République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 1 mars 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 4e session - 7e séance
PL 7197-A et objet(s) lié(s)
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse de majorité. Il s'est écoulé plus de trois ans entre les dates de dépôt des motions invitant à étudier l'opportunité de modifier la loi genevoise sur les allocations familiales et la séance d'aujourd'hui. Trois ans de travail et trois ans de bagarres ! Ce délai est significatif de la difficulté à trouver un consensus pas simple mais possible !
Les projets issus des travaux de la commission des affaires sociales, et soutenus par une majorité atypique, concrétisent une réponse possible à toutes les intentions politiques réitérées de soutenir une politique sociale, en particulier familiale. Au stade où nous en sommes, ces projets sont l'unique réforme possible. Le consensus de ceux qui la soutiennent ne saurait survivre à une modification de sa philosophie.
En effet, de la commission d'experts à la commission parlementaire, les uns et les autres ont déjà dû renoncer qui aux allocations jusqu'à vingt-cinq ans, qui à faire contribuer l'ensemble des revenus, qui encore à des montants plus importants des allocations, qui aux allocations en fonction du revenu, etc. Il s'agit dès lors bel et bien du produit d'une consultation, d'une négociation, de travail et de choix motivés, autrement dit d'un consensus, même si celui-ci se constitue en deçà et au-delà des arguments des auteurs de rapports de minorité.
La réforme que nous discutons aujourd'hui est à la fois ambitieuse et modeste.
Ambitieuse essentiellement, car elle réalise l'universalité des allocations familiales selon le principe un enfant - une allocation. C'est une réforme constructive qui permet d'attribuer les prestations d'allocations familiales à une personne responsable de chaque enfant, les allocations familiales devenant ce qu'elles sont par définition : une contribution à l'entretien de l'enfant, quel que soit le statut de son répondant.
Ambitieuse encore, car elle renforce la solidarité entre caisses fixant un taux plancher de contribution, un taux maximum de frais de fonctionnement et renforçant la péréquation entre caisses.
Modeste, puisque l'allocation de base de zéro à quinze ans n'atteint pas les 200 F demandés de longue date par l'initiative fédérale Fankhauser.
Modeste encore, puisqu'elle abolit le droit acquis des allocations familiales entre dix-huit et vingt-cinq ans sous condition de formation pour le limiter au même droit sous conditions cumulées de formation et de revenu, cette concession apportant le financement nécessaire au renforcement des prestations de base.
Modeste enfin, mais pas inutile, puisqu'elle réalise une simplification de la législation sans aller jusqu'à une centralisation à taux unique ou une caisse unique.
Nous allons aujourd'hui vers une acceptation d'une réforme progressiste affirmant la présence de la société à l'égard des familles ou alors vers une réformette ou encore vers un refus, vers un référendum, vers une initiative.
Si le Grand Conseil démontrait son incompétence, il révélerait, par là même, une forme d'irresponsabilité même s'il ne serait pas dramatique d'expliquer au peuple qu'un enfant est une charge indépendamment du statut de ses parents, et que l'attribution d'allocations familiales aux salariés, indépendamment de leurs revenus et l'exclusion du système des indépendants indépendamment de leurs revenus, est une conception qui a fait long feu.
Je reviendrai point par point, et dans le détail, sur différents aspects traités par les propositions d'amendements de l'un et l'autre rapport de minorité.
En attendant, vive les enfants qui ne sont, loin s'en faut, pas uniquement une charge !
Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. J'ai deux petites corrections à signaler. La première en page 84, à la quatrième ligne du deuxième paragraphe, car le mot «pour» a été oublié. Il faut donc lire : «Nous avons pourtant, pour les raisons évoquées...». La deuxième en page 87, sous le titre «Un rien fait peur dans cette République !...», à l'avant-dernier paragraphe, il faut ajouter le mot «peur» et il faut donc lire : «Voulait-on leur faire peur ?».
Par ailleurs, je voudrais dire très rapidement que mon rappel du passé, dans mon rapport de minorité, n'est pas le fait du hasard. Effectivement, à l'époque les députés patrons - il y en avait quand même quelques-uns de la génération précédente - ont été sensibilisés par la situation financière de certaines familles, parmi les plus misérables de l'époque, et observaient que leur situation financière se dégradait tous les jours. Ils l'ont fait savoir sur un ton évidemment plutôt paternaliste - je vous l'accorde très volontiers - mais ils ont agi en faveur de ces familles. Il n'est pas inutile de le rappeler, car la génération actuelle des députés, c'est-à-dire la majorité de ce Grand Conseil, freine aujourd'hui «des quatre pieds» pour empêcher que les choses puissent progresser, se modifier, voire être améliorées dans un sens qui n'est pas tout à fait habituel à ce Grand Conseil; peut-être parce que cela sortait un peu du «ronron» habituel.
En effet, aujourd'hui, quoi que l'on fasse, quoi que l'on propose, vous évoquez, avec cette pointe de chantage qui vous sied si bien, l'effet des coûts sociaux qui feraient fuir les entreprises ou empêcheraient le développement des emplois.
J'aimerais citer, à ce propos, M. le rapporteur de la première minorité qui écrit à la page 72 : «... que la progression des avantages sociaux a des limites et seule la croissance économique peut être en mesure de financer tout nouvel acquis social.» Je ne suis pas tout à fait sûre de cela; il faudrait en avoir les preuves. On nous annonce effectivement de la croissance, mais, malheureusement, cela ne développe pas les emplois.
Comme nous l'avons dit à réitérées reprises - c'est précisément là le problème - il est difficile - on l'a vu en proposant nos amendements et notamment ceux qui figurent dans notre projet de loi qui est en annexe - de faire des chiffrages concrets pour la bonne et simple raison que les comptes et les bilans nous ont toujours été refusés. On invoque le fait que ce serait trop compliqué. C'est regrettable, car nous aurions mieux pu mesurer l'impact des coûts des allocations familiales sur les entreprises et peut-être pas uniquement sur ces dernières, d'ailleurs.
Nous persistons, par conséquent, à dire qu'une telle situation ne peut effectivement plus durer. Il est vrai que le Conseil d'Etat ainsi que la majorité de ce Conseil préfèrent se faire dicter la conduite de leurs travaux par les Syndicats patronaux. Que de lettres n'avons-nous pas reçues ! C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un projet de loi. Nous avons évidemment eu l'outrecuidance de faire des propositions, mon Dieu, assez simples, puisque nous avons obtenu dans un premier temps le soutien des syndicats qui semblent revenir sur leurs positions, en tout cas sur certains points, notamment sur le principe d'une allocation modulée selon le revenu, celui d'un enfant - une allocation ayant déjà été admis. Après les discussions d'hier soir, durant lesquelles plus d'un milliard de travaux a été voté sans difficulté, ce projet correspond à un choix de société, un choix pour la vie. Je ne pense pas que la modulation de ces allocations pèse énormément sur les entreprises.
S'agissant de notre amendement, consistant à rajouter à l'article 8... Attendez, je cherche la page ! Nous voudrions donc rajouter, plus exactement, à l'article 4, une lettre d) : «l'allocation de formation professionnelle». J'avais précisé qu'il fallait s'arrêter avant la parenthèse. Ce point est également extrêmement important pour nous. On entend dire tous les jours que la formation est primordiale pour le développement d'entreprises de haute technologie, pour conserver une main-d'oeuvre très qualifiée, bref pour conserver la qualité du travail. Dans le même temps, nous devons continuer à maintenir certains métiers en voie de disparition, même si cela paraît paradoxal.
Cela implique que l'appui à la formation consiste à combler le fossé entre les personnes qui reçoivent une formation importante et celles pour lesquelles c'est plus difficile par manque de moyens.
Je m'arrête là pour le moment, mais j'interviendrai probablement sur d'autres objets.
M. Bernard Annen (L), rapporteur de première minorité ad interim. Faut-il encore longtemps laisser véhiculer dans le public de faux préjugés selon lesquels la couverture sociale dans notre pays, dans notre canton, est indigne ?
Faut-il encore longtemps se laisser culpabiliser par la gauche qui estime que ce n'est jamais assez, alors que depuis quarante ans le pouvoir d'achat de nos concitoyens a plus que doublé ?
Permettez, par exemple, que je vous indique la progression des dépenses en matière d'assurances sociales en Suisse entre 1989 et 1993, chiffres communiqués par l'Office fédéral des assurances sociales. Dépenses 1989 : 49 milliards; dépenses 1993 : 75 milliards, soit une augmentation de plus de 50%, alors que l'indice des prix à la consommation a connu, durant la même période, une progression de 17,4%.
Rappelons encore que 9% de la population genevoise paie plus de 50% des recettes fiscales des personnes physiques. Cette redistribution finance en partie des prestations sociales toujours plus lourdes dans notre canton. Nous en sommes fiers et nous devons l'être.
Pourtant, Mesdames et Messieurs, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Oui, la pauvreté existe aussi chez nous et nous devons nous en préoccuper ! Oui, le chômage est là ! Et même s'il est le plus faible des pays européens industrialisés, il ne peut pas nous laisser indifférents ! Et c'est précisément pour cela que notre devoir est d'offrir aux entreprises les meilleures conditions possibles pour affronter une concurrence toujours plus rude.
Le coût du travail, salaires plus charges sociales, est l'un des facteurs le plus important dans la constitution du prix de vente. C'est bien en raison de l'augmentation toujours plus lourde de ce coût que nos entreprises, nos commerces, sont de moins en moins concurrentiels et que des emplois se perdent tous les jours.
Mesdames et Messieurs, le coût du travail suisse, salaires plus charges sociales, dont les allocations familiales, se situe au deuxième rang mondial ! Oui, le coût du travail suisse, j'insiste, est le deuxième plus élevé au monde, après l'Allemagne ! D'ailleurs, M. Helmut Kohl a réuni tout dernièrement un conseil pour étudier comment diminuer le coût du travail allemand, véritable frein à la croissance économique de ce pays, si j'en crois les commentaires.
Lorsque l'on sait qu'aucun emploi ne se crée sans un taux de croissance d'au moins 3%, on comprend aisément le souci du gouvernement allemand d'affronter courageusement la question du coût du travail. C'est donc bien sous cet aspect également que nous devons traiter la question de la modification de la loi sur les allocations familiales.
Occulter ses incidences économiques paraîtrait irresponsable. En votant le projet qui nous est soumis ce soir, ce n'est pas moins de 17 à 25% d'augmentation du coût des allocations familiales que nous acceptons, alors que le Conseil d'Etat avait demandé à la commission d'experts de respecter le principe de la neutralité des coûts. Ce principe n'a pas été respecté et de loin !
L'entreprise verra sa cotisation allocations familiales augmenter d'autant. Si, de plus, l'entrepreneur est indépendant, je ne vous dis pas à quelle «sauce» il sera mangé ! Ce qui risque d'arriver c'est qu'il sera contraint, ne vous en déplaise, de licencier pour diminuer ses charges.
Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission n'a pas admis de laisser les indépendants en dehors du système des allocations familiales, comme c'est le cas dans la plupart des cantons suisses. Alors, au-delà des coûts supplémentaires que cela occasionnerait, ce sont des inégalités de traitement entre indépendants que cette loi entraînerait. Montrer du doigt une catégorie de personnes : les indépendants, parce que soi-disant ils ne paient pas de cotisations sur leurs revenus, c'est vite oublier qu'ils paient entièrement les cotisations allocations familiales de leurs propres employés et qu'à ce titre ils participent largement à l'effort collectif !
Dans un premier temps, la majorité des membres de la commission a tenté de nous faire croire qu'il était injuste que les indépendants et notamment les petits indépendants ne touchent pas d'allocations familiales. Ils se sont très vite rendu compte de la réalité : les indépendants ne veulent pas des allocations familiales et ils nous l'ont clairement dit. Alors, ils se sont raccrochés au principe de la solidarité : les indépendants devaient être solidaires et payer une cotisation sur leur revenu !
Mais dans ces conditions, Mesdames et Messieurs, il faudra m'expliquer de quel genre de solidarité l'on parle, en faisant payer une cotisation à un indépendant commerçant artisan sur son revenu, alors que le PDG d'une grande société n'en paie pas ! Où est la solidarité, je vous le demande ?
Je prétends donc que si vous désirez introduire la solidarité elle doit être généralisée. Et il vous faudra accepter le principe d'une cotisation paritaire, payée en partie par l'employeur et en partie par l'employé, car le président directeur général dans une grande société, comme je le disais tout à l'heure, est employé et, actuellement, il ne paie rien.
J'entends déjà les critiques fuser, mais cette proposition ne vient pas de moi; elle vient de Mme Fankhauser, conseillère nationale socialiste... (L'orateur appuie sur ce mot.) ...bâloise ! Il ne s'agit pas, Madame la rapporteur de majorité de dire qu'il faut tenir compte du même montant d'allocations familiales, comme proposé par Mme Fankhauser; il faut aller jusqu'au bout de sa pensée : la proposition d'une cotisation paritaire. Ainsi la cotisation moyenne genevoise actuellement payée uniquement par les entreprises est de 1,5%. Si ce parlement acceptait notre proposition de cotisation paritaire de 1% plus 1%, nous pourrions à la fois diminuer la charge des entreprises de 1,5% à 1% - et Dieu sait si ce serait bienvenu aujourd'hui - et augmenter le montant des allocations familiales d'environ 25% en moyenne, et cela répondrait au souci, Madame la rapporteur de majorité, que vous avez évoqué tout à l'heure.
Seul un financement solide permet d'assurer la pérennité d'une prestation sociale à long terme. Tout autre financement rend cette prestation fragile, et vous devez vous en souvenir. Pour ne pas l'avoir fait, le gouvernement suédois vient, ces derniers jours, de diminuer le montant des allocations familiales de ce pays de 15%. Oui, Mesdames et Messieurs, une diminution de 15% ! Pourtant, la Suède est toujours citée en exemple, pour son avance sociale. (L'orateur est interpellé par M. Grobet.) Monsieur Grobet, le montant des allocations se monte à 9 000 couronnes par année en Suède. Cela représente un montant de 127 F suisses par mois. Nos allocations sont donc déjà plus élevées qu'en Suède et elles le seront encore davantage avec ce projet. Le chiffre de 127 F suisses est fourni par les statistiques d'octobre 1995 de l'Union européenne. Avec la diminution de 15%, c'est environ 100 F d'allocations familiales qui sont versés actuellement en Suède.
Mesdames et Messieurs les députés, ne donnons pas de fausse joie à nos concitoyens, s'il vous plaît ! Proposons-leur des allocations sur lesquelles ils peuvent compter et non pas des allocations sur fond de risque de perte d'emplois ! Ne sacrifiez pas vos responsabilités sur l'autel d'une générosité aléatoire !
M. Daniel Ducommun (R). Je n'ai pas à vous cacher que notre groupe n'est pas unanime sur ce sujet. Mais la majorité, même si elle est très faible, n'approuve pas les conclusions de la rapporteuse de majorité.
Cette situation ne nous apparaît pas anormale, si l'on considère que deux positions fondamentalement contradictoires nous sont présentées dans ce projet de refonte des allocations familiales. La première situation est louable. Elle défend à ce titre le postulat un enfant - une allocation, synonyme d'une politique familiale digne et solidaire. Nous n'avons donc pas à rougir de la participation de nos deux commissaires aux affaires sociales.
L'autre aspect, malheureusement moins idéaliste, est plus réaliste. Il reflète un climat économique difficile engendrant le chômage de plus de quinze mille personnes. Devant cette situation angoissante, les entreprises, les entrepreneurs, bref, tous ceux qui sont concernés par ces projets de lois, nous demandent instamment d'instaurer un moratoire pour éviter toute nouvelle ponction de substance qui leur enlèverait les capacités nécessaires à l'investissement et à l'emploi, d'autant plus qu'aucun des acteurs de la vie économique n'a demandé de réformer ou d'augmenter des allocations familiales, que ce soit au niveau des employeurs comme des employés.
S'il est logique de combattre l'initiative 101 entraînant une augmentation de la charge fiscale de quelque 70 millions pour nos sociétés, il me paraît tout aussi logique de combattre une augmentation de charges de quelque 40 millions pour la réforme des allocations familiales que personne n'a demandée.
Mesdames et Messieurs les députés, 70 millions là, 40 millions ici, cela fait 110 millions, ce qui représente également mille cent postes qui sont en jeu et qui risquent de grossir les statistiques des sans-emploi, suite à nos décisions. En conséquence, et à défaut de pouvoir refuser l'entrée en matière, la majorité de notre groupe soutiendra ou proposera tout à l'heure tout amendement permettant de réduire les coûts de ce projet. Je fais notamment allusion à l'exclusion des indépendants du système dont ils ne veulent pas et au retour à 5 000 F du seuil de limite d'octroi des allocations d'étude ou d'apprentissage pour l'obtention des allocations d'encouragement à la formation.
Il nous apparaît également nécessaire, en marge de ces débats, de légiférer rapidement sur la suppression des déductions fiscales accordées pour les allocations familiales, afin d'introduire une réelle progressivité des prestations en fonction du revenu, solution plus simple dans sa gestion et plus sociale dans son principe.
M. Philippe Schaller (PDC). Ce projet de loi a fait couler beaucoup d'encre et suscité de nombreuses réactions, parfois fort violentes.
Le jeu en valait la peine, parce qu'il s'agit des enfants de ce canton, mais, comme l'a dit Mme Maulini-Dreyfus, finalement, l'enjeu en valait-il vraiment la peine ? En effet, la loi sur les allocations familiales que nous allons, j'espère, voter ce soir, n'est pas si novatrice, puisque tous les pays européens, sauf la Grèce, connaissent l'allocation universelle et ce postulat un enfant - une allocation !
Nous tenons à ce postulat. La majorité de la commission sociale s'est battue pour le maintenir, et nous nous battrons ce soir pour ce faire. Avec ce postulat : un enfant - une allocation, chaque enfant de ce canton, quel que soit le statut socioprofessionnel de sa famille, recevra une allocation.
Cette proposition est progressiste, moderne et adaptée à la situation économique de notre canton. M. Ducommun a cité des chiffres : 40 millions, 110 millions. Parlons des chiffres que nous connaissons, Monsieur Ducommun !
Il s'agit d'une augmentation de 33 millions des allocations familiales se décomposant de la manière suivante :
- 17 millions de plus pour les indépendants - les indépendants financeront donc les allocations familiales des indépendants, et nous ne pouvons pas considérer cela comme une charge supplémentaire pour les entreprises. (L'orateur est interpellé.) Mais ils les reçoivent ces allocations !
- 10 millions qui auraient dû être de toute manière adaptés pour les allocations familiales, cette année, en fonction des indicateurs économiques que nous connaissons et selon la loi sur les allocations familiales.
Cela fait 27 millions. Il reste donc 6 millions pour arriver à 33 millions. Il faut savoir que la loi améliore grandement l'allocation de base pour les enfants de 0 à 18 ans. Mais le compromis de cette loi fera que certaines familles - elles sont nombreuses dans ce canton - verront leurs allocations d'encouragement aux études diminuer fortement au profit, précisément, de l'allocation 0/18 ans.
M. Annen dit et redit que les indépendants ne veulent pas de cette allocation. Mais sur quels critères se base M. Annen pour affirmer cela ? Monsieur Annen, la Fédération des syndicats patronaux a effectué un sondage et a envoyé un questionnaire à huit mille indépendants. Sur ce nombre, mille quatre cents ou mille cinq cents personnes...
Une voix. Mille cinq cent cinquante !
M. Philippe Schaller. Mille cinq cent cinquante personnes ont répondu. Certaines les veulent. Elles sont peu nombreuses : une centaine ! Mais ce canton compte vingt-sept mille indépendants, d'après les chiffres de l'office cantonal de la statistique. Le pourcentage de réponses, Monsieur Annen, est donc faible. Vous n'avez donc pas le droit de dire que les indépendants n'en veulent pas !
Monsieur Annen, j'aimerais vous dire deux choses :
La première est que j'ai apprécié le travail que j'ai effectué en commission avec vous, parce que vous êtes un homme de terrain et que vous nous avez apporté, pendant ces débats, un éclairage très intéressant. Je vous en remercie donc.
Par contre, je ne peux pas accepter l'introduction de votre rapport de minorité, car il laisse imaginer que M. Dupraz et moi-même sommes les moutons noirs de l'Entente ! Monsieur Annen, jusqu'à preuve du contraire l'Entente n'est pas gouvernée par le pouvoir libéral : c'est bien un pouvoir partagé ! Genève doit être gouvernée au centre, et je suis pour l'Entente qui s'entend pour résoudre les problèmes sociaux de ce canton.
Je discuterai de vos amendements plus tard en deuxième débat.
Madame Chalut, je vous remercie d'avoir évoqué la mémoire de M. Laurencet, mais surtout pour les deux tableaux que vous nous avez fournis, en souhaitant que les députés qui n'auraient pas lu le rapport jusqu'à la fin en prennent connaissance ! En effet, ces tableaux montrent bien que Genève a, en fait, inversé sa générosité en matière d'allocations familiales depuis 1983, puisqu'elle est en dessous de la moyenne helvétique, et que Genève est également en dessous de la moyenne du taux de cotisation par rapport à la Suisse. Merci, donc, Madame Chalut d'avoir apporté ces précisions.
Mesdames et Messieurs, nous devons être convaincus que le social et l'économie ne sont pas opposés : ils sont complémentaires. Aujourd'hui, nous devons faire un effort substantiel en faveur des enfants de ce canton, et ce n'est que justice sociale.
En période de crise, comme celle d'aujourd'hui, ce sont les familles qui sont le plus touchées, et il est juste que nous adaptions les allocations familiales de manière cohérente et économiquement supportable. J'espère que Genève aura ce soir une longueur d'avance, comme elle l'a eu pour le revenu minimum.
Le groupe démocrate-chrétien est tout à fait conscient qu'il faudra travailler encore le processus des allocations familiales, notamment dans le cadre de leur financement, dans le cadre, comme l'a dit M. Ducommun, de la fiscalisation ou dans le «ciblage» de ceux qui en ont réellement besoin. Nous, nous nous engageons, en tant que groupe démocrate-chrétien, à déposer ces prochains mois une motion regroupant ces différentes propositions.
M. Pierre Ducrest. Ce projet montre le malaise engendré par la conjoncture que nous traversons actuellement. On a parlé de solidarité, de familles; ce sont des mots recouvrant une réalité, et nous devons en tenir compte. Comme l'a dit Mme la rapporteuse de majorité, ce projet a occasionné trois années de travaux en commission.
J'aimerais vous faire toucher du doigt la situation que connaissent depuis trois ans les petites et moyennes entreprises, les plus nombreuses dans ce canton. Souvent les patrons de ces petites et moyennes entreprises sont des indépendants. Qu'ont fait ces entreprises pour traverser cette crise. Eh bien, si elles en avaient, elles ont réalisé leurs réserves latentes, pour ne pas débaucher et maintenir la masse salariale à son niveau. Ensuite, les réserves étant épuisées, elles ont commencé à agir sur la masse salariale. Lorsqu'un patron d'une petite et moyenne entreprise a calculé le salaire brut d'un employé, il doit rajouter le pourcentage qu'il doit payer sur les allocations familiales, pourcentage qui varie, comme tout le monde le sait, de 0,5 à 2,5% selon le type de profession, en moyenne 1,5%. Que fait ce patron actuellement ? Il se met lui-même dans la masse salariale pour faire survivre son entreprise !
Alors, si on demande aux indépendants de fournir un effort pour payer eux-mêmes leurs allocations familiales qui ne seront pas «rebasculées» directement d'une manière linéaire s'ils ont des enfants - bien entendu, ils peuvent n'en avoir qu'un ou pas du tout - ils devront augmenter artificiellement leur masse salariale, ce qui est actuellement impossible. Ils se retourneront donc vers la débauche... la débauche d'employés bien entendu ! (Rires.) En définitive, le bienfait qui aurait pu être attendu des allocations familiales sera un méfait pour l'emploi.
L'article 14 de cette loi qui oblige les caisses à se regrouper, qui empêche, par un plus grand libéralisme, la création de nouvelles caisses dans l'avenir - elle plafonne le nombre des indépendants se regroupant - dépend en plus de l'article 32 obligeant à faire des réserves qui n'ont, depuis quarante ans, jamais servi. Comment voulez-vous donc créer une caisse nouvelle ?
La commission a passé comme chat sur braise sur l'aspect fiscal du problème. M. Ducommun l'a relevé tout à l'heure très justement. Aujourd'hui 1er mars 1996, alors que cette loi doit entrer en vigueur le 1er janvier 1997, M. Schaller nous signale que le groupe démocrate-chrétien apportera dans quelques mois une modification de cette loi, avant même qu'elle ne soit en vigueur; je trouve cela très étrange ! Moi, je pense que nous avons du temps devant nous, aussi je propose au parlement de renvoyer ce projet à la commission fiscale.
M. Pierre-Alain Champod (S). Il faut peut-être rappeler l'origine du projet dont nous débattons ce soir. Au départ, il y avait deux motions, l'une émanant de la commission des affaires sociale demandant notamment d'étudier la possibilité d'intégrer les indépendants et de revoir la péréquation entre les caisses, et l'autre du parti socialiste invitant à introduire dans la législation sur les allocations familiales le principe de un enfant - une allocation.
Je ne vais pas refaire l'historique entre le moment où ces motions ont été adoptées par notre parlement et le moment où nous débattons ce soir de ce projet de loi. Je rappellerai simplement que ce texte a été élaboré par une commission d'experts et que ce projet n'a pas été déposé par le Conseil d'Etat, mais par des députés appartenant à quatre groupes faisant partie de ce parlement.
Ces quelques remarques préliminaires étant faites, il convient de dire pourquoi il est nécessaire aujourd'hui de revoir notre législation sur les allocations familiales. Premièrement, notre législation est extrêmement complexe et compliquée dans son application, puisque l'allocation dépend de la situation de salarié du bénéficiaire. On a introduit, avec raison d'ailleurs, toutes sortes d'exceptions. Par exemple, les chômeurs continuent à toucher les allocations familiales; certaines personnes travaillant à temps partiel doivent travailler un minimum d'heures par semaine pour avoir droit à une allocation entière en fonction du nombre d'enfants qu'elles ont; une personne qui perd son emploi suite à une maladie a le droit, si elle touche des prestations de son assurance perte de gains, de percevoir les allocations pendant douze mois, la suite dépendant de sa situation financière, etc.
De nombreux articles rendent cette loi extrêmement complexe, ce qui a pour conséquence qu'un certain nombre de bénéficiaires qui devraient avoir droit à des allocations ne les touchent pas par méconnaissance de la loi. D'autre part, comme il faut être salarié pour bénéficier des allocations, un certain nombre de personnes à bas revenu n'y ont pas droit : je pense, par exemple, aux personnes assistées par l'Hospice général et aux couples d'étudiants avec enfant qui n'en bénéficient pas.
Cette loi sur les allocations familiales est très marquée par l'époque où elle a été introduite : l'après-guerre, époque où la vision de la famille était traditionnelle et les emplois stables à vie. Aujourd'hui, la situation des familles a changé : il y a des familles monoparentales, des familles recomposées et la situation économique fait que de moins en moins de gens ont la chance d'avoir un poste stable, de nombreuses personnes ayant des emplois temporaires, des emplois précaires, etc.
Cela nécessite de revoir le système des allocations en basant le droit non pas sur le statut de salarié, mais sur l'existence d'un enfant. C'est l'enfant qui donne droit à une allocation. Il convient aussi d'inclure les indépendants dans ce principe un enfant - une allocation, parce que leur situation est très hétérogène. Si certains gagnent bien leur vie et pourraient, effectivement, se passer d'allocations familiales, d'autres, de plus en plus nombreux, se trouvent dans une situation financière difficile. C'est un phénomène nouveau; depuis cinq ou six ans, on voit des indépendants recourir à l'assistance publique. C'est un fait marquant pour les services sociaux de trouver des indépendants dans leur «clientèle».
M. Annen disait tout à l'heure qu'aucun canton suisse n'avait inclus les indépendants parmi les bénéficiaires, ce qui est inexact. Neuf cantons suisses appliquent un régime d'allocations familiales pour les indépendants, dont sept avec des conditions de revenu et deux sans conditions de revenu : le canton des Grisons et le canton d'Argovie.
Ces constats de l'inadaptation actuelle de notre loi rendent aujourd'hui nécessaire une réforme introduisant la notion d'un enfant - une allocation. C'est d'ailleurs l'élément essentiel de cette réforme, le reste portant sur des détails.
Le parti socialiste pense que le projet que nous allons voter ce soir ne va pas aussi loin que ce que nous aurions souhaité. Nous trouvons que le projet de l'Alliance de gauche, sur un certain nombre de points, est meilleur que le projet tel qu'il est sorti de la commission des experts.
M. Gilles Godinat. Il faut le soutenir, alors !
M. Pierre-Alain Champod. Cependant, nous sommes aussi conscients qu'il ne suffit pas de présenter un bon projet pour faire une bonne loi : il faut également avoir une majorité ! Pendant les travaux effectués en commission, nous nous sommes rendu compte que votre projet était meilleur sur le papier, mais qu'il ne rassemblait pas une majorité. En revanche, une majorité s'est dessinée au sein de la commission des affaires sociales sur le projet provenant de la commission des experts. Il nous a donc semblé que c'était un compromis acceptable.
Ce projet est acceptable tel qu'il ressort de la commission. S'il devait être dénaturé - je pense notamment à l'exclusion des indépendants du cercle des bénéficiaires des allocations familiales ou à l'introduction, sans discussion avec les partenaires sociaux, d'une cotisation paritaire - nous ne le soutiendrions plus. Nous lancerions une initiative sur ce sujet, non plus sur la base du texte des experts, mais sur la base d'un texte rédigé par le parti socialiste.
Puisque nous soutenons ce projet, tel qu'il ressort des travaux de la commission, nous nous opposerons, bien sûr, aux amendements proposés par la minorité représentée à la table des rapporteurs par M. Annen et nous nous abstiendrons sur les amendements proposés par l'Alliance de gauche.
Une remarque encore sur la méthode employée pour ce projet. Le fait d'avoir réuni une commission d'experts composée par les syndicats patronaux, les syndicats ouvriers et les représentants de différents partis, a permis de présenter un projet qui est déjà un compromis. Si nous devons faire un compromis d'un compromis en commission, il ne restera plus grand-chose. Cette méthode, consistant à négocier les projets ailleurs qu'au parlement, n'est pas toujours une bonne chose, d'autant plus que cet exemple montre que l'on ne gagne pas forcément beaucoup de temps.
Cette loi étant un compromis, elle comporte bien sûr des améliorations et des aspects négatifs.
Dans les améliorations, je signalerai le principe un enfant - une allocation, principe, comme l'a dit M. Schaller, déjà appliqué dans la grande majorité des pays d'Europe. Il simplifie grandement la loi et évite que les personnes aux revenus modestes soient écartées du système.
Il présente également une amélioration par rapport à l'écart des taux entre les caisses qui oscillent actuellement entre 0,8 et 2,5%, ce qui n'est pas acceptable.
Le montant des allocations représente également une amélioration, même si elle est modeste, et comme cela a déjà été dit, nous aurions de toute façon dû améliorer la loi qui nous impose de revoir tous les deux ans le montant des allocations.
Nous sommes moins d'accord avec certains aspects de ce compromis que nous jugeons négatifs, mais que nous acceptons. Par exemple, le fait que nous conservions un système compliqué avec une multitude de caisses, une multitude de taux, alors qu'une caisse unique serait une solution d'avenir. Mais il a fallu tenir compte de l'histoire et de la manière dont les allocations familiales ont été créées dans ce canton.
Autre point extrêmement négatif - M. Schaller l'a également relevé - les jeunes entre 18 et 25 ans devront non seulement être aux étude ou en apprentissage pour recevoir les allocations mais aussi remplir des conditions de revenu. Cela signifie qu'une bonne partie des parents de la classe moyenne qui touchent aujourd'hui une allocation ne pourront plus la percevoir.
Néanmoins, nous avons pensé que ce compromis représentait une amélioration par rapport à la situation présente. C'est la raison pour laquelle nous le voterons.
Enfin, comme d'autres l'ont déjà dit, cette réforme n'est qu'une étape. Pour faire changer les choses dans ce pays, il faut pratiquer la politique des petits pas. D'autres étapes seront nécessaires; je pense notamment à la modulation des allocations en fonction du revenu des parents, soit sur le modèle proposé par l'Alliance de gauche soit sur un modèle d'imposition fiscale des allocations familiales. Dans un avenir peut-être un peu plus lointain, je pense que nous arriverons à avoir une seule caisse et un taux unique. Ces débats auront lieu, soit à la fin de cette législature, soit au début de la suivante.
En conclusion, compte tenu des différentes remarques que j'ai exprimées, le parti socialiste vous invite à voter le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission.
M. Bernard Clerc (AdG). Je remercie M. Annen et M. Ducrest qui nous ont démontré que les allocations familiales et les cotisations qui leur sont liées font intrinsèquement partie du salaire !
C'est la thèse que nous avons toujours défendue. Effectivement, sur le marché du travail, les salaires sont déterminés par ce marché et non pas en fonction des charges supportées par les individus, les charges de famille notamment.
Cet état de fait a été à l'origine de l'institution des allocations familiales, et il est toujours valable aujourd'hui. Dans la plupart des familles d'ailleurs l'homme et la femme sont obligés de travailler tous les deux pour assurer un revenu décent à leur famille et les allocations familiales sont effectivement un élément important, notamment dans le revenu des femmes seules avec enfant.
Il faut relever qu'actuellement le montant des allocations familiales est dérisoire par rapport au coût d'un enfant dont je rappelle qu'il a été évalué par Pro Juventute à 1 100 F par mois, et que les allocations genevoises sont parmi les plus basses de Suisse.
J'aimerais tout de même revenir quelque peu sur certaines affirmations de M. Annen, en termes de prestations sociales, qui me paraissent devoir être rectifiées. Je rappellerai tout d'abord que la part consacrée par la Suisse, par rapport au produit intérieur brut, aux prestations familiales, est de 1%. A titre de comparaison, on peut voir que le Danemark est à 3%, la France à 2,2%, le Royaume-Uni, pays ô combien libéral, à 2,2% et l'Allemagne à 1,9%. J'arrêterai là cette liste comparative.
En termes de progression du pouvoir d'achat des salariés dont M. Annen a parlé, en évoquant une longue période, mais en se gardant bien de préciser la situation de ces quatre dernières années. Alors, je vais en toucher un mot, Monsieur Annen, pour vous faire remarquer que le pouvoir d'achat des salariés dans ce canton a baissé de 8%, en moyenne, entre 1991 et 1994. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est «Eco diagnostic» !
Vous parlez des charges salariales et des charges sociales, par rapport à la compétitivité. Vous semblez ignorer, Monsieur Annen, que la Suisse se situe au cinquième rang mondial de la productivité, en 1995, et qu'elle a progressé d'un rang, puisqu'elle était sixième en 1994. Alors, je veux bien que vous nous citiez un certain nombre de chiffres pour expliquer que la situation est catastrophique pour les entreprises de ce pays, mais, tout de même, si nous avons la productivité la plus élevée juste après les Etats-Unis, Singapour, Hong Kong et le Japon, cela mérite une certaine réflexion par rapport à vos propos.
J'aimerais maintenant en venir à la question qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est-à-dire les projets de lois qui nous sont soumis. Quiconque, un tant soit peu honnête et rigoureux sur le plan intellectuel, reconnaîtra que notre projet est le plus rationnel et le plus juste, je le précise, indépendamment des montants des allocations proposées.
Notre projet rejoint, aujourd'hui, celui de la commission d'experts et celui de la majorité aujourd'hui sur deux points. Premièrement, sur le principe : un enfant - une allocation et, deuxièmement, sur l'affiliation des indépendants.
Il diverge sur quatre autres points :
- Le montant des allocations tout d'abord. Nous proposons 200 F jusqu'à quinze ans et surtout leur modulation en fonction du revenu. Nous estimons, en effet, que les allocations familiales servent, comme je l'ai déjà dit, à compenser les inégalités résultant des montants des salaires par rapport aux conditions sociales des personnes. Il nous semble donc normal que les revenus les plus bas touchent des allocations plus conséquentes. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé 250 F par mois pour un revenu inférieur à 50 000 F et 300 F pour un revenu inférieur à 40 000 F.
- La deuxième divergence provient de l'allocation de formation professionnelle. Actuellement, cette allocation est versée à tous les jeunes jusqu'à 25 ans qui poursuivent une formation ou un apprentissage, et elle sera supprimée pour un grand nombre d'entre eux. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure.
- La troisième divergence porte sur le taux de cotisation. Le taux unique de cotisation est le système le plus simple et le plus juste. Il compense les inégalités existant actuellement entre les secteurs économiques. Je trouve particulièrement curieux que M. Annen, qui représente les entreprises du bâtiment, qui paient les taux de cotisation les plus élevés, ne nous ait pas soutenus dans ce projet à taux unique, alors que les entreprises qu'il défend en auraient bénéficié largement, de l'ordre de 0,8 à 1%, ce qui représente un certain nombre de millions. Cette attitude me laisse perplexe, sauf si, évidemment, elle cache la crainte de la caisse unique !
- Quatrième divergence : la caisse unique. Actuellement, le canton de Genève compte cinquante-deux caisses d'allocations familiales. Je trouve particulièrement étonnant que les partis de droite, qui à longueur d'année nous parlent de gestion rationnelle de l'Etat, ne soient pas indisposés par le nombre excessif des caisses chargées du versement de ces allocations. Notre projet laissait à ces caisses la possibilité de collecter les cotisations et instituait une caisse unique pour leur versement, ce qui est beaucoup plus logique et, surtout, ce qui diminuerait les frais administratifs. Nous avons évalué dans le projet que ces frais pouvant atteindre 7% - ce qui, entre parenthèses, va pousser toutes les caisses à atteindre ce taux - pourraient être ramenés à 4 ou 5%.
Ce sont les principales divergences entre les deux projets de lois. J'aurai l'occasion de revenir sur certains aspects spécifiques à l'occasion de l'un ou l'autre des amendements. Pour l'heure, nous regrettons que le refus du projet de l'Alliance de gauche se soit manifesté sur la base d'un a priori politique, voire idéologique, indépendamment de son contenu.
Nous voterons l'entrée en matière sur le projet de loi proposé par la majorité. Nous ferons un certain nombre de propositions sous forme d'amendements et nous nous déterminerons ultérieurement quant au vote final.
M. Christian Grobet (AdG). Comme l'a dit M. Schaller, la réforme proposée ce soir, issue des travaux de la commission, est bien modeste. On peut dire que la montagne a accouché d'une souris. D'ailleurs, on s'en étonne lorsqu'on se réfère aux diverses motions votées par ce Conseil il y a trois ans.
Vous me permettrez de sourire, Monsieur Schaller, lorsque que je vous entends dire qu'après le vote de ce projet de loi votre parti déposera une nouvelle motion pour essayer de faire avancer les choses, car plusieurs motions ont déjà été votées. Alors, je ne sais pas si vous comptez sur l'amnésie des uns et des autres pour ne pas vous en souvenir ou si vous voulez vous donner bonne conscience.
Je n'entrerai pas dans les détails, puisque M. Champod a déjà rappelé l'historique des débats. Toutefois, le 18 décembre 1992, cela fait plus de trois ans, ce Grand Conseil, à l'occasion d'une des révisions périodiques du montant des allocations familiales, avait exprimé un certain nombre de demandes et voté une première motion.
Comme cette dernière ne paraissait pas suffisamment précise, deux mois plus tard, des députés socialistes, dont Mmes Reusse-Decrey et Torracinta-Pache ainsi que M. Champod, ont déposé une autre motion qui allait plus loin que le projet un enfant - une allocation. Elle demandait toute une série de choses dont l'assujettissement des indépendants et la modulation des allocations familiales en fonction des revenus des ayants droit.
Aujourd'hui, on est incapable de concrétiser ce principe, même si les membres de certains partis prétendent être acquis au système de cette modulation. Du reste, il n'y a pas d'ambiguïté sur la portée de ces motions, puisque le département de la prévoyance sociale et de la santé publique, dont le président, ici présent, avait donné un excellent mandat à la commission des experts dans lequel figuraient toutes les demandes.
Premièrement, la fusion totale ou partielle des caisses d'allocations familiales. Deuxièmement, la création d'une allocation maternité versée durant les six mois suivant la naissance. Troisièmement, des allocations familiales variant en fonction du revenu familial. Quatrièmement, le versement des allocations familiales à l'étranger sur la base du standard de pouvoir d'achat de la communauté européenne. Cinquièmement, l'extension des allocations familiales aux indépendants. Sixièmement, l'introduction d'un taux unique de contribution ou, à défaut, d'un taux minimum avec extension; la compensation des charges entre les caisses. Septièmement, l'amélioration de l'information générale sur la situation financière des caisses. Huitièmement, l'eurocompatibilité du régime des allocations familiales et enfin, l'introduction du principe un enfant - une allocation avec l'étude de ces implications financières.
Par cette démarche, nous essayons de respecter le principe de l'eurocompatibilité. Or force est de constater que, sur la dizaine des principes énoncés dans le mandat confié aux experts, deux seulement ont été repris, représentant certes un progrès notable, à savoir l'assujettissement des indépendants - vieux serpent de mer qui remonte à cinquante ans, qui, pour autant qu'il soit voté ce soir, sera un acquis important - et le principe d'un enfant - une allocation.
Tous les autres points ont passé aux oubliettes et, ce soir, on nous annonce que l'on déposera des motions, qu'on lancera une initiative sur la base du projet socialiste que nous serions heureux de connaître, Monsieur Champod. Mais, en attendant, tous ces beaux principes sont oubliés et nous ne sommes pas satisfaits.
M. Clerc a fait allusion aux cinquante-deux caisses d'allocations familiales à Genève. Le parallèle est vite fait avec les dizaines de caisses d'assurance-maladie sur le plan cantonal et les centaines sur le plan fédéral. Ainsi, on s'aperçoit qu'on ne peut plus gérer de manière satisfaisante ce système de la multiplicité des caisses.
Monsieur Annen, vous qui avez le sourire facile, je comprends que vous soyez satisfait d'un système archaïque et peu productif en matière d'allocations familiales. Curieusement, il va exactement à l'encontre de toutes les leçons de productivité que, d'habitude, vous nous donnez. Mais il est vrai que la multiplicité des caisses permet de maintenir ce manque de transparence dénoncé depuis un certain nombre d'années. Cette confusion des caisses en matière de charges est entretenue et vous l'évoquez comme prétexte pour nous empêcher de connaître leur réelle situation financière en matière d'allocations familiales.
Cette situation mérite d'être éclaircie. Toutefois, en ce qui concerne notre projet de loi, nous nous empressons d'ajouter que nous n'en faisons pas une question d'amour-propre. Il ne faisait que répondre au mandat remis à la commission des experts, donc aux principes adoptés par ce Grand Conseil et permettait d'introduire un système tout simple, alors que, comme vient de le dire M. Champod, le système reste complexe et archaïque.
Il est paradoxal qu'en trois ans on n'ait pas réussi à régler cette affaire. M. Ducrest, qui lui aussi plaide en faveur de l'efficacité, nous demande de renvoyer le tout en commission dans le but très probable de perdre encore trois ans. Ainsi rien ne se fera. On comprend bien votre tactique.
Monsieur Annen, je connais très bien la situation de la Suède, puisque mes enfants ont la double nationalité. Si vous voulez adapter le système suédois, on se trouvera sur la même longueur d'onde. Toutefois, vous ne pouvez pas dissocier le principe des allocations familiales sans tenir compte de l'ensemble des prestations sociales en vigueur en Suède. Il existe une sécurité sociale qui comprend des soins gratuits, y compris les soins dentaires et un véritable appui à la famille qui n'existe pas dans notre pays, un congé parental de deux ans, tant pour la mère que pour le père, entre autres. Par conséquent, le taux des allocations n'est pas aussi élevé que chez nous.
Outre le fait qu'on n'ait pas réussi à simplifier les choses, un certain nombre de points du projet de loi nous paraissent mal rédigés. Il est important de relever qu'on y introduit la notion nouvelle que défend M. Annen, qui a dit très clairement souhaiter que la charge des allocations familiales soit transférée de l'employeur aux salariés.
De manière très habile, on a changé l'assujettissement dans cette loi. En effet, aujourd'hui les employeurs sont les assujettis et versent les contributions aux caisses pour financer les allocations familiales. Or l'article 1 de la loi stipule que les assujettis sont les salariés. Il est vrai que ce sont les employeurs qui paient. Toutefois, ce changement fondamental du système nous paraît inacceptable.
Mais de cela personne ne dit mot. Un des experts syndicalistes, membre de la commission d'experts, est tombé des nues après avoir constaté que rien n'avait changé dans le système. Or je suis heureux de vous voir acquiescer.
Au travers de cette loi, on veut inverser le principe et créer l'assujettissement des salariés. C'est pour cette raison que nous proposerons un amendement pour rétablir le système de la loi actuelle dans laquelle les assujettis sont les employeurs et, bien entendu, on y ajoutera les indépendants. Et puis, il y a les ayants droit. Mais, jusqu'à présent, les salariés n'ont pas été, et ne sont toujours pas, les assujettis à cette loi.
Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. J'aimerais revenir sur différentes choses qui ont été dites sur le taux de contribution proposé dans notre amendement, lequel figure également dans notre projet de loi. Ce dernier, soit dit en passant, n'a malheureusement pas été discuté. C'est dommage et l'est d'autant plus que M. Champod en reconnaît maintenant le bien-fondé et qu'il veut en reparler dans deux ans ! Tout cela n'est pas d'une efficacité exemplaire.
Nous avons proposé un taux de contribution unique pour rétablir un certain équilibre et une certaine solidarité, parce que nous estimons tout à fait injuste que des secteurs, comme celui de la construction, soient fortement taxés par rapport aux secteurs bancaires ou d'autres pratiquant des salaires beaucoup plus élevés.
Monsieur Annen, avant de parler de la Suède, parlons de Genève ! Cela suffira, parce que notre modeste République, telle une petite verrue rattachée à la Suisse, me semble bien compliquée, à moins que l'on n'y embrouille les choses à plaisir.
Notre projet avait au moins le mérite de la simplicité et de la lisibilité. En effet, il n'est pas donné à tout le monde de prendre connaissance de la loi, puisqu'il faut faire des études pour l'entendre. La nôtre, pour être comprise, n'exige par de formation spécialisée.
Vous avez parlé des indépendants. Il est vrai que vous avez oublié de dire, comme cela vient d'être relevé juste derrière moi, que les enfants des indépendants toucheront des allocations pour autant que leurs parents cotisent. Je voudrais citer une lettre envoyée à ces indépendants par vos amis de la rue de Saint-Jean, autrement dit la Fédération des syndicats patronaux, qui fait souvent sa loi chez nous.
Je relève dans cette lettre un passage éloquent, je cite : «Sachez que malgré votre avis fortement exprimé - mille cinq cents réponses sur huit mille et quelque - la majorité de la commission sociale du Grand Conseil soumet ce dernier vendredi - c'est-à-dire aujourd'hui - un projet de loi de la refonte du système des allocations qui vous intégrera. Il faut faire le bonheur des gens malgré eux, au nom du dogme un enfant - une allocation.» Les dogmes vont vite, n'est-ce pas ? Certains ont la vie dure, mais les nouveaux sont encore plus rapides. La lettre contient d'autres passages tout aussi gratinés.
Je dirais à M. Champod que je regrette qu'il ait, d'entrée en matière, refusé notre projet de loi, car il aurait été intéressant de pouvoir en discuter. Il aurait été intéressant aussi de recueillir l'opinion des gens lors des travaux de la commission.
M. John Dupraz (R). Les débats sur les allocations familiales ont toujours été passionnels. Ce soir, nous traitons d'une mini réforme qui engendre les ires de certains milieux patronaux.
Bien que cette réforme ne soit pas encore entrée en vigueur, je vous rappelle, Monsieur Annen, que trente-huit mille emplois ont disparu, l'an passé, dans notre pays. Ce n'est pas dû au système des allocations familiales, mais à des phénomènes extérieurs à la Suisse, qui sont les accords internationaux du GATT, la globalisation des marchés, les rationalisations des entreprises qui doivent toujours être plus compétitives pour vendre leurs produits.
En fait, les enfants sont le centre d'intérêt de ce projet de loi. Le postulat un enfant - une allocation attribue aux enfants l'importance qui leur est due, parce qu'ils représentent, dans la société, l'avenir du pays; ils occuperont les places où nous siégeons aujourd'hui et nous succéderont dans la conduite des activités économiques de ce pays.
Le principe inscrit dans cette loi stipule que les allocations familiales sont une participation au coût de l'enfant, et que ce coût est le même que l'enfant soit d'une famille modeste ou aisée. Ce principe est, avant tout, un droit social et c'est ce à quoi s'est attachée la commission.
On a dit qu'il allait mettre les entreprises en péril, que les indépendants n'en voulaient pas, etc. Quant à moi, je constate une chose : nous abaissons le taux de cotisation à 2% pour les entreprises les plus lourdement chargées et nous faisons payer un peu plus les entreprises aisées, notamment celles du secteur des services. Il est vrai que nous sommes loin du taux unique, mais ce projet de loi fait apparaître un plus gros effort de solidarité, des éléments permettant le regroupement et une meilleure gestion des caisses d'allocations. C'est une réforme à petits pas, tout à fait supportable, et qui devrait inscrire dans notre société un peu plus de solidarité entre les entreprises, ainsi qu'entre les indépendants et entre les salariés.
C'est pourquoi je voterai ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission, et si je me déclare en faveur d'un amendement pour le plafonnement de la masse salariale et des revenus à 240 000 F et quelque, c'est par similitude avec les cotisations et allocations de chômage. Cela semble logique et cohérent dans la pratique.
Je proposerai un deuxième amendement concernant l'article 44 sur l'application de la loi. Il s'agit d'un amendement technique que j'exposerai en deuxième débat.
Maintenant, j'en reviens aux méthodes de travail de la commission. Je suis profondément scandalisé du rapport de minorité de M. Annen. Je trouve ses propos inacceptables, notamment lorsqu'il dit que certains députés de l'Entente se sont découvert le coeur à gauche. Monsieur Annen, je me demande de quel côté est le vôtre et si vous l'avez remplacé par un tiroir-caisse ! Titrer : «Honni soit qui manigance», c'est tout juste ne pas désigner nommément le chef du département chargé des allocations familiales. C'est inadmissible, insultant et ces propos, que vous destinez aussi aux membres de la commission d'experts qui ont bien fait leur travail, relèvent plus de la délinquance politique que de l'acte politique responsable. (Exclamations.) Il est détestable, alors que tous ont fait des efforts pour parvenir à un compromis, qu'on ait eu affaire, dans cette commission, à des gens qui n'ont cessé de mettre les bâtons dans les roues, qui n'ont rien proposé si ce n'est, au dernier moment, des mesures dilatoires pour saboter le travail de la commission.
Nous voterons donc ce projet de loi qui est un bon projet parce qu'il accorde aux enfants la place qui leur est due dans cette société. (Applaudissements.)
Mme Danielle Oppliger (AdG). La refonte générale de la loi sur les allocations familiales est devenue une nécessité, afin d'assurer les prestations familiales aux personnes à revenus modestes, indépendamment de leur statut professionnel ou de leur taux d'activité.
Le principe d'universalité des allocations familiales, selon le postulat un enfant - une allocation, semble être agréé par la majorité du Grand Conseil, et je m'en réjouis.
En ce qui concerne les adaptations des rentes, nous avons une vue différente de la majorité de la commission. Nous mettons un accent particulier sur l'augmentation des rentes aux enfants. Il s'agit de freiner le processus de régression sociale en cours, notamment à travers les transferts des charges sociales. Exemple : le problème des caisses maladie qui pèse sur la majorité des citoyens salariés. Une refonte complète de la loi de l'allocation familiale, pour qu'elle réponde aux besoins actuels, se heurte, évidemment, à tous ceux qui défendent le principe de la neutralité des coûts.
En effet, il n'est pas possible d'améliorer les prestations d'allocations familiales sans augmenter les recettes. Mais là encore, il faut relativiser les charges qui pèsent sur les uns et les autres.
L'annexe 5 - le tableau de comparaison des allocations familiales à Genève avec la moyenne suisse - montre bien, depuis 1983, une baisse à Genève par rapport à la Suisse.
Concernant les charges fiscales, je note la suppression de l'ICHA en faveur de la TVA, ce qui revient à une augmentation des charges pour les citoyens salariés.
Quant à la compétitivité des entreprises, il est vrai qu'une corrélation étroite existe entre le coût du travail, les salaires et les charges sociales mais, par ailleurs, il existe également une corrélation entre la productivité et la motivation du personnel.
La diminution du pouvoir d'achat de la majorité des citoyens salariés, l'augmentation du chômage et l'exclusion font peser des menaces sérieuses sur la cohésion sociale de notre société.
Que constate-t-on du côté des entreprises ? Malgré le handicap connu de la cherté du franc suisse et notre non appartenance à l'Union européenne, les entreprises de notre pays sont globalement en meilleure condition et meilleure position pour affronter l'avenir que leurs concurrents européens.
Sans entrer dans les détails de l'étude IBM et de l'institut lausannois IMD, relevons que seules 6% d'entre elles sont en danger contre 16,5% des autres européennes. Fondamentalement, trois entreprises suisses sur quatre sont en bonne position pour faire face au futur, alors que l'on parle d'une sur deux pour le reste de l'Europe.
Faite auprès de cent seize responsables de sociétés et directeurs de grandes et moyennes entreprises, cette étude montre que nous avons, à la fois, ni à rougir de la situation actuelle ni à craindre l'avenir.
Les actes de notre pays sont décisifs dans deux domaines : une excellente formation professionnelle et la stabilité politique et sociale.
Pour toutes ces raisons, je vous demande d'adopter les amendements proposés dans le rapport de deuxième minorité, et de rendre aux enfants ce qui leur est dû.
M. Bernard Lescaze (R). Il semble que j'appartiens à cette minorité radicale qui se souvient de la révolution qui, il y a 150 ans, a promu les institutions de la Genève moderne.
Face à la pluie de remarques qui vient de tomber, je dirais que d'aucuns pourraient être étonnés de me voir prendre la parole dans un débat qui, en fait, ne me concernerait pas si je suivais la tendance égoïste de certains citoyens : je n'ai pas d'enfant et tout le monde le sait ici... (Exclamations.) Je dois à votre amabilité de ne point m'en supposer ! (Rires.)
Cela étant, le mieux est parfois l'ennemi du bien. Aussi je souhaite que l'on en revienne à l'essentiel. A l'issue de très longs débats, la commission des affaires sociales est revenue avec un projet qui, je crois, retient l'attention quant au fond, à savoir que nous admettons tous que la situation des allocations familiales n'est pas entièrement satisfaisante.
Certains contestent le principe un enfant - une allocation; j'ai même entendu dire que ce n'était pas un principe d'aujourd'hui. C'est peut-être vrai, mais cela peut aussi devenir un principe dès ce soir, et je le souhaite ! En tout cas, ce sera un principe de demain ! C'est même mieux qu'un principe, c'est un axiome. Et un axiome, en géométrie, ne se démontre pas : il est, tout simplement ! Le fait est que les enfants sont là.
Si l'on veut encourager une politique familiale, comme on le proclame, d'élections en élections, dans tous les programmes politiques, ce principe doit être une fois concrétisé ! De ce point de vue, je sais gré à la commission - et j'espère que le Grand Conseil lui en saura gré aussi - de nous permettre aujourd'hui de voter ce principe un enfant - une allocation.
Les exemples cités par certains préopinants, le fait que des couples d'étudiants seraient empêchés de se marier et d'avoir des enfants puisqu'ils ne touchent pas d'allocations sont proprement scandaleux. J'avoue que j'ignorais, jusqu'à présent, que des couples, qui étaient de ceux qui en avaient le plus besoin, ne pouvaient pas, en raison de la loi, percevoir des allocations.
D'autre part, sur mon côté gauche, mais qui penche un peu à droite, on a suffisamment insisté sur la précarité du statut de certaines entreprises et de certains indépendants. C'est parfaitement exact, de nombreux indépendants sont dans des situations personnelles précaires. Proportionnellement à la population, certains, dans leurs vieux jours, sont probablement davantage aidés que les salariés par les institutions sociales, faute de n'avoir pu se constituer un viatique ou une retraite.
Au début de leur carrière, quand eux-mêmes ont une famille, les enfants de ces indépendants ont droit à l'allocation familiale. Celle-ci est faite pour l'enfant, elle lui est destinée, cela a été affirmé ce soir sur de nombreux bancs. Nous devons donc en tirer les conclusions pratiques : les indépendants doivent être inclus dans le système des allocations.
A mon côté droit qui penche à gauche, je dis qu'il ne faut pas oublier que, parfois, le mieux est l'ennemi du bien. Vous auriez voulu, sans doute, une loi qui aille plus loin, mais les lois ont besoin, dans ce Grand Conseil, de majorité et c'est pourquoi je suis personnellement prêt à soutenir cette loi telle qu'elle est, avec un minimum d'amendements, dont celui évoqué par M. Dupraz pour le plafonnement des cotisations pour indépendants au niveau de l'AVS.
Je suis favorable à la fiscalisation des allocations familiales, mais je crois, Monsieur Ducrest, qu'elle devrait se faire dans la loi des contributions publiques et non dans celle-ci, parce que relevant d'une autre technique législative. Nous devons demander au Conseil d'Etat de nous fournir, dans les plus brefs délais, un projet conforme à la future législation fédérale.
Il nous faut voter ce projet ce soir. Ce n'est, peut-être, qu'un compromis et, pour certains d'entre vous, un mauvais compromis, mais c'est quand même la solution qui a été trouvée, la solution qui, dans l'état actuel de Genève, mérite d'être votée pour notre avenir, la relève démographique n'étant pas assurée.
M. Nicolas Brunschwig (L). Aujourd'hui, tous les partis politiques s'accordent sur un point au moins : le chômage est le mal socio-économique le plus grave dont souffre la collectivité. Pour le combattre, il faut stimuler l'emploi avant tout. Je sais, La Palice aurait pu le dire, mais tout le monde ne semble pas comprendre cette évidence.
A cet égard, trois mesures semblent indispensables aux libéraux :
1. Avoir une promotion économique intelligente et efficace. Le Conseil d'Etat a beaucoup progressé dans ce domaine, et je l'en remercie. Il récolte, maintenant, les premiers fruits de ses efforts.
2. Il faut une fiscalité incitative. Malheureusement, nous sommes loin du compte. De plus, les différentes mesures prises ces dernières années ont toutes été dans le sens inverse. Nous pensons, en particulier, aux centimes additionnels pour les soins à domicile, au doute qui plane concernant la contribution sociale généralisée. Nous pouvons aussi parler de la non-indexation de barèmes que nous avons comprise, certes, mais dans des circonstances bien particulières.
3. Les charges sociales. Pour que des emplois soient retrouvés, il est nécessaire d'avoir les charges sociales les plus faibles. Actuellement, tous les gouvernements d'Europe occidentale en conviennent. Dès lors, 40 ou 50 millions de plus d'allocations familiales ne sont pas une petite souris, Monsieur Grobet ! C'est 22% d'augmentation, c'est énorme dans le contexte actuel ! Les partenaires sociaux allemands viennent de signer un pacte pour l'emploi, document très important de par l'accord qu'il confirme. Ce pacte comprend certaines mesures, dont les plus spectaculaires, subséquemment les plus efficaces, sont le plafonnement, puis la baisse des charges sociales. Dans ce pacte de l'emploi figure aussi une baisse de la fiscalité pour les entreprises et les personnes physiques.
La situation des entreprises genevoises n'est pas celle que croit connaître Mme Oppliger par le biais des différentes études ou statistiques faites à des niveaux macro-économiques dans l'ensemble de la Suisse et en comparaisons internationales. La plupart des entreprises genevoises sont des PME travaillant sur le marché local. Elles connaissent des situations très difficiles, pour ne pas dire catastrophiques dans certains secteurs qui, précisément, sont ceux qui emploient le plus de main-d'oeuvre et seront les plus touchés par l'augmentation des charges liées aux allocations familiales. Dès lors, comment vont raisonner ces entreprises ? Comme elles ne peuvent, à l'heure où leurs recettes diminuent, supporter un accroissement de leurs charges, elles vont trouver des formules pour réduire ces dernières. Et cette diminution passera forcément par une diminution de la masse salariale, donc par l'abaissement du nombre des personnes qu'elles emploient.
Nous pouvons, sans autre, affirmer que 40 ou 50 millions d'allocations supplémentaires - même si certaines seront payées par des indépendants - représenteront des centaines d'emplois en moins dans le canton de Genève. Dès lors, nous constatons que, quelle que soit la préoccupation principale de nos concitoyens, quels que soient les slogans de nos différents partis politiques, ce parlement va voter une mesure qui ira à l'encontre de la diminution du chômage. Cette décision confirmera, une fois de plus, que nous sommes les partisans de la fameuse politique de l'arrosoir et des injustices qui lui sont inhérentes. Nous le regrettons.
M. Bernard Annen (L), rapporteur de première minorité ad interim. Permettez-moi une remarque préliminaire sur les excès de M. Dupraz; ils m'inspirent une complète indifférence teintée de mépris.
J'en viens aux choses concrètes et en réponse à M. Schaller. Nous ne sommes pas d'accord, mais je le remercie de son intervention qui reflète la réalité de ce qui s'est passé en commission.
Monsieur Schaller, vous dites que les pays européens appliquent le principe un enfant - une allocation. Ce n'est pas exact, puisqu'en France l'allocation familiale n'est pas attribuée pour le premier enfant. En revanche, il faut savoir que les entreprises genevoise les acquittent pour les enfants, le premier compris, de leurs travailleurs frontaliers. Rien à y redire de prime abord, mais n'affirmez pas, Monsieur Schaller, que le principe un enfant - une allocation est appliqué partout !
Ce principe, selon la loi actuelle, ne devrait être administré qu'aux préretraités et reconnaissez que des préretraités, avec enfant, il n'y en a pas beaucoup ! Je donne raison à M. Champod quand il parle des salariés qui ne peuvent, faute d'un temps de travail suffisant, percevoir la totalité des allocations. Il eût été facile de corriger la loi.
En réalité, seule la question des indépendants et des seuls indépendants fait problème et représente l'enjeu politique. Je veux bien que nous ayons tous le coeur sur la main, mais dites-moi alors pour qui et au nom de quoi un artisan ou un commerçant devraient prélever une cotisation sur leur revenu, alors que le grand PDG ne le fait pas ? Si vous me l'expliquiez, j'envisagerais d'accepter votre principe de solidarité. Pour moi, si solidarité il y a, elle doit être complète !
A l'appui de chiffres, j'ai essayé de vous démontrer que nous n'avons pas à rougir des prestations sociales offertes dans notre canton, voire dans notre pays. Néanmoins, les rumeurs ont la vie dure, par exemple celle répandant le bruit que nos allocations familiales sont les moins élevées de Suisse. C'est absolument faux. Je me bornerai à citer l'allocation de 220 F que nous payons pour la formation professionnelle, servie par la moitié seulement des cantons suisses.
Je rends hommage à M. Grobet de considérer les charges sociales sur un plan général et global. En effet, sur le plan global, les charges sociales, à Genève, sont les plus élevées de Suisse. Par contre, Monsieur Grobet, je trouve assez drôle que vous parliez de la Suède que vous connaissez bien, me semble-t-il. Quand j'ai cité ce pays, vous m'avez interpellé de votre place en vous écriant : «Donne-nous les montants !», persuadé que vous étiez qu'ils étaient largement supérieurs aux nôtres. Je vous ai donc transmis les chiffres de la communauté européenne... et vous vous êtes aperçu que ce n'était pas le cas.
Je prétends par là qu'il suffit d'une goutte d'eau pour faire déborder le vase quand un problème devient global. Le cas de la Suède est exemplaire à cet égard : une goutte d'eau a fait déborder le vase, car trop c'est trop ! Aux actualités télévisées françaises, la semaine passée, j'ai vu des femmes suédoises s'indigner de la baisse de 15% des allocations. Et je comprends leur révolte. C'est pourquoi nous devons considérer prudemment toute augmentation de n'importe quelle prestation, afin d'être certains de pouvoir la servir à long terme.
J'ignore si le débat d'entrée en matière se termine, mais je tiens à affirmer ce qui suit : il est totalement injuste, voire intolérable, que ceux qui n'approuvent pas le rapport de minorité ou encore quelques collègues du PDC et du parti radical nous montrent du doigt en nous accusant d'avoir un porte-monnaie à la place du coeur. Nous sommes tout aussi généreux, mais, contrairement à eux, nous entendons pouvoir verser les prestations sociales que nous promettons. Nous nous refusons d'allouer du vent !
M. Pierre Kunz (R). Le projet de loi 7197 de l'Alliance de gauche présente beaucoup de défauts, dont certains sont rédhibitoires, mais il a une qualité que ne possède pas le projet adopté par la commission sociale. Cette qualité est la cohérence.
Cohérence générale avec le projet de société défendu par l'Alliance de gauche; cohérence dans la manière ciblée et modulée de prévoir la distribution des subsides en fonction du revenu parental.
Voilà plus de deux ans que je siège au sein de ce parlement et voilà plus de deux ans que sur tous les bancs j'entends répéter à l'unisson qu'il faut favoriser l'emploi et que pour ce faire il convient, à tout prix, d'éviter d'accroître le poids des charges sociales pesant sur les entreprises et les salaires. Bref, que l'emploi est la priorité des priorités ! Voilà plus de deux ans que sur tous les bancs j'entends répéter que nous devons repenser notre façon de distribuer les subsides et les prestations de l'Etat en général; qu'il faut cesser d'arroser et qu'il faut allouer équitablement ces subsides et prestations à ceux qui en ont réellement besoin !
Or, la majorité de la commission sociale nous engage à faire exactement le contraire de ce que nous réclamons habituellement, pratiquement autant que nous sommes. A croire que pour nos collègues de la commission sociale ce qu'ils disent et ce qu'ils font appartiennent à deux mondes différents.
Est-il possible qu'il puisse se trouver dans ce parlement une majorité pour balayer, en un tournemain, nos priorités stratégiques que sont l'emploi et un meilleure distribution des subsides de l'Etat, et ce à la première tentation démago-sociale ?
C'est bien de cohérence et du respect de nos objectifs stratégiques qu'il s'agit. Il est ridicule de prétendre, comme d'aucuns l'ont fait, que ceux qui n'acceptent pas ce projet en l'état font du libéralisme pur et dur, qu'ils veulent disloquer l'état social, qu'ils sont opposés au progrès social parce qu'opposés au slogan un enfant - une allocation, qu'ils sabotent toute politique familiale, qu'ils négligent les enfants. S'opposer à l'arrosage aveugle, tel qu'il est prévu, et lutter pour l'emploi, voilà tout simplement ce qui anime ceux qui refusent le projet tel qu'il nous est soumis.
Pour une vraie solidarité, pour un vrai progrès social, pour une véritable politique familiale et pour un Etat social fort, il faut, on l'a déjà dit, mais je le répète, des entreprises fortes, des emplois en suffisance et, en matière de subsides, il faut remplacer l'arrosage aveugle par un ciblage équitable. Voilà les objectifs de ceux qui refusent le projet tel qu'il leur est soumis et voilà pourquoi j'ai personnellement déposé deux amendements dont nous reparlerons tout à l'heure. Ces amendements permettront de sauver cette réforme, tout en maintenant les objectifs stratégiques que nous avons tous définis depuis bien longtemps.
M. Philippe Schaller (PDC). J'ai été surpris d'entendre M. Brunschwig dire que voter cette loi, c'est mettre en péril des centaines d'emplois. C'est scandaleux, Monsieur Brunschwig, d'opposer les emplois aux allocations familiales et à cette modeste modification de la loi ! Vous tentez de nous culpabiliser.
Tout à l'heure, vous avez parlé de l'Allemagne. Je vous signale simplement que l'Allemagne a 82% de charges sur les salaires et la Suisse 52%. En Allemagne, les allocations et la politique familiale sont autres que les nôtres...
M. Nicolas Brunschwig. Oui, mais ils reviennent en arrière !
M. Philippe Schaller. Je peux vous transmettre ici même des propositions allemandes comportant une allocation maternité, une allocation d'éducation, diverses allocations d'Etat, un congé parental, etc. En France, c'est exactement la même chose. Alors, ne venez pas opposer les chômeurs aux enfants ! Il y a quelque chose de détestable dans vos propos.
M. Bernard Clerc (AdG). Je ne pouvais laisser passer sans autre l'intervention de M. Brunschwig qui comporte un certain nombre de contrevérités.
Vous avez dit que le projet de loi actuel allait augmenter la charge des entreprises de 22 millions... (Interruption de M. Nicolas Brunschwig.) Vous dites de 40 à 50 millions ? C'est encore mieux ! Si l'on examine la charge au niveau des cotisations salariales, à teneur de la loi actuelle, cela représente exactement 179 millions, soit 1,38% de la masse salariale comptabilisée dans le revenu cantonal. Avec ce projet, vous arriverez à 191 millions, soit 1,47% de la masse salariale. N'articulez donc pas des chiffres sans aucun rapport avec la réalité !
Vous y avez probablement intégré une partie des indépendants, les non-actifs et les employés de maison, dont le financement, vous le savez, est assuré sous une autre forme.
Sur un plan général, vous continuez à affirmer envers et contre tout que, dans notre pays, les charges sociales et les charges fiscales sont plus élevées qu'ailleurs et qu'elles nuisent à notre compétitivité. C'est absolument faux ! Si nous examinons la part du produit intérieur brut consacrée à la protection sociale, Monsieur Brunschwig, en comparaison avec les pays de l'Union européenne, nous étions en 1990, selon les derniers chiffres connus, à 20,7%, soit au neuvième rang, juste avant l'Espagne, l'Irlande, le Portugal et la Grèce. Tous les autres pays de l'Union européenne avaient des taux plus élevés, jusqu'à 30,8%. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises à l'occasion des débats sur les initiatives fiscales, la charge fiscale de la Suisse se situe au quatorzième rang sur les dix-huit pays de l'OCDE. Alors ne dites pas que nos charges fiscales sont supérieures à celles des autres pays et qu'elles nuisent à notre compétitivité !
Venons-en à la compétitivité, Monsieur Brunschwig ! Que nous dit l'Office fédéral de la statistique, pour la période allant de 1982 à 1992 ? Que, dans le secteur de la chimie, la part totale des coûts du personnel, par rapport au total des charges, est passée de 21,4% à 18,6%; dans le secteur de l'horlogerie, de 19% à 15,9%; que, dans le secteur de la chimie, le coût des charges sociales est passé de 5,1 à 3,5%. Ne nous dites pas que nous ne sommes pas compétitifs ! Ne prétendez pas que les charges sociales et fiscales sont un frein et font disparaître les emplois. C'est absolument faux !
Je rappelle que, dans le canton de Genève, la part des revenus de l'entreprise et de la propriété est plus élevée que pour l'ensemble de la Suisse. Dans le reste du pays, elle est de 21%, et à Genève, de 28%.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je tiens à recentrer le débat et je le ferai d'autant plus facilement que je suis mère de famille nombreuse.
Vous n'ignorez pas que les allocations familiales sont un axe de la politique familiale. C'est presque une lapalissade d'affirmer que la politique familiale est le parent pauvre de la politique sociale.
A quoi doit-on ce peu d'intérêt ? La notion du droit des enfants est relativement récente et peine à se traduire dans les faits. De plus, les allocations familiales ne relèvent pas de droits directement rattachés à l'enfant, en tant qu'individu à part entière.
Par ailleurs, les familles, étrangement - car nous sommes tous et toutes membres d'une famille - ne représentent pas un véritable lobby, comme les milieux du bâtiment, de l'automobile, de l'armée. De ce fait, la famille n'a pas ou peu de pouvoir, et aucun groupe de pression pour défendre ses intérêts et l'amélioration de sa situation.
Les nouveaux besoins qui émergent, pour les enfants et les familles en cette fin de siècle, sont nés des changements de la société. C'est une évolution évidente, irréversible, et vous ne pouvez pas l'ignorer.
Face à ces attentes, nous nous devons de réagir et apporter de nouvelles réponses. En acceptant le principe un enfant - une allocation, le canton franchirait une étape positive dans la mise en place d'une réelle politique familiale. La loi, nouvelle version, n'aurait pas un caractère d'assistance, mais accorderait un réel droit à la famille, en reconnaissance de son investissement pour l'avenir de la société.
En effet, dans une période où les familles ont de moins en moins la liberté du choix de leur genre de vie et que deux salaires sont souvent nécessaires pour faire bouillir la marmite, ce nouveau principe serait primordial pour elles, car ces allocations nouvelles permettraient de compenser partiellement le coût de l'enfant. Alors certains me diront : «On va charger le coût du travail en participant au coût de l'enfant.» Une récente étude de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève montre que les charges sociales ne sont pas le problème majeur des entreprises, mais plutôt la cherté du franc suisse, la pénurie de personnel qualifié et le niveau des salaires.
Alors que met-on dans la balance ? L'économie libérale, sans aucune nuance, face à la prise en compte de la structure de base de la société : la famille ? Pour moi, la question ne se pose pas. De plus, cette contribution financière à la majorité des familles rééquilibrerait l'investissement important de la société en faveur de toutes les personnes âgées, sans distinction. Cet échange intergénérations est indispensable pour soutenir les investissements dans la jeunesse.
Ainsi, par cette nouvelle loi, Genève contribuerait à l'avancement de la politique familiale et serait un instrument participant au fonctionnement de toutes les familles. Elle permettrait d'offrir une réponse adéquate aux défis sociaux de demain.
En conclusion, le Grand Conseil, en approuvant cette loi, fera avancer à grands pas la reconnaissance de l'enfant comme une affaire d'Etat.
M. Michel Balestra (L). Loin de moi l'idée de culpabiliser qui que ce soit, Monsieur Schaller ! Mais nous nous devons, ce soir, d'expliquer ce que nous ressentons au plus près de notre conscience, dans l'intérêt général.
Le premier principe enseigné à un pompier, c'est de prendre garde que l'eau ne fasse pas plus de dégât que le feu ! Toutes les aspirations charitables que vous avez énumérées ce soir, en forme d'inventaire à la Prévert, sont louables et même respectables.
Malheureusement, aujourd'hui, la priorité c'est l'emploi. Et tout ce qui risque d'affaiblir les entreprises, seules créatrices de postes de travail économiques, est à combattre avec la dernière énergie. Monsieur Clerc, les indépendants sont, eux aussi, des entrepreneurs.
Lorsqu'une famille avec un père et une mère au chômage reçoit de nouvelles allocations familiales, portant le label une allocation - un enfant, est-ce là le nouveau droit de l'enfant que vous souhaitez, Madame de Tassigny ? (Brouhaha.) Reconnaissez que c'est une catastrophe ! Ces augmentations permanentes... (Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Michel Balestra. C'est étonnant comme je nage bien lorsque je vais dans le sens de l'Entente, mais lorsque je suis contre eux, je nage moins bien ! Ces augmentations permanentes de charges d'entreprise, Monsieur Dupraz et Monsieur Clerc, causent un tort énorme à notre économie. Nous ne sommes pas tous dans la chimie bâloise, malheureusement !
En page 5 du rapport, Mme Braun, présidente de la commission d'experts chargés de la refonte des AF, identifie la piste d'une contribution sociale généralisée. Si c'est la piste des petits pas de M. Dupraz, nous n'en voulons pas. Cela signifierait-il que le financement de ce projet n'est pas assuré ? Il est certain qu'il charge les entreprises qui n'ont pas besoin de cela.
La place d'un enfant dans une société s'entend avec des parents qui ont un emploi. Ces coups de griffes permanents dans les marges des entreprises sont inacceptables dans la période actuelle. Donner la priorité à l'emploi, c'est dire non à toutes les charges supplémentaires et respecter un moratoire jusqu'au retour des jours meilleurs.
Comme vous, nous avons du coeur et nous voulons un monde meilleur. Mais seule une économie régénérée et des entreprises florissantes peuvent apporter une amélioration. Halte aux travailleurs socio-économiques ! Halte à l'arrosage démagogique ! Oui à l'emploi, non au projet de loi ! (Applaudissements.)
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Je ne suis pas un spécialiste des allocations familiales, mais je m'intéresse de très près aux entreprises. Dans le contexte actuel et mondial, ces entreprises n'ont pas le choix. Elles sont devant un dilemme pour tenter de rester compétitives dans le cadre de l'ouverture des marchés, et des marchés européens en particulier. Elles se sont restructurées et tentent de maintenir l'emploi. Elles ne peuvent plus accepter une quelconque augmentation de leurs charges. (Brouhaha.) Nous devrions même tenter de les diminuer.
Mais le projet de loi de ce soir est la preuve que les évaluations des spécialistes vont à l'encontre de cette rationalisation des coûts de l'entreprise. La complexité du problème posé nécessiterait une vision globale des différentes composantes des charges qui reposent sur les entreprises, les commerces et les indépendants.
M. Dupraz affirmait que les entreprises pouvaient supporter des charges progressant à petits pas, or toute augmentation est inacceptable. 1995 a été l'année de l'introduction de la TVA, de l'augmentation des primes de la CNA, des cotisations de l'assurance-chômage et j'en passe. Que de «petits pas» ! Certains rêvent de faire accepter les initiatives 101, 102, probablement d'autres augmentations de la fiscalité encore et, pourquoi pas, bientôt, la semaine de trente-six heures ! (Brouhaha.)
Les enjeux économiques et la nature complexe du sujet sont tels que je me demande si le député, qui est un politique de milice, a réellement le temps de résoudre de tels problèmes. Comment peut-on justifier d'imposer aux indépendants la participation au système des allocations familiales ? D'ailleurs, il y a une différence entre des indépendants habitant le canton de Genève ou le canton de Vaud.
A la place d'un arrosage «tous horizons», il faut cibler davantage les familles ayant véritablement besoin des ces allocations familiales. A la place du slogan un enfant - une allocation, nous proposons : une situation - une allocation. Il faudrait imaginer une parité de ces cotisations, pour améliorer sensiblement le montant de cette allocation et, éventuellement, la fiscaliser.
Tous ces facteurs démontrent que ce projet est loin d'être parfait. Une fois de plus, notre verdict va tomber dans l'imperfection. Je suis partisan d'une allocation familiale de qualité, ciblée et qui ne charge pas davantage les entreprises. Par conséquent, je voterai pour l'exclusion des indépendants faute d'un compromis intéressant et, bien entendu, pour le plafonnement des contributions versées par ces entreprises.
Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. Plusieurs personnes ont tenu à peu près les mêmes discours que nous, mais les nôtres ont l'avantage de comporter des objectifs et d'ouvrir des perspectives. Hier, avant notre débat fleuve sur la traversée de la rade - aujourd'hui, ce serait plutôt la traversée du désert ! - une dame, devant la Maison Tavel, disait à son amie qu'elle était heureuse d'être vieille. La société actuelle et ses dépenses insensées la déconcertaient complètement. Je serais tentée de tenir les mêmes propos.
M. Ducrest prétend que les allocations sont un frein à l'emploi, nous en attendons la preuve... M. Ducommun verse de grosses larmes, horrifié par l'initiative dite «fiscale» pour 50 millions supplémentaires... (Brouhaha.) Taisez-vous, c'est moi qui parle ! (Rires.) Connards ! Monsieur le président, faites votre travail et faites taire M. Ducommun ! MM. Brunschwig et Balestra réclament avec vigueur la diminution ou la suppression des charges. Voulez-vous la «tiers-mondisation» de la société ?
Faut-il que des salariés - encore peu nombreux - qui travaillent toute la journée, doivent, cependant, être assistés pour faire face aux loyers, aux assurances et autres ? Est-ce votre objectif ? Il y a beaucoup de contradictions dans vos discours respectifs.
Mme Liliane Charrière Urben (S). Il est inadmissible d'entrer dans le débat scandaleux et dégradant qui oppose chômage et enfant. Le problème du chômage inquiète chacun d'entre nous, tous partis confondus. Mais, comme l'a si bien dit Mme de Tassigny, la question des enfants est primordiale.
Non, Monsieur Annen, je ne pense pas que la Suisse soit indigne en matière de couverture sociale. Sa situation n'est pas extraordinaire soit, mais si on la compare à l'Afrique, par exemple, elle n'est pas mal du tout. Mais il est vrai que l'on peut toujours faire mieux. Toutefois, le mieux étant l'ennemi du bien, faisons un petit peu mieux. Le consensus de ce projet de loi ne satisfait pas tout le monde, mais il a au moins le mérite de rallier un maximum de points de vue. Si nous y touchons, nous enlevons une pièce du puzzle qui risque de se démonter.
En plus, il serait peu glorieux pour un des pays les plus riches du monde de lésiner sur les allocations familiales. Les améliorations que cette loi apporte ne sont pas extraordinaires en regard de la loi actuelle, mais elles ont le mérite d'être là. En tout cas, elles ont peu de choses à voir avec les lois votées juste après la guerre pour encourager la natalité dans les pays qui entourent la Suisse. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.
Par exemple, cette loi apporte un progrès, même s'il est minime pour les personnes qui travaillent à mi-temps. En effet, elles toucheront une allocation totale, alors qu'auparavant elles ne bénéficiaient que d'une demi-allocation en raison de leur taux de travail de 50 %.
Un enfant se nourrit à temps complet, quel que soit le taux de travail et l'emploi de ses parents. Quant aux millions dont on nous a parlé tout à l'heure, je n'ai pas qualité pour en parler, mais il me semble que même si nos finances ne sont pas brillantes en ce moment, l'ensemble de ce parlement serait honoré en votant cette loi.
Nous en discutons depuis trois ans, et il faudra encore deux ans pour la mettre en place. Cinq ans, c'est long, surtout pour les familles monoparentales qui attendent beaucoup de cette loi. Nous les décevrions en ne votant pas ce projet ce soir.
Mme Barbara Polla (L). Tout comme Mme de Tassigny, j'ai mené une politique personnelle familiale active et je suis aujourd'hui mère de famille nombreuse. Comme elle, nous sommes, nous autres libéraux, extrêmement sensibles aux droits des enfants. Mais, contrairement à Mme de Tassigny, nous ne retenons pas que le principe un enfant - une allocation aille, ici à Genève, dans le sens d'un tel droit des enfants et d'une politique familiale.
Pourtant, nous plaçons droit des enfants et politique familiale bien au-dessus du «tiroir-caisse» que nous avons à la place du coeur. Mais, est-ce vraiment avoir le coeur au bon endroit que d'offrir un cadeau à qui n'en veut pas ?
Monsieur Annen le rappelle dans son excellent rapport de minorité...
M. John Dupraz. Excellent rapport ?
Mme Barbara Polla. Excellent rapport de minorité, Monsieur Dupraz, attendez, je parlerai de vous, tout à l'heure.
La Fédération des syndicats patronaux a procédé à une enquête auprès de l'ensemble des affiliés indépendants dont le résultat fait ressortir un refus quasi-unanime d'une affiliation obligatoire au système d'allocations familiales.
Un enfant - une allocation : oui, absolument, pour ceux qui en ont besoin, mais non pour ceux qui n'en veulent pas et estiment ne pas en avoir besoin. Mme Charrière Urben dit qu'il est scandaleux d'opposer enfant à emploi. Ce n'est pas ce que nous faisons. Nous mettons en perspective deux politiques familiales différentes et nous mettons en doute le fait que ce soit vraiment une juste, saine et efficace politique familiale que d'augmenter les charges d'une façon dont nous savons qu'elle causera des difficultés à de nombreux indépendants, comme mes préopinants l'ont parfaitement expliqué, en particulier, MM. Balestra et Brunschwig.
Et, quoi qu'en dise M. Schaller, elle augmentera certainement le chômage. Or, le chômage n'est certainement pas une bonne façon d'augmenter la natalité, si c'est vraiment le but poursuivi.
Un enfant - une allocation n'est pas non plus, Monsieur Dupraz, avoir le coeur à gauche. En ce qui vous concerne, il me paraît que ce n'est pas seulement le coeur que vous avez à gauche, mais ce n'est pas forcément avoir le coeur à gauche que de dire oui à l'emploi, oui à la famille, oui à l'autonomie pour tous ceux qui le souhaitent et le peuvent.
Je désire dire encore à M. Dupraz que M. Annen ne peut pas aller en Appenzell parce qu'il risquerait de se cogner la tête, ce qui n'arriverait pas à celle de M. Dupraz. Est-ce parce qu'elle à gauche ou à droite, ou est-ce encore autre chose ?
M. Pierre-Alain Champod (S). Je ferai juste trois remarques.
La première concerne le montant des augmentations des allocations, ceci pour rappeler qu'elles sont extrêmement modestes et que, de toute manière, nous aurions dû revoir les montants dans la perspective d'une révision de la loi.
En second lieu, on a beaucoup parlé du rapport existant entre les charges sociales et l'emploi. En revanche, personne n'a parlé du rapport existant entre le pouvoir d'achat des familles et l'emploi. L'argent que l'on prélève pour verser des allocations familiales n'est pas perdu, mais remis dans le circuit économique contribuant ainsi à la consommation qui est génératrice d'emplois.
Enfin, je dirai que les propos de M. Kunz au sujet du ciblage des prestations relèvent d'une fausse bonne idée. En effet, il peut sembler, a priori, logique de ne donner qu'à ceux qui en ont vraiment besoin. Toutefois, en pratiquant ainsi, on remet en cause la cohésion sociale essentielle pour un pays. C'est pourquoi le ciblage des prestations est à mon sens une erreur.
M. Jean-Philippe de Tolédo (R). Tout a été dit sur l'augmentation des charges et leur impact sur l'emploi. Entre l'arrosage et le ciblage, je me reconnais assez bien dans les propos tenus par un grand nombre de députés de l'Entente. Toutefois, j'ai une question à poser au rapporteur ou au Conseil d'Etat, car, en refaisant le calcul, quelque chose m'échappe.
Si j'ai bien compris la page 72 du rapport, 33,5 millions sont nécessaires pour couvrir les besoins de nouveaux bénéficiaires. J'estime qu'il est intéressant et intelligent d'avoir de nouveaux bénéficiaires. Mais pourquoi ne pouvons-nous pas prélever ces 33,5 millions sur les 181 millions dont nous disposons aujourd'hui, par exemple en limitant les bénéficiaires à un revenu précis. Ainsi, on redistribuerait les cotisations de ceux qui auraient payé et qui ont un revenu excédant «x» ou «y». Je suis certain que cette manière serait acceptée par ceux que l'on priverait de bénéfice, puisqu'ils sauraient qu'un ciblage intelligent amène ces prestations vers ceux qui ont vraiment besoin. De cette façon, nous pourrions résoudre très simplement le problème qui nous est posé ce soir. Mais il est possible que l'on préfère ce qui est compliqué.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse de majorité. Monsieur de Tolédo, pensez-vous vraiment qu'en deux ans une idée extrêmement simple et susceptible de résoudre tous les problèmes nous aurait échappé ? Ceci relève d'une grande naïveté, à moins que vous ayez du mépris pour nos travaux.
Pour répondre à votre proposition de limiter les bénéficiaires en fonction de leur revenu, je cite un rapport de l'OFAS sur la prise en compte des besoins de la famille inscrite dans notre Constitution fédérale. Ce rapport dit : «Par les soins et l'éducation qu'elle donne aux enfants la famille apporte une contribution très importante à la société. Les mesures de compensation des charges familiales ont pour but de reconnaître ces prestations de la famille. Cette compensation est l'expression d'une solidarité entre les générations, d'une part, et entre adultes qui élèvent des enfants et ceux qui n'en ont pas, d'autre part. Les mesures de compensation allègent au moins les charges financières incombant aux familles et contribuent à donner aux enfants les chances les meilleures pour leur développement.»
A ce titre, la prestation d'allocations familiales est due indépendamment du revenu familial. Tel est le cas dans tous les cantons. Les allocations familiales sont une prestation de sécurité sociale et non pas d'aide sociale. La conception que vous avez d'une aide sélective visant à compenser en partie les différences de revenu peut être réalisée par voie fiscale, et nous pouvons faire des propositions, ou par l'instauration d'un prélèvement par une contribution sociale généralisée.
La fiscalisation des allocations familiales genevoises, programmée par la législation fédérale, correspond, concrètement du fait de la progressivité de l'impôt, à une modulation des allocations familiales qui s'ajoutent à celles de la proportionnalité des contributions.
Après vous avoir répondu sur les principes d'attribution des allocations familiales en fonction des besoins, je vous réponds d'un point de vue strictement arithmétique. Etant donné le faible montant des prestations d'allocations familiales, sauf à limiter drastiquement le nombre des bénéficiaires, une modulation de l'allocation par rapport à une limite de revenu ne permettrait pas d'augmenter de beaucoup les prestations pour les enfants vivant dans des conditions modestes. Telle est l'analyse que la commission d'experts a faite antérieurement, il est vrai, aux propositions de modulations formulées par l'Alliance de gauche.
Quant aux propositions de l'Alliance de gauche, plus généreuses, garantissant une prestation de base équivalente et augmentant celle des familles les plus modestes - c'est-à-dire très loin de votre projet, Monsieur de Tolédo - l'augmentation de la facture qu'elles impliquent est difficilement envisageable quand on sait les résistances forcenées auxquelles a déjà donné lieu le présent projet de réforme. Dans cette situation, vous auriez choisi le compromis, comme la majorité de la commission, et gagné la généralisation du système avec une progression modeste du montant unitaire des allocations familiales.
Je désire faire quelques commentaires au sujet de l'intense discussion que nous venons d'avoir sur la manière de mener l'économie nationale et cantonale. J'ai été frappée par le nombre d'experts en économie présents dans ce Grand Conseil qui savent tout ce qu'il faut faire pour protéger l'emploi et le développer.
Les majorités sont ce qu'elles sont dans ce pays et ce canton, alors, allez-y ! Simplement, je ferai les commentaires nécessaires et j'en répéterai certains déjà entendus. Le fait que les charges sociales influent sur l'emploi est probable, mais dans des proportions qui ne sont de loin pas linéaires. Tout le monde sait, pour les études rendues maintenant - et il n'est pas nécessaire d'être chef d'entreprise pour suivre la politique et les analyses qui se font à ce propos - que l'augmentation ou la diminution des charges sociales sur l'emploi n'a pas de répercussion de 1 pour 1 sur l'emploi.
D'ailleurs, M. Annen a dit qu'il faut plus de 3% d'augmentation de la productivité pour ouvrir la croissance. Ensuite, il a prétendu que la baisse de 1% pour les entreprises sur une éventuelle contribution paritaire pourrait développer des emplois. Cela est faux, en tout cas en ce qui concerne cette proportion de 1%. Ce soir, certains voient une relation entre les charges sociales et le chômage. Cette relation est partiale en regard des problèmes économiques que nous vivons. Je ne comprends même pas que l'on puisse mettre cela en première ligne.
Mme de Tassigny a rappelé l'analyse de la Chambre de commerce et de l'industrie où les entreprises consultées tenaient le franc fort pour responsable de la majorité de leurs difficultés. Vous avez juste oublié de parler de cela. (Exclamations.) A vous entendre, on ne peut rien faire ni contre le franc fort ni contre la globalisation de l'économie, donc on va réduire les charges sociales au taux le plus bas existant sur cette terre, c'est parfait.
Notre position ne consiste pas comme vous le dites, Monsieur Balestra, à combler des aspirations charitables, car les allocations familiales n'ont rien à voir avec la charité. Nous ne voulons pas augmenter la natalité non plus, Madame Polla, nous voulons simplement que cette activité familiale soit reconnue à son juste titre, donc qu'elle soit indépendante du statut du répondant des enfants, un point, c'est tout. Nous ne refaisons pas la société, pas plus que nous ne faisons la charité.
D'autre part, des remarques ont été faites sur de futures propositions concernant les allocations familiales ou la sécurité sociale, en général. Le débat est loin d'être clos et c'est le seul point sur lequel la majorité de la commission et les minorités sont d'accord.
M. Bernard Annen (L), rapporteur de première minorité ad interim. La proposition de M. de Tolédo a été longuement étudiée à la Conférence des caisses d'allocations familiales et refusée pour la simple raison qu'il était impossible de déterminer le revenu familial de tous les ouvriers et les employés de ce canton.
En ce qui concerne, par exemple, les frontaliers ou les gens, qui habitent dans le canton de Vaud, comment savoir si la femme d'un frontalier travaille en France ou non ? Il devenait absolument impossible de connaître le montant de son revenu. C'est pourquoi, la Conférence des caisses d'allocations familiales est aussi attachée à défendre le principe de la fiscalisation, car c'est le plus simple.
Au sujet de ce conflit sur le montant des allocations familiales, on a l'air de dire que nous autres, libéraux, ne savons pas ce que coûte l'entretien d'un enfant et trouvons que la charge de l'allocation familiale est trop élevée. Ce n'est pas vrai. Nous essayons simplement de vous dire que le financement ne nous convient pas, et que, si vous acceptiez nos amendements, ce financement vous permettrait d'augmenter le montant des allocations familiales. Les propositions sont concrètes dans le rapport de minorité, puisque l'on arrive à trois cents francs d'allocations familiales, Monsieur Dupraz. Tout ceci est chiffré et, naturellement, cela vous déplaît, tout simplement, parce que nous parlons d'une cotisation paritaire. Mais nous y reviendrons dans le deuxième débat.
M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. Une rencontre inattendue avec le virus de la grippe m'a mis dans la triste situation d'être sans voix devant ce débat. Je me limiterai donc à l'essentiel en vous disant que toutes les révisions successives des allocations familiales ont toujours été un champ de tension pour une raison simple : c'est l'autorité politique cantonale qui fixe les règles, mais ce sont les employeurs qui paient et qui gèrent.
La révision du régime des allocations familiales demandée, il y a plus de trois ans, par une majorité claire dans ce Grand Conseil, n'a pas échappé à la règle : les trente-six mois de travaux de la Conférence des caisses, de la commission d'experts et de la commission parlementaire ont été marqués par de nombreuses intervention et quelques incidents.
Au cours de ces dernières semaines, le débat s'est concentré sur l'universalité des allocations, sur la modulation des allocations et sur la fiscalisation des allocations.
Sur l'universalité des allocations, une majorité claire s'est dégagée en commission. Elle implique que les indépendants soient affiliés au régime : on trouvera ainsi un système que l'on a déjà dans sept ou neuf cantons suisses, comme l'a rappelé M. Champod.
Au sujet de la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, M. Annen vient de rappeler qu'indépendamment des questions idéologiques cela a toujours été refusé pour une raison pratique : la difficulté pour des caisses privées de déterminer le revenu qui devrait être pris en considération pour moduler l'allocation.
Au sujet de la fiscalisation des allocations familiales, la question a été bien étudiée par la commission qui a interrogé, en particulier, le département des finances et son président. Il a toujours été dit qu'elle était envisageable, mais pas dans le cadre de la réforme des allocations familiales. Elle est envisageable à deux moments : lorsque l'on fait entrer en vigueur la législation fédérale sur l'harmonisation fiscale et lorsque l'on fait une révision de la fiscalité genevoise afin de la rendre plus favorable aux familles.
En dernier lieu, la question du financement paritaire par les employeurs et les employés a été évoquée. La commission en a également parlé. Elle a écarté cette hypothèse qui n'a jamais été demandée par les partenaires sociaux. Le texte de la loi me paraît clair. Le rapport l'indique aux pages 6 et 7. Et je vous confirme que le Conseil d'Etat n'a pas l'intention ni le projet de vouloir introduire ce qui est refusé clairement par les deux principaux partenaires sociaux.
En conclusion, nous avons disposé de trente-six mois d'études, de travaux et de délibérations parlementaires. Pour certains, la loi va trop loin. Pour d'autres, elle ne va pas assez loin. En réalité, elle a permis de dégager une majorité autour d'un principe simple : un enfant - une allocation. Je vous remercie de bien vouloir voter l'entrée en matière sur la base des travaux de la commission.
PL 7197-A, PL 7198 et PL 7199-A
Ces projets sont adoptés en premier débat.
La séance est levée à 19 h 40.