec les jeunes, les vieux, les commerçants, etc., bref, avec tous ceux qui vivent ou travaillent dans le quartier. Un dialogue est alors possible et permet de régler des problèmes de rue ou certaines petites choses, car l'îlotier connaît les raccourcis pour que chacun puisse obtenir satisfaction. L'îlotier renseigne également ses collègues sur ce qui se passe dans le quartier. Il travaille avec l'ensemble des services de police, ainsi qu'avec certains organismes sociaux, l'accent étant mis sur le partenariat.
En ce qui concerne plus particulièrement la jeunesse, M. Châtelain évoque sa rencontre avec des jeunes, réputés turbulents, du Cycle d'orientation de l'Aubépine. D'abord réticents, les jeunes ont ensuite accepté d'entrer en discussion avec M. Châtelain. Ils se sont d'ailleurs plaints du manque de dialogue avec la police. Dans ce cadre, le but de l'îlotage est aussi de briser certains carcans pour faciliter une vie sociale, l'idée étant de démystifier la police et de créer des contacts.
A la question d'une commissaire lui demandant s'il a constaté une augmentation de la violence chez les jeunes, M. Châtelain répond que, de manière générale, cette violence dépend du niveau social. Les craintes des jeunes concernent surtout l'avenir. Il n'y a cependant pas de malaise profond à Genève. C'est ce qui ressort de ses discussions avec les jeunes. Ils affirment ne pas se sentir mal. Certains ont peur de l'avenir, mais cette peur dépend souvent du niveau scolaire. D'autre part, il y a pas mal d'identification au mouvement hip hop/rap. Or, dans ce mouvement, il y a de tout, en passant du groupe NTM (violent) à IAM (plus soft). Cette identification se remarque notamment par l'habillement et le langage. On essaie de se prendre pour un jeune banlieusard, alors que les problèmes ne sont pas ceux des banlieues françaises. Ce phénomène d'identification est tout à fait normal : chacun s'est un jour ou l'autre identifié à quelque chose ou à quelqu'un. Ce qui est peut-être nouveau, c'est le facteur d'agressivité.
M. Châtelain s'est posé la question de savoir si l'OMC était un facteur important dans ces événements. Il relève qu'il y a eu autour et avant la conférence pas mal de publicité médiatique, avec des manchettes accrocheuses. Il pense que beaucoup s'y sont rendus par curiosité. L'effet de masse a sans doute déclenché le reste. Ainsi, ce sont les effets cumulés des médias et de la curiosité qui seraient à l'origine des événements. M. Châtelain n'imagine pas que des jeunes de 15-20 ans puissent avoir des idées politiques bien arrêtées et qu'ils soient prêts à descendre dans la rue alors qu'ils n'ont aucun problème d'ordre économique. Cela dépend du statut social. Au niveau des minorités, comme les Kosovars ou les Albanais, M. Châtelain signale que ces groupes discutent souvent entre eux, et qu'en parlant avec eux, il ne constate pas de problèmes particuliers, même s'il y a de temps en temps des débordements, ces derniers étant souvent le fait d'un ou deux individus.
Quant à la casse, M. Châtelain pense que la frénésie de la masse a joué un rôle. A la base, le jeune ne va pas se dire qu'il va à la manifestation pour piller. Mais comme on dit : « l'occasion fait le larron ». Chez les jeunes, le vol est souvent associé à un sport ou à la volonté de faire comme les copains. A l'époque, avoir fait de la taule était une honte ; aujourd'hui, des jeunes s'en glorifient.
2e audition de MM. Walpen et Baer, représentants de la police (10 décembre 98).
Sur demande des commissaires, les auditionnés reprennent quelques points spécifiques :
Mesures de contrainte
M. Walpen précise qu'il ne répondra pas à certaines questions, n'étant pas délié du secret de fonction par le Procureur général pour les procédures en cours. Il refuse, notamment, de confirmer les propos du policier qui s'est exprimé dans les colonnes de l'« Hebdo ».
Concernant les mesures de contraintes, M. Walpen explique qu'il s'agit de mesures qui consistent à priver une personne de sa liberté. Devant l'ampleur du mouvement, et pour pouvoir respecter le pacte de non-agression, des personnes ont été, pendant un temps bref, privées de leur liberté. M. Walpen ajoute que la police genevoise est sous-équipée en matériel et en locaux. Dans le cas particulier des personnes attachées à un poteau, il fallait s'assurer que des gens ayant commis des délits ne puissent pas prendre la fuite. Quant à la manière de les traiter, depuis le début un médecin était présent, les gens recevaient régulièrement à boire et à manger, et les policiers ont fait preuve d'un maximum de prévenance en laissant notamment les liens assez lâches pour que les gens puissent se lever ou s'asseoir.
Mesures policières et service d'ordre
M. Walpen relève que si la police n'avait pas eu d'informations préalables, elle n'aurait pas fait appel aux policiers confédérés. Ce renfort constitue l'une des mesures prises contre d'éventuels débordements. Si M. Walpen a refusé de faire appel à l'armée, ce que beaucoup lui ont reproché, c'est qu'il estimait qu'il y aurait certainement plus de dégâts. Il ajoute que la première série de casses n'a pas eu lieu lors d'une manifestation autorisée. La police n'a donc pas pu se prémunir là-contre et a été surprise de la violence de ces débordements.
M. Baer rappelle que la seule manifestation autorisée était celle du samedi après-midi. Sur le document d'autorisation il est bien spécifié que les organisateurs doivent prendre leurs responsabilités pour qu'il n'y ait pas de débordements. Il sont tenus pour responsables de la salubrité publique. Les organisateurs de la manifestation de samedi n'étant pas des novices, ils devaient savoir quelles mesures prendre. Quant aux autres manifestations, il n'y a pas eu de demande d'autorisation, alors que celle-ci n'est jamais refusée, sauf devant des organismes tels que consulats et missions. Il y a donc une injonction réciproque au dialogue, la mission de la police étant d'assurer la libre expression dans les meilleures conditions possibles.
Pacte de non-agression : est-il modifié ? - Affaire Sissi
M. Walpen souhaite que l'on puisse revenir au statu quo ante, notamment au vu des heures supplémentaires effectuées par les policiers, dont certains ont été blessés. Mais la tactique des manifestants a complètement changé. On ne peut donc exclure que ce know-how soit à nouveau utilisé ; ce savoir-faire consiste en une escalade des mesures utilisées par les manifestants. La police aurait pu sortir les balles en caoutchouc, constatant que la limite avait été franchie. Le know-how concerne des réunions, des concertations à certains niveaux par certaines organisations ou groupes périphériques. De nouveaux types de comportements sont apparus. Avant, les manifestations étaient relativement statiques : d'un côté les manifestants, de l'autre les policiers. Aujourd'hui on voit des manifestants jeter des cailloux sur les policiers puis venir discuter avec eux, les mains dans les poches. Le front est désormais plus diffus.
Dans l'affaire Sissi, le fait qu'un manifestant puisse se jeter sur une personne et lui tordre la jambe au risque de la rendre paralysée dépasse tout entendement. Ce sont des faits qui existent et qu'il faut intégrer dans l'appréciation de la situation.
M. Walpen exprime le voeu sincère d'un retour à un gentleman agreement, précisant que la police ne cherche pas à se battre. D'ailleurs, à propos de l'OMC, les préoccupations des manifestants sont largement défendues par le personnel de la police, ce qui pour certains policiers, n'était pas une situation des plus agréables.
M. Baer signale que chacun sait que moins on est en conflit avec quelqu'un, mieux on se porte. Au niveau de la tolérance, la police genevoise est une exception en Suisse. Les policiers confédérés qui ont prêté leur concours lors de manifestations ont exprimé leur étonnement devant cette méthode particulière à Genève, affirmant qu'à Zurich, par exemple, une telle situation n'aurait jamais été acceptée. Et encore, précise M. Baer, cette réflexion faisait suite au seul barrage sur la rue de Lausanne, barrage qui avait des allures plutôt folkloriques. Ainsi, cette tolérance est une exception au niveau suisse. Elle fait partie de la formation extrêmement pointue des policiers.
Revenant à l'affaire Sissi, M. Baer indique que cela n'a rien à voir avec les événements autour de la conférence de l'OMC. Il rappelle que dans l'affaire Sissi, la police était dans une complète situation d'infériorité numérique. 200 personnes étaient présentes, il y en avait partout. M. Baer ne pense pas qu'il y ait eu chez les policiers un quelconque sentiment de vengeance. Ce sentiment n'est en tout cas pas intégré consciemment. Et s'il devait l'être inconsciemment, les entraînements, ainsi que les discussions avec le personnel, permettent d'éliminer ce sentiment.
M. Baer indique que les moyens utilisés par les manifestants déterminent la procédure d'intervention de la police. Il préférerait être tolérant, mais constate que la situation est désormais différente. Un certain nombre de personnes ne veulent plus être institutionnalisées, mais vivre leur propre expérience, ce qui peut être extrêmement dangereux pour l'ordre public. Tant que les mouvements étaient institutionnalisés et donc encadrés, ils constituaient une garantie pour la police. Le défilé militaire, puis les événements de l'OMC ont révélé que l'on est sorti de ce cadre. A cela s'ajoute que le mouvement est devenu plus international. Ainsi la police continuera à agir avec tolérance, dans la mesure du possible.
Feux rouges, vente de bière - Manifestants français
M. Baer se demande si l'idée de casser des feux rouges était une idée importée. Pour ce qui est des bières, il constate que lors des concerts, la bière est omniprésente. La mode est aujourd'hui aux rollers - sac à dos - packs de bière. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Concernant la présence de leaders français, M. Baer évoque l'exemple de jeunes interpellés aux Pâquis après qu'ils aient houspillé des automobilistes à l'entrée d'un parking. Il s'agissait d'une dizaine de jeunes, âgés de 14 à 17 ans, dont certains étaient déjà recherchés. Ce sont les mêmes qui ont participé aux débordements à Plainpalais. C'est une bande qui vient de Gex et qui est déjà venue perturber des soirées à Meyrin. Elle n'est pas forcément hiérarchisée, et agit au gré des idées qui lui viennent, soit de manière concertée, soit spontanément. Des bandes existent aujourd'hui à Genève et en France voisine, elles sont connues.
Jeunesse et violence
M. Baer reconnaît que la jeunesse en général n'est pas violente. En revanche, il constate que certains jeunes sont violents, et que la violence tend à augmenter. Des études montrent que les normes ne sont plus les mêmes : par exemple, un acte qui était considéré comme violent il y a 20 ans, ne l'est plus aujourd'hui. Les normes ont donc changé. Il est nécessaire d'intégrer cette nouvelle perception de la violence pour des questions de sécurité et de gestion globale des manifestations, sachant qu'il y a un potentiel de violence lors de rassemblements. On observe en France que de plus en plus de casseurs s'infiltrent dans les manifestations, certains étant cagoulés. Une cinquantaine étaient présents sur la place Neuve. Mais tant qu'ils restaient dans le cadre de la manifestation, la responsabilité incombait aux organisateurs. Lorsque ces manifestants envoient des cailloux ou cassent des vitrines, il attirent un certain nombre d'adhérents aux motivations diverses. Dès lors, on ne peut plus supposer que des rassemblements de grande importance ne comporteront pas de violence, sachant également que « l'occasion fait le larron ».
M. Baer constate également que des manifestations telles que le cortège du 1er mai ont évolué : aujourd'hui les organisateurs ne maîtrisent plus l'ensemble de la manifestation. La même chose s'observe durant les manifestations devant l'ONU. Tant que les manifestants (Tamouls, Kurdes, …) restent pacifiques, l'expression d'une émotion légitime est tolérée. Par ailleurs, M. Baer se pose la question de savoir qui, à Genève, aurait la capacité de réinstitutionnaliser les différents mouvements. Sans cette institutionnalisation, des dérives restent possibles, sans forcément dire que les jeunes sont violents.
Un commissaire, se référant aux propos de M. Mathieu, éducateur de rue, demande s'il existe des statistiques sur une éventuelle augmentation d'arrestations de jeunes entre 12 et 15 ans.
M. Walpen indique qu'un stratège travaille actuellement sur cette question, avec l'aide d'une commission constituée de trois professeurs. Cette étude apportera sans doute un éclairage intéressant. Il existe des diagrammes internes montrant une augmentation. Mais il faudrait qu'une analyse affine cette indication.
Changements de conseillers d'Etat
M. Walpen déclare que si la commission cherche à établir des responsabilités politiques, elle fait fausse route. Il assume l'entière responsabilité des agissements de la police et affirme que le chef du Département de justice et police et de la circulation n'a émis aucune directive à ce sujet. M. Walpen n'observe pas de politique volontaire de durcissement par rapport à la jeunesse. En revanche, la violence des jeunes étant en train de se modifier, la police doit pouvoir s'adapter. Des milliers de francs sont d'ailleurs dépensés pour développer une police de proximité.
Identification au mouvement hip hop
Une commissaire demande si, en relation avec l'identification des jeunes à des courants de musique, il y a des changements de comportement par rapport au passé.
M. Baer, par rapport à la musique, indique qu'il faut tout mettre en perpective. Evoquant les années rock, il constate que la musique a toujours engendré un certain nombre d'émotions. Avant, c'est l'alcool qui constituait un moyen pour le gens de sortir de la normalité. Aujourd'hui les moyens utilisés posent des problèmes de type sanitaire, car on observe des dégâts dramatiques au niveau de la santé des jeunes, notamment du point de vue de la surdité. Cette approche est donc réglée par la police sanitaire avec, entre autres, une réglementation concernant le niveau sonore afin de préserver l'intégrité personnelle des gens. M. Baer évoque ensuite les différentes catégories de rap, citant l'exemple du prochain concert de NTM prévu pour le 19 décembre. Il estime que ce concert n'a rien à faire chez nous et que la police gérera la situation en fonction de la violence engendrée.
2e audition de M. de Marcellus, accompagné de M. Lersch(10 décembre 98).
M. de Marcellus indique qu'il a de la documentation à remettre et qu'un livre est en train d'être préparé en vue d'une publication concernant des témoignages de brutalités policières.
M. Lersch précise que ce livre n'est pas tout à fait terminé, certains témoignages devant être retravaillés au niveau du langage. Il demande à ce que cette version provisoire ne circule pas au-delà des membres de la commission, car elle doit encore être relue par les témoins.
Fiches
Sur la question du fichage fédéral, M. de Marcellus rapporte le cas du journaliste de « Vorwärts » arrêté à la douane de Moillesullaz lors des manifestations de mai contre l'OMC et fiché à Berne, tout comme les autres manifestants arrêtés, en tant que manifestant violent. M. de Marcellus souhaiterait rendre la commission particulièrement attentive aux cas d'expulsions. Ces expulsions sont totalement injustifiées : elles ont été émises sans la moindre inculpation, et sans même que les personnes aient participé aux débordements. A l'heure actuelle, seule trois expulsions ont été levées, mais il reste encore une trentaine de personnes concernées par ce problème.
Manifestants français
M. Lersch indique que, par rapport aux « casseurs » auxquels faisait allusion l'article de l'« Hebdo », l'AMP s'est posé des questions et a enquêté sans parvenir à savoir qui étaient ces individus. Elle n'a cependant pas engagé de détective privé. Des Français, il y en avait, comme toujours à Genève. Mais de là à dire que certains étaient organisés… Personne, autour de M. Lersch, n'a vu de Français en train d'organiser quoi que ce soit. D'ailleurs l'AMP, de manière générale, ne se situe pas à ce niveau d'action.
M. de Marcellus confirme qu'il n'y a eu aucun retour de cette histoire parmi les personnes qui ont organisé les manifestations, tant au niveau genevois et dans le milieu des squatters, que chez les Suisses-allemands et les Français. Tous étaient sur d'autres projets qu'ils ont mené du mieux que possible jusqu'au bout.
Relations des manifestants avec la police
Par rapport à la question du statu quo ante, c'est-à-dire du pacte de non-agression, M. de Marcellus estime que ce serait bien de pouvoir y revenir, mais relève que l'attitude actuelle de la police ne date pas de l'OMC, ni même du défilé militaire. La police avait été déjà mise en cause par Amnesty par rapport à la question des réfugiés, puis par rapport aux squatters pour lesquels un harcèlement non justifié a été mis en pratique. M. de Marcellus note, par ailleurs, que la police est de plus en plus en relation avec la politique. Il croit qu'il y a un véritable problème qui dépasse les policiers qui voudraient rester sur un certain statu quo ante. Il n'est pas le seul à penser que l'attitude de la police a été influencée par les propos de M. Ramseyer. Ces propos ont pu donner aux policiers de la base un sentiment de licence. A ce propos, un chercheur français a pu mettre en lien les bavures policières en France avec les discours de M. Pasqua.
Revenant aux mesures prises par les organisateurs, M. de Marcellus cite l'exemple de la manifestation contre l'AMI le 23 septembre dernier, durant laquelle aucune bavure n'a été commise. A l'avenir, l'AMP prendra davantage de précautions, sachant que de nombreuses mesures avaient été prises le 17 mai dernier. Une des particularités des manifestations contre l'OMC était leur caractère international, rendant la situation plus fragile. Mais on ne peut effectivement plus exclure qu'à l'avenir d'autres événements attirent tout d'un coup des personnes qui ne comprennent pas les consignes des organisateurs. M. de Marcellus espère cependant que les rapports avec la police ne vont pas s'envenimer.
Service d'ordre
M. de Marcellus indique à ce propos que M. Baer leur avait signalé quelques problèmes. A partir de là, soit lui-même, soit d'autres ont essayé d'intervenir aussi vite que possible. Il reconnaît cependant que par rapport au nombre de manifestants, le service d'ordre était trop parsemé. Mais ce dernier est intervenu à plusieurs reprises, dont à l'hôtel de la Paix, et a certainement empêché que les dégâts soient pires. Lui-même est intervenu devant le Mac Donald. Devant l'OMC au bout de la rue de Lausanne, la ligne interdite a été entièrement respectée.
Débordements : y avait-il un lien avec l'OMC ?
M. de Marcellus estime difficile de se faire un jugement, étant donné qu'il n'y avait pas de groupe homogène. Il a été interpellé dans la rue par certains jeunes, apparemment non-politisés, qui voulaient savoir « où ça se passait ».
M. Lersch rapporte que pendant les émeutes, on a vu de tout : des actions isolées, comme le tabassage de policiers, des étudiants recherchant le frisson, des jeunes du quartier, ainsi que des personnes que l'on a l'habitude de croiser dans ce genre de manifestations.
Quelques personnes semblaient déterminées, mais elles étaient minoritaires. La majorité vivait cela comme une grande fête, surtout mardi, après la dissolution du chahut de nuit. Il y avait un feu et des chants. La police a participé à cette fête en jouant le rôle de l'épouvantail, et les « joueurs » avaient l'impression de participer à un grand jeu de piste.
Sur le moment, les organisateurs du chahut pensaient avoir réussi à convaincre les gens de rentrer. Ils se sont donc retirés. Ce n'est qu'en regardant la télévision, plus tard, qu'ils ont constaté que leur mot d'ordre n'avait pas eu l'effet escompté, et sont donc revenus sur les lieux. Ce qui s'est passé après, ce n'étaient pas des émeutes sociales, mais une grande fête, fête qui n'a d'ailleurs pas dégénéré. Les gens avaient envie de se battre avec les policiers. Quant à ces derniers, leur attitude était complètement hargneuse : ils étaient comme des bêtes. M. Lersch avait plus peur d'eux que de certaines personnes l'ayant repéré comme appartenant au service d'ordre.
Ainsi, il paraissait évident que d'un côté se trouvaient des gens, joyeux, qui voulaient se battre, et de l'autre des policiers hargneux. Peut-être que les casses sont liées à l'attitude de la police, sachant que des deux côtés on avait envie d'en découdre.
Relations des jeunes avec la police
M. de Marcellus relève que ce qui s'est passé est un phénomène complexe. Sans doute y a-t-il un ressentiment des jeunes à l'égard des violences policières. Ces violences sont réelles dans le quotidien et échappent probablement à la hiérarchie. La police souffre d'un problème d'image, notamment au niveau des jeunes policiers : des jeunes ont une hostilité instinctive par rapport à d'autres jeunes. A cela s'ajoute un sentiment diffus d'angoisse pour l'avenir. Ainsi il y avait beaucoup de motivations différentes. Par exemple, une personne lui a raconté qu'ayant entendu l'hélicoptère, elle a foncé en ville pour y être. L'aspect « événement » a également été un facteur déterminant.
M. de Marcellus fait également un constat d''inefficacité de la police, dans le sens qu'elle donne à sa mission. S'il est déplorable que des jeunes fassent une fixation « anti-flic » avec quelque chose de primaire dans leur attitude de refus de l'autorité, il convient peut-être néanmoins de s'interroger sur ce que fait la police pour son image.
M. Lersch relève que les policiers n'ont pas de matricule permettant de les identifier. Ainsi, dans le rapport de force, on trouve un individu face à un corps de police, ce qui produit un effet pervers : tous les policiers deviennent coupables d'actes d'une minorité d'entre eux. A cela s'ajoute le fait que durant leur formation, les jeunes policiers vivent entre eux, dans un monde fermé.
2e audition de M. Jean Rossiaud, accompagné de M. Dominik Wisler, chercheur à l'Université (17 décembre 98).
M. Wisler se présente comme un spécialiste de la violence, notamment dans les rapports entre la police et les manifestants sur lesquels il travaille depuis 4 à 5 ans. Il s'agit pour lui de comprendre les pratiques policières, ainsi que l'interaction entre la police, les manifestants et les médias. La période qu'il étudie se situe entre 1965 et 1994 dans les villes de Berne, Bâle, Zurich et Genève. Il a eu accès aux protocoles détaillés de la police sur les manifestations, soit environ 2 000 dossiers.
Dès lors, il a essayé de déterminer quand et comment la police décide d'intervenir. Concernant plus particulièrement la Suisse romande, pour Genève, il relève le concept d'opportunité, concept importé de France, alors qu'en Suisse alémanique l'attitude de la police est très légaliste. En Suisse romande, les balles en caoutchouc ne sont pas utilisées, alors qu'en Suisse alémanique, elles le sont systématiquement depuis 1980. Ainsi, ce qui est flagrant lorsqu'on fait une comparaison entre Suisse romande et Suisse alémanique, c'est que la police genevoise est beaucoup plus tolérante, avec même une certaine compréhension. La référence aux événements de 1932 est très significative dans le fait de ne pas utiliser les balles en caoutchouc.
Jusque dans les années 70, la police était le bras armé de l'Etat. Puis, petit à petit, elle est devenue davantage une police des citoyens, s'intéressant et appréhendant l'opinion publique. C'est particulièrement flagrant à Genève avec l'instauration de l'îlotage, du service d'ambulances et de la police des squatters. Si on analyse la presse, on remarque que dans les années 60, les communiqués de presse de la police étaient publiés in extenso. Ainsi, seul figurait le discours de la police. Aujourd'hui ce n'est plus le cas, notamment en raison de la peur d'une scission entre la police et l'opinion publique. A Genève, la presse penche traditionnellement pour la liberté publique. Même le « Journal de Genève », en mai 68, évoquait un renouveau démocratique, alors qu'à Zurich, la « NZZ » estimait qu'il fallait « couper le mal à la racine ».
Après les années du conseiller d'Etat surnommé « Schmitt la matraque », la police a commencé à faire attention et à adopter une attitude plus tolérante, reflétant ainsi une tradition genevoise. Puis, avec M. Ramseyer, les choses ont changé : on emploie à nouveau un langage qui n'avait pas été utilisé depuis M. Fontanet et on assiste à une escalade verbale de la part d'un conseiller d'Etat.
Ce qui est intéressant à relever parmi les réactions aux manifestations contre l'OMC, c'est le fait que la droite genevoise ne s'est pas exprimée, alors qu'à Zurich tous les partis publient des communiqués après de tels événements.
A Genève, ce silence de la droite dure depuis 1932, date à laquelle, face à une manifestation socialiste et communiste, elle a légitimé une action armée, en plus d'une volonté de renforcer la police et le code pénal. M. Wisler rappelle que, suite à ces événements, Genève avait élu pour la première fois quatre conseillers d'Etat de gauche, alors qu'auparavant la formation était monocolore. Léon Nicole, qui avait été emprisonné à Berne, est alors devenu le chef de la police, ce qui constitue un vrai traumatisme pour la droite.
Un autre élément intéressant est l'interaction entre les manifestants et la police. Une analyse scientifique montre que si la police devient plus violente, la violence du camp d'en face suit le mouvement lors de la manifestation suivante, l'inverse étant aussi vrai. S'il n'y a pas eu beaucoup de manifestations violentes à Genève, c'est parce qu'après M. Schmitt, M. Fontanet a instauré une politique de tolérance avec une police plus souple.
Au niveau de l'organisation policière, Genève a également la particularité d'être plus centralisée. Par exemple, la décision d'utiliser des gaz lacrymogènes ne peut être prise que par le commandant de police. Par contre, dans les villes alémaniques, la structure est davantage décentralisée. A Berne par exemple, le fonctionnement se fait par petits groupes, chacun ayant la liberté de faire usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc. Il n'y a donc que peu de contrôle hiérarchique, ce qui n'est pas le cas de Genève.
Pour sa part, M. Rossiaud estime que l'arrivée de M. Ramseyer n'est pas la seule piste à suivre pour expliquer le changement d'attitude de la police lors de la manifestation contre le défilé militaire et lors des manifestations contre l'OMC. Selon lui, il faut également regarder du côté des rapports des jeunes avec la police et de l'image qu'elle en a. Peut-être que certains policiers se permettent aujourd'hui des choses qu'ils ne se permettaient pas avant et que les jeunes les supportent de moins en moins. Cependant, M. Rossiaud précise qu'il faut, chez les jeunes, distinguer le discours de la réalité. Il poursuit en signalant que plus son équipe avance dans la recherche, plus elle se rend compte de l'existence d'éléments importants, tels que la politique du logement, les questions d'urbanisme, le rôle de l'école, etc. Mais il faudrait d'autres types de fonds pour pouvoir approfondir la recherche. Pour l'instant, il ne s'agit que de formuler des hypothèses. Ce qui est passionnant c'est de tirer les fils pour démêler l'écheveau.
M. Wisler évoque l'interaction de la police avec les jeunes des quartiers, indiquant que ces derniers sont souvent confrontés à de jeunes policiers « de base ».
M. Rossiaud ajoute que cette interaction se caractérise par un jeu du chat et de la souris.
M. Wisler poursuit en relevant que dans les années 80, la police avait du mal à recruter. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. On peut dès lors se poser la question de savoir quels types de personnes entrent dans la gendarmerie et si les critères de recrutement ont changé, sachant qu'auparavant il fallait avoir fait un apprentissage, alors qu'actuellement cela n'est plus nécessaire. Ce qui signifie qu'avant, les policiers avaient travaillé dans des entreprises et avaient donc une certaine perception des mouvements sociaux, contrairement aux jeunes policiers d'aujourd'hui. Par ailleurs, on assiste à un retour de l'extrême-droite, les choses étant peut-être liées.
M. Rossiaud signale qu'il faut rester prudent avec ce genre d'affirmation, car derrière cette hypothèse il n'y a peut-être rien. A propos des responsabilités, indique ce dernier, plusieurs chercheurs estiment qu'elles sont difficiles à déterminer et regardent plutôt du côté des causalités, en interprétant les faits et les messages.
M. Wisler évoque la question des protocoles policiers qui sont particulièrement contrôlés depuis les années 80. Il reste cependant intéressant de comparer, par un biais systématique, les différentes manières de contrôler. Ce qui est le plus intéressant avec ces protocoles, c'est qu'on peut découvrir cette dynamique d'escalade de la violence, dont la police serait responsable, en comparant le taux de répression mensuel. Parmi les indicateurs de cette étude figurent la question de savoir si la manifestation était autorisée ou non et si la police est intervenue avec des gaz lacrymogènes. Lorsqu'on arrive au même résultat à travers plusieurs indicateurs, on peut estimer que le résultat est assez bon. L'observation de l'évolution de l'extrême-droite est également utilisée comme indicateur.
Discussion
Les commissaires remarquent qu'au terme de ces auditions et après avoir pris connaissance des divers documents mis à sa disposition, la commission doit désormais tenter de rétablir les faits, déterminer les causes en relation avec les pillages et les violences en déterminant les responsabilités des différents acteurs ; elle doit se demander si la police est suffisamment préparée pour faire face à ce genre de situation et si elle a eu un comportement adapté. Enfin, la commission formulera des recommandations sur la manière de prévenir de nouveaux débordements de ce genre.
Les acteurs qui ont joué un rôle dans les événements du mois de mai peuvent être listés comme suit :
Les organisateurs des manifestations contre l'OMC.
Les manifestants, qui doivent être séparés en deux catégories : les manifestants pacifiques, et les « casseurs ».
La police.
La presse.
Les causes des débordements sont multiples, affirment les commissaires. La première question qui se pose est la suivante :
le thème des manifestations (protestations contre l'OMC) est-elle en rapport avec les violences qui ont été commises ?
Sur la réponse à donner à cette question, les commissaires sont partagés. Certains se rallient à la majorité des personnes auditionnées, qui pensent que le thème n'a pas joué de rôle vraiment significatif, et qu'une autre manifestation aurait pu dégénérer de la même façon. En effet, disent-ils, les manifestants les plus violents n'étaient pas des militants anti-OMC. Quant aux jeunes qui se sont exprimés, ils n'ont pas émis d'idées politiques (ou philosophiques).
En outre, plusieurs personnes auditionnées ont évoqué la présence de bandes de jeunes structurées, se déplaçant « à la zurichoise ». Un commissaire rappelle qu'en 1975, lors de la manifestation contre Franco, une bande cagoulée avait semé la panique, alors que la manifestation était pacifique. De ce fait, cette dernière a dégénéré. Ainsi, même si l'on note un mouvement de protestation à Genève vis-à-vis de l'OMC, il faut relever que la manifestation du samedi après-midi s'est déroulée de manière très différente de ce qui s'est passé le soir.
D'autres commissaires estiment que l'OMC n'y est pas pour rien : de par le type de relations commerciales qu'elle prône et du néolibéralisme sauvage qui est mis en avant, l'OMC symbolise quand-même un type de société que les jeunes refusent ; ainsi, le sujet garde son importance. Il a attisé chez les jeunes le désir de casser. Se référant aux propos de l'éducateur de rue, ces commissaires rappellent que ce dernier avait évoqué l'évidence du « ras-le-bol » des jeunes, avec une envie de casser, de détruire. Dans le cadre des débordements, il y avait la volonté de détruire l'objet synonyme de richesse, malgré le fait que les pillages n'étaient pas liés à des besoins vitaux, mais visaient des produits de luxe.
Quant à l'OMC en tant qu'organisme, la commission pense qu'avec les autorités genevoises elle porte une responsabilité du fait de n'avoir pas créé de lieux d'expression pendant les conférences ministérielles. Dans n'importe quelle autre ville, pour n'importe quelle autre conférence de cette envergure, des lieux sont mis à la disposition des organisations non gouvernementales, ce qui n'a pas été le cas dans le cadre des conférences de l'OMC.
Les organisateurs des manifestations n'ont, pensent les commissaires, ni participé, ni provoqué les pillages et les violences. Il s'agissait plutôt d'un noyau dur de casseurs. Un commissaire se dit frappé par le fait que d'habitude, lors de manifestations, il n'y a pas d'actions violentes spontanées, alors que là même des feux de signalisation ont été cassés et que des policiers ont été physiquement agressés, ce qui n'avait jamais eu lieu à Genève. Ainsi, il estime que si les gens qui véhiculent ce genre d'idées vivaient à Genève, ils se seraient déjà exprimé en d'autres occasions. En revanche, on constate que ce genre de débordements a continué en France, notamment autour de Lyon. Le commissaire en déduit que l'expression d'idées violentes à l'intérieur des manifestations vient probablement de la banlieue de Lyon, par le biais d'une bande organisée d'« autonomes ». Ces débordements (bris de vitres, violences contre la police) relèvent d'une idéologie extrêmement condamnable. Par ailleurs, ce type de hooliganisme peut être rapproché de la crise économique, sociale et politique qui s'est installée dans tous les pays européens.
Toutefois, on peut quand-même reprocher aux organisateurs d'avoir lancé un appel international sans prévoir un service d'ordre adéquat. Par exemple,les commissaires jugent inacceptable d'annoncer une manifestation pour le mardi soir (le « chahut de nuit »), de l'annuler par voie de presse la veille au soir, puis encore sur le moment, puis de s'en aller tranquillement le moment venu sans s'inquiéter de la suite des événements. C'est de l'inconscience, pensent-ils. Un commissaire n'en est cependant pas persuadé, au vu des manifestations qui se sont, dans le passé, déroulées paisiblement.
Quoi qu'il en soit, le fait que les manifestations se soient échelonnées sur plusieurs jours est une circonstantce significative, qui a permis à la tension de croître.
La police était-elle suffisamment préparée ? Les commissaires pensent qu'elle ne l'était pas assez, qu'elle n'a pas assez anticipé les événements.
La police a couru après les événements, dit un commissaire. Les policiers disent eux-mêmes qu'il y a un rôle à jouer en amont en mettant en place une procédure en relation avec les autres cantons et Interpol. Tout comme les organisateurs, la police a péché par omission et n'a pas pris suffisamment au sérieux les manifestations, comme le prouvent différents facteurs : la nécessité de mettre d'urgence sur pied des locaux de crise, la panne du circuit électrique, et surtout le fait que des policiers n'ont pas eu la possibilité de se reposer ce qui a favorisé leur état de tension et d'extrême fatigue.
Si elle apprécie la discrétion de la police durant la manifestation du samedi après-midi, la commission estime cependant qu'il ne faut pas tolérer qu'une vingtaine de personnes se mettent à casser et à semer la panique. Ainsi, même si une manifestation est autorisée, la police doit intervenir lorsque des personnes viennent l'entraver. C'est pourquoi des commerçants en veulent à la police, parce qu'elle ne les a pas protégés. De plus, il est inconcevable que dans le dos d'un cordon de police des casseurs soient à l'oeuvre. Il faudrait voir à enlever ces oeillères.
Des commissaires pensent qu'il manquait au sein de la police un groupe opérationnel. En uniforme et surtout bien contrôlé par le commandant de la gendarmerie. Ses actions auraient pu être plus ciblées et précises au lieu d'arrêter un grand nombre de personnes, souvent de manière arbitraire. Certains jeunes ont été interpellés à tout endroit dans la ville, simplement parce que ce sont des « punks » et que des policiers ont décidé qu'ils allaient « payer ». Par ailleurs, il est inacceptable, jugent les commissaires, qu'à Genève, des jeunes de 16 ans soient attachés à des poteaux, comme il est inacceptable que des gens subissent coups de pieds et vexations.
La commission reconnaît cependant que le rythme auquel étaient soumis les policiers était inhumain, et que même avec la meilleure formation, ce genre de situation porte sur les nerfs.
Un commissaire suggère qu'un groupe de policiers identifiables accompagnent les manifestants et puissent contrôler d'éventuels débordements d'éléments isolés ou peu nombreux. Cette manière de faire serait plus juste que d'augmenter les effectifs. Par exemple, en France, il existe une brigade d'intervention spéciale.
Les commissaires soulèvent un autre problème, celui de l'attitude du conseiller d'Etat. La commission dénonce l'appel à la délation et l'attitude agressive de M. Ramseyer, notamment dans ses interventions à chaud dans les médias. Même s'il n'a pas la responsabilité directe de ce qui se passe sur le terrain, des policiers fatigués se sont probablement sentis légitimés par le type de propos qu'il a tenus. Ce discours est d'ailleurs en complète contradiction avec celui du chef de la police et du commandant de la gendarmerie, qui essaient d'avoir une attitude de collaboration. Ce genre de comportement de la part d'un conseiller d'Etat, sans en faire une affaire personnelle, est à dénoncer. Celui-ci devrait, au contraire, viser la modération.
La presse a également, d'après les commissaires, joué un rôle néfaste, en particulier « La Tribune » et « Le Matin ». Au lieu de traiter des buts idéologiques de l'AMP, ces journaux ont publié des chroniques d'une violence annoncée, et des manchettes accrocheuses qui incitaient presque à la violence.
On doit enfin signaler que l'usage de natels a favorisé le regroupement de personnes désireuses de causer des dégâts, et d'échapper à la police, et que l'hélicoptère a non seulement facilité la tâche de la police, mais aussi ameuté beaucoup de jeunes en mal de distraction.
Recommandations de la commission
Au chapitre des recommandations, la commission souhaite tout d'abord suggérer que les autorités qui organisent des conférences internationales mettent des lieux d'expression à disposition de ceux qui souhaitent émettre des avis différents.
Elle propose ensuite que, dans un contexte international et en fonction des enjeux, les organisateurs des manifestations mettent sur pied un service d'ordre plus important, et identifiable.
Elle adresse également une recommandation à la presse : cette dernière a une responsabilité dans le traitement de ce type d'information. Il est dangereux que des journaux lancent, en quelque sorte, des appels à l'émeute.
En ce qui concerne la police, la commission souhaiterait de sa part davantage d'anticipation de l'événement, ainsi qu'un meilleur ciblage du travail qui pourrait éviter aux policiers les nombreuses heures d'attente qu'ils ont subies, celles-ci étant inutiles et source de tensions. L'usage de l'hélicoptère devrait être réduit au plus strict minimum à l'avenir, car il semble avoir joué un rôle plutôt négatif de rassemblement de personnes.
Par ailleurs, la commission insiste sur le fait que les arrestations ont eu lieu dans des conditions inacceptables, qui ne doivent plus se reproduire. Dans cette optique, le commandement de la police doit contrôler de plus près les policiers isolés ou en petits groupes. Pour ce qui est des expulsions administratives, elles ne se justifient pas pour les personnes dont on n'a pu prouver la culpabilité, et doivent donc, pour ces dernières, être annulées.
Quant au conseiller d'Etat chargé du Département de justice et police, il a pour devoir de tenir des propos modérateurs et non provocateurs.
Enfin, la commission soutient le développement de la police de proximité, ce qui permet de démystifier la police, notamment auprès des jeunes, et de mettre en avant un autre aspect que celui de la répression.
Ce travail de prévention est primordial, estime la commission, et il serait utile de développer, outre le service des ilôtiers, le travail des éducateurs de rue et celui des enseignants dans les domaines de l'encadrement et de l'intégration. La formation des policiers a été églement évoquée par la commission : il lui paraît que les jeunes policiers devraient être au bénéfice d'une formation préalable dans un autre domaine, avoir suivi, par exemple, un autre apprentissage, afin de compléter leur expérience de vie.
Enfin, pour terminer, la Commission d'enquête est persuadée que de nouvelles mesures législatives devront être prises pour donner aux commissions d'enquête parlementaires les moyens de travailler sans entraves.
Proposition de résolution(370)
pour la nomination d'une Commission d'enquête parlementaire ad hoc sur les événements qui ont secoué Genève durant la commémoration du 50e anniversaire de l'OMC
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,considérant :
- les événements qui se sont déroulés à Genève autour de la conférence ministérielle de l'OMC ;
- les manifestations non-violentes organisées par l'Action mondiale des Peuples, et soutenues par de nombreuses associations et partis politiques ;
- les actes de violence qui ont eu de graves conséquences au niveau physique et matériel ;
- la nécessité pour tout-un-chacun de comprendre les raisons profondes qui sous-tendent la révolte exprimée par une partie de la jeunesse ;
- le risque de ne voir que les conséquences et de ne pas chercher à en comprendre les causes ;
Elle aura pour mandat de répondre aux questions suivantes et de proposer des mesures concrètes :
Quelles sont les causes qui peuvent être mises en relation avec les pillages et plus généralement avec la violence exprimée par certains jeunes ?
La police est-elle préparée à cette nouvelle forme de protestation et son comportement a-t-il été adapté en toutes circonstances ?
La Commission aura toute latitude d'élargir le champ des questions, de procéder à des auditions et de s'adjoindre les services de spécialistes, notamment sociologues.
La Commission rendra son rapport au Grand Conseil au plus tard le 30 novembre 1998.
Date de dépôt : 9 février 1999Papier
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Les représentants des partis libéral, démo-chrétien et radical ne peuvent accepter les conclusions de la commission-croupion, formée de 5 députés seulement sur 15, qui prétendent être le résultat des « travaux de la Commission d'enquête parlementaire ad hoc sur les événements qui ont secoué Genève durant la commémoration du 50e anniversaire de l'OMC ».
Ils s'élèvent contre un véritable détournement de la procédure parlementaire qui rend inopérants des travaux vivement désirés par une majorité du Grand Conseil devenus sans valeur du fait que quatre partis sur six ont, dès le 8 octobre 1998, cessé de siéger dans la Commission d'enquête.
Ce n'était pourtant pas faute d'avoir montré de la bonne volonté. En effet, dès la première séance, le 11 juin 1998, la participation aux travaux d'un député a usité quelques interrogations en raison de son rôle durant les événements sous revue. Le 24 juin 1998, le député Gilles Desplanches interpellait le bureau du Grand Conseil a ce sujet (voir annexe) qui ne pouvait que constater son impuissance a résoudre le problème, en l'absence de toute volonté conciliatrice de la part du député ou de son parti. Il n'y avait pas d'intérêts matériels personnels en jeu. Toutefois, au cours des auditions, il est apparu que le député mis en cause avait joué un rôle plus important qu'insinué au départ, se trouvant même en liaison étroite avec des ambulances de la police et ayant porté plainte pénale contre l'une des personnes auditionnées par la commission, à l'insu de tous, y compris de la présidente, qui affirma ne l'apprendre qu'en cours de séance !
Certes, ce député a ultérieurement gagné son procès en diffamation, mais il convient de rappeler ici que la diffamation peut consister en la propagation de faits avérés ou non.
L'éthique parlementaire eut voulu que ce député se retire de lui-même de la commission. Il n'en a rien fait. Pis, il s'est accroché à son siège comme rarement un député, malgré le souhait de la grande majorité de ses collègues, soucieux tout à la fois du bon fonctionnement de la commission et des garanties d'impartialité que devaient offrir ses travaux.
Dans ces conditions, le retrait des représentants de quatre partis devenait inévitable. Seuls l'AdG, soutenant son député, et les Verts qui cumulaient à la fois la présidence et le rapport, ont poursuivi, voire repris, de façon inexplicable, leurs auditions en tête-à-tête.
Il convient ici de souligner que les partis de l'Entente ont soigneusement pris soin d'exclure de la Commission d'enquête sur la BCG tous ceux qui, de près ou de loin, touchaient à cette dernière, même lorsqu'aucun intérêt matériel n'était en jeu. Le parti socialiste a également prié l'un des siens, qui avait participé à la manifestation contre l'OMC de ne pas siéger dans la Commission parlementaire. Il est regrettable que l'AdG n'ait pas cru bon de se soumettre à cette règle purement morale, nous en convenons, et que la présidente, membre des Verts, n'ait rien tenté pour concilier les parties en présence.
Le mandat initial de la commission lui demandait de répondre aux questions suivantes :
1. Quelles sont les causes qui peuvent être mises en relation avec les pillages et plus généralement avec la violence des jeunes ?
2. La police est-elle préparée a cette nouvelle forme de protestation et son comportement a-t-il été adapté en toutes circonstances ?
A lire les auditions, on se rend compte que les membres de la commission-croupion n'ont pas été capables d'apporter de réponses a ces questions. Ils n'ont même pas réagi lorsqu'un éducateur de rue affirmait : « la violence existe, il faut donc composer avec elle plutôt que de la réprimer » (sic). Il suffit de remplacer violence par crime pour comprendre l'inanité d'un tel propos. Les questions posées par les commissaires sont souvent biaisés. Le commerçant agressé est rapidement expédié, alors que l'on s'attarde complaisamment sur les prétendues responsabilités de la police, de la presse écrite, voire du chef du Département de justice et police. On injurie la mémoire d'un ancien chef de ce département, en oubliant qu'il était certainement plus difficile de maintenir l'ordre entre 1965-1973, avec la guerre du Vietnam, les événements de mai 68 et leur suite en 69 à Genève, voire le franquisme finissant entre 73 et 85 ! Erreurs d'appréciation, manque de recul historique, effets de mode font de ce rapport un prêt-à-penser politiquement correct, mais non la conclusion d'une véritable Commission d'enquête parlementaire.
Pour ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de rejeter les prétendues conclusions du rapport de fausse majorité, subsidiairement de renvoyer les conclusions à la Commission d'enquête parlementaire pour que celle-ci puisse réellement accomplir la tâche pour laquelle le Grand Conseil l'a mandatée.
PS : Il est regrettable que le fonctionnement de la commission-croupion ait été entravé par divers problèmes matériels, comme la communication après deux semaines de délai des procès-verbaux de séances hebdomadaires ou la difficulté à obtenir le résumé des auditions malgré plusieurs demandes.
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Proposition de résolution
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adressée au Conseil d'Etat pour qu'il mette sur pied dans les 3 mois des Assises au sujet de la violence
EXPOSÉ DES MOTIFS
Nul n'est besoin ici de rappeler les jours dramatiques qu'a traversés notre ville dans le courant du mois de mai 1998. La présente résolution a été rédigée dans un souci d'efficacité et de suivi sur le long terme du travail de prévention nécessaire. Il vous est donc proposé de clore provisoirement nos débats sur cet objet en remettant l'ensemble du dossier aux mains des protagonistes qui voudront bien s'associer aux Assises organisées par le Conseil d'Etat et qui pourraient se dérouler durant 3 jours dans le courant du mois de mai. Le but étant de permettre à chacun de s'exprimer sous la forme de débats publics, de conférences, ce qui pourrait déboucher, à l'issue de ces journées de réflexion, sur une résolution prévoyant un plan d'action.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à voter la présente résolution.
Débat
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve), rapporteuse de majorité. Voilà un an déjà que se sont déroulés les événements dont traite ce rapport. Et ce n'est qu'aujourd'hui que nous l'examinons. La voie parlementaire est lente, et cela nous semble un peu lointain.
Mais le but de cette commission, vous le savez, n'était pas de réagir à chaud pour stigmatiser des coupables de part et d'autre, quels qu'ils soient. Tout au plus avons-nous tenté de déterminer quelques responsabilités dans le seul et unique objectif de prévenir de tels événements à l'avenir.
Le rapport de la commission s'est voulu objectif et impartial. Pour ma part, c'est dans cette optique que je l'ai rédigé, que ce soit le compte rendu des faits, celui des auditions ou les conclusions.
Depuis ces événements, d'autres se sont produits qui concernent aussi, hélas, des jeunes confrontés au phénomène de la violence. J'en citerai deux. Je ne peux m'empêcher d'évoquer la tragédie de Denver, qui a eu lieu la semaine dernière; ce type de tragédie n'est pas nouveau aux Etats-Unis, mais il n'a jamais atteint de telles proportions.
A Genève, nous n'en sommes pas encore là - Dieu, merci - mais ce drame souligne l'importante nécessité de s'atteler très sérieusement à cette problématique avant qu'elle n'empire. Je pense également à la manifestation des squatters, au début du mois, qui s'est mal passée, puisqu'il y a eu affrontement entre les jeunes et les forces de la police.
Ces deux événements n'ont aucune commune mesure dans leurs proportions, mais cela me fait dire qu'il faut absolument casser l'engrenage de l'escalade de la violence.
La presse a accusé la commission de faire porter les responsabilités à tout le monde, dans ses conclusions : police, organisateurs de la manifestation, organisation OMC, société. Il aurait été certainement plus croustillant de trouver la cause unique et identifiable qui aurait provoqué ces troubles. Mais cette démarche n'aurait pas été honnête, car chacun ici sait qu'à tout phénomène correspondent des causes multiples, ou, plutôt, si l'on peut dire, des causes profondes, puisque la violence exprime toujours une révolte, et nécessite des facteurs qui permettent à cette révolte de s'exprimer.
Ce qui a surpris tout le monde dans cette manifestation de mai 1998, c'est le nombre de jeunes - de très jeunes, même - qui y ont participé. Mais, au fond, pourquoi s'en étonner ? Les jeunes se voient confrontés à une sorte de «multicrise» : crise économique, crise écologique, crise internationale et, aussi, crise politique. Les jeunes s'estiment, et sont sans aucun doute, les victimes d'un système économique injuste et d'un effondrement de notre système de valeurs. Certains, victimes de la relégation sociale, rentrent par effraction dans l'actualité.
A mon avis, il est plutôt positif de constater que les discours omniprésents que sont l'apologie de la compétition et l'éloge de la surconsommation macdonaldienne n'ont pas tué chez eux l'aspiration à une autre idéologie. Soyons vigilants pour que l'enthousiasme des premières manifs ne dégénère pas en actes de violence et de «chacun pour soi». Puisque cette manière de s'exprimer est la seule qu'ils aient trouvée, sachons l'écouter. Pour éviter les débordements, la simple répression ne suffit pas : elle est inefficace.
Il faut absolument identifier les causes des révoltes, qu'elles soient le fait de jeunes ou de moins jeunes. Nous pensons qu'il faut rechercher du côté des menaces que le court terme fait peser sur l'avenir, des exigences de performance d'une société en apparence tolérante et ouverte aux multiples opinions, mais qui, en réalité, rejette souvent ce qui n'est pas conforme à ce qui est considéré comme le «bien agir» et le «bien penser».
C'est dans cette voie qu'il faut creuser, et c'est pourquoi je me réjouis vivement de l'initiative prise par le Conseil d'Etat d'organiser des assises. Je l'en remercie et ne peux que souhaiter que des propositions concrètes en sortiront et qu'elles seront prises au sérieux. Nous y veillerons.
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Dans une atmosphère certainement plus sereine qu'il y a quelques mois, nous débattons aujourd'hui des questions qui ont surgi dans ce parlement au sujet des manifestations de mai 1998. Vous venez d'entendre un rapport très «soft», pour parler français... (Rire de M. Blanc.) ...et prononcé d'une voix très douce, qui ne correspond peut-être pas entièrement à l'ambiance des travaux de la commission. Faisons donc ici abstraction du fait que celle-ci a été très heurtée et que, finalement, les conclusions de la majorité ont été votées par cinq députés... sur quinze, les dix autres se refusant à prendre part aux travaux de cette commission, à partir de l'automne !
Alors, bien sûr, on peut dire que sur le plan de la stricte procédure parlementaire, il s'agit d'une vieille histoire : vous avez en face de la rapporteuse de majorité, un rapporteur de minorité qui tenait quand même, au nom d'une bonne partie en tout cas de ceux qui n'ont pas assisté à la fin des travaux, à dire et à rappeler qu'on n'avait jamais vu de telles manifestations à Genève : il y a eu quinze policiers blessés, dont deux grièvement; cent quatre-vingts plaintes et si la rapporteuse de majorité, aujourd'hui - aujourd'hui, au printemps 1999 - a raison de s'insurger contre la violence, notamment la violence des jeunes, elle oublie peut-être - mais j'en suis sûr involontairement - qu'elle ne fait allusion qu'à une violence qui a lieu dans des sociétés policées. En effet, elle a donné deux exemples qui se produisent dans des sociétés qui ne connaissent pas la guerre. J'imaginais qu'elle nous parlerait de la violence au Kosovo, en Serbie, au Kurdistan et dans tant d'autres pays.
Je trouve un tout petit peu surréaliste de ne pas faire tous les efforts possibles - vous me direz que c'est un autre problème - pour lutter contre la violence dans ces pays en guerre et de s'interroger - moi aussi, je félicite le Conseil d'Etat d'organiser des assises sur la violence - sur les violences qui surgissent dans des sociétés peut-être trop calmes, trop ouatées, dont les raisons semblent ne pas avoir été véritablement examinées par la commission. Toujours est-il, je pense, que la situation s'est en grande partie décantée. Je crois que personne ne va s'opposer à la résolution qui avait été déposée par trois députés en février 1999, puisque le Conseil d'Etat avait déjà pris ou allait prendre - peu importe le calendrier - la décision d'organiser ces assises sur la violence.
J'aimerais tout de même souligner ici qu'en ce qui concerne les manifestations de l'OMC une bonne partie de ce Grand Conseil ne peut pas accepter les faits tels qu'ils se sont passés et pense que, quelles que soient les investigations faites lorsque la commission était au complet, ou les nouvelles auditions faites ensuite, la commission parlementaire n'a pas véritablement répondu aux deux questions qui étaient posées.
La première était évidemment vaste : quelles sont les causes qui peuvent être mises en relation avec les pillages et, plus généralement, avec la violence des jeunes ? La réponse aurait certainement été empruntée, parce que Genève n'est certainement pas la ville la plus misérable d'Europe.
La seconde : la police est-elle préparée à cette nouvelle forme de protestation et son comportement a-t-il été adapté en toute circonstance ? Les réponses apportées - par cinq députés sur quinze, je le rappelle - sont consternantes dans la mesure où on a cherché à prendre en faute la police et pas du tout à mieux comprendre son comportement. Je rappelle tout de même qu'une partie importante de ce Grand Conseil est consciente des difficultés rencontrées par la police et tient à la remercier de l'ordre qu'elle fait respecter tant bien que mal dans cette cité. Nous trouvons extrêmement regrettable que le rapport de majorité rejette la faute sur tout le monde : sur la presse, sur les journalistes, sur les policiers, sur les politiques, sur tout le monde sauf sur les organisateurs des quatre manifestations prévues, annoncées, il est vrai - nous ne parlerons pas des manifestations les plus douloureuses qui ont eu lieu et qui, paraît-il, n'étaient organisées par personne... C'est quelque chose d'inacceptable pour la minorité !
Mesdames et Messieurs les députés, je demande donc que les conclusions du rapport de majorité soient rejetées, puisque des assises sur la violence vont avoir lieu.
Mme Nelly Guichard (PDC). Monsieur le président, je demande que soit lue la lettre de Mme Ariane Piguet, comme M. Pierre-François Unger vous l'avait demandé lors de la dernière séance du Grand Conseil.
Le président. Madame la secrétaire, je vous prie de bien vouloir procéder à la lecture de cette lettre.
Annexe lettre Mme Piguet
M. Pierre-Pascal Visseur (R). Le soi-disant rapport de majorité, émanant de cinq députés sur quinze, qui vous est présenté cet après-midi ne mériterait ni plus ni moins qu'un classement vertical s'il ne fourmillait de mensonges, d'insultes et de subjectivité...
Mensonges, car dès le début un député qui n'avait rien à y faire y était pourtant présent jusqu'au bout des débats. Je ne m'étendrai pas sur cet incident qui a été très bien décrit par le rapporteur de minorité.
Insultes parce que ce rapport-croupion se permet de remettre en cause un ancien et brillant conseiller d'Etat, feu Henri Schmitt, qui n'est plus parmi nous pour répondre à ces critiques, mais que nous nous ferons un honneur de défendre. Critiquer sa façon d'assumer la responsabilité du Conseil d'Etat dans les manifestations des années 70 dénote bien de l'état d'esprit des auteurs de ce rapport-croupion qui, pour ceux qui n'étaient plus dans leur berceau, étaient bien du côté des manifestants, voire des casseurs qui, déjà à l'époque, n'étaient pas forcément les mêmes.
Votre serviteur se souvient fort bien de quelle façon malhonnête la Ligue marxiste révolutionnaire de l'époque et leurs petits copains de la brèche nous distribuaient - à nous autres, collégiens bourgeois de Calvin - des tracts appelant à venir casser du flic au nom de l'anti-impérialisme américain, entre autres. (Exclamations.)
M. Alberto Velasco. Toi, tu n'étais pas là !
M. Pierre-Pascal Visseur. Nombreux, parmi nous, furent ceux qui se laissèrent manipuler - Monsieur Velasco - se fichant parfaitement des buts souvent légitimes des manifestations, mais prenant plaisir à casser non seulement du flic mais aussi des petits commerces et dans des mesures bien plus importantes que lors des manifestations anti-OMC de l'année passée.
La police était certes encore moins bien équipée qu'aujourd'hui, mais sa réaction trop dure aux yeux des manifestants, déjà à l'époque, était bien trop molle aux yeux de toutes les victimes de ces manifestations. L'effort des responsables de l'époque, de feu Henri Schmitt, du chef de la police et du commandant de la gendarmerie, M. Zweigart, était déjà visible.
Subjectivité, parce que les auteurs de ce rapport-croupion sont passés comme chat sur braise sur la responsabilité des organisateurs alors qu'ils s'étalent en long et en large sur celle de la police et sur celle de l'Etat. L'un des témoignages les plus significatifs, car il émane d'un journaliste de la Télévision suisse bien connu pour son appartenance à un parti de gauche français, qui observe annuellement plusieurs manifestations internationales, est celui-ci : il a relevé à quel point le manque de prévision et de service d'ordre de la part de l'organisation mondiale des peuples avait joué un rôle négatif dans la dégénérescence des manifestations. Même les Kurdes, lors des dernières manifestations, ont su éviter les violences grâce à un service d'ordre bien organisé, comme ont pu le constater certains membres de la commission-croupion.
C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, qui démontrent que le rapport que l'on nous présente aujourd'hui n'est pas légitime, que nous vous engageons à le refuser purement et simplement.
Une voix. Il faut engager les Kurdes ! (Rires.)
Le président. Le renvoi de ce rapport en commission a été demandé... Madame Bugnon, vous avez la parole.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Tout d'abord, un mot par rapport à la lettre qui vient d'être lue, de Mme Ariane Piguet. Je regrette : les faits indiqués ne sont pas exacts ! Mme Piguet a en effet parlé à la secrétaire du Grand Conseil, mais elle ne m'a jamais parlé directement. Je n'ai donc jamais pu lui dire que la commission terminait ses auditions et qu'il ne serait pas nécessaire qu'elle vienne. Je regrette ce courrier, je regrette de devoir y répondre, mais, enfin, il en est ainsi.
J'aimerais souligner, Mesdames et Messieurs les députés, la qualité du rapport de Mme Dallèves-Romaneschi. Ce rapport est en parfaite concordance avec tout ce qui a été entendu dans cette commission.
Nous avons deux possibilités aujourd'hui : aller dans le sens de Mme Romaneschi, c'est-à-dire de parler des risques inhérents à ces manifestations et d'avoir des discussions pour examiner tout ce qui peut être fait pour éviter cette violence à Genève, notamment en mettant des assises sur pied. Je remercie d'ailleurs le Conseil d'Etat d'avoir d'ores et déjà accepté de les mettre sur pied. L'autre possibilité, exprimée par les députés de l'Entente, est d'entrer une nouvelle fois dans la polémique.
Cette commission a soulevé plus de polémique que je n'en ai jamais vue en plus de dix années de Grand Conseil. C'est très regrettable. A l'issue des travaux, je dois dire que je suis assez fière, comme les personnes qui faisaient partie de cette commission, du contenu de ce rapport. En effet, grâce à notre insistance à poursuivre les travaux, malgré le petit nombre de députés qui y ont participé, ce rapport contient des témoignages de qualité d'une grande importance pour les prochaines assises. Tout ce qui a été dit par les personnes auditionnées sera une base de travail très importante pour le jour où nous en débattrons. Je tenais à le dire.
Je relève toutefois que ce rapport ne parle pas uniquement de la police, Monsieur Visseur, il parle également des organisateurs, de leurs faiblesses, du fait qu'ils ne se sont pas rendu compte de l'ampleur que pouvaient prendre ces différentes manifestations, en prenant le risque d'organiser des manifestations sur plusieurs jours, ce qui est difficilement gérable - en effet, certains groupes de manifestation ont éclos à divers endroits. Si vous lisez le rapport comme il faut, chapitre par chapitre, vous verrez que ce sujet est évoqué également.
Ce rapport parle aussi de la presse. Il serait très intéressant pour vous de lire le livre de M. Windisch qui vient de sortir, suite à la demande du Conseil d'Etat de faire un rapport. M. Windisch dit à plusieurs reprises qu'il existe une inadéquation entre les images que nous avons pu voir à la télévision et les images qui ont été prises par des vidéastes amateurs. Il vaudrait la peine d'en discuter et d'examiner quel a été le rôle de la presse : ce qu'elle a souhaité montrer, à quel moment et pourquoi. Ce point est également évoqué dans le rapport.
Il évoque aussi l'attitude du Conseil d'Etat, qui n'a pas manqué de nous étonner. En effet, le conseiller d'Etat responsable du département a attiré l'attention de tous les députés sur un article paru dans «L'Hebdo», en le leur envoyant pour qu'ils le lisent. Et puis, ensuite, après que nous en eûmes pris connaissance, il a refusé énergiquement que nous entendions les policiers qui avaient été interrogés par «L'Hebdo». Je ne peux pas comprendre une telle manière de faire, pas plus que je ne peux comprendre les dérapages verbaux dont le dernier en date, le 18 février 1999, est paru dans le GHI. Je pense que tout cela n'est pas digne d'un conseiller d'Etat, et que cela n'a servi qu'à mettre de l'huile sur le feu.
Monsieur Lescaze, vous avez dit que la commission n'avait pas répondu aux questions. Je crois qu'il faut avoir une certaine humilité, une certaine modestie, et penser que c'est une question vaste et importante et que nous n'avons simplement pas pu y répondre. Nous nous sommes contentés d'apporter notre contribution, pas seulement par notre réflexion mais à l'aide
des témoignages. C'est ce qui est important. Il faut espérer que de ces assises sortiront des réponses à ces questions, ou au moins des éléments permettant d'agir préventivement pour éviter que de tels événements ne se reproduisent.
Enfin, je tiens à réagir à certains propos de M. Visseur - quelques-uns sont tellement révoltants, comme la comparaison avec les Kurdes, que je préfère ne pas en parler... Il a parlé de mensonges, d'insultes et d'injures : ce rapport n'en contient pas ! Vous avez une vision souvenir de M. Henri Schmitt qui est la vôtre; ce n'est pas la mienne ! Je me souviens que celui-ci avait fait vider le Prieuré avec une violence incroyable, alors qu'il y avait des mômes de 15 ans à l'intérieur - et je faisais partie de ces mômes. A chacun ses souvenirs. Nous avons simplement parlé d'un lien qui existe avec les événements de l'époque. Cela ne me semble pas être une insulte, et nous ne retirons pas nos propos. (Applaudissements.)
M. Claude Blanc (PDC). Il y a effectivement un énorme fossé entre les travaux de la commission - si on peut appeler cela des travaux, d'ailleurs - et les propos lénifiants de la rapporteuse de majorité, qui tente aujourd'hui de faire dévier le débat sur des considérations d'ordre général sur la violence, sur ses causes et sur les moyens d'y remédier.
En réalité, les membres de la commission, dès les premières séances, se sont aperçus que la commission allait dans une direction, sous une présidence partiale et téléguidée, qui ne permettait pas un débat serein. J'en veux pour preuve, que, lorsque nous avons entendu le témoignage d'un journaliste qui faisait l'objet d'une plainte de la part d'un membre de la commission, ce dernier n'a même pas eu la pudeur de quitter la séance à ce moment-là... Comment voulez-vous que ce journaliste puisse témoigner librement en présence de la personne ayant porté plainte contre lui ? C'est de l'intimidation ! Bien sûr, cela fait partie de certaines méthodes politiques que nous avons souvent connues et que, malheureusement, certains pays connaissent encore, mais ce ne sont pas nos méthodes à nous. Je regrette !
Pour ma part, j'ai été très choqué de la manière dont vous avez tenté d'orienter ces travaux. Dès le premier jour, nous nous sommes aperçus - et M. Visseur l'a dit - que certains voulaient «manger du flic» et, surtout, atteindre le chef du département de justice et police et des transports en l'accusant - presque - d'avoir lui-même fomenté les troubles pour pouvoir taper sur les manifestants, d'avoir lui-même attisé la violence par ses propos. En réalité, la violence a été attisée par un certain nombre de personnes qui, à l'appel de l'Organisation mondiale des peuples, sont venues de toute l'Europe uniquement pour créer des troubles et pour empêcher l'Organisation mondiale du commerce de fêter son cinquantième anniversaire. Madame Bugnon, vous disiez tout à l'heure, avec pour une fois beaucoup de justesse... (Rires.) ...que vous faisiez partie des jeunes qui avaient été matraqués par Schmitt, à l'époque...
Une voix. Elle le mérite !
M. Claude Blanc. Evidemment, ce sont les mêmes qui «cassaient du flic» dans les années 1968/70, qui, aujourd'hui, ayant un peu blanchi sous le harnais, gardent des réminiscences de leurs violences de l'époque et qui encouragent la violence d'aujourd'hui... (Remarques et exclamations.) Et ils viennent ensuite, comme Raminagrobis, dire que nous devons nous pencher sur le symptôme de la violence... Mesdames et Messieurs, votre hypocrisie est incommensurable ! (Rires.) Comme M. Lescaze, je pense que le rapport de la commission croupion ne mérite que l'indifférence !
M. Gilles Desplanches (L). Comme mes préopinants, je tiens à exprimer ma déception quant à l'objectivité de cette commission, déception qui a été partagée. En réalité, seuls deux partis ont poursuivi les travaux de la commission, puisque nous nous sommes aperçus de certaines incohérences, notamment lorsque le député qui était partie prenante a tout de même estimé qu'il pouvait siéger en commission. Nous devons donc nous demander si les députés sont au-dessus de l'ordre moral ou s'ils ne doivent pas avoir une certaine retenue lorsqu'ils sont partie prenante et s'abstenir de faire partie d'une commission. Le but n'est pas de montrer du doigt l'un ou l'autre.
Cette commission devait jouer un rôle prépondérant par rapport à la violence; en réalité, les partis étaient venus dans le but d'apporter un éclairage, le plus objectif possible, mais, malheureusement - nous nous en sommes aperçus dès les premières séances - cela n'était plus possible, en raison justement de la présence de ce député qui s'est cru au-dessus de l'ordre moral, estimant pouvoir être juge et partie. Il a commis une faute, ce qui a entraîné toute la commission à tenir un raisonnement qui aurait pu manquer de lucidité.
Les différents procès-verbaux sur l'audition ne manquent pas de pertinence mais, par contre, il n'en est pas de même pour le rapport. Sa conclusion, comme une grande partie des travaux de la commission du reste, manque d'objectivité, et j'imagine que bon nombre de citoyens vont s'interroger sur l'esprit parlementaire de Genève.
Les commissaires admettent que le but de la protestation anti-OMC n'a pas joué un rôle significatif dans les violences et que bon nombre de manifestants n'avaient pas d'idées politiques : je l'ai repris du rapport.
Certains, une minorité, étaient présents dans le but de casser, de piller. Ce type de comportement est proche de l'hooliganisme. Les commissaires admettent que les organisateurs, après avoir lancé un appel international, auraient dû prévoir un service d'ordre digne de ce nom, ce qui n'a pas été fait.
Quant à la police, la commission estime qu'elle a péché par omission et qu'elle n'a pas pris les manifestations suffisamment au sérieux : quand on sait le nombre d'heures supplémentaires effectuées par la police genevoise - je ne parle pas des polices confédérées, car il ne faut tout de même pas oublier que certaines polices d'autres cantons sont venues prêter main-forte - on peut douter réellement que la police ait sous-estimé l'envergure de ces manifestations. Avec ce raisonnement, on pourrait imaginer que les commissaires ont estimé que les fonctionnaires genevois n'étaient pas à la hauteur, alors que certains policiers ont effectué plus de quarante heures supplémentaires, ce qui est plus qu'honorable.
De plus, certains commissaires estiment que la police genevoise devrait prendre exemple sur la France, où il existe des brigades d'intervention spéciales : les CRS. Ce sont des brigades musclées dont le but, justement, est de casser les manifestations. Mais on ne peut pas comparer Genève à la France. Il faut faire la différence entre une ville comme Genève et un petit canton, comptant moins de quatre cent mille habitants, et un pays comme la France, qui en compte plus de soixante millions, et dont les pelotons de CRS se déplacent d'un département à l'autre.
Ce rapport ne parle pratiquement pas des dégâts subis par les commerçants. Pourtant, je doute que lors des prochaines manifestations les commerçants attendent sagement que les manifestants viennent casser et piller leurs vitrines. La violence de ces jeunes est forte : il faut trouver des solutions. Peut-être les assises permettront d'y répondre, sinon entièrement du moins partiellement, mais il est malheureux que le travail entrepris par la commission, dont le but était de mettre ces violences en évidence, ait tout simplement été ignoré par une partie de cette commission. Il en restera donc un point d'interrogation.
Les commerçants ont été extrêmement déçus de lire ce rapport, car trois malheureuses lignes seulement évoquent la casse qui a été constatée dans les entreprises et les commerces. Si dans quelques années, dans quelques mois ou dans quelques jours, nous sommes confrontés à des mouvements de révolte et que les commerçants veulent se défendre, eh bien, Mesdames et Messieurs qui avez fait et soutenu ce rapport, vous devrez admettre qu'en ne tenant pas compte de tous les intéressés, commerçants y compris et les jeunes, bien sûr, on n'attise pas la violence, mais on l'encourage !
M. Rémy Pagani (AdG). J'ai été pris à partie dans ce débat et dans cette commission d'enquête. J'aimerais donc relever un ou deux faits qui me paraissent évidents.
Contrairement à ce que vous prétendez, Monsieur Lescaze, les membres de la minorité de la commission ne voulaient pas seulement exclure un membre mais tous les membres de cette commission qui auraient participé aux manifestations. J'en veux pour preuve - je me réfère à une interprétation relativement fallacieuse de M. Lescaze - la lettre que nous a adressée, en date du 24 juin 1998, soit au début des travaux de la commission...
Une voix. On s'en fout !
M. Rémy Pagani. ...M. Desplanches qui demandait, je cite : «Dans un souci d'équité, il nous semble indispensable de ne pas discréditer la commission par la présence de députés ayant manifesté au côté de l'AMP.» C'est là que réside le problème : la minorité qui s'est retrouvée, contrairement à l'habitude ces cinquante dernières années, en état de minorité n'a pas accepté que le problème de la violence dans notre cité soit traité autrement que par la violence et la répression.
Nous estimions que les questions concernant la montée de la violence, et le terreau dans lequel cette violence prend naissance, devaient être posées tout d'abord. Nous avons donc travaillé assidûment à cet objectif et nous n'avons effectivement pas répondu à l'ensemble des questions que nous nous posions. Toujours est-il que nous avons posé des jalons pour qu'un travail de prévention réel soit enfin entrepris dans notre République, ce qui est tout de même mieux que d'attendre que la situation dégénère et que certaines catégories de la population se paupérisent, afin d'exercer la répression et montrer comment «M. Gendarme» est nécessaire... Nous pensons qu'il y a d'autres moyens et qu'il est possible de prévenir la violence, notamment en tenant compte de l'ensemble des revendications sociales des catégories que le néolibéralisme a exclues de notre système. C'est cela que vous n'avez pas supporté, et j'en ai fait les frais - cela m'est égal, du reste. Monsieur Lescaze, le véritable problème réside en cela.
Je tiens à dire par ailleurs que le Conseil d'Etat, dans sa majorité - j'espère que M. Ramseyer y a également participé - a décidé de créer des assises, ce qui va dans la bonne direction : mener une véritable réflexion collective, qui fait défaut dans notre République, pour prévenir la violence. Le Conseil d'Etat a donc abondé dans le sens de la résolution qui vous est soumise. Ces assises permettront, je l'espère, de déterminer les causes de la violence et de trouver les remèdes à ce phénomène de société, qui est répandu dans toute l'Europe. Strasbourg, chaque année, est le théâtre de violences. Il faut donc faire en sorte que le moyen d'expression légitime de certaines catégories de la population, qui sont exclues, ne soit plus la violence.
Nous estimons ainsi avoir répondu à notre mandat.
M. Olivier Vaucher (L). Je ne pensais pas intervenir, mais suite aux propos que certains préopinants se sont permis de tenir, je voudrais apporter quelques précisions complémentaires.
Tout d'abord, le rapport de majorité évoque le témoignage, en page 11, de M. Linker. Je suis choqué, pour ne pas dire outré, de la manière dont Mme la rapporteuse de majorité a rapporté les propos de M. Linker. J'ai assisté à cette séance en tant que remplaçant, je n'ai donc pas assisté aux séances précédentes et ensuite, comme vous le savez, nous avons renoncé à participer aux travaux de cette commission pour les raisons déjà évoquées. J'étais présent, je le répète, et j'ai été touché par les propos de M. Linker, propos que Mme la rapporteuse de majorité s'est bien gardée de retranscrire avec objectivité. Elle transforme les faits avec force détails truculents; pourtant j'ai une bonne mémoire et je n'ai absolument pas entendu la même version de la bouche de M. Linker. Par contre, M. Linker dit - ce qui est mentionné - que lorsqu'il a volontairement et sciemment franchi le barrage de police il savait à quoi il s'attendait, c'est-à-dire à recevoir des coups, mais qu'il en avait l'habitude, comme certains des manifestants - comme M. Pagani... - qui sont des manifestants professionnels.
Alors, je n'apprécie pas du tout la version mensongère de ce rapport. Certains des préopinants ont parlé de : «rapport objectif reflétant toute la réalité de ce qui a été dit en commission»... Je m'inscris en faux !
En outre, il est surprenant de constater que certains des manifestants aient pu être auditionnés deux fois et que d'autres, victimes de ces manifestants, n'ont même pas pu être entendus.
La lettre qui a été lue tout à l'heure m'a particulièrement stupéfait. Elle montre encore les manquements graves de cette commission.
En conséquence, je vous demande de ne pas vous rallier à ce rapport de majorité qui, je vous le rappelle, est loin d'être une majorité. D'ailleurs, Monsieur le député Pagani, vous avez évoqué le fait que vous n'étiez pas le seul député à avoir participé à la manifestation. Je serais intéressé de connaître le nom des autres. Si cela se trouve, ils ont oublié - comme vous - l'article 24 en participant aux travaux d'une commission, alors qu'ils n'en avaient pas le droit.
Pour l'instant, il faut donc plutôt nous rallier au rapport d'expert, puis, par la suite, aux conclusions des assises.
Enfin, comme M. le rapporteur de minorité le dit en page 51, à ma connaissance, il n'a été clairement répondu à aucune question posée.
Mme Marianne Grobet-Wellner (S). J'aimerais que ma collègue, Elisabeth Reusse-Decrey, qui a demandé la parole avant moi, s'exprime d'abord pour donner la position du parti socialiste. J'interviendrai ensuite.
Le président. La parole est à M. Ferrazino !
M. Christian Ferrazino (AdG). Je ne répondrai pas aux différentes provocations des bancs d'en face... Vous nous montrez aujourd'hui, une fois de plus, qu'au lieu de débattre du fond des problèmes, vous préférez rester au niveau des injures et des provocations. Monsieur Blanc, nous n'avons pas de leçons de morale et d'éthique à recevoir de votre part, surtout par les temps qui courent... (Exclamations.)
Cela étant précisé, je ne suis pas étonné du contenu de votre rapport, Monsieur Lescaze, étant donné que vous ne vouliez pas de cette commission. Il est donc assez normal - cohérent avec vous-même - que vous ayez tout fait pour tenter de paralyser son travail. Eh bien, voyez-vous, Monsieur Lescaze, vos efforts ont été totalement inutiles, parce que, en l'occurrence, si cette commission n'était pas très nombreuse elle était de qualité, et vous pouvez vous rendre compte que la qualité des ses travaux est inversement proportionnelle au nombre de ses participants. On ne peut donc que s'en féliciter. Mais je ne prendrai pas votre habitude de rester sur des invectives, pour ne pas aborder le fond du problème.
Je trouve tout à fait regrettable que votre unique obsession... (Un téléphone portable sonne.) (Rires.) Certains ont de la peine à se réveiller... Je me demande qui c'est... Je trouve dommage que votre unique obsession soit de vous en prendre au travail de cette commission, d'une part, et aux conclusions auxquelles elle est parvenue, d'autre part. Monsieur Lescaze, vous avez dit, je vous cite, que vous souhaitiez que les conclusions du rapport de majorité ne soient pas acceptées. Je me contenterai de vous dire ceci : ces conclusions sont exactement les mêmes que celles auxquelles les experts mandatés par le Conseil d'Etat sont parvenus. C'est dommage que vous n'ayez pas pris la peine de lire le livre de M. Windisch qui est un des professeurs...
M. Bernard Lescaze, rapporteur de minorité. Je ne l'ai pas !
M. Christian Ferrazino. Il est possible de l'acquérir en librairie, Monsieur Lescaze ! Au lieu de vous focaliser sur les conclusions, que vous contestiez avant de les avoir lues, du rapport de majorité de la commission, vous auriez pu voir, en lisant le livre de M. Windisch, qu'il fait exactement le même constat... Mme Caroline Dallèves, en page 48, nous dit que les responsabilités sont largement partagées et qu'il faut mettre l'accent en priorité sur le travail de prévention, ce qui implique, soit dit en passant, que M. Ramseyer change effectivement d'attitude lorsqu'il fait des déclarations à la presse sur ce genre d'objets. M. Windisch va encore plus loin... (L'orateur est interpellé par M. Vaucher.) Oui, je sais, Monsieur Vaucher, que les insultes font partie de votre démarche habituelle, mais vous me permettrez de ne pas entrer dans votre jeu. Nous voulons simplement aborder le fond du problème. (Le président agite la cloche.) Vous nous faites perdre du temps, comme d'habitude, de manière peu utile, Monsieur Vaucher !
La conclusion à laquelle parvient l'expert mandaté par le Conseil d'Etat est, précisément, de créer un observatoire de la prévention et de la sécurité. Cela lui a semblé nécessaire, après avoir passé en revue, comme l'a fait la commission, mais encore plus en détail, puisqu'il a visionné l'ensemble des films, des vidéos, de la presse, etc. C'est exactement la même conclusion.
Alors, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, avant de vous en prendre au travail de cette commission avec l'acharnement et l'aveuglement qui vous caractérisent, prenez connaissance du rapport de l'expert mandaté par le Conseil d'Etat, et vous verrez que les conclusions auxquelles il parvient sont exactement les mêmes.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Vous aurez constaté que le rapport de minorité parle au nom des groupes libéral, démocrate-chrétien et radical et non pas au nom du parti socialiste. En page 2 du rapport de majorité, vous aurez également pu constater que les représentants des partis libéral, radical, démocrate-chrétien et socialiste ont déclaré qu'ils exigeaient le départ de l'un des commissaires désignés par l'Alliance de gauche, sans quoi ils refusaient de continuer à siéger.
Il incombe d'apporter quelques précisions et de contredire ces propos.
Permettez en préambule un petit rappel des faits. Au lendemain de la conférence de l'OMC, qui, comme on l'a dit, a été marquée par des événements violents et pas vus à Genève depuis longtemps, divers députés de l'Alternative ont décidé de déposer devant ce Grand Conseil une demande de création d'une commission parlementaire chargée d'étudier et de comprendre le déroulement des événements. Dans un climat qui était déjà extrêmement crispé où fusaient les insultes, c'est à une courte majorité que cette proposition de résolution a été acceptée par le parlement et renvoyée à ladite commission.
Dès le début, le parti socialiste a exprimé très clairement qu'il n'entendait pas faire de cette commission une commission-juge, cherchant des têtes et des coupables, mais qu'il souhaitait mener une analyse objective et impartiale sur les événements qui avaient secoué Genève, d'en tirer des leçons et, surtout - surtout - d'essayer d'élaborer des propositions pour l'avenir. Les enjeux en étaient et en sont toujours aujourd'hui très importants : le malaise d'une certaine jeunesse, le fonctionnement de la police et de sa hiérarchie, l'influence de la presse, l'avenir de la Genève internationale et je passe d'autres sujets tout aussi importants. Tous ces sujets, Mesdames et Messieurs les députés, représentent les vrais enjeux de notre société. Travail d'analyse, de recherche, de réflexion, de compréhension, mené avec une approche quelque peu différente de celle des autres commissions parlementaires habituelles.
Le sujet étant extrêmement sensible, il fallait tout faire, à notre avis, pour que cette commission puisse débattre dans des conditions sereines. C'est donc dans ce souci et pour travailler de manière objective, avec l'intention de parvenir à des résultats concrets, que le parti socialiste, en plein accord avec les députés concernés et même à leur initiative, a renoncé à faire siéger dans cette commission les personnes qui avaient été particulièrement impliquées. La question ne s'est pas posée en terme de droit, chaque député ayant sans doute le droit de siéger dans cette commission. Mais il s'agissait du choix du parti socialiste, de manière à donner à cette commission des possibilités de travail maxima. Choix - j'aimerais le préciser, ici - qui n'impliquait nullement que le groupe socialiste allait renier les valeurs qu'il avait à défendre dans cette commission, telles que, par exemple, le droit de manifester librement, l'écoute des jeunes, la non-violence, la lutte contre la globalisation, etc.
C'est donc dans cet esprit que le groupe socialiste a entrepris ces travaux avec une volonté d'aboutir et beaucoup d'intérêt lors des premières auditions auxquelles nous avons pu assister. Malheureusement, cette commission a progressivement éclaté et, dès lors, les socialistes ont choisi de ne plus s'associer aux travaux de ce qu'ils considéraient ne plus être une commission parlementaire. Des débats menés à deux ou trois groupes ne peuvent en effet plus être crédibles et les résultats n'ont que peu de valeur, car ils ne sont pas le reflet d'un réel débat parlementaire. C'est pourquoi aujourd'hui nous regrettons que le débat dérape de nouveau avec des insultes et des attaques.
Je me permets tout de même d'apporter une petite précision, parce que je ne peux pas accepter vos propos, Monsieur Vaucher. Vous accusez la rapporteuse de n'avoir pas retranscrit objectivement l'audition de M. Linker, en particulier. Alors, parlons-en ! La rapporteuse a peut-être aussi «oublié» la manière dont vous préjugiez des personnes auditionnées. Puisque vous avez parlé de M. Linker, nous pourrions également parler des petits billets qui circulaient entre les membres du groupe libéral, lors de l'audition de ce dernier, l'accusant d'être un drogué... Il me semblait que cela devait être clairement dénoncé ! (L'oratrice est interpellée.) (Le président agite la cloche.) Les auteurs de ce genre de billets feraient mieux de ne pas les oublier sur leur place, à la fin des séances de commission... (Rires.)
Le groupe socialiste souhaite maintenant aller de l'avant. Il ne sera pas question de voter le rapport de majorité ou le rapport de minorité. Ces rapports ne sont pas soumis à un vote. Le Grand Conseil doit simplement en prendre acte. Nous refuserons la proposition de M. Lescaze de renvoyer ce rapport en commission. Nous souhaitons maintenant aller de l'avant; comme cela a été dit par plusieurs députés, le Conseil d'Etat a pris la décision d'organiser des assises, et cela nous satisfait pleinement. Nous avions d'ailleurs signé la résolution qui le demandait. Nous espérons qu'elles aboutiront à des propositions concrètes, qui permettront à l'avenir d'éviter ce genre de conflits.
Mme Marianne Grobet-Wellner (S). Le groupe socialiste prend donc acte du rapport de la majorité de la commission tout en regrettant le refus de la rapporteuse de la majorité de joindre en annexe de son rapport la position des commissaires socialistes. Soit dit entre parenthèses, cela illustre quelque peu les difficultés rencontrées lors de nos travaux.
Quant au rapport de la minorité, nous tenons à rectifier une inexactitude s'agissant de la non-participation de l'un de nos députés aux travaux de la commission. Contrairement à ce qui est indiqué à la page 51, au troisième paragraphe, nous n'avons nullement eu besoin de prier un des nôtres qui avait participé à la manifestation contre l'OMC de ne pas siéger dans la commission parlementaire tant il était évident qu'il était souhaitable, voire indispensable, pour le bon fonctionnement de la commission, que les personnes directement impliquées devaient renoncer à y siéger. En effet, la valeur des travaux et des conclusions de cette commission dépendait d'une large participation, cela d'autant plus qu'aucun d'entre nous, à ma connaissance, ne pourrait prétendre être expert en la matière.
Bien que ce travail de réflexion reste à faire, en y associant tous les milieux concernés, nous nous opposons au renvoi de ce rapport en commission étant donné que rien ne nous indique que nous ne rencontrerions pas les mêmes difficultés. Nous saluons par contre l'initiative du Conseil d'Etat de mettre sur pied cet automne un forum, traitant des phénomènes de violence au sein de la société, allant dans le sens de la résolution 398.
Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). J'aimerais vous dire, Monsieur Vaucher, que cette manifestation comptait cinq à six mille personnes dont quelques députés - et pas seulement M. Pagani !
C'était une manifestation non violente. Je rappelle les principes mêmes de base de l'AMP : la résistance non violente, en précisant que c'est surtout la désobéissance civile non violente qui avait été prônée. Malheureusement, un groupe de casseurs s'est invité à cette manifestation, avec les conséquences que l'on connaît...
Je reviens à la question de la résolution, évoquée par M. Lescaze : quelles sont les causes qui peuvent être mises en relation avec les pillages et plus généralement avec la violence exprimée par certains jeunes ? De toute évidence, le rapporteur de minorité s'attendait à une réponse simpliste sur les causes de la violence des jeunes. Une telle attente est contraire à toute approche sociologique sérieuse. Les analyses et les débats que suscite la violence des jeunes dans notre société prouvent la complexité de la question.
Pour ce qui est de la deuxième question concernant la police, il y a eu trois cents interpellations; cent sept personnes déférées devant le juge d'instruction; septante-cinq plaintes de manifestants. Tout cela justifie que l'on consacre plus de temps à essayer de comprendre - ce que nous avons essayé de faire.
C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter le rapport de majorité.
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve), rapporteuse de majorité. Je suis vraiment navrée de voir la tournure que la droite a voulu donner à ce débat. Mon intervention - c'est vrai - a dû beaucoup vous décevoir, puisque je l'ai voulue non violente. Vous avez sans doute dû penser qu'elle n'était pas assez stimulante pour assouvir votre besoin d'en découdre. Ne comptez pas sur moi pour vous suivre dans ces petites querelles personnelles...
Ayant été mise en cause, je vais tout de même répondre aux critiques qui ont été faites à propos de mon rapport. Certains ont dit que je suis quelque peu perverse et que j'invente des détails truculents; d'autres disent que j'ai transformé les propos des personnes auditionnées... Alors, je vous demande de consulter les procès-verbaux et, ensuite, de me montrer ce qui ne correspond pas. Je trouve un peu trop facile de lancer des accusations de cet ordre sans preuve, et je ne les accepte pas. Je n'ai pas inventé les détails anatomiques donnés par M. Linker en commission. Ce n'est pas pour le plaisir que je les ai rapportés. J'ai simplement voulu montrer à quel point la violence était grande, et je n'ai pas du tout truqué son témoignage.
Pour ce qui est de la police, je vous signale tout de même que nous n'avons pas du tout oublié le surmenage de la police et les circonstances atténuantes qui ont pu la pousser à réagir d'une certaine manière. Je crois d'ailleurs que vous êtes bien les seuls à vous indigner de la façon dont nous en avons parlé, puisque la police elle-même semble plutôt satisfaite de notre rapport.
En effet, dans sa lettre adressée en février à Mme Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, l'Union du personnel du corps de police dit : «De même, lors des conférences de l'OMC, notre hiérarchie ne semble toujours pas préoccupée par la vie privée de ses subalternes et ne se soucie guère du risque de dérapage que peut provoquer leur fatigue aux endroits stratégiques qu'ils ont pour mission de protéger. C'est d'ailleurs un point qui a bien été relevé dans le rapport de la commission ad hoc chargée de relever
les causes de tous les débordements qui ont lieu en marge desdites conférences». Alors, si vous savez mieux que la police elle-même ce qui manque à notre rapport sur la police, eh bien vous êtes vraiment très forts !
Je constate simplement - je ne vous accuse pas de mauvaise volonté - que vous n'êtes pas suffisamment intéressés par ce sujet pour lire le rapport comme il faut ni pour lire les procès-verbaux. De même que vous n'avez pas été intéressés à assister aux séances de commission, vous n'êtes pas intéressés cet après-midi... à voir les bancs d'en face qui sont vides ! Je le regrette sincèrement, parce que, finalement, le fond du problème c'est d'essayer d'éviter ces violences à l'avenir - j'en reviens à ce que je disais au début - et j'aurais aimé trouver en face de moi des partenaires pour discuter de ce point et non pas des partenaires qui s'amusent, comme d'habitude, à polémiquer. En effet, pour certains d'entre vous, hélas, la politique n'est qu'un jeu qui vous permet de faire perdre le temps de tous les députés ! (Commentaires et applaudissements.)
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Mme Dallèves a en tout cas un auditeur attentif en ma personne, et, je l'espère, quelqu'un qui va lui répondre.
Je souhaite tout d'abord rectifier une ou deux imprécisions de M. le député Pagani. Il n'est pas juste de dire, en s'appuyant sur une lettre de M. Desplanches, écrite au début des travaux de la commission, que les députés de l'Entente voulaient exclure beaucoup de personnes. Ils ne voulaient, en fait, exclure personne. Ils souhaitaient simplement, comme l'a rappelé Mme Reusse-Decrey, que les travaux se déroulent sereinement.
Contrairement à ce que le débat pourrait laisser croire, ce n'est qu'à fin septembre que les choses ont pris une tournure désagréable. Je rappelle que c'est la députée socialiste qui nous a quittés, et non la présidente de la commission, après avoir «explosé» suite à l'audition du journaliste, M. André Klopmann. Ce n'est qu'à ce moment-là, après avoir assisté à plusieurs séances de la commission, que j'ai découvert l'existence du conflit entre M. Pagani et M. Klopmann. J'ai alors rejoint le camp de ceux qui pensaient que la présence d'un certain député n'était peut-être pas ce qui était le mieux pour atteindre le but que la commission s'était fixé. Nous en avons discuté avec le chef de groupe de l'Alliance de gauche et nous avons proposé toutes sortes de solutions qui auraient permis à l'Alliance de gauche et à son représentant de
sauver la face. Elle n'a pas accepté ces solutions, c'est son problème. Je ne veux pas aller plus avant sur ce point, mais je suis prêt à donner d'autres précisions s'il le fallait.
S'agissant de la phrase relevée par Mme Grobet-Wellner à la page 51, je lui en donne volontiers acte, d'autant plus volontiers que, si je comprends bien, M. le député Hausser s'est récusé de lui-même dans cette commission. Il faut croire que l'éthique n'est pas la même selon qu'on est socialiste ou membre de l'Alliance de gauche !
J'aimerais maintenant aborder le fond du problème, soulevé par M. Ferrazino et Mme Bolay. Mme Bolay me prend pour plus bête que je ne suis... Je le regrette... Cela ne fait jamais plaisir ! Il est évident que je n'attendais pas une réponse simple au problème complexe de la violence des jeunes. Je souhaitais bien entendu des réponses nuancées - elles ont été apportées en partie. Je regrette de ne pas avoir eu connaissance du rapport de M. Ueli Windisch, pas plus que la rapporteuse de majorité. Je le regrette d'autant plus que je connais bien M. Windisch.
Toutefois, il n'est pas nécessaire d'avoir un observatoire pour observer que la prévention n'est pas toujours suffisante. Parfois, il faut agir avec fermeté. Si un jour, en raison de troubles continuels, Genève voyait les organisations internationales la quitter, vous le savez bien, Mesdames et Messieurs les députés, ce serait sur le plan économique, sur le plan culturel et même sur le plan de l'esprit de cette cité, une très lourde perte, sans parler du manque à gagner financier. Je n'ai pas lu le rapport de M. Windisch, mais hier, au Palais Eynard, je me trouvais avec la présidente du Conseil d'Etat pour célébrer les 80 ans du choix de Genève comme ville-siège de la Société des Nations, le 28 avril 1919 : c'est une tradition que nous devons respecter. Si Genève a été choisie comme siège de la Société des Nations, c'était aussi - pas seulement - parce qu'elle offrait un havre de paix propice aux négociations internationales : il faut le rappeler, ici.
Madame la rapporteuse de majorité qui citez volontiers le Bulletin de la police - je l'avais reçu, mais je n'y avais jeté qu'un regard négligent - vous avez vous-même, dans votre rapport de majorité - que j'ai lu - cité M. Prevosto, qui, au nom du personnel de la police relève combien les policiers ont effectué une tâche difficile et qui ajoutait, je cite : «Dans ces conditions, il est intolérable d'émettre un quelconque jugement à l'encontre de ces hommes. Leur comportement a été exemplaire par rapport aux
conséquences qui auraient pu en découler. Il faut relever le courage de certains gendarmes qui, blessés, ont décidé de continuer, par solidarité envers leurs collègues.»
Madame la rapporteuse, vous avez retranscrit, sans l'approuver forcément, cette citation qui figure, sans guillemets d'ailleurs, en page 14. Il est bien dommage que vous ne l'ayez pas reprise dans la conclusion de votre rapport.
Monsieur le président, pour terminer, ce n'était que subsidiairement que je demandais le renvoi en commission, c'est-à-dire au cas où le rapport serait refusé. En raison de la décision du Conseil d'Etat d'organiser ces assises de la violence, le rapport sera probablement renvoyé - je ne crois pas que l'on puisse éviter le vote, contrairement à ce que disait Mme la députée Reusse-Decrey - au Conseil d'Etat. Ma proposition subsidiaire n'a donc plus grand sens, aussi, pour simplifier la procédure, je la retire bien volontiers.
M. René Koechlin (L). Je constate qu'il est difficile de parler de la violence sans passion. En prenant la violence pour alibi, je m'aperçois qu'il est aussi difficile sinon davantage de parler de sujets très controversés comme l'OMC sans passion aussi.
Or, qu'on ne s'y trompe pas : il s'agit bien de l'OMC et de toute la controverse à propos de l'OMC, en marge du débat qui a lieu en ce moment. Car il y a ceux qui soutiennent les personnes qui ont manifesté contre cette organisation - soutien politique, idéologique - et ceux qui, au contraire, soutiennent l'organisation. Mais tout ce débat, en réalité, serait très différent s'il n'était pas sous-tendu par le combat - de caractère uniquement politique et idéologique - qui porte sur cette organisation qu'est l'OMC. Qu'on ne s'y trompe pas : ne confectionnons pas un semblant de débat, avec des semblants d'arguments !
Puisque nous voulons parler de la violence, j'y reviens. J'ai lu, pour ma part, avec intérêt le rapport de Mme Dallèves-Romaneschi... Oui, Madame, je l'ai lu avec intérêt ! Je dirais même que je l'ai trouvé plutôt bon... (Exclamations.) ...et relativement objectif. Même si je n'en partage pas les moindres détails et pas forcément non plus les conclusions, votre rapport montre en tout cas un souci d'objectivité, ce que je salue en passant. Vous avez fait un effort de concision, et il faut le reconnaître. Je ne trouve donc pas votre rapport aussi mauvais que certains préopinants voudraient le laisser croire.
J'ajoute que notre groupe ne s'oppose pas aux manifestations. J'en veux pour preuve - je vous invite à le lire - l'article qui est paru ce matin dans l'organe de notre parti sous la plume de Carlo Poncet, qui brise une lance en faveur des manifestations justement. Il estime que le droit à la manifestation est un des symptomes de la démocratie et de la liberté d'expression, auquel, je peux vous l'affirmer, notre parti adhère sans réserve. Donc, qu'on ne s'y trompe pas ! Pour nous, les manifestations doivent être soutenues, évidemment dans la mesure du possible sans débordements, sans dérapages, sans violence.
Mais en marge de ce débat - c'est ce qui me paraît finalement le plus relevant, car on reviendra sur le sujet de la violence - il se pose un problème de forme, soulevé dans le rapport de minorité. Comment y répondre ? De deux choses l'une, ou bien nous admettons qu'un député impliqué ostensiblement dans un cas traité par ce Grand Conseil peut indifféremment et impunément prendre part aux travaux et au vote de la commission chargée du dossier et aux décisions du parlement - ce qui est le cas ici - ou bien nous estimons que déontologiquement ce n'est pas possible. Cette question me semble beaucoup plus grave et importante qu'il n'y paraît.
Monsieur Pagani, je ne vous en veux pas d'avoir participé aux travaux de la commission et d'avoir pris la parole tout à l'heure, mais lorsque nous traiterons d'un autre objet, si un membre de notre groupe, visiblement impliqué dans le sujet examiné, prenait la parole et prenait part au vote, vous seriez le premier à manifester votre désaccord et à lui adresser des reproches.
C'est pourquoi je le répète, ou bien nous admettons que cela n'a pas d'importance dans tous les cas qui se présentent ou bien nous jugeons que cela est inadmissible, et, alors, il ne doit être fait aucune exception. Mais nous devons être clairs et cohérents avec nous-mêmes !
Quant aux assises - je reviens à la violence - je ne sais pas s'il en sortira quelque chose car, comme je l'ai dit tout à l'heure, il est difficile de parler de ce sujet sans passion. Certains d'entre vous le savent probablement, j'ai vécu la violence dans ma chair lorsque j'étais enfant. S'il est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, c'est vraiment celui-là. C'est pourquoi, si l'on décidait d'organiser des assises à ce propos, je voudrais d'abord que l'on fasse en sorte que les débats qui s'y dérouleraient aient lieu dans la sérénité, si possible dans l'objectivité et au-dessus de toute passion. Je formule donc le voeu que les personnes qui participeraient à ce débat soient non seulement fondamentalement et profondément non violentes, mais qu'elles aient encore et si possible connu ou subi la violence. Car elles parleraient en toute connaissance de cause. A cette condition, il pourrait ressortir quelque chose de positif d'un débat de ce genre.
M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur Koechlin, vous vous étonnez que certains membres de cette commission puissent y siéger activement alors qu'ils ont participé à cette manifestation. Mais voyez-vous, si les députés qui connaissent les sujets devaient se retirer des commissions, vous devriez vous retirer de la commission de l'aménagement sous prétexte que les architectes n'ont rien à y faire; les avocats devraient se retirer de la commission judiciaire... (L'orateur est interpellé.) Rassurez-vous je n'y suis plus ! (Le président agite la cloche.) Nous pouvons comprendre votre point de vue et nous admettons que vous puissiez juger que moins un député connaît le sujet plus il est judicieux qu'il siège dans une commission... Mais vous nous permettrez de faire le raisonnement contraire ! Pour notre part, nous pensons que mieux un député connaît le sujet, mieux il est placé pour en parler.
Et ne laissez pas croire un certain nombre de choses fausses. M. Pagani - puisqu'il s'agit de lui - n'est pas du tout un organisateur de cette manifestation, contrairement à d'autres. Il s'est contenté d'y participer, et il n'est pas le seul. Nous avons donc considéré - et nous sommes toujours persuadés que nous avions raison - qu'une personne qui a participé à ces événements et qui les a vus était toute désignée pour en parler. Il est possible de ne pas partager notre avis, mais vous nous permettrez d'avoir cet avis-là.
Monsieur Vaucher, vous évoquez l'article 24 du règlement un peu rapidement. Si vous le lisiez, vous vous apercevriez que cet article parle simplement «d'intérêts personnels». En conclusion, vous seriez bien inspiré d'en parler plus souvent à votre collègue M. Béné qui ferait mieux... de se taire, lorsque nous traitons des sociétés de portage ! (L'orateur est interpellé.) Oui, j'allais dire autre chose ! (Exclamations et rires.) En effet, dans son cas, l'article 24 s'applique tout à fait, ce qui n'est pas le cas dans le cadre de ces manifestations. M. Pagani pouvait donc siéger sans scrupule au sein de la commission.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, cinq orateurs sont encore inscrits. Le Bureau vous propose de clore la liste des orateurs et de passer au vote, ensuite.
M. Dominique Hausser (S). Je ne m'exprimerai pas sur le fond. Je me contenterai de vous livrer simplement quelques éléments de forme.
Que des députés s'expriment publiquement, qu'ils tiennent des stands, des forums publics ou qu'ils manifestent est évidemment parfaitement légitime. Que les députés reflètent leur position et celle de ceux qu'ils défendent en plénière et en commission est également parfaitement légitime. La raison pour laquelle j'ai renoncé à siéger à la commission parlementaire en question, c'est que, contrairement aux autres députés qui se sont contentés de participer aux différentes manifestations, j'ai participé à l'organisation de ces manifestations. Il était donc difficile de siéger dans une commission où je me trouvais être juge et partie. C'est la seule raison pour laquelle j'ai renoncé à participer aux travaux de la commission et pour laquelle je ne m'exprime pas sur le contenu de ce rapport, même si je n'ai aucun intérêt personnel dans cette affaire et que l'article 24 ne m'oblige pas à m'abstenir.
M. René Koechlin (L). Monsieur Ferrazino, vous dites, à l'appui de considérations générales, que les députés architectes ou ingénieurs ne devraient pas siéger à la commission de l'aménagement. Il est évident que si un député est concerné par un sujet précis et particulier, il ne doit pas prendre part aux travaux. Par contre, s'il n'est pas directement concerné, il peut y participer et y apporter toutes ses compétences. Je suis surpris, Monsieur Ferrazino, que vous utilisiez des arguments aussi grossiers dans un plaidoyer qui débouche, finalement, sur pas grand-chose.
C'est pour exprimer cette nuance que je me suis permis de prendre encore la parole.
M. Michel Balestra (L). J'interviens sur le même sujet. Il ne s'agit pas de savoir si un député connaît ou non un sujet, mais de savoir s'il a le droit d'être juge et partie. Connaître le sujet pour avoir participé à la manifestation donne la légitimité pour être auditionné par la commission, mais en aucun cas pour instruire. Personne n'aurait contesté à un commissaire le droit, ou le devoir, d'avoir participé un jour à une manifestation. Par contre, le fait d'avoir participé à cette manifestation le rend juge et partie et, comme l'a rappelé mon collègue Koechlin, il est hors du cadre autorisé par le règlement.
M. Olivier Vaucher (L). Je vous remercie, Monsieur Hausser, de votre intervention et de la clairvoyance de vos propos. Nous estimons, Monsieur Pagani, que vous auriez pu tenir le même raisonnement et vous abstenir.
Je relève une seule chose. La commission avait tout à fait toléré votre présence, même si nous ne la trouvions pas spécialement bienvenue, mais votre présence lors de l'audition de M. Klopmann contre lequel vous aviez déposé plainte a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Il aurait semblé normal que vous vous absteniez, au moins pour cette séance.
Monsieur Ferrazino, je vous rappelle, s'agissant de l'article 24, que vous êtes l'avocat du WWF, que vous déposez des recours contre des décisions prises par la commission de l'aménagement, à laquelle, pourtant, vous participez ! Alors, vous feriez mieux de retirer vos propos !
Mme Martine Brunschwig Graf. Compte tenu de la tournure des débats, je ne trouve pas grand-chose à ajouter. C'est la raison pour laquelle, au nom du Conseil d'Etat, je vous dis ce qui suit.
Le Conseil d'Etat souhaite aborder cette réflexion, mais avec une vision beaucoup plus large que les seuls événements que vous avez évoqués en long, en large et en travers, dans le cadre du forum qu'il désire organiser cet automne, et espère vous y retrouver.
R 370-A
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
R 398
Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution
(398)adressée au Conseil d'Etat pour qu'il mette sur pied dans les 3 mois des Assises au sujet de la violence
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
le rapport de la Commission d'enquête parlementaire ad hoc sur les événements qui ont secoué Genève durant la commémoration du 50e anniversaire de l'Organisation mondiale du commerce ;
les conclusions des experts mandatés par le Conseil d'Etat sur ce même objet qui devraient être rendues publiques dans un proche avenir ;
les conclusions de l'équipe de chercheurs de l'Université de Genève pilotée par MM. Wisler et Rossiaud sur ce même objet ;
l'ensemble des réflexions, qu'elles soient publiques ou internes, à l'administration sur le thème de la montée de la violence dans notre société ;
les préoccupations légitimes de nombreux membres de notre communauté face à la violence de notre jeunesse et de notre société en général ;
invite le Conseil d'Etat
à prendre les mesures nécessaires pour que chacune des parties concernées par les événements qui ont secoué Genève durant la commémoration du 50e anniversaire de l'Organisation mondiale du commerce soit informée des conclusions et recommandations issues des travaux de la Commission d'enquête parlementaire ;
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Le présent rapport, qui relate les travaux de la Commission des visiteurs officiels du Grand Conseil, est divisé en trois parties, soit :
I. Les visites (avec des remarques générales)
II. Les auditions
III. Les réflexions de la commission (soit PL 7822 et PL 7843).
Il est introduit par un prologue et se clôt sur des recommandations.
Prologue
Composition de la commission
La Commission des visiteurs officiels du Grand Conseil a été présidée pendant l'année 1997-1998 par Pierre Froidevaux (R) et Esther Alder (vice-présidente) (Ve). Le rapport est assuré par Martine Ruchat (AdG). Le bureau du Grand Conseil a été représenté par René Longet (S). Les membres ont été : Janine Berberat (L), Claude Blanc (DC), remplacé en cours d'année par Henri Duvillard, Pierre-Alain Cristin (S), Jacqueline Cogne (S), Jeannine de Haller (AdG), Alain-Dominique Mauris (L). Les travaux de la commission ont été suivis par M. Thierry Brichet, adjoint de direction du service du Grand Conseil et par M. Alexandre Agad, secrétaire adjoint au DJPT. Les procès-verbaux ont été rédigé par M. Jean-Luc Constant.
Le conseiller d'Etat intéressé est M(R). Gérard Ramseyer, président du Département de justice et police (R).
Considérations générales
La Commission des visiteurs officiels du Grand Conseil est au niveau parlementaire un organe de contrôle des conditions de détention des prévenu-e-s et des condamné-e-s qui relèvent du canton de Genève (adultes et mineur-e-s). Il n'est pas, dans cette tâche, l'unique autorité, puisqu'il y a encore trois autres niveaux de contrôle de la détention, soit :
le niveau administratif : le DJPT exerce une surveillance sur les établissements genevois ;
le niveau judiciaire : chaque détenu a le droit de demander sa mise en liberté provisoire auprès de la Chambre d'accusation. Un juge d'instruction doit par ailleurs visiter chaque mois les personnes détenues préventivement. Les juges de la Cour de cassation, de la Cour de justice, du Tribunal de la jeunesse et le président du Tribunal de police sont autorisés à visiter en tout temps les établissements de détention du canton ;
le niveau européen : le Comité européen pour la prévention de la torture (ci-après CPT) peut visiter les établissements (ce qui a été fait pour la Suisse en 1991 et en 1996).
S'ajoutent des visites de tout ordre qui peuvent avoir lieu dans les prisons. Notons qu'en 1997, par exemple, Champ-Dollon a été l'objet de 47 visites soit de personnes (amis, connaissances de gardiens ou du directeur, visiteurs bénévoles), soit de groupes (étudiants en droit, élèves de l'Ecole de culture générale, association pour la prévention de la torture, Amnesty International, patronage, Automobile club suisse, etc.). Ces visites multiples sont l'une des garanties d'un fonctionnement carcéral en accord avec les droits des prisonniers, les Droits de l'homme et la démocratie. L'ouverture des prisons est un moyen d'assurer une certaine transparence dans le fonctionnement carcéral et dans les rapports entre le personnel et les détenu-e-s, d'assurer aussi la perméabilité des informations entre l'intérieur et l'extérieur, voire de rendre plus familier un lieu qui, par définition, est caché du public. Les observations faites sur les lieux de privation de liberté sont donc non seulement à maintenir, mais à développer.
Les visites ponctuelles - le plus souvent annoncées - ne permettent toutefois pas d'assurer un contrôle optimum du quotidien pénitentiaire et des éventuels abus de pouvoir liés à ce type de peines cachées. (La prison, conçue au siècle dernier comme une pénalité plus juste et plus humaine, n'en reste pas moins empreinte de violences : privation de liberté, enfermement, privation de relations sexuelles ordinaires).
Il en va de même des violences (physique ou psychologique) lors d'arrestations ou de gardes à vue (signalées dans des rapports précédents) ou lors des transferts au Palais de justice (signalées cette année par un détenu lors d'une entrevue) que ne peuvent observer les visiteurs officiels du Grand Conseil, en particulier du fait que les visites dites « à l'improviste » dans les postes de police sont annoncées dans l'heure ou la demi-heure précédente. Il faut rappeler que les postes de police ne sont pas considérés comme des lieux de détention et que seul un accord conclu en 1994 avec la police autorise ces visites (voir le rapport de la commission pour l'année 1994, pp. 3 et 4).
Les visites de la commission, quelles que soient les compétences des personnes et leur sérieux, quelles que soient la qualité de l'accueil et le désir de transparence des directions d'établissements, ne permettent pas d'apprécier le quotidien carcéral et ses multiples faits qui peuvent alourdir les peines des détenu-e-s et rendre le travail des gardien-ne-s difficiles. En effet, si la Suisse peut, à lire les rapports du CPT, être satisfaite de ne pas avoir enregistré d'actes de tortures, certains détenus ont fait part aux membres de la commission de la « torture mentale » qu'était pour eux l'isolement, le manque de correspondance, les promesses non tenues. La prison reste un « appareil destructeur de la personnalité » (E. Olivera, « Un système en question », Le Courrier de l'Unesco, juin 1998). Il revient donc aux autorités politiques et pénitentiaires de continuer à veiller à la qualité de la formation des gardiens et à la présence de personnel compétent pour régler des problèmes d'ordre psychologique voire psychiatrique, dans le but d'atténuer les souffrances humaines des personnes privées de liberté.
Quoi qu'il en soit du quotidien carcéral et de la souffrance unique qu'est la privation de liberté, il faut aussi mettre en exergue le travail difficile qui revient à la direction et au personnel des établissements pénitentiaires qui doivent exécuter le mandat attribué à la prison : protéger la société en neutralisant le délinquant et éduquer le délinquant en vue de son retour à la vie libre. Au relatif isolement dans lequel travaillent aussi les directions respectives des établissements s'ajoute aujourd'hui la difficile « gestion » des types de délinquants (notamment ceux ayant commis des délits sexuels ainsi que les détenu-e-s toxicomanes), de la diversité culturelle et linguistique que l'on rencontre en prison et de l'état de fragilité psychologique souvent diagnostiqué chez les détenu-e-s (faudrait-il, demande M. André Beytrison, directeur des établissements de détention du Valais, guérir avant de punir ?) qui nécessite aussi d'assurer la protection des détenu-e-s.
Il est à souhaiter que les réformes du système pénal instaurent toujours plus de mesures de substitution (travail utile à la communauté, bracelet émetteur) et que ne demeurent en prison que les personnes qui représentent un réel danger pour la collectivité.
Les travaux de la commission se sont déroulés dans un souci de qualité du travail à faire et de collaboration. Il convient de relever l'engagement de son président, Pierre Froidevaux. En premier lieu, ce rapport s'attache à rendre compte de la situation objective et subjective des premiers concernés, à savoir les détenu-e-s eux-mêmes. La rapporteure s'est appuyée pour ce faire sur les travaux de la commission excellemment verbalisés par M. Jean-Luc Constant.
Méthode de travail de la commission
Cette année, les membres de la Commission des visiteurs officiels se sont particulièrement préoccupés de questionner le rôle de la commission, les limites de ses compétences et les effets de son action. Dans cette perspective, ils ont demandé en début de mandat à être informés et même formés, afin que les visites ne soient pas qu'un acte symbolique voire de simple routine, mais aient une certaine efficacité. C'est pourquoi la commission a entendu M. Alexandre Agad, secrétaire adjoint du DJPT, lequel a présenté une information théorique sur la procédure pénale et sur les droits des personnes privées de liberté, alors que M. Jacques Reymond, directeur du Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) a donné une information sur le domaine de l'exécution des peines.
Dans une deuxième séance, Mmes Claudine Haenni et Barbara Bernathe, de l'Association pour la prévention de la torture (APT), ont quant à elles rendu attentifs les membres de la commission aux différents « mécanismes » de visite et à la méthode des visites. Deux notions de base seraient selon elles à respecter pour que les visites soient efficaces : l'indépendance et la crédibilité.
C'est néanmoins sur les suggestions de M. Reymond que la commission a choisi d'effectuer à Genève les deux visites annuelles habituelles de Champ-Dollon (y compris La Pâquerette, la Maison de Favra, le Vallon) puis celle de La Clairière, de la Maison de Pinchat et de Riant-Parc, auxquelles se sont ajoutées six visites d'établissements concordataires. Soit : Bellechasse (FR), Bochuz (VD), Crêtelongue, Pramont et Sion (VS), Bellevue et La Ronde (NE). Le choix a été fait en fonction du nombre de détenus genevois placés relevant du Service de l'application des peines et mesures. Soit : une trentaine à Bochuz, entre 20 et 25 à Bellechasse, une quinzaine à Bellevue (Gorgier), 7 ou 8 à Crettelongue, 5 à Pramont. Au total environ 100 détenus genevois hors du canton en moyenne journalière. Il n'y avait au moment de l'établissement du programme que deux femmes condamnées par la justice genevoise à la Tuilière (VD) et une seule à Hindelbank (BE). La commission a visité les 5 et 12 novembre les violons de la police au boulevard Carl-Vogt, ceux du poste du chemin de la Gravière, du poste de Pécolat et de Plainpalais.
Dans le cadre du projet de loi 7822 étudié par la Commission des travaux concernant la transformation de l'établissement de détention pour les jeunes à La Clairière, la Commission des visiteurs s'est réunie à trois reprises, afin d'établir deux préavis (voir PL 7822-A). Pour ce faire, elle a aussi procédé à cinq auditions : M. Christian Nils-Robert, professeur de criminologie, Mme Anne-Françoise Comte, juge au Tribunal de la jeunesse, M. John Zwick, chef du secteur des subventions de construction (Office fédéral de la justice), Mme Rosemarie Facelli (Office fédéral de la justice) et M. Roland Fankhauser, responsable de La Clairière.
Profitant du dépôt du projet de loi 7843 concernant une modification de l'article 227, al.1 de la loi portant règlement du Grand Conseil, la Commission des visiteurs s'est proposé de faire une refonte de la section 17 concernant la Commission des visiteurs. La commission a donc décidé d'amender le projet de loi 7843. A cet effet, elle a établi un inventaire des lacunes existantes dans la loi et des idées à concrétiser. Elle a dans ce but auditionné le directeur de la prison de Champ-Dollon, M. Jean-Michel Claude, le chef de la police, M. Laurent Walpen et M. Jean-Pierre Garbade, avocat. La rédaction finale du projet s'est faite en liaison avec M. Alexandre Agad.
Suite à la première visite de Champ-Dollon, une réunion-débat a eu lieu entre les membres de la commission, M. Jean-Michel Claude, directeur de la prison et M. Reymond, directeur du SAPEM.
Suite aux arrestations effectuées lors des manifestations contre le cinquantième anniversaire de l'Organisation mondiale du commerce, une délégation a demandé à visiter inopinément la prison de Champ-Dollon à 22 heures. Cette visite a posé certains problèmes d'interprétation de la loi portant règlement du Grand Conseil qui demande à être revue (voir Ch. III.2 ci-après).
Une troisième visite a eu lieu à Champ-Dollon pour des auditions.
Afin d'éclaircir une situation individuelle particulièrement douloureuse, la commission, en réponse à de nombreuses lettres envoyées par un détenu, a demandé à rencontrer le professeur T. Harding. L'audition a eu lieu en présence de M. Claude, directeur de la prison de Champ-Dollon.
Des réunions intermédiaires ont aussi eu lieu, afin de régler les questions restées pendantes, en particulier les visites à l'improviste et les suites à donner aux visites et aux auditions. Des réponses écrites ont été envoyées à deux détenus de Champ-Dollon.
Remerciements
Les travaux de la commission ont été facilités par la présence constante et la célérité à fournir les documents nécessaires de M. Alexandre Agad, secrétaire adjoint au DJPT, et par M. Thierry Brichet, adjoint de direction du Service du Grand Conseil qui a organisé les visites et transmis les documents nécessaires.
La disponibilité de M. Reymond et de M. La Praz, respectivement directeur et directeur adjoint du Service de l'application des peines et mesures, a permis de recevoir nombre d'informations et de clarifier les interrogations des membres de la commission. La commission tient à les remercier vivement.
Des remerciements particuliers vont à M. Jean-Luc Constant pour ses procès-verbaux qui ont grandement facilité la rédaction du présent rapport.
La commission remercie toutes les personnes qui sont venues éclairer ses travaux par leurs compétences : le chef du département, M. Gérard Ramseyer, M. Nils-Robert, Mme Haenni et Bernathe, Mme Facelli, M. Zwick, M. Jean-Michel Claude, M. Michel Speck (gardien-chef adjoint de Champ-Dollon), M. Roland Fankhauser, M. Jean-Nicolas Roten (juge, président du Tribunal de la jeunesse), Mme Anne-Françoise Comte, M. Lucien Kohler (directeur administratif des Foyers Feux Verts), M. Laurent Walpen, M. Jean-Pierre Garbade et M. Timothy Harding.
Elle remercie également tous les directeurs et personnels des différents établissements qui l'ont accueillie avec attention et convivialité et transmis les informations nécessaires. Soit à Champ-Dollon : M. J.-M. Claude, M. G. Savary, M. R. Bloch, M. F. Oppliguer, Mme Renée Volkmann et M. D. Zwahlen animateurs pédagogiques de l'unité des femmes ; à La Pâquerette : Mme de Montmollin et Daniel (détenu) ; au Vallon : M. Jacques-Eric Richard, directeur ; à la Maison de Pinchat : Mme Madeline Barragan, adjointe ; à Riant-Parc : M. Claude Linker, chef de service et Mme Monique Ecabert, cheffe de service adjointe ; à Bellechasse, M. H. Nuoffer, directeur, M. A. Von Kaenel, directeur adjoint, M. C. Neuhaus, responsable du Service thérapeutique, M. J.-M. Limat, responsable de l'enseignement et de la formation ; à la Plaine de l'Orbe : M. Denis Pieren, directeur et M. Roger Ansermet, surveillant-chef ; M. André Beytrison, directeur des établissements de détention du Valais, à Pramont : M. Pierre-Alain Zufferey ; à Crêtelongue : M. Jean-Louis Praplan ; M. Willy Schenk, chef du Service des établissements de détention du canton de Neuchâtel et ses collaborateurs : MM. Germain Beucler, Gérard Bringold, Didier Leuba et Daniel Stern. M. Théo Gehrett, chef-éducateur de la maison d'éducation au travail La Ronde. Enfin, Mme Monika Dusong, conseillère d'Etat du canton de Neuchâtel, chargée du Département de la justice, de la santé et de la sécurité.
Nous remercions enfin les détenu-e-s qui nous ont fait confiance et ont demandé à être entendu-e-s par les membres de la commission.
Travaux de la commission
I. Visites
Prisons pour jeunes et jeunes adultes
La Clairière (GE)
La Clairière est une institution de prévention, d'observation, d'exécution de peines et d'arrêts disciplinaires rattachée à la Fondation des « Foyers Feux-Verts ». Elle reçoit des mandats de détention sans collusion, des mandats d'observation, des mandats disciplinaires ou des ordres de placement. Elle est considérée par son directeur, M. Fankhauser, comme un lieu d'accueil, de soins psychiques et physiques : en quelque sorte une « plaque-tournante ». Selon Mme Facelli, de l'Office fédéral de la justice, il serait difficile d'y mener un travail pédago-thérapeutique comme on l'entend habituellement. En effet, les séjours oscillent en moyenne (pour l'année 1997, tous mandats confondus) entre deux semaines et deux semaines et demie. Bien des jeunes quittent La Clairière avant d'avoir effectué les trois jours en cellule (régime sans collusion). Néanmoins, la détention préventive est très « élastique » (elle peut couvrir dans certains cas plusieurs mois, soit jusqu'au prononcé du jugement). En milieu fermé d'observation et d'exécution de peine, le séjour peut durer cinq semaines et peut s'étendre jusqu'à dix, voire douze mois ; la moyenne se situe donc entre trois et six mois. Avec le nouveau code pénal, la détention pourra s'étendre jusqu'à quatre ans.
La visite de La Clairière a été fortement influencée par le projet d'un nouveau bâtiment qui accueillerait aussi les filles. Les député-e-s ont été rendu attentifs-ves à la non correspondance des cellules actuelles aux normes suisses et européennes, à la présence de jeunes filles dans des lieux de détentions inappropriés (maison pour femmes adultes à Riant-Parc et à Champ-Dollon) ou peu pratiques vu l'éloignement géographique (à Valmont à Lausanne) et coûteux.
D'autres problèmes sont évoqués lors de la visite comme le rajeunissement des « délinquants juvéniles » (fourchette d'âge : 11 à 15 ans), la délinquance importée (jeunes des banlieues lyonnaises, de l'ex-Yougoslavie, d'Afrique), la docilité voire l'« amorphie » des garçons détenus, la violence des filles, l'augmentation des « cas psychiatriques », l'augmentation des requérants d'asile arrêtés pour trafic de stupéfiants, les difficultés linguistiques (jeunes d'Afrique ou des pays de l'Est), la difficulté d'évaluer l'âge réel de certains jeunes étrangers (besoin d'expertises osseuses coûteuses), la récidive et l'isolement cellulaire.
M. Fankhauser souhaiterait adjoindre à l'équipe psychopédagogique un psychiatre rattaché à l'institution qui pourrait intervenir à tout moment de la journée. Autre souhait : l'adjonction d'un collaborateur psychologue sur place qui éviterait le recours aux services d'intervenants extérieurs du SMP.
Aucun jeune ne désirait nous rencontrer. Par conséquent, il n'y a pas eu d'audition.
Pramont (VS)
Etablissement ouvert en 1978 pour les jeunes adultes de 18 à 25 ans sous les articles 100 bis (placement dans une maison d'éducation au travail), 93 bis (exécution et transfert dans une maison d'éducation au travail), 95 (sanctions pénales) du Code pénal et 16 du concordat (placement à des fins d'isolement). Il offre 29 places en section fermée et 6 en semi-liberté. Les ateliers existants permettent d'assurer la formation d'apprentis (métallurgie, mécanique, serrurerie). L'objectif d'une telle maison est non seulement d'amender le jeune, mais aussi de lui permettre d'assurer son existence à sa libération. L'article 100 bis n'est pas déterminé dans le temps, puisque la libération dépend des conditions énoncées ci-dessus. Ainsi un détenu peut rester jusqu'à trois ans, rarement en-dessus. Le temps de détention le plus court est d'une année.
Ces jeunes sont présentés comme des « produits d'institutions » et à 95 %, ils seraient sans famille.
De nombreux intervenants extérieurs s'ajoutent au personnel qui comprend 17 postes : visiteurs bénévoles, groupe biblique, aumôniers, équipes sportives des environs, médecin généraliste, psychiatre, bibliothécaire, enseignants, orienteurs professionnels, professionnels, représentants de la Ligue valaisanne contre la toxicomanie, assistants sociaux, protection de la jeunesse, membres de l'antenne Sida.
Outre les ateliers, les salles de classes, la bibliothèque, la salle de gymnastique, la salle de musculation et le terrain de football, Pramont possède une piscine ouverte aux jeunes chaque soir. Les détenus de Crêtelongue peuvent y être emmenés chaque lundi soir. L'après-midi, ce sont les écoles publiques qui en bénéficient.
Un projet fortement souhaité par les juges est en discussion pour étendre l'accueil aux mineurs.
La Ronde (NE)
La Ronde est un établissement de La Chaux-de-Fonds où la question de la délinquance est abordée dans une approche systémique. Le concept de base est psycho-éducatif et l'encadrement est aussi psycho-éducatif. Les ateliers sont uniquement occupationnels.
L'établissement a plusieurs mandats. Il reçoit des jeunes en vertu de l'art. 16 du concordat, des art. 91 et ss. du Code pénal, des art. 100 bis et 397 du Code civil. L'exécution de peine (art. 95) varie de un jour à un an. Les jeunes ont entre 13 et 25 ans. Dans les chambres, les mineurs sont autant que possible séparés des jeunes adultes. L'établissement collabore avec Pramont.
Le placement à La Ronde se fait en plusieurs étapes. La première est la phase d'isolement qui dure une semaine au minimum (aucune visite pour le détenu sauf de la famille, aucun congé). La deuxième étape est le « demi-groupe » pendant une semaine au minimum où le détenu travaille dans les ateliers (ateliers occupation + un atelier productif de fagots-allume feu par demi-journée) et ne reçoit toujours pas d'autres visites que celles de sa famille. La troisième phase est le « groupe complet fermé » d'une semaine au minimum, pendant laquelle le détenu peut recevoir la visite de sa famille et de ses amis et où des congés sont possibles. Le travail se fait en groupe, comme les repas et les activités de la maison. Enfin le « groupe complet ouvert » qui dure au minimum trois mois, pendant lesquels le jeune peut commencer un apprentissage ou une école. La dernière phase est une phase d'externat, le jeune peut prendre un studio en ville ou vivre dans sa famille avec accompagnement jusqu'à la libération définitive. Le délai maximum de la mesure est de quatre ans.
La Ronde ne reçoit pas de filles. Le concept de mixité serait de l'avis des psychologues un concept dépassé. Il s'agirait plutôt d'ouvrir une infrastructure romande pour les filles. Les juges valaisans en étudieraient une.
L'équipe va être renforcée : un demi-poste de psychologue, un demi-poste d'enseignant. L'approche pluridisciplinaire sera ainsi renforcée.
Prisons préventives
Champ-Dollon
Champ-Dollon est une prison préventive destinée à accueillir essentiellement des personnes en attente de jugement et présumées innocentes, mais aussi des personnes condamnées à une peine privative de liberté de trois mois ou qui doivent subir un solde de peine de trois mois maximum. De l'avis de son directeur, M. Jean-Michel Claude, Champ-Dollon n'est pas un pénitencier et il s'en distingue notamment par des conditions d'incarcération plus dures (dues aux contraintes de la détention préventive). Les prévenus peuvent néanmoins travailler (aucune obligation) et avoir accès aux médias. Champ-Dollon offre du travail pour 170 personnes (sur 330 environ) : reliure, cuisine, buanderie, peinture, ferblanterie, menuiserie, nettoyage, ateliers protégés pour détenus pour abus sexuels.
Le temps de détention préventive à Champ-Dollon aurait baissé ces dernières années. Il est aujourd'hui de 26 à 28 jours.
Néanmoins, le nombre de détenus purgeant une peine n'est pas à négliger, notamment ceux qui font recours et restent par conséquent en préventive à Champ-Dollon, ceux qui sont en attente de transfert dans un pénitencier, ceux détenus en vertu de l'art. 43 - il y une personne qui est à Champ-Dollon depuis 5 ans ! - et ceux purgeant une peine courte (laquelle peut parfois s'étendre jusqu'à deux ans). Le temps de la préventive varie en fonction de la gravité de ce qui est reproché et de la durée de l'enquête et de la procédure judiciaire, sans compter que le temps de séjour en détention est souvent plus long pour un étranger que pour un Suisse ou un Genevois.
En conséquence, on peut évaluer à 50 % le nombre de prévenus, et à un quart le nombre de détenus en recours. Reste un quart de condamnés (une seconde évaluation fournie en fin d'année par M. Agad indique un chiffre de 17 % de condamnés). Le maintien de condamnés à Champ-Dollon, outre des raisons de transferts et d'accords entre pénitenciers, paraît s'expliquer par des motifs d'économie : garder des condamnés à de courtes peines ne coûterait pas plus cher que de les envoyer dans d'autres cantons et augmenter le nombre de détenus réduirait le coût. Il est à relever que certains détenu-e-s désirent aussi rester à Genève.
Lors de la première visite, M. Jean-Michel Claude, nouveau directeur, expose sa conception de la prison comme « entreprise composée au total de 220 collaborateurs », ayant à charge aujourd'hui près de 330 « clients ». Lors de l'audition, il relève la difficulté du travail avec des détenus qui ne connaissent pas encore la durée de leur séjour, « qui ont le sentiment que l'on ne s'occupe pas d'eux et l'impression d'être tout seul dans le désarroi ». M. Claude parle d'un « profil de destruction » que présenterait le détenu de Champ-Dollon. Le temps de détention préventive à Champ-Dollon aurait baissé ces dernières années. Il est aujourd'hui de 26 à 28 jours.
Sont abordés les problèmes de la sécurité des « clients », des mineurs (adolescents) incarcérés (ils étaient au nombre de trois le jour de la visite et de dix la semaine précédente), l'isolement en cellule des jeunes par souci de protection (ce qui engendre de la souffrance due à l'isolement et à l'inoccupation), le renouvellement du personnel (nécessitant un budget important), les statistiques établies grâce au programme « Papillon ». Lors de l'audition complémentaire à la première visite, il est question de la mise en place dès le 1er janvier 1999 de coins fumeurs dans le cadre de « l'Etat sans fumée mais pas sans fumeurs ». Un atelier du livre (atelier lecture) serait aussi ouvert dans le cadre de l'atelier reliure. Cet atelier comprendra une salle de classe et une bibliothèque (la bibliothèque comporte actuellement 14 000 volumes). La mise à disposition d'un psychologue pour les gardiens est prévu pour 1999 (transformation d'un poste).
Lors de la seconde visite, les bâtiments ont été vus : couloirs, cellules, cellules fortes, ateliers (buanderie, ferblanterie, peinture, jardin, menuiserie), cuisine complétée par une boulangerie. Ces ateliers servent essentiellement à la maintenance du bâtiment. L'atelier de reliure effectue des travaux pour l'extérieur. Cet atelier est le plus grand de la prison (tri du papier, confection de différents objets - boîtes et dossiers - reliure du Mémorial du Grand Conseil, travaux sur demande). Une annexe de cet atelier s'ouvrira au mois de septembre : l'atelier du livre qui représentera, outre une bibliothèque, un lieu de lecture, d'apprentissage de la lecture et de recherche documentaire.
Lors de cette seconde visite, la Commission des visiteurs a aussi été accueillie dans l'unité des femmes par Mme R. Volkmann et M. D. Zwahlen. Vingt-six places sont occupées par des femmes venant essentiellement de pays étrangers (Afrique, Amérique du Sud, France voisine). Les enfants ne sont pas admis.
Un atelier polyvalent, un atelier de peinture, rotin et papier, un atelier de couture, un atelier bois et un poste d'informatique sont à disposition. Les productions, comme à la Pâquerette, sont vendues à l'extérieur et leur produit rentre dans les caisses de la comptabilité de la prison, avant de revenir à l'unité pour des achats d'outils. Le travail créatif effectué avec les détenues par Mme Volkmann est remarquable.
C'est dans l'unité médicale que des détenues peuvent être reçues avec leur bébé jusqu'à l'âge de 18 mois.
Cette unité fonctionne comme une polyclinique et assure des consultations de médecine générale, de psychiatrie, de soins dentaires, ORL et ophtalmologie. Le service comprend, outre médecins et infirmières, un psychiatre, deux psychologues et un psychologue stagiaire.
Lors de la discussion sont abordées les questions de la visite de sortie qui n'existe pas et qui pourrait peut-être éviter des drames (suicide par exemple), de la toxicomanie et en particulier du conflit entre une politique d'ouverture menée par le service médical avec remise de seringues sur une base d'échange et une politique pénitentiaire qui confisque les seringues !
Lors de la troisième visite à Champ-Dollon, un certain nombre de questions ont été discutées avec M. Claude :
le pourcentage de prévenus et de condamnés ; dans les prévenus, le nombre qui quitteront innocents la prison,
le droit de pétition (et l'interdiction de sondage fait par les détenus),
l'accueil des détenus,
les fouilles (problème du contrôle de l'entrée des drogues et des armes),
les activités sportives (130 minutes par semaine avec deux maîtres de sport dont un surveille),
le service médical qui est une polyclinique fonctionnant comme un cabinet médical,
le rituel qu'est la tournée des médicaments,
la question de la musique (suite à une demande d'un prisonnier d'acheter un synthétiseur),
les promenades (130 minutes par jour),
l'interdiction des plaques chauffantes dans les cellules (risque d'incendie et moyen d'évasion),
la TV par câble,
l'usage des CD-Rom,
l'épicerie.
Sion (VS)
La nouvelle prison de Sion vient s'ajouter à deux autres prisons préventives : la prison de Brigue, ouverte en 1985, et la prison de Martigny, ouverte en 1995, sans compter les places pour accueillir les détenus en prison préventive dans des cellules « spécialement aménagées » des postes de police de Viège, Sion, Martigny et Monthey.
La nouvelle prison de Sion n'avait pas encore ouvert ses portes lors de la visite. Ainsi c'est d'abord l'architecture qui a retenu l'oeil des commissaires. Une architecture de type conventuelle, symétrique avec une cour intérieure non accessible aux détenus, dans laquelle dominent le béton et l'aluminium. Conçu pour répondre à deux exigences essentielles de la prison préventive - éviter les évasions et la collusion -, un mur d'enceinte s'élève à quelques mètres du bâtiment et les ailes de détention sont dos à dos.
La prison compte une aile de semi-détention-semi-liberté, et quatre ailes de détention préventive. Au total 121 places, lesquelles peuvent être multipliées par deux si nécessaire, puisque chaque cellule possède deux lits superposés en béton. Les murs ont été peints dans une teinte rouge qui, de l'avis de M. Beytrison, s'atténuera avec le temps.
Chaque cellule est munie d'un W-C turc commutable en douche. Il en va de même des cachots construits en contrebas de l'établissement, lesquels donnent sur un couloir en béton.
La chaufferie à bois de la prison consommera 500 m3 de bois par année.
Pénitenciers, établissements de fin de peine et autres
Crêtelongue (VS)
Ouvert en 1931, l'établissement reçoit des détenus primaires non dangereux. Il compte 38 places en section fermée et 15 places en section ouverte. En général y sont envoyés des détenus pour des peines de courte durée. On y trouve plusieurs ateliers : scierie, menuiserie, caisserie, déchiquetage, buanderie, auxquels s'ajoute un domaine d'une centaine d'hectares (culture fruitière et céréalière, vigne, pomme de terre et 125 têtes de bétail). Ce domaine permet de fournir une occupation aux détenus et de leur apprendre le travail des champs. Crêtelongue dispose d'une salle de musculation et d'un local d'ordinateurs (trois PC et deux imprimantes).
Une annexe de la prison accueille les personnes sous mesure de contrainte.
Un projet de transformation de l'établissement (notamment pour la construction d'ateliers fermés) a été devisé à 7,5 millions, inscrits en principe dans le prochain plan financier cantonal valaisan.
Les détenus placés par le canton de Genève avaient reçu de la part de la direction un document mentionnant la visite, document sur lequel le détenu indiquait s'il voulait être auditionné et signait.
Bellechasse (FR)
L'établissement, construit en 1915, reçoit des détenus condamnés à des peines allant de 6 mois à la réclusion à vie. Il inclut un secteur pénitentiaire (régimes ouverts et section fermée) et un secteur de privation de liberté à des fins d'assistance. Deux cellules disciplinaires (cellules fortes) se trouvent dans le sous-sol. La politique de l'établissement est basée sur le régime progressif - dont les prémisses existent depuis 1920 - avec quatre phases (de l'observation à la libération conditionnelle). L'établissement s'est en outre spécialisé dans la prise en charge des détenus condamnés pour des délits à caractère sexuel (22 détenus pour 1997 dont 13 Suisses et 9 étrangers). Il reçoit aussi au bâtiment dit « La Sapinière » des détenus sous l'article 43 du Code pénal.
Un travail remarquable semble être fait afin de favoriser la re-socialisation et la réinsertion des détenus par des formations internes (cours de langue, cours d'informatique, visite de professeurs) et externes à l'établissement (formation par correspondance, apprentissage théorique, stages pratiques), lesquels semblent être bien suivis puisque au premier trimestre de l'année 1998, sur environ 200 détenus, 50 avaient suivi des cours hebdomadaires et 27 une formation par correspondance (système Auxilia).
Un système d'autorisation de congé a été mis en place depuis quelques années pour les détenus étrangers expulsés. Sur 933 autorisations délivrées jusqu'au jour de la visite de la commission, seuls 10 échecs ont été enregistrés.
Les établissements pénitentiaires de la Plaine de l'Orbe (EPO) (VD)
La visite de Bochuz a été introduite par une vidéo réalisée à la fin de l'année 1997 et produite par l'établissement avec des détenus. Les EPO accueillent des détenus primaires dits « dangereux » et récidivistes. Dans le pénitencier, l'exécution des peines s'organise selon un système progressif en trois phases : régime spécial, régime permettant l'observation du détenu et régime de responsabilisation du détenu. Les deux derniers régimes s'exécutent à la Colonie, territoire non clôturé. L'accent est mis sur la responsabilisation qui fait partie d'un contrat écrit et signé de se conformer aux règles et de recevoir en échange formation, travail et loisirs.
Des arrêts disciplinaires sont prévus pour les détenus ayant causé des bagarres ou disposé de matériel illicite, pouvant aller de huit jours (sous la compétence de la direction), jusqu'à quinze jours (confirmé par le chef du service pénitentiaire) et trente jours (sous la compétence du chef du département). Le détenu bénéficie d'une heure de sortie. Il ne dispose alors ni de télévision, ni de radio, mais d'un livre.
Il y a 34 nationalités différentes aux EPO.
La durée moyenne des peines se situe autour de dix ans et demi, sans tenir compte des détentions à vie et des mesures de l'art.43 (environ 25 personnes). 42 détenus (soit 20 %) le sont pour des délits à caractère sexuel, ceux-ci n'ont pas de prise en charge spécifique et quotidienne, l'établissement ne possédant pas d'unité thérapeutique proprement dite.
Depuis le 1er avril 1998, une division (6 places) accueille les détenus particulièrement dangereux. Il est encore envisagé la création d'une division psychiatrique de 14 places dans le pénitencier, qui relèvera de la médecine psychiatrique pénitentiaire.
De manière générale, M. Pieren estime que l'état de santé des détenus, mis à part les détenus toxicomanes et souffrant de troubles psychiatriques, est meilleur après leur passage aux EPO qu'à leur arrivée.
Aux EPO, les détenus disposent d'un parloir familial séparé des autres parloirs (une fois par mois). Aucun surveillant n'assiste à la visite, mais les relations sexuelles sont interdites. Une salle est réservée dans l'infirmerie pour les rencontres de couple (une fois tous les trois mois). Ce « parloir intime » est avec celui de la Stampa unique en Suisse.
Les promenades des détenus en division de sécurité renforcée ont lieu sur le toit du pénitencier au toit grillagé partiellement découvert (selon convention européenne).
Bellevue (NE)
A l'origine, l'établissement de Bellevue avait été conçu pour accueillir des jeunes filles ayant des troubles graves du comportement, ce qui n'est pas sans conséquences sur l'adaptation du bâtiment aux besoins carcéraux actuels.
Aujourd'hui, la prison peut accueillir 60 détenus en exécution de peine avec une équipe changée et renforcée depuis 1966, soit 15 surveillants et deux centralistes. S'ajoutent un service psychosocial avec deux psychologues à mi-temps, une formatrice à mi-temps, un animateur à 70 %, un demi poste d'assistant social et neuf maîtres d'ateliers (démontage de téléphones, mécanique, menuiserie).
L'objectif de l'établissement, « restructuré » après un rapport d'experts. Cela va de pair avec une attention particulière accordée aux conditions de travail des collaborateurs. C'est le canton même qui forme les gardiens en fonction des exigences du Centre suisse de formation du personnel pénitentiaire. Un travail en synergie est souhaité entre les collaborateurs. Cette philosophie de travail est discutée dès l'entretien d'embauche. « Si l'on veut respecter les détenus, il faut respecter les personnes chargées d'encadrer ces détenus » affirme M. Schenk, chef du Service des établissements de détention du canton de Neuchâtel. Une première étape pour rendre la dignité au détenu est de les appeler « M. » suivi de leur nom. Quant à Mme Dusong, conseillère d'Etat, elle se réjouit de la qualité humaine de cette petite prison, dans laquelle la personne humaine est au centre.
Bellevue est le seul établissement concordataire qui reçoit des détenus sous traitement de méthadone permanent.
La moyenne de détention est de deux à trois ans. Un détenu a 78 ans.
Bellevue entre dans un projet plus vaste de cohérence carcérale dans le canton de Neuchâtel entre les cinq établissements du canton (prison préventive de la Chaux-de-Fonds, prison de Neuchâtel, prison de semi-liberté de Boudry, maison d'éducation au travail de La Ronde et Bellevue à Gorgier), en créant un service pénitentiaire.
Le projet psychosocial de l'établissement comporte trois axes : la personne en détention, l'établissement et le Service cantonal des établissements de détention. Concernant le détenu, le travail est vu comme un accompagnement dans un processus relationnel et thérapeutique. Le projet d'exécution de peine inclut aussi le parloir familial. C'est donc aussi un travail en réseau qui est proposé (service placeur, patronage, autres établissements de détention) et une prise en charge intégrale du détenu dès le premier jour. Le séjour est ponctué de bilans avec le détenu, de synthèses et de colloques pluridisciplinaires.
Un outil d'évaluation des détenus est mis en place pour les surveillants et les maîtres d'atelier afin de fixer les observations effectuées de toute façon par le personnel. Cette échelle évalue en particulier le comportement et peut donner lieu à un certificat de travail. Une réflexion est aussi menée pour proposer une autoévaluation du détenu.
Le projet socio-éducatif qui a cours à l'établissement d'exécution de peines de Bellevue modifie le travail traditionnel du gardien de prison, le rapprochant d'un travail d'éducateur et d'assistant social. Cette orientation plus sociale de la profession est qualifiée « d'heureuse » par M. Schenk.
Le détenu peut décorer à sa manière les murs de sa cellule. Seules ne sont pas tolérées les images avec pénétration sexuelle. Le détenu peut manger en cellule ou en commun. La vue depuis les cellules donne sur le lac.
Maison de Riant-Parc (GE)
Avant d'être un établissement d'exécution de peine pour des femmes mineures et adultes, la Maison de Riant-Parc avait accueilli des hommes. On est alors passé de trente à douze places. Alors que les hommes n'y séjournaient que quelques jours (pour raison essentiellement de taxes militaires non payées), les femmes peuvent y effectuer un long séjour, y compris avec leur bébé puisqu'il y a un secteur maman-enfant (avec un berceau et une table à langer). Il est prévu d'aménager une douche et des toilettes à côté du secteur maman-enfant.
La Maison de Riant-Parc abrite deux quartiers pour mineures placées par le Tribunal de la jeunesse, soit QM1 et QM2, séparés des adultes par une porte. Les locaux sont exigus, c'est pourquoi les juges des mineurs hésitent entre autres à y placer des jeunes filles. La moyenne du séjour des mineures est de 4-5 jours. 50 % des jeunes filles sont ensuite expulsées hors du territoire. Les cellules des QM1 et QM2 seront - lorsque les jeunes filles iront à la Clairière - affectées aux adultes probablement pour des fins de peines. Il n'existe actuellement pas de cachot à Riant-Parc.
Les détenues adultes sont incarcérées pour conversions d'amende, escroqueries et trafic de stupéfiants. Pour les mineures, il s'agit essentiellement de vol, d'extorsion et menaces.
Les détenues sont astreintes au travail (buanderie, cuisine, peinture sur bois et sur tee-shirts, mise sous enveloppe et découpage, jardinage et entretien de la propriété). Des formations sont possibles en informatique et en dessin.
Notons qu'aucune fouille corporelle n'est effectuée, puisque, selon la direction, celle-ci devrait revenir au médecin. Des tests d'urine sont pourtant effectués et les chiens de la brigade des stupéfiants peuvent être amenés dans la maison.
Le Vallon (GE)
Le Vallon est une maison de fin de peine. Le bâtiment a été construit en 1900 dans le but d'accueillir une clinique psychiatrique. Annexe de la Clinique de Bel-Air d'abord, elle a ensuite été affectée à l'accueil de jeunes délinquants jusqu'à 25 ans. Relevant jusqu'en 1993 du Département de justice et police, elle est aujourd'hui privatisée et rattachée à la fondation des Foyers « Feux-Verts ». Outre le personnel (3 gardiens-surveillants, 4 maîtres d'ateliers, une éducatrice, une assistante-sociale, un directeur-adjoint et un directeur), une entreprise privée assure les surveillances de nuit.
Le Vallon accueille 20 détenus en fin de peine y compris en provenance d'autres cantons (deux sont âgés de 75 et 81 ans). La moyenne de séjour va de trois à six mois.
Des ateliers sont proposés : mécanique, bricelets, cuisine, entretien, jardinage, tri du PET. Le travail effectué est socio-productif, c'est-à-dire qu'il vise à remettre le détenu dans le circuit et à l'aider à reprendre un rythme de travail. Des conventions sont signées avec des entreprises de la place. Le salaire est de 15 Frs brut de l'heure dès la troisième semaine de présence. Les bricelets sont notamment vendus à la Placette, à la COOP, dans plusieurs maisons de personnes âgées et chez les glaciers de la rade. Des possibilités d'apprentissage existent.
En cas de découverte de drogue, le détenu retourne à Champ-Dollon. Le Vallon n'a pas de médecin attitré.
Centre de sociothérapie de La Pâquerette
La Pâquerette est un centre d'exécution de peine qui reçoit 11 détenus qui y viennent volontairement, désireux d'agir sur leur vie, d'évoluer et d'adopter des attitudes moins dommageables pour eux-mêmes et pour les autres. Une quinzaine de demandes sont en attente. Ces détenus peuvent être de jeunes adultes (18-25 ans) comme des adultes multirécidivistes. Leur point commun est d'avoir des désordres graves de la personnalité (certains peuvent être au bénéfice de l'art. 43). A l'origine, le centre était un atelier protégé et il est géré par l'Institut de médecine légale. L'exposé a été fait par un détenu expliquant les règles du centre.
La visite de la commission s'est déroulée dans une ambiance particulièrement conviviale avec café et discussion libre avec la directrice, Mme de Montmollin, les sociothérapeutes (deux femmes et un homme) et les détenus. Un travail remarquable d'écoute dans le respect des détenus semble s'y faire.
Un travail artisanal et artistique est effectué par les détenus et leurs productions sont vendues sur les marchés plusieurs fois par année. S'ajoutent une salle de cours, une salle de musique (avec prochainement un piano) et une salle d'informatique.
Mme de Montmollin signale le travail qu'elle est en train de réaliser sur le devenir des anciens détenus. Il serait souhaitable que les conclusions soient connues du public et que des leçons en soit tirées pour l'ensemble de la prise en charge pénitentiaire.
Maison de Pinchat
La maison de Pinchat, fondée en 1980 (anciennement « centre Le Tram ») est une structure de prise en charge pour toxicomanes (hommes de plus de 18 ans) en exécution de peines ou de mesures (article 44 CPS). Elle est gérée par la Fondation romande pour toxicomanes internés et condamnés. M. Gérard Ramseyer préside son conseil de direction.
Lors de la visite, aucun détenu genevois n'y séjournait. Par contre, plusieurs détenus venaient du canton de Vaud qui utilise cette structure comme deuxième étape après le Levant. Il y avait 12 détenus.
Les détenus passent généralement 18 mois répartis en trois étapes jusqu'à la phase postcure (dans un appartement en ville). La Maison de Pinchat peut accueillir de quatorze à dix-sept pensionnaires, lesquels sont encadrés par cinq éducateurs, une psychologue et trois maîtres d'ateliers (ateliers bois et mécanique, buanderie).
Les chambres sont à trois ou cinq lits, sans télévision ni sans radio (celles-ci sont dans la salle à manger). Le walkman est autorisé.
La Maison de Pinchat s'inscrit dans le sillage des Rives du Rhône valaisannes. Les détenus arrivent sevrés. Ils suivront pendant leur séjour une thérapie comportementaliste avec groupes de discussion et bilans. Rares sont les contacts avec les familles qui selon Mme Barragan, directrice adjointe, sont à 80 % des « milieux familiaux destructurés ». Une étude menée sur le devenir de 57 pensionnaires a montré que la moitié ne rechute pas.
Favra (GE)
La maison d'arrêt de Favra à Genève a été construite en même temps que Champ-Dollon en 1978. A l'origine Favra était une maison d'éducation au travail comme Pramont (15 places). Puis, par souci d'économie, il est devenu un lieu de détention pour les peines courtes. Enfin, Favra est devenu pour M. Reymond, directeur du Sapem, un « mini Bellechasse » pour des détenus primaires non dangereux. Aujourd'hui Favra reçoit les personnes sous mesure de contrainte. Demain, toujours selon M. Reymond, elle sera affectée aux délinquants primaires non dangereux.
L'établissement a aujourd'hui besoin de recevoir des placements venant des cantons de Vaud, Fribourg et de Berne pour être plein.
Le personnel actuel a été formé pour encadrer des détenus locaux, notamment pour le travail dans les ateliers, et les gardiens se retrouvent avec des personnes étrangères qui ne parlent pas français et n'ont pas d'obligation de travailler. Il faut noter que ces gardiens ont un salaire inférieur de quatre classes à ceux de Champ-Dollon pour une même formation effectuée à Fribourg au Centre suisse de formation pénitentiaire.
Le jour de la visite, il y avait 12 gardiens pour 4 personnes sous la loi sur les mesures de contrainte.
Visites des violons
Les visites ont été effectuées entre 21 h 30 et 22 h 50, soit pendant le service de nuit.
Les différentes délégations de la commission (4 et 3 personnes) ont ainsi trouvé les situations suivantes :
Au poste du boulevard Carl-Vogt: deux gardiens de nuit pour 14 violons et trois « passades », soit des chambres renforcées pour mineurs et femmes, sans W-C, des locaux vétustes et exigus, quatre personnes enfermées sous mandat d'amener dont une a souhaité rencontrer la commission. Le président de la commission seul est entré dans le violon pour l'auditionner. L'homme ne semble pas avoir reçu les informations nécessaires et/ou ne pas avoir compris ses droits.
Le poste du boulevard Carl-Vogt constitue le point de rassemblement de toutes les personnes arrêtées, c'est un passage administratif pendant lequel aucune fouille corporelle ne se fait.
Au poste du chemin de la Gravière : ce poste ordinaire reçoit les personnes interpellées jusqu'à leur transfert au poste du boulevard Carl-Vogt en cas d'arrestation. En principe (sauf si le poste du boulevard carl-Vogt est plein), aucune personne n'y passe la nuit. Les locaux ne sont pas équipés pour servir de repas aux prévenus. Il s'agit de deux violons avec toilettes turques et lumière néon à l'extérieur de la cellule. Une sonnette permet d'appeler un agent.
Au poste de Pécolat : cinq agents sont présents pour la nuit, un local LAVI pour les auditions est encaissé entre un mur, une armoire et deux paravents, deux salles d'audition (avec vitre sans tain), et trois violons avec W-C turcs et sonnette d'appel. Les violons sont vides. Bien que les locaux ne soient pas très grands, le poste de Pécolat est très chargé.
Au poste de Plainpalais: trois gendarmes forment l'effectif de nuit. L'horaire des gendarmes est particulièrement lourd, un week-end de congé par mois (heures supplémentaires - 2000 heures de travail par gendarme et par année -, travail deux nuits consécutives), ce qui n'est pas sans incidences sur la vie familiale et le taux des divorces.
Le poste dispose d'une salle d'accueil, d'une salle LAVI, de plusieurs bureaux et de violons relativement spacieux avec toilettes turques et sonnette d'appel. Cette « qualité » des conditions de détention pourrait avoir des effets sur les relations avec les personnes prévenues et leur degré de violence.
Remarques générales
Aucun manquement aux conditions « normales » de détention n'a été relevé dans les lieux de privation de liberté visités. En général les relations entre détenu-e-s et gardien-ne-s (ou surveillant-e-s) sont bonnes (preuve en est la stabilité du personnel).
Pourtant des faits - des détails même - ont pu être soit relevés lors de la visite, soit entendus lors d'auditions qui s'ils étaient additionnés pourraient rendre la vie carcérale plus difficile qu'elle ne l'est en général pour la majorité des prisonniers. Nous relèverons, sous forme de questions, les éléments qui demandent une attention particulière du point de vue des conditions d'incarcération.
1. La question du temps, laquelle apparaît cruciale pour un détenu qui souffre de ce que les réponses, les informations, les autorisations ne viennent pas assez vite. S'ajoute celle de la correspondance : les délais trop longs d'envoi et de réception, et la disparition de lettres.
2. La question des congés. Il faut remarquer que la Romandie est plus restrictive en matière de congés puisqu'elle les accorde pour les détenus primaires à un tiers de la peine, alors qu'en Suisse-allemande elles le sont à un sixième de la peine.
3. La question de l'accès aux soins médicaux (mode d'accès, rapidité, lien entre la direction de la prison et les services de soins).
4. La question de la distribution des médicaments (taux élevé de distribution, trafic de médicaments, prise de médicaments).
5. La question des visites et en particulier de favoriser le maintien des liens familiaux, conjugaux et d'amitié.
6. La question de la sexualité dans les prisons (le changement de sexualité par nécessité, les viols, la transmission du sida).
7. La question des rencontres à l'extérieur des bâtiments ou à l'intérieur (parloirs intimes).
8. La question du coût de la détention (voir annexe).
9. La question de l'incarcération des mères avec enfant en bas âge (jusqu'à 18 mois, voire 3 ans).
10. La question de l'accès des informations (écrites ou orales) dans la langue des détenu-e-s.
11. La question des détenu-e-s toxicomanes (prise en charge, soins, sevrage, traitement, thérapie).
12. La question du recouvrement des prestations AVS lorsque le détenu est étranger et retourne dans son pays.
En ce qui concerne la privation de liberté de 24 heures dans les violons de la police, il apparaît que pour des raisons diverses (langue, état particulier de la personne, choc de l'arrestation, compréhension de l'art. 107 du C.P.) les détenu-e-s ne sont pas toujours bien informé-e-s de leur droit et du règlement. Par ailleurs, les mineur-e-s peuvent comme les adultes rester au maximum 24 heures dans des cellules qui n'ont pas de W-C, sans possibilité de faire actionner la lumière et sans veilleuse pour la nuit ce qui pourrait être pour des jeunes filles et garçons une cause d'angoisse qui s'ajoute au choc de l'arrestation.
Quant aux salles permettant d'auditionner les victimes, elles devraient être mieux isolées notamment des regards.
II Auditions
Détenus ayant fait la demande
Lors de la première visite à Champ-Dollon, sept détenus ont demandé à être entendus (dont un dans le quartier cellulaire de Champ-Dollon) sur un total de près de 350. La seconde visite s'est faite sans audition, puisqu'elle a été consacrée à la Pâquerette (où des détenus ont été rencontrés), à Favra et au Vallon. Une troisième visite à Champ-Dollon a permis d'entendre cinq détenus, dont l'un avait expressément demandé par lettre à être entendu au sujet d'une pétition qu'il désirait faire circuler dans la prison. La commission s'est alors scindée en trois groupes.
Le pétitionnaire a soulevé un certain nombre de points :
le droit de faire circuler une pétition,
l'humiliation de baisser son slip après chaque parloir,
l'accueil au service médical et l'attente pour les consultations médicales,
l'amélioration de l'accueil à Champ-Dollon, notamment quant à l'information sur la prison,
le manque de savoir-vivre de certains gardiens qui ne donnent pas un bon exemple,
la demande d'avantage d'activités sportives,
la façon d'apprêter les repas,
le manque d'articles à l'épicerie,
la qualité des produits vendus,
l'inadéquation de certains produits par rapport à la demande,
le souhait qu'une liste des différents produits apportés par les visiteurs soit diffusée,
la possibilité d'utiliser des CD,
la demande de la TV câblée moyennant 10 F par détenu et par mois.
Un détenu de Champ-Dollon a demandé un entretien particulier s'ajoutant aux nombreuses lettres envoyées pendant l'année (une douzaine). La situation tout à fait particulière de ce détenu n'a cessé de préoccuper les membres de la commission. Un sous-groupe de trois personnes s'est constitué pour lui rendre visite à Champ-Dollon. Vu la problématique posée par ce détenu et la complexité des faits juridiques qu'elle engendre, les accusations du détenu à l'encontre des services de la prison (de la bibliothèque, de la poste, des gardiens, des convoyeurs, du culte) et, surtout, l'absence de compétence donnée à la commission pour une quelconque action, seule une recommandation à l'action des pouvoirs compétents est demandée par la commission dans le but de mettre fin aux souffrances multiples qui touchent les membres de cette famille déchirée. Néanmoins, au mois de septembre la commission a pris la décision d'écrire au dit détenu et d'auditionner le professeur Harding comme il avait été suggéré par le détenu.
Dans les autres établissements: aucun jeune de la Clairière n'a souhaité rencontrer les membres de la commission, aucun détenu n'a souhaité être auditionné à la Maison de Pinchat et aucune détenue à la Maison de Riant-Parc.
Dans les pénitenciers du concordat romand, au total 12 détenus sur 67 ont demandé à être entendu par la commission.
3 détenus à Crêtelongue sur 4 détenus placés par les autorités genevoises,
5 détenus à Pramont sur les 5 détenus placés par les autorités genevoises,
2 détenus aux EPO sur 26 détenus placés par les autorités genevoises,
zéro à Bellechasse sur 17 détenus placés par les autorités genevoises (dont 15 étrangers),
2 détenus à Bellevue sur 15.
Le nombre relativement peu élevé des demandes laisse supposer que les conditions de détention sont en accord avec ce que les détenu-e-s peuvent supporter. Certains détenu-e-s venant d'autres pays ont déjà connu la prison et peuvent même être étonné-e-s des conditions matérielles de détention en Suisse. Néanmoins, certaines remarques de la part de détenu-e-s laissent planer un doute sur :
la façon dont les visites sont annoncées ;
la proximité de la direction des établissements avec la commission ;
les représentations sociales des prisonniers de l'utilité voire de l'efficacité de la commission ;
l'éventualité de crainte de mesures de rétorsion.
Beaucoup de demandes, voire de revendications relèvent de besoins affectifs liés à la privation de liberté : demande d'être écouté, d'être pris en considération, demande de soins et rapport au temps qui est particulièrement long en prison (longueur des réponses aux demandes, temps d'attente chez le médecin). Tous ces types de demandes ne sont pas illégitimes, mais leur réalisation demande souvent un accroissement de personnel et donc une conception politique de la prison réparatrice plus que punitive. Un certain nombre de remarques et revendications peuvent être ainsi regroupées :
l'usage du système progressif en vigueur dans de nombreux lieux de détention et d'éducation ne va pas sans un usage répressif particulièrement propice à des abus et surtout particulièrement démoralisant pour le détenu. Cela ouvre la question du pouvoir discrétionnaire du Sapem qui est ressenti par certains détenu-e-s comme arbitraire, notamment dans les cas de transfert ;
la façon dont les détenu-e-s sont informé-e-s sur leur situation, sur leur droits, sur ce qu'est la vie carcérale, sur la psychologie particulière du détenu, problème qui s'accentue pour les détenu-e-s analphabètes (beaucoup d'informations sont écrites) et pour les détenu-e-s non francophones ;
l'importance du sport comme activité pour les personnes privées de liberté: augmentation du temps de sport et diversification des types de sport ;
la fouille corporelle obligatoire - avec génuflexion ou non - qui est vécue par les détenus comme humiliante et qui, n'étant pas une fouille intime (qui ne pourrait être effectuée que par un médecin) n'assure nullement une non entrée de drogue dans les prisons. Quant au passage d'objet (tel une arme) dans un slip, un appareil de détection ne serait-il pas suffisant ?
les demandes liées à l'accessibilité aux nouvelles technologies (CD, CD-Rom, ordinateur, Internet, télévision câblée), lesquelles doivent être étudiées aujourd'hui afin d'assurer la sécurité (risque d'évasion, de communication avec l'extérieur), mais surtout le maintien des liens avec la réalité extérieure et la formation (culturelle, professionnelle). Notons que les détenus de La Pâquerette bénéficient déjà de ces nouvelles technologies ;
l'importance de distinguer les catégories de détenus : prévenus et détenus, multirécidivistes et délinquants primaires.
Médecin entendu sur demande de la Commission de grâce.
Suite à un échange de correspondance entre le médecin responsable de la colonie pénitentiaire de Crêtelongue et le Grand Conseil, la Commission des visiteurs officiels a profité de l'opportunité de la visite, sur demande du président du Grand Conseil, M. Koechlin, pour le rencontrer et éclaircir les raisons du ton de sa lettre et entendre ses regrets et excuses. En effet après un refus de la grâce d'un prisonnier suivi par le médecin, ce dernier avait envoyé une lettre dont le ton avait heurté les député-e-s. Le médecin reconnaît que le ton de sa lettre était très dur et il l'explique par sa compassion à l'égard du détenu. Le président de la commission en a pris acte et rendu compte par lettre au président du Grand Conseil.
III. Réflexions
La commission, outre les visites et auditions, a mené tout au long de l'année deux réflexions qui ont pris corps autour du projet de loi 7822 et du projet de loi 7843.
Soit :
la question de la détention des mineur-e-s et en particulier de l'isolement cellulaire ;
la question des compétences de la Commission des visiteurs.
1/ Le projet de loi ouvrant un crédit d'investissement pour les travaux de transformation et d'aménagement du bâtiment « La Clairière » à Montfleury (Satigny) (PL 7822) ressort à la Commission des travaux. La Commission des visiteurs a donc donné un préavis sur la conception d'un tel établissement et sur le concept pédagogique, sans aborder les aspects techniques des travaux. Le préavis donné a été positif à la majorité moins deux voix (voir à ce sujet le préavis, le préavis négatif et l'adjonction au rapport de la Commission des travaux). Une quasi unanimité s'est faite autour de la question de la mixité - afin surtout d'éviter aux jeunes filles un placement dans une prison pour adultes - et de la nécessité d'adapter les cellules de La Clairière aux règles minimales de la Confédération et à celles de l'Union européenne (dimension des cellules de 10m2 - 8 m2 lorsqu'il ne s'agit pas de nouvelles constructions - toilettes et eau dans les cellules). Par ailleurs, une quasi unanimité s'est faite sur l'absence de concept socio-éducatif (lequel est d'ailleurs toujours en élaboration par M. Frankhauser, qui travaille pour cela avec le directeur administratif des Foyers Feux-Verts).
Il n'en demeure pas moins que certains traits sont déjà tirés notamment autour du concept de mixité et de l'isolement. Soit :
les trois premiers jours sont ceux de l'enfermement complet qui signifie entre 10 et 11 heures de cellule par jour, auxquelles s'ajoutent les heures de nuit (soit de 21 heures à 7 heures du matin), la journée à mi-temps (demi-journée prise en charge individuelle, demi-journée prise en charge collective), soit 4 à 5 heures en cellule (plus les heures pendant la nuit) ;
la mixité est envisagée dans le régime d'observation et d'exécution de peine ;
les éducateurs n'interviendront jamais seuls auprès des jeunes filles ;
l'augmentation des temps en commun en fonction du bon comportement et après deux mois d'exécution de peine.
Néanmoins, il ressort des discussions des conceptions différentes au sein de la commission concernant le traitement des mineurs en détention (qu'ils soient prévenus ou en observation ou en détention après jugement). Soit (il s'agit d'un inventaire de positions extrêmes qui supposent des intermédiaires) :
privilégier les besoins des jeunes ou ceux des magistrats,
opter pour une prise en charge éducative et thérapeutique (où la détention apparaît comme subsidiaire ou résiduelle) ou pour l'imposition de limites fermes et contraignantes,
supprimer l'isolement cellulaire (ou ne lui donner qu'un caractère exceptionnel) ou le maintenir comme fondement de la détention des jeunes,
privilégier une mixité réelle entre les sexes (contacts, échanges, travail et loisirs en commun) ou une pseudo-mixité qui revient à adjoindre deux bâtiments, l'un pour les filles et l'autre pour les garçons,
mener une profonde réflexion sur le traitement des mineurs en conflit avec la loi (sur la base notamment de statistiques) ou saisir l'opportunité des subventions fédérales,
faire le choix d'une suppression d'établissement de détention pour mineur-e-s au profit d'équipes psychopédagogiques efficientes dans les maisons d'éducation actuelles ou englober l'établissement dans un cadre carcéral avec la proximité de personnes adultes détenues selon la loi sur les mesures de contraintes,
refuser totalement l'isolement cellulaire (y compris pendant les trois premiers jours) ou maintenir un isolement « bénéfique » (chambre de réflexion),
privilégier une politique éducative axée sur la relation et l'encadrement humain renforcé ou une politique répressive favorisant un encadrement matériel (murs des cellules, portes fermées, murs ou grillage d'enceinte, etc.).
En outre, la question se pose de transformer la Clairière actuelle pour les mesures de contrainte, alors qu'un bâtiment existe déjà : la maison Favra. De surcroît la proximité projetée entre la maison de détention pour mineurs à Montfleury et celle pour les mesures de contrainte accentuerait pour les jeunes le caractère carcéral peu en accord avec un concept psycho-éducatif de prise en charge.
2/ Les compétences de la commission découlent des articles 227 et suivants de la loi portant règlement du Grand Conseil stipulant un examen des conditions d'incarcération dans des lieux de détention. Le terme de « lieu de détention » est pris au sens restrictif, puisqu'il s'agit des établissements concordataires pour adultes et jeunes adultes et des établissements pour adolescent-e-s placé-e-s par une autorité pénale genevoise qui comprennent des prévenu-e-s et des condamné-e-s primaires ou récidivistes. En 1994 un accord est conclu avec la police pour élargir les compétences de la commission à la visite des postes de police, moyennant une réunion d'une délégation d'au minimum trois député-e-s de partis différents. Les compétences de la commission se sont donc étendues aux personnes sous mandat d'amener.
Les requérants d'asile ne relèveraient donc pas aujourd'hui des compétences de la commission.
Par le projet de loi 7843 modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil, le débat est ouvert autour de la définition de la détention. Le projet propose de remplacer ce terme aux contours imprécis (en effet certains lieux, centres de requérants d'asiles ou de protection civiles peuvent être utilisés à des fins de détention et un foyer de semi-liberté pour mineurs est reconnu par le Tribunal fédéral comme lieu de détention) par « privation de liberté » (en vertu du droit pénal, administratif, civil et de la loi sur la police), permettant ainsi d'inclure les personnes relevant de la loi fédérale sur les mesures de contrainte, des personnes privées de liberté à des fins d'assistance relevant du Code civil et les personnes placées au violon pour des contrôles d'identité.
Un prolongement du projet de loi 7843 en vue d'une refonte de la loi portant règlement du Grand Conseil permet de préciser les points suivants:
les compétences de la commission (en fonction de l'inventaire des « lieux de privation de liberté ») ;
les visites « à l'improviste » dans les postes de police et en général l'annonce des visites. Il faut rappeler que le rôle de la commission est aussi de voir s'il y a mauvais traitement ;
l'efficacité des visites et la crédibilité de la commission auprès des détenus. A ce propos, la commission a évoqué à de réitérées reprises la nécessité de réfléchir à l'efficacité de la commission et aux deux notions mises en avant par l'APT soit l'indépendance et la crédibilité. Concernant la première, l'actuelle procédure d'annonce des visiteurs relevant de la direction des prisons apparaît comme inadéquate. La commission propose que l'annonce soit faite directement par la Commission des visiteurs avec un papier à en-tête du Grand Conseil, lequel sera affiché à Champ-Dollon, et qu'elle soit transmise directement et personnellement aux détenus concernés dans les établissements concordataires. Les visiteurs devraient pouvoir rencontrer des membres du personnel autres que ceux de la direction sans la présence de la direction. La crédibilité de la commission tient à son indépendance à l'égard de la direction et du Département de justice et police et doit par conséquent pouvoir garder une certaine distance critique incompatible avec une présence constance de la direction (repas pris en commun, rapport des auditions des détenus) avec celle-ci, ce qui enlève de la crédibilité à l'égard des détenus ;
l'objet de la visite et les moyens d'observation et de contrôle des conditions carcérales. Le guide proposé par l'APT pourrait être considéré comme un outil d'observation à mettre en discussion au sein de la commission pour en faire un moyen approprié au contrôle parlementaire. Il s'agit en effet d'être à même non seulement de vérifier les conditions matérielles de privation de liberté, mais aussi le respect des droits (droit d'appeler le service médical, d'appeler un proche, de prendre contact avec un avocat), et les conditions dans lesquelles sont faites les fouilles et les déplacements en wagon cellulaire ;
la formation des visiteurs par le biais des cours donnés par la Croix-Rouge ou par d'autres moyens (auditions, formation ad hoc par l'APT, etc.) ;
la standardisation des rapports. L'outil que serait le guide d'observation pourrait aussi favoriser une forme standard du rapport annuel afin de favoriser la comparaison d'une année à l'autre et assurer un meilleur suivi des dossiers ;
les compétences des visiteurs et la nécessité d'une formation minimum qui remettrait en question la restriction du mandat à quatre ans ;
le secret de fonction ;
la féminisation du texte définitif de la loi.
Recommandations
La majorité de la Commission des visiteurs officiels suggère six recommandations inspirées par un certain nombre de points relevés lors des visites et lors des discussions en commission:
Maintenir une attention constante aux conditions de vie des détenu-e-s.
Développer des postes de travail centrés sur l'écoute et la relation et encourager la formation continue des gardien-ne-s.
Développer une collaboration intercantonale.
Faire une étude des coûts de la détention.
Améliorer la crédibilité de la Commission des visiteurs.
Prévenir la violence dans les lieux de privation de liberté.
1 a/ Une attention constante doit être portée aux conditions de vie des détenu-e-s. La qualité de celles-ci permet non seulement d'atténuer les souffrances de la privation de liberté et ainsi de diminuer ses effets secondaires en terme de médicalisation, de perturbations psychologiques et de violence, mais elle donne aux détenu-e-s le sentiment d'être respecté-e-s, prémisse à un « nouveau départ ». Pour ce faire, la majorité de la Commission des visiteurs met en évidence plusieurs situations relevées lors des auditions ou des visites qui ne répondent pas à ce critère de « qualité de vie ». Soit :
l'accès plus rapide aux soins (attendre 15 jours pour avoir une consultation paraît long pour des personnes privées de liberté et trois mois pour rencontrer un spécialiste aussi !). Il apparaît aussi que l'exigence d'une demande écrite est un handicap (difficulté de faire un auto-diagnostic), elle prétérite les personnes qui ne savent pas écrire (et qui n'osent l'avouer) ou qui ne parlent pas le français ;
la séparation des prisonniers en fonction de leur statut (« primaire » ou multirécidiviste) afin d'atténuer les problèmes de racket, de sodomie et de sévices corporels) ; en fonction aussi de leur dépendance au tabac ou non ;
la possibilité d'un travail d'alphabétisation et de formation pour les détenu-e-s qui resteraient plusieurs mois à Champ-Dollon (demande de recours, détention) tel qu'il se fait dans les pénitenciers ;
l'accès par la bibliothèque de Champ-Dollon au réseau romand des bibliothèques et au prêt interbibliothèque ;
la suppression de la fouille corporelle comme mesure vexatoire et son usage, après chaque parloir, que dans des cas exceptionnels.
Dans un souci de respect des personnes, la majorité de la commission encourage toute amélioration qui irait dans le sens de ces revendications. Par ailleurs, la majorité de la commission soutient les projets évoqués lors des visites qui visent à améliorer les conditions de vie des prisonniers à Champ-Dollon. Soit :
une meilleure communication de l'information lors de l'entrée à Champ-Dollon ;
la création d'un atelier du livre ;
l'utilisation des CD personnels et des CD-Rom dans le cadre de l'atelier du livre ou dans le cadre d'un atelier informatique ;
la location de PC ;
l'augmentation du temps consacré au sport ;
la publication d'une liste pour les visiteurs des produits autorisés à entrer ;
l'installation d'une antenne collective pour la réception de la TV ;
l'ouverture d'un atelier de création grâce à la récupération de containers scolaires afin d'agrandir la surface des ateliers existants ;
l'installation de sommiers en béton pour les matelas des cachots.
La majorité de la commission est favorable a une conception politique de la prison comme prison réparatrice plus que punitive. Il est notamment demandé :
un plus grand respect de la demande psychosomatique des détenu-e-s ;
une plus grande prise en compte de la parole du détenu-e ;
la distribution systématique de directives ou d'un règlement sur les droits des prisonnier-ère-s (y compris mineur-e-s) et les droits des personnes arrêtées ;
la rédaction d'un rapport sur la formation des gardiens à Champ-Dollon (recrutement, formation suivie, formation continue, supervision, langue étrangère) ;
l'adjonction à l'équipe psychopédagogique de La Clairière d'un psychiatre rattaché à l'institution et d'un psychologue dans l'établissement même ;
la mise à disposition, à Champ-Dollon, d'un psychologue pour les gardiens.
1b/ Concernant les mineurs privés de liberté, la majorité de la commission demande :
qu'aucun mineur-e ne soit plus envoyé-e à Champ-Dollon ou à Riant-Parc ;
que la prise en charge des jeunes détenu-e-s dans l'établissement de la Clairière repose sur un concept pédagogique clair et écrit (formation des éducateurs, travail avec les jeunes, mixité, etc.) et qu'il puisse être consulté par les personnes intéressées ;
que le temps de détention en préventive soit réduit au temps le plus court ;
que les fouilles corporelles soient supprimées ou, si vraiment nécessaires, effectuées par un médecin.
2/ Compte tenu du fait que la majeure partie des conditions de détention en prison et dans les postes de police repose sur la qualité de la relation entre détenu-e-s et entre détenu-e-s et professionnel-le-s, la majorité de la Commission des visiteurs est soucieuse de voir à l'avenir un développement de postes de travail centrés sur l'écoute des prisonnier-ère-s et sur la relation, ainsi qu'un encouragement à la formation continue des gardiens.
3/ La majorité de la commission souhaite que la collaboration intercantonale soit développée, notamment pour la création d'une Commission intercantonale de visiteurs officiels (laquelle pourrait être ouverte à des membres d'ONG, à des médecins) et pour la création d'un établissement ad hoc pour les détenus sous l'art. 43 qui sont hospitalisés dans un cadre sécuritaire (établissement ad hoc prévu dans le cadre du projet EEP 2000, conditions de vie, contrôle de la durée de l'internement). En 1996 déjà, le CPT s'était étonné de l'absence d'établissement pour ce type de détenu-e-s. Selon M. Savary (directeur-adjoint de Champ-Dollon), le chef du Service pénitentiaire vaudois aurait un tel projet pour les EPO. Actuellement Champ-Dollon (en particulier La Pâquerette) et Belle-Idée reçoivent des détenus sous l'art. 43 des autres cantons.
4/ La majorité de la commission souhaite que la question des coûts de la détention soit étudiée, afin que la répartition des détenu-e-s se fasse selon le critère de la proximité géographique avec les proches pour assurer le maintien des liens familiaux et d'amitié (essentiels à l'intégration sociale) et le critère du moindre coût (voir annexes).
5/ La majorité de la commission poursuit ses travaux sur le projet de loi 7843, néanmoins elle demande aujourd'hui que les visites de la Commission des visiteurs du Grand Conseil soient annoncées par le service du Grand Conseil, que l'on mette fin aux repas à l'intérieur de la prison et aux rapports d'audition en présence de la direction. Enfin que les visites dans les violons soient de vraies « visites à l'improviste ».
Il serait aussi souhaitable que le rapport de la Commission des visiteurs officiels soit rédigé d'année en année sur un modèle identique (rubriques, types de données, etc.) afin de permettre des comparaisons et d'assurer un meilleur suivi des travaux.
6/ La majorité de la commission souhaite enfin que toute la lumière soit faite sur l'accident survenu à Champ-Dollon qui a handicapé à vie un détenu (devenu tétraplégique) et que soit étudiée en particulier la question de la violence dans les prisons - et en général dans les lieux de privation de liberté - et de sa prévention.
Situation au 24 novembre 1998
La commission a réalisé la totalité du programme des visites prévues en début d'année, le projet de loi 7822 a été voté et les travaux sur le projet de loi 7843 sont suspendus dans l'attente des réponses du bureau du Grand Conseil, du DASS et du Conseil de surveillance psychiatrique aux lettres de la commission.
Pour conclure, la majorité de la commission réitère ses sincères remerciements à toutes les personnes qui lui ont permis d'atteindre au mieux ses objectifs. Elle invite le Conseil d'Etat et M. Le Procureur général à porter une attention particulière à ses remarques générales et à ses recommandations et vous prie, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de bien vouloir accepter le présent rapport.
ANNEXE I
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ANNEXE II
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ANNEXE III
En 1997, 50 personnes faisaient, à Genève, l'objet d'une mesure au sens de l'art. 43 CPS :
28 étaient en traitement hospitalier ou internés (4 à Champ-Dollon),
22 étaient en traitement ambulatoire.
En 1996, 47 personnes faisaient, à Genève, l'objet d'une mesure au sens de l'art. 43 CPS :
22 étaient en traitement hospitalier ou internés (3 à Champ-Dollon),
25 étaient en traitement ambulatoire.
Informations données par M. A. Agad, secrétaire adjoint du DJP chargé du domaine pénitentiaire
ANNEXE IV
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ANNEXE V
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ANNEXE VI
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ANNEXE VII
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ANNEXE VIII
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Table des matières
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Prologue 2
Composition de la commission 2
Considérations générales 2
Méthode de travail de la commission 4
Remerciements 6
Travaux de la commission 8
I. Visites 8
Prisons pour jeunes et jeunes adultes 8
La Clairière (GE) 8
Pramont (VS) 9
La Ronde (NE) 10
Prisons préventives 11
Champ-Dollon (GE) 11
Sion (VS) 13
Pénitenciers, établissements de fin de peine et autres 14
Crêtelongue (VS) 14
Bellechasse (FR) 15
Les établissements de la Plaine de l'Orbe (VD) 15
Bellevue (NE) 16
Maison de Riant-Parc (GE) 18
Le Vallon (GE) 19
Centre de sociothérapie de La Pâquerette 20
Maison de Pinchat (GE) 21
Favra (GE) 21
Visites des violons 21
Poste du Bd.Carl-Vogt 21
Poste du chemin de la Gravière 22
Poste de Pécolat 22
Poste de Plainpalais 22
Remarques générales 22
II. Auditions 24
Détenus ayant fait la demande 24
Médecin entendu sur demande de la commission des grâces 27
III. Réflexions 27
1/La question de la détention des mineur-e-s (PL7822) 27
2/La question des compétences de la commission des visiteurs (PL7843) 29
Recommandations 31
Maintenir une attention constante aux conditions de vie des détenu-e-s 31
Développer des postes de travail centrés sur l'écoute et la relationet encourager la formation continue des gardien-ne-s 33
Développer une collaboration intercantonale 33
Faire une étude des coûts de la détention 33
Améliorer la crédibilité de la commission des visiteurs 34
Prévenir la violence dans les lieux de privation de liberté. 34
Date de dépôt : 9 mars 1999Messagerie
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Introduction
Conformément à l'article 230 de la loi portant règlement du Grand Conseil, la commission des visiteurs présente chaque année au Grand Conseil un rapport d'activités comportant des recommandations à l'intention du Conseil d'Etat et du Procureur général.
Il est inhabituel qu'un rapport de minorité soit présenté.
Certes, la situation s'est déjà produite en 1992. Toutefois, le rapport dit de minorité était de l'aveu même de son auteur un rapport complémentaire au rapport de majorité contre lequel il n'avait pas de critiques à formuler (cf. Mémorial 1993 I pp. 1110 et 1117).
Tel n'est pas le cas du présent rapport.
Le rapport de majorité pour l'année 1998 ne nous paraît pas acceptable, notamment pour les raisons suivantes. D'une part, certaines réflexions de nature purement idéologique, auxquelles nous ne pouvons d'ailleurs souscrire, n'ont - à notre avis - pas leur place dans un rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil. D'autre part, un certain nombre de réflexions et d'allégations concernant les conditions de détention ou le mode de fonctionnement des institutions sont formulées de manière vague sans que soient désignés de manière précise les établissements en cause et les manquements dont ils seraient responsables. En fait, certaines de ces remarques ne correspondent pas aux constatations que nous avons faites. Enfin, et surtout, les recommandations du rapport de majorité nous paraissent en grande partie soit inadéquates, soit inapplicables ou sans objet pour leurs destinataires.
Nous analyserons ci-après ces différents points, à la lumière de la vision que nous avons eue du fonctionnement du système pénitentiaire, et nous les ferons suivre de nos recommandations. En revanche, nous ne reviendrons pas sur le compte-rendu des visites effectuées dans les établissements, celui-ci étant purement factuel et donc relativement objectif.
Des allégations, réflexions et autres considérations générales que comporte le rapport de majorité
Selon l'article 227, al. 1 de la loi portant règlement du Grand Conseil, la commission des visiteurs officiels a pour mission d'examiner les conditions d'incarcération dans les lieux de détention. Il est cependant admis que par « conditions d'incarcération » il faut non seulement entendre les conditions d'ordre purement matériel, mais aussi la manière dont sont traités les détenus par le personnel pénitentiaire ou par les fonctionnaires de police.
Se rendre dans les lieux de détention pour y contrôler les conditions dans lesquelles vivent les détenus, entendre ceux d'entre eux qui souhaitent s'exprimer et émettre ensuite des recommandations à l'intention des autorités compétentes est le rôle fondamental de la commission, et il doit le demeurer. A l'occasion, la commission peut certes aussi faire porter ses travaux sur d'autres sujets en rapport avec le domaine pénitentiaire (par ex. donner un préavis pour la construction d'un établissement, etc.) et, le cas échéant, en rendre compte dans son rapport. Cependant, dans son rapport annuel, la commission doit s'abstenir de faire état de considérations idéologiques, surtout s'agissant d'institutions qui ressortent de la compétence de la Confédération. En qualifiant, par exemple, la prison d'appareil destructeur de la personnalité ou en formulant le voeu qu'elle ne soit réservée qu'à des personnes qui représentent un réel danger pour la collectivité et en multipliant les réflexions de ce type, le rapport de majorité critique inutilement la privation de liberté en tant que peine instituée par le droit fédéral et méconnaît les buts de cette institution. Le rapport de la commission des visiteurs n'est pas le lieu pour mener ce type de polémique. De telles remarques fragilisent en outre la crédibilité de la commission qui risque d'être perçue comme un forum où se tiennent de grands débats idéologiques ou philosophiques sur les peines et l'exécution des peines et non plus comme un organe de contrôle des conditions de détention chargé de détecter sur le terrain d'éventuels dysfonctionnements et de les dénoncer. Des recommandations de politique pénitentiaire ne nous paraissent concevables que pour autant qu'elles soient concrètes et relèvent de la compétence du canton. Sinon, c'est la voie de la résolution qui devrait être choisie.
La crédibilité de la commission risque par ailleurs d'être fortement compromise si les critiques formulées dans son rapport annuel demeurent vagues et ne permettent pas aux autorités à qui s'adresse le rapport de déterminer l'établissement en cause et de prendre les mesures correctives nécessaires. C'est ainsi que le rapport de majorité indique, en page 3, que les membres de la commission ont pu entendre qu'une certaine « torture mentale » était vécue par des prisonniers (isolement, manque de correspondance, promesses non tenues) ou que les visites de la commission ne permettent pas d'assurer un contrôle sur les éventuels abus de pouvoir (cf. aussi p. 26), ni ne permettent de percevoir les multiples faits quotidiens qui alourdissent les peines des détenu-e-s. Or, le rapport ne décrit pas les abus de pouvoir dont la commission aurait eu connaissance, ni quels sont ces faits qui alourdissent le quotidien des détenus. On ne sait pas davantage dans quelles circonstances et où ils se produisent. Lorsque le rapport de majorité dénonce que le courrier des détenus disparaît parfois et qu'il indique que le nombre relativement peu élevé de demandes d'audition s'explique, aux dires des détenus, par le fait que les visites de la commission sont mal annoncées par les établissements ou que les détenus craignent des mesures de rétorsions, il s'agit là d'accusations graves. Le fait de ne citer aucun cas particulier en indiquant l'établissement dont il s'agit crée d'une part un climat général de suspicion touchant l'ensemble des établissements visités et ne permet pas, d'autre part, aux autorités concernées de prendre des mesures concrètes. Par ailleurs, on demeure perplexe s'agissant de certaines affirmations paradoxales : d'un côté, on nous dit que la violence lors des arrestations et des gardes-à-vue, ainsi que les abus - dont le SAPEM serait l'auteur - ne seraient pas rares ; d'un autre côté, on apprend qu'aucun manquement saillant aux droits des prisonniers ou aux conditions « normales » de détention n'a été relevé dans aucun lieu de privation de liberté.
Quant aux remarques générales, qui ne sont en fait pas des remarques, mais une douzaine de questions, on peut craindre que les lecteurs du rapport de majorité, et en particulier leurs destinataires, ne sauront qu'en penser ou qu'en faire dès lors qu'il ne s'agit pas de constatations critiques donnant lieu à des recommandations. Le fait de relayer pêle-mêle les revendications des détenus, leurs pétitions, etc. ajoute également à cette confusion et participera, à n'en pas douter, à la perplexité du lecteur.
Ainsi, en optant pour une démarche résolument anti-institutionnelle sous prétexte de se distancer des précédents rapports de la commission des visiteurs qui auraient eu tendance à trop ménager l'administration pénitentiaire, le rapport de majorité ne fait en réalité que discréditer la commission elle-même. Or, pour gagner en crédibilité et en efficacité, la commission devrait à l'avenir travailler et rédiger son rapport de manière plus rigoureuse et plus factuelle, à la manière d'organismes reconnus agissant avec professionnalisme comme, par exemple, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). La commission pourrait ainsi élaborer et utiliser des grilles d'analyse lorsqu'elle contrôle les lieux de détention. De même, un chapitre du rapport annuel pourrait être consacré au sort qui a été réservé par le Conseil d'Etat ou par le Procureur général aux recommandations faites l'année précédente, de manière à avoir un véritable suivi de l'activité de la commission. Le rapport devrait être rédigé d'année en année sur un modèle identique afin de permettre des comparaisons et d'assurer un meilleur suivi des travaux.
De l'illusion de certaines recommandations du rapport de majorité
1. « L'attention constante aux conditions de vie des détenu(e)s. »
Si cette recommandation n'est en soi pas critiquable, elle le devient à la lecture des explications qui sont données sur la manière dont elle doit être interprétée et appliquée.
Le rapport de majorité préconise par exemple la séparation des détenus selon leur statut, ainsi qu'en fonction de leur dépendance au tabac.
La séparation à la prison de Champ-Dollon des détenus en fonction de leur statut est déjà prévue par les articles 13 et 14 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées (F 1 50.04) qui disposent que, dans la mesure du possible, les prévenus, les condamnés et les adolescents sont placés dans des cellules distinctes et qu'en général le classement s'effectue d'après l'âge des détenus, la gravité et la nature des actes qui leur sont imputés. Nous n'avons pas eu le sentiment que la direction de la prison ignore ces règles. En particulier, nous avons constaté que la direction de la prison ne transige pas avec la règle qui veut que lorsque la prison accueille des adolescents, ceux-ci soient séparés des adultes. A notre avis, la direction de l'établissement ne peut pas toujours classer les détenus de la manière idéale prévue par le règlement compte tenu du niveau de surpopulation (taux d'occupation moyen en 1998 : 110 % ; nombre maximum de détenus : 363), du souci d'éviter des affrontements entre détenus pour des motifs ethniques (61 nationalités étaient représentées à la prison en 1998) et des impératifs de la détention préventive (isolement ordonné par le juge pour éviter tout risque de collusion). A noter que le règlement stipule que ce classement n'intervient d'ailleurs que dans la mesure du possible. Il est en revanche essentiel que les mineurs ne soient pas mis en contact avec les adultes et que les personnes arrêtées pour une très courte durée (généralement moins de 24 heures) en raison d'une infraction à la LCR ne soient pas mises en contact avec des délinquants au passé pénal chargé. Dans ces circonstances, la séparation des détenus en fonction de leur dépendance au tabac nous semble pour le moins secondaire.
Par ailleurs, nous nous opposons à la création de nouveaux ateliers qui nécessiteraient des investissements et l'engagement de personnel supplémentaire ce qui n'est pas d'actualité au regard des finances cantonales. Quant à créer une structure supplémentaire destinée à prodiguer une formation aux détenus, nous doutons qu'elle puisse avoir l'effet escompté lorsqu'on sait que la durée du séjour moyen dans l'établissement est de 40 jours seulement. De plus, un prévenu n'a pas la même disponibilité qu'un condamné en raison des multiples actes d'instruction auxquels il est associé (auditions devant le juge, audiences devant la Chambre d'accusation, rendez-vous avec son avocat, temps consacré à la préparation de sa défense, etc.). De notre point de vue, il n'y a donc pas lieu d'amplifier les structures d'occupation à Champ-Dollon qui sont déjà exceptionnelles pour une prison à vocation essentiellement préventive.
Nous constatons également avec une certaine surprise que toutes les revendications faites par les détenus signataires des pétitions P 1226 et P 1228 ont été reprises telles quelles dans les autres recommandations du rapport de majorité visant à améliorer les conditions de vie des prisonniers à Champ-Dollon. Ce mode de faire a pour effet de fausser considérablement le débat démocratique dès lors qu'au moment où le rapport de majorité a été adopté par la commission des visiteurs, ces pétitions n'avaient pas encore été examinées par la commission des pétitions et qu'on ignore quel sort notre Grand Conseil leur réservera. Sur le fond, nombre de ces recommandations ne peuvent pas être suivies. La suppression des fouilles avec mise à nu de l'intéressé à l'issue des visites augmenterait considérablement les problèmes de sécurité au sein de l'établissement car il y aurait un risque accru d'entrées de stupéfiants ou d'objets dangereux qui ne seraient pas détectés à l'aide de magnétomètres. Ces fouilles nous paraissent dès lors nécessaires et proportionnées au but de sécurité recherché. Nous sommes convaincus que la fouille n'est pas instituée comme une mesure vexatoire, comme le prétend le rapport de majorité, même si elle est souvent mal ressentie par les détenus. En revanche, nous recommandons que cette fouille soit effectuée en deux temps, de manière à ce que le détenu ne se trouve jamais complètement nu. Il serait souhaitable que cette règle figure par exemple dans un ordre de service. Quant à l'augmentation du temps consacré au sport - qui implique nécessairement l'engagement de personnel supplémentaire - ou l'installation d'une antenne TV collective, il s'agit là de revendications qui ne sont pour l'heure pas envisageables eu égard à l'état des finances cantonales.
Nous ne nous associons pas à la recommandation du rapport de majorité demandant qu'aucun-e mineur-e ne soit plus envoyé-e à Champ-Dollon ou à Riant-Parc, car c'est oublier que Champ-Dollon a aussi pour vocation d'accueillir - à titre exceptionnel - des adolescents (art. 1, al. 3 litt. a du règlement sur le régime intérieur de la prison [F 1 50.04] et art. 2, al. 1 litt. f et g du règlement relatif aux établissements de semi-détention [F 1 50.08]). Pour des raisons budgétaires évidentes, il n'est pas possible de concevoir actuellement un agrandissement de la nouvelle « Clairière » (cf. PL 7822) dont les travaux devraient débuter sous peu. Nous recommandons par conséquent que le Tribunal de la Jeunesse ne place des mineurs à la prison ou à Riant-Parc qu'en cas de nécessité et que les gardiens et surveillantes qui sont affectés à leur garde puissent bénéficier d'une formation ad hoc.
Enfin, il nous paraît superflu de recommander qu'un règlement sur les droits des détenus soit rédigé et distribué. En effet, ces droits sont expressément décrits dans le règlement sur le régime intérieur de la prison (F 1 50.04) qui est affiché dans chaque secteur de la prison comme le prévoit l'art. 10, al. 1 de ce règlement. Par conséquent, la publicité des règles applicables dans l'établissement, ainsi que des droits des détenus, nous paraît pleinement assurée.
2. « Développer des postes de travail centrés sur l'écoute et la relation et encourager la formation continue des gardien(ne)s. »
La qualité des conditions de détention et en particulier celle des relations entre gardiens et détenus repose sur le fait de disposer d'un personnel de surveillance qualifié. En revanche, contrairement à ce que laisse entendre le rapport de majorité, nous n'avons pas eu le sentiment que les gardiens et surveillantes étaient réduits à la fonction de « porteurs de clés » et qu'ils n'étaient pas suffisamment à l'écoute des détenus. Il nous semble au contraire qu'ils leur prêtent l'attention voulue et que leur formation est suffisante pour les préparer à assurer aussi bien la sécurité que le respect des personnes. Les gardiens et surveillantes suivent en effet 12 mois d'école genevoise au cours desquels l'enseignement théorique (4 mois) alterne avec la pratique (8 mois), puis ils subissent un examen avant d'être nommés. Leur formation ne s'arrête toutefois pas là puisque pour être confirmés dans leurs fonctions ils doivent encore suivre 15 semaines de cours à l'Ecole suisse de formation du personnel pénitentiaire (Fribourg) et réussir un examen. A priori, la formation des gardiens et surveillantes de prison ne nous semble pas présenter de lacune particulière dans la mesure où les cours comportent des matières telles que la psychologie, les contacts avec les détenus, les relations interculturelles, les mentalités étrangères, l'usage de la force et la proportionnalité, les droits des détenus, le savoir-être, etc. Au travers des entretiens que nous avons eus avec la direction, il ne nous a pas semblé que la parole des détenus ne soit pas prise en compte comme le prétend le rapport de majorité. Il nous apparaît au contraire que pour bien faire leur métier les gardiens et surveillantes se doivent de savoir faire la part des choses pour éviter tout risque d'être manipulé.
Si la formation de base nous paraît satisfaisante en l'état, nous concédons volontiers que la formation continue devrait être encouragée. En revanche, nous ne voyons pas l'utilité de créer des postes de travail centrés sur l'écoute et la relation. Au demeurant on ne voit pas de quoi il est question. S'agit-il de psychologues, d'assistants sociaux, etc. ? Sur ce point, la seconde recommandation du rapport de majorité nous paraît inadéquate.
3. « Développer une collaboration intercantonale. »
Nous ne nous opposons pas en soi à l'idée d'une commission intercantonale des visiteurs officiels, composée de députés de différents parlements romands. Toutefois, l'initiative d'une telle collaboration doit être laissée à notre Grand Conseil. Nous ne comprenons dès lors pas que cette préoccupation fasse l'objet d'une recommandation à l'attention du Conseil d'Etat ou du procureur général puisqu'il ne leur appartient pas de la mettre en oeuvre.
4. « Faire une étude des coûts de détention. »
Le rapport de majorité laisse entendre que le SAPEM place les détenus dans les différents établissements de détention essentiellement en fonction des coûts de ceux-ci. Une telle affirmation est contraire à ce que nous avons pu constater sur le terrain. De même aucune déclaration faite au cours des travaux ne vient étayer cette hypothèse qui nous paraît totalement fantaisiste.
Lors de nos visites, nous avons pu au contraire constater que la diversité des établissements correspondait aux différents besoins en matière d'exécution de peine et que le choix de l'établissement était fonction de la durée de la détention à subir, du statut de l'intéressé (délinquant primaire, récidiviste, etc.). Le concordat romand sur l'exécution des peines et mesures (E 4 55) a établi à cet égard des règles précises. Le placement des condamnés s'effectue sur cette base. Il est vrai que lors de nos visites à Champ-Dollon, il y avait un certain nombre de condamnés (17 %, cf. p. 11 du rapport de majorité), mais il s'agissait de condamnés en attente de transfert vers un pénitencier ou de personnes devant subir un solde de peine restreint ou une courte peine. Rappelons à cet égard que Champ-Dollon a aussi pour vocation d'accueillir des personnes devant subir une peine jusqu'à 3 mois, ou détenues en application du droit pénal administratif, ou encore détenues à titre extraditionnel, voire des détenus à la demande d'autres cantons (art. 1 du règlement sur le régime intérieur de la prison, F 1 50.04).
S'agissant des coûts de la détention, il nous semblerait en revanche intéressant que les établissements introduisent une comptabilité analytique.
5. « Améliorer la crédibilité de la commission des visiteurs. »
Nous ne voyons pas en quoi cette recommandation doit s'adresser au Conseil d'Etat ou au Procureur général.
Si notre Conseil devait estimer que la commission des visiteurs ne jouit pas de la crédibilité voulue auprès des institutions ou des détenus, c'est à lui seul qu'il appartiendrait d'entreprendre les réformes nécessaires ou d'établir des règles de fonctionnement différentes pour la commission. Le projet de loi 7843 lui en donne l'occasion.
Une meilleure crédibilité de la commission passe avant tout à notre avis par le respect des principes évoqués ci-dessus sous ch. II.
6. « Prévenir la violence dans les lieux de privation de liberté. »
Voici encore l'exemple d'une recommandation dont nous doutons qu'elle puisse être efficace.
Prévenir la violence dans les lieux de privation de liberté est à n'en pas douter aussi bien un souci du Grand Conseil que du Conseil d'Etat ou encore du Procureur général. En tant que commission chargée d'examiner les conditions d'incarcération des détenus, il nous appartient de formuler des recommandations concrètes permettant de prévenir de tels risques de violence. Une formulation aussi vague que celle proposée par le rapport de majorité ne veut pas dire grand chose et ne fait précisément que jeter le discrédit sur le savoir-faire de la commission des visiteurs...
Recommandations
Des sommiers devraient être installés dans les cellules fortes de la prison.
La fouille complète des détenus effectuée à Champ-Dollon devrait être faite en deux temps. Cette règle devrait être consacrée dans un ordre de service.
Des adolescent(e)s ne devraient être placé(e)s à la prison ou à la maison d'arrêt de Riant-Parc qu'en dernière extrémité.
Les gardien(ne)s et surveillant(e)s en contact avec des détenu(e)s mineur(e)s devraient bénéficier d'une formation spéciale.
La formation continue des gardien(ne)s et surveillant(e)s devrait être développée.
Les établissements de détention sont encouragés à introduire une comptabilité analytique.
S'agissant du détenu brésilien qui a subi une tétraplégie, la commission des visiteurs officiel souhaite être régulièrement informée de l'état d'avancement de la procédure pénale en cours et - le moment venu - des conclusions de l'enquête de manière à pouvoir émettre les recommandations nécessaires.
Pour conclure, nous réitérons nos sincères remerciements à toutes les personnes qui ont permis à la commission de remplir au mieux sa mission. Nous invitons le Conseil d'Etat et M. le Procureur général à porter une attention particulière à nos recommandations et vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter le présent rapport de minorité et rejeter le rapport de majorité.
Débat
Mme Martine Ruchat (AdG), rapporteuse de majorité. Pour l'AdG et pour moi en particulier, qui suis rapporteure des travaux de la commission des visiteurs et visiteuses officiels du Grand Conseil, faire la politique autrement, c'est se battre pour des idées et leur mise en oeuvre en dehors des questions de personnes et transmettre au niveau parlementaire les problèmes et les questions des gens qui n'y ont pas directement accès. Cette conception a été partagée par la majorité des membres de la commission des visiteurs et visiteuses, puisqu'ils et elles ont adhéré à l'idée de rédiger un rapport en fonction des observations des commissaires, mais, surtout, en fonction de l'avis des directions et de la parole des détenus qui ont demandé à être entendus.
Le rapport, comme il est dit dans son préliminaire, s'attache à rendre compte de la situation objective et subjective des détenus : il tient, de ce fait, de l'inventaire. Et il reprend le plus largement possible les avis de chacun, ce qui explique des listes de questions, de remarques ou d'avis aux pages 8, 12 et 13, 23, 24 et 26. Ce parti pris ne signifie pas une critique négative du travail effectué par la direction, par le personnel et les différents services attachés à la prison. Par exemple, s'il est question de torture mentale, cela ne signifie pas que les commissaires affirment que se pratiquent des tortures mentales dans les prisons ni que le personnel ou le directeur soient des tortionnaires. Cela signifie que ce terme a été exprimé par un détenu et que cela doit nous faire réfléchir sur la manière dont la prison peut être vécue subjectivement. Il ne s'agit donc pas de philosophie comme le prétend le rapport de minorité, mais bien de comprendre les difficultés psychologiques dans lesquelles se trouvent certains détenus. Car lorsqu'un détenu se pend dans sa cellule, comme cela a été le cas au mois de janvier; qu'un autre se lance ou est lancé contre un mur au point d'être handicapé à vie, cela justifie largement que l'on s'intéresse aux conditions de la vie carcérale.
Ce rapport est une mise en garde à l'adresse des pouvoirs politiques sur des points problématiques des conditions de vie des détenus. Il a été rédigé dans un souci de prévention de la violence à l'intérieur d'une institution qui est par définition violente, puisqu'elle prive les personnes de leur liberté individuelle. Que cette méthode ne soit pas du goût de certains ne m'étonne pas vraiment. Néanmoins, je dirai que les débats se sont toujours passés dans un esprit d'ouverture et rien, mais vraiment rien, n'empêchait que le rapport prît une autre forme que celle qu'il a aujourd'hui. Mais il est vrai que les positions politiques et donc idéologiques se sont durcies après coup, pour des raisons qui ont plus affaire avec le tempérament de certains députés qu'à des questions d'idées.
Mais parler, comme le fait le député Froidevaux dans la presse, de «hold-up idéologique» et tenter de pousser les médias à fabriquer une polémique, alors que le débat n'a pas encore eu lieu, est grotesque. Les députés qui sont de bonne foi peuvent le dire : le débat au sein de la commission a toujours été ouvert et franc. Il est vrai que la prison est aussi une question politique et, donc, idéologique et qu'il n'y a aucune raison pour que la gauche et la droite ne divergent pas sur cette question. Il est clair par ailleurs qu'il y a divergence entre ceux qui réfléchissent à des alternatives à la prison et ceux qui sont animés d'un esprit de vengeance au nom d'une science nouvelle : la «victimologie».
Me Warluzel, qui n'est pas un gauchiste, soutient la position prise par la majorité de la commission d'une prison comme lieu réparateur. Il me semblerait judicieux que nous débattions aujourd'hui du contenu des deux rapports. Le rapport de minorité est un programme minimal auquel chacun devrait pouvoir souscrire. Le rapport de majorité comporte des propositions beaucoup plus étendues.
Il propose de modifier le fonctionnement de la commission des visiteurs qui ne répond pas à deux critères essentiels des visites : l'indépendance et la crédibilité.
- Refuser le placement en prison d'enfants de moins de 18 ans en raison de leur fragilité psychologique et des conditions de détention qui sont les leurs, c'est-à-dire l'isolement et l'inoccupation.
- Supprimer les fouilles corporelles systématiques après chaque parloir qui n'ont qu'une valeur vexatoire.
- Faire rentrer les nouvelles technologies dans la prison permettant de maintenir un contact avec la réalité extérieure en favorisant l'information et la formation.
- Séparer les détenus en fonction de leur statut et de leur dépendance à la fumée.
- Soutenir des projets évoqués pour Champ-Dollon tels qu'ils apparaissent à la page 32. Je vais juste en citer quelques-uns : par exemple, une meilleure communication de l'information lors de l'entrée à Champ-Dollon; la création d'un atelier du livre; l'augmentation du temps consacré au sport; un plus grand respect de la demande psychosomatique des détenus; la mise à disposition à Champ-Dollon d'un psychologue pour les gardiens, et je vous renvoie, pour le reste, aux pages 32 et 33.
Trouver une solution pour les détenus sous l'article 33. C'est sur ces points essentiels que doit se discuter l'acceptation par le parlement du rapport de majorité.
M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur de minorité. Est-il vraiment nécessaire d'utiliser un rapport pour polémiquer sur les conditions de détention de nos prisons ? Non ! Ce sujet est bien trop sensible pour être traité ainsi. Pourtant notre commission a travaillé dans un esprit serein et constructif pendant une année. Visite après visite, nous n'avons absolument rien remarqué d'inhumain : aucun cas de torture ou d'acte de violence à l'encontre des détenus ne nous a été révélé, contrairement à ce qu'affirme le rapport du majorité. Seule l'enquête concernant le malheureux Brésilien reste ouverte, et nous ne saurions nous prononcer aujourd'hui sur les faits.
Nous savions que Mme Ruchat avait une vision très orientée de la détention, son idéal étant certainement de supprimer les prisons. D'ailleurs, sa farouche opposition à la modernisation de La Clairière est encore dans nos mémoires. Voyez-vous, chers collègues, on ne peut pas faire un rapport en se basant sur des conceptions subjectives ne tenant pas compte des réalités que les commissaires ont constatées; dénoncer le rôle punitif des prisons et faire abstraction des nombreux efforts de réinsertion entrepris dans les prisons : tant les directeurs que les collaborateurs des établissements de détention et de prévention nous ont longuement expliqué la nécessité de tout mettre en place pour éviter la récidive grâce à un bon support psychosocial et des moyens adéquats.
Qui, parmi les commissaires, peut affirmer avoir constaté l'existence de tortures mentales ou de mesures vexatoires sciemment effectuées à l'encontre des détenus ? L'affirmer, c'est jeter le discrédit sur les gardiens, policiers et collaborateurs employés à encadrer les détenus et les prévenus ! Soutenir le rapport de majorité revient à promouvoir une vue fausse et humiliante basée sur aucun fait précis. Le rapport de minorité n'a pas voulu entrer dans cette polémique et reste basé sur les faits objectifs et la cohérence des résultats visibles des commissions. Pour le prouver, c'est très simple : il suffit de reprendre l'ensemble des procès-verbaux de la commission qui ont tous été approuvés par les commissaires, et vous constaterez très vite lequel des deux rapports - de majorité ou de minorité - est le plus fidèle reflet du travail de commission.
Les recommandations du rapport de majorité, au-delà des mots, laissent songeurs quant à leur interprétation et à leur réalisation. Pour preuve : la recommandation N°2 proposant davantage d'écoute. Nous sommes tous d'accord. Mais qui peut prétendre, après avoir visité les prisons, que les gardiens ne sont que des porteurs de clés incapables d'être à l'écoute des détenus ? Par contre, le rapport de minorité recommande la formation continue et encourage les gardiens à continuer leur rôle social.
La recommandation d'une commission intercantonale répond à une initiative de notre Grand Conseil et non du Conseil d'Etat ou du procureur. Vous l'adressez à ces instances-là, c'est une erreur ! Dans le rapport de minorité, nous proposons que ce soit notre parlement qui prenne en main la création d'une telle commission.
Un peu plus loin, vous prétendez que le SAPEM place les détenus en fonction des coûts : c'est contraire à ce que nous avons constaté sur le terrain. Madame Ruchat, où avez-vous donc puisé cette affirmation ? Au contraire, toutes nos visites ont démontré que la diversité des établissements correspondait aux différents besoins en matière d'exécution de peine !
Vous recommandez d'améliorer la crédibilité de la commission... Nous ne voyons pas en quoi cela intéresse le Conseil d'Etat ou le procureur; je le répète, cela concerne notre parlement, qui avec le projet de loi 7843 peut entreprendre toutes les réformes qu'il juge nécessaires. Par contre, soutenir le rapport de majorité, qui contient de nombreuses affirmations contraires à la réalité, va certainement jeter un doute sur l'objectivité des commissaires et sur la nécessité de maintenir une telle commission, incapable de rester objective.
En conclusion, qui soutenir : le rapport de majorité de Mme Ruchat ou tous les rapports précédents des commissions des visiteurs qui, année après année, se sont succédé, ont visité les prisons, ont rencontré les prisonniers ou les détenus ? Ces commissaires auraient-ils donc été assez aveugles, sourds et sans discernement, pour ne pas avoir dénoncé avant ce que Mme Ruchat prétend vouloir nous faire croire aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs les députés, restons objectifs et soutenons le rapport de minorité.
M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Dans d'autres pays, j'ai eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises les membres de commissions de visiteurs de prison du type de la nôtre.
Je dois vous avouer que d'une manière générale le rapport coût/efficacité de telles commissions parlementaires m'a toujours semblé relativement modeste. Il faut humblement reconnaître que la République genevoise n'a jamais vraiment dérogé à cette règle. Et puis cette année - ô surprise - il y a un peu de vent frais ! Le rapport de la commission foisonne - explose, dirais-je - d'idées, de propositions nouvelles et de questions fondamentales. A telle enseigne que ce rapport suscite des contre-propositions qui prennent la forme d'un rapport de minorité, ce qui est tout à fait exceptionnel - vous l'avez relevé, Monsieur le rapporteur de minorité - pour les travaux de cette commission.
Avant toute chose, je voudrais personnellement exprimer des remerciements. Ils s'adressent tout d'abord, bien entendu, à Mme la rapporteuse de majorité pour le gros travail qu'elle a fourni en reprenant dans le détail les très nombreuses propositions qui ont surgi des travaux de cette commission. Mes remerciements vont aussi à celui qui a présidé cette commission au cours de l'année écoulée. Je peux vous dire, puisque je le croise tous les jours, que M. le député Froidevaux n'a pas ménagé ses efforts. A l'évidence, il a su créer un climat propice à cette vaste réflexion. Mais je tiens également à remercier M. le rapporteur de minorité qui a considéré qu'il ne s'agissait pas d'une matière mineure, qu'il y avait encore de la vie après la LDTR... et qui a pris le temps de rédiger un rapport de minorité pour exprimer un autre avis.
Mesdames et Messieurs les députés, le domaine de la privation de liberté et, singulièrement, de l'enfermement pénitentiaire est un sujet qui n'est absolument pas porteur au plan électoral, soyez-en persuadés. Il est plutôt de bon aloi d'éviter de trop en parler et de se limiter, la plupart du temps, à de simples comptes-rendus d'observations. Gardons-nous bien de toute proposition nouvelle qui pourrait simplement surprendre nos concitoyens, car ce serait autant de voix perdues...
C'est bien triste, Mesdames et Messieurs les députés. C'est bien triste, car une prison - j'y ai passé une bonne dizaine d'années de ma vie professionnelle - c'est tout simplement un océan de misère, de détresse et d'échecs. Mais la prison fait aussi partie de notre société. En d'autres termes, il est légitime de l'aborder aussi avec des idées nouvelles et, pourquoi pas, un peu dérangeantes.
Je vais maintenant aborder le fond, sans passer en revue tous les points et toutes les propositions, car on pourrait aisément y consacrer deux jours. C'est peut-être, Madame la rapporteuse de majorité, le seul reproche que je formulerai : il y a un peu trop d'objectifs dans votre rapport. Notre attention a avant tout été attirée par les points suivants :
Oui, Mesdames et Messieurs les députés, la présence de mineurs dans une prison d'adultes doit rester un sujet de préoccupation permanente. S'il est absolument impossible de l'éviter pour des raisons matérielles - ce dont on peut toujours douter - alors ces jeunes doivent faire l'objet d'un encadrement très spécifique.
Oui, Mesdames et Messieurs les députés, tout établissement pour mineurs, quel qu'il soit, doit impérativement s'articuler autour d'un concept socio-éducatif rigoureux. C'est à mon sens une des seules justifications de la privation de liberté chez des mineurs.
Oui, enfin, l'idée de créer une commission intercantonale de visiteurs me semble être excellente. Nos cantons, vous le savez, sont de grands villages : nous nous connaissons tous. Et dans ces conditions, il est souvent difficile de garder une certaine distance entre les visiteurs inspecteurs et les responsables de tels établissements de privation de liberté.
Ce matin encore, j'étais au Portugal, dans le cadre d'une mission du Conseil de l'Europe. Eh bien, laissez-moi vous dire que les Portugais ont développé depuis trois ans ce qu'ils appellent l'IGAI, c'est-à-dire l'Inspection générale de l'administration interne. C'est un corps de fonctionnaires et de parlementaires qui inspectent de manière inopinée les quelque sept cents commissariats de police du pays. Eh bien, au bout de trois ans d'activité, je peux vous dire que les résultats sont tout à fait positifs et que même les policiers sont contents. Par conséquent, il est à mon avis important de s'intéresser à cette idée qui a germé dans l'esprit de la minorité comme de la majorité.
Félicitons-nous d'avoir enfin une commission des visiteurs qui pense, c'est-à-dire qui, finalement, fait son travail. Bien entendu, toutes les propositions qui figurent dans le rapport de majorité ne sont peut-être pas applicables telles quelles et encore moins dans l'immédiat, mais elles esquissent des pistes qu'il faut travailler, et je ne doute pas que le département de M. Ramseyer et nous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous mettions rapidement à la tâche.
Mme Esther Alder (Ve). En premier lieu, je tiens à dire que les Verts regrettent profondément qu'un débat de fond n'ait pas pu avoir lieu sur les conclusions du rapport de Mme Ruchat. Ce n'était pourtant pas faute de volonté de la part de l'Alternative. Il y a malheureusement eu, dès le départ, un blocage de la part de certains de nos collègues de l'Entente, et nous ne pouvons que le regretter.
Pour les Verts, le rapport de majorité reflète parfaitement ce qui a été vu, entendu, dit et commenté lors de nos travaux. Ainsi la polémique est parfaitement injustifiée. Le problème de fond relève plutôt d'une conception différente de la politique pénitentiaire, les uns considérant qu'il faut punir alors que les autres pensent qu'il s'agit avant tout d'éduquer et prévenir.
Ainsi nous tenons - cela a été fait par mon collègue Restellini - à saluer le travail remarquable de la rapporteuse de majorité. Notre groupe, bien sûr, soutiendra sans réserve les conclusions de celui-ci.
Certes, toutes les recommandations du rapport ne pourront pas être effectives du jour au lendemain, mais elles définissent clairement une autre vision de l'enfermement, telle que la majorité ici représentée souhaite voir se réaliser.
Enfin, nous ne voulons pas d'une commission des visiteurs-alibi, d'une certaine bonne conscience. Nous sommes d'avis qu'elle devrait être réinventée et s'inspirer largement de la commission du Conseil de l'Europe, plutôt que de perdurer dans sa conception actuelle qui nous apparaît désuète et relever plus de la visite guidée que de ce que l'on est en droit d'attendre réellement d'une telle commission. Ainsi sommes-nous de fervents partisans d'une commission intercantonale qui comporterait des experts et des parlementaires, et nous interviendrons au niveau fédéral dans ce sens.
M. Gilles Godinat (AdG). Comme l'ont relevé mes collègues, bien mieux que je ne saurais le faire, le principal mérite du rapport de Mme Ruchat est d'avoir osé prendre le risque de sortir des sentiers battus, en posant des questions de société essentielles, liées à la détention et la privation de liberté - Jean-Pierre Restellini l'a souligné tout à l'heure.
Je ne vais pas développer davantage les points qui ont déjà été abordés. Je pense que les recommandations qui figurent dans le rapport sont totalement légitimes, et notre groupe y souscrit évidemment totalement.
Je tiens juste à soulever un point pour montrer la difficulté dans laquelle peut se trouver un professionnel par rapport à l'application de certains articles du code pénal : les articles 42, 43 et 44. L'article 42 concerne les délinquants d'habitude qui pourraient présenter des troubles mentaux et pour lesquels le juge peut décider d'instaurer soit un traitement soit un internement en milieu carcéral, pour éviter la répétition de comportements délictueux. L'article 43 stipule : «Si le détenu présente une anomalie et que l'expertise psychiatrique qui a été commandée confirme ces faits, le juge peut alors suspendre une décision de peine d'emprisonnement et proposer un traitement.» Une fois, j'ai accepté de faire un traitement pour un patient de ce type, et je me suis retrouvé dans la situation suivante :
Je devais rendre régulièrement des comptes à Berne sur les séances que j'avais avec ce patient. Si le patient ne venait pas à sa séance, je devais le dire clairement à la justice du canton de Berne. A la fin du traitement j'ai dû faire un rapport pour expliquer l'évolution du patient, le bénéfice du traitement et, au cas où j'émettais certains doutes par rapport à l'efficacité de mon traitement, la sanction était évidente : la personne devait subir sa peine de prison. Je me suis donc retrouvé dans une situation extrêmement difficile. En effet, ce patient était venu à presque toutes les séances, mais je savais que, si je signalais le fait qu'il en avait manqué une ou deux, je le mettais dans son tort. J'ai donc apprécié la situation par rapport au risque qu'il représentait et j'ai estimé que ce risque était nul. Je voulais vous montrer la difficulté d'appréhender une telle situation, lorsqu'une décision médicale met en jeu la privation de liberté ou pas. Je pense pour ma part qu'une telle décision ne devrait jamais être prise tout seul, mais par un groupe de plusieurs professionnels.
Les articles 42, 43 et 44 du code pénal devraient être révisés, voire supprimés. En effet, il existe une contradiction à vouloir maintenir une décision de justice et une condamnation et mêler à cette décision une proposition de traitement. Quand les deux sont complètement imbriquées, les thérapeutes voudraient bien clarifier les mandats. En effet, la personne qui suit un traitement médical ne sait plus si elle exécute une peine ou si elle fait réellement un travail sur elle-même. Lorsque la condition de ce travail est liée à une détention, je vous assure que l'on se trouve typiquement dans ce qui a été analysé comme des double messages. Les systémiciens ont bien mis en évidence les paradoxes dans lesquels se trouvent ces personnes. Il est donc très difficile d'effectuer une bonne thérapie dans ces conditions.
Je propose donc que notre Grand Conseil réfléchisse à l'avenir sur la pertinence des articles 42, 43 et 44. Nous devons véritablement faire avancer le débat dans ce parlement. A mon avis nous devons nous poser ces questions importantes et proposer le résultat de nos réflexions aux Assemblées fédérales, à propos de ces situations bien particulières qui nous posent problème.
Mme Jacqueline Cogne (S). Que dire d'un rapport de majorité qui préconise entre autres l'utilisation des CD personnels et l'installation d'une antenne TV collective à Champ-Dollon ? Mais que dire aussi de ce même rapport qui demande qu'aucun mineur ne soit plus envoyé à Champ-Dollon et que le temps de détention en préventive soit réduit au temps le plus court, sinon qu'il a été fait avec une certaine sensibilité que l'on reconnaît bien là chez son auteur ?
Si les rapports quels qu'ils soient se doivent d'être le reflet de la position des uns et des autres au sein d'une commission, celui-ci, de toute évidence, est le reflet d'une personnalité qui a beaucoup de coeur.
Nonobstant, il faut savoir qu'une séance entière de commission a été consacrée à ce rapport et que Mme Ruchat s'est montrée totalement disponible pour tenir compte de certaines remarques, cela malgré le fait que
nous ayons dû parler de ce rapport en urgence. En effet, les deux tiers d'entre nous venaient d'être tirés au sort pour la commission de grâce et devaient quitter la commission : il fallait donc faire vite.
En regard de ce fait et tenant compte de l'avis malheureusement partagé de mon groupe, nous acceptons ce rapport de majorité. Personnellement, j'adresse mes félicitations à la rapporteuse.
M. Pierre Froidevaux (R). Je reprends des mots qui ont été régulièrement répétés ce soir : «oser prendre le risque de poser les questions essentielles». Oui, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons tous osé prendre le risque de reconsidérer l'ensemble des problèmes relatifs à l'incarcération. Mais si nous avons écouté, tenu compte et transmis les voix des détenus, comme le souhaite Mme Ruchat, nous souhaitons aussi vous faire part des réflexions qui ont entouré nos travaux parlementaires.
On m'a reproché les termes : «hold-up idéologique». Cela s'explique très bien dans le rapport de majorité qui se termine, en page 34, sur la «situation au 24 novembre 1998». Or, à cette date nous n'avions pas terminé nos travaux, puisque le rapport de majorité a été voté le 21 décembre seulement. Tout le problème réside dans le fait que toutes les discussions qui ont eu lieu ne figurent pas dans le rapport. Il a donc fallu rédiger un rapport de minorité pour inclure les discussions sur les problèmes que nous avons rencontrés lors de nos visites.
L'élaboration de ce rapport de minorité a été décidé au dernier moment. En effet, nous étions persuadés d'arriver à un consensus, car personne ne souhaitait politiser une population particulièrement affaiblie et souffrante. Madame Ruchat, vous parlez de difficultés psychologiques des détenus. Vous savez à quel point nous avons tous été extrêmement tendus et comme nous avons compris ce phénomène. Vous avez évoqué, auprès du président du Grand Conseil, auprès de députés attentifs, le cas très douloureux d'un détenu qui subirait des tortures mentales. Or, il s'est avéré qu'il était encore mieux protégé en prison que s'il avait été à l'extérieur. Nous étions d'accord, Madame Ruchat, et nous avons consacré une séance entière avec le professeur Harding pour ne traiter que de ce sujet. Nous avons comme d'habitude dépassé largement les heures de travail en raison des nombreuses points à examiner; nous nous sommes acharnés pour tenter d'améliorer le sort des détenus, et, pourtant, je ne vois pas une ligne de ce travail dans votre rapport... C'est la raison pour laquelle je ne puis qu'exprimer une grande déception, surtout - cela a été rappelé - que je crois m'être beaucoup engagé. J'ai en effet considéré que 20% de mon temps devait être consacré au seul travail de cette commission. Ma déception a été si grande, que je n'ai pas pu m'empêcher, alors que les journalistes me contactaient pour la xième fois, d'exprimer ma toute grande amertume.
Je recommande donc à cette assemblée de suivre sans détour le rapport de minorité qui apporte les réponses aux questions de Mme Ruchat. Si vous le lisez correctement, vous n'aurez pas les préoccupations que veut bien sous-entendre l'actuelle majorité.
Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Le rapport de majorité soulève la question, ô combien importante, suivante : quel est le rôle de la prison et à quoi doit-elle servir ? Punir, neutraliser les individus dangereux pour la société, mais aussi éduquer et aider à la réinsertion de ces personnes. Il y a deux types de protection : l'une à court terme et l'autre à long terme.
La protection à court terme écarte les individus de la société. La protection à long terme, c'est la réinsertion : elle est nécessaire, afin d'éviter la récidive. Sur ce point, quelles sont les mesures prises afin d'éduquer et réinsérer les détenus ? Quelles sont les mesures de substitution et de réinsertion mises en place ? En réalité, c'est une vue de l'esprit, car actuellement rien n'a été fait. Il n'y a pas de véritable politique pénitentiaire. La prison coûte : tout le monde le sait. En investissant dans la réinsertion, on pourrait faire des économies dans le long terme.
C'est la raison pour laquelle les mesures préconisées dans le rapport de majorité de Mme Ruchat vont dans le bon sens. Quelles sont les mesures à prendre ? Elle le dit : des mesures de substitution, le travail d'utilité publique. Donner la possibilité aux détenus de travailler dans les meilleurs conditions, les encourager à faire du sport, car évacuer l'agressivité par le sport contribue à l'éducation. Le sport, on le sait, développe l'esprit d'équipe, la maîtrise de soi, le sens de la solidarité, la motivation de la réussite. Et, enfin, bien sûr, la formation. Toutes ces mesures vont dans le sens d'une bonne réinsertion. Punir, on le sait, ne résout en rien les problèmes de fond. Et tout le monde sait que la plupart du temps la récidive est monnaie courante.
En ce qui concerne maintenant la crédibilité de la commission des visiteurs, les visites dites «à l'improviste» mais qui sont annoncées dans l'heure ou la demi-heure dans les postes de police doivent être revues. En effet, l'autorité ne veut pas considérer ces lieux comme des lieux de détention. Or, c'est justement là qu'il y a parfois de la violence, soit dans les cellules de postes, soit dans la salle d'auditions, soit dans les violons. C'est d'ailleurs dans un poste de police, plus précisément au poste de Pécolat qu'il y a eu, il n'y a pas si longtemps que ça, un passage à tabac. Un détenu, qui a d'ailleurs déposé plainte par la suite, avec certificat médical à l'appui, a été agressé, et les trois gendarmes concernés ont été condamnés par la justice.
Pour illustrer encore mes propos, j'aimerais tout de même vous rappeler l'histoire de ce Sri Lankais, qui avait été mis à genoux, en 1992, mains et pieds liés, et frappé avec une batte de base-ball sous la plante des pieds. Pour la crédibilité de la commission, nous préconisons que les visites dans les salles d'audition et les violons se fassent sans aucun préavis. De plus, nous pensons qu'afin d'éviter des problèmes et des dérives il est impératif que, juste après l'arrestation, les détenus puissent être accompagnés de leurs avocats. Cela éviterait, entre autres, que les détenus se rétractent devant les juges en invoquant des pressions policières.
Enfin, s'agissant des visites des détenus en prison, il faudrait effectivement trouver d'autres moyens pour éviter la fouille corporelle. Outre le fait qu'elle ne sert à rien, c'est une mesure très vexatoire.
M. Gérard Ramseyer. Je n'entends pas entrer dans cette polémique.
La commission des visiteurs officiels est une fierté de l'Etat de Genève dans la mesure où c'est une exception romande. Elle permet effectivement au détenu de s'exprimer, de se faire entendre, et c'est à ce titre qu'elle est soutenue fermement par le Conseil d'Etat.
Madame la rapporteuse de majorité, vous avez exprimé votre doctrine personnelle en annonçant que votre rapport est idéologique... En quelque sorte, vous réinventez le domaine pénitentiaire, c'est une réflexion légitime.
Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que vous ne pourrez appliquer votre programme qu'à Genève seulement. En effet, certains établissements que vous avez visités sont situés sur le territoire d'autres cantons qui ont parfaitement le droit de vous dire que votre rapport n'engage que vous - le canton de Genève - mais pas les cantons concordataires.
Par ailleurs, le débat sur le pénitentiaire est constant. Genève, sous mon impulsion, est un des cantons-pilotes pour les arrêts dits «électroniques». J'ai proposé - c'est tout récent - au Concordat qui ne s'occupe que des adultes de créer un concordat qui s'occuperait aussi des mineurs, car les problèmes genevois sont les mêmes que les problèmes vaudois, fribourgeois, neuchâtelois, jurassiens ou tessinois.
Enfin, il faut rester pragmatiques. Vous dites, Madame, que les fouilles à l'entrée sont vexatoires. Mme Bolay vient de vous parler de la violence de la prison. Que se passera-t-il, demain, si on peut entrer impunément dans une prison avec un couteau ? Serez-vous là pour dire que nous aurions dû prendre des précautions ? Vous dites, Madame, qu'il faut introduire de nouvelles technologies, plus de sport, plus de séparation entre les détenus : je serais ravi d'en avoir les moyens, mais à l'heure où je vous parle nous avons trois cent nonante-sept détenus à Champ-Dollon pour deux cent septante places, et nous avons dû doubler, voire tripler, les séquences de sport, parce qu'on ne peut pas mélanger les ethnies. Je vous laisse deviner comment se passe une partie de football jouée par des ressortissants des Balkans... Nous avons dû veiller à toutes sortes de problèmes engendrés par une surpopulation effrayante.
Alors, à partir de ces faits, ou bien vous êtes conséquente avec vous-même, et vous voterez les crédits quand je les demanderai, ou bien vous devez admettre avec moi qu'il y a des périodes où il est difficile de faire mieux.
En conclusion, Madame la rapporteuse, vous avez parfaitement le droit - c'est légitime et c'est même souhaitable, à l'instar des propos tenus par M. Godinat - de repenser le pénitentiaire. Nous le faisons en permanence avec des spécialistes sociologues, des spécialistes de la sécurité, etc. Vous avez parfaitement le droit d'exprimer ces idées. J'attire simplement votre attention sur le fait que nous nous trouvons dans le cadre d'un Concordat et qu'il ne sera en aucun cas possible d'imposer vos idées aux cantons membres de ce Concordat - ce que ces cantons ne se sont pas privés de me faire savoir. Je voulais donc que vous le sachiez, aussi.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrêtons nos travaux qui reprendront à 17 h.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit d'étude
1 Un crédit d'étude de 946 000 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'étude en vue de la construction d'un parking de 400 places pour l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
2 Le montant indiqué à l'alinéa 1 se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Budget d'investissement
Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 1999, sous la rubrique 54.02.00.508.05.
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt, dans le cadre du volume d'investissements « nets-nets » fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissement sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4 Amortissement
L'amortissement de l'investissement est calculé sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
Préambule
Le 15 avril 1994 se concluait la plus grande négociation commerciale multilatérale de l'histoire, lancée sept ans et demi plus tôt en Uruguay, 111 pays signant l'Acte final qui entérinait les résultats du Cycle d'Uruguay et créait l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), organisation de statut permanent destinée à remplacer le GATT à partir du 1er janvier 1995. L'Accord portant création de l'OMC établit un cadre institutionnel englobant tous les accords, au nombre de 30, issus des négociations du Cycle d'Uruguay.
Le choix de la ville destinée à accueillir le siège de l'OMC, au terme de l'examen des offres concurrentes présentées par divers pays, s'est porté sur Genève et dès la fin de l'été 1994 se sont engagées les négociations entre le GATT/OMC, d'une part, et la Confédération suisse et l'Etat de Genève, d'autre part, avec pour but de concrétiser l'offre faite par la Suisse.
Le 2 juin 1995 furent signés à Berne l'accord de siège proprement dit entre la Confédération et l'OMC, organisation internationale bénéficiant de tous les privilèges attachés à ce statut, et le contrat dit « d'infrastructure », englobant toutes les questions d'infrastructure immobilière liées au siège de l'OMC.
Succinctement, les engagements respectifs de l'Etat de Genève et de la Confédération, du point de vue financier, l'acceptation des crédits par les autorités cantonale et fédérale concernées (Grand Conseil et Chambres fédérales) étant réservée, sont les suivants :
Engagements à la charge de l'Etat de Genève
1. Construction d'un parking pour l'OMC
Dans le cadre de l'offre suisse en vue de l'installation du siège de l'OMC à Genève, l'Etat de Genève s'est engagé à mettre à disposition de l'OMC un parking de 400 places, à proximité du Centre William Rappard (CWR).
Les frais de construction, d'entretien et d'exploitation de ce parking seront à la charge de l'Etat de Genève, qui en assurera également la gestion.
2. Construction d'une Maison universelle pour les pays les moins avancés (PMA)
L'Etat de Genève s'est engagé à mettre à la disposition des PMA la jouissance d'un ou plusieurs bâtiments dits « Maison universelle » à destination de leurs missions auprès des organisations internationales ayant leur siège à Genève. Les frais de construction, les frais d'entretien du gros-oeuvre, ainsi que l'ameublement et l'entretien courant des surfaces communes, seront à la charge de l'Etat de Genève.
Il convient de rappeler que les engagements relatifs à la Maison universelle ont été pris par l'Etat de Genève, dans le cadre des négociations avec l'OMC, mais qu'ils s'adressent à tous les PMA membres de l'ONU représentés à Genève, même s'ils ne sont pas membres de l'OMC.
3. Bibliothèque de l'IUHEI
Dans le cadre du don du Centre William Rappard (CWR) par la Confédération à l'OMC, l'Etat de Genève s'est engagé à reloger la bibliothèque de l'Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales (IUHEI) dans le périmètre du concours de la place des Nations.
Engagements à la charge de la Confédération
1. Don du Centre William Rappard (CWR)
De son côté, la Confédération a fait don à l'OMC du bâtiment (CWR) situé à la rue de Lausanne, au bord du lac, estimé à 56 millions de francs.
En outre, la Confédération a remis en état ledit bâtiment (l'aile occupée jusqu'alors par le HCR), ces travaux représentant un coût de 2 500 000 F.
2. Construction d'un centre de conférences pour l'OMC
La Confédération a construit un centre de conférences de 750 places, d'un coût de 32,2 millions de francs, qui a été mis à disposition de l'OMC à côté du Centre William Rappard en février 1998.
Implantation
Initialement, il était prévu de réaliser le parking promis par l'Etat de Genève à l'angle de l'avenue Blanc et du chemin des Mines, sur des parcelles faisant partie du site de Sécheron et propriété, à l'époque, de la société Noga Invest SA.
Les terrains concernés sont occupés par l'entreprise Sécheron SA, locataire de ces parcelles. Son déménagement est évoqué depuis quelques années, mais il ne s'est toujours pas concrétisé à ce jour.
De ce fait, pour réaliser le parking à cet emplacement, il eut fallu préalablement déplacer certaines activités implantées sur les parcelles concernées (chaufferie, centrale d'essais), dont les travaux auraient été fort coûteux.
Au vu des problèmes énumérés ci-dessus, il a semblé préférable de rechercher un autre site pour la réalisation de ce parking.
La décision fut alors prise d'utiliser pour partie la parcelle N° 4491, propriété de l'Etat, située le long des voies CFF à proximité du futur siège de l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM). Cette parcelle avait été mise à disposition de la société Noga Invest SA en juillet 1993, sous forme d'un droit de superficie, pour la réalisation du Centre technologique de Sécheron. L'ouverture de ce chantier ne s'étant pas concrétisée dans les délais impartis, l'autorisation de construire a été annulée et le plan localisé de quartier qui avait été établi à cette fin est actuellement en suspens, quoique toujours en force. La nouvelle proposition élaborée dans ce contexte consistait en un parking souterrain de deux niveaux, lequel a fait l'objet d'un projet de loi N° 7725 pour l'ouverture d'un crédit de construction, actuellement pendant devant le Grand Conseil, ainsi que d'une demande en autorisation de construire.
Argumentant en substance que ce projet est contraire à la destination industrielle de la zone concernée et hypothèque gravement la nécessaire redéfinition des principes directeurs de l'urbanisation de l'ensemble du secteur de Sécheron, la Ville de Genève a émis un préavis défavorable à ce projet de parking.
Il faut relever que le 28 juin 1996, l'OMC a accepté ce nouveau site proposé par le Conseil d'Etat.
La Ville de Genève et le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ont alors examiné l'hypothèse d'implanter un parking pour l'OMC sur les voies CFF contiguës à la parcelle 4491 citée plus haut.
Un groupe de travail Etat-Ville a par ailleurs été constitué en vue de la planification du quartier de Sécheron.
La première tâche de ce groupe a été de fournir un rapport de faisabilité relatif à l'intégration d'un nouveau projet de parking pour l'OMC, dans un concept modulaire de parking d'échange tel que prévu à Sécheron par Mobilité 2005, en relation avec le prolongement de la ligne du Tram 13 jusqu'à la place des Nations et la future halte RER de Sécheron.
Le nouveau projet de parking
1. Généralités
Les développements de l'étude de faisabilité, confiée à une équipe pluridisciplinaire de mandataires, ont permis de conclure à l'opportunité de concevoir un complexe de deux parkings (OMC et P+R) projetés en deux entités distinctes combinées, à la fois pour des raisons pratiques de mise en oeuvre et des considérations d'intégration urbanistique. Ces deux parkings sont accessibles depuis l'avenue de la Paix et sont déconnectés du quartier de Sécheron du point de vue du trafic motorisé.
La solution retenue prévoit ainsi la réalisation d'une première construction en élévation de 400 places pour l'OMC, entièrement située sur les voies de chemin de fer, dont les accès s'effectueront depuis l'avenue de la Paix, en offrant aux destinataires une liaison piétonne confortable avec leur lieu de travail. Le raccordement des accès du parking sur le réseau primaire, à mi-distance entre la place des Nations et la place Albert-Thomas, améliore fortement le système de circulation par rapport au projet précédent, notamment en évitant tout transit par l'intérieur du quartier de Sécheron.
Le dispositif adopté permettra à terme le regroupement des accès des parkings OMC et P+R complété par un système de passerelles et de rampes, qui permettront de relier aussi bien la place des Nations au quartier de Sécheron que le Jardin botanique au centre-ville par des cheminements réservés aux piétons et aux deux-roues. C'est ainsi que le site de Sécheron, entre l'avenue de France et l'avenue de la Paix, deviendra une importante interface entre le chemin de fer, le tram, l'automobile, le vélo et le piéton.
2. Plan localisé de quartier
La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 130) prévoit qu'en zone ferroviaire toute construction de bâtiments et d'installations non destinés à l'exploitation ferroviaire, notamment ceux situés en dessus des voies de chemin de fer, est subordonnée à l'adoption préalable d'un plan localisé de quartier. C'est pour cette raison que le DAEL a élaboré le projet de plan localisé de quartier N° 28991-222, qui a fait l'objet d'une enquête publique, du 20 mars 1998 au 29 avril 1998. Au terme de celle-ci, il a été envoyé à la Ville de Genève, qui a préavisé défavorablement ce projet par une délibération du Conseil municipal du 16 septembre 1998. Au vu de celle-ci et de nouvelles consultations, le projet de plan localisé de quartier a été remanié et intègre désormais des dispositions permettant de conditionner la mise en oeuvre du parking projeté à la réalisation de plusieurs mesures d'accompagnement.
Simultanément à la réalisation du parking pour l'OMC, le Conseil d'Etat ouvrira les procédures en vue du réaménagement du stationnement entre la place Albert-Thomas et la place des Nations (suppression des places longitudinales au profit du prolongement des lignes urbaines des TPG, création de bandes cyclables...) afin d'assurer une meilleure fluidité des différents modes de transports. D'autre part, la mise à disposition des places de parking provisoires destinées aux employés de l'OMC situées sur la parcelle 4491, prendra fin avec l'ouverture du parking projeté.
D'autres dispositions prévoient que l'accès provisoire des véhicules sera supprimé au moment où l'accès définitif, destiné également au parking d'échange, sera réalisé. Quant à la passerelle piétonne, elle sera réalisée au moment de l'édification de ce dernier.
Des mesures conservatoires sont prévues pour la construction de la halte RER. Notamment, la structure de la halte sera construite en même temps que le parking de l'OMC, même si l'exploitation de cette halte est différée.
Enfin, parallèlement à la procédure visant à l'adoption du plan localisé de quartier cité ci-dessus, le Conseil d'Etat et le Conseil administratif de la Ville de Genève ont engagé une étude plus vaste concernant la réorganisation et l'urbanisation du quartier de Sécheron, qui prendra en compte tous ces éléments et assurera la cohérence des mesures entre la réalisation du parking pour l'OMC, le projet de parking d'échange ainsi que le prolongement du réseau des transports publics. C'est sur cette base que la procédure d'opposition a été ouverte.
3. Situation
Entre le pont de l'avenue de France et celui de l'avenue de la Paix, le site de Sécheron est ponctué du nouveau bâtiment de l'extension de l'Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM). Seul objet encore dans cette plaine en friche, cette oeuvre signalétique et de qualité architecturale marque fortement par son échelle monumentale. En rupture avec le paysage du Jardin botanique, il annonce de manière spectaculaire, en tant que premier élément de la future porte Nord de la Ville de Genève, une nouvelle urbanité.
Le tracé CFF liant Genève au reste de la Suisse s'étend sur un large champ de rails réservés au stationnement et aux manoeuvres des trains. Sur ce périmètre (actuellement en zone ferroviaire), sera installée une nouvelle halte pour les transports interurbains (CFF-RER), au-dessus de laquelle est projeté le bâtiment de parking de 400 places pour l'OMC.
4. Circulation - Accès
L'accès des véhicules se fera par une rampe d'entrée et de sortie reliant le parking à l'avenue de la Paix.
Cet accès, en l'état des études, sera aménagé provisoirement, en attente de la réalisation du parking d'échange P+R Sécheron.
La desserte des deux parkings envisagés - parking OMC de 400 places en première étape, parking P+R Sécheron en deuxième étape - est prévue depuis l'avenue de la Paix uniquement, en totale cohérence avec les plans de Circulation 2000 et Mobilité 2005. Cette avenue est, en effet, prévue comme l'une des voies collectrices principales du périmètre de Sécheron et des organisations internationales. Sa capacité sera à adapter en conséquence, sans emprise supplémentaire.
L'avenue de France ne peut être mise à contribution pour alimenter ces parkings, car elle est réservée à l'implantation du tram 13, dont un arrêt est situé, judicieusement, devant le parking d'échange envisagé.
5. Aspects techniques
Le bâtiment se développe à partir du gabarit de 7.00 m au-dessus des voies CFF et compte 4 étages, d'une capacité de 100 places chacun.
Le faible gabarit disponible pour les piliers porteurs entre les voies CFF a conduit à la solution d'un bâtiment en encorbellement sur la 3e voie CFF, d'une part, et sur les 2 premières voies de garage, d'autre part.
Selon les directives des CFF, les piliers de béton armé seront dimensionnés pour supporter, en plus des charges du parking, les charges en cas d'impact dû à un éventuel déraillement. Le reste du système porteur est léger, constitué d'un réseau de profilés métalliques supportant une dalle en béton armé de faible épaisseur, faisant office de surface de roulement.
Les façades offriront une protection contre les éléments climatiques (pluie, vent, soleil), tout en permettant une ventilation naturelle.
La façade Ouest, du côté des voies de trafic CFF, est la plus exposée, mais aussi celle vouée à devenir une façade significative de l'entrée de ville et du quartier. Elle sera donc conçue comme un écran, à la fois représentatif et protecteur contre les nuisances sonores.
La façade Est, plus protégée, abritera quant à elle les galeries piétonnes intérieures du parking s'ouvrant sur l'espace Sécheron.
Mettant à profit une surface de plus de 3000 m2, la toiture sera conçue comme toiture verte (végétalisation sèche).
Terrain
Les CFF ont donné leur accord de principe à la réalisation de ce parking.
La valeur du droit de superficie sera déterminée par un expert indépendant, choisi d'un commun accord entre le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et les CFF.
Halte RER (Sécheron-Nations)
Dans le cadre de l'étude de la 3e voie CFF et de la réalisation du faisceau de voies de garage du Centre d'entretien de Cornavin, un emplacement a été réservé pour la construction d'une future halte RER entre l'avenue de la Paix et l'avenue de France.
Elle permettra de desservir les importants pôles d'emplois du secteur, ainsi que le Collège Sismondi.
Une étude d'avant-projet a été effectuée et sera prise en compte dans le projet de parking pour l'OMC, notamment pour l'exécution du quai de la halte, qui se réalisera en même temps que le parking.
Parking provisoire
Les chantiers de construction du siège de l'OMM et de la salle de conférence de l'OMC ont conduit à la suppression d'environ 350 places de parking pour les utilisateurs de l'OMC ; l'Etat de Genève a mis à disposition, dès le mois de mai 1995, un parking provisoire d'environ 400 places situé sur sa parcelle N° 4491. Jusqu'à l'achèvement des travaux du futur parking OMC, ce parking provisoire restera en fonction pour les besoins de l'OMC.
Etude d'impact sur l'environnement, l'urbanisme et les transports
Un rapport d'enquête préliminaire (1re étape) a été établi en date du 27 mai 1998. Ce rapport est favorable et devra être complété, en 2e étape, en tenant compte du projet définitif et des données réactualisées dans le domaine du trafic.
Projet de loi N° 7725 ouvrant un crédit d'investissement pour la construction d'un parking de 400 places pour l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), sur la parcelle N° 4491 propriété de l'Etat de Genève
Le projet de loi N° 7725 a été introduit à la session du Grand Conseil du 2 octobre 1997 et renvoyé en commission des travaux. A la demande du DAEL, il est resté en suspens devant cette commission, afin de connaître l'issue du projet de plan localisé de quartier portant sur le nouveau site.
Une information a été faite, le 10 mars 1998, à la Commission des travaux du Grand Conseil concernant le nouveau site proposé.
Le projet de loi pendant devant la commission des travaux sera retiré prochainement.
Coût de l'étude du parking sur la parcelle N° 4491
Le 16 octobre 1996, le Conseil d'Etat a adressé une lettre à la Commission des travaux du Grand Conseil, afin de l'informer d'une part que le site initialement retenu à l'angle de l'avenue Blanc et du chemin des Mines, pour réaliser le parking de 400 places pour l'OMC était abandonné au profit d'une implantation sur la parcelle N° 4491, située le long des voies CFF à proximité du futur siège de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et propriété de l'Etat de Genève et, d'autre part, que compte tenu de l'urgence de la réalisation du parking de 400 places pour l'OMC, le coût de l'étude serait provisoirement supporté en 1996 et 1997 par le compte général «frais d'étude » du DTPE, d'un montant annuel de 3 000 000 F.
Le coût final de l'étude pour la réalisation du parking sur la parcelle susmentionnée, inclue dans le projet de loi N° 7725, s'est élevé à 828 000 F, y compris TVA, dont les dépenses ont été effectuées de 1996 à 1998.
Délais
L'élaboration du projet définitif avec un devis général détaillé sera vraisemblablement achevée à la fin de l'été 1999, permettant la présentation du projet de loi relatif à l'octroi d'un crédit de construction en automne de la même année.
Sous réserve de l'octroi des crédits nécessaires et de l'autorisation de construire, l'ouverture du chantier est prévue au printemps 2000, permettant la remise du parking aux utilisateurs à la fin de l'année 2001.
Coût
Sur la base de l'étude de faisabilité réalisée par les mandataires, le coût du parking pour les CFC 1, 2, 3 et 5, y compris les honoraires, les divers et imprévus et la TVA, mais non compris la participation au Fonds cantonal de décoration et le renchérissement, est estimé à 16 160 000 F.
Il y aura lieu de prévoir un montant supplémentaire d'environ 800 000 F y compris les honoraires et la TVA pour la réalisation du quai de la halte RER.
Sur la base de l'estimation du coût des travaux de construction, le montant de l'étude, faisant l'objet du présent projet de loi, s'élève à 946 000 F, y compris la TVA.
Conclusion
Au vu des éléments qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi qui permettra d'étudier la réalisation de ce parking, que l'Etat de Genève s'est engagé à mettre à disposition de l'OMC dans le cadre de l'offre suisse en vue de l'installation du siège de l'OMC à Genève.
Annexes :
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page 15
Ce projet est renvoyé à la commission des travaux sans débat de préconsultation.
Introduction
Dans le cadre de l'examen par la Commission des finances du projet de loi « an 2000 », celle-ci a demandé en juin dernier d'examiner la possibilité de clore un certain nombre de lois informatiques ouvertes.
Après analyse de tous les projets, le Conseil d'Etat vous propose d'en boucler 10 selon la liste ci-après. Aucune loi ne présente un dépassement et globalement, sur un montant total voté de 14 914 000 F, il convient d'enregistrer une non dépense de 1 979 901 F.
Il faut souligner que dans ce non dépensé figurent 2 projets qui ont été abandonnés : la loi 7589 portant sur la refonte du système de perception de l'administration fiscale (494 000 F) et la loi 7427 portant sur une étude préalable concernant les autorisations de commerce ; cette dernière ayant pu être réalisée en interne. Pour les autres lois, l'exposé des motifs vous indique dans quelle mesure les objectifs ont été atteints.
Comme pour les crédits de construction, le Conseil d'Etat a adopté une nouvelle présentation pour ces projets de lois de bouclement. Tous les chiffres significatifs (montant voté, montant dépensé, solde net) sont mentionnés dans l'article 1 des projets de lois.
Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de voter le bouclement de ces lois.
Tableau page 2
page 3
PL 8022
Projet de loide bouclement de la loi n° 7433 pour la réalisation du projet « données cadastrales »
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 7433 du 20.06.1996 d'un montant de 100 000 F, arrêté à 97 693 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Conformément à l'exposé des motifs accompagnant la loi 7433, les montants mis à disposition ont permis de réaliser le transfert automatique des données cadastrales entre les bureaux d'ingénieurs géomètres officiels et le service du cadastre.
A cet effet, une application informatique a été développée par une société de service. Le cahier des charges a été réalisé en partenariat avec l'Association des géomètres genevois.
Les objectifs ont été atteints dans le cadre budgétaire prévu.
PL 8023
Projet de loide bouclement de la loi n° 7145 pour l'informatisation de l'OCPA
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 7145 du 16 décembre 1994 d'un montant de 250 000 F, arrêté à 249 225 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'objet principal de la présente loi (fusion administrative de l'ex-OAPA et ex-SCAM) qui fait suite à la loi de crédit no 7007, a permis à l'Office cantonal des personnes âgées (OCPA) de poursuivre et compléter son effort d'équipement et de fiabilisation de l'outil informatique (voir argumentaire loi 7007).
Elle a permis également de produire un effort supplémentaire lié aux nouvelles prestations financières que devait apporter l'office, dès 1994, aux réquérants d'avances financières dans l'attente d'une décision d'octroi de rente de l'Office cantonal de l'assurance invalidité (OCAI), par la mise en place d'une nouvelle unité de production et de service à la population concernée.
Dans le cadre de la présente loi, l'OCPA s'est également équipé d'un logiciel de gestion électronique des documents devant servir à rationaliser la conservation des archives.
PL 8024
Projet de loide bouclement de la loi n° 7427 pour l'étude du regroupement des services des autorisations de commerce du DJPT
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 7427 du 20.06.96 d'un montant de 50 000 F, arrêté à 0 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La loi 7427 demandant un crédit de 50 000 F pour réaliser une étude en vue de la modernisation de la délivrance des autorisations de commerce au sein du Département de justice et police a été menée en interne et n'a pas nécessité l'utilisation du crédit mis à disposition.
Suite à l'étude, trois services ont été regroupés au sein du service des autorisations et patentes : le service des autorisations de commerce, le service du droit des pauvres et la section des patentes et collectes du service financier DJPT.
Les objectifs sont atteints conformément au contenu de l'exposé des motifs figurants dans le projet de loi.
PL 8025
Projet de loide bouclement de la loi n° 7297 pour Symphonie, réforme informatique
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 7297 du 15.12.1997 d'un montant de 5 500 000 F, arrêté à 4 923 371 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La loi n° 7297 ouvrait un crédit de 5 500 000 F pour la mise en oeuvre de la réforme de l'informatique de l'Etat de Genève et des activités administratives associées. Le montant dépensé s'élève à 4 923 371 F, soit une différence positive de 576 629 F.
Cette différence s'explique par le fait que l'Etat s'était engagé à verser à l'entreprise mandatée un montant complémentaire de 250 000 F (TVA non comprise) à la fin du premier semestre 1996 et à la fin du premier semestre 1997, si, à ces dates, les résultats obtenus étaient supérieurs aux résultats attendus. Après évaluation, sur proposition du comité de pilotage, le Conseil d'Etat a constaté que les résultats n'étaient pas supérieurs et a décidé de ne pas verser ces montants complémentaires.
Rappelons les principaux axes directeurs de la réforme :
· recentrer l'informatique et les ressources qui lui sont consacrées sur l'atteinte des priorités politiques ;
· définir clairement les responsabilités de chaque entité opérationnelle tout au long du déroulement des projets dans le cadre d'une contractualisation interne des prestations internes des prestations échangées ;
· rationaliser les fonctions de développement et d'exploitation afin de diminuer les coûts globaux consacrés par l'Etat à l'informatique et/ou d'augmenter le service offert à coût constant ;
· diffuser les compétences internes existantes et en assurer le développement dans le temps.
Globalement, les objectifs fixés par la réforme ont été atteints. Depuis le début de l'année, le Centre des technologies de l'information (CTI) est en place. Il fournit des prestations tant en matière de développement que d'exploitation. La rationalisation se poursuit par la réduction du nombre d'environnements techniques différents et par l'adoption de standards (systèmes d'exploitation, télécommunication et développement). La tâche est conséquente puisque le CTI regroupe les équipes informatique auparavant disséminées dans les offices et services de l'Etat. Cela ne signifie pas pour autant que tous les collaborateurs sont ou seront regroupés dans un même lieu. Des centres de proximité sont maintenus pour assurer un service rapide aux utilisateurs concernés. Le niveau de prestation offert sera mesuré régulièrement par la conférence des maîtres d'ouvrage.
En matière de sélection de projets, la procédure en place permet une juste répartition des moyens disponibles pour que les projets, mettant en oeuvre des technologies de l'information, les plus stratégiques ou attractifs pour l'administration puissent être réalisés de façon prioritaire; de vérifier que les résultats obtenus grâce à ces moyens sont conformes aux attentes.
Les critères de sélection et la démarche ont été présentés à la Commission des finances.
Sur le plan strictement financier, une des conséquences de la réforme a été la centralisation des achats qui a permis d'obtenir des économies annuelles de plus de 1 million de francs par année. Pour la première fois en 1998, le Conseil d'Etat a pu présenter au Grand Conseil une vue globale des coûts de l'informatique.
En ce qui concerne les relations avec le citoyen, la réforme est à l'origine du guichet universel qui donne à chacun la possibilité d'effectuer plusieurs démarches administratives à un seul guichet, mettant ainsi un terme aux interminables parcours du combattant d'un service à l'autre, grâce aux procédures simplifiées mises en places.
Les résultats de la réforme font l'objet d'une étude approfondie de l'inspection cantonale des finances dont le rapport sera communiqué à la Commission des finances.
Même si tous les résultats attendus ne sont pas encore atteints, notamment car l'an 2000 et différentes contraintes administratives ont freiné la mise en place de plusieurs démarches de rationalisation, l'appui d'une société externe ou le recours à un expert ne sont plus nécessaires.
PL 8026
Projet de loide bouclement de la loi n° 7431 pour la réalisation du projet« mot de passe unique »
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 7431 du 20.06.1996 d'un montant de 110 000 F, arrêté à 107 352 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Conformément à l'exposé des motifs qui accompagnait le projet de loi 7431, le crédit de 110 000 F a été utilisé à hauteur de 107 352 F pour l'acquisition des logiciels nécessaires pour le projet « mot de passe unique » pour la police.
Le produit sera pleinement exploité lorsque la plate-forme 32 bits sera totalement opérationnelle.
Au vu de ce qui précède, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de voter le bouclement de la loi.
PL 8027
Projet de loide bouclement de la loi n° 7521 pour l'acquisition d'outils de gestion de réseaux, d'équipements informatiques et de gestion d'incidents
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 7521 du 24.01.1997 d'un montant de 630 000 F, arrêté à 629 039 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le projet de loi avait comme objectif l'introduction d'un premier groupe d'outils de gestion permettant d'avoir la maîtrise des systèmes informatiques gérés par le centre des technologies de l'information.
Conformément à l'exposé des motifs du projet de loi, nous avons acquis et introduit les outils suivants :
- « Action request system » de la société Remedy Corporation.
Cet outil fonctionne à satisfaction depuis juillet 1997 et permet la saisie et le traitement de plus de 15 000 incidents.
- « Qualipark » de PS'Soft.
La phase technique de mise en place est terminée ; les informations de prise d'inventaire sont en cours et l'outil sera pleinement utilisé d'ici fin novembre 1998.
- « Landesk Management Suite & Landesk virus » de Intel Corp.
Le déploiement n'a été réalisé que de manière partielle (1000 postes). La suite du déploiement sera faite sur la deuxième phase du projet prévu par le projet de loi 7664 voté le 18.9.97, qui a comme objectif la généralisation des outils acquis par la loi 7521.
PL 8028
Projet de loide bouclement de la loi n° 7589 pour la refonte du système de perception Prosper
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 7589 du 18.09.1997 d'un montant de 494 000 F, arrêté à 0 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le projet susmentionné n'a pas démarré et est abandonné car les objectifs qu'il poursuivait sont intégrés dans le projet de refonte de l'administration fiscale cantonale prévu dans le cadre de la loi n° 7838.
Au vu de ce qui précède, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de voter le bouclement de la loi.
PL 8029
Projet de loide bouclement de la loi n° 6398 pour l'acquisition de matériel informatique pour le registre foncier
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 6398 du 15.12.1989 d'un montant de 1 600 000 F, arrêté à 1 501 321 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le montant initial de cette loi était de 3 322 000 F. Il a été ramené à 1 600 000 F suite à une baisse importante des coûts du matériel informatique et à l'intégration du projet registre foncier dans le contexte du système d'information du territoire, ce qui a permis par synergie des économies substantielles.
Comme prévu dans l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi, les montants mis à disposition ont été utilisés pour l'acquisition de matériel informatique, de logiciels de base ainsi que pour des prestations de service, soit notamment :
serveur de développement ;
serveur de RF2000 et Etat descriptif ;
migration VMS sur UNIX ;
station de travail ;
équipement pour la production automatique du plan du registre foncier ;
équipements bureautiques.
Le solde disponible de 98 679 F était prévu pour assurer en 1998 la migration des postes de travail sur la plate-forme 32 bits standard.
Ce montant n'étant plus disponible, cette migration devra être financée par les budgets de renouvellement du CTI ou faire l'objet d'un nouveau projet d'investissement.
Sous réserve du point ci-dessus, les objectifs ont été atteints. Grâce à ces équipements, le registre foncier remplit pleinement sa mission. Il a pu faire face à l'augmentation de la charge de travail en stabilisant son personnel.
PL 8030
Projet de loide bouclement de la loi n° 7007 pour l'informatique de l'OCPA
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 7007 du 17.12.1993 d'un montant de 170 000 F, arrêté à 165 474 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En 1994, il convenait de concrétiser dans les faits la fusion de l'ex-Office des allocations aux personnes âgées (OAPA) et de l'ex-Service du contentieux et de l'assistance médicale (SCAM) par la réalisation, entre autres, d'un outil informatique et bureautique intégré, cohérent et performant.
Pour ce faire et dans le cadre du budget alloué, le nouvel office créé, l'Office cantonal des personnes âgées (OCPA), a engagé une vaste politique d'investissement touchant :
- à l'équipement d'ordinateurs individuels - PC, périphériques compris, en direction des collaborateurs,
- à la mise en place et à la fiabilisation d'un réseau Novell,
- à l'équipement de matériel de développement lié au système central - HP, gérant l'application de gestion des prestations financières.
Pour mémoire, il s'agissait de mettre en place une infrastructure globale (informatique et bureautique) propre à servir 2 sites géographiques, l'un situé à la route de Chêne, l'autre à la rue Micheli-du-Crest et plus de 100 collaborateurs, dans le but d'assurer le calcul, le paiement et la gestion des prestations.
Outre les démarches d'acquisition directes liées à l'équipement, l'OCPA s'est attaché la collaboration d'un partenaire extérieur capable de le seconder activement et de l'appuyer dans la démarche de développement et plus particulièrement, de fiabilisation de son infrastructure. Un contrat de service a concrétisé ce partenariat.
Grâce aux moyens financiers accordés, l'OCPA a pu atteindre l'objectif principal de fusion des deux entités administratives, fixé dans la loi, en organisant la mise en place progressive d'un outil informatique complet, adapté à la gestion administrative et financière des prestations de prévoyance (PCF/PC) et d'assistance.
PL 8031
Projet de loide bouclement de la loi n° 6999 pour la création d'un outil d'impôt assisté par ordinateur
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit complémentaire d'investissement
Le bouclement de la loi n° 6999 du 17.12.1993 d'un montant de 6 010 000 F, arrêté à 5 260 625 F se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les outils qui ont été acquis dans le cadre du projet de loi n° 6999 ont été introduits, mais les objectifs attendus n'ont été que partiellement atteints.
Une analyse en profondeur est en cours pour l'intégration des outils utilisés et financés sur ce projet de loi. Un rapport sera présenté dans le cadre du crédit extraordinaire de 18 millions pour la refonte de l'informatique de l'AFC.
Nous demandons la clôture de ce projet qui, compte tenu des problèmes soulevés à l'AFC et le vote du crédit extraordinaire AFC, n'a plus de raison d'être.
Ces
projets sont renvoyés à la commission des finances sans débat de préconsultation.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
Une subvention de 300 000 F est allouée au Comité international de la Croix-Rouge pour son projet « Violence de l'exploitation, exploitation de la violence ».
Article 2
Elle est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (CICR) fête le 12 août de cette année 1999 le cinquantième anniversaire des quatre Conventions de Genève de 1949.
Malgré l'existence de normes internationales, l'adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et le travail constant du CICR et de différentes organisations gouvernementales et non gouvernementales sur le terrain, les enfants soldats et les enfants travailleurs restent une réalité.
En effet, le nombre d'enfants recrutés ou se portant volontaires pour prendre part aux hostilités qui se déroulent à travers le monde ne cesse de croître. Ces enfants se retrouvent ainsi confrontés aux pires dangers et aux souffrances les plus atroces, aussi bien physiques que psychologiques. Par ailleurs, ils peuvent être aisément manipulés et encouragés à commettre des actes dont la gravité leur échappe souvent.
Dans le cadre de ce 50e anniversaire, le CICR mène conjointement avec le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) un projet qui s'intitule : « Violence de l'exploitation, exploitation de la violence » avec pour objectif de sensibiliser les jeunes de différents pays, développés et en voie de développement, au problème de la violence et, de ce fait, au droit international humanitaire et aux droits de l'enfant, à partir de situations de guerre ou d'exploitation économique.
1. Objectifs du projet
- Focaliser l'attention du jeune public sur la violence, ses causes, ses mécanismes et ses conséquences
A partir d'un coffret comprenant deux films vidéo et des fiches pédagogiques qui montrent et illustrent de manière ouverte des enfants soldats et des enfants travailleurs.
- Faire prendre conscience aux jeunes de la place du droit, mais aussi des succès et des limites liés à sa mise en application
Par le biais des séquences de ces films qui mettent en lumière des thèmes de débat ainsi que par le biais des fiches pédagogiques qui suggèrent la thématique des discussions et ses élargissements possibles en apportant des informations complémentaires aux animateurs, notamment sur le droit international et les organismes internationaux chargés de le mettre en oeuvre.
- Susciter la conviction qu'il est toujours possible d'agir directement ou indirectement pour éviter, ou limiter, les conséquences des abus pouvant porter atteinte à la dignité de l'enfant
En soutenant résolument la mise en oeuvre de mesures pratiques, aussi bien préventives que curatives, pour s'attaquer au phénomène des enfants soldats et des enfants travailleurs. Car il convient d'insister que l'adoption de nouvelles normes juridiques n'est jamais une réponse en soi.
2. Actualité du projet
Après une phase expérimentale menée essentiellement à Genève, un millier de coffrets pédagogiques ont d'ores et déjà été produits par le CICR par moitié en français et par moitié en anglais. Ils seront mis bientôt à la disposition des établissements scolaires francophones et anglophones d'un certain nombre de pays d'Europe et d'Amérique à travers les réseaux du Mouvement international de la Croix-Rouge, ainsi que de l'UNICEF.
3. Développement du projet dans le cadre de la commémoration du 50e anniversaire des Conventions de Genève
Le CICR envisage d'utiliser le budget alloué par le Conseil d'Etat genevois à la prévention et à la sensibilisation de la jeunesse des pays du sud au droit humanitaire international. Le coffret pédagogique en sera le vecteur par le biais d'une adaptation aux conditions de diffusion locale. Soit :
- un tirage d'un plus grand nombre d'exemplaires du coffret en son état actuel pour les pays occidentaux ;
- une diffusion d'un module vers les pays où les jeunes vivent les situations de violence illustrées dans le coffret sous forme de bande dessinée (affiches ou recueil). Selon le CICR, ce support paraît plus approprié aux possibilités de diffusion de ces pays et plus adapté techniquement à reproduire le propos des films.
4. Démarche envisagée dans le cadre du budget alloué par le Conseil d'Etat
- faire appel à un dessinateur suisse de bande dessinée et à un scénariste familier des pays considérés ;
- traduire ce travail en plusieurs langues ;
- charger les membres des délégations du CICR et des bureaux de l'UNICEF de diffuser, mettre en oeuvre et encadrer le processus d'utilisation en collaboration avec les pédagogues et animateurs locaux.
5. Le budget alloué à l'action s'élève à 300 000 F et serait utilisé comme suit :
-
Conception du scénario et des dessins pour une bande dessinée
90 000 F
-
Tirage de 3000 nouveaux exemplaires du coffret pédagogique existant avec film vidéo et transport
60 000 F
-
Impression en couleurs de 10 000 exemplaires du coffret pédagogique avec bande dessinée en plusieurs langues et transport
100 000 F
-
Diffusion, formation des animateurs, sensibilisation et suivi de l'opération, organisation et suivi des contacts entre les jeunes
50 000 F
Au bénéfice de ce qui précède et compte tenu de l'urgence de la situation, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement le projet de loi et d'accepter d'allouer une subvention de 300 000 F au Comité international de la Croix-Rouge pour son projet « Violence de l'exploitation, exploitation de la violence ». Il sera rendu compte de l'utilisation de ces fonds dans le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil concernant la politique régionale et européenne et la coopération au développement.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances sans débat de préconsultation.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940, est modifiée comme suit :
Art. 120, al. 3 à 5 (abrogés)
Art. 129A Résiliation des rapports de service pour motif objectivement fondé (nouveau)
1 Le Conseil d'Etat peut, pour motif objectivement fondé, mettre fin aux rapports de service d'un fonctionnaire ou d'une fonctionnaire.
2 Est considéré comme objectivement fondé, tout motif dûment constaté démontrant que la poursuite des rapports de service est rendue difficile en raison :
3 Le délai de résiliation est de 3 mois pour la fin d'un mois.
4 Cette mesure est précédée d'une enquête interne au département. Les dispositions de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, sont applicables, en particulier celles relatives à l'établissement des faits (art. 18 et suivants).
5 Lorsque l'intérêt des élèves l'exige, le département peut prendre des mesures provisoires. Une mesure provisoire d'éloignement de la classe doit être confirmée par le Conseil d'Etat dans les meilleurs délais. Ces mesures ne peuvent entraîner une diminution de traitement de l'intéressé.
Art. 130 Mesures disciplinaires (nouvelle teneur)
1 Les membres du personnel enseignant qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l'objet des sanctions suivantes dans l'ordre croissant de gravité :
2 Ces mesures sont précédées d'une enquête interne au département dans les cas cités à l'alinéa 1, lettres a, b et c et d'une enquête administrative ouverte par le Conseil d'Etat dans les cas cités à l'alinéa 1, lettre d.
Art. 130A Suspension provisoire pour enquête (nouveau)
1 Dans l'attente du résultat d'une enquête administrative ou d'une information pénale, le Conseil d'Etat peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement le membre du personnel auquel une faute, de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'implique l'exercice de sa fonction, est reprochée.
2 Cette décision est notifiée par lettre motivée.
3 La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l'Etat.
4 A l'issue de l'enquête administrative, il est veillé à ce que l'intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale. La révocation peut cependant agir rétroactivement au jour d'ouverture de l'enquête administrative; le licenciement disciplinaire ou la démission peuvent également agir rétroactivement jusqu'au terme du délai de trois mois pour la fin d'un mois à compter de l'ouverture de l'enquête.
Art. 131, al. 1, 1re phrase (nouvelle teneur)
al. 5 (nouveau)
1 Dans les cas prévus par les articles 128, 129, 129 A, 130, alinéa 1, lettres c et d et 130 A, le ou la fonctionnaire intéressé a le droit de recourir dans les 30 jours contre la décision prise à son égard auprès d'une commission de 5 membres composée comme suit :
5 Le membre du personnel qui fait l'objet d'un avertissement ou d'un blâme peut porter l'affaire, dans un délai de 10 jours, devant le conseiller ou la conseillère d'Etat chargé du département, qui statue définitivement.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
Les modifications légales qui vous sont présentées concernent, pour le corps enseignant, les sanctions disciplinaires, la résiliation des rapports de service pour motif objectivement fondé et la suppression de l'exigence de la nationalité suisse à l'engagement.
Ces modifications ont pour but :
Les sanctions disciplinaires et la résiliation pour motif objectivement fondé (justes motifs) s'appliquant au personnel de l'administration centrale ont déjà été modifiées en 1987 à l'occasion de l'adoption de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements médicaux. Les discussions à ce sujet ont été reprises notamment avec les associations professionnelles dans le cadre de l'adoption de la nouvelle loi du 4 décembre 1997. Des éléments essentiels issus de ces deux refontes légales peuvent maintenant être transférés dans la LIP.
La Commission paritaire du statut des enseignants et enseignantes de l'enseignement primaire et secondaire, consultée au sujet du présent projet de loi, a donné son accord pour les modifications proposées.
Sanctions disciplinaires
L'annexe 1 permet une comparaison rapide des sanctions disciplinaires du statut actuel du personnel de l'administration centrale et de celles du personnel enseignant. Cette annexe permet ensuite une lecture juxtaposée des textes légaux pertinents.
Selon le projet, la LIP s'harmonise désormais avec la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale en ce qui concerne les points suivants :
les sanctions sont dorénavant énumérées dans l'ordre croissant de gravité. Pour mémoire, le choix de la sanction a pour seul critère la gravité de la faute commise. L'échelle des sanctions n'a donc pas à être parcourue avant qu'un licenciement disciplinaire (voire une révocation) soit prononcé ;
les sanctions financières sont la suspension d'augmentation de traitement et la réduction à l'intérieur de la classe de fonction ;
les éléments essentiels de procédure prévue pour les cas graves, soit la suspension provisoire et l'enquête administrative, sont transférés du règlement fixant le statut à la loi.
Une corrélation claire et plus responsabilisante est établie entre la gravité de la sanction et l'instance qui la décide, que ce soit en première instance ou sur recours :
la sanction la plus légère est prise par le supérieur ou la supérieure direct ;
. .
les sanctions les plus graves sont prises par le Conseil d'Etat.
Par conséquent, le recours à la Commission de recours des enseignants ne sera désormais possible que contre des sanctions d'une certaine gravité. Il n'est plus ouvert contre l'avertissement ou le blâme. Dans ces deux cas, un recours peut être déposé auprès du conseiller ou de la conseillère d'Etat chargé du département, qui statue définitivement.
Les modifications proposées affichent cependant quelques différences justifiées avec la nouvelle loi B 5 05 :
la révocation est maintenue comme sanction la plus grave. Elle indique la gravité d'une conduite incompatible avec la mission d'enseignant(e) qui consiste à former et à éduquer des enfants et des jeunes ;
le licenciement disciplinaire, avec la possibilité de démissionner après y avoir été invité, est également maintenu. Cette sanction implique la fin des rapports de service mais dans un cas moins grave que celui justifiant la révocation ;
le transfert dans un autre emploi subsiste. La loi le subordonne expressément aux qualifications professionnelles et personnelles requises pour occuper le nouveau poste. Cette mesure se justifie au vu du caractère exposé de la situation professionnelle de l'enseignant(e) face aux élèves et à leurs parents, et aux possibilités encore restreintes de mobilité professionnelle.
Résiliation des rapports de service pour motif objectivement fondé
L'annexe 2 permet une comparaison rapide des dispositions relatives à la résiliation pour motif objectivement fondé du statut actuel du personnel de l'administration centrale et de celles applicables au personnel enseignant. Cette annexe permet ensuite une lecture juxtaposée des textes légaux pertinents.
La nouvelle formulation tient mieux compte de l'exigence de professionnalisme et de l'adéquation des prestations fournies par les membres du personnel enseignant.
Quelques spécificités liées au corps enseignant demeurent et créent une différence avec la loi B 5 05 :
le projet ne retient pas l'insuffisance des prestations mais « l'inadéquation » des prestations, terme plus approprié pour les activités professionnelles de l'enseignant(e). En effet la qualité de ces activités tient aux connaissances de la discipline enseignée, aux compétences liées à l'apprentissage par un public d'élèves diversifié, à la relation pédagogique et à la relation avec les autres partenaires professionnels : collègues, parents, membres de direction, aspects qui ne se prêtent guère à une évaluation quantifiée ;
le motif d'inaptitude à observer les devoirs généraux de la fonction d'enseignant(e) est maintenu. Il se justifie compte tenu de la mission particulière de l'enseignant(e) vis-à-vis des élèves, des parents et de l'autorité scolaire ;
une enquête interne au DIP permettra d'établir les faits conformément à la loi sur la procédure administrative. Cette enquête tiendra compte des aspects pédagogiques et relationnels du métier. Elle sera faite par une personne au bénéfice d'une formation professionnelle dans l'enseignement, comme c'est le cas actuellement.
les mesures provisoires prises par le DIP (sans suppression ou diminution du traitement du maître) si l'intérêt des élèves le justifie, trouvent une base légale claire.
Suppression, à l'engagement, de l'exigence de la nationalité suisse
Cette mesure vise les personnes domiciliées dans le canton, au bénéfice d'un permis de travail et qui ont, par ailleurs, toutes les qualifications professionnelles et personnelles requises pour l'enseignement, dont la maîtrise du français, et une bonne intégration dans la communauté cantonale. La suppression de l'exigence de la nationalité n'entraînera donc pas un flux d'enseignant(e)s venant de l'étranger; un permis de travail, selon la législation en vigueur, est en outre exigé.
Pour les dix prochaines années qui seront marquées par le départ massif à la retraite de membres du personnel, engagés durant les années 60 et 70, le DIP devra procéder à de nombreux engagements. Le recrutement de personnes compétentes peut se trouver facilité en cas de pénurie d'indigènes, candidats à l'enseignement, avec ou sans la mise en vigueur progressive de l'accord bilatéral entre la Suisse et l'Union européenne sur la mobilité des personnes.
Commentaires article par article
L'annexe 3 permet la comparaison des textes légaux actuels avec ceux du projet.
Remarques préalables
Les modifications légales proposées entraîneront des modifications dans les statuts des membres du corps enseignant : règlements B 5 10.04 pour les enseignant(e)s primaire, B 5 10.08 pour les membres du personnel enseignant du Centre de Lullier et B 5 10.12 pour les enseignant(e)s du Centre d'enseignement de professions de la santé et de la petite enfance (CEPSPE).
La féminisation des titres et des statuts est systématiquement opérée dans les textes proposés.
Art. 120 Suppression de l'exigence de la nationalité suisse à l'engagement
Abrogation des alinéas 2, 4 et 5 :
Il est rappelé que durant les périodes de pénurie d'enseignant(e)s, ces dispositions n'ont pas toujours pu être appliquées et que des maîtres et maîtresses étrangers ont déjà, actuellement, le statut de fonctionnaire.
Art. 129 A Résiliation pour motif objectivement fondé, mesures provisoires et enquête interne au DIP
Les dispositions relatives au licenciement pour justes motifs figurent actuellement dans le règlement du Conseil d'Etat fixant le statut des membres du corps enseignant B 5 10.04. Vu son importance pour le bon fonctionnement des écoles, la nouvelle disposition qui met l'accent sur le professionnalisme et l'adéquation des prestations, doit trouver sa place dans une loi formelle ainsi que la procédure applicable.
alinéa 2 :
Les trois motifs retenus se recoupent en partie. Mais ensemble, ils couvrent les situations qui sont préjudiciables à la qualité de l'enseignement, que l'on est en droit d'exiger de tous les membres du corps enseignant.
alinéa 3 :
Le délai de 6 mois pour la fin d'une année scolaire est ramené à trois mois pour la fin d'un mois.
alinéa 4 :
L'enquête interne au DIP correspond à la pratique actuelle.
alinéa 5 :
Une mesure d'éloignement de la classe, avant l'aboutissement de l'enquête interne du département, doit être confirmée dans les meilleurs délais par le Conseil d'Etat. Cette mesure correspond déjà à la pratique actuelle du DIP.
Art. 130 Mesures disciplinaires et enquête interne au DIP
La référence à « l'imprudence » dans la phrase introductive est supprimée ; l'imprudence est couverte par la négligence.
Le blâme et l'avertissement sont transférés du règlement du Conseil d'Etat à la loi formelle. Ces sanctions trouvent ainsi une base légale suffisante dans une loi formelle.
lettre a)
Le terme « autorité scolaire » est remplacé par le terme, plus précis, de « supérieur hiérarchique ».
Lettre d), 6°
Le terme archaïque de « congé » est remplacé par le terme plus adéquat de « licenciement disciplinaire ». Ce dernier n'est pas lié à un enseignement insuffisant, permettant ainsi de mieux différencier cette sanction qui suppose une faute, de la résiliation pour motif objectivement fondé (cf. 129A).
Le délai de licenciement passe de 6 mois en principe pour la fin d'une année scolaire, à trois mois pour la fin d'un mois (cf. art. 129 A al. 3)
Art. 130 A suspension provisoire pour enquête
Les garanties relatives à la procédure applicable dans un cas grave, figurent dans la loi.
alinéa 3 :
En vertu du principe de proportionnalité, le traitement ne peut être supprimé que si les faits essentiels sont établis, ce qui n'est pas la règle.
alinéa 4 :
Comme le projet maintient le licenciement disciplinaire, cette mesure doit également rétroagir si la suspension provisoire s'avère justifiée. Dans ce cas, le délai de trois mois pour la fin d'un mois, depuis la suspension provisoire, doit être respecté.
Art. 131, al. 1 Cas de recours
Le recours à la Commission des enseignants. Ces sanctions seront tranchées en dernière instance par le conseiller ou la conseillère d'Etat chargé du DIP. Les autres cas de recours (art. 129 A et 130 A) seront transférés du règlement à la loi.
Au vu des explications qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.
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Ce projet est renvoyé à la commission des finances sans débat de préconsultation.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article1
La loi sur l'Université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit :
Art. 80 (abrogé)
Art. 81 (abrogé)
Article 2 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La loi sur l'Université du 26 mai 1973 (ci-après LU) comme plusieurs projets de modification de cette même loi prévoient une structure universitaire favorisant la participation des différents corps universitaires (actuellement professeurs, collaborateurs de l'enseignement et de la recherche, étudiants et personnel administratif et technique). L'art. 20 LU fixe d'ailleurs clairement le principe de la participation de ces corps à la gestion de l'Université et leur reconnaît le droit d'être représenté dans les organes d'études ou de délibérations.
Dans toutes les structures envisagées pour le futur de l'Université de Genève, ces organes représentatifs spécifiques sont maintenus. Par ailleurs, il existe de nombreux syndicats ou associations regroupés par corps (CUAE, APUG) ou par affinités syndicales (VPOD, UNIA, etc.).
Il n'est donc plus nécessaire que les seuls professeurs siègent dans un organe consultatif de l'Université, alors même que celle-ci en regorge déjà. En effet, les professeurs, occupent déjà 12 sièges sur 27 au Conseil de l'Université (art. 77, al. 1 LU), dont la présidence leur revient d'ailleurs ex lege (art. 77, al. 2 LU), participent au Conseil académique (art. 81A et 81B LU), font partie de la Commission de désignation du recteur (art. 81C LU) et sont les seuls, outre les professeurs ordinaires d'autres universités, pouvant être nommés au poste de recteur (art. 73, al. 1 LU) ! L'existence d'une structure permettant aux professeurs de prendre connaissance du rapport annuel de gestion, d'interroger le rectorat, d'émettre des voeux et de veiller au respect de la liberté académique (compétences selon l'art. 80 LU), ne se justifie donc plus.
Un examen attentif de la loi sur l'Université permet même de constater que le Conseil de l'Université est aussi compétent pour prendre connaissance du rapport annuel de gestion (art. 76, al. 1, lit. h LU) et que le Conseil académique approuve ce même rapport (art. 81, lit c LU) ! Si l'organe prévu aux articles 80 et 81 LU a, comme déjà relevé, la compétence d'interroger le rectorat et d'émettre des voeux, en revanche le Conseil de l'Université dispose, quant à lui, de pouvoirs plus étendus, puisqu'il peut soumettre des propositions au rectorat auxquelles ce dernier doit donner une réponse écrite dans un délai de trois mois (art. 76, al. 2 LU) !
Ainsi, au moment où il est beaucoup question de renoncer partiellement aux compétences attribuées à double (in casu même à triple en ce qui concerne le rapport du rectorat), les compétences d'un tel organe réservé aux professeurs, et par là même, l'utilité de celui-ci, deviennent superflues.
Au vu des explications qui précèdent, nous vous proposons la suppression d'un tel organe (art. 80 et 81 LU) et vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette adaptation indispensable de la loi sur l'Université.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'enseignement supérieur sans débat de préconsultation.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Ouverture de crédit
Il est ouvert au Conseil d'Etat un crédit de 80 000 F, prélevé sur le budget d'investissement sous rubrique 100200.536, pour l'installation d'un système de vote électronique dans la salle du Grand Conseil.
Article 2 Modification d'une autre loi (B 1 01)
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :
Art. 84, al. 3 Mode de scrutin (nouvelle teneur)
3 Sauf exception, le vote a lieu au moyen du système électronique.
Art. 85 Données relatives au vote (nouvelle teneur)
1 Le système de vote électronique compte et enregistre les suffrages exprimés lors de tous les scrutins.
2 Le résultat du vote est affiché sur au moins un panneau électronique. Le président communique le résultat du vote.
3 Le résultat du vote est consigné au procès-verbal. La liste nominale des votants n'est publiée au Mémorial que sur demande de 10 députés.
Art. 86 Exceptions (nouvelle teneur)
1 Lorsque le système électronique tombe en panne, le vote a lieu à mains levées.
2 En cas de doute ou de contestation du résultat du vote à mains levées, il est procédé au vote par assis et levé. Dans ce cas, le sautier compte les votants et annonce immédiatement le résultat au président.
Article 3 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi. La loi portant règlement du Grand Conseil est modifiée dès que le système de vote électronique est installé et opérationnel.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Vous êtes toutes et tous témoins, depuis le début de cette législature, de la pléthore des sujets qui sont soumis à notre appréciation et du nombre de votes à l'appel nominal, voire « assis-debout », qui nous sont soumis.
L'installation d'un système de vote électronique permettrait, à l'instar du système pratiqué au Conseil national, une procédure rapide, efficace et sans contestation possible.
Le Grand Conseil vaudois, confronté au même problème, va adopter prochainement ce système et la commission chargée de son étude a déjà remis son rapport favorable.
A titre indicatif, l'installation d'un tel système à Lausanne pour 200 députés a été estimée à 120 000 F ; on peut donc raisonnablement estimer que le coût pour Genève ne dépasserait pas 80 000 F.
Ce montant serait certainement amorti dans de brefs délais, si l'on tient compte du temps actuellement perdu par les députés lors des votes.
Il existe actuellement sur le marché - et c'est le cas du système adopté dans le canton de Vaud - des modules qui ne nécessitent pas de câblage et qui fonctionnent par ondes hertziennes.
De plus, ce système bénéficiant également aux conseillers municipaux de la Ville de Genève, « locataires » de la Salle du Grand Conseil durant leurs séances plénières, la Ville de Genève pourrait participer aux frais d'installation.
Compte tenu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à ce projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission des travaux sans débat de préconsultation.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur les fondations de droit public, du 15 novembre 1958, est modifiée comme suit :
Art. 1 Définition (nouvelle teneur)
1 Sont considérées de droit public les fondations ayant leur siège dans le canton qui ont pour objet l'affectation de biens à un but rentrant dans le domaine du droit public et qui sont tenues de réaliser ce but à l'égard de l'Etat, d'une commune ou d'une autre corporation de droit public.
2 Elles sont soumises à la surveillance du Conseil d'Etat qui approuve leur budget et comptes, après vérification par le contrôle financier de l'Etat.
3 Les prêts consentis par les fondations sont soumis à l'approbation du Conseil d'Etat s'ils sont supérieurs à 10 000 F. Les investissements supérieurs à un million sont soumis à l'approbation du Grand Conseil.
Art. 2 Compétence du Grand Conseil (nouvelle teneur)
1 La création et la dissolution d'une telle fondation, de même que l'approbation de ses statuts ou de leurs modifications, sont de la compétence du Grand Conseil.
2 Afin d'assurer un contrôle des fondations de droit public par le Grand Conseil, leurs conseils doivent comporter parmi leurs membres un membre par parti représenté au Grand Conseil et élu par lui.
La loi régissant les fondations de droit public ne contient pas les dispositions de base qui devraient régir le fonctionnement de ces organismes.
Le présent projet de loi, qui ne prétend pas être exhaustif, complète ladite loi de quelques dispositions qui paraissent essentielles.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un bon accueil au présent projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances sans débat de préconsultation.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Application
Le présent concordat-type tient lieu de règlement de procédure pour gérer le rôle et la participation du Grand Conseil dans les organismes régionaux dont l'importance est égale ou supérieure à celle d'un service public ou d'une entreprise moyenne de 250 salariés ou de 50 millions de budget annuel de fonctionnement.
Article 1 Réponses aux besoins
Le concordat intercantonal répond notamment aux besoins suivants :
Article 2 Objectifs
Le concordat poursuit les objectifs suivants :
Article 3 Commission interparlementaire
1 La Commission interparlementaire est formée des député-e-s des différents Grands Conseils cantonaux désignés par leur Grand Conseil, pour prendre en charge, dans le cadre de ses compétences, une problématique régionale, un projet ad hoc, ou un organisme intercantonal.
2 La commission désigne pour la durée de la législature un bureau de 3 à 5 membres. Elle se dote d'un règlement de fonctionnement et organise son agenda.
3 La commission dispose d'un secrétariat actif et autonome. Son budget est soumis aux bureaux des Grands Conseils concernés qui s'en répartissent la charge.
4 Ses votes sont pris à la majorité simple des membres présents En cas d'égalité des voix, celle du président prime.
5 Les votes ne sont valables que si le quorum est atteint. Il l'est dès que la moitié des membres est présente ainsi que deux membres au moins par délégation.
6 En tout temps, la commission, par ses délégations, peut proposer aux Grands Conseils d'inviter les Conseils d'Etat à négocier un projet de concordat.
7 La commission peut demander en tout temps aux Grands Conseils concernés la désignation d'une Commission interparlementaire ad hoc, qui prend alors en charge une problématique spécifique.
Article 4 Compétences
La Commission interparlementaire est compétente :
dans la phase d'élaboration, avant la signature du concordat, pour étudier et faire rapport, pour amender et enfin pour donner son préavis à chaque Grand Conseil, par l'intermédiaire de sa délégation concordataire, sur le contenu et l'acceptation des concordats ;
avant la ratification, pour donner son préavis sur la ratification des concordats intercantonaux ;
annuellement, pour donner à chaque Grand Conseil son préavis sur le budget, les comptes ainsi que sur d'autres engagements financiers cantonaux de l'organisme concerné ;
pour faire rapport aux Grands Conseils concernés de son contrôle, annuellement et lorsque cela s'avère nécessaire ;
annuellement, pour effectuer un contrôle de gestion, évaluer et approuver le suivi des contrats de prestations, des objectifs à long terme et des budgets et comptes, globaux et analytiques, et en faire rapport à chaque Grand Conseil . Le contrôle de l'organisme intercantonal est effectué par la Commission interparlementaire et porte sur :
en tout temps, pour proposer aux Grands Conseils concernés des modifications aux concordats de son ressort ;
pour proposer aux Exécutifs, représentés par le chef de département concerné, de participer à des réunions partenariales et à chercher un consensus pratique aux problèmes posés. Les Exécutifs peuvent également demander l'organisation de telles rencontres :
lorsque le concordat est en phase d'élaboration, tout conflit entre la commission et les Exécutifs est renvoyé aux Grands Conseils respectifs pour discussion et vote, puis retour à la commission ;
lorsque le concordat a été ratifié, en cas de conflit, la commission, après la recherche vaine d'un accord, peut demander aux Exécutifs l'application de ses décisions.
Article 5 Négociations des concordats
1 Les concordats intercantonaux sont exclusivement négociés par le Conseil d'Etat de chaque canton.
2 Les autorités législatives et exécutives cantonales peuvent en tout temps soumettre au vote du Grand Conseil cantonal un projet de concordat intercantonal.
Article 6 Plan d'information/consultation informelle
Dans la phase de négociation, chaque Conseil d'Etat informe et consulte les instances concernées du Grand Conseil.
Article 7 Délégation concordataire cantonale
1 Chaque Grand Conseil désigne, pour la durée de sa législature, une (ou des) délégation(s) concordataire(s) cantonale(s) chargée(s) de siéger au sein de la (ou des) Commission(s) interparlementaire(s) compétente(s).
2 Chaque délégation concordataire cantonale est composée de trois députés par canton, plus un député pour 100 000 habitants (dès 50 001 le nombre est arrondi au chiffre supérieur).
3 Chaque Grand Conseil veille à ce que les diverses tendances politiques soient représentées dans chaque délégation.
Article 8 Délégation et contrôle
1 Durant la phase d'élaboration et jusqu'à la ratification du concordat proposé par les autorités cantonales d'un canton ou par la (les) Commission(s) interparlementaire(s), le Grand Conseil reste l'organe de décision suprême.
2 Dès la ratification du concordat, la délégation cantonale concordataire, dans le cadre de la Commission interparlementaire, gère de plein droit le contrôle de l'entité régionale. Le vote des montants cantonaux, des comptes et budgets annuels restent de l'autorité de chaque Grand Conseil. Il en va de même des modifications du concordat.
Article 9 Mise en forme
1 Lorsqu'il dispose d'un projet d'organisme intercantonal, le Conseil d'Etat de chaque canton soumet le projet de concordat, avant sa signature, à son Grand Conseil. Le Grand Conseil envoie le projet auprès de la délégation concordataire qui le discute, l'amende et l'accepte dans le cadre de la Commission interparlementaire. La délégation concordataire cantonale soumet le résultat de ses travaux au Grand Conseil.
2 En cas de désaccord d'un Grand Conseil, le projet est renvoyé à la Commission interparlementaire qui se réunit pour traiter des divergences. La décision doit intervenir dans les trois mois après deux navettes au maximum.
3 Si un des Grands Conseils concernés refuse un concordat tel que proposé, il est réputé s'en dissocier.
4 Lorsqu'un canton désire adhérer au concordat préexistant, il en fait la demande aux cantons signataires qui, s'ils en décident positivement, mettent la procédure définie à l'alinéa 1 du présent article en vigueur.
5 Chaque Grand Conseil ratifie le concordat selon les différentes procédures cantonales.
Article 10 Modification d'un concordat existant
Toute modification à un concordat ratifié est proposée par le Conseil d'Etat ou par une majorité d'un Grand Conseil et envoyée par le truchement de la délégation concordataire cantonale concernée, à la Commission interparlementaire y relative.
Article 11 Comptes annuels
1 Le Grand Conseil approuve annuellement le budget et les comptes de l'organisme intercantonal géré par un concordat. Il approuve, sur la base du préavis de la Commission intercantonale, les autres engagements financiers des organismes intercantonaux.
2 Chaque Grand Conseil donne décharge à l'organisme intercantonal, sur la base des rapports de la Commission interparlementaire. Dans ce cas, ces derniers lui sont soumis à nouveau dans un délai de six mois.
Article 12 Dispositions transitoires
Le présent concordat est établi pour une durée de 5 ans à la suite desquels il fera l'objet d'une évaluation par les Grands Conseils. Sa reconduction fait l'objet d'une décision formelle de ces derniers.
Article 13 Modification à une autre loi (B 1 01)
La loi portant règlement du Grand Conseil de la Répubique et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :
Art. 2, lettre f (nouvelle teneur)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet est présenté par les députés signataires qui siègent régulièrement dans le Forum interparlementaire romand. Le texte qu'ils déposent l'est également dans les différents cantons romands par des députés, membres du FIR. C'est ainsi qu'il a une chance de prendre force législative pratique, un seul canton ne pouvant prétendre à une coordination solitaire, mais plusieurs cantons disposant alors d'un instrument réaliste leur évitant à chaque projet régional d'avoir à créer une procédure nouvelle. L'expérience de la HESSO et des procédures du RHUSO, elle-même issue en grande partie des travaux du FIR, a grandement aidé et inspiré la rédaction de ce projet.
Mise en perspective
Le présent projet a été établi au cours des discussions du FIR en 1996 et 1997 sous la présidence de Mme Micheline Calmy-Rey (S, GE) et M. Pascal Broulis (R, VD) puis finalisé à Neuchâtel les 1er et 2 mai 1998 sous la présidence de MM. P. Broulis et Armand Lombard (L, GE). Il a été accepté sur le principe par le FIR lors de sa réunion du 10 juin 1998 sous réserve de modifications et d'ajouts des buts à confirmer au mercredi 9 septembre 1998.
Le premier projet issu des travaux du FIR, a contribué de manière importante à la rédaction et à la construction de l'accord entre les bureaux du Grand Conseil des cantons de Vaud et de Genève pour la création d'un contrôle parlementaire partagé dans le projet du réseau hospitalier universitaire de Suisse occidentale. Ce projet a été refusé en référendum populaire par la population genevoise le 7 juin 1998.
Pour sa part, ayant profité des discussions consensuelles de la Commission interparlementaire Vaud-Genève et ayant débattu du projet modifié lors de ses assises les 1er et 2 juin 1998, le FIR a mis au point le présent projet législatif.
Le Forum interparlementaire romand
Le Forum interparlementaire romand est un cercle de réflexion composé des députés des Grands Conseils romands désireux de suivre ses travaux. Tous les parlementaires romands y sont conviés. Septante, particulièrement intéressés, sont inscrits à ce jour. Trente participent régulièrement à ses réunions toutes les six semaines, provenant des différents cantons romands (GE, VD, VS, NE, FR). Ni les Jurassiens, ni les Bernois sont actuellement représentés.
Un cadre régional
Les organismes régionaux, réseaux, coordinations, grappes, mises en commun, voient désormais fréquemment le jour en Suisse occidentale. Nous traversons une période d'histoire :
où la qualité des services publics doit, pour rester de première excellence, quitter un carcan trop étroit ;
où le contenu socio-économique d'une communauté doit, pour être durable, se diversifier et être d'une dimension plus large que celles d'un seul canton ;
où la pression du coût des équipements et des spécialistes de haute technologie nécessite des coopérations étroites et des partages des compétences.
La région n'est plus un concept de visionnaire éclairé. Elle s'impose lorsqu'une autoroute doit être tracée, quand des formations pointues doivent être assurées, quand la création d'emplois devient un problème épineux.
Face à ces exigences, plusieurs voix s'expriment :
celles qui préfèrent les statu quo et les coordinations minimes,
celles qui proposent de fusionner des cantons pour aplanir d'un coup des bureaucraties et des conservatismes bloquants.
Les signataires du présent projet de loi proposent une voie médiane. A long terme, dans les 10 ans, ils peuvent envisager la création d'un échelon régional subsidiaire dans le système politique suisse avec des scrutins populaires régionaux pour les objets régionaux, les cantons restant des pôles forts du pays. A moyen terme, ils s'en tiennent à des moyens nouveaux mais rattachés à une institution en place, principalement autour des Commissions interparlementaires. Ces dernières, avant la ratification d'un concordat, agissent avec une règle de majorité simple comme des commissions parlementaires cantonales. Pour le contrôle des organismes régionaux, après ratification, alors elles disposent d'une véritable délégation de pouvoir des Grands Conseils.
Pour animer une structure helvétique au caractère très conservateur et lourd, il est bon de proposer des améliorations qui ne soient pas des révolutions ou des mises en cause destructrices d'un passé chargé d'expérience et somme toute de réussite. La mise en place d'une structure ponctuelle de concordat est décidée chaque fois qu'une gestion régionale est jugée nécessaires par les Parlements ou les Exécutifs. Elle permet une gestion régionale dans le cadre des cantons, et laisse la porte ouverte à des modifications ultérieures si le besoin s'en fait ressentir. C'est une étape, et elle paraît d'importance dans des communautés dont les Etats et leurs services publics traversent de fortes turbulences.
Importance du concordat
Les concordats soumis à la présente législation sont d'une importance organique régionale. Ils ne recouvrent pas des accords entre deux ou plusieurs cantons coordonnant moins de 250 personnes salariées ou des budgets inférieurs à Fr. 50 millions par an. Dans ces cas, les exécutifs cantonaux sont responsables de leur bonne application.
Les grandes lignes du projet
Comme mentionné dans ses articles 1 et 2, le présent projet de concordat répond notamment aux besoins suivants :
clarification des organisations publiques ;
critères d'évaluation des prestations offertes ;
rationalisation des équipements conforme à un bassin de population raisonnable ;
résolution des problèmes d'infrastructure.
Il poursuit par ailleurs les objectifs suivants :
résoudre des problématiques dépassant le strict cadre des cantons ;
établir des instruments propres à gérer de manière convenable des projets durables, tant sur le plan financier, organisationnel, social qu'environnemental ;
mettre à disposition de chaque Grand Conseil cantonal concerné un instrument démocratique propre d'élaboration, de ratification et de contrôle.
Les options principales retenues sont les suivantes :
1. Une Commission interparlementaire chargée des problématiques régionales est élue par le truchement de chaque Grand Conseil. La Commission interparlementaire peut demander aux Grands Conseils de désigner des délégations cantonales chargées d'une problématique spécifique et
2. des délégations cantonales composent la (ou les) Commission(s) interparlementaire(s). Le nombre de délégués par canton conserve à la Commission interparlementaire une dimension raisonnable tout en tenant compte de l'importance des bassins de population. La clef de répartition est de 3 députés de base auxquels s'ajoute un député par 100 000 habitants.
Estimation 1998 du nombre de représentants dans une Commission interparlementaire
Base
Par 100 000 habitants
Vaud
3
6
Valais
3
2
Neuchâtel
3
2
Genève
3
5
Fribourg
3
2
Jura
3
1
Berne
3
10
TOTAL
21
28
TOTAL GÉNÉRAL 36
(TOTAL AVEC BERNE 49)
3. Un vote à la majorité de l'ensemble des délégués en un seul collège intercantonal.
Une simple délégation est faite à la Commission interparlementaire pour préavis avant la ratification. Cette phase reste donc sous la pleine responsabilité des Grands Conseils.
Une délégation complète est faite à la Commission interparlementaire pour le contrôle de l'institution régionale créée. Les Grands Conseils délèguent ainsi leurs pouvoirs de contrôle à la commission qui devient un véritable contrôle régional. Les Grands Conseils conservent leurs prérogatives au travers du vote des comptes et budgets annuels, des rapports périodiques de la Commission interparlementaire et de la présence des députés délégués en plénum.
Ces deux mesures assurent une gestion efficace de l'institution sans empiéter sur les autonomies cantonales.
4. Une initiative parlementaire est prévue à l'art 5, al. 2, qui permet au Grand Conseil d'introduire la mise en oeuvre d'un concordat. Ce pouvoir nouveau élargit considérablement le potentiel d'une gestion régionale. Le Parlement peut ainsi engager l'Exécutif sur une voie de coordination régionale.
Entre la voie régionale et la voie cantonale pure, un espace supplémentaire est ainsi créé qui, à l'expérience, devra être testé et analysé sur une période de trois à cinq ans.
L'application concrète de ces procédures pourra compléter le contrôle concordataire de la HES.
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil sans débat de préconsultation.
Projet de loi constitutionnelle
(8037)
modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :
Art. 139 (nouvelle teneur)
La juridiction des prud'hommes est compétente dans la mesure et dans les conditions prévues par la loi pour juger :
Art. 140 (nouvelle teneur)
1 La loi fixe le nombre de groupes professionnels représentés dans la juridiction des prud'hommes ainsi que le nombre de juges prud'hommes émanant de chaque groupe professionnel.
2 Les juges prud'hommes sont élus pour une durée de six ans par le Grand Conseil, en nombre égal de prud'hommes employeurs et de prud'hommes salariés pour chaque groupe professionnel. Ils sont immédiatement rééligibles.
3 Pour être élu, un juge prud'homme doit recueillir les deux tiers des voix exprimées. A défaut, les postes non pourvus font l'objet d'une élection par les employeurs et les salariés de chaque groupe professionnel, qui élisent séparément leurs prud'hommes, l'élection se faisant au scrutin de liste à la majorité relative.
4 Les élections sont tacites s'il n'y a pas plus de candidats que de postes à repourvoir.
5 Sont électeurs et éligibles, les employeurs et salariés de nationalité suisse, âgés de 18 ans révolus, exerçant depuis 1 an au moins leur activité professionnelle dans le canton. Sont également éligibles, les employeurs et salariés étrangers ayant exercé depuis 10 ans au moins leur activité professionnelle en Suisse, dont la dernière année au moins dans le canton.
6 La loi règle les modalités d'élection ainsi que les conditions à remplir pour être reconnu employeur ou salarié. Elle fixe également l'organisation des tribunaux de prud'hommes.
Le présent projet de loi complète et modifie le projet de loi constitutionnelle 7998, lequel se bornait à proposer l'abrogation de certaines dispositions constitutionnelles relatives aux conditions d'élection des juges prud'hommes, tout en renvoyant à la loi l'adoption de nouvelles règles en la matière.
Outre l'adaptation devenue nécessaire de la constitution à la nouvelle désignation de la juridiction des prud'hommes telle que retenue dans la nouvelle loi applicable à cette juridiction, l'article 140 tel que proposé vise à conférer au Grand Conseil le soin d'élire les juges prud'hommes en raison de la complexité du système d'élection actuel, des problèmes pratiques qu'il occasionne et du coût qu'il engendre.
Afin d'éviter une « politisation » de cette élection par le Grand Conseil, il est toutefois prévu d'exiger que les candidats recueillent les deux tiers des voix exprimées. A défaut, les postes non pourvus devront faire l'objet d'une élection comme c'est le cas actuellement, c'est-à-dire par les employeurs et les salariés de chaque groupe professionnel, qui élisent séparément leurs juges prud'hommes, l'élection se faisant au scrutin de liste à la majorité relative.
De la sorte, le Grand Conseil procédera aux élections qui ne sont pas disputées, ces dernières étant soumises à l'ensemble des électeurs.
Le projet d'article 140 prévoit en outre d'accorder le droit d'éligibilité aux employeurs et salariés étrangers ayant exercé depuis 6 ans au moins leur activité professionnelle en Suisse, dont la dernière année au moins dans le canton, afin de permettre l'élection de juges prud'hommes salariés dans les secteurs où il n'y a quasiment plus de travailleurs suisses.
Bien entendu les dispositions de la loi sur l'exercice des droits politiques applicables à l'élection de la juridiction des prud'hommes devront être adaptées pour tenir compte de la réforme proposée ci-dessus et un projet de loi distinct est déposé dans ce sens.
En vous priant, pour le surplus, de bien vouloir vous référer à l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle 7998, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi ainsi que celui qui l'accompagne dans le but d'adapter à cette réforme la loi sur l'exercice des droits politiques, recevront tous deux un accueil favorable de votre part.
Projet de loi(8038)modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Dispositions générales et premier tour de scrutin (sous-note du § 6, nouvelle)
Art. 120 Généralité (nouvelle teneur)
1 L'élection des juges prud'hommes a lieu conformément aux articles 50 et 140 à 142 de la constitution genevoise, au cours de la période allant du 1er juillet au 31 décembre.
2 Le titre I de la présente loi s'applique à l'élection des juges prud'hommes, sous réserve des articles 121 à 140.
Art. 121 Eligibilité (nouvelle teneur)
1 Sont éligibles, les employeurs et salariés de nationalité suisse, âgés de 18 ans révolus, exerçant depuis 1 an au moins leur activité professionnelle dans le canton, ainsi que les employeurs et salariés étrangers ayant exercé depuis 10 ans au moins leur activité professionnelle en Suisse, dont la dernière année au moins dans le canton.
2 Sont également éligibles, les citoyens suisses liés par des rapports de droit public dans le canton, ou l'ayant été au cours des 12 mois précédant l'élection, âgés de 18 ans révolus, ainsi que les ressortissants étrangers ayant exercé depuis 10 ans au moins leur activité professionnelle en Suisse, dont la dernière année au moins dans le canton en étant liés par des rapports de travail de droit public.
3 Ne sont pas éligibles, les employeurs ou salariés qui ont subi une condamnation criminelle ou correctionnelle pour des faits portant atteinte à la probité et à l'honneur, sont tombés en faillite ou ont fait l'objet d'un acte de défaut de biens délivré dans des conditions portant atteinte à la probité et à l'honneur.
Art. 122 Mode d'élection (nouvelle teneur)
1 Les groupes professionnels sont composés chacun de 30 à 60 prud'hommes employeurs et d'un nombre égal de prud'hommes salariés.
2 Le nombre de juges à élire dans chaque groupe professionnel est fixé par le Conseil d'Etat, après consultation des organisations professionnelles, au moins 3 mois avant les élections.
3 Les prud'hommes sont élus par le Grand Conseil au scrutin de liste.
4 Au premier tour de scrutin, sont élus les candidats qui ont obtenu les deux tiers des suffrages exprimés. En cas d'égalité de suffrages, le candidat le plus âgé est élu. S'il y a égalité de suffrages entre candidats du même âge, il est procédé à un tirage au sort par les soins d'un scrutateur désigné conformément à la loi portant règlement du Grand Conseil.
5 Les postes non pourvus font l'objet d'une élection complémentaire par les employeurs et les salariés de chaque groupe professionnel, qui élisent séparément leurs prud'hommes, l'élection se faisant au scrutin de liste à la majorité relative.
Art. 123 Liste de candidats (nouvelle teneur)
1 Les organisations professionnelles régulièrement constituées (ci-après organisations professionnelles) qui désirent participer à l'élection, déposent en chancellerie d'Etat leur liste de candidats.
2 Les listes de candidats doivent être signées par 5 employeurs ou salariés éligibles, appartenant au même groupe professionnel, le lundi avant midi 5 semaines au moins avant le jour du scrutin.
3 Les listes de candidats doivent porter le nom d'un candidat au moins et être accompagnées de l'acceptation écrite de chaque candidat.
4 Les listes sont pourvues d'un numéro d'ordre selon la date de leur dépôt.
5 Le candidat qui ne veut pas être maintenu sur une liste doit en informer, par écrit, la chancellerie d'Etat, au plus tard 2 jours après le dépôt des listes de candidats (mercredi à midi). Le mandataire est aussitôt avisé et peut présenter un remplaçant éventuel au plus tard 3 jours après le dépôt des listes de candidats (jeudi à midi).
Art. 124 Bulletins (nouvelle teneur)
Par bulletins, il faut comprendre :
Art. 125 Composition (nouvelle teneur)
Les bulletins peuvent contenir moins de noms qu'il n'y a de personnes à élire ; s'il y en a davantage, les derniers noms ne comptent pas.
Art. 126 Impression (nouvelle teneur)
1 Les bulletins officiels sont imprimés par le département.
2 Les bulletins imprimés par les organisations professionnelles doivent être dans le même format que les bulletins officiels.
3 Ils peuvent porter un signe distinctif.
4 L'utilisation des armoiries publiques est interdite sauf pour le bulletin officiel.
Art. 127 Exercice du droit de vote (nouvelle teneur)
1 Le vote ne peut s'exercer que par l'utilisation d'un bulletin officiel rempli à la main ou d'un bulletin d'une organisation professionnelle, éventuellement modifié par des inscriptions manuscrites.
2 Le bulletin doit contenir le nom d'un candidat au moins.
Art. 128 Dépouillement (nouvelle teneur)
Le dépouillement s'opère par les scrutateurs désignés conformément à la loi portant règlement du Grand Conseil.
Art. 129 Publication des résultats (nouvelle teneur)
Second tour de scrutin (sous-note du § 6, nouvelle)
Art. 130 Second tour de scrutin (nouvelle teneur)
1 Le Conseil d'Etat fixe la date du second tour de scrutin 8 semaines au moins avant le dernier jour du scrutin.
2 Dans ce second tour de scrutin, seules peuvent déposer une liste de candidats, conformément à l'article 123, les organisations professionnelles qui ont participé au premier tour.
3 Les élections sont tacites si le nombre de candidats est égal au nombre de postes à pourvoir.
4 La chancellerie d'Etat fait procéder à l'affichage de la convocation des électeurs sur les panneaux officiels et à sa publication dans la Feuille d'avis officielle 4 semaines avant le scrutin.
Art. 131 Qualité d'électeur (nouvelle teneur)
1 Sont électeurs, les employeurs et salariés de nationalité suisse, âgés de 18 ans révolus, domiciliés dans le canton et jouissant de leurs droits politiques qui sont liés par un contrat de travail ou l'ont été au cours des 12 mois précédant l'élection.
2 Sont également électeurs les citoyens suisses liés par des rapports de travail de droit public, ou l'ayant été au cours des 12 mois précédant l'élection, âgés de 18 ans révolus, domiciliés dans le canton et jouissant de leurs droits politiques.
3 Ceux qui engagent une entreprise ou une société par leur signature, individuellement ou collectivement, tels que directeurs, sous-directeurs, gérants ou fondés de pouvoir inscrits au registre du commerce, ainsi que ceux qui emploient du personnel de maison sans exercer une profession, sont aussi électeurs en qualité d'employeurs, conformément à l'alinéa 1.
Art. 132 Rôle des électeurs (nouvelle teneur)
1 L'office cantonal de la population tient à jour un rôle des électeurs pour chaque groupe professionnel.
2 Les électeurs peuvent adresser leurs réclamations concernant leur appartenance à un groupe à l'office cantonal de la population.
3 L'office cantonal de la population peut faire appel aux organisations professionnelles pour examiner les réclamations concernant l'appartenance des électeurs aux divers groupes professionnels.
Art. 133 Exercice du droit de vote (nouvelle teneur)
1 Le second tour de scrutin a lieu exclusivement par correspondance, sous réserve de l'article 135.
2 Le vote ne peut s'exercer que par l'utilisation d'un bulletin officiel rempli à la main ou d'un bulletin d'une organisation professionnelle, éventuellement modifié par des inscriptions manuscrites.
3 Le bulletin doit contenir le nom d'un candidat au moins.
Art. 134 Expédition (nouvelle teneur)
L'Etat fait parvenir à chaque électeur, 10 jours avant le jour officiel du scrutin :
Art. 135 Nouveau matériel de vote (nouvelle teneur)
1 Les électeurs qui n'ont pas reçu leur matériel de vote ou qui n'étaient pas inscrits au rôle avant l'expédition du matériel et qui ont obtenu leur inscription conformément à l'article 132, peuvent obtenir un nouveau matériel auprès de l'office jusqu'à la clôture du scrutin.
2 Ces électeurs peuvent déposer leur vote dans l'urne de l'office ou voter par correspondance.
Art. 136 Clôture du scrutin (nouvelle teneur)
Art. 137 Dépouillement (nouvelle teneur)
1 Les opérations de dépouillement sont placées sous la responsabilité et le contrôle du service des votations et élections.
2 Le service nomme, sur proposition des organisations professionnelles, 5 délégués par élection pour former les bureaux de dépouillement.
3 Le dépouillement à lieu le lendemain de la clôture du scrutin dans les locaux fixés par le service.
4 Un procès-verbal des opérations de dépouillement est établi et doit être signé par les membres des bureaux de dépouillement.
Art. 138 Publication des résultats (nouvelle teneur)
Le Conseil d'Etat publie dans la Feuille d'avis officielle les résultats de l'élection.
Election complémentaire en cours de législatureet fin de la fonction de prud'hommes (sous-note du § 6, nouvelle)
Art. 139 Election complémentaire en cours de législature (nouvelle teneur)
1 Lorsque, dans un groupe professionnel, le nombre de juges s'avère insuffisant, en raison soit de nombreux sièges vacants, soit d'une augmentation importante du nombre de litiges, le président ou le vice-président du groupe concerné en informe le Conseil d'Etat, lequel décide cas échéant, après consultation des organisations professionnelles, de procéder à un scrutin complémentaire.
2 Cette élection complémentaire a lieu selon la procédure appliquée au premier tour de scrutin.
Art. 140 Fin de la fonction de prud'hommes (nouvelle teneur)
1 La fonction de prud'hommes prend fin sous réserve de l'âge limite fixé par la loi sur l'organisation judiciaire :
2 Tout prud'homme qui tombe sous le coup des dispositions de l'alinéa 1 est tenu d'en aviser immédiatement le Département de justice et police et des transports.
3 Le greffier des tribunaux de prud'hommes signale d'office et sans délai au Département de justice et police et des transports, les cas de fin de fonction dont il a connaissance.
4 Ce département informe aussitôt l'intéressé que sa fonction prend fin immédiatement.
Art. 141 à 148 (abrogés)
Article 2
La présente loi entre en vigueur en même temps que la modification constitutionnelle issue du projet de loi 7998.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La Commission judiciaire du Grand Conseil traite actuellement le projet de loi 7998, tendant à modifier la constitution genevoise aux fins de permettre à ce que des employeurs et des salariés étrangers puissent aussi être élus juges prud'hommes. En effet, si l'on veut permettre à la juridiction de perdurer en respectant le principe d'une représentativité conforme de toutes les professions, il y a lieu d'élargir le cercle des personnes éligibles.
Le présent projet de loi vise de plus à adapter la loi sur l'exercice des droits politiques aux modifications constitutionnelles relatives à la juridiction des prud'hommes faisant l'objet du projet de loi 8037.
Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à ce projet de loi.
Ces projets sont renvoyés à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Art. 24 al. 4 (nouvelle teneur) al. 5 (nouveau, l'al. 5 ancien devenant l'al. 6)
4 Pour les élections cantonales et les élections des Conseils administratifs communaux, chaque candidat doit indiquer par écrit, outre son acceptation prévue par l'alinéa 2 de la présente disposition :
5 Pour l'élection du Conseil d'Etat et pour celle du Conseil administratif de la Ville de Genève, le candidat doit indiquer s'il a des dettes (y compris les dettes fiscales) ou s'il fait l'objet d'une procédure pénale, civile ou administrative.
Art. 52 Votations fédérales (nouvelle teneur)
L'Etat expédie à tous les électeurs, 2 semaines au moins - mais 3 semaines au plus - avant l'ouverture officielle du scrutin, les bulletins de vote, les textes soumis à la votation et les explications y relatives, conformément aux dispositions de la loi fédérale sur les droits politiques.
Art. 53 Votations cantonales et communales (nouvelle teneur)
L'Etat pour les votations cantonales, les communes pour les votations communales, expédient à tous les électeurs, 2 semaines au moins - mais 3 semaines au plus - avant l'ouverture du scrutin :
Art. 54 Election du Conseil national, du Conseil des Etats, du Grand Conseil, des Conseil municipaux, du Conseil d'Etat et des Conseils administratifs (nouvelle teneur)
1 L'Etat expédie à tous les électeurs, 2 semaines au moins - mais 3 semaines au plus - avant l'ouverture officielle du scrutin, les bulletins électoraux pour l'élection du Conseil national et celle du Conseil des Etats avec les notices explicatives relatives à ces élections.
2 L'Etat pour l'élection du Grand Conseil et du Conseil d'Etat et les communes pour l'élection des Conseils municipaux et des Conseils administratifs, expédient à tous les électeurs, 2 semaines au moins - mais 3 semaines au plus - avant l'ouverture officielle du scrutin, les bulletins électoraux et une notice explicative sur les élections.
3 Pour l'élection au Grand Conseil, au Conseil d'Etat et aux Conseils administratifs, les liens d'intérêts décrits à l'article 24, alinéa 4, sont publiés à 2 reprises dans la Feuille d'avis officielle, la dernière fois au plus tard 3 semaines avant les élections.
Art. 116, al. 1 Conditions (nouvelle teneur)
1 Les candidats qui se présentent pour la première fois à l'une des fonctions proposées doivent justifier qu'ils remplissent les conditions prévues par la loi sur l'organisation judiciaire. Ils doivent indiquer leurs dettes (y compris les dettes fiscales) ou s'ils font l'objet d'une procédure pénale, civile ou administrative. Ils doivent en outre remettre :
Article 2 Modification à une autre loi
La loi sur l'administration de communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit :
Art. 47, al.1 Ville de Genève (nouvelle teneur)
1 Les conseillers administratifs de la Ville de Genève sont soumis aux incompatibilités prévues à l'article 155 de la constitution. La loi sur l'incompatibilité de fonctions des conseillers d'Etat, du 12 janvier 1963, leur est applicable par analogie.
A la suite des affaires de l'ancien conseiller d'Etat Philippe Joye, l'Alliance de Gauche avait déposé un projet de loi 7583 visant à modifier la loi sur les droits politiques dans le but d'instaurer l'obligation aux futurs conseillers d'Etat de déclarer avec précision les fonctions qu'ils exercent afin de s'assurer que les règles sur l'incompatibilité de fonctions soient respectées, ce qui amena une modification dans ce sens de la loi sur l'incompatibilité de fonctions des conseillers d'Etat.
Le projet de loi 7583 demandait également que les futurs conseillers d'Etat déclarent s'ils ont des dettes ou s'ils font l'objet de procédures judiciaires.
Ces dispositions, dont nous demandions dans l'exposé des motifs de notre projet de loi qu'elles soient étendues aux conseillers administratifs de la Ville de Genève, n'ont toutefois pas été reprises dans la loi adoptée (dans la précipitation) par le Grand Conseil à la fin de la dernière législature.
De récents événements ont néanmoins démontré qu'elles se justifiaient, ce qui est l'objet du présent projet de loi qui propose qu'elles soient également applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire, moyennant une modification de l'article 46 de la loi sur l'exercice des droits politiques.
Nous reproduisons ci-dessous la fin de l'exposé des motifs du projet de loi 7585 qui indique les raisons qui nous ont amené et nous amènent à nouveau à proposer de légiférer dans le sens exposé ci-dessus.
« Des renseignements complémentaires doivent en outre être communiqués sur l'état des dettes des conseillers d'Etat au moment de leur élection, le cas échéant en cours de mandat, et sur l'existence d'éventuelles procédures pénales, civiles ou administratives. A ce sujet, nous tenons à préciser qu'il n'y a, en principe, aucun déshonneur d'avoir des dettes et relevons que, lors d'une récente campagne électorale à l'occasion d'une élection complémentaire au Conseil d'Etat, un candidat avait accepté de fournir des explications complètes sur l'état de ses dettes et leur origine.
On doit bien admettre à ce sujet que la connaissance des dettes d'un magistrat peut présenter un intérêt public, car celles-ci pourraient entraîner des liens de dépendances inappropriés, voire avoir des suites pénales. Il n'est pas inutile de rappeler à ce sujet que les candidats aux élections du pouvoir judiciaire doivent produire une attestation de l'office des poursuites (art. 60 de la loi d'organisation judiciaire), indication qui, au demeurant, ne permet pas de connaître l'état d'endettement réel de la personne concernée. Il est donc légitime qu'un conseiller d'Etat donne des indications sur l'état de ses dettes, surtout si elles n'ont pas été totalement réglées, contrairement à ce que certains indices pourraient laisser croire, et M. Joye qui s'est beaucoup exprimé ces derniers temps, tout en refusant de s'expliquer publiquement au sujet de ses dettes, malgré leur caractère délicat, doit donner des explications complètes, indépendamment de l'obligation que le présent projet de loi propose d'instituer.
Enfin, vu les difficultés que le Conseil d'Etat peut éprouver pour garantir le respect des règles relatives aux incompatibilités de fonctions vis-à-vis de collègues ou d'amis politiques, il semble légitime de confier cette tâche à une autre autorité, en l'occurrence le Grand Conseil, qui est chargé de contrôler de manière générale l'activité du Conseil d'Etat. C'est pourquoi nous proposons de confier cette tâche, comme celle relative aux juges (dont le régime des incompatibilités est en cours de discussion à la commission législative), à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, déjà chargée de veiller au respect des règles relatives aux incompatibilités de fonctions des députés, d'où notre proposition de compléter l'alinéa 3 de l'article 224 à cet effet. A noter qu'il conviendra également de légiférer pour le contrôle des incompatibilitéss de fonctions des membres du Conseil administratif de la Ville de Genève après avoir consulté cette dernière à cet effet. »
Enfin, nous profitons de l'occasion pour proposer de ramener à 15 jours la durée pendant laquelle l'électeur peut voter, ce qui s'est révélé parfaitement suffisant pour l'élection du Conseil d'Etat et permet d'éviter que la possibilité de voter ne s'étende de manière excessive.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un bon accueil au présent projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil sans débat de préconsultation.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit extraordinaire d'investissement
1 Un crédit extraordinaire de 4 450 000 F est ouvert au Conseil d'Etat pour l'acquisition des immeubles constituant les parcelles 5521, 5522 feuille 7, et 4059 fe 9, du cadastre de la commune d'Anières (non compris les travaux d'aménagement), actuellement propriété de l'Union Mondiale ORT, dont la surface totale est de 62'764 m2.
2 Il se décompose de la manière suivante :
Art. 2 Budget d'investissement
Ce crédit extraordinaire ne figure pas au budget d'investissement 1999. Il est comptabilisé en une tranche unique au compte d'investissement en 1999, sous la rubrique 540.400.503.06.
Art. 3 Financement
Le financement de ce crédit extraordinaire est intégralement assuré par une subvention fédérale.
Art. 4 Subvention de la Confédération
1 La subvention fédérale est comptabilisée sous la rubrique 54.04.00.660.06 et se décompose comme suit :
2 Cette subvention est remboursable à la Confédération dans une juste proportion si ces bâtiments sont détournés de leur nouveau but ou aliénés avant l'échéance de la durée d'affectation de 30 ans, conformément aux articles 27 et 31 de l'ordonnance fédérale 2 sur l'asile relative au financement, du 22 mai 1991.
Art. 5 Amortissement
En raison du subventionnement de la totalité des acquisitions par la Confédération, cet investissement ne donne pas lieu à amortissement.
Art. 6 Inscription au patrimoine administratif
Ces actifs sont inscrits dans le bilan de l'Etat de Genève au patrimoine administratif.
Art. 7 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Historique
Jusqu'au début des années 80, l'Union Mondiale ORT exploitait ses bâtiments à Anières comme école technique pour la formation de jeunes provenant du monde entier.
En 1984, suite à la baisse du nombre d'étudiants, les responsables de l'ORT approchaient l'Association genevoise des centres d'accueil pour candidats à l'asile (ci-après AGECAS) qui était à la recherche de lieux pour loger des requérants d'asile.
En 1985, un accord entre les deux parties débouchait sur un contrat de bail permettant de loger 170 personnes dans les deux bâtiments de la propriété. La population de la commune était dûment informée et l'inauguration officielle avait lieu durant l'été en présence des autorités cantonales.
L'ORT a fonctionné comme foyer de requérants d'asile de 1985 à août 1990, date à laquelle les propriétaires ont voulu récupérer les locaux pour les destiner à un nouveau projet de centre de formation.
Durant les 5 années d'exploitation par l'AGECAS, la présence de réfugiés sur la commune n'a pas provoqué d'incidents particuliers. Les contacts réguliers entre autorités communales, scolaires, le voisinage et les représentants de l'AGECAS ont permis d'assurer le fonctionnement de l'ensemble en bonne harmonie.
Après une courte expérience comme centre de formation au début des années 90, les bâtiments de l'ORT sont restés inutilisés jusqu'à ce jour.
2 Situation dans l'accueil de requérants d'asile
Depuis l'été 1998, l'AGECAS a été confrontée à des besoins importants de logements de requérants d'asile. Les quelque 900 lits à sa disposition n'ont plus été suffisants pour héberger tous les nouveaux arrivants. Si jusqu'en juin dernier, le nombre de requérants attribués au canton de Genève se chiffrait à une centaine par mois, depuis l'été il a très vite progressé à 150, 200 et même 300 par mois.
Quelque 350 places supplémentaires ont pu être louées dans des bâtiments; cependant, face à l'afflux des réfugiés, notamment à cause des événements dans les Balkans, l'AGECAS a été obligée d'utiliser des abris de la protection civile.
A fin avril 1999, plus de 400 lits étaient déjà occupés dans de tels abris, suite à la mise à disposition de 8 centres en l'espace de 6 mois.
La guerre au Kosovo et le flot de réfugiés auquel on peut s'attendre laissent supposer que ce mouvement n'est pas prêt de tarir. Des besoins de logements se font ainsi particulièrement sentir, non seulement pour l'AGECAS (en charge du premier accueil pendant les 12 premiers mois), mais également pour l'Hospice Général (responsable du 2e accueil après les 12 mois).
3 Acquisition
L'Office fédéral des réfugiés (ODR) s'étant déclaré favorable à une négociation en vue de l'achat de ces immeubles, les représentants du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et de l'AGECAS ont engagé les pourparlers avec les représentants de l'ORT en automne 1998. Les négociations ont abouti en mars 1999, ce qui a amené notre Conseil à se prononcer en faveur de l'acquisition de ces immeubles, selon un schéma juridique et financier analogue à celui qui a présidé au rachat par l'Etat de Genève de l'immeuble anciennement propriété de la Fondation des Tattes à Vernier (PL 7578).
Sur la base d'une expertise immobilière effectuée en automne 1998, acceptée par les parties, la valeur de ce bien-fonds s'élève à 4'450'000 F (terrain et bâtiments).
Le coût des travaux d'aménagement des locaux, qui devrait permettre de porter à 300 lits la capacité d'hébergement de ce foyer, est estimé à environ 7'500'000 F, à charge de la Confédération.
L'intégralité du financement de cette opération est assuré par la Confédération comme cela a été le cas pour le centre des Tattes à Vernier.
En vertu de l'accord trouvé avec la Confédération, cette dernière fournit au canton les subventions nécessaires à l'acquisition et à la transformation des bâtiments. Le canton en devient propriétaire et, en contrepartie, l'ODR peut y loger des requérants d'asile pour 30 ans, sans verser de loyer.
Il faut souligner et remercier la compréhension manifestée par les autorités de la commune d'Anières, qui ont préavisé favorablement la réouverture de ce centre d'hébergement.
Enfin, notre Conseil ajoute que ce nouveau lieu d'hébergement collectif permettra désormais d'assurer aux requérants d'asile des conditions de logement tout à fait décentes, un accueil permanent et une gestion de l'asile efficace et à moindre coût dans notre canton.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.
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Ce projet est renvoyé à la commission des travaux sans débat de préconsultation.
La séance est levée à 16 h 45.