République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 10 octobre 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 11e session - 39e séance -autres séances de la session
No 39/VI
Jeudi 10 octobre 1996,
nuit
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret,président
La séance est ouverte à 21 h.
Assistent à la séance : MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Jean-Philippe Maitre, Philippe Joye, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Michel Balestra, Erica Deuber-Pauli, Marlène Dupraz, Yvonne Humbert, Pierre Marti, Alain-Dominique Mauris, Jean Opériol et Jean-Pierre Rigotti, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Le président. La commission judiciaire demande le renvoi du projet de loi suivant :
Il en sera fait ainsi.
b) de propositions de motions;
Le président. La commission judiciaire demande le renvoi de la proposition de motion suivante :
Il en sera fait ainsi.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La Fondation «Les Aînés» dont la création remonte au 18 décembre 1987, avait pour but de construire un établissement, de 50 lits, pour personnes âgées et d'en assumer la gestion.
Il lui a été récemment offert la possibilité d'acquérir, en outre, un appartement spécialement aménagé pour une ou des personnes handicapées, situé dans un immeuble locatif construit par la Fondation communale du Grand-Saconnex pour le logement; la Fondation «Les Aînés» souhaite saisir cette opportunité d'achat, dans la mesure où elle est socialement mieux structurée pour exploiter un tel logement.
Ce projet d'acquisition implique cependant les modestes modifications statutaires qui vous sont soumises et qui ont été approuvées, sans opposition, par le Conseil municipal du Grand-Saconnex.
Au vu des explications qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.
Préconsultation
Mme Michèle Mascherpa (L). Etant donné qu'il s'agit d'une modification statutaire mineure, mais qui permettra de faire avancer un dossier d'intérêt communal, je demande la discussion immédiate.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7519)
LOI
modifiant l'article 2 des statuts de la Fondation «Les Aînés» de la commune du Grand-Saconnex
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 72 de la loi sur l'administration des communes, le 13 avril 1984;
vu l'article 2 de la loi sur les fondations de droit public, du 15 novembre 1958;
vu la délibération du Conseil municipal de la commune du Grand-Saconnex, du 13 mai 1996, approuvée par le Conseil d'Etat, le 26 juin 1996,
Décrète ce qui suit:
Article unique
Les modifications de l'article 2 des statuts de la Fondation «Les Aînés» sont approuvées dans la teneur suivante :
Art. 2 (nouvelle teneur)
La Fondation a pour but de construire ou d'acheter et de gérer :
a) (sans changement)
b) des logements pour personnes âgées et/ou handicapées.
Cette proposition de motion, annoncée le 27 janvier 1994, a été développée le 18 février 1994 et renvoyée à cette date par le Grand Conseil à sa commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil. La commission s'est saisie de cette proposition de motion lors de ses séances des 13 septembre et 25 octobre 1995 sous la présidence de Mme Fabienne Bugnon, députée. Assistaient aux travaux MM. Claude Haegi, conseiller d'Etat, chef du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIER), Patrick Ascheri, chef du service votations-élections du DIER, et René Kronstein, directeur de la division Intérieur du DIER.
Le problème posé
L'élaboration puis le vote du budget représentent l'acte essentiel qui concrétise les choix politiques effectués tant par le Grand Conseil que par le Conseil d'Etat. C'est en effet à travers l'élaboration et l'adoption du budget que sont décidées les priorités dans les domaines sociaux, économiques, éducatifs, culturels, de l'aménagement du territoire ou fiscaux, pour n'en citer que quelques-uns.
Or, l'élaboration du budget se fait patiemment tout au cours de l'année avant d'aboutir à son vote ou son rejet en fin d'année.
Tous les quatre ans, le parlement et le gouvernement sont renouvelés à l'occasion d'élections qui ont lieu respectivement en octobre et en novembre. En fonction du nombre de nouveaux députés, respectivement du nombre de nouveaux conseillers d'Etat, la situation actuelle est susceptible de mener à l'adoption ou au rejet d'un budget par un parlement dont une majorité n'a pas suivi les travaux qui ont présidé à son élaboration.
Travaux de la commission
Le problème exposé par les auteurs de cette motion est bien connu des députés genevois qui l'ont vécu et tous perçoivent son incongruité. Le département précise également que, enquête faite, il se révèle qu'aucun autre parlement cantonal ne procède de cette façon bizarre. M. Claude Haegi déclare que le Conseil d'Etat partage le point de vue des auteurs de la motion et que, s'il y a consensus sur les objectifs de cette motion parmi les députés, le reste n'est qu'un problème pratique et d'organisation technique.
Personne ne semblant envisager sérieusement de décaler les exercices comptables de la République du calendrier civil, les solutions évoquées passent par la modification:
- de la date des élections législatives et exécutives;
- des dates de début de législature et d'entrée en fonction du Conseil d'Etat en tenant compte du moment de l'approbation du budget.
Les dates retenues par les autorités fédérales pour les consultations populaires traditionnellement fixées à septembre et décembre compliquent considérablement le travail de l'administration genevoise chargée d'organiser votations et élections cantonales dans la mesure où:
- les échéances fédérales ont tout naturellement la priorité pour le choix des dates;
- la constitution et la législation spécifient des délais entre les opérations électorales cantonales;
- il ne semble pas judicieux d'organiser à la même date une votation fédérale et une élection cantonale;
- les contraintes pratiques de l'acheminement (par exemple postal) des pièces nécessaires aux citoyens électeurs ne sont pas infiniment compressibles.
La complexité technique du problème posé que la commission souhaite soumettre au Conseil d'Etat ressort bien des annexes à ce rapport, soit :
- Annexe 1 - Lettre de M. Claude Haegi à la commission des droits politique et du règlement du Grand Conseil, du 23 octobre 1995.
- Annexe 2 - Lettre de M. René Kronstein au chef du DIER, du 26 septembre 1995.
- Annexe 3 - Lettre de M. Patrick Ascheri à M. René Kronstein, du 17 octobre 1995.
L'aspect technique évoqué dans les pièces citées ci-dessus et la conviction du chef du DIER, transcrite plus haut, que le problème posé se ramènerait à un simple problème technique ne doivent cependant pas masquer la dimension plus politique de la question posée qui correspond au souci de nombreux députés de rendre le parlement plus efficace dans ses travaux. Un tel souci s'apparente à un courant plus large de réflexions fréquemment évoquées devant la commission.
Evocation de quelques réflexions politiques sur les institutionset les élections genevoises
Le problème posé par les auteurs de la motion 892 se situe comme un point spécifique dans la mouvance générale des réflexions de plusieurs partis et groupements politiques genevois qui s'interrogent sur le (bon) fonctionnement de nos institutions cantonales et en particulier sur le caractère traditionnel ou moderne, inefficace ou adéquat, de nos moeurs électorales, exécutives et parlementaires genevoises. Ces réflexions sont considérées par les député(e)s de la commission comme de plus en plus actuelles et urgentes.
Ce problème de calendrier électoral et d'efficacité parlementaire, évoqué par la proposition de motion 892, se situe aussi au carrefour des réflexions conduites par de nombreux responsables, dans les partis politiques, les groupes parlementaires et au-delà, sur la réalité de la séparation des pouvoirs dans la République, l'efficacité en termes concrets d'un parlement cantonal de milice comme le nôtre, son indépendance réelle face à un pouvoir exécutif professionnel flanqué d'une administration publique multiple et colossale.
Toutes ces réflexions, reflétées par des propositions parlementaires nombreuses dans l'agenda de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, ou en gestation dans les têtes politiques de chez nous, comportent au moins les volets suivants :
- simultanéité de l'élection du Grand Conseil et du Conseil d'Etat;
- élection du Conseil d'Etat en 1 ou 2 tours;
- quorum pour le 1er tour de l'élection du Conseil d'Etat (33% ou 50%);
- élection du Conseil d'Etat selon le mode proportionnel ou majoritaire;
- capacité d'autosaisine des commissions parlementaires;
- relations du parlement avec l'administration cantonale;
- nécessité, possibilité et opportunité pour le parlement d'avoir sa propre administration;
- légitimité constitutionnelle, utilité et efficacité réelle de divers conseils de création récente (économique et social, de l'environnement, de l'évaluation des politiques publiques, etc.);
- relations du parlement genevois avec d'autres parlements cantonaux et contrôle parlementaire des entités administratives supra-cantonales;
- capacité documentaire du parlement;
- relations du parlement avec la presse et les médias;
- etc.
Conclusions
Pour diverses raisons, dont certaines évoquées sommairement ci-dessus et presque pour mémoire, la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil renonce à préconiser sur le point précis évoqué par les auteurs de la motion 892, sans examen plus approfondi, une solution plutôt qu'une autre. Elle souhaite que le Conseil d'Etat pousse ses études sur ce sujet (et ceux évoqués dans son sillage) que la commission considère comme importants. Elle vous recommande à l'unanimité, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer la motion 892 au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse évaluer les avantages et inconvénients d'un déplacement des élections du parlement et du gouvernement à la fin de l'hiver et faire rapport au Grand Conseil sur cet objet.
La proposition de motion est approuvée à l'unanimité par la commission.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
8
9
10
ANNEXE 3
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
(M 892)
motion
modifiant la date des électionsdu Grand Conseil et du Conseil d'Etat
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- que le vote du budget est l'acte politique essentiel,
- que le vote du budget a lieu en fin d'année,
- que les élections au Grand Conseil ont lieu au mois d'octobre,
- que les élections au Conseil d'Etat ont lieu au mois de novembre,
- que le renouvellement des élus tant au législatif qu'à l'exécutif peut être quantitativement important,
invite le Conseil d'Etat
à explorer les avantages et les inconvénients d'un déplacement des élections au mois de février ou mars.
A titre préliminaire, le Conseil d'Etat relève que la motion concerne non seulement la politique d'approvisionnement en gravier du canton, mais soulève aussi les problèmes liés aux gravières, aux décharges contrôlées et sauvages, ainsi qu'aux entreprises exerçant des activités en matière de traitement des déchets non conformes aux normes environnementales.
I. Le Conseil d'Etat tient tout d'abord à rappeler que le plan directeur des gravières, approuvé le 7 juin 1982, fut élaboré de la façon suivante:
Un plan général du canton a défini les secteurs géologiques recelant des sables ou des graviers sur la base des connaissances scientifiques de l'époque. Sur ce premier document ont été superposés les plans des contraintes relatives à la protection des eaux superficielles, des eaux souterraines, de la zone agricole, de la zone viticole, de la zone des bois et forêts, des futurs secteurs d'habitations et d'urbanisation.
En 1984, le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (ci-après : le département), compétent en la matière, a précisé l'ensemble de ces données dans un document intitulé : «Les ressources en gravier du canton de Genève», où l'on peut relever notamment les chiffres suivants:
- réserves totales: 4,86 milliards de m3 de gravier,
- réserves exploitables: 0,5% des réserves totales = 20 millions de m3.
Sont considérés comme gisements exploitables de sable et gravier ceux qui répondent aux contraintes suivantes:
a) Gisements situés à une distance suffisante des zones d'habitation.
b) Gisements qui ne sont pas le siège de nappes d'eau souterraine du domaine public, utilisée pour la distribution d'eau potable.
c) Gisements qui ne sont pas situés dans les falaises, ni en bordure de cours d'eau (pour éviter les éboulements et glissements de terrain).
d) Gisements qui ne sont pas situés en zone forestière où le paysage doit être protégé.
Ces contraintes réduisent énormément les réserves existantes, et pourraient les rendre nulles.
e) Gisement de sable et gravier recouverts de masses importantes de limon ou d'argile non utilisables dans le bâtiment. Economiquement, les frais de décapage peuvent rendre l'opération non rentable.
Les prévisions faites en 1984 se sont avérées assez précises puisque, actuellement, les réserves du plan directeur sont estimées à 12 millions de m3.
La réactivation du plan directeur des gravières est une des tâches que le département entend mener à bien. Cependant, celle-ci implique une amélioration des données géologiques qui nécessitera de nouvelles prospections à l'aide des méthodes géophysiques modernes afin d'obtenir des valeurs plus précises. On constate qu'en règle générale, les propriétaires et exploitants de gravières qui le souhaitent s'adressent aux bureaux spécialisés genevois en géophysique. Ceux-ci utilisent le plus souvent les méthodes géoélectriques, mais la sismique de réflexion à haute définition se développe également. Dans ces deux cas, il est cependant toujours nécessaire de procéder à des forages mécaniques, pour définir les paramètres permettant de rendre les méthodes géophysiques plus précises.
Selon les premières estimations du service de géologie, le montant du crédit de recherche, qui fera l'objet d'une demande ad hoc en temps opportun, devrait s'élever à 750 000 F, somme qui peut se décomposer comme suit:
Prospections complémentaires
Mensurations vibro-sismiques
10 km à 15 000 F/km
155 000
Mensurations géoélectriques
15 j. à 2 790 F/j
41 850
Forages de calageet contrôles granulométriques
15 forages 0-20,0 mà 400 F/m
120 000
10 forages 0-40,0 mà 500 F/m
200 000
Granulométries 40 u.à 450 F
18 000
Corrélations avec les mensurations de 1983
Géophysicien qualifié
120 h à 165 F/h
19 800
Géologue spécialiste des formations genevoises: établissement du plan des ressources
160 h à 165 F/h
26 400
Indemnités aux propriétaires touchés par les mensurations
25 emplacements de forage à 1 000 F
25 000
Remise en état après passage des équipes géophysiques
30 000
Base de travail (Cadastre et OFT)
1 600
Frais de reprographie
3 000
Après report des plans de contraintes sur le plan des réserves : préparation de l'enquête préliminaire et du cahier des charges pour les sites retenus. Bureaux spécialisés
100 000
Frais divers et imprévus
10 000
Total
750 650 F
Le département engagera une procédure de mise en soumission publique de ces travaux de manière à pouvoir comparer les diverses offres et, dès que des chiffres précis seront connus, demandera au Grand Conseil les crédits nécessaires à la réactualisation du plan directeur des gravières. Sur le plan juridique, la législation cantonale sera modifiée afin de donner à ce plan une base légale formelle, qui facilitera une gestion coordonnée limitant le plus efficacement possible les inconvénients des exploitations.
Le nouveau plan devrait être achevé d'ici un an et demi. Dans cet intervalle, le département refusera en principe toute nouvelle demande d'ouverture ou d'agrandissement de gravières, étant précisé qu'actuellement les gravières en exploitation ou autorisées couvrent largement les besoins immédiats en matière de construction à Genève. Il va de soi que des aménagements locaux en vue de la création de sites protégés ne sont pas à considérer comme des exploitations de gravier.
Bien entendu, il sera toujours loisible aux requérants d'interjeter des recours à l'encontre des décisions du département, comme c'est actuellement le cas pour une autorisation concernant la commune de Chancy, que ce dernier avait refusé de délivrer.
II. En ce qui concerne la deuxième invite de la motion qui demande d'intégrer dans l'étude l'appréciation des atteintes au paysage et de sa protection, deux aspects doivent être considérés: le premier relatif à la phase d'extraction, le second concernant la phase de remblayage.
On constate, dans la première phase, que l'impact paysager porte, d'une part, sur l'exploitation de surfaces trop grandes et, d'autre part, sur un stockage important de matériaux excavés sur le site. Pour remédier à ces atteintes paysagères, il conviendrait d'extraire le gravier par compartiments relativement modestes, au fur et à mesure de la demande d'approvisionnement en gravier du moment.
Cette manière de faire présente l'avantage de limiter dans le temps l'impact paysager et d'éviter l'installation de nouveaux biotopes, condamnés ensuite, en principe, à disparaître. Les exploitants devraient également implanter des haies sur le site, ce qui a pour effet de permettre de diminuer l'atteinte au paysage et de développer la nidification de nombreuses espèces d'oiseaux. Cet aspect est en principe traité dans un chapitre spécial de l'étude d'impact sur l'environnement, imposée par la législation fédérale pour un volume d'extraction supérieur à 300 000 m3.
La seconde phase, soit le remblayage, devrait permettre de retrouver l'état initial du site puisque, en fin d'exploitation, les surfaces utilisées pour les gravières doivent être rendues à l'agriculture. Ce principe est énoncé à l'article 33 du règlement sur les gravières et les exploitations assimilées, du 7 septembre 1977. Le Conseil d'Etat a modifié le 28 février 1996 ce règlement pour autoriser dorénavant une remise en état différente, pour autant qu'une étude paysagère et naturaliste le permette.
C'est ainsi que, dans les anciennes gravières des Teppes du Véré et du Biolay, sont prévues une remise en état des lieux et la création de sites naturels protégés et d'espaces de détente, voire pour la pêche.
Le Conseil d'Etat note cependant que certaines gravières n'ont pas été remblayées et rendues à l'agriculture dans les délais impartis, ce qui provoque à l'évidence une atteinte au paysage. Les raisons de ces retards sont parfois dues à un certain laxisme des exploitants mais, le plus souvent, c'est la conjoncture économique qui en est responsable et ralentit l'extraction de gravier, puis le remblayage. C'est pourquoi le département imposera plus souvent que par le passé la plantation d'une arborisation appropriée en vue d'améliorer l'esthétique des sites.
Il faut aussi relever que le remblayage immédiat n'est pas toujours souhaitable, car le canton a besoin de réserves destinées au stockage de matériaux inertes selon l'ordonnance fédérale sur le traitement des déchets du 10 décembre 1990 (ci-après OTD).
III. S'agissant de la demande des motionnaires visant à éviter que de nouvelles exploitations soient ouvertes à proximité d'habitations, le Conseil d'Etat admet que, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance fédérale relative à l'étude de l'impact sur l'environnement, du 19 octobre 1988, (ci-après: OEIE), l'impact d'une gravière sur l'habitat n'était pas une préoccupation première.
Force est donc de constater que, dans certaines circonstances, des constructions ont été autorisées en bordure d'exploitations, ou de lieux réservés à celles-ci, notamment en raison de la moins-value apportée de la sorte au prix du terrain.
Depuis l'entrée en vigueur de l'OEIE, en 1989, tous les impacts sur l'environnement sont pris en compte, en particulier ceux qui sont liés à l'aménagement du territoire. Le Conseil d'Etat veillera donc scrupuleusement à ce que de nouvelles constructions ne soient pas édifiées dans des secteurs déjà compris dans le plan directeur des gravières.
IV. La quatrième invite demande que le Conseil d'Etat veille au respect des lois et des règlements applicables en la matière.
A cet égard, il faut relever que, dans la phase d'extraction du matériau, les exploitants sont d'ores et déjà tenus de traiter sur place ou en zone industrielle autorisée le gravier extrait pour en faire un matériau fini, comme le sable, les graviers, etc. Ces produits finis doivent alors être acheminés par camion sur les chantiers.
Les principales nuisances causées dans cette phase sont, d'une part, visuelles pour le stockage des terres arables et des matériaux finis et, d'autre part, générées par le trafic routier, lequel provoque une pollution atmosphérique et sonore ainsi que la salissure des routes. La surveillance plus soutenue exercée par les autorités dans cette phase montre qu'on peut obtenir une meilleure application de la réglementation concernée.
En revanche, dans la phase de remise en état des gravières, il a été constaté que les trois décharges contrôlées du canton étaient toutes hors normes et devaient faire l'objet d'un assainissement et que quelques gravières stockaient des matériaux non autorisés.
Il en résulte que, si le remblayage des gravières est dans l'ensemble satisfaisant, le remblayage par des déchets de chantier inertes dans les décharges est, en revanche, plus complexe dès lors qu'il implique non seulement les exploitants de ces décharges, mais également les fournisseurs de ces résidus, qui sont eux-mêmes parfois exposés à des difficultés particulières telles que dépôts par des tiers de déchets de toutes sortes, parfois même toxiques, dans des bennes de chantiers.
Avant d'intervenir de manière sévère, le département a entrepris de nombreuses actions d'information aux fins de responsabiliser les exploitants et tous les protagonistes utilisant des déchets de chantier.
C'est ainsi que, depuis l'année 1995, des publications relatives à la gestion des déchets paraissent régulièrement dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève, des réunions ont lieu entre le département et des représentants du Groupement des entreprises genevoises d'extraction de gravier (GEG), des visites de l'ensemble des gravières et des décharges du canton ont été effectuées, suivies d'une rencontre avec les communes de la Champagne. Enfin, un séminaire d'information a été organisé le 13 mars 1996 pour exposer les nouvelles prescriptions du département pour la mise en décharge des déchets de chantier, résumées comme suit :
a) un premier tri si possible efficace selon la disposition du site devra être fait sur le chantier;
b) les matériaux destinés à être mis en décharge devront être acheminés sur des véhicules munis de filets pour éviter la salissure des routes. A cet effet, les véhicules dont les roues sont boueuses devront être lavés soit par jets d'eau, soit par un laveur de roues approprié, en quittant le chantier ou la décharge;
c) sur le site des décharges, les exploitants devront trier les déchets de sorte que seuls les matériaux inertes soient stockés, les autres résidus devant être acheminés chez des récupérateurs pour valorisation ou à l'Usine des Cheneviers pour traitement;
d) les décharges feront désormais l'objet d'inspections régulières de la part du département et, en cas de non-respect de la législation applicable, celui-ci prononcera des amendes ou d'autres mesures justifiées par les circonstances.
Il est bien évident que l'ouverture prochaine du centre cantonal de tri des déchets de chantier dans la zone industrielle de la Praille-Acacias permettra non seulement de traiter ces résidus d'une manière totalement conforme à l'OTD, mais permettra également d'éviter de longs transports puisque l'installation sera située en zone urbaine, et non pas, comme cela avait été convenu en 1991, dans la région du Bois-de-Bay, à Satigny. Il faut aussi signaler qu'à proximité de ce centre, le département a demandé la création d'un deuxième espace de récupération de déchets, en plus de celui situé au Nant-de-Châtillon; il permettra de desservir cette fois notamment le centre-ville et Carouge. C'est l'un des moyens d'éviter que les bennes de chantiers soient de véritables décharges sauvages avec tous les inconvénients que cela entraîne.
V. Enfin, s'agissant plus précisément de la politique de transport, il faut relever que les transports par camion resteront nécessaires pour l'alimentation des chantiers. En revanche, le transport ferroviaire devra être développé pour l'horizon 2010. En effet, lorsque les réserves exploitables toucheront à leur fin, il faudra importer des sables ou des graviers hors du territoire cantonal. Les deux quais minéraliers actuels deviendront alors insuffisants et de nouvelles installations en zones industrielles desservies par chemin de fer devront être réservées.
Le Conseil d'Etat a la ferme volonté de conduire une politique d'information et de responsabilisation des milieux concernés, qui touche finalement toute la population. Les mesures de police resteront l'ultime démarche, à laquelle, nous l'espérons, il ne faudra recourir qu'exceptionnellement.
Tels sont donc l'ensemble des moyens dont le canton entend se doter afin d'inscrire sa politique en matière de gravières, de décharges et d'exploitations assimilées, dans le cadre de son concept environnemental respectueux de la nature et de la qualité de la vie dans notre canton.
Débat
Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). Je tiens à remercier M. Haegi pour l'évolution positive de la politique du département en matière de décharges contrôlées de gravières.
En effet, il y a un peu plus d'une année, lors du débat à propos de cette motion, vous accusiez davantage nos concitoyens d'indiscipline que les exploitants de ces entreprises de remplir d'objets divers les containers des chantiers. Or, vous avez pu constater de vos propres yeux que trois décharges contrôlées du canton étaient hors normes et devaient faire l'objet d'un assainissement et que quelques gravières stockaient des matériaux non autorisés.
Ce rapport comporte une erreur que je tiens à relever; s'agissant de Chancy, le recours actuellement pendant devant le Tribunal administratif a été interjeté contre une décision du département qui avait autorisé l'ouverture d'une gravière durant l'été 1995. Si la politique du département avait été aussi claire que celle développée dans le présent rapport, il y a six mois, six recourants pourraient utiliser leur énergie dans des activités plus amusantes !
Enfin, s'agissant de la troisième invite de la motion, visant à éviter que de nouvelles exploitations soient ouvertes à proximité d'habitations, je peux lire : «Le Conseil d'Etat veillera scrupuleusement à ce que de nouvelles constructions ne soient édifiées dans des secteurs déjà compris dans le plan directeur des gravières.» Or cela ne répond pas à l'invite qui demande exactement l'inverse.
Sachant que des gisements importants se trouvent en bordure d'habitations, en autorisez-vous quand même l'exploitation ? Je vous remercie d'ores et déjà de votre réponse.
M. Max Schneider (Ve). Très brièvement. S'agissant des approvisionnements en gravier de Genève, n'y aurait-il également pas une politique à mettre en place - M. le chef du département me répondra peut-être tout à l'heure - par le recyclage des matériaux de «déconstruction» ? Il me semble qu'il y a là un énorme potentiel, puisque plusieurs entreprises genevoises ont actuellement des stocks relativement importants de gravier concassé, provenant de démolition d'immeubles; cette activité est génératrice d'emplois et encouragerait l'industrie genevoise. N'y aurait-il pas des pistes à imaginer et à suivre ? En effet, ce rapport ne parle pratiquement pas de cette possibilité.
Pour éviter de continuer à creuser le Salève et d'exploiter à outrance les gravières genevoises, il faudra bien mener une politique de recyclage du gravier et encourager les Services industriels à l'utiliser partout où cela est possible au lieu de concasser du verre. Ces pistes doivent donc être examinées et étudiées dans l'avenir.
M. Pierre Kunz (R). Les radicaux remercient le Conseil d'Etat de son rapport relatif à la motion 989, et c'est avec satisfaction qu'ils prennent acte de la volonté du gouvernement de réactualiser, avant fin 1997, le plan directeur des gravières. Les radicaux sont également très heureux de savoir que tout prochainement, soit au début de 1997, le centre cantonal de tri de déchets de chantiers sera opérationnel. Il nous apparaît en effet que le comblement des gravières se déroulera, dès lors, dans de bien meilleures conditions qu'aujourd'hui, et le trafic de camions, lié à ce comblement, s'en trouvera ainsi nettement amélioré.
Pourtant, s'agissant du trafic général lié à cette exploitation des gravières et des nuisances sonores qui en résultent pour les habitants de la Champagne, nous regrettons que le Conseil d'Etat n'ait pas été un peu plus précis dans son rapport. En effet, en août 1995, au nom des centaines d'habitants de la Champagne directement concernés, j'avais expressément demandé à notre exécutif qu'il se penche sur cette question, car il faut savoir que six cent trente à huit cent cinquante camions empruntent chaque jour la route de Laconnex, avec des pointes de cent vingt poids lourds par heure.
Ces mouvements génèrent bien évidemment des nuisances considérables pour les bordiers de la route, que ce soit à Bernex, à Sézenove ou à Laconnex. Or, Mesdames et Messieurs les députés, les trois quarts de ce trafic pourraient s'effectuer sur la route de Chancy plus large, plus sûre et qui n'est bordée d'aucune habitation; cela à un coût additionnel quasiment nul pour les transporteurs routiers.
Je demande donc au Conseil d'Etat s'il a les moyens et s'il a l'intention de se saisir de ce problème qui restera tout de même important même après la mise en exploitation du centre de tri de la Praille. Merci d'avance de votre réponse.
M. John Dupraz (R). En 1977, M. Roch, actuellement directeur de l'Office fédéral de l'environnement et des forêts, et moi-même avions déposé une motion pour demander que l'on mette de l'ordre dans l'exploitation des gravières. Depuis, une réglementation a été mise en place, qui a justement permis de mettre de l'ordre dans cette exploitation, le principe suivant ayant été notamment établi : il ne serait délivré d'autorisation d'ouvrir de nouvelles gravières que pour autant qu'une surface équivalente ait été comblée. Or, ces derniers mois, j'ai pu constater que le Conseil d'Etat avait autorisé plusieurs gravières sur le territoire de la commune du président du Grand Conseil et de la commune d'Avusy. Je n'ai pas l'impression que le principe d'égalité, s'agissant des «surfaces des trous», si je puis m'exprimer ainsi, ait été respecté.
J'aimerais donc bien que le Conseil d'Etat nous donne quelques renseignements sur la politique qui est la sienne dans la manière de délivrer les autorisations d'ouverture de nouvelles gravières. Je le répète, à mon sens, une nouvelle gravière ne doit s'ouvrir que pour autant qu'une surface équivalente ait été restituée à la culture agricole.
Je voudrais également soulever le problème des réserves potentielles de matériaux de construction dans ce canton. A mon avis, le Conseil d'Etat est pessimiste. Il existe des gisements importants, notamment dans la zone industrielle de la ZIMEYSA, et, à l'époque, si le Conseil d'Etat avait donné les autorisations d'exploiter ces zones le gravier serait extrait à l'heure qu'il est. Les grands chantiers ouverts pour l'aéroport, la gare CFF, Cointrin, Palexpo, l'autoroute, auraient pu utiliser ces matériaux. Maintenant, je ne sais pas ce qu'il va advenir de ces réserves.
Une réserve importante est en main de l'Etat, dans la presqu'île de Loëx - «vache sacrée» du canton - et j'avais déposé une motion, en son temps, qui n'avait pas été acceptée par ce parlement. Un jour où l'autre, cette réserve devra être exploitée, vu l'évolution du phénomène d'approvisionnement de notre canton, pour l'industrie de la construction en matériaux de construction. Nous ne devons pas repousser les problèmes et faire chez les autres ce que nous ne voudrions pas chez nous. Nous devons exploiter de façon optimum et judicieuse les réserves dont nous disposons, notamment celles qui sont en main de l'Etat; cela dans l'intérêt général du canton.
Le président. Cela ne vous rajeunit pas, Monsieur le député, de parler de votre motion de 1977 !
M. John Dupraz. Mais vous êtes un gamin, Monsieur le président !
Le président. Eh oui, eh oui !
M. John Dupraz. Moi, je suis un grand-père !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. En deux mots, M. Dupraz a raison d'évoquer la nécessité qu'il y avait de mettre de l'ordre dans ce domaine. C'est ce à quoi nous nous sommes employés depuis un certain temps, en collaboration étroite avec les autorités des communes les plus concernées. J'ai eu l'occasion, lors d'une séance dans la région de la Champagne, de rencontrer tous les exécutifs des communes en question. Nous nous sommes fixé un prochain rendez-vous pour ces prochaines semaines, afin de faire le point de la situation et d'évaluer les modifications apportées depuis cette rencontre.
J'ai appliqué une politique restrictive en matière d'autorisations d'ouverture. Je ne vois d'ailleurs pas très bien à quelle autorisation, délivrée par moi, vous faites allusion.
M. John Dupraz. Je vous le dirai !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Volontiers ! J'ai récemment autorisé le prolongement d'une exploitation déjà ouverte, et je l'ai fait après m'être entretenu avec le maire de la commune directement concernée. Rien n'a été fait, depuis un certain nombre de mois, sans le consentement des autorités des communes directement concernées. En effet, comme cela a été dit, une procédure de recours a été engagée, dans les conditions que vous connaissez, après que j'ai refusé l'ouverture d'une exploitation sur le site mentionné tout à l'heure.
J'ai même signalé au Tribunal administratif, sans être sûr de la portée de la démarche, que je souhaitais pratiquer un moratoire dans l'attente de la réactivation du plan directeur des gravières. Ce faisant, Monsieur le député Dupraz, nous pourrons vous redonner les précisions que vous attendez, que nous attendons, concernant le potentiel d'exploitation de notre canton. Nous le connaissons dans les grandes lignes, bien sûr, mais nous savons surtout qu'il n'y a pas une exploitation qui ne soit pas de nature à provoquer quelques inconvénients pour ceux qui habitent à proximité. Notre rôle est d'en diminuer les effets.
Le problème est complexe. Tout à l'heure, M. le député Schneider a parlé de «technologies nouvelles». Sachez que ces sujets nous intéressent et que nous en discutons avec les différents professionnels de ces métiers. J'ai bon espoir d'atteindre l'objectif que nous nous étions fixé, tout en ne perdant pas de vue, je le répète, qu'une exploitation engendre inévitablement certains effets négatifs sur l'environnement le plus proche. Nous pouvons être optimistes - j'en suis convaincu - vu les résultats obtenus. En effet, certaines communes nous disent avoir déjà remarqué des changements.
M. John Dupraz (R). Je vous remercie de votre réponse, Monsieur Haegi !
En ce qui me concerne, je ne suis pas opposé à l'exploitation des ressources naturelles de ce canton, bien au contraire, mais cela doit se faire dans le respect de certaines règles que vous affirmez avoir établies. Vous voulez également réactiver le plan directeur. Néanmoins, je suis inquiet, car vous dites que vous n'avez jamais rien fait sans l'accord des communes. J'ose supposer que cela ne veut pas dire que vous délivrez systématiquement une autorisation, si une commune est d'accord d'exploiter une gravière pour une raison x ou y, dans un secteur !
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
La commission des pétitions, sous la présidence de Mme Janine Hagmann, a traité la pétition ci-dessous.
(P 1105)
PÉTITION
pour la modification de la loi d'application du code civilconcernant les haies entre deux propriétés sur fonds privés
Nous faisons l'expérience, depuis une dizaine d'années, d'un habitat groupé, c'est-à-dire de villas mitoyennes sises sur des terrains de moins de 1 000 m2.
Il s'agit d'une expérience vécue par un nombre toujours plus grand de propriétaires étant donné le peu de surfaces constructibles dans notre canton.
Or, il s'avère qu'à notre sens la loi foncière genevoise n'est plus adaptée au parcellement des terrains en ce qui concerne la hauteur des haies de séparation quand elles sont plantées à plus de 2 m de celles-ci. En effet, selon la loi d'application du code civil: préc. «Art. 64 (E 1 1)», illustrée par le plan ci-joint donné par le service des forêts, il n'y a aucune limite à un arbre ou à des arbres plantés à plus de 2 m de la séparation d'un terrain voisin.
Nous constatons actuellement les effets pervers de ce manque de législation avec l'exemple d'une haie de près de 10 m plantée à2 m 20 de la limite de propriété.
Nous nous sommes tournés vers le code rural et foncier du canton de Vaud, du 8 décembre 1987, qui, à l'article 38, dit ceci:
«La hauteur de la haie vive séparant deux fonds ne peut, sans le consentement du propriétaire voisin, dépasser 2 m, ou1 m 50 si le fonds voisin est une vigne ou est situé en zone agricole ou intermédiaire. Le propriétaire qui veut donner à sa haie une plus grande hauteur doit l'éloigner de la distance minimale à une distance égale aux deux tiers de ce qui excède la hauteur légale.»
Nous pensons que si la loi genevoise prévoyait une limite aux haies plantées à plus de 2 m de la ligne séparatrice comme le prévoit le code foncier vaudois, elle apporterait une protection aux terrains dont bénéficieraient surtout les plus petits d'entre eux qui voient leur valeur se déprécier par manque de dégagement.
Nous comptons sur votre compréhension et espérons qu'il vous sera possible d'entrer en discussion pour modifier cette loi d'application du code civil.
Pierre et Michèle de Rham
Chemin Henri-Wissner 221212 Grand-Lancy
Audition des pétitionnaires:Mme Michèle de Rham, M. Pierre de Rham et M. Jean Widmer
Mme de Rham explique que depuis une dizaine d'années son mari et elle habitent dans une zone villas mitoyennes sises sur des surfaces de 700 m2. Un voisin a planté une haie de 2 m de hauteur et, selon la législation actuelle, il pourra laisser pousser sa haie comme il le voudra, étant donné qu'elle se trouve à plus de 2 m de la limite de propriété.
Les parcelles d'implantation de villas se rétrécissent, car on encourage l'habitat groupé, mais on a oublié de protéger les petites parcelles de tels problèmes. De l'avis des pétitionnaires la loi devrait être corrigée à l'instar du canton de Vaud, qui interdit de laisser pousser des haies sans l'accord des voisins.
Audition de Mme Anne-Catherine Desprez, directrice du servicede la protection de la nature et des paysages (service)
En préambule, Mme Desprez précise que le canton de Genève n'a pas de loi foncière comparable à celle du canton de Vaud. Notre canton est régi par le code civil suisse et plus particulièrement par la loi cantonale d'application de ce code civil. L'article 64, alinéa 1, de cette loi d'application dit: «Les arbres, arbustes et haies vives ne peuvent être plantés à une distance de moins de 50 cm de la ligne séparatrice des deux fonds. Leur hauteur ne peut dépasser 2 m que s'ils sont à 2 m au moins de cette ligne séparatrice.»
Le service est souvent sollicité pour des problèmes semblables à celui relevé dans la pétition. Dans le cas de petites parcelles, il arrive fréquemment que les gens plantent des arbres sans imaginer que quelques années plus tard ceux-ci auront souvent doublé leur hauteur. C'est pourquoi le service a rédigé des recommandations concernant les distances de plantation des végétaux par rapport aux limites de propriétés et voies de circulation. Cela reste des directives.
Il est prévu de revoir le règlement sur la protection des arbres qui, actuellement, ne prend pas en compte le problème des haies. Dans ce cadre il sera possible d'insérer ces nouvelles directives paysagères. Cependant cela n'aura pas d'effet rétroactif.
Discussion et conclusion
Le propriétaire de la haie ne comprend pas la démarche des pétitionnaires étant donné qu'il est en règle avec la loi. Il est vrai que cette haie le protège de ses nouveaux voisins, mais il a planté exprès la haie à largement plus de 2 m de la limite pour ne pas gêner. De plus, il n'entend pas la laisser pousser indéfiniment.
Forte de ces explications, la commission relève que le canton se propose de réglementer dans le cadre de la révision du règlement sur la protection des arbres ce problème de haies. Pour ne pas aller à fin contraire de la protection des arbres, le service n'entend pas non plus être trop restrictif, car il serait probable que les gens hésiteraient à planter des végétaux, sachant par exemple qu'un éventuel arrachage les confronterait à des compensations systématiques. Il apparaît judicieux de ne pas légiférer sur ce sujet, ce qui engendrerait des problèmes d'application. Il ressort que la souplesse d'un règlement laissera au service une marge plus importante à l'appréciation des situations, qu'elles soient d'ordre végétal ou humain.
Au vu de ce qui précède, la commission des pétitions vous propose à l'unanimité, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Cette interpellation n'a d'urgent que son titre : en effet, elle date de février !
Depuis, Monsieur Schneider, vous vous êtes rendu sur place; vous avez pu évaluer la situation et constater qu'il y avait peut-être quelque intérêt à poursuivre l'exploitation de cette carrière, plutôt que de provoquer une nouvelle atteinte au paysage, dans le massif du Jura.
Je ne tiens pas à refaire le débat sur les problèmes du Salève, ce soir. Je pensais même que vous lèveriez la main pour retirer votre interpellation. Nous pourrons reparler du Salève à une autre occasion, mais pas sous forme «d'urgence» !
M. Max Schneider. C'est pas croyable !
Le président. Monsieur le député, vous déposerez une nouvelle interpellation urgente, lors de la prochaine session !
M. Max Schneider. Alors, on attend...
Le président. Calmez-vous, calmez-vous ! La soirée sera longue; vous aurez l'occasion de dépenser votre énergie un peu plus tard !
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je me permets, Monsieur le président, de signaler au député Schneider que s'il désire vraiment parler des gravières du Salève et de leur exploitation, je lui offrirai un café à mon bureau ! Cela évitera de retenir l'attention de tout le parlement à ce sujet. (Brouhaha. Exclamations.) Eh oui, on peut avoir ses sympathies !
Des voix. Et nous ?
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Eh bien, venez avec lui ! (Exclamations.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, la récréation est terminée ! Monsieur le conseiller d'Etat, parlez-nous de la zone de Châtillon !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Mon programme est un peu particulier, Monsieur le président, puisque nous passons aux odeurs avec l'interpellation de M. Alain Mauris concernant la zone de Châtillon. Où est-il ?
Le président. Considérez qu'il est là, Monsieur le conseiller d'Etat ! (Brouhaha.)
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je vais simplifier la réponse. J'ai eu l'occasion de me déplacer à Bernex, il y une semaine. J'ai rencontré le conseiller administratif, Alain Mauris, ainsi que la population qui était intéressée par l'information que pouvaient donner notre département et la direction des installations d'assainissement. Environ trente-cinq citoyens de Bernex étaient présents; ils ont reçu toutes les explications voulues sur l'origine de ces odeurs et les problèmes que nous rencontrons avec le centre de compostage, avec la décharge cantonale. Nous avons également donné des informations sur les initiatives qui peuvent être prises pour mieux maîtriser ce problème, notamment la création d'un centre d'utilisation de méthane sur la commune de Bernex.
Pour ce problème également, le caractère d'urgence est dépassé dès lors que ceux qui attendaient ces informations les ont reçues !
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Ce dossier... (M. Claude Haegi cherche un document. Rires et exclamations.) Je vais vous donner cela de mémoire, en effet !
Madame, à votre première question : quel est le montant de l'amende qui a été appliquée ? je réponds 20 000 F.
Deuxième question : pourquoi le chantier n'a-t-il pas été fermé tout de suite ? Les travaux n'ont pas été arrêtés, car ils consistent, en fait, en une ouverture partielle de chantier. La partie du projet dont la réalisation est engagée est exclusivement celle pour laquelle l'autorisation d'abattage d'arbres sus-visée a été délivrée. Le chantier est strictement clôturé; aucun travail ne portant sur le sol du projet, pour lequel le sort de la procédure relative aux abattages n'est pas tranché, n'est engagé.
Dans ces conditions et en vertu du principe : «Qui peut le plus, peut le moins !», il aurait été disproportionné d'empêcher le démarrage partiel de travaux liés à une autorisation de construire confirmée par l'autorité de recours.
Si vous le voulez bien, je ne répéterai pas le libellé de vos autres questions. Je réponds comme suit à votre troisième question : Mme Anne-Marie Latzis est propriétaire et maître d'ouvrage. Le mandataire est M. Dominique Grenier pour la Société générale pour l'industrie ingénieries SA et associés A. Cerbetis, architecte.
Réponse à votre quatrième question : en l'état et après constat sur place, rien ne permet d'affirmer que les travaux engagés excèdent l'autorisation de construire délivrée le 26 mai 1994 et la décision de la commission de recours confirmant cette autorisation du 29 novembre 1994.
Question N° 5 : l'ensemble des parcelles considérées, y compris la parcelle à laquelle l'auteur de l'interpellation fait apparemment référence, est situé en zone résidentielle, de sorte que la question est sans objet.
Question N° 6 : je suis en effet en charge de ce dossier; j'agis à titre de suppléant de M. Joye dans ce dossier.
S'agissant de la question N°7, pour autant que nous le sachions, il n'est pas question d'affecter à un consulat les villas à construire en cause situées en zone résidentielle.
Pour le surplus, Madame, j'ajoute que ce dossier a été - et vous ne l'ignorez pas - une source de difficultés nombreuses. A ce que je viens de dire, je vous signale que d'autres abattages d'arbres, non autorisés, ont été effectués. J'ai dépêché sur place nos services, et nous avons organisé toute une série de réunions. Je dois le dire, nous avions atteint un degré de gravité extrême. Le chantier est placé sous surveillance particulièrement soutenue et une nouvelle contravention pour abattage a été dressée. Je dois reconnaître qu'il ne s'agit pas d'abattages importants, mais ils sont néanmoins inadmissibles, car c'est faire fi du fait que nous sommes dans un Etat de droit.
Je vous affirme que l'attitude de certains mandataires ne sauraient nous conduire à faire preuve du moindre laxisme, vu la situation dans laquelle nous nous trouvons. Une construction qui s'éloignait des plans signés, visés ne varietur a fait l'objet d'une discussion avec les mandataires; un accord a été trouvé dans la mesure où une demande complémentaire doit être déposée à ce sujet.
Je vous assure, Madame, que ce dossier, je le répète, est traité de telle manière que personne ne pourra parler d'inégalité de traitement, compte tenu des personnalités qui sont en cause dans cette affaire.
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. le député Nissim a des coups de coeur; il terminait son interpellation urgente en disant : «Ma question est simple. Aurez-vous la force, Monsieur Haegi, de tenir le cap pour mener votre projet à bien ?». J'aurais tendance à vous répondre affirmativement, pour l'essentiel de ce projet !
Ensuite, vous me demandiez comment vous pouviez m'aider. Je ne vous cache pas - et je vous le dis presque amicalement - que lorsque vous m'annoncez publiquement votre soutien, cela trouble mes amis politiques ! Si vous pouviez me tenir au courant de votre soutien plus discrètement, ce serait une manière de m'aider ! (Rires et remarques.)
Ce projet est un bon projet. J'ai eu l'occasion d'en débattre aujourd'hui devant la commission de l'environnement, et c'est parce que le bon sens triomphera que ce projet aboutira !
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. La réponse à cette interpellation urgente a déjà été donnée par mon collègue, M. Ramseyer.
Cette interpellation urgente est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Lorsque M. Lescaze intervient sur des sujets comme celui-ci concernant les archives, j'ai l'impression - et même un peu plus que cela - d'être l'intermédiaire entre lui et la personne à laquelle nous pensons tous deux.
Alors, vous ne serez pas surpris si je vous dis très honnêtement que la note que j'ai entre les mains a été préparée par «qui vous savez»... (Rires.) ...dont c'est précisément le métier. Compte tenu de la qualité de vos relations, je dois simultanément me livrer à une lecture - comment dirais-je - «anticipative» pour enlever quelques adjectifs qui pourraient vous faire bondir ! En effet, je m'exposerais à des réactions que j'aimerais mieux que vous dirigiez directement à la personne en question !
S'agissant du «fichier juif» à Genève, je fais une remarque préliminaire. Il ne s'agit pas d'un fichier juif, mais d'un fichier de toutes les personnes qui se sont présentées à la frontière, accueillies ou non, et de tous les réfugiés en provenance d'autres cantons, qui ont été rapatriés en France, à la fin des hostilités. Les juifs ne forment pas la majorité de ce fichier. L'interpellateur sait certainement que les archives d'Etat ont reçu, entre 1984 et 1990, plusieurs milliers de mètres linéaires de versement d'archives en provenance des divers départements, qu'il a fallu nettoyer, reconnaître, reclasser, inventorier.
Le versement du département de justice et police a fait l'objet d'un inventaire plus complet que les autres; un inventaire pièce par pièce étant exclu. Quant à l'étude approfondie, c'est le travail des historiens, non des archivistes ! Les archives d'Etat savaient parfaitement qu'elles possédaient des documents en abondance sur la question de l'asile aux frontières genevoises. Elles l'ont fait savoir aux archives fédérales, dès que la question leur a été posée. Si les archives fédérales n'ont pas réagi plus tôt, ce n'est pas notre problème ! La loi sur les archives publiques ne dit rien sur les délais. Le règlement d'application, quant à lui, prévoit un délai de trente-cinq ans pour tous les dossiers de caractère général ou purement administratif et un délai de cent ans pour les dossiers personnels sensibles.
Il y a lieu, en outre, de tenir compte de la loi fédérale sur la protection des délais, qui est extrêmement stricte à cet égard. Pour les études sérieuses et d'intérêt général, il y a toujours des possibilités de dérogation : il n'y a qu'à relire le règlement sur les archives publiques pour s'en convaincre.
Les archives seront mises à la disposition de l'instance chargée par le Conseil fédéral de faire les recherches en question. Il n'y a pas lieu, dans le cas particulier, de modifier la loi qui, d'ailleurs, ne prévoit rien en matière de délais. Il n'existe aucun monopole d'accès sur les dossiers en question. De même, l'enquête effectuée dans les dossiers des archives fédérales s'est déroulée de manière interne. Le Conseil d'Etat estime que l'étude complète du fonds de l'arrondissement territorial doit être d'abord effectué de manière interne.
Pour accélérer le travail, le professeur Favez a bien voulu proposer à des étudiants de préparer leur mémoire de licence sur un sujet en relation avec la politique et la pratique de l'asile aux frontières. Ces étudiants sont soumis aux mêmes règles de discrétion que les collaborateurs des archives permanents ou temporaires. Si le Grand Conseil veut bien nous voter un crédit supplémentaire - cette proposition relève de la responsabilité de l'archiviste cantonal - nous serons heureux d'engager plus d'historiens pour accélérer encore ce dépouillement; mais il faudrait aussi augmenter le nombre de places de travail aux archives, autant de choses qui ne sont pas envisageables dans un proche avenir, vous l'avez bien compris !
Cette interpellation urgente est close.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires, du 22 avril 1977, est modifiée comme suit :
Article 8A (abrogé)
Art. 11 (abrogé)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Ces dernières années, plusieurs enquêtes sur la pauvreté ont été effectuées en Suisse. Elles ont mis en évidence les conditions précaires de très nombreuses familles monoparentales.
Il existe donc une tendance à la pauvreté chez les familles monoparentales. Pour certaines femmes divorcées la gestion du budget familial relève de l'acrobatie. L'arrivée mensuelle d'une pension alimentaire versée par leur ex-époux (ou par le père des enfants) est de première nécessité.
Hélas, tel n'est pas toujours le cas. En effet, environ 10% ne touchent pas directement la pension du père de leurs enfants. Comment font ces femmes lésées ? Certaines laissent tomber, d'autres prennent un avocat, avec ce que cela implique comme frais. Enfin certaines font une demande au SCARPA (service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires). Ce service s'efforce en cas de non-paiement d'obtenir des avances d'un montant fixé au maximum de 673 F par mois et par enfant.
En 1995, 1245 personnes ont touché des avances de pension alimentaire. Mais vu les effets de la crise, 160 dossiers ont été fermés en 1995, car le débiteur était insolvable; à cela s'ajoutent les familles monoparentales qui n'ont rien touché parce que le débiteur était parti à l'étranger, de même ne sont pas prises en compte toutes les demandes refusées pour cause d'insolvabilité ou de départ à l'étranger.
Nous constatons que les assurances sociales ont prévu le versement d'une rente aux femmes qui doivent élever seules leurs enfants en raison du décès du père des enfants. Mais les statistiques montrent que les veuves représentent une proportion modeste des familles monoparentales. La majorité étant constituée de personnes divorcées ou célibataires, pour ces dernières il n'existe pas d'aide spécifique. Une veuve touchera une rente d'orphelin pour ses enfants, le deuil d'un père est une épreuve terrible mais l'abandon moral et financier d'un père peut aussi être traumatisant pour les enfants.
Depuis sa création, le SCARPA a démontré son utilité. En prenant en charge les procédures de recouvrement, il décharge les femmes de procédures longues et compliquées ; de plus, il joue un rôle d'intermédiaire entre les ex-conjoints et évite que le payement de la pension alimentaire soit l'occasion de revivre les conflits liés au divorce.
Enfin, en accordant des avances aux femmes de conditions modestes, il leur permet de faire face à une partie des dépenses liées à l'éducation des enfants.
Mais, la teneur actuelle de la loi ne permet pas au SCARPA de poursuivre son action son action lorsque le débiteur se trouve à l'étranger ou lorsqu'il est insolvable. C'est cette lacune que le présent projet se propose de corriger. L'insolvabilité d'un débiteur ne devrait plus signifier l'arrêt complet du versement des avances et laisser une famille sans revenu.
En effet, l'arrêt des avances du SCARPA signifie, pour les familles monoparentales, une absence de ressources qui les obligent souvent de demander une aide financière à l'Hospice général. Or, ce que l'Hospice général leur avance elles devront le rembourser et entrer ainsi dans une spirale de dettes. Il est en effet particulièrement choquant que la violation d'une obligation d'entretien d'un père condamne la mère à se constituer une dette d'assistance. A relever qu'au 31 décembre 1994, 674 familles monoparentales étaient assistées par l'Hospice général.
Nous ne pouvons accepter que ces familles sombrent étouffées par des problèmes financiers. La protection de la famille passe par une aide à celles qui sont démunies. Nous vous proposons d'abroger les articles 8A et 11 de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires. Pour mémoire, ces articles ont la teneur suivante :
Art. 8A :
1. Si le débiteur réside ou est domicilié à l'étranger, l'avance ne peut êtres servie pendant plus de 3 mois avant qu'une procédure d'exécution forcée ne soit introduite contre lui.
2. Lorsqu'un débiteur quitte la Suisse, le droit à l'avance s'éteint trois mois après son départ, jusqu'au jour où une procédure d'exécution a pu être introduite contre lui.
Art. 11
Les avances cessent lorsque le débiteur se trouve dans un état d'insolvabilité durable.
L'abrogation de ces deux articles permettrait aux familles monoparentales qui jusqu'à ce jour étaient pénalisées par le fait que l'ex-conjoint était insolvable ou avait quitté la Suisse de recevoir, conformément à l'article 6 de la même loi, la pension alimentaire en faveur des enfants.
Il convient de rappeler que la législation sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires prévoit que les avances ne sont pas accordées à l'ensemble des personnes qui élèvent seules leurs enfants, mais seulement à celles qui ne disposent pas d'un revenu ou d'une fortune ne dépassant des normes fixées dans le règlement. Actuellement le revenu déterminant (revenu net au sens de la loi sur les contributions publiques) pour avoir droit à des avances ne doit pas dépasser 33 062 F (+ 3 061 F par personne à charge), et la fortune doit être inférieure à 50 205 F. Ces montants montrent que le SCARPA s'adresse à des familles modestes qui, en l'absence de versement du SCARPA, doivent s'adresser à l'Hospice général avec tous les inconvénients que nous avons mentionnés.
Notre proposition ne devrait pas entraîner une dépense importante pour l'Etat. En effet, l'augmentation des dépenses du SCARPA serait, pour les raisons invoquées ci-dessus, compensées par une diminution des secours d'assistance versés par l'Hospice général aux familles monoparentales. Il s'agit donc d'un transfert de charges entre deux services de l'Etat.
La solution que nous proposons a le mérite d'éviter à de nombreuses familles monoparentales d'avoir recours à l'assistance publique en raison de l'insolvabilité du père.
Conclusion
L'augmentation des familles monoparentales est un fait de société que nous devons prendre en compte pour élaborer une véritable politique en faveur des familles. Il convient d'aider les personnes qui assument seules la charge d'enfants et en particulier d'aider financièrement les plus modestes lorsque le débiteur alimentaire n'est pas en mesure d'honorer ses engagements. C'est dans cet esprit que s'inscrit le présent projet de loi qui a pour objectif d'éviter à de nombreuses familles d'avoir recours à l'assistance pour élever leurs enfants.
Au vu de ce qui précède nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à ce projet de loi.
Préconsultation
Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Divorcer c'est avoir mal quand on dénoue les liens qui nous ont unis; divorcer est aussi, bien souvent, une façon de s'appauvrir. Divorcer c'est apprendre à gérer les fractures, mais aussi les factures qui s'accumulent et la précarité qui est de plus en plus présente. Divorcer c'est partager, partager les pouvoirs : dans plus de 90% des cas, celui de l'argent à l'homme et celui de l'enfant à la femme ! A chacun de partager un petit bout avec l'autre.
Dans la réalité, on constate qu'un enfant sur deux n'a plus qu'une relation effilochée avec son père. Environ 10% des pensions alimentaires ne sont pas payées par l'ex-conjoint. Dans ce cas, les ex-conjoints soit «laissent tomber» soit se battent par le biais d'un avocat, ou, enfin, font une demande au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires, le SCARPA.
Hélas, pour certains d'entre eux, les difficultés ne s'arrêtent pas là. En l'espace de trois ans, le nombre de dossiers fermés pour cause d'insolvabilité du débiteur est passé de nonante-neuf en 1992 à cent soixante en 1995. Ces fermetures de dossiers sont les conséquences des articles 8 A, ou 11, de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires. Fermer un dossier signifie l'arrêt complet du versement de l'avance.
Lorsque le débiteur est parti à l'étranger, ou s'il est déclaré insolvable, le SCARPA cesse les avances et le créancier, ou la créancière, se retrouvent sans revenus. A ce moment-là, ils doivent, afin de faire face aux dépenses courantes, avoir recours aux aides sociales. Or ce que l'Hospice général leur avance ils devront le rembourser et entrer ainsi dans la spirale des dettes. L'injustice est flagrante, car c'est le créancier qui doit s'endetter pour pallier le manquement de son ex-conjoint.
A l'Hospice général, on constate une augmentation importante de l'aide apportée aux familles monoparentales. C'est justement la suppression de ces recours d'assistance versés par l'Hospice général aux familles monoparentales qui seraient transférés à un autre service, le SCARPA. Ainsi l'avance des pensions alimentaires resterait une dette pour l'ex-conjoint. A meilleure fortune ou de retour de l'étranger, celui-ci devra recouvrir sa dette. Des démarches judiciaires à l'étranger, par le biais de la Convention de New York, peuvent également être entreprises.
Nous vous demandons de renvoyer ce projet de loi non pas à la commission judiciaire mais à la commission sociale.
Le président. M. Champod nous avait demandé la lecture d'une lettre de l'Association des familles monoparentales, mères cheffes de famille. Madame la secrétaire, vous voudrez bien lire cette lettre.
Annexe
lettre
M. Matthias Butikofer (AdG). Nous soutenons bien sûr l'idée socialiste de renforcer le rôle du SCARPA pour aider les femmes lésées par le non-paiement des pensions alimentaires.
Je trouve la situation actuelle assez grotesque, puisque, justement, ce sont les femmes qui subissent toutes les conséquences négatives lorsque l'ex-mari cesse de faire face au paiement de la pension alimentaire. Ces femmes subissent des craintes existentielles; elles subissent l'humiliation de demander l'aumône, sans parler des conséquences de l'endettement vis-à-vis de l'Hospice général. Il me semble donc tout à fait normal que les réserves actuelles, des articles 8 et 11 de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires, soient abrogées. Le recouvrement des charges au SCARPA au détriment de l'Hospice général semble de surcroît beaucoup plus transparent. De plus, lorsque le dossier est immédiatement transmis au SCARPA, celui-ci peut entamer les procédures nécessaires contre les débiteurs.
C'est pour toutes ces raisons que nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Comme vous le savez, notre pays ne dispose, à l'échelon fédéral ou cantonal, ni d'une politique familiale ni d'une politique de lutte contre la pauvreté.
Malgré tout, par rapport aux autres pays du monde, notre pays a été jusqu'ici de ceux dont le taux de pauvreté infantile est le moins élevé. La Suisse fait partie des pays les moins généreux en matière de politique sociale et, singulièrement, en matière de politique familiale. Ce résultat indique ou indiquait clairement que le bien-être des familles est directement lié à l'existence des revenus du travail.
Cependant, vu l'actuelle crise économique, les conditions de vie de certaines familles pourraient se détériorer de façon plus prononcée que pour la moyenne de la population. Ce phénomène observé dans les pays confrontés avant nous aux difficultés économiques ne saurait nous épargner, et l'augmentation du nombre de familles à l'assistance est là pour l'attester.
C'est pourquoi nous avons rédigé, en janvier 1995, une proposition de motion concernant le revenu minimum d'aide sociale pour les familles, la motion 975. Cette motion a été renvoyée en commission des affaires sociales par notre Grand Conseil. Le présent projet de loi reprend un des aspects développés alors.
A propos des groupes sociaux concernés, nous notions en effet que, je cite : «Le fait qu'il n'existe pas de droit à une allocation de remplacement des pensions alimentaires lorsque l'ex-partenaire ne peut s'en acquitter constitue effectivement un facteur de vulnérabilité supplémentaire.»
Or, si nous sommes convaincus que les familles monoparentales doivent pouvoir bénéficier d'une aide sociale plutôt que de prestations d'assistance quand le besoin existe, nous entendons que cette démarche concerne aussi les familles avec deux parents.
Il n'y a aucune espèce de raison que le revenu déterminant le droit à l'aide sociale soit réservé à des familles monoparentales. Aussi bien les familles monoparentales sont majoritaires parmi les familles assistées ou en difficultés financières, aussi bien la pauvreté de certains pères de famille séparés ou divorcés n'est pas une vue de l'esprit, aussi bien il existe des familles avec deux parents, elles aussi victimes de précarité économique.
C'est pourquoi, en ce qui concerne les familles en général, nous avons proposé, par voie de motion, à l'époque, que l'assistance sociale soit transformée en aide sociale.
Pour le surplus, le principe de la pension alimentaire doit continuer à faire l'objet de procédures de recouvrement par le SCARPA quand cela est nécessaire. Si le nouveau droit fédéral du divorce ne fait plus dépendre la pension alimentaire de la notion de faute, il continue à le faire dépendre de la situation économique et de la durée du mariage. L'Etat se doit, lui, d'intervenir là où le revenu familial est insuffisant, que cela soit dû au non-paiement de la pension alimentaire, à toute autre raison de pauvreté liée à l'insuffisance des revenus du travail, ou aux carences du système de protection sociale.
Dans cette perspective, ce projet de loi sera le plus judicieusement renvoyé à la commission des affaires sociales.
Mme Claude Howald (L). J'ai l'impression que l'on est en train de mélanger les genres et que l'on demande à un service de contentieux de faire des appréciations de type social.
J'aimerais vous rappeler que le code civil, dans son article 290 dispose ce qui suit : «Lorsque le père ou la mère néglige son obligation d'entretien, l'autorité tutélaire ou un autre office désigné par le droit cantonal aide, de manière adéquate et gratuitement, l'autre parent qui le demande à obtenir l'exécution des prestations d'entretien.»
Dans le canton de Genève, c'est le SCARPA, curieusement d'ailleurs domicilié au département de l'instruction publique, qui est chargé de cette mission. Dans le projet de budget 1997 du département de l'instruction publique, qui est à l'étude en ce moment, il est indiqué de manière très claire quelles sont les prestations servies par le SCARPA. Je lis en page 91 : «Avances et recouvrement des pensions alimentaires; procédures auprès des offices de poursuites et faillites; procédures pénales en violation d'obligation d'entretien; renseignements aux usagers». C'est dire que le SCARPA est un service technique, qui doit entreprendre, de manière adéquate et gratuitement pour tout créancier d'une pension alimentaire, les démarches en vue d'obtenir l'exécution des prestations fondées sur un jugement ou sur une promesse juridiquement valable.
Le SCARPA accorde des avances, engage des procédures de recouvrement, et je crois que ce serait vraiment se tromper que d'attendre du SCARPA qu'il procède à des appréciations de type social. Il est donc inopportun de prétendre changer les procédures en vigueur au SCARPA, sous prétexte de couverture de prestations ou d'appréciation sociale.
Pour les libéraux, l'assouplissement de cette loi n'est pas à l'ordre du jour, ceci d'autant plus - ou d'autant moins - que la confusion entre l'aspect financier et social est patent dans ce projet de loi. Encore une fois, l'étude du projet de loi en commission judiciaire - comme nous le demandons - montrera que le SCARPA est un service d'aide technique, dont ni la loi ni le règlement ne doivent être revus. C'est avec fermeté que le groupe libéral s'oppose à l'assouplissement de la loi concernant le SCARPA. Il explicitera sa position, lors de l'examen en commission judiciaire.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Dans cette période de difficultés économiques, nous savons combien les familles monoparentales doivent faire face à des situations financières extrêmement difficiles.
Le projet de cette loi modifie de façon positive l'accessibilité à l'avance ou au recouvrement des pensions directes. En effet, il est inadmissible qu'une mère avec des enfants à charge ne puisse obtenir des pensions alimentaires, parce que son ex-époux a quitté notre territoire ou qu'il est insolvable durablement.
La famille ne doit pas subir deux traumatismes : celui de la famille éclatée et celui de la peur du lendemain. Nous devons tout mettre en oeuvre pour que ces familles gardent leur dignité en recevant ce qui est un droit et pour que le recours à l'assistance ne soit plus leur dernière issue.
Le groupe radical vous recommande le renvoi de ce projet à la commission judiciaire.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Il n'est pas impossible que dans son fonctionnement même il y ait des propositions à formuler par rapport à l'état actuel des choses - mais pas par rapport aux propositions qui sont faites.
Je vous suggère, en examinant ce dossier, de bien vouloir faire la distinction entre un service chargé d'un contentieux et un service chargé de verser des prestations sociales. Ces deux fonctions, indépendamment du fait qu'on peut avoir une appréciation sociale dans son comportement dans un service du contentieux, ne doivent pas être confondues, faute de quoi vous arrivez à des dysfonctionnements.
J'ajouterai par ailleurs, s'agissant du SCARPA, que, lorsqu'un débiteur est insolvable ou qu'il est parti à l'étranger, nous avons pu constater que le SCARPA verse dans la plupart des cas des avances - non recouvrables vis-à-vis du créancier, ce qui est la meilleure des choses - et cela pendant trois ans s'il le faut. Cela veut dire que nous tenons compte de la situation sociale des personnes concernées, puisque nous essayons, dans la limite de nos moyens, de faire nos recherches pour retrouver le conjoint défaillant aussi longtemps que possible, pour permettre au bénéficiaire, pendant ce laps de temps, de toucher ces avances.
Le département des finances compte un nombre de créances irrécouvrables très important, que je dois faire enregistrer; cela signifie que cette politique est très largement abordée. Il faut également savoir si ce Grand Conseil veut appliquer une politique sociale, qui viendrait en complément de ce qui se fait actuellement, pour les familles concernées par ce problème. Il me paraît néanmoins nécessaire de véritablement séparer les deux aspects de ce problème.
Vous allez le traiter en commission judiciaire, où vous aurez l'occasion d'auditionner celles et ceux qui s'y intéressent, ainsi que les services du département concernés, ce qui vous permettra de faire le point de la situation et de mieux connaître les pratiques actuelles.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
(PL 7479)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989, est modifiée comme suit:
Art. 46, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Le Conseil d'Etat assure l'indexation prévue àl'alinéa 1.
Art. 2
Entrée en vigueur et modalité
La présente loi entre en vigueur le 1er septembre 1996 et annule celle du 1er septembre 1993.
L'indice de référence pour l'indexation est celui du1er mai 1995.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 17 décembre 1993, la majorité du Grand Conseil, déterminée à combler le déficit budgétaire le plus rapidement possible, votait la suppression de l'indexation des allocations d'études et d'apprentissage pour une durée de 4 ans (entrée en vigueur le 1er septembre 1993).
A la lecture des comptes 1995, nous pouvons constater que les montants moyens alloués, non seulement n'ont pas été indexés comme l'exige la loi du 1er septembre 1993, mais ont diminué. (Apprentis: de 6 225 F à 5 995 F par an. Etudiants: de 7 788 F à 7 608 F par an.)
A noter cependant que le nombre de bénéficiaires a augmenté.
Lors de l'établissement du budget 1995, les subventions en faveur des allocations d'études et d'apprentissage avaient été portées à 32 276 000 F. Dans les comptes 1995 apparaît une dépense de 29 580 000 F, soit environ 7% de moins que budgétisé.
Pour nombre de familles et de jeunes, les conditions de vie s'avèrent de plus en plus précaires. S'ajoutent à cela les difficultés rencontrées par les étudiants et les apprentis pour trouver de petites activités leur permettant d'assurer une partie de leur entretien durant leurs études.
Considérant que les subventions prévues l'année dernière n'ont pas été dépensées (-7%: même en indexant les allocations le montant budgétisé n'aurait pas été utilisé dans sa totalité) et surtout considérant que nous devons faciliter tant que faire se peut l'accès de nos jeunes aux études ou à une formation, il nous apparaît que la décision prise de ne pas indexer les montants d'allocations jusqu'en 1997 devrait être abrogée cette année déjà. C'est le but du présent projet de loi que nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement.
(PL 7480)
PROJET DE LOI
modifiant la loi sur l'orientation, la formation professionnelleet le travail des jeunes gens
(C 2 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens, du 21 juin 1985, est modifiée comme suit:
Art. 109, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Le Conseil d'Etat assure l'indexation prévue àl'alinéa 1.
Art. 2
Entrée en vigueur et modalité
La présente loi entre en vigueur le 1er septembre 1996 et annule celle du 1er septembre 1993.
L'indice de référence pour l'indexation est celui du1er mai 1995.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Voir l'autre projet de loi, exposé des motifs identique.
ANNEXE
Préconsultation
M. Gilles Godinat (AdG). J'interviens brièvement sur la politique actuelle d'encouragement aux études et à la formation professionnelle.
Nous pensons, par notre proposition, corriger quelque peu la tendance actuelle qui porte atteinte, selon nous, d'une part, à la démocratisation des études et, d'autre part, à l'encouragement à la formation professionnelle. Pour s'en convaincre, il suffit de considérer trois faits :
- il n'y a pas eu d'indexation des allocations depuis 1993;
- en termes réels, les allocations d'étude à la formation professionnelle ont baissé - non seulement elles n'ont pas été indexées, mais elles ont baissé !
- les plafonds - c'est-à-dire les revenus déterminants pour pouvoir bénéficier de ces allocations - ont diminué vu que l'indexation n'a pas suivi le coût de la vie, ce qui fait que le nombre de bénéficiaires potentiels est restreint.
C'est la raison pour laquelle nous vous suggérons, par le biais de ce projet de loi, de rétablir l'indexation. Par exemple, les 2,7 millions économisés en 1996 pourraient être réinjectés dans le cadre de l'encouragement aux études.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). En matière d'études et d'accès aux études, les événements qui se succèdent ont de quoi nous inquiéter. On peut relever quelques exemples :
- la participation financière des étudiants est toujours plus importante;
- la suppression des indemnités de stage pour toute une catégorie de formations;
- une augmentation des coûts de certaines formations, comme l'école de Lullier - on a appris l'autre jour en commission qu'une augmentation importante était prévue;
- la prise en charge des coûts du matériel - un projet de loi instituait, je vous le rappelle, le paiement des outils et du matériel par les apprentis.
Bref, la liste s'allonge. Les projets de lois se sont succédé, grignotant de ci de là - ils sont toujours présentés comme étant mineurs, bien entendu - la gratuité des études et entraînant, de fait, une limitation de l'accès à la formation pour certains jeunes sans revenus ou issus de familles modestes.
Il y a trois ans, comme l'a dit M. Godinat, la majorité de ce Grand Conseil a voté la suppression de l'indexation tant des allocations d'études que de celles d'apprentissage.
Que constate-t-on aujourd'hui ?
D'abord, les difficultés financières pour les petits budgets s'aggravent de plus en plus. Ensuite, il devient très difficile aux étudiants de trouver des petites activités annexes pour leur permettre de boucler leur fin de mois. Enfin, les montants prévus dans les budgets de ces dernières années n'ont pas été dépensés, malgré l'augmentation du nombre de bénéficiaires. Je vous rappelle que les apprentis ont perdu une somme d'environ 230 F et les étudiants un peu moins de 200 F.
C'est pourquoi nous souhaitons que l'indexation des allocations d'études et d'apprentissage soit réactivée. Même si ces montants sont peu conséquents, ils représentent, pour celles et ceux qui suivent des études dans une situation financière précaire, un petit plus qui a son importance. Et puis, c'est aussi, comme l'a dit M. Godinat, une question de principe, car l'accès aux études ne doit pas être fermé pour des questions d'ordre économique : le pauvre comme le riche a le droit de suivre la formation de son choix, et la société doit lui donner les moyens de ce choix.
Je vous propose donc de renvoyer ce projet de loi en commission des finances, qui avait traité le projet de loi sur la suppression de l'indexation.
Mme Nelly Guichard (PDC). A un an de l'échéance du blocage des allocations d'études et d'apprentissage que mentionnent les projets de lois, nous ne voyons pas l'opportunité d'en modifier le cours maintenant, alors, précisément, que les prestations de l'Etat sont bloquées : pas d'indexation des salaires, ni des rentes OCPA ni du RMCAS.
Il est vrai que l'on peut s'interroger en voyant apparaître un montant inférieur dans les compte 95 en regard du budget. Mais, comme l'a dit Mme Reusse-Decrey, le nombre de bénéficiaires des allocations d'études et d'apprentissage a augmenté, ce qui est également un aspect positif qu'il convient tout de même de relever.
Comme vous, nous sommes évidemment conscients de la situation plus précaire de nombreuses familles et de la plus grande difficulté qu'ont les jeunes à trouver de petits emplois. Mais, comme vous, nous connaissons aussi les barèmes liés aux allocations et nous savons que ceux qui ont droit aux prestations ne seront pas prétérités.
Nous renverrons néanmoins vos projets de lois en commission; nous suggérons la commission de l'enseignement, pour en débattre plus précisément.
M. Bernard Lescaze (R). La position du groupe radical est la même que celle de la préopinante.
Quels que soient l'intérêt et la nécessité éventuels de pouvoir assurer aux apprentis et aux étudiants les meilleures allocations possibles, le groupe radical est convaincu de trois choses :
- d'une part, ces allocations sont très sensiblement supérieures à Genève à celles d'autres cantons - ceux qui en bénéficient à Genève sont donc déjà favorisés;
- d'autre part, comme l'a rappelé la préopinante, le blocage de toutes les prestations de l'Etat doit s'appliquer à tout le monde;
- alors même que le nombre des étudiants est en diminution, nous constatons que le nombre des bénéficiaires est en augmentation. De ce point de vue, la loi - et son application - est un succès. Il conviendra peut-être d'examiner plus précisément en commission les raisons de cette augmentation des bénéficiaires et de cette stabilisation des comptes en 1995.
C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que le groupe radical accepte le renvoi en commission de ces projets de lois, tout en se déclarant d'ores et déjà très réservé quant à leur contenu.
Mme Claude Howald (L). Pour compléter les propos de M. Godinat, j'aimerais préciser que les conditions d'octroi d'une allocation, d'une bourse, d'un prêt d'études sans intérêts, ne sont pas seulement liées à la notion de revenu déterminant. Que les choses soient bien claires ! D'autres conditions cumulatives, dont il n'y a pas lieu de débattre ici, peuvent partiellement expliquer ce que disait M. Lescaze tout à l'heure - j'emprunte de nouveau au projet de budget 1997 du département de l'instruction publique, page 42 - à savoir que le nombre des bénéficiaires est en augmentation alors que les montants globaux dépensés ont diminué.
S'agissant du fonctionnement général de cette loi sur l'encouragement aux études qui, je le rappelle, offre de bonnes conditions d'études sur le plan financier à tous les ordres d'enseignement, qu'ils soient universitaire, secondaire ou professionnel, certaines questions doivent être posées, mais seulement sur les montants financiers accordés.
Sans vouloir répéter les propos de M. Lescaze, j'indique que le groupe libéral n'est pas prêt à envisager sur le fond les propositions de ces deux projets de lois, même s'il est d'accord de les renvoyer à la commission de l'enseignement et de l'éducation, ne serait-ce que pour avoir l'occasion, au moins une fois, d'examiner de plus près ce que sont exactement les allocations et les prêts d'études. C'est un domaine compliqué à maîtriser. Le renvoi en commission nous permettra certainement de comprendre les raisons de la différence qui existe entre le montant prévu au budget et le montant dépensé.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'imagine que le renvoi de ces projets de lois en commission des finances permettrait de fournir un certain nombre d'éléments, mais vous me permettrez tout de même de faire deux remarques, dont l'une est un peu ironique.
Un certain nombre de députés de ce parlement ont voté avec enthousiasme la dernière loi sur les allocations familiales. Ce faisant, ils ont également voté la suppression des allocations familiales à partir d'un certain âge et donc ainsi privé un certain nombre de jeunes et leurs parents d'un appui financier qu'ils ont eux-mêmes approuvé dans ce parlement. Alors, en fait de loi votée qui péjore parfois la situation, l'exemple est choisi ! Pour ma part, je n'avais pas approuvé cette loi, votée par ce parlement, qui - je le répète - péjore véritablement la situation. Pourtant, je n'ai pas entendu se manifester beaucoup de résistance pour l'éviter !
Madame Reusse-Decrey, s'agissant des montants prévus au budget des comptes et les dépenses réelles, il faut penser que nous essayons, au plus près de nos estimations et en fonction de la conjoncture, de prévoir des sommes suffisantes pour éviter de vous demander des crédits supplémentaires. Il est parfois difficile, à 1 ou 2 millions près, d'estimer ce qui relève du domaine de l'aléatoire; en effet, la situation financière des parents, dont le sort des étudiants et des jeunes dépend, peut se péjorer à n'importe quel moment de l'année scolaire. Il est parfaitement normal, dès lors, qu'il y ait une différence entre le montant prévu et le montant dépensé.
Vous constaterez, par ailleurs, que le nombre des étudiants est en diminution, que le nombre des bénéficiaires est en augmentation et que les montants globaux dépensés ont diminué. Mais cela ne touche en aucun cas celles et ceux qui doivent payer une taxe, à l'université, mais bien plutôt celles et ceux qui sont au postobligatoire, en vous rappelant que l'enseignement du postobligatoire est gratuit et le restera, je tiens à le préciser.
Il faut tout de même être honnêtes par rapport aux modifications acceptées par le peuple et par le parlement ! La seule modification qui a été introduite en matière de coût par rapport aux études est celle qui concerne les taxes universitaires. Cette modification a fait l'objet d'un référendum, d'un vote populaire; aussi il me semble qu'il n'y a pas lieu de revenir sur ce point !
Les autres éléments ont été votés. L'un d'entre eux, je vous le signale, est proposé aujourd'hui : au rapport de minorité de s'y opposer ! Vous aurez la possibilité de vous exprimer tout à l'heure à ce sujet, mais je ne suis pas d'accord de laisser croire que nous essayons de grignoter, par ci par là, la gratuité des études.
Dernière chose : que ce soit en postobligatoire ou dans les cursus de formation professionnelle du niveau tertiaire, pour les professions de la santé ou pour l'école d'ingénieurs, ceux qui ont bénéficié de la gratuité jusqu'à présent continueront à en bénéficier.
Ces projets sont renvoyés à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
(PL 7521)
PROJET DE LOI
ouvrant un crédit pour l'acquisition d'outils de gestion de réseaux, d'équipements informatiques et de gestion d'incidents
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Un crédit global de 630 000 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'acquisiton d'outils de gestion de réseaux, d'équipements informatiques et de gestion d'incidents.
Art. 2
Ce crédit fait partie de l'enveloppe globale de 4 085 000 F inscrite au budget d'investissement en 1996 sous la rubrique 21.09.00.538.49.
Art. 3
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt et dans les limites du cadre directeur fixant à environ 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et qui est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Contexte général
Le 24 juin 1996, le Grand Conseil a voté 13 lois ouvrant divers crédits destinés à la réalisation de projets informatiques. Le montant total de ces crédits - ou des tranches 1996 s'il s'agisssait de lois pluriannuelles - s'élevait à 3 032 000 F. L'exposé des motifs général précisait que des dépôts complémentaires pourraient intervenir, mais toujours dans le cadre de l'enveloppe globale de 4 085 000 F inscrite au budget d'investissement en 1996.
Compte tenu de l'état d'avancement de la réforme informatique et des processus administratifs associés (projet Symphonie), deux nouveaux projets vous sont soumis. Ils concernent le nouveau centre des technologies de l'information qui est en cours de constitution. En effet, le Conseil d'Etat a créé ce nouveau centre de responsabilité, lequel comprend deux entités opérationnelles distinctes, le centre d'exploitation et le centre de développement et de maintenance. Le centre d'exploitation reprend progressivement les différentes activités informatiques de plusieurs sites pilotes volontaires. Des conventions de services ont été signées entre ces sites et le centre des technologies de l'information. Elle définissent une relation client-founisseur entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre qu'est le centre d'exploitation.
Pour pouvoir atteindre les objectifs que l'Etat attend de cette nouvelle organisation, le centre d'exploitation doit rationaliser son activité. Il doit notamment doter l'Etat d'un sytème de messagerie performant et mettre en oeuvre des outils de gestion des équipements informatiques.
Ce projet de loi vise à assurer la couverture financière de l'acquisition des outils de gestion. En ce qui concerne la messagerie, un second projet de loi vous est également transmis.
2. Situation actuelle
Dans le cadre du projet Symphonie, une étude sur l'acquisition de logiciels de gestion nécessaires au centre d'exploitation des technologies de l'information a été effectuée. Cette étude a porté plus particulièrement sur trois types d'outils :
- les outils de gestion de réseaux (cantonal, locaux);
- les outils de gestion du parc et de contrôle des licences;
- les outils de gestion des incidents.
Les conclusions de cette étude démontrent que depuis 15 ans, le parc informatique de l'Etat a totalement changé de physionomie. Par la richesse fonctionnelle des logiciels à disposition (accès aux ordinateurs centraux, messageries, bureautique, etc.), le PC s'est peu à peu imposé comme outil de productivité individuelle. Son usage s'est généralisé et il y en a aujourd'hui plus de 7 000 au sein de l'administration. En contrepartie, il a généré une plus grande complexité, tant en termes de gestion des équipements (disséminés) qu'en termes de problèmes à résoudre (plus variés).
3. Objectifs du projet
Pour une gestion économique et globale de ces équipements, le centre d'exploitation des technologies de l'information doit se doter des outils nécessaires à sa mission.
Ils permettront:
- d'harmoniser facilement la gestion des différents réseaux locaux de l'Etat;
- d'élaborer un plan d'équipement et de déséquipement cohérent pour l'ensemble de l'Etat;
- de connaître de manière précise la valeur du parc informatique et de calculer précisément les amortissements y relatifs;
- de tenir un inventaire technique détaillé du matériel et des logiciels installés;
- d'être en conformité avec les contrats logiciels signés avec les différents fournisseurs (Microsoft, ...);
- de contrôler l'utilisation des logiciels et par là de diminuer les redevances;
- de gérer efficacement les équipements sous contrat (garantie, maintenance, etc.);
- de traiter et de suivre efficacement chaque problème soumis par les utilisateurs au centre d'exploitation.
Economies financières réalisables grâce à ces outils
L'harmonisation de la gestion des différents réseaux locaux permettra d'éviter d'engager des spécialistes pour chaque type de réseau.
On peut prévoir une diminution des frais de licences des logiciels, par une meilleure connaissance de ceux réellement utilisés. Une étude du Gartner Group (leader mondial des sociétés indépendantes de conseil en informatique dont l'activité principale consiste à analyser les tendances et les développements de l'industrie informatique) indique que les organisations ayant entre 1 000 et 3 500 utilisateurs économisent entre 500 000 F et 1 200 000 F en mettant en place un logiciel de contrôle des licences). Le temps passé sur certains logiciels pourra être réglementé, diminuant du même coup la facture globale et dans certains cas des coûts de télécommunications.
Autres bénéfices
Le logiciel de gestion des réseaux de l'Etat permettra de configurer et de contrôler les différents équipements permettant l'accès aux réseaux locaux et cantonaux, cela de manière uniforme. La cohérence et la fiabitité des divers composants des réseaux de l'Etat seront renforcés.
Le logiciel de gestion du parc permettra d'obtenir automatiquement les informations sur les configurations matérielles et logicielles des PC (pour environ 80% des équipements); ces informations seront actualisées fréquemment et elles permettront une meilleure réactivité de la part des exploitants et un suivi plus fin de la part des gestionnaires et des financiers. Les exploitants pourront connaître rapidement la configuration du poste d'un utilisateur particulier et par là même seront capables de répondre plus rapidement à sa demande, en particulier en cas de panne. Du point de vue financier, la connaissance précise des équipements et des logiciels installés est une nécessité pour pouvoir élaborer un plan d'achat et de renouvellement des PC et négocier les contrats de manière globale pour l'Etat.
La mise en place du centre des technologies de l'information requiert des outils de communication performants, conçus pour simplifier les tâches prioritaires. Le logiciel de gestion des incidents fait partie de ces outils car il permettra au centre d'exploitation de suivre et de traiter les problèmes qui lui seront soumis avec plus de facilité et plus rapidement qu'actuellement, en respectant les termes fixés par les conventions de service conclues entre les maîtres d'ouvrage (offices et services de l'administration) et le centre d'exploitation.
Finalement, la mise en place de ces logiciels permettra également d'évaluer plus facilement l'impact (ressources financières et techniques) de certaines migrations techniques ou lors de l'installation d'une nouvelle version d'un logiciel (ex.: passage à Windows 95, etc.).
4. Coûts du projet
Le crédit demandé (630 000 F y compris la TVA et le renchérissement) couvrira la mise en place des outils précités pour la gestion d'environ 60% des équipements informatiques de l'Etat. Un second projet de loi, d'un montant comparable, sera déposé dans le cadre du projet de budget 1997 pour couvrir la gestion des autres équipements et l'acquisition des produits liés à la gestion des alarmes et des performances dont les coûts ne sont pas précisément connus à ce jour.
Les frais d'exploitation entraînés par ces outils sont évalués annuellement à 15% des frais d'acquisition soit 94 500 F. Cette somme correspond aux frais de maintenance des logiciels et à l'entretien du matériel (rubrique 315).
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.
Annexes: Tableau d'évaluation des charges financières moyennesTableau d'évaluation de la dépense nouvelle et de la couverture financière
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7(PL 7522)
PROJET DE LOI
ouvrant un crédit global de réalisation du système d'informationdu Grand Conseil et du Conseil d'Etat
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Un crédit global de 700 000 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour couvrir les frais de réalisation du système d'information du Grand Conseil et du Conseil d'Etat.
Art. 2
Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès l'année 1997 sous la rubrique 17.00.00.536.49.
Art. 3
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt et dans les limites du cadre directeur fixant à environ 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et qui est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Généralités
Depuis deux ans, la chancellerie d'Etat poursuit des efforts de rationalisation et de modernisation afin de pouvoir assumer dans les meilleures conditions possible son rôle d'état-major du Conseil d'Etat et du Grand Conseil.
Différents projets ont été lancés. En ce qui concerne plus précisément l'informatique, ils ont abouti à la mise à disposition de nouveaux outils: le mémorial électronique, la messagerie et bientôt la législation électronique et l'annuaire officiel.
Aujourd'hui la chancellerie entend traiter de manière moderne et efficace les dossiers du Grand Conseil et du Conseil d'Etat grâce à un projet qui permettra d'assurer une gestion sûre et compatible de ces dossiers, de leur suivi et de renforcer encore la qualité de l'information.
2. Situation actuelle
La chancellerie d'Etat dispose de quelques applications informatiques pour traiter certaines informations du Grand Conseil et du Conseil d'Etat. Ces applications sont déjà anciennes, basées sur des outils peu compatibles entre eux. Chaque application reste ainsi isolée des autres et ne peut guère évoluer.
A l'exception des procès-verbaux, les dossiers du Conseil d'Etat ne sont pas archivés sur un support informatique. Ils ne peuvent donc être facilement transmis par des moyens électroniques. L'archivage sur un support papier pose également le problème de la difficulté des recherches et de l'absence de sécurité (feu).
Suite à une recherche de partenariat, un contact a été pris avec la chancellerie du canton de Vaud afin de partager les expériences déjà réalisées de part et d'autre. L'analyse de la situation actuelle a permis de mettre en évidence une opportunité de réalisation commune quand bien même la chancellerie vaudoise a entamé le développement de son projet il y a quelques mois.
3. Objectifs du projet
Ce projet vise à constituer un «Système d'information du Grand Conseil et du Conseil d'Etat». Ce système sera l'outil de travail de la chancellerie d'Etat, en particulier des services du Grand Conseil et du Conseil d'Etat. Il sera également à disposition des secrétariats généraux et états-majors des départements.
Globalement, ce système offrira :
- une gestion des documents entrants et sortants;
- une gestion de l'activité du Grand Conseil, avec le suivi des objets, la gestion des commissions, la préparation des ordres du jours de séances, le suivi des décisions et des suspens, etc.;
- une gestion de l'activité du Conseil d'Etat, avec le suivi des objets des départements et du Conseil d'Etat, la préparation de l'ordre du jour des séances, la gestion des décisions et le suivi des suspens, la gestion des conférences et communiqués de presses, etc.;
- une gestion des publications officielles;
- une gestion des personnes, des commissions, des adresses, etc.;
- une gestion des textes et documents avec mise à disposition interne et externe reposant sur des moyens de communication modernes (Internet);
Les principales caractéristiques fonctionnelles du système seront :
- l'automatisation des procédures permettant l'accélération et la coordination du traitement des objets. Tout au long de la chaîne de traitement d'un dossier, c'est le système informatique qui assumera la fonction de circulation alors qu'actuellement l'avancement des procédures est effectué par le déplacement physique de documents et dossiers d'un service à l'autre;
- le suivi des objets, dossiers tant au niveau des actions à entreprendre que des délais à respecter;
- l'intégration des données de l'ensemble de la chaîne de traitement dans un seul dossier de référence avec de larges possibilités de recherche;
- la gestion de tous les textes législatifs depuis leur conception jusqu'à leur publication afin de mieux maîtriser les étapes du processus législatif. Sous cet aspect, le projet s'inscrit dans la suite de la réalisation de l'application sur la législation genevoise;
- la production des ordres du jours, procès-verbaux, convocations, lettres types et autres.
La réalisation de ce système d'information se fera sous forme d'une collaboration intercantonnale avec le canton de Vaud. Cette collaboration permet une économie estimée à plus de 500 000 F pour l'Etat de Genève par la reprise du développement effectué pour la chancellerie vaudoise. Elle favorisera également d'autres synergies avec ce canton.
La mise en oeuvre de ce système est prévue pour le début de la prochaine législature. Il est en effet plus rationnel de commencer à gérer les objets, tant du Grand Conseil que ceux du Conseil d'Etat, avec ce système à partir de cette date butoir.
Le système s'appuiera sur la plate-forme bureautique de l'Etat et sur la messagerie et tendra, par les échanges avec les départements à en standardiser l'usage et à en augmenter l'efficacité. Les plates-formes techniques, hormis la bureautique, liées à ce projet seront soumises à l'examen de l'observatoire technologique.
Enfin, le système proposé constituera une des bases du système d'information interne de l'administration. A ce sujet, la chancellerie s'est engagée auprès du comité de pilotage à initier une réflexion sur la constitution de ce système d'information et à présenter des propositions d'ici mars 1997.
4. Coûts du projet
Le crédit demandé (700 000 F y compris la TVA et le renchérissement) couvrira l'installation des équipements et logiciels nécessaires à la mise en place d'une solution complète couvrant les objectifs précités. Les frais d'exploitation entraînés par cet investissement sont évalués à 60 000 F par année (rubrique 315).
Le groupe de gestion du portefeuille des projets a sélectionné ce projet qu'il a qualifié de «projet clé» pour l'administration cantonale.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.
Annexes : Tableau d'évaluation des charges financières moyennesTableau d'évaluation de la dépense nouvelle et de la couverture financière
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(PL 7523)
PROJET DE LOI
ouvrant un crédit global de réalisation d'un système de messageriepour l'administration cantonale
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Un crédit global de 420 000 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour couvrir les frais de réalisation d'un système de messagerie commun à l'ensemble de l'administration cantonale.
Art. 2
Ce crédit fait partie de l'enveloppe globale de 4 085 000 F inscrite au budget d'investissement en 1996 sous la rubrique 21.09.00.538.49.
Art. 3
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt et dans les limites du cadre directeur fixant à environ 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et qui est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
1. Contexte général
Le 24 juin 1996, le Grand Conseil a voté 13 lois ouvrant divers crédits destinés à la réalisation de projets informatiques. Le montant total de ces crédits - ou des tranches 1996 s'il s'agisssait de lois pluriannuelles - s'élevait à 3 032 000 F. L'exposé des motifs général précisait que des dépôts complémentaires pourraient intervenir, mais toujours dans le cadre de l'enveloppe globale de 4 085 000 F inscrite au budget d'investissement en 1996.
Compte tenu de l'état d'avancement de la réforme informatique et des processus administratifs associés (projet Symphonie), deux nouveaux projets vous sont soumis. Ils concernent le nouveau centre des technologies de l'information qui est en cours de constitution. En effet, le Conseil d'Etat a créé ce nouveau centre de responsabilité, lequel comprend deux entités opérationnelles distinctes, le centre d'exploitation et le centre de développement et de maintenance. Le centre d'exploitation reprend progressivement les différentes activités informatiques de plusieurs sites pilotes volontaires. Des conventions de services ont été signées entre ces sites et le centre des technologies de l'information. Elles définissent une relation client-fournisseur entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre qu'est le centre d'exploitation.
Pour pouvoir atteindre les objectifs que l'Etat attend de cette nouvelle organisation, le centre d'exploitation doit rationaliser son activité. Il doit notamment doter l'Etat d'un sytème de messagerie performant et mettre en oeuvre des outils de gestion des équipements informatiques.
Ce projet de loi vise à assurer la couverture financière de la messagerie. En ce qui concerne l'acquisition des outils de gestion, un second projet de loi vous est également transmis.
2. Situation actuelle
Depuis une dizaine d'années différents services de l'Etat sont dotés de messageries électroniques pour répondre à un besoin accru de communication interne. A ce jour, sont installées les messageries suivantes: MS-Mail (2000 boîtes aux lettres), Exchange (600 boîtes aux lettres), Wang (200 boîtes aux lettres), Digital (360 boîtes aux lettres) et Mailbox (540 boîtes aux lettres) qui est un produit développé en interne au sein du département de l'instruction publique pour répondre aux besoins des élèves et des enseignants.
3. Objectifs du projet
La politique de l'Etat en matière informatique repose sur deux orientations principales:
- mettre en place un service universel comprenant aussi bien les produits bureautiques (traitement de texte, tableurs) qu'un outil de communication et d'accroissement de la productivité du travail entre les services et les personnes;
- développer les systèmes d'information spécifiques aux métiers du service public en fonction d'une série de critères tels que les obligations légales, les gains de productivité, une sécurité accrue, des économies directes ou indirectes.
L'outil de communication et de productivité du travail s'appuie sur une messagerie électronique. Le comité de pilotage de l'informatique a décidé ce printemps d'installer au sein des départements un produit unique. Il a retenu le produit Exchange proposé par la société Microsoft. Celui-ci permet de maintenir des passerelles avec l'ensemble des autres systèmes de messagerie existants qui seront progressivement abandonnés et d'intégrer les nouveaux standards issus des technologies employées dans le monde Internet.
Globalement, ce système offrira à l'administration cantonale:
- un puissant mode de communication inter-personnel et inter-services;
- la possibilité de transmettre rapidement, de manière plus ou moins asservie, des documents produits à l'aide des outils bureautiques;
- un moyen fiable et rapide de diffusion large d'informations;
- un ensemble d'outil de gestion du temps (agenda), des contacts (carnets d'adresses) et des tâches (planification) au niveau individuel et collectif.
Ce choix est le résultat d'une étude comparative entre les différentes messageries existantes. Il a également fait l'objet d'une certification par l'observatoire technologique mis en place ce printemps dans le cadre de la réforme de l'informatique de l'Etat.
Exchange a également été retenu par les cantons de Neuchâtel et Fribourg. En ce qui concerne le canton de Vaud, il vient d'être choisi par la chancellerie dans le cadre de son projet de gestion des activités du Grand Conseil et du Conseil d'Etat. Les autres cantons romands n'ont pas encore effectué leur choix mais envisagent très sérieusement ce produit.
Comme nous l'avons vu et contrairement aux autres messageries installées, ce système est ouvert sur l'extérieur car il répond à des normes internationales reconnues, principalement issues des technologies du monde Internet (SMTP, TCP/IP), mais aussi X.400 et X.500. La phase pilote à laquelle de nombreux députés ont participé a déjà permis de vérifier les liaisons avec la messagerie Internet. Le système sera également raccordé à la Confédération et aux communes ainsi qu'à d'autres services publics et associations à vocation de service public.
Les possibilités d'automatiser le traitement et le suivi des affaires administratives préfigurent de profonds bouleversements des habitudes de travail. Dans ce domaine, toute solution imposée court à l'échec. Les fonctionnalités offertes par les outils du type de ceux proposés par Exchange dans le domaine du travail en groupe et du suivi des affaires impliquent un changement des comportements et des procédures. Le déploiement d'Exchange dans l'administration s'effectuera par étapes et sera soutenu par un programme de formation et d'assistance sur site, spécifique à chaque groupe de travail.
Les cadres et les collaborateurs de l'administration auront à inventer et à tester des procédures adaptées à l'assistance informatique et des modes de travail plus performants.
4. Coûts du projet
Le crédit demandé de 420 000 F (y compris TVA et renchérissement) couvrira les frais d'installation de l'infrastructure nécessaire, de l'acquisition des 4000 premières boîtes aux lettres (environ 60 F par poste de travail pour la messagerie et l'agenda), des serveurs (80 000 F) ainsi que les passerelles avec les autres outils de messagerie (100 000 F pour l'achat de matériel et de logiciels, l'installation et l'assistance).
Le déploiement de cette messagerie se fera par étapes en respectant les priorités fixées par le comité de pilotage, en tenant compte des impératifs techniques et du niveau technologique des postes de travail existants.
La première étape vise à reprendre l'exploitation des sites pilotes et a installer la messagerie et l'agenda électronique au sein des services suivants: la chancellerie, les secrétariats généraux des départements, l'office du personnel, les services financiers de l'Etat et les services informatiques.
La deuxième étape verra la mise en oeuvre de ces outils dans les autres services centraux et dans les offices et services qui auront été jugés prioritaires par les départements. L'ensemble de ces 2 étapes correspond aux 4000 boîtes aux lettres citées ci-dessus.
A terme, et pour autant que le besoin soit démontré, l'intention est d'installer une boîte aux lettres pour chaque collaborateur disposant d'un accès à un poste de travail informatisé.
Les frais d'exploitation entraînés dès 1998 par cet investissement sont évalués à 70 000 F par année (entretien des équipements et licences), soit 17,50 F par poste de travail, ils sont couverts à concurrence de 50 000 F par la diminution sur la même rubrique (315.49) des frais liés aux messageries existantes.
Les expériences acquises avec les systèmes de messagerie actuels permettent d'évaluer les gains de la manière suivante:
- simplicité (moins grand formalisme du message qui s'apparente à une communication orale) et gain de temps grâce à la transmission asynchrone;
- meilleure qualité des documents qui font plus souvent la navette entre les correspondants;
- efficacité accrue par une meilleure gestion des agendas et des tâches.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.
Annexes : Tableau d'évaluation des charges financières moyennesTableau d'évaluation de la dépense nouvelle et de la couverture financière
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8Préconsultation
M. Dominique Hausser (S). Mon intervention concerne l'ensemble des projets 7521, 7522 et 7523 qui traitent du même problème.
Le Conseil d'Etat a entamé une restructuration de l'informatique de l'Etat. On nous en a parlé à maintes reprises, et nous avons voté plusieurs projets dans le cadre du budget 1996.
Pour le budget 1997, nous avons surtout bénéficié, au cours de deux séances en commission, des informations de la conseillère d'Etat Brunschwig Graf, présidente du comité de pilotage de la réforme de l'informatique de l'Etat, sur la façon dont ledit comité entendait restructurer l'informatique. Néanmoins, il manque la vision d'ensemble qui devra apparaître en annexe des rapports qui reviendront de la commission des finances, afin que le parlement sache à quoi s'en tenir.
Nous avons voté quelques millions en faveur de la société Gemini qui doit seconder le Conseil d'Etat et l'administration dans cette réforme. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas été informés du rôle joué par cette société et de ses apport réels. Nous avons juste eu connaissance de ses objectifs, lors de notre vote.
Les projets dont nous débattons sont probablement utiles, mais nous nous demandons si leurs coûts sont raisonnables dans un temps où le Conseil d'Etat dit être obligé de bloquer les prestations sociales en faveur des personnes âgées, des chômeurs, des jeunes sans emploi, ainsi que les salaires des agents de la fonction publique, alors que les besoins et les demandes de la population vont croissant.
Nous examinerons attentivement ces projets en commission. Nous souhaitons que l'on réponde à toutes nos questions à ce moment-là et que l'on nous fournisse par écrit une présentation claire des perspectives et la vision d'ensemble de cette réforme.
M. Chaïm Nissim (Ve). Mon collègue vient de solliciter une vision d'ensemble...
Le président. Vous aussi !
M. Chaïm Nissim. Je vais, en effet, dans ce sens. Hier, j'ai proposé à la commission des finances deux indicateurs très utiles pour évaluer l'informatique de l'Etat. Le premier évaluerait les coûts, et, pour l'établir, il suffirait de prendre le total des coûts annuels, y compris les salaires des trois cents informaticiens, et de le diviser par le nombre total de postes informatisés, c'est-à-dire le nombre total de terminaux. Connaissant les coûts, nous pourrions enfin les comparer à ceux des années précédentes, comme l'a proposé hier M. Hausser, ou à ceux du secteur privé.
J'ai été déçu de la réponse de Mme Brunschwig Graf. Elle m'a dit que le centre d'exploitation, en cours de réalisation, ne connaîtrait le nombre total de PC à l'Etat que dans trois mois. Il me semble que cet inventaire est la première chose à faire, avant même d'élaborer un budget. Cette notion du coût annuel par poste est donnée, dans le privé, par tous les constructeurs à leurs clients. Je ne vois pas pourquoi, à l'Etat, nous devrions être privés d'un instrument de pilotage aussi utile.
Le second indicateur évaluerait la performance. On pourrait l'établir en mesurant ce que j'appelle la «communicabilité», actuellement défectueuse, des services entre eux. A chaque service, il faut donner vos nom, prénom, adresse, etc., alors qu'il suffit de transmettre une seule fois de telles coordonnées à une succursale bancaire pour qu'elles soient reprises par l'ensemble de la banque...
Comme je n'ai guère rencontré d'enthousiasme hier, je reviens à la charge aujourd'hui. Mon groupe souhaite connaître d'abord le matériel existant, puis les coûts et les performances, avant de consentir à des dépenses supplémentaires.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. M. Nissim me fait songer à ces pasteurs qui réprimandent les fidèles présents dans le temple, parce que mécontents des absents.
Pour avoir été députée dans ce Grand Conseil, et en votre compagnie Monsieur Nissim, j'ai pu constater, durant des années, qu'aucun d'entre vous ne s'est jamais inquiété, si ce n'est par hasard, des coûts pouvant être engendrés par l'informatique. Aucun d'entre vous, je le répète, ne s'est enquis de l'organisation de l'informatique, dans ses grandes structures, si ce n'est par le dépôt de quelques motions à la fin de la dernière législature.
Nous avons pris l'affaire en main. J'ai déjà passé un temps considérable à expliquer à M. Nissim qu'on ne pouvait pas réaliser cette réforme en un jour. J'ai indiqué le terme de la réforme et annoncé que d'ici fin avril sera mis au point ce qui doit l'être et que, dans l'intervalle, nous aurons plusieurs travaux à faire.
Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez parfaitement rejeter ces trois projets de lois, mais je tiens à vous dire ce que vous refuseriez :
Premier projet de loi. Le système d'information du Grand Conseil et du Conseil d'Etat a été réclamé par l'ensemble des députés de ce parlement, lors des présente, dernière et avant-dernière législatures. Nous avons choisi un système expérimenté ailleurs pour éviter tout ennui, et nous vous proposons maintenant ce que vous avez réclamé pendant tant d'années.
Deuxième projet de loi. La messagerie à l'Etat de Genève. Toute entreprise, qui emploie plus de cinquante personnes, est actuellement capable de faire communiquer normalement ses divers services, d'envoyer des documents à l'administration et d'assurer, par messagerie, leur communication aux vingt-cinq mille fonctionnaires. Sans moyen de communication moderne, une gestion efficace de l'administration ne peut se faire.
Troisième projet de loi. Si vous voulez mettre la réforme sur pied, disposer d'un centre d'exploitation et utiliser les gens à autre chose qu'à courir régler chaque PC, il est nécessaire d'avoir un instrument de gestion qui permette de faire ce travail technique à distance, afin d'affecter le personnel qualifié à d'autres tâches.
Je vous signale qu'à trois reprises déjà j'ai présenté les tenants et aboutissants de cette réforme. J'ai l'impression de me répéter, mais qu'à cela ne tienne, je l'ai fait volontiers une quatrième fois, parce que seule la répétition plaît et que seule la répétition vous permettra, je l'espère, d'avancer avec nous, je l'espère, dans cette réforme nécessaire. Merci !
Ces projets sont renvoyés à la commission des finances.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La tolérance passe par la connaissance.
Prendre contact à l'école avec diverses formes de pensée religieuse, et non seulement la judéo-chrétienne, dans une perspective historique, ne peut qu'augmenter la capacité de discernement de l'individu, élargir son point de vue, et contribuer ainsi à lutter contre l'intolérance et le fanatisme.
En outre, l'histoire des religions devrait permettre de comprendre davantage notre propre culture, ses symboles, ses significations, puiqu'elle a été, en partie, fondée sur des systèmes religieux. Que l'on songe simplement aux jours de congé en relation avec des événements religieux... Que l'on songe, par exemple, à notre patrimoine architectural, que l'on songe à la musique, à la peinture, à la littérature... Que l'on songe également aux formes de pensées qui se sont détachées des dogmes, comme par exemple, la pensée scientifique. Il en va de même pour d'autres cultures, dont l'approche doit aussi intégrer l'aspect religieux.
Or, l'analphabétisme religieux paraît frappant et pas seulement dans notre canton. Ainsi, comme nous l'apprend un texte paru cet été dans Le Courrier du 11 juillet, sous la rubrique libre opinion, un cours d'histoire des religions sera proposé en option dans les gymnases vaudois. Le Grand Conseil vaudois planche sur ce projet pour lui donner un contenu. Nous proposons au Grand Conseil genevois de réfléchir également sur cette question. Nous le proposons avec d'autant plus d'intérêt que nous avons appris au cours de nos réflexions et de nos contacts, que le département de l'instruction publique, entouré de personnalités de divers horizons, s'est attelé à cette tâche.
Parmi les considération entendues sur ce sujet, citons celle-ci: «lorsqu'il arrive aux élèves de découvrir des pensées à contenu religieux, ils s'y précipitent souvent avec passion, mais pas toujours avec le discernement nécessaire...»
Nous n'avons pas, nous ne pouvons pas avoir la prétention d'élaborer à nous seuls, écologistes, dans cette motion, une proposition relative au contenu de cet enseignement et aux garde-fous dont il faut l'entourer. Les lumières de tous seront indispensables pour traiter d'un sujet aussi complexe, afin notamment d'éviter de faire flamber soit des sentiments d'anticléricalisme, soit à l'inverse, des crispations religieuses partisanes. Nous ne voulons pas simplement ajouter un cours de plus à tous ceux qui existent déjà, mais contribuer à la formation de la personnalité et à la prise de conscience de valeurs universelles.
Il n'est pas question évidemment de proposer une démarche de cathéchèse en faveur de telle ou telle religion... Il n'est pas question de diriger les élèves vers une confession ou une autre. Bien au contraire, la neutralité la plus rigoureuse s'imposera dans cet enseignement de l'histoire des religions. Et la neutralité confessionnelle à l'école, propre aux Etats laïques, assure à chacun sa liberté nécessaire à son intime conviction. Cependant, plus celle-ci aura à disposition des éléments de connaissance, plus le discernement sera son apanage.
Nous mettons donc en avant pour justifier cette motion, trois considérations: le développement des valeurs que sont la tolérance et le respect de l'autre, dont un aspect éthique (d'ailleurs le respect de l'autre ne passe-t-il pas par le fameux «connais-toi toi-même»?)... la nécessité d'étendre le champ des connaissances pour comprendre plus profondément les cultures avec lesquelles nous sommes en contact (travail, qui, notamment, permet d'aborder diverses réponses données aux questions que la vie pose à tout être humain); et un appui résolu à la démarche du département de l'instruction publique.
Un ex-collègue journaliste, traitant justement de ce sujet, posait cette question: «Une école laïque comme celle de notre canton doit-elle lutter contre l'inculture religieuse?» Au vu des arguments que nous avons brièvement développés, notre réponse est affirmative.
Genève est un lieu interculturel, la tolérance est une valeur défendue par de nombreux cercles. Il vaut la peine de soutenir davantage cette orientation éthique à l'école. On sait par exemple, que dans certains collèges, des élèves de cultures différentes sont invités à expliciter leur religion, à valoriser leur identité culturelle. Cette ouverture s'exerce surtout au travers des cours d'histoire et de géographie. L'interculturel fait son chemin et débouche sur l'interreligieux. Et comme on l'a déjà souligné, le lien entre religion et culture est, à été surtout, très étroit. Evidemment, cette motion repose également sur la conviction qu'il faut conserver un certain nombre d'éléments de notre culture et les transmettre.
Sans doute conviendrait-il d'introduire cet enseignement au cycle, afin qu'il soit profitable au plus grand nombre.
Pour ces raisons et afin qu'une décision puisse se prendre avant que le cadre de la nouvelle maturité ne soit définitivement fixé, nous vous proposons de faire bon accueil à cette motion.
Débat
Mme Vesca Olsommer (Ve). La question posée à travers cette motion est la suivante : que doit faire l'école face à un phénomène d'analphabétisme religieux allant croissant ? Doit-elle s'en préoccuper ou pas ? Si oui, comment ?
L'analphabétisme religieux préoccupe notre groupe. C'est à l'école - sinon à qui ? - d'y pallier au moyen de cours d'histoire des religions.
C'est parce que l'école est laïque à Genève que nous avons osé déposer cette motion : notre Grand Conseil pourra en débattre sans arrière-pensée.
Les religions ont marqué les civilisations. Elles ont été et sont encore au coeur des cultures. Cela signifie, sous peine d'inculture, qu'on ne peut renier ce qu'on leur doit.
Comprenez-nous bien ! En aucun cas, nous ne parlons de foi et de catéchisme. Nous parlons de culture. Nous constatons que les religions ont joué un rôle important dans la naissance et l'élaboration des cultures, et nous disons que nous sommes en passe de devenir étrangers à notre propre culture, faute d'informations sur l'histoire des religions. Nous manquons de références et nos enfants plus encore pour appréhender certains aspects, abstraits ou concrets, de notre vie, qui sont enracinés dans l'histoire religieuse. Il suffit d'une minute pour que chacun d'entre nous trouve dans son quotidien des éléments concrets ou abstraits appartenant à l'histoire religieuse : institutions, oeuvres d'art, traditions et habitudes, rituels, expressions et formules du langage parlé. Ces éléments se retrouvent aussi dans des noms de rues ou de places, dans les enseignes, les armoiries...
Par conséquent, un cours d'histoire des religions nous semblerait bénéfique, mais sans donner lieu à un zèle catéchistique.
Ensuite, et c'est le deuxième point de mon intervention, nous pouvons faire le pari que découvrir la religion de son voisin, dans une perspective historique, pourrait contribuer à dépouiller ce voisin de son caractère d'étrangeté. La méfiance pourrait se transformer en confiance; le point de vue et le discernement s'en trouveraient élargis. On pourrait espérer éloigner le spectre du fanatisme et enfin comprendre qu'aucune religion n'a le monopole du sens de la vie.
L'histoire des religions pourrait susciter une attitude fraternelle et humaniste, puisqu'elle met en présence différentes familles de pensée religieuse, ou leur contraire : des familles de pensée agnostique ou athée, et ferait comprendre que les unes et les autres habitent notre humanité.
Ce que nous avons voulu, Mesdames et Messieurs les députés, c'est ouvrir un premier débat au Grand Conseil sur l'analphabétisme religieux. Nous savons bien que notre motion n'a pas évoqué d'autres sujets importants, tels les thèmes d'identité, le partage des responsabilités sur cette question entre l'école et les familles. Nous n'avons pas non plus abordé la question de savoir quelles religions seraient prises en compte, ni qui donnera les cours.
Signalons simplement qu'une chaire d'histoire des religions existe à l'université et qu'il n'y a pas de représentant de cette discipline dans le groupe constitué par le département. Nous nous demandons pourquoi.
Nous avons voulu aller au plus simple par crainte d'un débat émotif et confus. Par ailleurs, ayant appris, au cours de la rédaction de cette motion, que le département de l'instruction publique travaillait sur la question, entouré d'éminentes personnalités, nous nous sommes dit que le sujet serait quelque peu décanté et que nous pourrions bénéficier de l'étude faite. C'est la raison pour laquelle nous proposons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
D'autre part, comme nous l'avons écrit, nous aurons besoin des lumières de tous, parce que personne ne détient le monopole de l'intelligence sur un tel sujet.
Pour conclure, j'avoue que nous nous sommes demandé si nous n'avions pas court-circuité le Conseil d'Etat. Mais il faut bien constater que le débat est maintenant public et que le parlement doit apporter sa réponse.
M. Jean-François Courvoisier (S). Les religions ont toujours exercé une grande influence sur l'économie, les sciences, la culture et les arts, influence dont nous ressentons encore aujourd'hui les conséquences bonnes ou mauvaises.
Il semble indispensable que l'enseignement de l'histoire des grandes religions fasse partie du programme de l'instruction publique, pour nous aider à mieux comprendre certains problèmes actuels. Mais nous devons veiller au respect de l'esprit d'une école laïque, et ces cours ne doivent, en aucun cas, servir de propagande religieuse.
Cet enseignement ne devra pas blesser certaines sensibilités d'élèves ou de parents, surtout dans une période où les élèves de nos écoles viennent de toutes les parties du monde et sont de religions très différentes.
Cet enseignement, s'il est bien dispensé, pourra contribuer à développer davantage de compréhension et de tolérance entre les élèves de croyances et d'éducations différentes.
Toutefois, nous devons avoir l'assurance que cet enseignement sera donné par des laïques, sans aucune propagande religieuse et dans le respect de toutes les convictions.
C'est pourquoi nous devons renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement en demandant aux commissaires de veiller au respect de ces conditions.
Mme Liliane Charrière Urben (S). En complément de ce qu'a dit M. Courvoisier, j'ajouterai que, dès l'Antiquité, les religions toutes confondues ont influé sur l'évolution de l'histoire, qu'il s'agisse des rapports entre les peuples, des arts, des sciences, de la philosophie, de la société, de son organisation et, pour ne citer qu'un exemple important, du rôle et de la vie des femmes dans la famille et la vie sociale.
Nous voyons bien l'intérêt que comporte la proposition des Verts. Le groupe socialiste est prêt à y adhérer, pour autant que l'on tienne compte des trois éléments suivants :
1. Il est mentionné expressément dans l'exposé des motifs que ce nouvel enseignement a pour but de «contribuer à la formation de la personnalité et à la prise de conscience de valeurs universelles». En effet, plus on est au clair sur sa propre identité, plus on est capable de comprendre celle des autres. Mais, dans ces valeurs universelles, nous souhaitons vivement que les courants de pensée non religieux soient également intégrés. L'éthique laïque, l'éthique républicaine, leurs valeurs, leurs mérites, leur vérité, ont droit, tout autant que les autres, à notre attention. Elles ont contribué, ô combien, aux progrès de la société.
2. L'histoire des religions n'est pas complètement absente de l'enseignement genevois. J'en veux pour preuve que l'on y aborde les croisades, le Moyen Age - où la vie s'organise en partie autour de l'Eglise; que l'on y traite de l'actualité avec notamment le conflit irlandais, le port de tel ou tel signe distinctif d'une religion, etc. L'histoire des religions ne peut être enseignée que par des gens d'école et non par des représentants d'Eglises quelles qu'elles soient. Encore faudra-t-il trouver quand et comment, les horaires n'étant pas extensibles. Mais ce problème n'est pas insurmontable.
3. Sachant qu'un groupe de travail du DIP étudie déjà le sujet et l'intérêt qu'il suscite un peu partout; vu, par ailleurs, les prochaines modifications qui interviendront pour l'application des nouvelles normes fédérales en matière d'études gymnasiales, il serait intéressant que ce parlement prenne connaissance de l'état des travaux en cours et, cas échéant, que l'histoire des grands courants de pensée et, parmi eux, les religions, trouve également sa place dans le plan d'études de la future maturité.
Enfin, Madame Olsommer, je voudrais rappeler que l'école genevoise est laïque depuis trois ou quatre générations, c'est-à-dire depuis plus de cent ans. On n'y enseigne pas les religions, et pourtant nos grands-parents et les plus anciens d'entre nous sont au courant de ce qu'ont été les influences des différentes religions sur la société. Ce sont les familles et les Eglises qui nous l'ont enseigné. Je ne suis pas certaine que, depuis, Eglises et familles n'aient pas failli à leurs obligations dans ce domaine.
M. Pierre Vanek (AdG). Cette motion suscite des réserves, que je partage avec la majorité de mon groupe.
Sa première invite demande au Conseil d'Etat d'informer les députés de l'état de ses travaux en ce domaine et l'exposé des motifs précise que d'ores et déjà cette motion s'inscrit dans le cadre d'un appui résolu à la démarche du département de l'instruction publique. C'est contradictoire, et il vaut mieux avoir vu avant de croire. Comme saint Thomas, je suis d'avis que l'on ne peut pas s'inspirer de l'appui résolu à une démarche inconnue.
La deuxième invite propose d'étudier la possibilité d'introduction de cours d'histoire des religions dès le cycle d'orientation. Or, à mon sens, les phénomènes religieux doivent être appréhendés impérativement dans leur contexte social et historique. Leur place est donc dans les cours d'histoire, éventuellement de philosophie, dans les degrés concernés. Pour qu'elle soit acceptable, et c'est un minimum, cette invite devrait être complétée par : «...des cours sur l'histoire des religions dans le cadre des cours d'histoire, de géographie et de philosophie», ces derniers étant dispensés par des spécialistes laïques et non par des représentants ou adeptes de telle ou telle religion. La motion pourrait alors devenir acceptable, nonobstant les réserves suivantes :
Est-ce à nous, Parlement genevois, de dicter un contenu aux cours d'histoire et de philosophie ? Ce n'est pas directement de notre ressort, et je ne sais s'il est bien d'interférer à ce niveau.
Si l'histoire des religions est le seul objet à être mis en évidence par une intervention ad hoc du parlement, ce sera le signal d'une priorité qui aurait, par hypothèse, ému la majorité de ce Grand Conseil. Aujourd'hui, cette priorité n'existe pas. Dès lors que l'on commence à aborder ce genre de matières, il faut évidemment en élargir le champ : pourquoi ne pas parler du développement de formes de pensée non religieuse, antireligieuse, athée et matérialiste ? Pourquoi ne pas demander que l'on mette Marx au programme, que l'on informe des luttes sociales qui sont toujours à l'ordre du jour ? Pourquoi ne pas demander l'enseignement des révolutions genevoises dont le centième anniversaire de la dernière a été évoqué ? (Exclamations.) Merci, Messieurs ! Je ne développerai par les rapports existant entre la Révolution genevoise et la question religieuse, car cela me prendrait trop de temps !
En ce qui me concerne - je ne parle qu'en mon nom personnel, s'agissant d'un sujet délicat - la volonté d'ériger l'histoire des religions en champ séparé, spécifique, privilégié par une motion parlementaire ad hoc, participe d'une démarche idéaliste, quasiment religieuse. Elle est donc incompatible avec la laïcité de notre école publique.
Je voudrais encore vous faire part de quelques considérations générales :
On met en évidence cet analphabétisme religieux, pour autant qu'il existe. On devrait aussi parler des carences et de l'analphabétisme dans d'autres domaines culturels : littéraire, scientifique, historique ou social. Alors pourquoi cette préoccupation soudaine de mettre uniquement l'accent sur la lutte contre cet «analphabétisme religieux», alors que nous devons combattre l'analphabétisme en général ? Pour ce faire, une lutte à large spectre est indispensable. Ce serait l'occasion d'un débat où je pourrais m'exprimer sur les moyens à donner à l'école - actuellement plutôt refusés - pour combattre ce phénomène désagréable.
L'analphabétisme religieux est présenté comme une lacune dramatique. Cette méconnaissance est due à la baisse de la pratique religieuse qui ne serait plus que de 5 à 10% d'après l'encyclopédie «Le Léman». Effectivement, ce taux explique le manque de connaissance des religions, laquelle était plus étendue quand la pratique était plus grande. Mais de quel droit déplore-t-on ce libre exercice de la liberté religieuse, à laquelle je suis attaché, qui comprend également le droit de laisser sa religion au vestiaire ?
L'exposé des motifs parle de contribuer, à travers ce processus d'introduction de cours d'histoire des religions, à la prise de conscience de valeurs universelles. Or, il est des valeurs humanistes, démocratiques, de liberté, de fraternité et d'égalité, qui se sont enracinées et affirmées contre la chape de soumission à l'autorité distillée par l'institution religieuse, notamment par l'Eglise catholique, et par le refus de rendre à César ce qu'il avait confisqué.
Permettez encore quelques considérations :
L'exposé des motifs rappelle que certains élèves de cultures différentes sont invités à expliciter leur religion et à valoriser ainsi leur identité culturelle. Je ne suis pas d'accord avec cette équation sommaire qui veut que religion égale, grosso modo, identité culturelle. Demander à des élèves d'une école publique et laïque d'expliciter leur religion, c'est demander de définir une croyance, de chercher à convaincre; c'est ouvrir le champ du prosélytisme à l'intérieur de l'école. Demandera-t-on aux élèves athées et agnostiques d'exposer leurs convictions ? La motion n'en dit évidemment pas un mot.
Tous ces problèmes font que nous ne devons pas adopter cette motion, du moins telle qu'elle est.
Les auteurs de la motion se sont attachés à présenter une série de garde-fous, notamment en précisant : «Il n'est pas question de proposer une démarche de catéchèse en faveur de telle ou telle religion... Il n'est pas question de diriger les élèves vers une confession ou une autre.» Comme si le champ des possibles, des choix, se limitait à telle ou telle religion ! Le champ du choix philosophique et culturel en la matière est beaucoup plus vaste et comprend aussi celui de tourner le dos à la religion comme à un phénomène historiquement dépassé. C'est une opinion personnelle, certes, et je respecte ceux qui ne la partagent pas. Mais la motion ignore cette dimension, alors que ses auteurs se targuent d'une volonté d'ouverture et de tolérance.
Par conséquent, je vous invite à ne pas voter cette motion, à moins de l'amender assez fortement sur la base de certains de mes arguments, notamment celui de considérer la religion comme un phénomène social et historique à inscrire dans les cours d'histoire ou de philosophie, donnés par les spécialistes desdites branches, et selon les normes de notre école genevoise.
Mme Michèle Wavre (R). M. Vanek a de la chance ! Il connaît saint Thomas et peut citer le Christ parce qu'il a sans doute reçu une formation religieuse. Ce n'est malheureusement pas le cas pour tous les enfants.
Le groupe radical adhère complètement à l'idée de combattre, à l'école, l'analphabétisme religieux pour toutes les raisons qui viennent d'être évoquées et qui sont décrites dans l'exposé des motifs.
Contrairement à ce que dit M. Vanek, les enfants ont encore des préoccupations philosophiques et religieuses. Ils se posent des questions : d'où venons-nous ? Où allons-nous ? Ils ont besoin de réponses, et celles qu'ils reçoivent ne sont pas toujours bonnes !
De tels sujets ne sont abordés ni chez eux ni à l'école. Ils en éprouvent un malaise qu'ils ne peuvent définir. Dès leur plus jeune âge, ils se posent des questions fondamentales.
Nous devons combler ce manque en leur démontrant que de nombreuses civilisations se sont posé les mêmes questions et ont trouvé des réponses très diverses. Ces questions sont toujours d'actualité : ce n'est pas de l'histoire ni des vieilles lunes; ce n'est pas non plus Mathusalem ! Il ne s'agit pas de catéchiser les enfants au profit de telle ou telle religion, mais de les informer et finalement leur transmettre une culture générale issue de la nôtre. Quand on leur parle de vaches grasses et de vaches maigres, peu connaissent l'origine de l'expression.
Depuis des années, les Eglises avertissent la société laïque des dangers de l'ignorance religieuse. Je suis heureuse qu'on les entende enfin !
Je rends hommage à tous ceux qui ont consacré de leur temps à donner bénévolement des cours dans les écoles primaires. Il y a peu encore, ils étaient à peine tolérés et étaient considérés comme des survivants d'une époque révolue. Aujourd'hui, je constate avec plaisir qu'ils sont perçus comme des pionniers.
M. Jean-Claude Genecand (PDC). La laïcité ne serait-elle pas devenue une pensée intolérante ? Je me le demande après avoir entendu M. Vanek. Parler d'introduire l'histoire des religions à l'école, c'est s'exposer à être accusé de faire du prosélytisme, voire de l'endoctrinement !
De nombreuses personnalités se sont exprimées à ce sujet. Reconnaissant la difficulté de transmettre le patrimoine judéo-chrétien, elles ne peuvent se résigner à cette carence culturelle chez nos jeunes.
Depuis 1907, la séparation de l'Eglise et de l'Etat a marqué le rôle de chaque autorité, ce qui est un bien. Mais, en même temps, elle a engendré la méconnaissance religieuse qui a conduit à cet analphabétisme des jeunes dont nous débattons présentement. «Qui ne sait pas tirer les leçons de trois mille ans - a dit Goethe - vit au jour le jour.» Et un autre d'ajouter qu'un être humain qui ignore son passé n'est qu'un singe nu qui flotte dans le vide.
Ces affirmations sont quelque peu caricaturales, mais il faut bien admettre que, pour structurer notre mental, nous avons besoin des clés indispensables à la compréhension de l'histoire de notre société. De même la signification de l'art, de la littérature, nous reste étrangère si nous ne possédons pas les rudiments d'une culture chrétienne.
La composante religieuse est encore bien présente dans notre vie sociale : les fêtes religieuses rythment le temps du travail et de la détente, mais leur signification, pour la plupart d'entre nous, est relativement floue, voire ignorée.
Les professeurs de français, d'histoire ou de philosophie sont de plus en plus surpris par les réflexions d'élèves qui voient en Jésus le premier «baba cool» et confondent Moïse avec un conquistador espagnol du XVe siècle ! Les professeurs d'université constatent, de leur côté, que leurs étudiants ne perçoivent que l'aspect esthétique des grandes oeuvres d'art de la Renaissance.
Cette ignorance des symboles rend les jeunes inaptes à découvrir leurs propres racines. Le sens critique, l'ouverture aux autres cultures, se forgent dans l'apprentissage de la liberté d'expression, et celle-ci ne s'acquiert que dans la transparence et par la connaissance. Gommer près de deux mille ans de culture judéo-chrétienne, c'est se comporter en ayatollah brimant la liberté d'expression. Toutes les enquêtes prouvent que le poids des religions est aujourd'hui marginal. Qui se soucie des exhortations papales ou des prises de position du Conseil oecuménique ? Au plus, elles font l'objet de la une des journaux si le sujet est passionnel.
S'il est primordial de donner une place prépondérante à l'enseignement des religions chrétiennes, il n'en demeure pas moins que celui-ci devrait aborder aussi le judaïsme, l'Islam et les religions orientales. Reste à savoir comment et par qui. On notera qu'un groupe inter-religieux, composé de représentants de toutes les religions monothéistes, planche sur la question depuis dix ans. De constitution plus récente, une commission exploratoire, conduite par M. Walo Hutmacher, a pour but d'introduire la prise en compte des racines judéo-chrétiennes dans l'enseignement scolaire. Gageons qu'elle nous fera rapidement part de ses conclusions !
Ne nions pas les difficultés et les possibilités de dérapage, mais pour l'amour du ciel, ne les dramatisons pas ! Si un relent de «Sonderbund» hante encore certaines consciences, il vaut mieux mettre à plat les suspicions potentielles plutôt que de les enfouir sous le boisseau, sous peine de les voir resurgir au plus mauvais moment. La lumière déjoue les antagonismes.
C'est dans ce sens que je souhaite vivement que le département ne renvoie pas aux calendes grecques la mise en application d'une telle expérience, car c'est confrontées aux réalités que les meilleures solutions se dégagent.
M. Armand Lombard (L). Le débat nous a déjà fait connaître diverses positions et propositions concernant cette motion que nous estimons, quant à nous, intéressante et positive.
Ce soir, nous aurons encore l'occasion de traiter de divers objets ayant trait à l'enseignement et de cours à réserver à la santé et à la gymnastique. M. Vanek a parlé de l'étude des révolutions genevoises. C'est une matière comme bien d'autres que l'on voudrait voir enseignée à nos enfants.
Devant l'obligation du choix, j'estime que l'histoire des religions est à inscrire en tête des autres matières suggérées. Nous n'avons certainement pas suffisamment insisté, durant les années précédentes, sur l'ouverture aux autres, sur les formations civique, communautaire et sociale. La formation technique les a supplantées, et l'on n'a pas appris à l'enfant l'échange et le regard sur l'autre.
Il est essentiel de dire les valeurs et les normes de notre démocratie socioeuropéenne et les acquis énormes d'une civilisation de deux mille ans. Cela peut se rattraper partiellement par le biais de l'histoire des religions.
Que l'on soit croyant ou pas, adepte d'une religion ou d'une autre, il importe, Monsieur Vanek, que l'on transmette ces valeurs fondamentales aux futures générations. L'un des canaux favorables à cette transmission est bien un cours d'histoire des religions, l'histoire de la nôtre et de celles qui lui sont proches. Il est nécessaire de faire connaître les grandes religions du monde à nos enfants. Je ne sais plus quel grand Français disait que le XXIe siècle serait religieux...
Une voix. Malraux !
M. Armand Lombard. Merci beaucoup ! Je ne l'ignorais pas, mais craignais de paraître pédant. Je savais bien qu'un érudit ne pourrait se retenir de me le souffler ! (Rires.) Ce savoir n'étant pas inné, il faut l'enseigner. Et, pour apprendre à se connaître soi-même, il faut pouvoir comparer ses valeurs avec celles d'autrui. L'ouverture, les références, l'analyse critique, sont nécessaires. De même faut-il enseigner aux enfants les principes d'exclusion, ceux qui ne reconnaissent pas l'égalité des hommes et des sexes, refusent les systèmes démocratiques. Pour ce faire, l'histoire des religions est une bonne source, mais ce n'est pas la seule.
J'espère que le Conseil d'Etat pourra examiner cette motion assez rapidement.
M. Max Schneider (Ve). L'histoire des religions, nous l'avons compris, n'est pas un cours de religion, mais ce n'est pas non plus un cours d'histoire. Il ne s'agit pas de connaître l'année de naissance de Mahomet. Cet enseignement enrichira notre pensée et l'ouvrira à l'esprit de Genève, notre ville étant la première à avoir institué une chaire de l'histoire des religions au début de ce siècle.
Nous sommes donc les premiers au monde à avoir accueilli cette réflexion au sein de notre université. Alors pourquoi ne pas continuer ? Certes, il ne suffira pas uniquement de considérer des dates. Notre époque est à la mondialisation de l'économie, des échanges culturels et sociaux. Cela signifie que certains de nos jeunes seront appelés à travailler en Inde, au Japon, etc. Il leur sera donc utile de savoir comment les habitants du pays hôte définissent l'existence et l'espace-temps, par le biais de leur histoire ou de leur religion. Pour ce faire, je fais confiance à Mme Brunschwig Graf.
En revanche, M. Hutmacher et son groupe me donnent du souci. En effet, ils ont oublié que des historiens en religion enseignaient à l'université de Genève. Ce serait la moindre des choses qu'un de ces historiens soit présent dans le groupe de M. Hutmacher.
M. David Hiler (Ve). Je réagis aux propos de M. Vanek. Le marxisme implique, en principe, la dialectique. Et c'est elle qui manque, en l'occurrence, à la compréhension du problème.
Si nous sommes amenés à parler de l'éventualité d'un cours d'histoire des religions, c'est précisément parce que le sentiment religieux et la pratique religieuse, dans notre société, ne sont plus du tout ce qu'ils étaient auparavant.
Qu'en faisons-nous ? Nous en faisons un objet non de croyance mais de simple connaissance. D'une certaine manière, c'est nous qui terminons le processus.
Autre chose, Monsieur Vanek : quand nous enseignons au cycle, au collège ou à l'université, nous parlons de Marx, de la révolution et des Eglises. En revanche, quand nous parlons des Eglises, nous ne parlons pas de religion mais du pouvoir temporel qu'elles détenaient. Peut-être sommes-nous trop timides, mais nous ne nous sentons pas le droit de parler religion quand nous parlons Eglise. Pourtant, nous parlons bien d'un affrontement de type politique, par exemple celui de la Réforme ou celui du XIXe siècle entre Rome et les anticléricaux, mais nous ne nous permettons jamais, faute de compétence, d'entrer en matière sur le fond, c'est-à-dire une doctrine religieuse, une représentation du monde, parce que ce n'est pas notre travail.
Pour comprendre une partie de notre monde, il faut connaître les religions, sinon il est difficile d'apprécier un certain nombre d'oeuvres d'art et d'oeuvres littéraires, de décrypter une partie de notre langage.
Il ne faut évidemment pas faire du catéchisme, et cela a été dit au moins dix fois. Mais les gens doivent savoir qu'une population plus ou moins importante s'est attachée à ces valeurs à certains moments de l'histoire mondiale et qu'elle y croit aujourd'hui encore. Le reste - les gens qui adhèrent à une religion après avoir été élevés dans l'athéisme - ne nous concerne pas !
Nous voulons simplement signifier la nécessité de donner ce fonds culturel pour que les gens comprennent le monde dans lequel ils vivent et certaines de ses pesanteurs. L'on ne se débarrasse pas de ces pesanteurs si on ne les comprend pas et si on les reproduit inconsciemment par exemple au niveau du langage.
Il est vrai que la pratique religieuse est minoritaire aujourd'hui et que, pour beaucoup, elle est une pratique exclusivement culturelle. Nous devons nous adapter à cette réalité nouvelle. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (AdG). Avec beaucoup de talent, M. Hiler cherche à me rassurer en disant que cette motion nous signera l'acte de décès de la religion en l'introduisant dans les cours d'histoire et dans les musées.
Malheureusement, les choses sont un peu plus compliquées. La religion demeure - même si sa pratique est minoritaire - un objet de croyance à manier délicatement dans le champ scolaire.
M. Hiler a rappelé que l'on parlait déjà d'Eglises dans les cours d'histoire, mais pas de religion, parce que l'on n'en avait ni le droit ni les compétences. A plusieurs reprises, j'ai dit et répété que les cours d'histoire de religions avaient leur place à ce titre-là et que j'étais favorable à l'élargissement de ce champ par rapport à des historiens ou des professeurs d'histoire timides, comme vient de le dire M. Hiler. En cela je suis d'accord.
Par contre, je voudrais relever d'autres arguments. Max Schneider dit que ces cours ne seraient pas des cours d'histoire... Voilà qui serait inquiétant ! Je veux bien que l'on parle de religions, mais dans le cadre, précisément, d'un cours d'histoire.
Lors d'une autre intervention, on m'a accusé de tourner le dos à deux mille ans d'histoire et à un fonds culturel indispensable, etc. Il est vrai qu'il faut, dans une certaine mesure, tourner le dos au passé... S'il est nécessaire de le comprendre, il faut le comprendre dans sa complexité, dans les relations dialectiques, et non le découper comme un saucisson - cela pour renvoyer l'ascenseur à M. Hiler.
Autre chose est un enseignement universitaire pointu, mais là nous parlons de l'enseignement secondaire, à partir du cycle d'orientation, et je suis contre ce saucissonnage.
M. Genecand a parlé de mon intolérance laïque. Non, Monsieur Genecand ! Je respecte la liberté religieuse et le droit, pour les uns et les autres, de croire, de penser et de dire. J'affirme simplement que l'objet de ce débat, tel que je l'ai circonscrit, ne doit pas être érigé dans une place à part. Vous avez parlé de mettre l'accent sur le monothéisme, les religions judéo-chrétiennes, mais si l'on adopte une vision globale, on constate que certains nous parlent constamment de mondialisation. Dès lors, on pourrait tenir compte des religions majoritaires de cette planète qui ne sont pas monothéistes, on pourrait parler d'animisme et d'autres croyances. Sur un autre plan, le grand argument des défenseurs de cette motion est celui du fond culturel, dont d'autres éléments, ne relevant pas du monothéisme, sont les panthéons grec ou romain. Ils ont perdu leur caractère religieux et en parler dans ce sens constituerait un abus de langage. Néanmoins, ils appartiennent à ce fond culturel que vous entendez promouvoir.
Monsieur Genecand, vous parliez d'intolérance, mais votre propre champ de vision est peut-être lié à la religion, que je respecte, à laquelle vous adhérez.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Comme l'a expliqué M. Vanek, l'histoire des religions est extrêmement compliquée, extrêmement complexe, et le débat devrait avoir lieu en commission.
Preuve en est quelques paroles célèbres, encore présentes à nos esprits. Moïse a dit : «Tout est dans les lois.»; Jésus a dit : «Tout est dans l'amour.»; Marx a dit : «Tout est dans l'argent.»; Lénine a dit : «Tout est à vous.»; Freud a dit : «Tout est dans le sexe.» et Einstein a dit : «Tout est relatif.» ! (Rires et applaudissements.)
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Cette question est extrêmement délicate. La preuve en est que nous nous en préoccupons depuis décembre 1994 sans avoir pu arrêter de décision définitive. Pour mener à bien notre réflexion, nous entendons nous entourer de personnes qualifiées, tout en intégrant les utiles suggestions des uns et des autres quant à la composition de notre groupe de travail.
J'aurais souhaité vous présenter un premier rapport circonstancié, ne serait-ce que pour effacer des craintes ou certaines suppositions. Il aurait expliqué de quoi il s'agit en réalité et à quoi nous voulons aboutir.
En attendant, je vous dirai quelque chose qui vous amusera peut-être. Il se trouve que l'un de nos collègues, ancien député, qui préside un comité préconisant l'éternelle séparation de l'Eglise et de l'Etat, m'a écrit après avoir appris que j'avais l'intention d'étudier le problème. Les termes de sa lettre étaient, pour le moins, énergiques ! Je lui ai répondu de façon précise, et crois pouvoir affirmer l'avoir rassuré. C'est dire l'importance de sa caution dans ce Grand Conseil !
Permettez-moi une autre pointe d'humour, Monsieur Vanek. Lors d'une session de décembre 1994 consacrée au budget, alors que je m'apprêtais à intervenir dans une émission de télévision, M. Ferrazino, votre collègue ici présent, m'a fort gentiment prêté un livre qui traitait de l'histoire des religions. Je m'en suis délectée, si vous permettez le terme, le temps d'une séance sur le budget... (Exclamations, rires.) Que vous dire sinon que je suis faite comme vous et qu'il est, dans ce parlement, des moments où l'on s'amuse, des moments où l'on participe et des moments où l'on lit !
Comme vous tous, j'estime que ce sujet doit être traité avec précaution. Aussi vous suis-je d'ores et déjà reconnaissante - une fois notre rapport rendu - de lui consacrer tout le temps nécessaire en commission. Vous pourrez auditionner, écouter et débattre sur la base d'éléments plus concrets que les craintes évoquées ici.
Je conclus, mais sans plaisanter : on ne peut pas se permettre, à la fin de ce siècle où l'on confond les religions et les sectes, d'ignorer ce qu'est la religion ! (Applaudissements.)
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
(M 1079)
MOTION
concernant l'introduction de cours sur l'histoire des religions pour les élèves du canton
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- les préoccupations de divers milieux face à un analphabétisme religieux de plus en plus répandu chez les jeunes;
- les réflexions que mène sur ce sujet le département de l'instruction publique,
invite le Conseil d'Etat
- à informer les députés sur l'état de ses travaux en ce domaine;
- à étudier la possibilité d'introduction des cours sur l'histoire des religions pour les élèves du canton dès le cycle d'orientation.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La laïcité est un des principes des principes de base de l'école publique genevoise, de toute école républicaine et démocratique. L'image que l'institution donne d'elle-même doit donc en être le reflet.
Si une certaine souplesse dans l'application de ce principe est admissible en ce qui concerne les élèves n'ayant pas encore acquis leur faculté de discernement et leur autonomie, il n'en va pas de même pour les enseignants. Ces derniers représentent l'institution aux yeux du public. A ce titre, ils doivent respecter ce principe de laïcité en s'abstenant de toute forme de prosélytisme dans leurs propos, mais également en renonçant aux signes religieux extérieurs et visibles. Cette règle est valable pour tous les enseignants de l'école publique, quelles que soient leurs convictions religieuses. C'est à cette condition que les élèves de toutes religions (ou sans religion), se sentiront intégrés et respectés, tel que le prévoit l'article 6 de la loi sur l'instruction publique.
Or, une institutrice genevoise refuse aujourd'hui de se soumettre à cette règle en affichant ses convictions religieuses par un signe particulièrement visible, le port d'un foulard islamique. Par ce geste, elle remet en cause un principe qui fait l'objet d'un consensus général et a favorisé la paix confessionnelle dans notre canton. C'est pourquoi la plus grande fermeté est de mise dans cette affaire. Accepter une exception, c'est créer un précédent et prendre le risque que l'école ne devienne un lieu de conflits religieux et de tensions identitaires.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention la présente proposition de résolution.
Débat
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). La conception laïque de l'école, de par sa non-appartenance à un mouvement religieux, offre à chacun d'être libre de sa religion ou de sa croyance. Tout le monde s'accorde sur ce principe de neutralité.
La résolution proposée et le débat qui en découlera, en particulier dans mon propre groupe, indiquent bien que la référence à la laïcité est sensible et ne s'apparente pas à une relation scientifiquement exacte.
La majorité du groupe des Verts ne me suivra pas sur la voie de l'interdiction, et il s'en expliquera.
Toute société, toute école publique, vient de quelque part, de quelque moment de l'histoire. Dans notre Etat et notre école genevoise, le jour de congé est le dimanche et les jeunes filles vont en classe.
Par ailleurs, tout enseignant est une personne et jouit, à ce titre, de la liberté de croyance et de la liberté de culte garanties par la constitution. Engagé(e) dans l'instruction publique, il ou elle en est un membre, il ou elle est le tenant de cette neutralité laïque qui garantit le respect des différentes croyances des élèves et de leurs familles.
La question qui nous préoccupe est le point de rupture, dans ce contrat, du respect de la laïcité de l'institution. J'ai moi-même hésité pour déterminer si, oui ou non, le port du foulard islamique par une enseignante marquait la frontière à ne pas dépasser et si ce foulard était l'équivalent de la croix portée au cou. Pas plus que le port de la croix, il n'est une obligation faite à la croyante pour honorer sa foi. Mais il constitue un message plus visible, devenu, en 1996, un véritable symbole.
Se pose alors la question de la discrimination, le foulard islamique étant connoté et donnant lieu à des amalgames primaires.
Quant à moi, j'ai tranché, non pour hurler avec les loups, mais pour ne pas être du côté de ce que je considère comme une tolérance molle. Le port du foulard islamique par une enseignante est une transgression du principe de laïcité de l'école publique, en ce qu'il constitue un message fort, voire militant. D'autre part, de par sa position, l'enseignante exerce un ascendant intrinsèque sur les enfants qui la regardent et l'écoutent, en particulier sur les plus jeunes.
Ce pouvoir doit s'accompagner de la plus extrême réserve quant à l'annonce verbale ou non verbale de sa vérité propre.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Cette résolution vous est proposée par des représentants de toutes les formations politiques de ce Grand Conseil, et c'est bien ainsi. Il est rassurant de constater que des députés, de sensibilités politiques différentes, dépassent les clivages habituels pour défendre leur attachement à l'un des principes fondamentaux de l'école publique genevoise : sa laïcité, conquête sociale et politique essentielle de la démocratie.
Seule cette laïcité est à même de garantir le respect des convictions confessionnelles des élèves, tel que préconisé par l'article 6 de la loi sur l'instruction publique.
Ce principe doit être respecté dans l'enseignement prodigué, dans l'absence de prosélytisme dans les propos, mais aussi dans l'image que les enseignants donnent de l'école. Ces enseignants qui représentent l'institution aux yeux du public et l'école aux yeux des élèves et de leurs parents, ces enseignants qui sont les collaborateurs, pour ne pas dire les serviteurs, d'un Etat laïque, entrent en fonctions en toute connaissance des règles et des exigences à respecter.
De plus, enseigner est un métier particulier. L'enseignant ou l'enseignante représente souvent un modèle pour l'élève. Ce qu'il est ou ce qu'elle est aux yeux des enfants est tout aussi important que ce qu'il dit ou ce qu'elle dit. Les enseignants doivent donc être particulièrement attentifs aux signes visuels qu'ils transmettent. C'est pourquoi ils doivent s'abstenir de porter à l'école, et seulement à l'école, des signes extérieurs trop visibles de leurs convictions religieuses.
Il est évident qu'on ne peut pas mettre dans le même panier le port d'un voile, d'un foulard, d'une kippa, d'une soutane, avec celui, au cou, d'une croix discrète ou d'une petite étoile de David.
A ceux qui parlent d'intolérance à propos de cette demande si légitime, j'ai envie de dire qu'ils sont vraiment de mauvaise... foi ! L'intolérance serait de refuser à des enseignants, parce que se reconnaissant de telle ou telle religion, d'appartenir au corps enseignant. Ce serait leur interdire de pratiquer leur religion à l'extérieur de l'école. Nous leur demandons simplement d'accepter que leurs convictions religieuses soient du domaine privé. La tolérance c'est aussi refuser que l'école redevienne un lieu de tensions, de conflits religieux et politiques.
Pas question, une fois la porte de l'école passée, que l'enseignant ne puisse pratiquer sa religion et les rites qui s'y rapportent, ni même de refuser qu'il réponde à un élève qui l'interroge sur sa religion, par exemple lors d'un cours d'histoire des religions.
Nous demandons peu, mais ce peu a une grande valeur symbolique. Nous voulons simplement que les enseignants continuent à donner, dans leur fonction, l'image d'une école neutre sur le plan confessionnel.
Notre première invite s'adresse à tous les enseignants, quelles que soient leurs convictions religieuses. Le cas échéant, il serait peut-être utile de la leur faire connaître ou de la leur rappeler très clairement.
Cette image de neutralité confessionnelle de l'école permet à tous les élèves de cultures et de religions différentes, ou sans religion, de se sentir chez eux dans l'école genevoise, parce qu'acceptés et respectés dans leur diversité, sans discrimination ni jugement de valeur.
En revanche, les élèves ont un statut différent de celui des enseignants. Ils ne représentent pas l'institution. Par ailleurs, ils ne sont pas toujours maîtres de leur choix, n'ont pas encore acquis leur autonomie ou suffisamment développé leur faculté de discernement. Pour autant qu'ils assistent à tous les cours et participent à l'ensemble des activités scolaires, on peut admettre qu'ils affichent, dans le cadre de l'école, des attributs religieux.
Cette attitude nuancée et souple a été adoptée par le DIP voici de nombreuses années. Elle a fait ses preuves. Elle nous a évité les conflits pénibles qui ont agité et agitent encore l'école publique française. Les élèves en sont forcément les premières victimes.
Venons-en à la deuxième invite, et plus particulièrement au port du voile ou du foulard qui en est un substitut. En portant cet attribut, une institutrice ne respecte pas cette neutralité confessionnelle, je l'ai déjà dit. Mais, de plus, elle affiche un attribut qui contredit une autre valeur fondamentale de l'école genevoise : la promotion de l'égalité entre les sexes, telle que prévue dans la Constitution fédérale. Le port du voile s'inscrit, en effet, dans une conception des rôles discriminatoires pour les deux sexes. Il enferme les hommes dans le rôle d'agresseurs et les femmes dans celui de victimes potentielles et sur la défensive. Cela va à l'encontre des efforts que nous voulons voir déployer par notre école pour que chaque individu puisse développer l'intégralité de ses qualités et de ses possibilités intrinsèques, ceci indépendamment de son sexe. Permettez-moi, à ce stade, une remarque personnelle : comment ne pas être gêné par le fait qu'une institutrice genevoise, même s'il s'agit de son libre choix, affiche dans le cadre scolaire un attribut aujourd'hui symbole de peur et de violence dans des pays secoués par le fanatisme et où certaines de ses coreligionnaires ont été assassinées pour avoir refusé de le porter ?
Certains veulent l'épreuve de force dans cette affaire. Je tiens à leur dire qu'ils jouent un jeu dangereux. Ne pas leur résister créerait un précédent qui risquerait d'être exploité par d'autres et engendrerait certainement des conflits religieux ou, pire, le rejet d'une religion qui «mérite mieux», comme le titrait récemment un éditorialiste de la place.
Tels sont les motifs qui nous ont incités, Mesdames et Messieurs les députés, à vous proposer ce projet de résolution. J'espère que vous serez nombreux à l'accepter. (Applaudissements.)
Mme Evelyne Strubin (AdG). Soit cette résolution n'est pas assez précise, en ne mentionnant pas dans ses considérants les propos de l'institutrice concernée durant ses cours, soit elle est complète et, dans ce cas, le seul fait reproché à ladite institutrice est le port du foulard islamique.
Dès lors, je rappellerai à ses auteurs que le prosélytisme est la tentative de convaincre et d'endoctriner des personnes, afin qu'elles adhèrent à une idéologie quelconque. La définition du «Larousse» est : «Zèle ardent pour recruter des adeptes, pour tenter d'imposer ses idées».
Porter le foulard représente-t-il un zèle ardent ? Je ne le pense pas ! C'est le fait de vivre sa foi ou plutôt de tenter de la vivre, car il est évident que le droit de vivre ici sa croyance n'est pas le même pour un musulman que pour un catholique ou un protestant.
Les signataires de cette résolution s'indignent-ils quand un enseignant porte une croix catholique ou une médaille protestante ?
Les vraies questions, les voici : les cours donnés par cette institutrice sont-il moins bons du fait qu'elle porte le foulard ? Remet-elle en cause l'évolution scolaire de ses élèves ? Certainement pas ! En l'occurrence, demander «la plus grande fermeté» à son égard me semble relever de la chasse aux sorcières.
Genève, qui accueille de nombreuses organisations internationales, ne doit pas tomber dans l'hystérie française qui, pour des raisons similaires, a empêché des élèves de fréquenter l'école. Il faut éviter toute forme d'incitation à la haine raciale. Je suis d'autant plus désolée de le dire que je respecte et apprécie bon nombre des signataires de cette résolution, mais, dans ce cas, ils se trompent.
Mon groupe ne votera pas cette résolution. Nous vous incitons à faire de même, quitte à être accusés de faire du prosélytisme !
M. Pierre-François Unger (PDC). Cela a déjà été dit, mais permettez-moi d'insister : c'est grâce à la laïcité de l'Etat que chaque identité religieuse peut être reconnue dans la sphère privée.
L'Etat - donc l'école - dispose d'une autorité dont personne ne songe à le dessaisir. Dès lors que l'Etat accepterait en son sein des collaborateurs aux colorations religieuses ostentatoires - mes préopinants ont fort bien déterminé les différences - celles-ci revêtiraient implicitement un caractère d'autorité. Le risque serait que d'autres identités religieuses soient dès lors jugées, mises à l'écart, voire persécutées. Nombreux sont les exemples, dans le monde, qui attestent de cette réalité.
L'acquisition d'une pensée libre, comme valeur fondamentale et fondatrice de la démocratie, est prioritaire à nos yeux. Cet apprentissage ne peut se faire que dans une école laïque qui seule permet à l'enfant de forger son indépendance, son propre système de valeurs et, à terme, sa citoyenneté.
Ce n'est qu'une fois cette liberté acquise que pourra se faire l'apprentissage de la tolérance. Vouloir inverser cette priorité, liberté d'abord et tolérance ensuite, c'est faire croire que toutes les valeurs sont égales, ce qui aurait pour seul résultat de paralyser le jugement et, par là même, de rendre la liberté inaccessible.
Le chemin menant à la liberté est suffisamment difficile et compliqué pour n'être pas hypothéqué au nom d'une prétendue tolérance mal comprise.
M. Andreas Saurer (Ve). Je fais partie des députés écologistes opposés à cette résolution et cela malgré mes convictions athées et mon attachement à la laïcité de l'école. Permettez-moi de m'en expliquer :
Vous parlez d'afficher des convictions religieuses à l'aide de signes extérieurs. Je veux bien, mais la limite entre la petite croix chrétienne ou la petite étoile de David et le foulard islamique ne me semble pas si évidente. Certes, il y a une différence de taille, mais allons-nous autoriser un attribut religieux jusqu'à 3,5 centimètres et l'interdire au-dessus ?
Je vous signale que plusieurs médecins, à l'hôpital cantonal, se promènent systématiquement coiffés de la kippa, et cela n'a rien de choquant. Cela ne pose pas de problème aux patients inconscients... (Rires.)
Une voix. Aux morts, encore moins !
M. Andreas Saurer. Il n'y a pas que des patients somatiques à l'hôpital; il y a aussi les patients souffrant de troubles psychiques...
Une voix. C'est un exemple tiré par les cheveux !
M. Andreas Saurer. Ce n'est pas un exemple tiré par les cheveux ! Je veux dire que les signes religieux extérieurs peuvent avoir des conséquences ailleurs qu'à l'école. Quoi qu'il en soit, il est extrêmement difficile de différencier les signes acceptables des signes qui ne le sont pas.
Les signataires disent que les enseignants représentent les institutions; je trouve qu'ils se mettent sur un terrain extrêmement glissant. Il n'y a pas si longtemps, les objecteurs de conscience étaient interdits d'enseignement dans certains cantons suisses alémaniques, parce que, refusant l'armée, ils ne représentaient pas l'institution. Fort heureusement, nous en sommes revenus. L'enseignant ne respecte donc pas l'institution dans sa totalité, et je me réjouis.
Cela me permet de différencier la laïcité structurelle de la laïcité fonctionnelle. Prenons, pour exemple, les cours d'histoire et de géographie. Ce sont des cours qui ne sont ni neutres ni objectifs. Qu'on le veuille ou pas, les enseignants transmettent leur fonds idéologique, voire religieux, et cela se ressent.
Il est interdit de faire du prosélytisme, et nous en sommes tous d'accord. Mais les convictions religieuses et politiques sont ressenties ! Il est impossible d'enseigner les sciences humaines sans que nos convictions idéologiques et religieuses ne transpirent.
Aussi je préfère mille fois que l'on admette ce fait. J'ai horreur des gens qui prétendent être neutres et donner un enseignement neutre. Non, on ne dispense pas un enseignement neutre !
J'en viens maintenant à la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Je vous rappelle deux exemples : la Constitution fédérale commence par ces lignes : «Au nom de Dieu tout-puissant». Vous direz que c'est la Confédération et pas Genève. Pourtant, vous avez assisté en majorité à la prestation de serment des conseillers d'Etat, à Saint-Pierre. Avez-vous remarqué qu'ils prêtaient serment sur la Bible ? Ils ne la touchaient pas, mais ils mettaient la main au-dessus. C'est dire que cette laïcité est à «géographie» extrêmement variable.
Une dernière remarque concernant l'efficacité. Voyons ce qui se passe en France. Toutes les poursuites pour propos racistes, les condamnations juridiques de Le Pen, ont-elles permis de combattre la montée du racisme et de la xénophobie ? Absolument pas ! Le racisme et l'ignorance sont des choses graves, mais ce n'est pas avec des mesures administratives et policières que nous parviendrons à les éliminer. Cette motion et la mesure prise par vous, Madame Brunschwig Graf, sont absolument inadéquates. Vous avez réussi à transformer un simple fait divers en problème politique !
Je me place maintenant sur un plan plus politique. Mon intervention, jusqu'à maintenant, a plutôt trait à l'aspect idéologique, puisqu'on fait croire à un enseignement neutre qui ne l'est ni sur le plan religieux ni sur le plan politique. Bien sûr, nous devons procéder à une séparation très nette au niveau des structures, et j'y tiens fermement. Mais ne discourons pas sur des pseudo neutralités religieuse et politique ! Je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a, en fait, deux poids et deux mesures. Il y a certainement des enseignants qui arborent des croix chrétiennes bien visibles sans que cela ait jamais posé de problème. Aujourd'hui, une enseignante porte le foulard. Tout sauf naïve, elle a cherché la provocation et elle a trouvé le répondant. Nous voilà placés devant un problème politique, ce que je regrette amèrement !
M. Armand Lombard (L). Je suis surpris de l'enchaînement de nos débats, l'un portant sur un cours d'histoire des religions et l'autre sur la laïcité de l'école genevoise.
Je me suis demandé s'il y avait une cohérence entre ces deux propositions. Personnellement, j'apprécie qu'elles soient traitées à la suite.
Nous l'avons dit tout à l'heure : une société civile doit dire ses courants de pensée. Elle doit veiller au respect de ses propres valeurs fondamentales tout en conservant un esprit critique, afin de préserver son identité dans le monde.
La laïcité voulue pour notre pays et Genève découle certainement de notre attachement à une société d'inspiration chrétienne. Connaissant les excès de fanatisme provoqués par certaines idéologies et certaines Eglises, nous avons décidé de la laïcité en matière civile et de la neutralité en matière politique pour maintenir la cohésion de la communauté helvétique. L'unique raison de la laïcité est de permettre de vivre librement, dans le respect des idées d'autrui, sans que les uns puissent afficher publiquement leur croyance et heurter ainsi celle des autres.
Lorsque Mme Brunschwig Graf a pris sa première décision, un enseignant religieux a rédigé un courrier de lecteur. Il disait assez perfidement que l'amour chrétien devrait au moins admettre l'expression des autres religions à l'école. Il se trompait, car aimer c'est aussi choisir.
Les opposants à la laïcité mettent en avant la liberté d'expression. Néanmoins, celle-ci doit avoir un cadre : chez nous, c'est celui de la laïcité. Les mêmes opposants avancent encore l'ouverture démocratique. Pour ce faire, eux-mêmes doivent accepter certaines valeurs. Ils disent encore, comme je viens de l'entendre, que Genève, ville internationale, doit s'ouvrir à tous les courants. Si la Genève internationale est connue pour la qualité de son accueil, c'est précisément parce qu'elle le fait dans un cadre donné par une société aux racines chrétiennes.
L'histoire des religions et la laïcité sont cohérentes dans une démocratie, mais elles ne doivent pas empêcher notre société civile de dire les valeurs qui sont siennes par le biais des médias, des Eglises et des universités.
M. Christian Ferrazino (AdG). Je vous remercie, Madame Brunschwig Graf, d'avoir dit votre intérêt à lire l'ouvrage que je vous avais suggéré. Cela vous a peut-être permis de comprendre que ma sensibilité différait de celle de mon collègue Vanek sur cette question d'enseignement de l'histoire des religions. Cela dit, je suis prêt, Madame, à vous suggérer d'autres lectures, par exemple celle de l'histoire du mouvement ouvrier, où vous apprendrez que certaines couches de la population obtiennent des résultats par des mouvements de grève quand elles n'y parviennent pas par le biais de négociations que le gouvernement leur refuse !
J'en viens maintenant à notre débat sur la laïcité de l'école, en relevant tout d'abord qu'il y a confusion sur la notion de laïcité. Si tout le monde s'accorde à reconnaître que l'école laïque est une conquête politique et sociale de notre démocratie, il ne faut toutefois pas oublier que le but de cette bataille était de ne plus confier l'enseignement à une institution religieuse. C'était là le problème fondamental posé à l'école de Jules Ferry. Il ne s'agissait pas d'interdire la soutane, mais d'empêcher la mainmise d'une institution religieuse sur l'enseignement. La différence est grande !
Si l'on confond tout, on sombre alors dans ce que M. Genecand voulait éviter et qu'il a qualifié, à juste titre, d'intolérance laïque. On en arrive, effectivement, à avoir une intolérance laïque ! Et cette motion, hypocrite à mes yeux, en est l'expression.
Ces cas étant isolés, il aurait mieux valu les régler au niveau départemental où ils se posaient. Pour ma part, je trouve la bataille engagée dans ce Grand Conseil tout simplement grotesque ! Il me paraît invraisemblable que ce parlement doive traiter d'un sujet pour répondre, comme l'a dit M. Saurer, à une provocation éventuelle, et lui donner ainsi plus d'ampleur. C'est aller à l'encontre du but recherché. C'est aussi la meilleure façon d'attiser des conflits religieux. Pourtant, j'avais cru comprendre que les signataires de la résolution nous proposaient précisément de les éviter.
M. Claude Blanc (PDC). Je m'exprimerai à titre strictement personnel à ce sujet. Je vous avoue être très troublé par la question posée. Vous savez que j'appartiens à une Eglise dont le passé est malheureusement chargé de beaucoup d'intolérance, si bien que je culpabilise chaque fois que je vois resurgir quelque chose qui lui ressemble.
Vous me direz que j'exagère, que l'ordre du jour est chargé, qu'il est tard, mais je trouve qu'il vaut la peine, pour une fois que nous ne discutons pas de gros sous, de consacrer du temps à des événements qui nous dépassent ou nous interpellent.
Face au problème du voile islamique, que ressentons-nous ? Nous ressentons confusément que l'Islam, aujourd'hui, fait montre d'un triomphalisme qui nous effraie. L'Islam nous interpelle violemment et nous fait peur.
Mais la peur, vous le savez, n'a jamais été bonne conseillère. Je possède une version française du Coran et je le lis de temps en temps pour essayer de comprendre un peu son message. D'autre part, sur France 2, une émission est consacrée à toutes les religions, notamment à l'Islam. Les musulmans s'y expriment, disent comment ils voient les choses, et j'essaie de les comprendre. J'en ai conclu que le voile islamique n'est pas le signe d'une appartenance religieuse, mais une nécessité pour la femme de dissimuler son corps pour ne pas exciter la concupiscence du sexe fort. (Rires.) Vous rigolez, mais prenez la peine de lire le Coran ! Il justifie la tenue vestimentaire des musulmanes pour cette seule raison. Dès lors, une femme musulmane doit se conformer à cette coutume vestimentaire, si elle entend respecter l'esprit et la lettre du Coran.
Cela nous heurte, certes, mais nous devons essayer de comprendre. C'est pourquoi cette résolution me dérange. Je ne reproche pas à ses auteurs de l'avoir déposée, car je comprends ce qui les choque. J'ai donc de la peine à trancher et avoue que je m'abstiendrai sur cette résolution.
Mme Liliane Charrière Urben (S). Monsieur Blanc, j'abonde dans le sens de ce que vous avez dit au début de votre intervention. J'écoute, de temps à autre, l'émission que vous avez citée. Pour moi qui doute, elle est fort instructive.
Elle m'a appris que les femmes musulmanes sont astreintes à un devoir de pudeur extrême qui, à mes yeux, semble être une offense faite aux hommes par la méfiance qu'elle implique.
Il y a peu encore, les Eglises chrétiennes exigeaient aussi un certain devoir de pudeur. Quand j'étais enfant, on n'entrait pas en tenue débraillée dans une église, et c'est normal.
Cela dit, j'ai appris que le foulard en tant que tel est la survivance d'une coutume de loin antérieure à la religion musulmane. Que l'Islam ait jugé bon de la conserver, je veux bien, mais ce n'est pas lui qui a introduit cet attribut. Je m'empresse d'ajouter que toutes les religions ont transformé des coutumes en dogmes. Toutes l'ont fait, cela sans parler de l'excision.
Nous discutons maintenant de l'attitude des enseignants à l'école. Je ne reviendrai pas sur la laïcité déjà largement évoquée. Tout le monde aura compris que la loi veut que l'école reste en dehors de tout contexte religieux. Que les enseignants aient des convictions, c'est heureux ! Qu'on respecte les convictions des élèves, c'est normal ! D'ailleurs, dans les faits, les élèves d'une croyance ou d'une autre, demandent régulièrement un congé pour assister à une fête rituelle. Ces requêtes sont toujours acceptées, et c'est bien.
Ici, nous avons affaire à des adultes. Quand un postulant entre dans l'enseignement, même pour une suppléance, il est informé des devoirs et obligations en vigueur dans l'administration. Le devoir de réserve fait partie de ces obligations. Nous devons, par exemple, garder le secret de confidences parentales, parfois importantes, et ne pouvons les transmettre qu'à la hiérarchie et dans des circonstances tout à fait particulières. Les élèves, notamment les plus jeunes, nous font aussi des confidences qui, à la limite, nous mettent mal à l'aise. Nous avons le devoir de les taire, éventuellement de nous en ouvrir dans la plus grande discrétion à un supérieur, mais cela ne doit pas aller plus loin.
Afficher sa religion relève du même principe. Bien sûr, Monsieur Saurer, chacun enseigne ce qu'il est ! Personnellement, j'ai mes convictions en ce qui concerne des faits historiques, et je me gardais bien de les faire partager à mes élèves. Je citais des faits, et il se peut que le ton de ma voix, à mon insu, ait quelque peu influé sur mon enseignement, mais cela n'a rien à voir avec le port du voile.
Que la croix mesure trois centimètres ou davantage ne m'intéresse pas. En revanche, je déplore qu'elle soit tombée dans le domaine public, si vous me passez l'expression. Elle est devenue un signe presque passif.
En revanche, le port du voile suscite des incidents. J'en ai été le témoin en France. L'enseignante, ayant affaire à de très jeunes élèves, enlève son voile pendant la classe. Arrive un collègue masculin, elle se précipite sur son voile pour le remettre. Imaginez la surprise des enfants ! Ils posent des questions auxquelles un pédagogue se doit de répondre. Et là, les choses se compliquent.
Le port du voile est contraire à la loi. Le fait de pratiquer cette inégalité et de l'expliquer, de faire offense, dirais-je, à un collègue ou à un père d'élève, c'est explicitement indiquer qu'il y a aussi inégalité entre les sexes. Or vous savez parfaitement que notre Constitution décrète l'égalité entre les hommes et les femmes.
Je voterai donc pour cette résolution. Mieux que moi, Mme Torracinta-Pache et M. Unger ont exprimé leur opinion avec une modération remarquable. Je les en remercie. Pour avoir vécu la situation que je viens de décrire, je vous assure, Monsieur Ferrazino, que cette résolution n'est pas superfétatoire.
Pour une fois que nous débattons d'un sujet qui vole plus haut que des histoires de gros sous, pour reprendre l'expression de M. Blanc, ou des stériles oppositions gauche-droite, je pense que cela valait la peine de s'y arrêter !
Le foulard, je le rappelle, a une connotation historique qui n'a rien à voir avec la religion. Si on laisse faire, l'exigence suivante sera peut-être d'émettre des réserves sur l'enseignement de certaines sciences naturelles. Le cas s'est produit ailleurs; ce sera le refus, dans une école mixte, d'exécuter des exercices de gymnastique ou de les enseigner.
La personne concernée a été dûment informée quand elle est entrée dans l'enseignement. Elle doit respecter un certain nombre de règles, dont celle de la laïcité de l'école, qui fait que l'on n'affiche pas ostensiblement ses convictions politiques ou religieuses. (Applaudissements.)
M. Chaïm Nissim (Ve). Mes collègues Blanc et Ferrazino ayant exprimé les trois quarts de ce que je voulais dire...
Le président. Il vous reste un quart !
M. Chaïm Nissim. Cette résolution m'a plongé dans un dilemme profond. J'hésitais à intervenir, étant incertain de la limite évoquée par mes préopinants. Néanmoins, je refuserai cette résolution, parce qu'elle tend à faire accroire que le voile d'une enseignante met l'Etat laïque en péril.
C'est prêter trop de pouvoir à ce foulard. La motion reflète la peur de l'Islam, et je comprends ce sentiment, les femmes souffrant trop souvent en terre islamique.
Mais la peur est mauvaise conseillère. En bannissant ce qui nous effraie, en le rejetant officiellement par le biais d'une résolution au Grand Conseil, proposée, de surcroît, au nom de la laïcité, vous exacerbez le sentiment de rejet que cette enseignante éprouve déjà et vous coincez le débat là où il ne devrait pas.
Cela me fait songer à une histoire, d'ailleurs sans lien avec le sujet, qui m'émouvait quand j'étais petit. En entrant au Danemark, les nazis ont imposé aux juifs le port de l'étoile jaune. Le lendemain, le roi est apparu, arborant l'étoile jaune. Le surlendemain, une foule de Danois sont sortis en portant l'étoile jaune pour signifier que l'ostracisme était une mauvaise politique.
En réfléchissant plus avant, j'ai presque envie de me coiffer d'un foulard pour être solidaire de cette femme, alors même que je déteste le foulard.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. On ne peut réduire à un cas isolé la décision que j'ai été amenée à prendre, laquelle devra encore être infirmée ou confirmée.
A partir du moment où l'on vous demande de prendre position sur un principe institutionnel, vous devez vous poser de nombreuses questions. En effet, un principe institutionnel ne peut autoriser à l'un ce qu'il interdit à l'autre.
En l'absence de toute directive dans le département s'agissant des élèves portant le foulard, j'avais déjà longuement réfléchi à la formulation et à la décision à prendre. Il m'a semblé logique de suivre la loi qui veut faciliter l'intégration des élèves. Il m'apparaissait important qu'une élève, qu'elle porte un foulard ou pas, ait la possibilité de juger par elle-même de ses choix futurs. La seule chance de la lui offrir était qu'elle fréquente une école publique qui respecte cette intégration.
S'agissant des enseignants, la loi stipule des règles différentes. Elle décrète, et les grands débats de l'époque nous l'ont confirmé, que la mission de l'enseignant, comme l'a rappelé Mme Torracinta, n'est pas celle d'un fonctionnaire qui remplit des tâches bureaucratiques importantes, certes, mais de nature différente.
Chaque enseignant, de par son comportement et sa tenue, est représentatif de la mission que lui a confiée l'Etat, et ce n'est pas anodin. Dans ce sens, le foulard islamique ne saurait être comparé à la croix, à la médaille ou à l'étoile de David que les uns et les autres peuvent porter. Le foulard est bien plus visible et possède une autre symbolique.
Après avoir longuement réfléchi, une chose relativement simple m'a amenée à trancher. Nous avons dans nos écoles des élèves musulmanes. Certaines portent le voile, d'autres pas. Certaines séjournent chez nous précisément parce qu'elles ne voulaient pas porter le voile qu'on leur avait imposé dans leur pays.
Dès lors, j'estime que l'école laïque, respectueuse de chacun, doit éviter à ces élèves de se retrouver dans une situation qui les blesse. Je n'ai pas à porter de jugement ici sur ce qui peut se passer ailleurs, parce que ce n'est pas le débat de ce soir. Mais après avoir entendu à Genève des Algériennes raconter leur vécu, après avoir constaté que nous recevions dans nos écoles des enfants appartenant à ces familles, je pense que la responsabilité de l'école genevoise est de leur assurer une aire suffisamment neutre pour qu'ils ne soient pas choqués d'une façon ou d'une autre.
Voila la raison pour laquelle - en plus de celles fort bien évoquées par Mme Torracinta-Pache - j'estime cette résolution justifiée non pas en regard d'un cas particulier, mais en vertu d'un principe. L'école tient à ce principe, parce qu'il garantit le respect de chacun.
Il ne s'agit pas d'une interdiction professionnelle. Comme l'a rappelé Mme Charrière Urben, chacun est libre de choisir, néanmoins, certaines règles doivent être respectées; chaque enseignant entrant en fonction les connaît parfaitement.
Je n'ai pas été interpellée sur ma décision à l'égard de celle qui a choisi, à un moment donné, de porter le foulard qu'elle délaissait auparavant. Le jour où j'ai tranché, je l'ai fait en mon âme et conscience et, je l'espère, avec votre appui. Par ailleurs, la procédure juridique suit son cours et les tribunaux décideront. (Applaudissements.)
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
(R 319)
RESOLUTION
concernant le respect de la laïcité de l'école genevoise
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- que l'école publique genevoise est une école laïque;
- que les enseignants sont des représentants de l'institution et qu'à ce titre, ils doivent respecter ce principe de laïcité, notamment en ce qui concerne les signes religieux extérieurs;
- que c'est là une condition nécessaire au respect des convictions politiques et confessionnelles des élèves et des parents, tel que prévu par l'article 6 de la loi sur l'instruction publique;
- qu'une institutrice refuse de se soumettre à cette règle en portant un foulard islamique,
invite le Conseil d'Etat
- à faire respecter ce principe de laïcité par tous les enseignants genevois, quelles que soient leurs convictions religieuses ;
- à poursuivre dans sa politique de fermeté face à l'institutrice genevoise ayant refusé de se soumettre à cette règle.
La séance est levée à 23 h 45.