République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7754
6. Projet de loi de Mmes et MM. Esther Alder, Charles Beer, Fabienne Blanc-Kühn, Dolorès Loly Bolay, Pierre-Alain Champod, Christian Ferrazino, David Hiler, Chaïm Nissim et Rémy Pagani abrogeant la loi instituant des mesures temporaires destinées à favoriser l'accession à la propriété du logement et la relance de l'économie dans le secteur immobilier (I 4 57). ( )PL7754

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi instituant des mesures temporaires destinées à favoriser l'accession à la propriété du logement et la relance de l'économie dans le secteur immobilier, du 27 juin 1997, est abrogée.

Art. 2

La présente loi entre en vigueur le ... (à préciser).

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'exonération des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier est un cadeau fiscal injustifiable à l'égard d'une petite couche de la population privilégiée par rapport aux difficultés dans lesquelles se débat la majorité de nos concitoyens. La loi aggrave également le déficit de l'Etat en le privant de ressources.

Le but visé de relance de l'économie immobilière, que tous partagent, n'est de surcroît pas atteint par cette législation, dans la mesure notamment où elle s'applique à des objets anciens.

L'exonération complète des droits à concurrence des premiers 400 000 F du prix n'est valable que jusqu'au 31 mars 1998, mais il n'y a pas de raison, même pour une période limitée, de laisser perdurer ce système qui n'a d'ailleur pas eu l'impact souhaité dans le domaine de la construction.

Dès le 1er avril 1998, la loi prévoit des délais de paiements d'impôts et la perte fiscale pour l'Etat de Genève est certes moindre, mais elle n'est néanmoins pas négligeable par le jeu de l'inflation et des intérêts. De surcroît, les contribuables en difficulté dans le paiement de leurs impôts n'ont, quant à eux, pas la faculté que leur offre la loi du 27 juin 1997, de sorte que cette inégalité fiscale doit être éliminée.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons de réserver bon accueil au présent projet de loi.

Préconsultation

M. Pierre Ducrest (L). Ce projet de loi m'a surpris. Bien que bref, il dit bien ce qu'il veut dire !

Ce canton compte 13,8% de propriétaires, c'est-à-dire le même pourcentage qu'il y a dix ans. Or, nos adversaires politiques ont toujours dit ne pas être contre l'accession à la propriété. Il m'est difficile de les croire, vu la stagnation en ce domaine. Dans ce canton, l'économie de la construction, au sens large du terme, est en plein marasme. Elle connaît d'énormes difficultés. Il y a du chômage, des entreprises qui ferment et un non-sens politique total en matière de relance.

Nos adversaires politiques ont toujours dit qu'ils étaient contre le chômage, pour la relance de l'économie, etc.

Voilà six mois, le conseiller d'Etat Claude Haegi présentait un excellent projet conçu pour donner momentanément un coup de pouce - très ciblé ! - à des personnes désireuses d'accéder à la propriété : celles-ci étaient dispensées de la quote-part due aux écritures et droits de mutation.

Ce geste temporaire ne s'adressait pas à des gens fortunés. Les appartements ne devaient pas excéder un certain coût et une sorte de crescendo modulait les diminutions d'aide aux futurs propriétaires.

Le présent projet est revanchard. La gauche profite de sa majorité pour abroger une très bonne loi, aux effets limités dans le temps.

Mesdames et Messieurs, vous aurez l'occasion d'abroger beaucoup de lois, récentes ou plus anciennes. Continuez sur cette lancée, l'économie se portera de mieux en mieux et il y aura moins de chômeurs ! Je vous souhaite bien du plaisir !

M. Daniel Ducommun (R). Ce projet de loi nous gêne sur la forme. Il n'est pas dans nos principes de jouer au yo-yo avec les lois. Nous en avons un exemple avec la loi sur les bénéfices et gains immobiliers.

Si tous les quatre ans, au gré des changements de majorité, les lois sont revotées dans un sens opposé, plus personne ne s'y retrouvera. Voilà pour la forme ou plutôt pour la «déforme» !

Je ne voudrais pas fâcher M. Ducrest, mais, sur le fond, le parti radical ne se battra pas trop pour conserver cette prestation, bien que nous regrettions qu'une loi, favorisant la relance de l'économie dans le secteur immobilier, soit balayée.

Rappelons-nous le débat de juin en plénière ! L'acceptation de l'amendement du rapporteur de minorité - consistant en l'exonération des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier pour une courte période - vidait quasiment le projet de toute sa substance.

De plus, les conditions d'octroi étant sévères et rigides, il aurait été rare de trouver une personne répondant au profil du privilégié, et l'action dynamique sur la relance dans le secteur immobilier en aurait été d'autant plus limitée. Le but visé n'aurait pas forcément été atteint.

Dès lors, il me semble cohérent de faire transiter ce projet par la commission des finances pour en préciser les conséquences.

M. Christian Ferrazino (AdG). C'est avec intérêt, Monsieur Ducommun, que je vous ai entendu dire que ce projet ne servait à rien, vu la difficulté de trouver quelqu'un qui réponde au profil fixé. Vous n'aurez donc pas de difficulté à nous suivre dans notre volonté d'abroger ce projet de loi.

Contrairement à vous, nous pensons que cette loi peut être appliquée et qu'elle l'est. Nous nous souvenons du chiffre articulé par le Conseil d'Etat, lors du débat en plénière. Il était - faut-il vous le rappeler ? - de 7 millions de recettes, que le Conseil d'Etat se refusait d'engranger.

Vu la situation des finances publiques, nous étions fort étonnés que le Conseil d'Etat puisse proposer un tel projet. Nous en avions relevé le caractère provocateur, parce que, quelques mois auparavant, l'ex-majorité de ce Grand Conseil avait réduit de 3 millions le budget de l'allocation-logement projeté par le chef du département. Ce dernier nous avait même dit que cette enveloppe, déjà difficile à gérer, le serait davantage pour lui ou pour son successeur, parce que trop réduite par rapport aux demandes croissantes.

D'un côté, nous avions une diminution de l'allocation-logement destinée à ceux qui avaient le plus besoin d'une aide publique et, de l'autre, une proposition incongrue qui consistait à aider des gens jouissant d'une situation somme toute confortable et bien différente de celle des allocataires «logement».

En anticipation du débat que nous aurons sur le budget le 19 décembre prochain, nous avons le souci de mettre un terme à ces cadeaux fiscaux qui n'ont aucune raison d'être dans la situation difficile que traverse notre République. Nous ne pouvons accepter que des recettes de plusieurs millions ne puissent pas être engrangées dans les caisses publiques du fait d'un projet qui exempte des acquéreurs de logements des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier.

Il n'est pas dans nos habitudes d'imiter les mauvaises manières de certains durant la précédente législature, mais, à titre exceptionnel et compte tenu du débat budgétaire du 19 décembre, je demande de voter l'abrogation de cette loi en discussion immédiate.

M. Ducommun a fourni un argument qui lui permettra de nous rejoindre. Nous avons déjà tenu un long débat sur la question, voici quelques mois. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de le refaire en commission, les choix ayant été exprimés.

Aujourd'hui, nous voulons éviter que ces recettes aillent ailleurs que dans les caisses de l'Etat, et c'est pourquoi nous réitérons notre demande de discussion immédiate.

M. Ducommun étant passé sur ce détail comme chat sur braise, je rappelle que l'exemption des droits d'enregistrement et des émoluments prend fin au 31 mars 1998. Si vous renvoyiez le projet en commission et que nous nous grattions la tête pendant deux mois pour savoir s'il y a lieu de l'abroger ou pas, il ne pourra qu'être retiré une fois revenu devant ce Grand Conseil, car il n'aura plus d'objet.

Monsieur Ducommun, je sais que vous êtes cohérent avec vous-même. Vous devez donc appuyer notre demande de discussion immédiate, afin que ce projet ait un sens.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je comprends la tentation de présenter le projet d'abrogation d'une loi combattue par la minorité d'hier devenue la majorité d'aujourd'hui.

Cela dit, est-ce bien raisonnable de refuser toute chance à un projet dont le but est de contribuer à la relance économique ?

On peut apprécier diversement les chiffres. Je n'ai jamais admis celui de 7 millions; j'ai dit qu'il avait une connotation comptable, alors que je suggérais une réflexion économique. C'est différent !

Il est évident qu'à partir du moment où l'on arrive, pour autant qu'on y parvienne, à donner une impulsion dans ce domaine, il ne saurait être contesté, à droite comme à gauche, qu'une contribution au titre de la consommation est positive, surtout quand elle est faite dans des conditions pouvant être rejugées comme favorables.

Il n'a jamais été question d'aider des gens fortunés, bien que l'on puisse en discuter le terme, car vous-mêmes, hier, avez fait allusion à d'autres changements à faire, dans le domaine du logement, pour dispenser l'aide à un cercle plus restreint.

Dès lors que cette loi doit prendre fin au mois de mars, serait-il déraisonnable, Monsieur le député, qu'elle aille jusqu'à son terme ?

Vous savez que je partage partiellement votre avis en ce qui concerne l'allocation-logement. Vous m'avez même reproché de ne m'être pas suffisamment battu contre sa diminution, alors qu'il vous aurait suffi de vous mettre à ma place, ne serait-ce qu'un instant, pour comprendre qu'il m'était difficile de mener un véritable combat. J'ai dit que c'était une erreur de toucher à l'allocation-logement, bien que, dans un contexte général, les «victimes» n'étaient pas les plus défavorisées. Disposant des «meilleurs moyens financiers», elles se trouvaient, en quelque sorte, à la limite de ce droit à l'allocation.

Vouloir comparer les deux choses me paraît hasardeux. Lors du débat, M. Moutinot avait introduit l'idée d'échelonner le versement des droits d'enregistrement, passé le mois de mars, mais était-il raisonnable de l'échelonner sur huit ans ? Sincèrement, je réponds négativement. Cette suggestion m'avait étonné, mais je sais qu'en cours de discussion des pulsions se libèrent.

En revanche, j'insiste ici, et j'insisterai dès lundi en tant qu'un de vos collègues, sur le mode de paiement des droits d'enregistrement. Leur échelonnement est souhaitable pour des petits budgets comportant l'acquisition d'appartements d'un niveau moyen. Sortir des fonds propres, à hauteur de 80 000 ou 90 000 F, et y ajouter 20 000 F de droits d'enregistrement, influencent grandement un budget familial.

C'est pourquoi il me semble intéressant, Monsieur Ferrazino, d'aller en commission pour examiner ce rééchelonnement. D'ores et déjà, je vous dis soutenir l'idée d'une versement échelonné sur quatre ans, au lieu de huit. De toute façon, la loi ne sera plus valide, passé mars, et nous pourrons nous rapprocher de quelques pas.

Vous avez laissé entendre que cette loi n'avait pas de résultats spectaculaires. Alors pourquoi l'abroger ? D'ailleurs, c'est faux ! Elle a suscité de nombreux espoirs chez ceux qui désiraient devenir propriétaires.

Mesdames et Messieurs les députés, notamment de la nouvelle majorité, évitez de déstabiliser et d'inquiéter ceux qui s'apprêtent à apporter leur contribution à la relance économique dans ce canton. Bien que modeste, cette contribution est loin d'être négligeable.

C'est pourquoi il me paraît raisonnable de garder la loi telle quelle jusqu'à fin mars. Par contre, nous pourrions parvenir à un consensus en diminuant la durée de l'échelonnement. Ainsi préserverions-nous l'essentiel, à savoir le climat de confiance indispensable à tout investissement.

Voilà ce que je me permets de vous suggérer dans le cadre de ce débat. Que vous reveniez sur le sujet ne m'offusque pas, mais je vous suggère de ne pas le faire brutalement, en évinçant toute réflexion.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Haegi a eu le mérite de rappeler que, suite au dépôt, par le Conseil d'Etat, du projet de loi qui tendait uniquement à exempter les acquéreurs des droits d'enregistrement, M. Moutinot, sauf erreur, avait formulé une contre-proposition en cours de discussion. Elle consistait à ne pas priver l'Etat de ces droits, mais d'en échelonner le paiement dans le temps pour aider les personnes qui auraient des difficultés à les payer, au moment de l'acquisition de leur logement.

Comme vous l'avez dit, on ne fait pas toujours des propositions raisonnables quand on négocie. Aujourd'hui, vous reconnaissez qu'une durée de huit ans est excessive. Néanmoins, vous oubliez de dire que la proposition formulée était une contre-proposition à la vôtre. Résultat des courses : il y a eu la proposition de M. Haegi de supprimer totalement les droits d'enregistrement jusqu'au 31 mars 1998, puis la contre-proposition entrant en vigueur au 1er avril 1998. Ce n'est pas une farce, c'est la date que nous avons retenue !

Monsieur Haegi, nous ne sommes pas complètement obtus. Nous sommes prêts à suivre votre raisonnement pour autant qu'il soit logique.

Par conséquent, je demande, ce soir, l'abrogation de cette loi et, dès lundi, Monsieur Haegi, nous pourrions nous rencontrer pour élaborer un projet de loi commun proposant un échelonnement, sur quatre ans, des droits d'enregistrement. Je suis d'accord avec vous sur ce point. L'Etat n'y perdra rien et l'acquéreur pourra payer sa dette. Cependant, nous devrons veiller à ce que ce soit bien l'acquéreur qui paie ces droits d'enregistrement pour que l'Etat puisse se couvrir en cas d'insolvabilité : le bien immobilier de l'acquéreur pourrait servir de garantie.

Par contre, si le vendeur prenait à sa charge l'obligation de payer les droits d'enregistrement - des gens plus habiles et plus rusés que d'autres évoluant dans le milieu immobilier - l'Etat ne pourrait pas se retourner contre lui si jamais il devenait insolvable.

Suite à l'intervention de M. Haegi, soyons unanimes à voter, ce soir, l'abrogation de la loi et prenons l'engagement de déposer, dès la semaine prochaine, un nouveau projet de loi avec vous, Monsieur Haegi, afin d'échelonner sur quatre ans la possibilité de payer les droits d'enregistrement, pour autant que l'acquéreur s'engage à les acquitter lui-même.

M. Olivier Vaucher (L). Après avoir entendu mes préopinants, il me semble indispensable de procéder au renvoi du projet en commission du logement, renvoi amplement justifié par les pistes ouvertes tant par M. Ferrazino que par M. le conseiller d'Etat Haegi. Les membres de la commission pourront ainsi approfondir leur étude.

Comme la loi viendra à son terme à fin mars, il me paraît stupide d'y mettre fin avant l'échéance de son temps d'essai.

C'est pourquoi notre groupe vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je désire répondre à M. Ferrazino qui a déclaré, avec malice, que j'avais vraiment tout obtenu et même plus en commission !

Je tiens à être aussi précis que vous, Monsieur Ferrazino. En commission, je souhaitais que ces droits d'enregistrement soient levés pour une période plus longue que celle qui a été fixée. Cela n'a pas été le cas, d'où la contre-proposition d'échelonnement.

Sans doute cela vous a-t-il échappé pendant une seconde, mais je vois, maintenant, que vous vous en souvenez.

Allons-nous jouer de la technique parlementaire pour que la décision ne soit pas prise ce soir ? Vous savez que nous pouvons faire en sorte que ce soit le cas.

Peut-être n'est-il pas nécessaire de retourner en commission si nous pouvons nous rencontrer dès lundi. Par conséquent, vous ne pouvez rien décider ce soir...

Une voix. Pourquoi ?

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Parce que le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat, c'est évident ! Vous ne déciderez de rien ce soir, et c'est volontiers, Monsieur Ferrazino, que nous pourrons procéder à un ajustement de la loi dès la semaine prochaine.

Mesdames et Messieurs les députés, cessez de penser que ce projet de loi coûte le montant qui vous a été indiqué. Ce chiffre n'a jamais pu être vérifié. C'est une évaluation comptable qui ne tient pas compte des différentes composantes économiques. Introduire celles-ci est bien plus subtil que calculer au premier niveau !

Quoi qu'il en soit, les interventions précédentes démontrent que nous trouverons un consensus pour atteindre les objectifs recherchés.

M. Christian Ferrazino (AdG). Il faut toujours être très attentifs avec M. Haegi. Il dit que le troisième débat ne sera pas demandé ce soir. Il compte sur ce moyen pour différer les conséquences de la décision souhaitée par un grand nombre d'entre nous.

Je vous suggère, Monsieur Haegi, une disposition dans le fil de votre raisonnement. Puisque vous souhaitez conserver les délais en les ramenant à quatre ans et êtes d'accord de supprimer la gratuité totale, je vais déposer un amendement abrogeant uniquement le chapitre III de la loi du 27 juin 1997, à savoir les articles 6 et 7...

M. Bernard Annen. Que disent ces articles ?

M. Christian Ferrazino. Ces articles prévoient l'exonération des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier jusqu'au 31 mars 1998. Par contre, Monsieur Annen, nous maintenons le chapitre IV qui prévoit l'échelonnement de ces droits et amendons les articles 8 et 9 pour remplacer les huit ans par quatre ans.

Avec cette proposition, nous réglons le problème, à savoir que nous abrogeons la gratuité totale, avec effet dès ce soir, mais que nous maintenons ad aeternam, puisqu'il n'y a pas de limite dans le temps, l'échelonnement en ramenant sa durée à quatre ans.

Mon premier amendement consiste à supprimer les articles 6 et 7...

Le président. Aucun député, dans cette salle, n'a la loi dont vous parlez sous les yeux et la loi dont nous débattons ne comporte aucun des articles que vous citez. Vous êtes en train de faire un travail qui doit être effectué en commission. Il me semble difficile de parler d'un projet de loi qu'aucun député n'a sous les yeux.

M. Christian Ferrazino. J'ai essayé de limiter mon temps d'intervention et fait un pas dans la direction de M. Haegi. Dès lors, je demande simplement qu'on vote ce projet de loi en discussion immédiate et si le troisième débat est refusé par le Conseil d'Etat ou le Bureau unanime, il aura lieu le 18 décembre, puisqu'il sera forcément reporté à la prochaine séance.

M. Bernard Annen (L). La demande de renvoi en commission a été souhaitée au préalable. Par conséquent, Monsieur le président, vous devez la faire voter.

Le président. Non, Monsieur le député. Le renvoi en commission va de soi en débat de préconsultation. Par contre, si la discussion immédiate est demandée, il m'appartient de la mettre aux voix. Je la mets donc aux voix... Monsieur le député Unger ? Je vous donne la parole en vous priant de vous exprimer uniquement sur la discussion immédiate.

M. Pierre-François Unger (PDC). Je suis le premier à m'exprimer, alors que dans un débat de préconsultation, comme vous l'avez signalé, une personne par groupe dispose d'un temps de parole n'excédant pas cinq minutes. M. Ferrazino a pris trois fois la parole, deux libéraux l'ont prise aussi. Manifestement, la procédure de notre Grand Conseil n'est pas respectée.

Le président. Vous avez raison, Monsieur le député !

M. John Dupraz. On s'en fout !

M. Pierre-François Unger. On ne s'en fout pas, mais on change le règlement, Monsieur Dupraz !

Au cours de la dernière législature, nous avons fait l'erreur - que nous avions du reste reconnue - de demander la discussion immédiate sur deux ou trois objets. C'est alors que nous avons entendu les glapissements de M. Ferrazino... (Rires et contestations.) Nous avons entendu les glapissements répétés de M. Ferrazino...

Une voix. Grrrrr...

M. Pierre-François Unger. Très bien !

Des voix. Hou, hou ! Grrrr... Grrrr...

M. Pierre-François Unger. Monsieur Ferrazino, vous avez dit à quel point ce procédé était détestable. Votre pseudo-éducation n'aura tenu que le temps d'une séance ! Vous n'en avez montré qu'un mince vernis à la première réunion de ce Grand Conseil, juste avant l'élection du Conseil d'Etat !

Désormais, vous êtes cohérent avec votre position. Vous restez dans l'opposition, et c'est bien normal puisque vous en êtes. Il n'empêche que vos moyens manquent d'élégance et si, d'aventure, vos alliés de l'Alternative vous suivaient sur cette voie, nous saurions à quoi nous en tenir.

Le président. Monsieur Unger, je tiens à vous rassurer. M. Ferrazino avait demandé la discussion immédiate au cours de sa première intervention. Le débat aurait dû porter uniquement sur la discussion immédiate et, dès lors, il pouvait reprendre la parole. Et, quand il l'a fait, il ne s'est pas exprimé uniquement sur la forme. Il a donc un peu dérogé à notre règlement, j'en conviens. Néanmoins, je pouvais lui accorder trois fois la parole, dès lors que nous n'étions plus en débat de préconsultation, mais en débat de forme à suivre concernant le traitement de ce projet de loi.

La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix la proposition de discussion immédiate.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 2

M. Bernard Lescaze (R). Si j'ai bien compris, le député Ferrazino a fait plusieurs propositions que nous ne pouvions suivre, faute de disposer du texte de la loi.

En revanche, il en a fait une, très claire, pour l'article 2 du présent projet. Il souhaite que la loi entre en vigueur le 5 décembre.

Si je vous ai bien compris, Monsieur le conseiller d'Etat Haegi, vous souhaitez que la présente loi entre en vigueur le 31 mars 1998.

Dans ces conditions, je propose formellement un amendement, à savoir :

«La présente loi entre en vigueur le 31 mars 1998.»

pour les raisons que le conseiller d'Etat a fort bien expliquées et qui semblent intégrer une partie des conclusions de M. Ferrazino.

M. Christian Ferrazino (AdG). Vous faites une confusion totale, Monsieur Lescaze ! La présente loi abroge toute la loi dont nous venons de parler.

M. Haegi ne veut pas l'abroger en totalité. Il veut abroger le chapitre II au 31 mars, mais il veut conserver les autres chapitres sur l'échelonnement du remboursement dès le 1er avril.

C'est pourquoi nous demandons, ce soir, l'abrogation de cette loi. Dès lundi, nous déposerons un nouveau projet de loi uniquement sur un échelonnement réduit à quatre ans. Suivez-nous, Monsieur Lescaze, M. Haegi est déjà avec nous !

L'article 2 doit donc être complété par :

«La présente loi entre en vigueur le 5 décembre 1997.»

Le président. Nous sommes en présence de deux amendements. Je vous rappelle que les amendements doivent être déposés sous la forme écrite. De plus, ils doivent me parvenir avant le vote, afin que je puisse en donner lecture. Je n'ai aucune proposition d'amendement sous les yeux pour le moment. Par conséquent, il n'y a formellement pas d'amendement à ce projet de loi. Cela signifie que l'article 2 est flou, puisque son amendement ne m'est pas parvenu formellement.

M. Bernard Lescaze (R). Monsieur le président, je suis relativement d'accord avec M. Ferrazino : amender simplement la présente loi par : «La présente loi entre en vigueur le 31 mars 1998» ferait qu'elle ne serait pas abrogée et que les articles qu'il souhaite voir modifiés ne pourraient pas entrer en vigueur.

Je prends donc acte de l'engagement de M. Ferrazino de déposer, dès lundi, un nouveau projet de loi qui nous sera renvoyé pour que nous l'examinions en commission.

Vous ai-je bien compris, Monsieur Ferrazino ?

M. Christian Ferrazino (AdG). Nous nous rapprochons, Monsieur Lescaze ! J'avais indiqué la date du 5 décembre, mais M. le président m'ayant fait remarquer que l'amendement n'étant pas déposé...

Le président. C'est fait, Monsieur le député ! M. Bernard Clerc vient de le déposer.

M. Christian Ferrazino. Si vous ne voulez pas demander le troisième débat, nous serons forcés d'amender notre amendement au 18 décembre, date à laquelle nous le voterons. En revanche, Monsieur Lescaze, il n'y a pas d'extrême urgence à déposer le nouveau projet de loi, puisque les échelonnements dans le temps sont prévus à partir du 1er avril 1998. Néanmoins, il n'y a pas de raison de tarder, et je vous confirme que nous ferons un projet de loi, que je soumettrai à M. Haegi, prévoyant des échelonnements sur quatre ans dès la date de son acceptation par ce Grand Conseil, les lois n'ayant pas d'effet rétroactif... (Contestations.) Nous ne pouvons pas fixer l'entrée en vigueur d'une loi avant qu'elle ne soit promulguée et publiée dans la «Feuille d'avis officielle». Par conséquent, nous nous dépêcherons de déposer la nôtre pour qu'elle entre vigueur dès qu'elle sera votée.

Le président. Je mets aux voix la proposition d'amendement déposée par M. le député Bernard Clerc, à l'article 2. Cette proposition consiste à ajouter la date du 5 décembre 1997, soit :

«La présente loi entre en vigueur le 5 décembre 1997.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 2, ainsi amendé, est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Ce projet est adopté en deuxième débat.

Le président. Le troisième débat est-il demandé ?

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat ne demande pas le troisième débat. Il invite le Grand Conseil à renvoyer ce projet en commission. Il invite également cette dernière à se réunir rapidement de façon à pouvoir rapporter, cas échéant, à la prochaine séance de votre parlement.

De toute évidence, ce débat démontre que cette affaire ne peut être traitée sérieusement qu'autour d'une table de commission pour que vous receviez, sur la base d'un rapport, un texte qui vous permettra de délibérer sereinement.

Vous ne pouvez pas voter ce soir, suite à cette batterie d'arguments et d'amendements présentés sans une préparation suffisante.

Si ce projet est renvoyé en commission, celle-ci pourra se réunir rapidement et rapporter oralement à la prochaine séance du Grand Conseil.

C'est la proposition formelle du Conseil d'Etat et, en tout état de cause, il ne demande pas le troisième débat.

M. Bernard Clerc (AdG). Je m'inquiète de l'acharnement avec lequel le Conseil d'Etat défend son projet de loi. Cela me donne à penser que les cadeaux fiscaux induits doivent être supérieurs à ceux prévus.

Le présent projet est simple et précis. Il s'agit d'abroger une loi dont le but essentiel est de faire des cadeaux fiscaux à des personnes qui peuvent s'acheter des villas et des appartements.

Nous ne voulons pas de cette loi. Par contre, nous sommes prêts à discuter l'échelonnement du paiement des droits d'enregistrement.

Abroger cette loi dans ce sens est supprimer sa partie la plus néfaste. Pour le reste, nous pourrons discuter sereinement, les délais étant suffisamment longs.

Nul besoin d'un renvoi en commission qui, en l'occurrence, serait une manoeuvre dilatoire.

Le président. Je mets aux voix la demande de renvoi en commission faite formellement par le Conseil d'Etat; non du projet de loi, puisqu'il est adopté en deux débats, mais le renvoi à la commission pour examen de la loi concernée.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

Le président. La discussion est close sur ce projet de loi, le troisième débat n'ayant pas été demandé. Ce dernier aura lieu au cours de la session des 18 et 19 décembre.

 

7. Ordre du jour.

Le président. Nous passons au point 96 de notre ordre du jour, soit le projet de loi 7693-A, rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public).

M. Florian Barro (L), rapporteur ad interim. Si nous avons demandé que ce point soit traité aujourd'hui c'est en raison de son caractère d'urgence et pour que les travaux relatifs au LHC puissent démarrer cette année encore ou au début de l'année prochaine.

La commission d'aménagement a souhaité, en fin de travaux, réentendre les responsables du CERN, notamment au sujet de la sécurité. Cinq personnes ont été auditionnées à titres divers. Leurs informations constituent un complément au rapport qui vous est soumis ce soir.

Je rappelle que le mandat du CERN est international. Il représente 200 millions de salaires, dont 100 millions à Genève et dans le canton de Vaud. Le CERN produit également un rapport sur la sécurité. Les mesures de radioactivité et de toxicité sont relevées par des laboratoires indépendants.

Le CERN s'engage à respecter les lois et règlements internes le régissant. Il s'agit des directives données par les deux pays hôtes.

Il nous a été dit que les employés du CERN suivaient des cours de prévention, en matière de sécurité, avant d'être engagés dans tel ou tel secteur.

Les commissaires, du moins une partie d'entre eux, ont été rassurés par les explications données sur les déchets. Il semble qu'ils soient correctement traités soit à Würenlingen soit en France, par l'intermédiaire d'organismes appropriés.

Afin que cet important projet de plus de 3 milliards de francs puisse démarrer, nous vous demandons de voter ce déclassement prévu dans les mesures de déclassement de zone agricole en zone constructible. Nous vous remercions de soutenir ce projet qui permettra au CERN de mettre rapidement en oeuvre son nouveau projet de recherche.

M. Chaïm Nissim (Ve). Ce Grand Conseil étant maître de son ordre du jour, je vous demande de voter formellement ma proposition de renvoyer le vote de ce projet à quinze jours.

Je vous en donne la raison :

Mon collègue Florian Barro a abordé le sujet. Trois questions ont été posées aux représentants du CERN. Une question portait sur l'ampleur du déclassement, qui sera débattue par ma collègue Fabienne Bugnon si vous refusez le report du vote.

La deuxième question est d'ordre philosophique. A quoi sert le CERN, que cherche-t-il, quelles sont ses éventuelles accointances avec les équipes de chercheurs de Los Alamos et de Trispal, qui travaillent respectivement à la bombe H américaine et à la bombe H française ? Cette question n'est pas résolue. Nous projetons, à ce sujet, un débat avec le CERN, et nous aurions besoin de quinze jours pour nous assurer qu'il aura bien lieu.

La troisième question, de type syndical, n'a été qu'effleurée. Elle a trait à la sécurité des intérimaires du CERN. Nous avions demandé au CERN que des experts antinucléaires participent aux relevés mensuels des mesures. C'est le débat contradictoire que nous avons eu avec Mme Barbara Polla, voici deux mois. Cette question n'est toujours pas réglée, le CERN n'a toujours pas accepté la participation de la CRII-RAD.

C'est pourquoi je vous demande de surseoir au vote et de vous exprimer formellement sur ce renvoi : êtes-vous d'accord de reporter à quinze jours le vote de ce projet de loi ?

M. Florian Barro (L), rapporteur ad interim. Compte tenu de l'importance du projet, je demande à M. Nissim de renoncer à sa proposition de renvoyer le vote, essentiellement pour une raison de planning et pour permettre au CERN de commencer ses travaux.

Le débat souhaité par M. Nissim, sur les questions qu'il vient d'évoquer, pourrait s'ouvrir lors de l'examen du projet de loi de subvention de 5 ou 6 millions qui nous a été remis par le Conseil d'Etat.

A mon avis, ce sera une excellente occasion pour débattre du sujet, parce que ce projet ne met pas en cause le délai d'exécution des travaux et que la subvention n'est pas liée à un ou deux mois. Par conséquent, les réserves de M. Nissim pourront être discutées entre-temps.

Eu égard à la démarche entreprise par le CERN sur notre territoire, je vous demande de voter ce déclassement, afin que ce projet démarre sans tarder.

Le président. Monsieur Nissim, permettez-moi de vous faire remarquer que votre proposition a formellement été votée par ce Grand Conseil tout à l'heure.

M. Rémy Pagani (AdG). En tant que commissaire, j'ai assisté à l'audition de la direction du CERN, et je peux rapporter sur ce qui suit :

Le CERN s'est engagé, bien malgré lui, à organiser un débat sur les questions soulevées par Chaïm Nissim. Il s'est également engagé à discuter d'une éventuelle avancée sociale avec une organisation indépendante, mais sans préciser laquelle.

J'imagine que cette organisation sera rétribuée par le CERN. Nous lui avons proposé la CRII-RAD, organisation indépendante et antinucléaire. En effet, je ne comprends pas pourquoi le CERN traîne les pieds aujourd'hui, alors que, s'appuyant sur de nombreuses expertises, il a affirmé qu'il n'y avait aucun problème de radioactivité dans son enceinte.

Mon groupe et moi-même vous proposons de renvoyer ce débat à quinze jours, histoire de faire avancer les choses au niveau de la direction du CERN.

M. Chaïm Nissim (Ve). Il est vrai que nous pouvons tenir le même débat avec le projet de subventionnement. Mais il vaut mieux l'avoir au moment du déclassement, les problèmes étant plus clairement posés.

Si nous votons le déclassement ce soir, on aura beau jeu de nous le rappeler, lors du débat sur le subventionnement, afin de nous faire voter également celui-ci.

Deux questions ne sont pas réglées, l'une d'ordre philosophique, l'autre de santé publique.

Nous entendons affirmer un principe, à savoir que nos experts sont aussi compétents que ceux du CERN et que celui-ci doit accepter la venue de la CRII-RAD sur son site.

Mme Barbara Polla (L). Je voudrais dire à M. Pagani - qui insiste sur le report du vote à quinze jours - que l'ensemble du Grand Conseil a décidé de traiter de ce projet aujourd'hui, ce que M. le président vient de rappeler. Nous ne pouvons pas, dans le cadre d'une même séance, revoter ce qui a été adopté juste précédemment.

Par ailleurs, mon «excellent contradicteur», M. le député Nissim, a fait voter une résolution par ce Grand Conseil concernant le contrôle de la sécurité par la CRII-RAD. Cette résolution a été renvoyée au Conseil fédéral, lequel décidera de son sort et de la façon dont ces contrôles seront organisés. Ce n'est plus à nous ni au CERN de faire des propositions ou de prendre des décisions dans ce sens.

Mme Madeleine Bernasconi (R). Il y a plus de quarante ans que le CERN est installé sur le site de Meyrin et, suite à l'évolution de la science de l'infiniment petit, il s'est développé en grande partie sur le territoire français.

La prochaine étape est le LHC, après le LEP. A cet effet, il est nécessaire de modifier les limites de zones pour que le CERN puisse continuer ses recherches.

Il semble donc tout à fait opportun de voter ce soir ce projet de loi.

Il ne faut pas oublier que ce centre de recherches est extrêmement convoité par d'autres pays et qu'il est d'un grand intérêt scientifique, non seulement pour Genève mais pour le monde entier.

Si nous ne voulons pas nous refermer constamment sur nous-mêmes, le CERN nous donne la chance d'avoir une porte ouverte sur l'Europe.

Le CERN offre un apport économique qui n'est pas négligeable au niveau d'une commune, mais il nous enrichit surtout d'une population socio-culturellement des plus intéressantes : c'est elle qui a créé la cité de Meyrin, qui en a assuré le développement et fait qu'elle ne soit pas une cité dortoir.

En ce qui concerne la sécurité, les responsables du CERN ont donné toutes les réponses susceptibles de rassurer les plus inquiets. Je reste persuadée que ces mêmes responsables seront à même de répondre aux interrogations de M. Nissim. Il me semble que ce sont des gens ouverts, prêts à débattre, mais je crois que, pour Genève et l'Europe, nous devons déclasser pour faire avancer le projet LHC.

M. Christian Ferrazino (AdG). La soirée étant aux compromis, je me permets d'en formuler un.

Comme Mmes Polla et Bernasconi disent qu'il faut absolument voter ce soir et que M. Nissim et d'autres souhaitent reporter le vote au 18 décembre, je propose de faire plaisir à tout le monde : votons ce projet en deux débats ! La chanson sera la même que tout à l'heure. Le projet est d'ores et déjà réagendé à notre séance du 18 décembre et le CERN sera avisé des conditions posées par certains.

Les responsables du CERN ont pris l'engagement d'aller dans ce sens devant tous les membres de la commission d'aménagement. Nous leur démontrerons que nous avons bien raison de leur faire confiance, puisqu'ils auront quinze jours pour nous prouver, par des engagements fermes, que leurs intentions sont traduites par des actes.

Le 18 décembre, nous serons en troisième débat et nous voterons comme nous l'aurions fait ce soir si nous avions été en possession de ces garanties.

Par conséquent, je propose de voter ce soir ce projet en deux débats.

M. Pierre Vanek (AdG). Je souscris à la proposition de Christian Ferrazino.

J'interviens juste sur un point technique. Mme Polla a déclaré que nous ne pouvions pas revenir sur cette proposition de report déjà votée.

Monsieur le président, le règlement stipule que le Grand Conseil est maître en tout temps de son ordre du jour. Cela signifie qu'il peut revenir sur un vote, comme M. Maitre l'a fait, tout à l'heure, en proposant un renvoi en commission, alors que la discussion immédiate avait été précédemment acceptée.

Il n'y a donc aucun empêchement, le cas échéant, à ce que nous reportions ce débat. D'ailleurs, l'article 78 prévoit que nous pouvons proposer l'ajournement à terme d'une délibération, comme le demande M. Nissim.

Certains intervenants ... (Exclamations.) ... ont un peu débordé, nous pouvons le leur pardonner et je vous invite à suivre la proposition de mon collègue «loup». (Rires.)

M. Claude Blanc (PDC). «Grand-mère, comme vous avez de grandes dents !» - «C'est pour mieux te manger, mon enfant !» aurait répondu M. Ferrazino.

Je suppose que M. Ferrazino est suffisamment intelligent et perspicace pour savoir que nous ne tomberons pas dans le piège qu'il nous tend ce soir.

Au début des années 50...

Une voix. Je n'étais pas né !

M. Claude Blanc. Je l'étais, moi ! Quand le CERN a projeté de s'installer dans notre canton, la première loi de déclassement des terrains qui lui étaient nécessaires avait été combattue par ce qui s'appelait alors le parti du Travail, et dont quelques fossiles siègent encore sur les bancs de l'actuelle majorité ! Les arguments avancés étaient que les activités du CERN pouvaient avoir des consonances militaires. Cela a duré quasiment un demi-siècle. Et voilà qu'on cherche d'autres noises !

Alors, laissez-moi vous rappeler que si notre canton a connu une période économique fastueuse, il le doit en grande partie au CERN et à toutes les industries qui ont travaillé pour lui.

Si la nouvelle majorité parlementaire annonce la couleur en prêtant tous les vices au CERN - car c'est ainsi que cela sera interprété - elle portera dans l'Europe entière la responsabilité du repli de Genève, la responsabilité du démantèlement du fleuron principal de l'activité scientifique dans notre canton. Si c'est cela que vous voulez, allez-y !

J'ai des amis, ingénieurs au CERN, qui, pour des raisons idéologiques, ont voté pour vous. Ils sauront maintenant que vous les mettez au chômage. Tant pis pour eux, ils auraient dû le comprendre avant !

Si vous voulez le démantèlement du CERN, vous devez avoir le courage de l'avouer !

M. Olivier Vaucher (L). J'ajoute quelques constatations aux propos de Mme Bernasconi, que je partage entièrement.

Une fois de plus, MM. Pagani et Ferrazino n'ont pas été attentifs en commission.

Permettez-moi de vous rappeler, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, que la commission avait décidé de procéder à une nouvelle audition des responsables du CERN, au lieu de repasser en plénum, pour avoir un complément d'information.

Vous avez reçu ce complément d'information. Les gens du CERN ont répondu à toutes vos questions. Personnellement, je leur ai demandé si un organisme comparable à la CRII-RAD existait en Suisse. Ils m'ont répondu par l'affirmative et se sont déclarés prêts à mandater cet organisme pour répondre à vos souhaits.

Le CERN a dit oui à tout. Il nous a informés de l'existence d'organismes locaux aptes à faire de telles études.

Je trouve donc particulièrement sournois qu'après avoir posé toutes vos questions aux représentants du CERN, en commission, vous fassiez ici des affirmations totalement contraires à ce qui a été dit.

Le CERN nous a avisés être prêt à démarrer son projet dès janvier prochain. Il ne s'agit donc pas de différer les possibilités d'emplois et de maintien de cette importante institution qui a pleinement joué le jeu en commission, en répondant positivement à toutes les questions.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je ne peux pas laisser sans réponse les propos de M. Blanc qui ne sont pas toujours bien choisis.

M. Blanc parle de fossiles. Je lui réponds, sans me sentir visé, que les fossiles sont très utiles, car ils permettent de dater, dans le temps, l'émergence de certains phénomènes.

Monsieur Blanc, je ne vous ferai pas l'injure de vous dire que nous devrions vous appliquer une datation au carbone 14, mais on éprouve cette impression quand on vous entend sur ce dossier...

Pourquoi ? Parce que peu nombreux sont ceux qui pensent que la recherche fondamentale et la recherche scientifique n'auraient aucune application dans le domaine économique et, par conséquent, dans le secteur militaire.

Il faut venir du fond des âges, Monsieur Blanc, pour croire cela possible. Même les représentants du CERN auditionnés à la commission de l'aménagement ne l'excluaient pas...

M. Olivier Vaucher. Tu n'y étais pas  !

M. Christian Ferrazino. J'y étais, Monsieur Vaucher, mais peut-être dormiez-vous ce jour-là, comme d'autres...

Comment, Monsieur Blanc, pouvez-vous penser que les recherches scientifiques et fondamentales n'ont aucune application dans le domaine économique ? Les plus grands rêveurs en sont revenus ! Ces interrogations-là sont parfaitement légitimes. C'est la moindre des choses que de se poser le problème de la transparence des activités du CERN et ce débat n'a pas de raison d'être.

La polémique de M. Vaucher, domaine dans lequel il excelle, est donc inutile, puisque les responsables du CERN eux-mêmes nous ont dit être prêts à nous voir. Et nous disons que pour nous rencontrer il nous faut un délai ! Nous ne vous parlons pas de trois mois, car nous n'avons pas l'intention de retarder les travaux, nous vous parlons de dix ou quinze jours, le temps pour le CERN de nous signifier ses engagements.

Cessez de polémiquer en usant d'arguments qui n'en sont pas ! Reportons le troisième débat à la prochaine séance ! Votons ce soir le projet en deux débats ! Entre-temps, le CERN pourra concrétiser ses engagements et ce projet pourra être voté à l'unanimité.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). M. Blanc a l'habitude d'insulter ses adversaires, et cela ne nous surprend pas.

Une voix. Au carbone 14 ?

Mme Erica Deuber-Pauli. Si vous voulez, il lui convient ! Je rappelle que le grand débat des années 50, qui a présidé notamment à l'émergence du CERN, a été mené par des pacifistes contre les «grands progrès» de l'époque que furent la mise au point et le développement de la bombe atomique. Ce débat a mobilisé énormément de gens, notamment de gauche, mais pas exclusivement. De nombreux scientifiques y ont participé, dont ceux qui ont fait la grandeur du CERN et qui comptent beaucoup de prix Nobel parmi eux.

Nous devons être reconnaissants à ceux qui ont conduit ce combat pacifiste, parce qu'ils ont permis la mise au point d'une convention qui lie le CERN à notre canton et à la Confédération. Cette convention exclut explicitement sur le site toute recherche à implication militaire.

Durant toutes ces années, notamment celles marquées par la guerre froide et la conquête progressive des armements nucléaires les plus meurtriers, cette pression sur la recherche pacifique menée par le CERN n'a jamais cessé, qu'elle émane de l'intérieur ou de l'extérieur de cette institution.

La chute des deux blocs et l'hégémonie américaine ont aujourd'hui levé certains obstacles mis à la collaboration entre laboratoires militaires et civils. Les rapports du CERN font désormais apparaître, en tant que collaborateurs, des noms de laboratoires militaires opérant aux Etats-Unis, en France et ailleurs.

Saisie des craintes dont nous lui avions fait part, la direction du CERN a reconnu que la situation pouvait prêter à danger et qu'elle était disposée à mettre fin à ces collaborations - qui consistent, essentiellement, en transferts de technologies des laboratoires militaires vers le CERN - et à faire de ce rassemblement de scientifiques - le plus grand du monde - un lieu au-dessus de tout soupçon.

Je vous en conjure, ne jetez jamais le discrédit sur le combat des pacifistes ! Si ce sont des dinosaures d'hier qui l'ont mené, nous espérons être les dinosaures de demain !

M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur Blanc, je n'ai nullement l'intention de mettre les scientifiques du CERN au chômage. Moi-même, je suis un scientifique et je travaille fréquemment au CERN. Ce sont les mandats les plus intéressants que j'ai eus jusqu'à maintenant. Je n'ai donc aucune envie de me mettre moi-même au chômage.

De par ma formation, j'ai appris, Monsieur Blanc, que la science nous obligeait à nous poser des questions. Il faut s'abstenir, en la matière, d'asséner des affirmations à l'emporte-pièce !

Mes questions sont légitimes, parce que beaucoup de mes collègues du CERN se les posent depuis très longtemps. C'est pourquoi nous voulons profiter de l'occasion, comme l'a dit M. Ferrazino, pour les poser publiquement.

Nous voulons le faire pour que le CERN réfléchisse, avec le grand public, à quoi il sert vraiment.

Quand vous dites, Monsieur Vaucher, que toutes les questions ont été abordées et que le CERN y a répondu, je vous réponds non ! M. Evans ou Ivens était extrêmement réticent à l'égard de la CRII-RAD.

Si je demande le report du vote, c'est, entre autres, pour convaincre ce monsieur d'accueillir la CRII-RAD et les opinions diverses... (Interruption de M. Olivier Vaucher.) Je sais, la CRII-RAD n'est pas le seul organisme indépendant, mais j'y tiens parce qu'elle est antinucléaire. Ce serait donc la première fois que des antinucléaires travailleraient dans un institut tel le CERN pour l'aider dans sa gestion de la santé, notamment celle du personnel intérimaire.

C'est ce point qui doit être réglé, raison pour laquelle je demande le report à quinze jours du vote de ce projet de loi.

Je pourrais accepter la solution de M. Ferrazino si je ne craignais que M. Haegi, pas forcément lié par les décisions du Grand Conseil, ne demande le troisième débat. Je préfère donc le report du vote et mon collègue Albert Rodrik vous demandera de replacer ce projet sous son point initial, soit le point 96 de notre ordre du jour.

M. Rémy Pagani (AdG). Je tiens à démentir une affirmation qui vient d'être faite. Le CERN ne s'est pas directement engagé à mettre une commission sur pied, il s'est engagé à le faire sous réserve des autorisations fédérales.

S'engager n'est pas se défiler derrière une structure administrative et légale.

En tant que syndicaliste, mon souci premier est de protéger la vie et la santé des intérimaires qui, depuis des années, subissent on ne sait quoi. Une affaire est sortie au grand jour. Par conséquent, je souhaite recevoir des éclaircissements sur ces problèmes qui ne sont pas seulement de santé publique  : l'exploitation des travailleurs intérimaires en constitue un autre.

M. Albert Rodrik (S). Je n'ai aucune prévention contre le CERN, mais je commence à en avoir une contre le déroulement de ce débat.

Il y a eu assaut de subtilité pour proposer des solutions de compromis. L'Entente n'en veut aucune. Je vous demande donc de remettre le projet où vous aviez eu la sagesse de le placer à l'origine, c'est-à-dire sous le point 96, pour en terminer avec cette pantalonnade !

Mme Barbara Polla (L). En proposant le report du vote, M. Nissim ne veut qu'une chose : profiter de quinze jours pour négocier avec le CERN, afin que celui-ci accepte le contrôle de la CRII-RAD contre le fait que nous votions le déclassement. Nous n'entrerons pas dans cette négociation.

Les propos de M. Pagani sont inacceptables, parce qu'ils ne reposent sur rien. Nous avons travaillé pendant des mois à la commission de la santé pour parvenir à deux rapports, notamment à celui de Mme Torracinta-Pache. Ma collègue, tout comme moi, admettait que les problèmes de radioprotection étaient parfaitement contrôlés; que le cas cité par M. Pagani n'était pas clair et qu'il n'y avait pas lieu d'en discuter au niveau politique. La commission a donc réfuté par anticipation les accusations présentement portées contre le CERN.

Encore une fois, je juge ces propos inadmissibles. De plus la négociation proposée n'est pas légalement acceptable. En effet, le CERN ne se dissimule pas derrière une procédure et une structure fédérale; il se plie à la résolution votée par ce Grand Conseil et c'est au Conseil fédéral, je le répète, de décider de la mise en place du type de contrôle proposé par la résolution.

Nous voulons voter ce soir, comme cela a été décidé au début de la séance, pour éviter une négociation douteuse avec le CERN. Celui-ci a notre soutien total dans le projet de déclassement et notre admiration entière pour ses activités, en général, et son investissement dans la radioprotection, en particulier.

Le président. Je mets aux voix la proposition de replacer ce projet au point 96 de l'ordre du jour. C'est une motion d'ordre. (Interruption de M. Christian Ferrazino.) Peu importe, ne formalisons pas, Monsieur Ferrazino ! Je sais que vous êtes passé maître dans l'art de tortiller les poils des mouches en matière purement juridique. Je vous fais entièrement confiance ! Ce n'est pas une motion d'ordre ? Cela m'est complètement égal ! Je vais faire voter la proposition de M. Albert Rodrik de ne pas traiter ce point maintenant, contrairement à ce que ce Grand Conseil avait décidé en début de séance.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

Le président. Nous traiterons donc le point 96 lors de notre prochaine séance. Nous avons perdu beaucoup de temps pour rien !