République et canton de Genève

Grand Conseil

No 7/II

Vendredi 1er mars 1996,

soir

Présidence :

M. Jean-Luc Ducret,président

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Philippe Joye, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. Henri Gougler, Dominique Hausser, Jean-Pierre Rigotti et Martine Roset, députés.

3. Correspondance.

Le président. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :

C 406
M. J.-L. Delécraz, président du Conseil municipal d'Avusy, nous fait part de ses remarques sur le projet de loi modifiant la loi sur l'administration des communes. ( )  C406

Cette lettre sera traitée au point 35 de notre ordre du jour.

C 405
La Communauté genevoise d'action syndicale nous donne sa position sur les projets de lois relatifs aux allocations familiales. ( ) C405

M. Pierre-Alain Champod(S). Je vous demanderais de bien vouloir lire cette lettre lorsque nous aborderons le point 13.

Le président. Il en sera fait ainsi.

4. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Le président. Les motions suivantes sont devenues caduques :

M 519
de MM. Claude Blanc, Charles Bosson, Hervé Burdet, Philippe Joye, René Koechlin et Bernard Lusti concernant la réalisation de la traversée de la rade et l'information y relative. ( )   M519
M 557
de MM. Claude Blanc, Philippe Joye et Jean Montessuit concernant le financement de la traversée de la rade. ( )   M557
M 569
de Mme et MM. Jeanine Bobillier, Claude Blanc, Hugues Boillat, Hervé Burdet, Jean de Tolédo, Hermann Jenni, Philippe Joye, René Koechlin, Yves Odier, Jacques Torrent, André Vial et Olivier Vodoz concernant l'abandon de l'étude de la «petite traversée de la rade». ( )   M569

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Le président. La question écrite suivante est devenue caduque :

Q 3534
de M. Christian Grobet concernant le financement de la traversée de la rade. ( )   Q3534
GR 115-1
a) M. P. A. V.. ( -)GR115
Rapport de M. René Longet (S), commission de grâce
GR 116-1
b) M. S. I.. ( -)GR116
Rapport de M. Olivier Lorenzini (DC), commission de grâce
GR 117-1
c) M. T. N.. ( -)GR117
Rapport de Mme Michèle Wavre (R), commission de grâce

5. Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :

M. A. P. V. , 1957, Espagne, aide hospitalier, recourt contre un solde de peine de 29 jours, soit jusqu'au délai fixé pour l'obtention d'une éventuelle libération conditionnelle qui sera certainement accordée en cas de poursuite de l'exécution de la peine de réclusion.

M. René Longet (S), rapporteur. M. A. P. V. avait reçu chez lui, durant quatre ans, de 1985 à 1989, une employée de maison portugaise, âgée de 13 ans et 8 mois à son arrivée en Suisse. Il y a eu des relations sexuelles dans des circonstances pas entièrement élucidées. Cette affaire a été jugée par la Cour d'assises et le prévenu a été condamné une première fois à cinq ans de réclusion.

Ce jugement a été cassé et un deuxième jugement a réduit la peine à quatre ans. Et, fait relativement rare, le jugement a été cassé une troisième fois et la peine ramenée à trois ans et demi dans un troisième jugement rendu. Comme vous pouvez le voir sur la feuille qui vous a été remise, ce jugement est entré en force le 2 novembre 1994.

M. A. P. V. a fait une peine de prison préventive d'octobre 1989, soit dès que les faits ont été connus, jusqu'en février 1992.

M. A. P. V. a manifesté une excellente conduite en prison, ce qui fait, d'après les renseignements pris auprès de M. R., que la libération conditionnelle n'est pas éventuelle mais certaine, aux deux tiers de la peine. Pour atteindre les deux tiers de la peine, il lui resterait vingt-neuf jours de réclusion. La commission estime que nous devrions le gracier du solde de ces vingt-neuf jours et pour cela ramener le total de la peine de quarante-deux mois à quarante mois.

Le délit est grave, mais nous vous proposons néanmoins cette réduction de peine en raison de trois éléments principaux qui plaident, à notre sens, en sa faveur :

1) Le délit grave de M. A. P. V. est un délit unique dans sa vie. Le prévenu s'est très bien tenu en prison et également depuis sa sortie en 1992. Il a notamment travaillé pour le Conseil administratif de la Ville de Genève, au palais Eynard, dans le cadre d'occupations temporaires, et les références sont excellentes.

2) Les faits remontent à quelque dix ans et il y a déjà quatre ans qu'il est sorti de prison.

3) Le troisième élément, certainement le plus important, a véritablement fait pencher la balance en commission : la responsabilité de l'Etat est engagée dans cette affaire, dans le sens où, d'une part, M. A. P. V. a passé la durée de prison préventive à Bellechasse, directement en pénitencier - nous ne savons pas vraiment pourquoi cela a été le cas - et, d'autre part, une fois que sa peine est entrée en force, soit le 2 novembre 1994, on a tout simplement «oublié» de le convoquer ! Il est donc resté en liberté, mais, semble-t-il, la Cour a oublié de transmettre le jugement au service d'exécution des peines.

En fonction de tous ces faits, vu aussi que la durée de vingt-sept mois de pénitencier effectuée par M. A. P. V. est une peine sérieuse, nous proposons de radier le solde de sa peine, soit vingt-neuf jours. Pour que cela soit possible, il faut ramener la peine initiale de quarante-deux à quarante mois. Cette proposition de la commission de grâce vous est faite à une très large majorité.

Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de la peine de réclusion à quarante mois) est adopté.

M. S. I. , 1934, Genève, administrateur, recourt pour une réduction de la peine initiale d'une année, soit à trois ans de réclusion, afin d'obtenir une éventuelle libération conditionnelle anticipée.

Troisième recours en grâce.

M. Olivier Lorenzini (PDC), rapporteur. M. S. I. nous présente son troisième recours en grâce. Les deux précédents recours avaient été motivés par le souhait du détenu de disposer, dans les plus brefs délais, de la semi-liberté afin de pouvoir travailler pour une société de taille et ajustage de diamants.

Je vous rappelle que ce monsieur avait été condamné à quatre ans de réclusion pour escroqueries par métier, faux dans les titres, banqueroute simple en qualité de président d'un conseil d'administration et infraction à la loi sur les contributions publiques. Le recourant est actuellement sorti du pénitencier de Favra et se trouve en semi-liberté depuis le 2 février 1996, dans la maison d'arrêt «Le Vallon», et travaille la journée dans la société qui lui avait manifesté sa confiance auparavant.

Sa sortie de prison est prévue le 2 octobre 1996, qui correspondra aux deux tiers de sa peine. Compte tenu du fait que le détenu dispose maintenant de la situation pénitentiaire qu'il souhaitait lors des deux précédents recours, la commission de grâce vous invite à rejeter ce troisième recours en grâce.

Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.

M. T. N. , 1960, Appenzell, chauffeur de taxi, recourt contre l'amende, voire une réduction de celle-ci.

Mme Michèle Wavre (R), rapporteuse. M. T. N. a trente-six ans; il est Appenzellois, célibataire et chauffeur de taxi de profession.

Le 15 novembre 1995, il a été condamné par le procureur général à une amende de 2 000 F sans les frais pour excès de vitesse. Son permis de conduire lui a été retiré pour un mois. Depuis l'obtention de son permis professionnel, en avril 1983, M. T. N. n'a encouru que deux peines d'amende dont celle qui nous occupe.

Sa situation financière est assez précaire : il n'a aucun autre revenu que le produit de son travail, et on sait qu'aujourd'hui les affaires sont difficiles pour de nombreux chauffeurs de taxi, même si, comme M. T. N., ils essaient de faire le maximum de courses tous les jours.

La commission de grâce, sensible à ses arguments, vous propose de réduire l'amende à 1 000 F plus les frais.

Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de l'amende à 1 000 F) est adopté.

 

6. Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier les objets suivants :

 a) Projet de loi de Mme et MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet, Claire Chalut et René Ecuyer sur les allocations familiales aux enfants (J 7 1). ( -)

 b)  Projet de loi de Mmes et MM. Gabrielle Maulini-Dreyfus, Liliane Maury Pasquier, John Dupraz et Philippe Schaller sur les allocations familiales (J 7 1). ( -)

 c)  Projet de loi de Mmes et MM. Gabrielle Maulini-Dreyfus, Liliane Maury Pasquier, John Dupraz et Philippe Schaller sur le Fonds pour la famille (J 7 8). ( -)

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Lors de quelque vingt séances, du 28 mars au 7 novembre 1995, la commission des affaires sociales a examiné les projets de lois sur les allocations familiales et sur le Fonds pour la famille (PL 7198 et 7199).

Les travaux ont eu lieu sous la présidence de M. Roger Beer et en présence de Mme Beatrix De Cupis, cheffe du service juridique de la caisse cantonale de compensation (CCGC) et de M. Albert Rodrik, chef de cabinet du département de l'action sociale et de la santé (DASS).

Au terme de ses travaux, la commission adopte deux projets de lois réformant le système d'allocations familiales.

Ces projets réalisent le principe un enfant - une allocation, et assurent au système une plus grande équité. Leur philosophie est sensiblement la même que celle des projets proposés par la commission d'experts en 1994. Le compromis réalisé par une majorité RAD, PDC, SOC et VE concrétise la réponse possible à toutes les intentions politiques réitérées de soutenir une politique sociale, en particulier familiale.

La commission a également traité du projet de loi 7197 de l'AdG, sans toutefois l'accepter.

Les groupes Alliance de gauche et libéral ont annoncé des rapports de minorité motivant respectivement leur abstention et leur opposition.

La commission a également pris connaissance du projet de loi fédérale mis en consultation pendant l'automne 1995, pour constater, premièrement, que la durée des procédures fédérales justifie d'entreprendre une réforme au niveau cantonal et, deuxièmement, que les options retenues vont dans le même sens que les propositions fédérales.

1. Refonte de la loi sur les allocations familiales

La réforme porte sur les principes et sur la simplification de la législation concernée. Le délai entre les interventions parlementaires de 1993 et l'actuel projet est significatif de la difficulté à trouver un consensus en la matière.

1.1. Principes

- universalité des allocations familiales (AF), selon le principe un enfant - une allocation;

- allocation de base unique (de 0 à 15 ans et de 15 à 18 ans);

- allocation de formation de 18 à 25 ans sous condition de formation et sous condition de revenu;

- renforcement de la solidarité entre caisses: taux plancher de contribution, taux maximum de frais de fonctionnement, renforcement de la péréquation entre caisses;

- maintien des systèmes de caisses existants et généralisation relative des contributions.

1.2. Simplification de la législation concernée

Une seule législation s'applique. La loi intègre la péréquation entre caisses, la loi sur les AF en faveur des salariés mis à la retraite anticipée pour des raisons économiques, ainsi que la loi sur les AF aux agriculteurs indépendants après une période transitoire de trois ans.

La loi est complétée par une loi d'aide sociale, loi sur le Fonds pour la famille qui permettra d'accorder des prestations AF dans les quelques rares situations qui ne sont pas prises en compte par la loi générale et qui méritent d'être couvertes.

Le droit fédéral AVS-AI est appliqué par analogie. La loi sur les AF reprend ainsi les définitions juridiques de l'AVS.

La loi sur l'encouragement aux études et celles sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens sont modifiées dans le but d'appliquer la gestion des AF sous conditions de formation et de revenu des bénéficiaires pour de jeunes adultes de 18 à 25 ans.

1.3. Près de quatre ans pour réformer le système des AF genevoises

Le système en vigueur et l'historique de la démarche jusqu'à la présentation de projets de députés devant de la Grand Conseil sont décrits dans l'exposé des motifs des projets de lois 7198 et 7199 et sont rappelés en annexe.

Ces projets reprenaient, sans les modifier, les projets de la commission d'experts chargée par le Conseil d'Etat d'élaborer un projet de refonte des AF. Le but du dépôt de ces projets de lois devant le Grand Conseil était d'engager le débat parlementaire.

Les actuels projets de la commission des affaires sociales du Grand Conseil (ci-après la commission) reprennent la philosophie des projets de la commission d'experts. Le vote d'entrée en matière s'est fait à l'unanimité, mais la commission n'a pas pris le risque de s'écarter des propositions de compromis, déjà largement débattues et longuement négociées. La loi réformée n'est peut-être pas l'aboutissement d'une législation familiale moderne, mais elle est, sur ce chemin, le point où les différences politiques peuvent trouver un consensus pour réaliser une réforme. C'est pourquoi l'entrée en matière sur le projet de loi 7197 proposé par l'AdG a été refusée (par 8 non: 4 LIB, 2 RAD, 2 PDC; 3 abstentions: 2 SOC, 1 VE et 3 oui AdG).

2. Travaux de la commissions et auditions

2.1. Données statistiques et scénario financier

Les données statistiques ne sont pas exhaustives, mais les extrapolations sont fiables, les trois quarts des AF étant à la charge de trois grandes caisses dont les charges sont connues. Pour la masse salariale, les données sont celles de l'OCSTAT et ne comprennent donc pas les salaires versés par les organisations internationales.

Le nombre de futurs bénéficiaires des AF pour jeunes adultes de 18 à 25 ans est plus difficile à estimer. Actuellement 1 476 jeunes de cette catégorie sont au bénéfice des allocations d'études et d'apprentissage sur un total de 10 125 jeunes de cette tranche d'âge en formation. Les revenus déterminants pour les allocations d'études et d'apprentissage sont modifiés afin d'éviter l'effet de seuil d'une perte des AF versées jusqu'ici. Les familles concernées par cette modification ne sont pas répertoriées. L'estimation retenue indique donc avec prudence 3 690 futurs bénéficiaires.

Globalement, la commission estime que les données statistiques disponibles, issues des travaux de la commission d'experts, sont suffisantes. La commission souligne par ailleurs que le coût total des AF varie bien davantage selon les montants des allocations que selon le nombre de bénéficiaires.

2.2. Auditions de

- M. G.-O. Segond, président du DASS, le 11 avril 1995

M. G.-O. Segond invite la commission a tranché sur les grands principes et à s'appuyer sur des simulations financières suffisantes pour définir le système en fonction des options choisies. M. Segond remarque que les difficultés politiques à mener une réforme indiquent que les projets issus de la commission d'experts sont probablment plus à même de servir de guide que le projet AdG.

- la Conférences des caisses d'allocations familiales genevoises et la Fédération des syndicats patronaux, M. Barde, Mme A. Giroud, M. G. Neri et de M. J. Pellet, le 28 mars 1995

Les représentants auditionnés expriment d'abord leur accord sur un certains nombre de dispositions: unification des deux allocations ordinaires de base, remplacement de l'allocation de formation professionnelle par une allocation d'encouragement à la formation et une certaine extension des prestations du Fonds pour la famille.

Pour le surplus, la Conférence des caisses d'AF tient à la neutralité des coûts de la réforme. Elle souhaite que les AF soient d'ors et déjà fiscalisées et que le produit de cet impôt finance les prestations du Fonds pour la famille. Plutôt qu'un taux mimimum de contribution, elle propose de se limiter à un resserrement de la péréquation partielle des charges entre les caisses.

Enfin, la Conférence des caisses estime que les indépendants doivent rester à l'écart du système. Elle exclut aussi un système d'affiliation volontaire dont le financement ne pourrait jamais, par nature, être assuré.

- Mme Hélène Braun, présidente de la commission d'experts chargés de la refonte de la loi sur les AF, le 28 mars 1995

Mme Braun expose les grandes lignes du projet et émet le souhait que le Grand conseil suive les options choisies. Elle souhaite une politique familiale en faveur des jeunes en rapport avec celle qui se fait pour les aînés. Elle insiste sur la nécessité d'assurer les prestations familiales aux revenus les plus modestes, indépendamment du statut professionnel ou du taux d'activité.

Mme Braun rappelle enfin que, pour l'avenir, la solution du financement par une contribution sociale généralisée devrait être étudiée.

- CGAS et SIT, M. J. Robert et M. J.-M. Varcher, le 4 avril 1995

Les représentants indiquent en préliminaire qu'ils sont favorables à des montants d'AF supérieurs, à l'allocation de formation professionnelle telle qu'en l'état, à un financement par une contribution sociale généralisée, au système de caisse unique, avec taux unique, et à un système d'allocation en fonction du revenu.

La CGAS et le SIT apportent cependant leur soutien aux projets 7198 et 7199. Ils ont participé aux travaux et estiment que le compromis réalisé est acceptable puisqu'il concrétise le principe d'une allocation universelle. Ils mettent en garde la commission que le compromis ne saurait être acceptable si cette disposition n'était pas maintenue.

- Caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC), Mme Siebold-Bujard et M. J.-P. Perrin, le 4 avril 1995

Mme Siebold-Bujard approuve la réalisation de l'égalité de traitement et de la solidarité étendue par l'application du principe un enfant - une allocation. Elle fait remarquer que la suppression de la distinction entre enfants de plus ou moins 15 ans apportera des allègements administratifs. Mme Siebold-Bujard émet des réserves sur la contribution minimale prévue pour les indépendants et sur la complexité de la gestion des contributions des salariés d'employeurs non assujettis ainsi que sur un éventuel assujettissement des non-actifs. Le régime de ces derniers ne pouvant se réaliser au taux de frais administratifs prévu dans le projet de loi. Enfin, Mme Siebold-Bujard estime que le système de gestion actuel est préférable à une caisse unique, pour la préservation des relations entre les assurés et leurs caisses.

3. Assujettissement et bénéficiaires

3.1. Universalité des prestations de base AF

L'allocation pour enfant est une prestation périodique destinée à alléger les frais courant d'entretien de l'enfant.

Avec la nouvelle loi, toute personne salariée, indépendante ou sans activité lucrative, est assujettie et peut bénéficier des prestations si elle a la charge d'un enfant.

Un enfant ne donne droit qu'à une seule allocation.

La loi consacre le principe, un enfant - une allocation. Elle établit le droit à la prestation pour tous, avec ou sans lien salarial.

Enfin, la loi consacre l'égalité entre homme et femme quant à l'attribution à l'un ou l'autre de la prestation AF.

3.2. Personnes exerçant une activité lucrative salariée

En ce qui concerne les salariés, le champ d'application de la nouvelle loi correspond, dans les grandes lignes, à celui de l'ancienne. Le montant de la prestation est indépendant du temps de travail.

Le versement des AF se fait uniquement par les caisses d'allocations familiales.

La discussion sur une éventuelle contribution paritaire a tourné court, la majorité de la commission estimant qu'un tel principe ne pourrait être retenu que dans l'hypothèse de prestations supplémentaires, mais pas en déduction des contributions actuelles des employeurs. Même si les charges sociales sont souvent décriées, la révision d'un élément de notre politique familiale ne saurait être mise à profit pour réduire les charge sociales. D'ailleurs, les représentants des caisses ou des syndicats n'ont jamais revendiqué une telle transformation.

3.3. Personnes exerçant une activité lucrative indépendante et salariés d'employeurs non soumis à la loi

Les commissaires ont dû choisir entre trois solutions: le système d'affiliation obligatoire auquel s'opposent la Conférence des caisses et les milieux patronaux, un scénario d'adhésion volontaire ou le statu quo.

Pour la majorité de la commission, les indépendants ne sont pas une catégorie professionnelle universellement privilégiée et il se justifie alors que les prestations AF leur soient aussi appliquées selon un effort solidaire de contribution. Dans ce sens, un amendement visant à plafonner le revenu pris en compte a été refusé.

Le système d'affiliation volontaire ne peut constituer le moyen terme qui mettrait tout le monde d'accord. Il est au contraire presque unanimement reconnu comme injuste et surtout invivable financièrement. Malgré tous les garde-fous envisagés, il ne serait qu'un système ne prenant en compte que «les mauvais risques», seules les personnes intéressées par les prestations y adhérant. La loi rend au contraire l'assujettissement obligatoire afin de réinventer le système solidaire AF tel qu'il s'est créé dans les branches professionnelles.

Les agriculteurs indépendants sont assimilés aux autres indépendants. La LAFAI reste en application pendant le délai transitoire de trois ans prévu pour la mise en place du régime général prévu pour les personnes de condition indépendante.

3.4. Personnes sans activité lucrative et soumises à l'AVS

Le droit aux prestations AF pour les non-actifs domiciliés dans le canton devient indépendant des conditions de revenu. Il reste cependant subsidiaire à celui que pourrait faire valoir une autre personne salariée ou indépendante pour le même enfant.

La dépense prévue par cette universalisation-là se chiffre à 7,5 millions de francs. Actuellement, la dépense est de 2,5 millions de francs versés par le Fonds d'aide à la famille. La dépense supplémentaire concerne presque exclusivement des catégories sociales à faibles revenus qui doivent être intégrées au système en priorité.

3.5. Allocations de formation

La loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens et la loi sur l'encouragement aux études sont modifiées. L'allocation complémentaire est transformée en allocation d'encouragement à la formation.

Les prestations du régime d'AF cessent à la majorité. Comme dans l'ensemble de la sécurité sociale, on part de l'idée qu'après 18 ans, le caractère alimentaire d'une prestation servie en faveur de l'enfant cède définitivement le pas à celui d'aide et d'encouragement à la formation. Cette aide est ici prévue sous les conditions cumulatives de formation et de revenu.

La mise à niveau du revenu déterminant pris en compte pour les allocations de formation permet de compenser la perte des AF jusqu'à 25 ans pour les bénéficiaires d'allocations d'études et d'apprentissage. L'augmentation de ce revenu déterminant de 10 000 F par an, non seulement compense la perte due à l'abandon du système d'attribution sous condition de formation pour les allocataires cités plus haut, mais aussi pour les revenus limites, évitant ainsi un effet de seuil sévère pour des revenus relativement modestes.

Le maintien des AF de 18 à 25 ans sous condition de formation uniquement comme jusqu'à ce jour, proposé en amendement, a été refusé. Le passage d'une attribution sous condition de formation à une attribution sous condition cumulée avec celle d'un revenu déterminant permet de dégager un gain utile au renforcement des allocations de base et de leur montant. Cette compensation réalise la neutralité des coûts dans ce domaine.

Concernant la tranche d'âge des jeunes de 18 à 25 ans, les bénéficiaires ne sont plus différenciés en salariés, indépendants ou non-actifs. La prestation n'est plus une prestation AF, mais une prestation d'encouragement à la formation.

4. Financement

4.1. Modification de la répartition du financement

Les dépenses supplémentaires sont financées par trois sources: l'assujettissement de nouveaux acteurs, le fait que l'argent prélevé aujourd'hui sera redistribué différemment, et le passage pour certaines caisses de 0,8 à 1,3% de cotisation au moins.

Chaque régime fait l'objet d'un service particulier, soit d'une comptabilité propre.

L'idée d'une contribution sociale généralisée (CSG) a rencontré un écho très favorable. Cependant, la commission, comme sur d'autres points, a préféré un projet possible à une solution plus délicate à élaborer. C'est pourquoi aussi bien les structures de financement que les structures d'organisation ont été conservées en aménageant quelques améliorations et simplifications de fonctionnement. Un système contributif général n'ayant pas été retenu, la solution intermédiaire adoptée soumet à l'obligation de contribuer les nouvelles catégories de personnes soumises à la loi, sauf les non-actifs dont la contribution dépend d'une décision du Conseil d'Etat.

4.2. Financement du régime des salariés

Les contributions des employeurs et la péréquation entre caisses assurent les prestations versées.

a) Taux plancher

Les caisses privées fixent leur taux de perception en fonction des prestations AF à verser et en fonction de leur masse salariale. Elles prennent également en compte leur contribution à la péréquation entre caisses. Les caisses AF sont gérées par des caisses de compensation opérant également pour d'autres prestations sociales. Le taux perçu par la CAFAC est fixé par le Conseil d'Etat.

Actuellement, le taux de cotisation d'une caisse à l'autre varie entre 0,8% et 2% de la masse salariale, le 2% étant un maximum qui ouvre le droit à la péréquation entre les caisses. Le taux des trois grandes agglomérations de caisses qui payent les trois quarts des AF sont de 1,5% pour la FSP (Fédération des syndicats patronaux) et le SCAF (service cantonal des allocations familiales) et de 1,3% pour la CAFAC (caisses d'allocations familiales des administrations cantonales).

L'instauration d'un taux plancher de contribution à 1,3% vise à renforcer la solidarité du financement des AF et à dégager des ressources supplémentaires, lesquelles ressources assurent, d'une part, une meilleure compensation des charges entre les différentes caisses et, d'autre part, le financement des allocations d'encouragement à la formation.

Le taux unique proposé par le projet de l'AdG est refusé. Le taux unique correspondant au taux moyen serait de 1,5-1,6%. Logique et solidaire, le taux unique, lié à une caisse unique, ne tient pas compte du réseau existant et de l'attachement des partenaires sociaux à leurs spécificités contractuelles. La commission a voulu préserver les institutions existantes et leur fonctionnement satisfaisant.

b) Compensation partielle des charges

Actuellement insuffisante, la compensation partielle des charges représente en 1994, environ 4 millions de francs sur les quelque 180 millions de francs d'AF. Les caisses contributives dans la péréquation sont celles de la FSP, le SCAF et la CAFAC.

Conçu comme correcteur des différences entre les taux de contribution des caisses, le système de péréquation est resserré. La compensation est accordée à des conditions plus favorables afin de répartir plus équitablement les charges parmi les différentes caisses et, partant, entre les employeurs et les indépendants qui leur sont affiliés. Les caisses demanderesses d'une compensation peuvent le faire à chaque exercice annuel où leur taux atteint un plafond déterminé par règlement du Conseil d'Etat. La majorité de la commission a décidé de ne plus inscrire dans la loi le 2% comme taux charnière et de se contenter d'en faire la recommandation. Par ailleurs, les caisses qui bénéficient de la compensation partielle des charges sont dispensées de contribuer à la péréquation.

4.3. Financement du régime des indépendants

Les personnes de condition indépendante et les salariés d'employeurs non soumis à la loi sont tenus de verser des contributions. Jusqu'ici, seuls les agriculteurs indépendants étaient affiliés.

Le revenu déterminant pour les contributions est le revenu soumis aux cotisations AVS, le taux minimal de contribution est de 1,3% du revenu AVS. Le coût du régime pour les indépendants est estimé à 17 millions de francs, ce qui représente une charge d'environ 1,5%. Un délai transitoire de trois ans est prévu pour la mise en place du régime.

4.4. Financement du régime des non-actifs

Beaucoup des potentiels bénéficiaires non actifs sont déjà bénéficiaires d'AF (chômeurs en fin de droit et invalides sous conditions de ressources), malgré le système compliqué et ses strictes conditions de revenu.

La compétence est déléguée au Conseil d'Etat de prévoir si besoin est un système de contribution des personnes sans activité lucrative, sous forme d'un pourcentage progressif de leurs cotisations AVS-AI. Les personnes qui paient une cotisation minimale AVS-AI ne sont pas astreintes à contribuer au régime des AF. Très peu de personnes sans activité lucrative seraient dès lors soumises à cotisation. En effet, largement plus de la moitié des non-actifs qui cotisent à l'AVS ne paient que la cotisation minimale, notamment les étudiants ou les invalides bénéficiaires des prestations de l'OCPA. Le produit de l'ensemble des contributions devrait atteindre 1 million de francs selon le barème retenu dans le projet de loi, alors que les prestations dues sont chiffrées à 7,5 millions de francs. Le système ne peut en aucun cas s'autofinancer. Le surplus de dépenses est à la charge du Fonds pour la famille. Le Conseil d'Etat décidera donc si la généralisation des contributions, corollaire à la généralisation des prestations est, dans ce cas, suffisamment rentable ou si les difficultés techniques et administratives motivent la gratuité du système.

Un amendement visant à généraliser les contributions à tous les non-actifs y compris les rentiers AVS-AI (dépassant le revenu minimum) dans le but d'universaliser les contributions aussi bien que les prestations, a été refusé, moins sur sa philosophie que sur sa mise en oeuvre.

4.5. Financement des allocations d'encouragement à la formation

La prestation d'allocation d'encouragement à la formation n'est plus englobée dans la loi sur les AF. L'aide à la formation est de la compétence technique et philosophique de l'encouragement à la formation. Ce transfert de compétences s'accompagne de transferts de ressources financières.

Le gain produit par l'introduction d'un taux plancher de contribution pour toutes les caisses est attribué aux allocations d'encouragement à la formation. L'Etat contribue à hauteur du montant prévu pour 1996 en application de la loi existante et, subsidiairement, les caisses dont le taux de contribution est supérieur à 1,3%, mais inférieur à 2 %.

4.6. Fonds pour la famille

Le Fonds pour la famille (anciennement Fonds d'aide à la famille) est alimenté principalement par l'excédent de recettes de la CAFAC. Il est donc à la charge de l'Etat et alimenté par une fiscalisation indirecte. Dans le cadre de la nouvelle loi proposée, ce Fonds a des tâches plus institutionnalisées requérant des subsides plus étendus qu'actuellement et son alimentation ne peut plus être aléatoire. Dès lors il est prévu que le taux appliqué par la CAFAC doit être fixé de manière à assurer au Fonds une réserve correspondant à deux années de prestations. Notons cependant que le Fonds est actuellement suffisant et compte 36 millions de francs de réserves pour une dépense annuelle d'environ 3 millions de francs. Au vu du capital et des budgets estimatifs étudiés par la commission, une augmentation du taux de contribution à la CAFAC ne paraît donc pas nécessaire dans l'immédiat.

Destiné à couvrir les prestations AF aux pêcheurs professionnels en vertu de la législation fédérale, au personnel de maison, destiné à couvrir l'excédent des charges découlant du service de prestations aux personnes non actives, aux agriculteurs indépendants (pour une période transitoire), le Fonds pour la famille demeure aussi le recours, sous conditions revenu et de domicile, pour l'attribution d'AF dans des situations difficiles que la loi sur les AF n'aurait pas pris en compte. Le système AF tel que présenté aujourd'hui est un système généralisé, de ce fait le Fonds pour la famille ne devrait pas être beaucoup plus sollicité.

5. Organisation

La proposition de l'AdG d'un taux unique et d'une caisse unique est une proposition rationnelle dont le degré de concentration pourrait être pertinent. Une caisse unique comporterait incontestablement une réduction du travail administratif par l'absence de changement de caisse dû notamment à des changement de statut professionnel. Une caisse unique rendrait également caduc le risque de verser une prestation AF à double. Cette solution n'a pourtant pas été acceptée.

En effet, comme rappelé plus haut, les AF genevoises s'inscrivent dans une histoire sociale à laquelle sont attachés les partenaires sociaux, les prestations AF étant, de plus, gérées par des caisses de compensation qui dispensent d'autres prestations sociales. L'abandon du réseau actuel poserait de plus des problèmes d'organisation propres à remettre en cause l'aboutissement de la réforme traitée ici.

Dans l'ensemble, l'organisation actuelle des caisses donne satisfaction. Les conditions de création de nouvelles caisses sont cependant rendues plus strictes. Dorénavant, une caisse professionnelle ou interprofessionnelle nouvelle ne peut être créée que si elle groupe 100 employeurs (et/ou indépendants) au moins ou plus de 1 500 employés. Cette disposition a pour but de donner une dimension de caisse propre à éviter des frais de gestion disproportionnés.

Le taux maximal de frais de gestion avait été fixé à 7% par la commission d'experts, taux non contesté par les personnes auditionnées, sinon par la Caisse cantonale genevoise de compensation pour ce qui concerne le régime des non-actifs. Si besoin est, ce dernier régime AF pourrait faire l'objet d'une disposition particulière. Une majorité de la commission estime cependant qu'un taux maximum de frais administratifs constitue une incitation à réaliser la dépense, et que la gestion de plusieurs prestations par une caisse de compensation rend aléatoire la ventilation des frais administratifs. A égalité de voix, la commission préfère dès lors laisser au Conseil d'Etat le soin de fixer le taux maximum pour la couverture des frais de gestion. Opposée à son inscription dans la loi, la commission souhaite pourtant voir figurer au rapport le 7% des contributions prévu.

6. Allocations

Le commentaire accompagnant le projet de loi de la commission d'experts est à ce sujet exhaustif et pertinent sans modification, il est en conséquence repris in extenso.

L'allocation de naissance

L'allocation de naissance est accordée seulement si la mère de l'enfant est domiciliée en Suisse. Elle n'est donc pas exportable. La législation actuelle contient une disposition analogue: pour le salarié étranger, la prestation n'est octroyée que si lui-même et l'enfant résident en Suisse; pour le salarié suisse n'est déterminant que son propre lieu de résidence. Or, une telle distinction, fondée sur la nationalité du bénéficiaire, est incompatible avec le principe constitutionnel de l'égalité de traitement et elle a donc été abandonnée. Celle qui a été choisie n'est pas anticonstitutionnelle ne privilégiant pas les Suisses. A relever par ailleurs que le droit européen n'exige pas que l'allocation de naissance soit versée à l'étranger.

L'allocation d'accueil

Actuellement, l'allocation d'accueil n'est versée que si l'enfant a moins de 10 ans lorsqu'il est placé dans sa future famille adoptive. Cette limite d'âge a été supprimée, les frais occasionnés par un tel accueil n'étant guère différents pour les enfants de moins ou de plus de 10 ans. En outre, les placements en vue d'adoption de grands enfants sont très rares.

Comme pour l'allocation de naissance, l'allocation d'accueil n'est pas versée à l'étranger.

L'allocation pour enfant

L'allocation pour enfant est la clé de voûte du système. En principe, elle est accordée à partir du mois qui suit celui de la naissance de l'enfant ou de son placement dans sa future famille adoptive. Comme c'est déjà le cas actuellement, elle n'est donc pas cumulée avec l'allocation de naissance ou d'accueil.

Si l'enfant est domicilié en Suisse, l'allocation est versée jusqu'à sa 18e année, soit jusqu'à sa majorité dès que la modification de l'article 14 CCS sera entrée en vigueur, peu importe qu'il accomplisse une formation professionnelle ou des études, peu importe qu'il soit de nationalité suisse ou étrangère, peu importe également la nationalité du bénéficiaire de la prestation. Si l'enfant n'a pas de domicile en Suisse, la prestation est supprimée lorsqu'il atteint sa 15e année.

Actuellement, les prestations pour l'enfant de plus de 15 ans ne sont versées que s'il accomplit une formation professionnelle ou des études reconnues et elles ne sont en aucun cas servies si le bénéficiaire n'a pas la nationalité suisse et que l'enfant n'est pas domicilié dans notre pays (exception pour les enfants d'un salarié frontalier). La nouvelle réglementation supprime donc toute discrimination - prohibée par la Constitution fédérale tout comme par le droit communautaire - basée sur la nationalité tant de l'enfant que du bénéficiaire de l'allocation. Est en revanche déterminant le domicile de l'enfant. Il s'agit, comme le précisera le règlement d'exécution, du domicile civil au sens des articles 23 et suivants du code civil suisse. Selon ces dispositions, le séjour dans une localité déterminée pour y fréquenter une école, faire un apprentissage ou pour y suivre un traitement médical ne constitue pas un domicile. Ainsi, l'enfant qui abandonne sa résidence en Suisse pour poursuivre sa formation à l'étranger ou pour un traitement d'une infirmité continue de donner droit à l'allocation même après 15 ans, contrairement à celui qui n'a jamais été domicilié dans notre pays.

La réglementation actuelle concernant les enfants invalides (versement de l'allocation pour enfant jusqu'à 20 ans) n'a pas été reprise, car l'assurance-invalidité sert les rentes dès 18 ans.

Dorénavant, l'octroi des prestations pour l'enfant jusqu'à 18 ans n'est plus subordonné à la poursuite d'une formation. Il s'agit là d'une solution identique à celle qui est en vigueur pour les rentes d'orphelins et ou pour enfants dans les principales assurances sociales fédérales (AVS, AI, assurance-accidents, 2e pilier). D'autre part, en Suisse, pour les jeunes jusqu'à 18 ans le taux de scolarisation est de près de 80%. A Genève, où il est supérieur à la moyenne suisse, il atteint environ 84% et l'écart tend à s'accentuer. Enfin, beaucoup de jeunes qui ne sont déjà plus scolarisés avant l'âge de 18 ans souffrent d'un handicap.

A présent, les caisses d'allocations familiales doivent dans chaque cas contrôler que l'enfant de plus de 15 ans suivait une formation ou des études reconnues. Il s'agit d'un travail administratif lourd et coûteux, retardant souvent le versement des prestations, notamment lorsque l'enfant commence une formation ou en change. La notion d'études ou de formation professionnelle «reconnues» donne lieu à de nombreuses contestations et recours.

Pour toutes ces raisons, la condition de formation a été supprimée, les économies en frais de gestion compensant largement le risque de verser, dans de rares cas, des prestations pour des enfants qui sont déjà totalement autonomes sur le plan financier.

A l'étranger, le taux de scolarisation des enfants de plus de 15 ans est beaucoup plus bas (notamment en Espagne, au Portugal, en Yougoslavie, en Turquie), raison pour laquelle il est prévu que l'allocation pour enfant n'est pas versée au-delà de l'âge de 15 ans si l'enfant n'est pas domicilié en Suisse. Une réglementation spéciale est prévue en ce qui concerne l'enfant d'un salarié frontalier (voir comm. ad article 45).

Comme par le passé, l'allocation pour enfant remplace l'allocation de naissance ou d'accueil pour les mois concernés si les conditions d'octroi pour ces deux prestations ne sont pas réalisées.

Montant des allocations

Le montant de l'allocation pour enfant n'est pas variable selon le nombre d'enfants, les recherches effectuées montrant que c'est le premier enfant d'une famille qui occasionne les frais supplémentaires les plus importants (Deiss/Guillaume, Lüthi, Le coût de l'enfant en Suisse, Fribourg 1988). Par ailleurs, le présent projet de loi n'a aucune vocation nataliste. Une variation de l'allocation en fonction du revenu du bénéficiaire ou de son groupe familial n'a pas été retenue non plus: le montant de la prestation est très faible et, sauf à limiter drastiquement le nombre des bénéficiaires, une modulation de l'allocation en fonction d'une limite de revenu n'aurait pas permis d'augmenter considérablement les prestations pour les enfants vivant dans des conditions modestes. En outre, l'introduction d'une condition de revenu aurait rapproché l'allocation familiale des prestations d'aide sociale alors que, dans un système de protection sociale moderne, elle doit garder entier son caractère de prestation de sécurité sociale. Enfin, une variation de l'allocation familiale en fonction du revenu, inconnue dans toute la Suisse, aurait exigé la mise en place de procédures administratives complexes avec l'obligation pour les bénéficiaires de mettre à nu leur situation de revenu et de fortune non seulement quand ils requièrent les prestations pour la première fois, mais périodiquement pendant 15, voire 18 ans pour éviter le versement de prestations sans droit.

Le calcul de la limite de revenu pour des bénéficiaires qui ont leur famille à l'étranger aurait en outre posé des problèmes épineux.

L'octroi ou le montant de l'allocation ne dépend pas non plus du revenu de l'enfant pour lequel elle est versée. Une telle exigence aurait, en effet, posé les mêmes problèmes d'application que la prise en compte du revenu de son groupe familial. D'autre part, une exigence similaire prévue dans la législation actuelle pour l'enfant de plus de 20 ans a été abandonnée récemment en large partie, parce qu'il avait été constaté qu'elle pénalisait surtout les apprentis et leurs familles dont la plupart ressortent statistiquement des couches de la population les moins riches. Or, si la loi proposée ne privilégie pas expressément cette partie de la population, il ne s'agit pas non plus de la discriminer indirectement.

Il a aussi été examiné si, comme actuellement, le montant des prestations destinées aux enfants vivant hors de Suisse devait être le même que pour les enfants vivant dans notre pays ou s'il était opportun de tenir compte de la différence du coût et du niveau de la vie entre la Suisse et l'étranger.

Une discrimination en fonction du lieu de résidence de l'enfant n'est pas contraire au principe constitutionnel de l'égalité de traitement et n'est pas absolument incompatible avec le droit européen à condition que les critères sur lesquels est fondée la distinction à opérer ne soient pas arbitraires. Or, trouver de tels critères, simples et faciles à appliquer, n'a pas été possible: à l'intérieur d'un même pays le coût, et le niveau de la vie, peut varier très considérablement et il n'est pas le même dans les agglomérations urbaines ou à la campagne. Il peut se détériorer rapidement et de manière imprévisible (crises économiques, agitations sociales, guerres). Il n'existe pas de paramètres universellement admis pour comparer le coût et le niveau de la vie entre différents pays. Enfin, une très grande partie des enfants concernés sont des enfants de frontaliers. Leur statut est régi par une convention entre la Confédération et la France, convention qui prohibe toute discrimination en ce qui concerne l'allocation pour enfant.

Ainsi, il n'est pas proposé d'ajuster le montant de l'allocation en fonction du lieu de résidence de l'enfant. Le versement d'une allocation uniformément réduite pour les enfants à l'étranger - à l'exception des enfants de frontaliers - n'est pas proposé non plus, les économies pouvant être réalisées de cette manière étant négligeables (environ 2,5 millions de francs si l'allocation était réduite de 2/5, ce qui a été le cas jusqu'en 1989). En effet, les allocations versées pour des enfants vivant à l'étranger représentent environ 19% de la totalité des prestations accordées et presque trois quarts des enfants concernés sont des enfants de frontaliers.

Le présent projet de loi maintient le montant de l'allocation de naissance ou d'accueil (1 000 F) car il est nettement supérieur au montant moyen (850 F) versé par les onze autres cantons qui connaissent ce genre de prestations, ainsi que celui de l'allocation pour l'enfant de plus de 15 ans (220 F par mois), vu que la nouvelle législation n'est pas appelée à diminuer les prestations versées pour cette catégorie d'enfants.

Quant à l'allocation pour enfant, il aurait été souhaitable de fixer son montant à 200 F pars mois au moins (voir initiative Fankhauser) pour les enfants jusqu'à 15 ans, voire 220 F pour aboutir à une allocation unique pour tous les enfants de 0 à 18 ans. Cela aurait cependant représenté des charges nouvelles immédiates trop considérables. Le premier montant, adapté à l'évolution du coût de la vie, devrait toutefois pouvoir être atteint en l'an 2000 au plus tard.

Les projets de lois 7171 et 7172 augmentent dès janvier 1995 l'allocation pour les enfants jusqu'à 10 ans révolus à 135 F par mois et celle pour ceux dont l'âge est compris entre 10 et 15 ans à 150 F. Le présent projet unifie le montant de l'allocation de base de 0 à 15 ans, à 170 F.

Pour les enfants jusqu'à 15 ans cela représente une amélioration notable par rapport à la situation actuelle, pour ceux de 15 à 18 ans le statu quo est garanti. En outre, le financement de l'allocation d'encouragement à la formation est assuré.

Par conséquent, il est proposé que dès l'entrée en vigueur de la loi, l'allocation pour les enfants de 0 à 15 ans soit portée à 170 F par mois et que par ailleurs l'allocation pour les enfants jusqu'à 15 ans révolus soit augmentée régulièrement pour atteindre en quatre ans le montant mentionné de 200 F.

Comme par le passé, le montant des différentes allocations peut être adapté en fonction de l'évolution des prix, des salaires et des charges supportées par les employeurs et les autres personnes soumises à l'obligation de payer des contributions.

7. Fiscalisation

La législation fédérale LHID prévoit la fiscalisation des AF.

Pour l'ensemble de la commission, la fiscalisation des AF doit donner lieu à des mesures d'accompagnement, sinon les bénéficiaires verraient concrètement baisser leur prestation AF. Des moyens de compensation doivent être recherchés, alors que pour la Conférence des caisses, ces moyens existent de fait par l'augmentation des AF en 1995.

Les recettes fiscales supplémentaires résultant de la fiscalisation des AF ne pourraient pas être affectées. Seule l'intention d'attribuer un tel montant au Fonds pour la famille, au financement du système des non-actifs ou à la compensation de la perte pour les revenus familiaux moyens et bas pourrait être mentionnée et devrait, le cas échéant, faire l'objet d'une acceptation de ligne budgétaire. Légalement, il est en effet impossible d'affecter les revenus engendrés par la fiscalisation des AF, car la LHID considère les AF comme des revenus simples.

Consulté à ce propos, le Conseil d'Etat répond en juin 1995 qu'il n'entend pas supprimer l'exonération fiscale des AF avant l'échéance fédérale de la LHID.

La commission renonce alors à poursuivre, mais fait observer que la fiscalisation équivaudra à une certaine modulation en fonction du revenu étant donné la progressivité de l'impôt.

8. Conclusion

La majorité de la commission des affaires sociales (RAD, PDC, SOC et VE) vous propose d'accepter les projets de lois tels qu'issus de longs travaux de consultation, de réunions d'experts et de travaux parlementaires. Malgré les arguments en deçà et au-delà des auteurs de rapports de minorité, il nous appartient de réaliser une réforme constructive permettant d'attribuer les prestations cantonales d'allocation familiale à toute personne en charge d'un enfant, afin que la définition même de l'allocation familiale se concrétise, à savoir, une contribution à l'entretien de l'enfant.

Commentaires article par article

Loi sur les allocations familiales

Titre I - Champ d'application

Art. 1 - Principe

La loi prévoit l'octroi de prestations pour tous les enfants qui ont un répondant, de condition indépendante ou non-actif, domicilié dans le canton de Genève ou qui y exerce une activité salariée.

Art. 2 - Assujettissement

Al. 1 - En ce qui concerne les salariés, le champ d'application de la nouvelle loi correspond dans les grandes lignes à celui de l'ancienne. Toutefois, il est plus large parce que le montant de l'allocation ne dépend plus du temps de travail.

Les indépendants sont désormais soumis à la loi et ont droit aux prestations. Les agriculteurs indépendants sont assimilés aux indépendants.

Dorénavant, la loi couvre aussi toutes les personnes sans activité lucrative soumises à l'AVS et domiciliées dans le canton, alors qu'auparavant seules certaines d'entre elles pouvaient prétendre à des prestations à des conditions très restrictives.

Comme par le passé, les fonctionnaires internationaux, ceux de la Confédération sont exclus du champ d'application de la loi. Comme par le passé, le personnel de maison est soumis à la loi même si son employeur ne l'est pas.

Al. 2 - Les définitions font référence au droit AVS-AI. Le détail des situations prises en compte est renvoyé au règlement.

Titre II - Bénéficiaires

Art. 3 - Bénéficiaires - Concours de droit

Règle les concours de droit, si deux personnes peuvent être bénéficiaires et règle l'égalité de traitement entre hommes et femmes selon la formulation proposée dans le projet de loi fédéral.

Titre III - Allocations

Art. 4 - Nature, but et genre des allocations

Les AF sont indépendantes du salaire, elles ne constituent pas une rémunération du travail, mais une participation au coût de l'enfant. Les allocations doivent être entièrement destinées à l'entretien de l'enfant et, comme toute prestation sociale, elles ne peuvent être mises en gage, cédées à des tiers ou être saisies dans le cadre d'une procédure d'exécution forcée.

Les prestations sont servies sous trois formes différentes: l'allocation de naissance et l'allocation d'accueil constituent des prestations uniques devant permettre de compenser partiellement la charge financière supplémentaire due à la naissance d'un enfant ou à son accueil. L'allocation pour enfant est une prestation périodique destinée à alléger les frais d'entretien courant de l'enfant.

Art. 7 - L'allocation pour enfant

Al. 2 - Concerne la cas où la mère aurait un domicile à l'étranger et le père un domicile en Suisse.

Art. 8 - Montants des allocations (voir exposé des motifs)

Art. 9 - Cumul de prestations

Eviter le concours de prétention, l'alinéa 2 est déjà en vigueur. Le Conseil d'Etat peut conclure des conventions avec les autres cantons et peut aussi proposer au Conseil fédéral des conventions avec les pays voisins, en particulier la France.

Al. 3 - Reprend l'accord existant entre le Conseil d'Etat genevois et le Conseil fédéral. Genève a le droit de ne pas appliquer le droit fédéral pour autant que les prestations fédérales ne dépassent pas les cantonales.

Art. 10 - Début et fin du droit

Rappel: le bénéficiaire est le parent ou la personne qui a la garde de l'enfant ou assume son entretien de manière prépondérante. L'article prévoit une certaine transition dans le cas où le bénéficiaire décède.

Art. 12  - Paiement d'allocations arriérées et restitution d'allocations perçues sans droit

Il n'existe pas de paiement d'office.

Harmonisation à deux ans des deux délais, de restitution ou de récupération.

Titre IV - Organisation

Chapitre I - Principe

Art. 13 - Organes d'application

Le versement des AF se fait uniquement par les caisses d'allocations familiales.

Chapitre II - Caisses d'allocations familiales privées.

Art. 14 - Caisses professionnelles et interprofessionnelles

Les trois quarts des allocations familiales sont servies par trois grandes agglomérations de caisses, mais il y a actuellement 54 caisses d'allocations familiales privées admises à pratiquer dans le canton de Genève, dont certaines très petites. La création de caisses d'allocations familiales devra à l'avenir répondre à des critères de taille aptes à rendre plus performant le rapport entre la masse de contributions concernée et les frais de gestion qu'elle engendre.

Art. 17 - Contrôle et révision

Loi en vigueur depuis le 1er janvier 1995. Manque de transparence: à chaque adaptation des AF, il y a eu des difficultés. Désormais les caisses ont une obligation légale de présenter leurs comptes au Conseil d'Etat.

Chapitre III - Caisses d'allocations familiales publiques

Art. 18 - Création - SCAF - CAFAC - Caisse d'allocation pour personnes sans activité

Reprise de la loi existante, cette caisse est un établissement de droit public autonome. Le premier régime AF s'est créé en 1944. L'AVS n'existait pas. C'est lors de la révision de la loi sur les AF en 1961 que Genève a demandé de confier une tâche supplémentaire à la caisse AVS. Elle est dès lors chargée de gérer deux caisses d'AF: le SCAF (service cantonal des allocations familiales) et la CAFAC (caisse des allocations familiales cantonales).

Al. 2 - Les institutions cantonales incluent les institutions communales.

Al. 3 - Comptes séparés, comme c'est déjà le cas. Le déficit est couvert par le Fonds d'aide à la famille. Etant donné que la presque totalité des personnes sans activité lucrative est affiliée à la Caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC), la nouvelle caisse d'AF pour personnes sans activité est rattachée au SCAF, géré par la CCGC.

Art. 19 - Fixation du taux de contribution

Le principe de la fixation du taux par le Conseil d'Etat existe déjà.

Art. 20 - Surveillance, contrôle et révision

Assurés par la commission de surveillance de la CCGC en matière d'AVS -AI -APG. Obligations identiques à celles des caisses privées.

Chapitre IV - Tâches des caisses d'allocations familiales

Art. 22 - Dispositions particulières

Les tâches particulières des caisses privées sont dorénavant plus étendues que celles que leur dévolue la législation actuelle étant donné qu'elles sont habilitées à appliquer la loi aussi aux indépendants et plus seulement aux employeurs et à leurs salariés. Celles du SCAF sont modifiées dans le même sens. En outre, il sera seul compétent pour appliquer la loi aux salariés d'un employeur non soumis à l'AVS. Enfin, il cesse d'être compétent pour verser les AF du personnel de maison. Cette tâche incombe à la nouvelle caisse pour personnes sans activité étant donné que les employeurs de personnel de maison sont dispensés de l'obligation de s'affilier à une caisse d'AF et que les prestations au personnel de maison sont financées en grande partie par les contributions du Fonds pour la famille, tout comme l'entier ou la plupart de celles revenant aux personnes sans activité. Seules les tâches de la CAFAC restent ce qu'elles sont actuellement.

Art. 23 - Affiliation à une caisse d'AF

Al. 1 - La notion d'établissement stable renvoie à celle de la LAVS.

Al. 2

b) Les institutions d'intérêt publics sont par exemple le CICR ou certaines institutions parafédérales. Ajustement de la liste par le biais du règlement, comme dans la situation en vigueur.

c) Le droit international interdit l'assujettissement au régime de sécurité sociale suisse des organisations internationales qui, de plus, ont leur propre système d'AF.

d) La loi a déjà exempté ces employeurs, difficiles à contrôler et pour des enjeux financiers de faible importance. Ces prestations sont donc assumées par le Fonds pour la famille y compris pour le personnel des légations diplomatiques.

Al. 4 - Le Conseil d'Etat est compétent pour déclarer ou non obligatoire l'affiliation des personnes sans activité lucrative, s'il fait usage de la possibilité prévue à l'article 29.

Art. 24 - Caisse compétente

Les normes sont toutes rendues compatibles avec la LAVS. Beaucoup de caisse de compensation AVS gèrent également des caisses d'AF autorisées à pratiquer sur le canton.

Al. 3 - Déjà en vigueur

Al. 4 - Concerne les non-actifs au cas où le Conseil d'Etat décident qu'ils doivent payer des contributions.

Al. 5 - Concerne les employeurs ou les indépendants qui ne sont pas membres d'une association patronale et les employés dont l'employeur n'est pas soumis à l'AVS.

Art. 27 - Contributions des employeurs

Al. 3 lettre b) - La loi oblige les caisses à payer les prestations même si elles sont dans l'impossibilité de percevoir le montant des contributions, d'où la nécessité de protéger le bénéficiaire, par un fond de roulement comme il en existe déjà. Parallèlement, il faut mettre un frein à la thésaurisation, d'où l'indication d'un minimum et d'un maximum de réserves.

Al. 4 - Alimentation par la CAFAC, soit une fiscalisation indirecte.

Art. 28 - Contributions des indépendants et des salariés d'un employeur exempt de l'AVS

Au moins 1,3% sur le revenu soumis à cotisations dans la LAVS

Art. 29 - Contribution des personnes sans activité lucrative

Possibilité, et non pas obligation, pour le Conseil d'Etat d'introduire une contribution des non-actifs avec une limite vers le bas, ce qui signifie qu'il n'y aura pas de cotisations AF pour les revenus les plus bas. Cette contribution se calculerait en pourcentage des cotisations AVS. Les personnes qui cotisent au minimum de la taxation AVS-AI ne sont pas soumises à contribution. Le barème progressif tel que proposé dans le projet de loi 7198 est renvoyé au règlement.

Art. 30 - Procédure de fixation et de perception des contributions

Al. 1 - Concordance avec LAVS / AI

Al. 3 - Les contributions AF en tant que dettes fondées sur le droit public ne font l'objet que de poursuite par voie de saisie. Quant à la procédure de l'article 52 LAVS, elle permet de se retourner contre les organes de la personnes morale en cas de faillite, pour récupérer les contributions non versées à la caisse. Procédure qui permettra de compenser la perte de privilège en matière de poursuite pour dettes et faillites pour les assurances AVS-AI-APG-AC et AF prévue par la réforme de la LP. Effet préventif recherché.

Art. 32 - Fonds de réserve

(Voir plus haut)

Art. 33 - Compensation des charges des caisses d'AF

Al. 1 - Sont exclues de la compensation partielle des charges les prestations pour les non-actifs ainsi que pour les employés de maison, s'agissant de deux régimes subventionnés par le Fonds pour la famille.

Al. 2 - Pour des raisons historiques, c'est le service de l'assurance-maladie qui est chargé de cette tâche. Possibilité présente de désigner un autre responsable.

Art. 34 - Etendue de la compensation et procédure

Le régime de compensation des charges devient annuel. En bénéficient les caisses qui dépassent le taux charnière de contribution de 2% (ou tout autre taux charnière fixé par le Conseil d'Etat) pour un seul exercice. Les caisses concernées ne sont plus soumises à participer à la compensation cette même année, exception faite des caisses qui ont omis de faire la demande de compensation.

Titre VI - Procédure et contentieux

Chapitre I - Procédure

Art. 35 - Exercice du droit à l'allocation

Reprise de la LAVS / AI

Al. 4 - C'est aux caisses qu'il incombe de s'assurer du bien-fondé de la demande.

Art. 36 - Obligation d'informer

Disposition AVS / AI.

Art. 37 - Décisions

Disposition AVS / AI.

Chapitre II - Contentieux

Art. 38 - Recours et action

En cas de divergence sur la compensation partielle des charges, le Conseil d'Etat est l'institution de recours.

Art. 41 - Commission cantonale de recours en matière d'AF

La commission de recours est formée sur le même modèle que celle de l'AVS-AI. La situation actuelle, en vigueur depuis 1964, perdure jusqu'à ce que le TA devienne Tribunal général des assurances.

Le nombre de recours en matière d'AF devrait diminuer du fait de l'universalisation de l'allocation de base.

Titre VII - Dispositions pénales

Titre VIII - Dispositions transitoires et finales

Art. 44 - Droit transitoire

Un amendement visant à appliquer aux caisses déjà autorisées les conditions de l'article 15 (art. 14) a été refusé par la commission.

Art. 45 - Droit supplétif - Conflits de lois - Statut des frontaliers et des requérants d'asile

Al. 1 - Harmonisation avec la LAVS.

Al. 2 - Canton frontière, en relation avec des cantons voisins et abritant nombre d'institutions internationales, les situations où la législation genevoise entre en conflit avec une autre réglementation sont très fréquentes et il est nécessaire que le Conseil d'Etat puisse conclure des accords de coordination ou, le cas échéant, saisir les instances fédérales pour proposer la conclusion d'accord internationaux ou leur modification.

Al. 3 - Reprise du droit existant.

Al. 4 - Primauté du droit fédéral.

Art. 46 - Obligation de collaborer

Reprise du droit existant.

Art. 49 - Clause abrogatoire

La présente loi se substitue à toutes les autres actuellement en vigueur, sauf à celle concernant les AF aux salariés dans l'agriculture et aux petits agriculteurs qui concrétise la dispense obtenue par le canton de Genève d'appliquer la LFA. A l'exception de cette dernière, elles sont donc abrogées tout comme les articles 5 à 8 de la loi sur le Fonds d'aide à la famille et la CAFAC. Toutefois, étant donné que l'extension du régime d'allocations familiales aux indépendants est différée, la loi sur les AF aux agriculteurs indépendants n'est pas abrogée immédiatement, garantissant ainsi à ces derniers le maintien du statu quo jusqu'au moment où ils seront intégrés au régime général.

Art. 51 - Modifications d'autres lois

TROISIÈME PARTIE

Titre I

Chapitre II - Section 7

Encouragement à la formation

Art. 120 A - Formation professionnelle

Le loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens et celle sur l'encouragement aux études sont modifiées par l'introduction de l'allocation d'appui à la formation.

Ces deux lois prévoient des allocations d'apprentissage ou d'études pour des jeunes vivant dans des conditions financières relativement modestes. En sus des prestations de base, sont également servies des allocations pour frais de matériel, ainsi que des allocations complémentaires. Ces dernières sont accordées lorsque le répondant de l'apprenti ou de l'étudiant ne reçoit pas l'allocation de formation professionnelle prévue par la loi actuelle sur les AF ou reçoit une allocation inférieure au montant légal maximal.

Dès maintenant la loi sur les AF transforme l'allocation complémentaire en allocation d'encouragement à la formation et fixe des limites de revenu plus généreuses afin que le cercle des bénéficiaires de cette nouvelle prestation soit plus large que celui de l'actuelle allocation complémentaire. Cette disposition vise à atténuer l'effet de seuil dû à la suppression de l'actuelle allocation de formation professionnelle jusqu'à 25 ans.

L'augmentation des barèmes a été arrêtée à 10 000 F par amendement accepté par la commission. L'allocation d'encouragement à la formation, comme les autres allocations prévues par la loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens et la loi sur l'encouragement aux études, sera réduite ou supprimée si les revenus déterminant sont dépassés.

Al. 3 - Les versements interviennent après la compensation.

Al. 3 lettre c) - La péréquation se fait pro capita.

Titre II

Chapitre IV - Allocations pour frais de matériel et allocations d'encouragement à la formation

Voir ci-dessus.

Loi sur le Fonds pour la famille

Titre I - Création, but, ressources et organisation

Art. 1 - Création et but

Le Fonds pour la famille (nouvelle désignation du Fonds d'aide à la famille) contribue au financement des AF aux pêcheurs professionnels, au personnel de maison, aux personnes non actives en général et aux agriculteurs indépendants (pour ces derniers, uniquement pour une période transitoire).

En outre, il verse ses propres prestations à des personnes dans le besoin qui ne remplissent pas les conditions d'octroi pour bénéficier des prestations de la loi genevoise sur les AF ou d'une autre réglementation. En effet, aucune loi générale ne peut prendre en compte toutes les situations qui le mériteraient et la loi sur le Fonds pour la famille a donc maintenant une fonction de filet de sécurité.

Art. 2 - Ressources

Comme par le passé, le Fonds est alimenté par des contributions de la CAFAC, les dons et legs éventuels et les fruits du capital du Fonds. Toutefois, la contribution de la CAFAC ne dépend plus seulement d'un excédent de recettes. Le taux de contribution de la CAFAC doit être fixé de manière à garantir les prestations et une réserve suffisante.

Art. 3 - Réserve

Voir ci-dessus

Art. 5 - Organes d'application

Al. 1 - Inchangé

Al. 2 - Les prestations seront fixées et servies par la Caisse d'allocation familiales pour personnes sans activité qui sera indemnisée pour cette tâche selon les modalités prévues par le règlement d'exécution.

Annexe

Dans le système législatif actuel, fort complexe, il faut être à la fois salarié et avoir des enfants pour bénéficier des allocations familiales.

La loi en vigueur a cependant subi quelques modifications pour prendre en compte des situations particulières ou difficiles. Le législateur a introduit des exceptions à la notion de salarié.

Les chômeurs ont été assimilés aux salariés et les chômeurs en fin de droit aux chômeurs.

En cas de maladie avec incapacité de travail (mais contrat de travail maintenu sans versement de salaire), les allocations continuent d'être versées pendant douze mois dans une période de dix-huit mois. Cette durée peut être prolongée si les parents ont un revenu inférieur à certaines limites.

Quant aux familles monoparentales, ces dernières peuvent bénéficier de l'allocation entière, même si la personne qui a des enfants à charge travaille à temps partiel, pour autant qu'elles remplissent certaines conditions précises fixées par la loi (nombre d'enfants, taux d'activité, etc.).

Le financement des allocations familiales est assuré, d'une part, par des caisses professionnelles regroupées au sein de la Conférence genevoise des caisses d'allocations familiales et, d'autre part, par le service cantonal d'allocation familiales et la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales.

Pour le surplus, le Fonds d'aide à la famille contribue au financement des allocations familiales versées notamment aux agriculteurs indépendants, au personnel de maison, aux chômeurs en fin de droit, aux retraités anticipés pour motifs économiques et aux invalides aux moyens modestes.

ANNEXE 1

1. Historique de la démarche

1.1. Les motions

Conformément à notre législation, le montant des allocations familiales est revu tous les deux ans, en tenant compte de l'évolution des prix, des salaires et des charges des caisses concernées.

Lors de la révision de novembre 1992, la commission des affaires sociales rendant compte de toutes les discussions qui avaient surgi à cette occasion, a proposé un projet de motion (M 836) invitant le Conseil d'Etat

- à étudier la possibilité de modifier la loi actuelle sur les allocations familiales en collaboration avec la Conférence des caisses d'allocations familiales et la caisse cantonale;

- à étudier la possibilité d'intégrer les indépendants comme bénéficiaires.

En janvier 1993, fut également renvoyée au Conseil d'Etat une motion socialiste (M 842) invitant ce dernier

- à étudier, en collaboration avec la conférence des caisses d'allocations familiales et la caisse cantonale, la possibilité de modifier la loi actuelle sur les allocations familiales de manière que tous les parents (salariés ou non) puissent bénéficier d'allocations familiales modulées selon leur revenu.

1.2. Mandat à la Conférence des caisses d'allocations familiales

Le 11 février 1993, conformément aux décisions parlementaires ci-dessus et saisissant l'occasion d'une refonte complète de la législation sur les allocations familiales, le Conseil d'Etat charge la Conférence des caisses d'allocations familiales de «préparer un rapport étudiant sous l'angle de l'opportunité et de la faisabilité, les points suivants, étant entendu que le montant total des allocations familiales versées, en Suisse et à l'étranger, devrait rester inchangé:

a) fusion totale ou partielle des allocations familiales;

b) création d'une allocation maternité versée durant les 6 mois suivant la naissance;

c) allocations familiales variant en fonction du revenu familial;

d) versement des allocations familiales à l'étranger sur la base du «Standard de pouvoir d'achat» de la Communauté européenne;

e) extension aux indépendants des allocations familiales;

f) introduction d'un taux unique de contribution ou, à défaut, d'un taux minimum avec extension de la compensation des charges entre caisses;

g) amélioration de l'information générale sur la situation financière des caisses de compensation;

h) eurocompatibilité du régime des allocations familiales;

i) introduction du principe «un enfant - une allocation», avec étude de ses implications financières.»

(In. Rapport de gestion du Conseil d'Etat 1993 (page 203))

En juin 1993, la Conférence des caisses d'allocations familiales a rendu sa contribution en élaborant trois propositions principales.

- un code des allocations familiales

Comme actuellement, il est principalement fondé sur la notion de salarié en ce qui concerne les bénéficiaires et sur les employeurs en ce qui concerne le financement. Les allocations de base, à montant unique, sont étendues jusqu'à 18 ans, respectivement 16 ans pour les salariés dont les enfants sont domiciliés à l'étranger.

- un projet de loi sur le fonds d'aide à la formation

Remplaçant les actuelles allocations de formation professionnelle, les prestations prévues sont destinées à toute personne (salariée ou non) qui a un enfant à charge entre l'âge de 18 et 25 ans et qui est au bénéfice des prestations de la loi sur l'encouragement aux études ou celle sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens. Le fonds est alimenté par une taxe prélevée par l'Etat sur les caisses d'allocations familiales privées et publiques.

- un projet de loi sur le fonds d'aide à la famille

Sur la base des documents remis par la Conférence des caisses d'allocations familiales, le Conseil d'Etat a ouvert, en juillet 1993, la procédure de consultation des divers milieux intéressés, qui s'est achevée en novembre 1993.

La synthèse point par point de cette consultation sur les propositions de la Conférence des caisses laisse apparaître quelques désaccords majeurs, ainsi que quelques nouvelles suggestions.

ANNEXE 2

2. Projet de la commission d'experts

2.1. Commission d'experts

Afin de reprendre le travail, un arrêté du département de l'action sociale et de la santé nomme «une commission d'experts chargée de procéder à une refonte complète de la législation cantonale sur les allocations familiales et de la regrouper en un seul texte, clair, complet et accessible à tous» (28 avril 1994).

Les membres nommés sont issus des syndicats, du patronat et des diverses formations politiques.

Les membres sont désignés ad personam.

Les points à étudier sont les mêmes que ceux proposés précédemment à la Conférence des caisses d'allocations familiales. La commission est en possession des propositions de la Conférence des caisses d'allocations familiales et des résultats de la consultation.

Au-delà des principes à mettre en oeuvre, la commission a travaillé sur l'estimation des coûts.

2.2. Philosophie du projet

A l'issue des travaux, Mme Hélène Braun, présidente de la commission d'experts a adressé une lettre à M. Guy-Olivier Segond, en date du 23 novembre 1994. Lettre dans laquelle est souligné le caractère constructif des travaux menés par la commission d'experts (Annexe 1).

Les lignes directrices du projet, détaillées dans la lettre, sont les suivantes:

1. «Un enfant - une allocation»

- soit un principe en rupture avec le lien principal d'attribution des allocations familiales aux salariés.

2. Universalité des prestations

- l'universalité des prestations concerne aussi les indépendants, pour lesquels la commission a envisagé, puis abandonné, le principe de volontariat au profit du principe d'universalité plus solidaire et plus viable.

3. Une allocation pour enfant de 0 à 18 ans

- Maintien de l'allocation de naissance et d'accueil à leur niveau actuel.

- Revalorisation de l'allocation pour enfant de 0 à 15 ans. La commission propose que dès l'entrée en vigueur (1er janvier 1996) celle-ci soit portée à 170 F, avec pour objectif que cette allocation, adaptée à l'évolution du coût de la vie, atteigne 200 F en l'an 2000.

- En ce qui concerne les 15-18 ans: conservation de l'allocation de 200 F sans toutefois que celle-ci soit liée à l'obligation de formation. A Genève, 84% des jeunes poursuivent leur formation jusqu'à 18 ans, avec une tendance à l'allongement de cette période.

Le projet à terme souhaite un montant unique d'allocation de 0 à 18 ans.

L'universalité de l'attribution des prestations dans cette tranche d'âge implique une simplification de gestion importante.

4. Une allocation d'encouragement à la formation de 18 à 25 ans sous condition de revenu

- l'allocation complémentaire est transformée en allocation d'encouragement à la formation, elle est attribuée en fonction des revenus et assure ainsi la solidarité nécessaire à la formation des jeunes.

Les fonds dégagés par l'abandon de la prestation généralisée de 18 à 25 ans sont attribués pour améliorer les prestations dues aux enfants entre 0 et 15 ans.

5. Contribution des employeurs: un taux plancher de 1,3% et des frais de gestion limités

- la compensation entre caisses s'en trouve élargie;

- les frais de gestion devront être limités à 7%.

Pour plus de détails, le commentaire article par article de la loi sur les allocations familiales, rédigé à l'issue des travaux de la commission d'experts, apporte toutes les explications utiles (Annexe 2).

6. Le Fonds pour la famille

- Le Fonds pour la famille participera au financement des allocations familiales pour les personnes non actives de même qu'à des personnes dans le besoin qui ne remplissent pas les conditions d'octroi. Le fonds jouera un rôle de «filet de sécurité» pour les plus démunis.

Pour plus de détails, le commentaire article par article de la loi sur le Fonds pour la famille, rédigé à l'issue des travaux de la commission d'experts, apporte toutes les explications utiles (Annexe 3)

7. Couverture financière

- cotisations des employeurs;

- pour les indépendants: contribution de 1,3% sur le revenu minimum soumis à cotisation AVS (minimum de 120 F par an);

- pour les personnes sans activité lucrative, contribution de 10 à 25% du montant des cotisations AVS (pour autant que ces cotisations dépassent le minimum fixé par la loi);

- en ce qui concerne la couverture financière de l'allocation d'encouragement à la formation:

 1. par le budget de l'Etat jusqu'à concurrence des dépenses prévues pour les allocations complémentaires (1995);

 2. par l'excédent de recettes des caisses d'allocations familiales dont le taux de contribution est de 1,3% et, subsidiairement, par celles dont le taux est supérieur à 1,3%, mais inférieur à 2%.

Les autres aspects soumis à examen ont été écartés (voir Annexe 1).

ANNEXE 3

3. Evolution du projet

3.1. Lettre de M. Guy Olivier Segond, chef du département

En date du 5 décembre 1994, M. Guy-Olivier Segond écrit aux membres de la commission d'experts qu'il transmet au Conseil d'Etat, intégralement, sans modifications ou adjonctions, les deux projets de lois, les deux exposés des motifs ainsi que les diverses annexes.

3.2. Conseil d'Etat, 21 décembre 1994

Alors qu'aucune observation écrite n'avait été formulée jusqu'à ce jour par les membres du Conseil d'Etat, une communication, par fax, de la Conférence des caisses d'allocations familiales, signée de M. Michel Barde, président, demande au Conseil d'Etat de «surseoir en l'état à toute décision».

La majorité du Conseil d'Etat obtempère et sursoit.

La presse de la fin de l'année 1994 s'est fait l'écho de cette démarche et des réactions syndicales en particulier.

4. Proposition

Si les travaux de la commission d'experts ont pu être qualifiés de constructifs, voire de consensuels, si par ailleurs ces travaux n'ont pas trouvé sur tous les points une unanimité, les deux projets de lois doivent faire l'objet d'un débat démocratique, autrement dit, parlementaire.

Nous vous soumettons, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de refonte de la législation en matière d'allocations familiales, tel qu'issu des travaux de la commission d'experts mandatés par le département de l'action sociale et de la santé.

Le projet vous est présenté non modifié.

En effet, l'apect très technique de la question se double d'une évidente interprétation politique qui doit faire l'objet d'un examen en commission parlementaire. C'est pourquoi, les «auteurs» du présent projet de loi n'ont pas voulu par avance faire valoir l'un ou l'autre argument possible en marge des propositions du groupe d'experts. C'est au Grand Conseil qu'il appartient d'entendre l'ensemble des partenaires et d'élaborer le projet qui convient.

RÉFORME DE LA LÉGISLATION GENEVOISESUR LES ALLOCATIONS FAMILIALES

(éléments de comparaison avec le régime actuel)

Régime actuel

Financement

a) employeurs privés et publics (contribution sur masse salariale)

b) agriculteurs indépendants (contribution sur leur revenu professionnel)

c) Fonds d'aide à la famille, alimenté par les employeurs publics, surtout l'Etat de Genève

Coût estimé des prestations (1995)

181,7 millions dont

a) 179,165 millions pour les prestations aux salariés (taux env. 1,5% sur une masse salariale de 12 milliards)

b) 2,535 millions pour les prestations aux chômeurs en fin de droit, invalides, employés de maison et agriculteurs indépendants (presque entièrement à charge du Fonds d'aide à la famille)

Nombre d'enfants bénéficiaires

92 860 enfants, dont

a) 91 550 enfants de salariés

b) 370 enfants d'agriculteurs indépendants

c) 700 enfants de chômeurs et invalides

d) 240 enfants d'employés de maison

+ 5 100 naissances toutes catégories confondues

Montant des prestations

135 F par mois 0-10 ans

150 F par mois + 10-15 ans

220 F par mois + 15-25 ans avec condition de formation, mais sans condition de revenu

1 000 F par naissance ou accueil

Régime proposé

Financement

a) employeurs privés et publics (contribution sur masse salariale)

b) indépendants (contribution sur leur revenu professionnel)

c) Fonds pour la famille, alimenté par les employeurs publics, surtout l'Etat de Genève

d) possibilité de prélever des contributions auprès de certains non-actifs

Coût estimé des prestations (1995)

215,037 millions (+ 33,33 millions), dont

a) 181,283 millions (+ 2,118 millions) pour les prestations aux salariés (taux env. 1,51% sur une masse salariale de 12 milliards)

b) 15,832 millions (+ env. 15,3 millions) pour les prestations aux indépendants (taux env. 1,35% sur 1,17 milliard de revenu)

c) 8,172 millions (+ env. 6 millions) pour les prestations aux non-actifs et employés de maison

d) 9,750 millions pour les prestations aux jeunes de +18-25 ans en formation et ayant des revenus modestes (à charge des employeurs et indépendants)

Nombre d'enfants bénéficiaires

97 568 enfants (+ 4 708), dont

a) 82 746 (-8 804) enfants de salariés

b) 7 344 (+ 6 974) enfants d'indépendants

c) 3 548 (+ 2 848) enfants de non-actifs

d) 240 enfants d'employés de maison

e) 3 690 jeunes de +18-25 ans en formation et de condition modeste (toutes catégories)

+ 5 275 naissances toutes catégories confondues

Montant des prestations

170 F par mois 0-15 ans

220 F par mois + 15-18 ans, sans condition de revenu ni de formation

220 F par mois + 18-25 ans avec condition de formation et de revenu

1 000 F par naissance ou accueil

(PL 7198)

PROJET DE LOI

sur les allocations familiales

(J 7 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

TITRE I

Champ d'application

Article 1

Principe

La présente loi régit l'octroi de prestations, sous forme d'allocations familiales, pour tout enfant à la charge d'une personne assujettie à la loi.

Art. 2

Assujettissement

1 Sont assujetties à la loi:

a)

les personnes salariées au service d'un employeur tenu de s'affilier à une caisse d'allocations familiales ou d'un employeur de personnel de maison domicilié dans le canton;

b)

les personnes, domiciliées dans le canton, qui exercent une activité indépendante ou qui paient des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salariés d'un employeur non tenu de cotiser;

c)

les personnes sans activité lucrative, domiciliées dans le canton et assujetties à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946.

2 Sauf disposition contraire du règlement d'exécution, la notion de personne salariée, indépendante ou sans activité lucrative est celle prévue par la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants.

TITRE II

Bénéficiaires

Art. 3

Bénéficiaires

1 Une personne assujettie à la loi peut bénéficier des prestations si elle a la garde d'un ou de plusieurs enfants ou si elle exerce l'autorité parentale ou encore si elle en assume l'entretien de manière prépondérante et durable.

Concours de droit

2 Si deux personnes assujetties à la loi remplissent, à l'égard du même enfant, les conditions de l'alinéa premier, le droit aux prestations appartient, par ordre de priorité:

a)

à la personne qui a la garde de l'enfant;

b)

à la personne qui assume son entretien de manière prépondérante et durable.

3 Lorsque l'enfant est sous la garde conjointe de ses parents et qu'ils sont tous deux assujettis à la loi, les prestations sont accordées, par ordre de priorité:

a)

à celui des deux parents qui exerce une activité lucrative;

b)

à celui des deux parents qu'ils désignent conjointement, si tous deux exercent une activité lucrative.

TITRE III

Allocations

Art. 4

Nature, but et genre des

allocations

1 Les allocations familiales sont des prestations sociales en espèces, uniques ou périodiques, indépendantes du salaire, du revenu ou du degré d'activité, destinées à participer partiellement à la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants.

2 Elles doivent être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants.

3 Elles sont incessibles, insaisissables et soustraites à toute exécution forcée, sous réserve des articles 11 et 47.

4 Les allocations familiales comprennent :

a)

l'allocation de naissance;

b)

l'allocation d'accueil;

c)

l'allocation pour enfant.

Art. 5

L'allocation denaissance

L'allocation de naissance est une prestation unique accordée pour l'enfant né d'une mère domiciliée en Suisse.

Art. 6

L'allocation d'accueil

L'allocation d'accueil est une prestation unique accordée pour l'enfant mineur placé en vue d'adoption dans une famille domiciliée en Suisse.

Art. 7

L'allocation pour enfant

1 L'allocation pour enfant est une prestation mensuelle accordée dès le mois qui suit celui de la naissance de l'enfant ou de son placement en vue d'adoption jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 18 ans s'il est domicilié en Suisse ou de 15 ans s'il ne l'est pas.

2 Si les conditions d'octroi pour l'allocation de naissance ou d'accueil ne sont pas réalisées, l'allocation pour enfant est accordée dès et y compris le mois de la naissance ou du placement de l'enfant.

Art. 8

Montants des allocations

1 L'allocation de naissance ou d'accueil est de 1 000 F.

2 L'allocation pour enfant est de

a)

170 F/mois pour l'enfant jusqu'à l'âge de 15 ans;

b)

220 F/mois pour l'enfant de plus de 15 ans.

3 Tous les 2 ans et après avoir consulté les associations professionnelles ainsi que les milieux intéressés, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil l'adaptation des montants prévus aux alinéas 1 et 2. L'indice d'adaptation est fixé en considération de l'évolution des prix, des salaires et des taux de contribution appliqués par les caisses d'allocations familiales.

Art. 9

Cumul de prestations

1 Le même enfant ne donne pas droit à plus d'une allocation du même genre.

2 Sous réserve des dispositions particulières du règlement d'exécution ou des conventions et accords visés à l'article 45, alinéa 2, les allocations prévues par la présente loi ne sont pas dues si le même enfant ouvre droit à des prestations familiales en vertu d'une autre législation ou de rapports de service régis par le droit public interne ou international.

3 Toutefois, outre les allocations mentionnées à l'article 4, alinéa 4, les salariés dans l'agriculture peuvent prétendre celles prévues par la loi fédérale, du 20 juin 1952, sur les allocations familiales dans l'agriculture dans tous les cas où cette loi leur est plus favorable.

Art. 10

Début et fin du droit

1 Les allocations sont versées dès le premier jour du mois au cours duquel le droit a pris naissance et jusqu'à la fin du mois dans lequel le droit s'éteint.

2 Toutefois, en cas de décès du bénéficiaire, le droit subsiste encore pendant trois mois.

Art. 11

Paiement des allocations

1 Les allocations familiales sont payées, en général, au bénéficiaire.

2 Les allocations peuvent être payées, sur demande motivée, à un tiers ou à une autorité si le bénéficiaire ne les utilise pas ou risque de ne pas les utiliser pour l'entretien de l'enfant.

Art. 12

Paiement d'allocations

arriérées et

restitution d'allocations

perçues sans droit

1 Le droit aux allocations familiales arriérées s'éteint deux ans après la fin du mois pour lequel elles étaient dues.

2 Les allocations perçues sans droit doivent être restituées. La restitution n'est pas demandée, lorsque celui auquel elles ont été payées était de bonne foi et que ses ressources financières sont modestes.

3 Le droit de demander la restitution s'éteint 2 ans après le paiement des allocations. Si ce droit naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est alors déterminant.

TITRE IV

Organisation

CHAPITRE I

Principe

Art. 13

Organes d'application

La loi sur les allocations familiales est appliquée par les caisses d'allocations familiales et par l'organe chargé de mettre en oeuvre la compensation des charges des caisses.

CHAPITRE II

Caisses d'allocations familiales privées

Art. 14

Caisses professionnelles

et inter-professionnelles

Une caisse d'allocations familiales professionnelle ou interprofessionnelle est autorisée à appliquer la présente loi :

a)

si elle est créée par une ou plusieurs associations professionnelles ou interprofessionnelles organisées corporativement selon les règles du code civil ou du code des obligations suisses;

b)

si elle groupe au moins soit :

1° 100 employeurs,

2° 1 500 salariés,

3° 100 personnes exerçant une activité indépendante;

c)

si elle offre la garantie d'une saine gestion, assurée par un conseil qui, dans les caisses groupant des employeurs, doit comprendre un nombre égal de représentants d'employeurs et de salariés.

Art. 15

Procédure d'autorisation

Les associations qui veulent obtenir une autorisation de pratiquer pour une caisse d'allocations familiales doivent présenter une demande écrite au Conseil d'Etat et joindre les statuts de la caisse, ainsi que les documents nécessaires pour déterminer si les conditions de l'article 14 sont réalisées.

Art. 16

Dissolution d'une caisse

1 Toute décision de dissolution doit être prise par l'organe compétent de la caisse et portée sans délai à la connaissance du Conseil d'Etat qui fixe la date de la dissolution.

2 Lorsque l'une des conditions énumérées à l'article 14 n'est plus remplie de façon permanente ou que les organes d'une caisse se sont rendus coupables de manquements graves et réitérés à leurs devoirs, celle-ci est dissoute par le Conseil d'Etat.

3 Le solde de liquidation est versé au Fonds pour la famille, sous réserve d'une reprise de ce solde par une autre caisse lorsqu'il y a fusion ou absorption.

Art. 17

Contrôle et révision

1 Les caisses doivent être contrôlées chaque année par un organe de révision neutre.

2 La révision doit s'étendre à la comptabilité, à la gestion ainsi qu'à l'application conforme des dispositions légales.

3 Chaque année, les caisses fournissent au Conseil d'Etat leurs comptes et le rapport des vérificateurs. Elles doivent en outre indiquer le taux de contribution, le pourcentage affecté à la couverture des frais de gestion ainsi que le nombre et le genre des allocations versées.

CHAPITRE III

Caisses d'allocations familiales publiques

Art. 18

Création

Service cantonal

d'allocations familiales

1 Est créé un service cantonal d'allocations familiales, qui est un établissement autonome de droit public rattaché administrativement à la caisse cantonale genevoise de compensation instituée par la loi d'application, du 13 décembre 1947, de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants.

Caisse d'allocations

familiales des administra-

tions et institutions

cantonales

2 Est créée une caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales, qui est un établissement autonome de droit public rattaché administrativement au service cantonal d'allocations familiales, qui reçoit une indemnité pour couvrir les frais de gestion, fixée par le Conseil d'Etat.

Caisse d'allocations

familiales pour personnes

sans activité

3 Est créée une caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité, qui est un établissement autonome de droit public rattaché administrativement au service cantonal d'allocations familiales, qui reçoit une indemnité pour couvrir les frais de gestion, fixée par le Conseil d'Etat.

Art. 19

Fixation du taux de contribution

Le Conseil d'Etat fixe périodiquement le taux de contribution du service cantonal d'allocations familiales et de la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales, conformément aux articles 27 et 28.

Art. 20

Surveillance, contrôle

et révision

1 La commission de surveillance de la caisse cantonale genevoise de compensation instituée par la loi d'application, du 13 décembre 1947, de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants exerce la surveillance sur les caisses publiques.

2 L'article 17 est applicable par analogie.

CHAPITRE IV

Tâches des caisses d'allocations familiales

Art. 21

En général

Les caisses fixent et perçoivent les contributions dues par leurs affiliés, déterminent et paient les allocations familiales conformément aux dispositions de la présente loi. Elles participent, dans les limites de la loi, à la compensation partielle des charges et contrôlent que quiconque est soumis à la loi se conforme aux prescriptions.

Art. 22

Dispositions particulières

1 Les caisses professionnelles ou interprofessionnelles appliquent la présente loi aux employeurs, aux salariés et aux personnes exerçant une activité indépendante.

2 La caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales applique la loi aux employeurs et aux salariés.

3 La caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité applique la loi aux personnes sans activité lucrative ainsi qu'au personnel de maison.

4 Le service cantonal d'allocations familiales applique la loi aux employeurs, aux salariés et aux personnes exerçant une activité indépendante. Il veille en outre au respect de l'obligation de s'affilier à une caisse d'allocations familiales et tient un fichier central de tous les affiliés.

Art. 23

Affiliation à une caisse

d'allocations familiales

Employeurs

1 Doit obligatoirement être affilié à une caisse quiconque a qualité d'employeur au sens de l'article 12 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946, s'il possède un établissement stable dans le canton. L'alinéa 2 ainsi que les accords visés à l'article 45, alinéa 2, sont réservés.

2 L'alinéa 1 n'est pas applicable aux

a)

administrations et institutions fédérales;

b)

institutions d'intérêt public énumérées par le règlement d'exécution;

c)

employeurs étrangers et organisations internationales et intergouvernementales exempts de l'obligation de payer des cotisations en vertu de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946;

d)

employeurs de personnel de maison.

Personnes de condition indépendante et salariés

d'un employeur exempté

de l'AVS

3 Doivent obligatoirement être affiliés à une caisse les personnes domiciliées dans le canton, qui exercent une activité indépendante ou qui paient des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salariés d'un employeur non tenu de cotiser.

Personnes sans activité

4 Le Conseil d'Etat peut déclarer obligatoire l'affiliation des personnes sans activite lucrative, s'il fait usage de la possibilité prévue à l'article 29.

Art. 24

Caisse compétente

1 Sont affiliés aux caisses d'allocations familiales professionnelles ou interprofessionnelles les employeurs visés à l'article 23, alinéa 1, qui sont membres d'une association fondatrice, sauf ceux mentionnés à l'alinéa 3.

2 Sont affiliées aux caisses d'allocations familiales professionnelles ou interprofessionnelles les personnes exerçant une activité indépendante qui sont membres d'une association fondatrice.

3 Sont affiliés à la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales les administrations de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des communes, les établissements d'instruction publique qui sont en tout ou en partie à la charge de l'Etat, les institutions publiques d'assistance, les établissements et fondations de droit public, ainsi que les établissements et entreprises de droit privé dans lesquels l'Etat a des intérêts prépondérants.

4 Les personnes visées à l'article 23, alinéa 4, doivent être affiliées à la caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité lucrative.

5 Sont obligatoirement affiliés au service cantonal d'allocations familiales tous les employeurs et personnes exerçant une activité indépendante qui ne sont pas visés aux alinéas 1, 2 et 3, ainsi que les personnes qui paient des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salarié d'un employeur non tenu de cotiser.

Art. 25

Changement de caisse

Dans la mesure où l'article 24 n'en dispose pas autrement, le changement de caisse est autorisé aux conditions prévues par la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, applicable par analogie.

TITRE V

Couverture financière

Art. 26

Principe

Les allocations familiales sont financées par les contributions des employeurs, des personnes physiques tenues de s'affilier à une caisse d'allocations familiales et les subsides du Fonds pour la famille.

Art. 27

Contributions des

employeurs

1 Les employeurs visés à l'article 23, alinéa 1, paient des contributions en espèces, fixées en pour-cent des salaires soumis à cotisations dans l'assurance-vieillesse et survivants fédérale, versés aux personnes dépendantes de l'établissement stable qu'ils possèdent dans le canton.

2 Le taux de contribution correspond au moins à 1,3% de la masse des salaires mentionnée à l'alinéa premier.

Affectation

3 Les contributions versées aux caisses privées et au service cantonal d'allocations familiales sont affectées exclusivement

a)

au paiement des allocations familiales;

b)

à l'approvisionnement du fonds de réserve;

c)

à la compensation des charges;

d)

au financement des allocations d'encouragement à la formation prévues par l'article 120A de la loi sur l'orientation, la formation et le travail des jeunes gens, du 25 juin 1985, et par l'article 36A de la loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989;

e)

à la couverture des frais de gestion dont le taux maximal est fixé par le Conseil d'Etat.

4 Les contributions versées à la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales doivent couvrir les charges mentionnées à l'alinéa 3 et garantir en outre un versement annuel au Fonds pour la famille suffisant pour assurer la couverture de la réserve prévue à l'article 3, alinéa 1, de la loi sur le Fonds pour la famille (à préciser).

Art. 28

Contributions des indépendants et des salariés

d'un employeur exempt

de l'AVS

1 Les personnes de condition indépendante et les salariés d'un employeur non tenu de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants paient une contribution de 1,3% au moins sur le revenu soumis à cotisations dans l'assurance-vieillesse et survivants fédérale, mais au minimum 120 F par année.

2 Les contributions doivent servir exclusivement à la couverture des charges mentionnées à l'article 27, alinéa 3.

Art. 29

Contributions des personnes sans activité lucrative

1 Afin d'alléger les charges de la caisse d'allocations pour personnes sans activité, le Conseil d'Etat peut prévoir que ces personnes paient une contribution fixée en pourcent des cotisations dues à l'assurance-vieillesse et survivants fédérale, si celles-ci dépassent le minimum prévu par l'article 10 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946.

2 Cette contribution s'élèvera à 10% au moins et 25% au plus des cotisations AVS/AI/APG et sera déterminée selon un barème progressif.

Art. 30

Procédure de fixation et

de perception

des contributions

1 Sous réserve des exceptions prévues par la présente loi et ses dispositions d'exécution, la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants s'applique par analogie à la procédure de fixation et de perception des contributions, de remise et de réduction, ainsi qu'à la péremption du droit de réclamer des contributions arriérées dues par les employeurs et les personnes visées à l'article 28.

2 Il ne peut y avoir remise ou réduction de la contribution personnelle fixe prévue à l'article 28, alinéa 1.

Dommage causé

par l'employeur

3 L'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse d'allocations familiales est tenu de le réparer. L'article 52 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants s'applique par analogie.

Art. 31

Subsides du Fonds

pour la famille

Les subsides du Fonds pour la famille couvrent

a)

les charges provenant du versement des allocations familiales aux personnes sans activité lucrative dans la mesure où elles ne sont pas couvertes par les contributions prévues à l'article 29;

b)

les allocations familiales versées au personnel de maison y compris les frais de gestion.

Art. 32

Fonds de réserve

Les caisses d'allocations familiales mentionnées aux articles 14 et 18, alinéas 1 et 2, créent un fonds de réserve, destiné exclusivement à parer aux insuffisances temporaires de recettes, dont le montant correspond à trois mois au moins et douze mois au plus d'allocations, calculé sur la base de celles payées au cours des deux dernières années.

Art. 33

Compensation des charges

des caisses d'allocations familiales

1 Entre les caisses d'allocations familiales qui ne reçoivent pas de subsides du Fonds pour la famille est instituée une compensation partielle des charges qui résultent de l'application de la présente loi.

2 Le Conseil d'Etat désigne l'organe chargé de l'exécution de cette tâche.

Art. 34

Etendue de la compen-

sation et procédure

1 La compensation n'est accordée que sur requête écrite présentée dans les délais et selon les modalités prévues par le règlement d'exécution.

2 Elle porte exclusivement sur la somme affectée au paiement des allocations prévues à l'article 4, alinéa 4, qui, durant l'année civile précédant celle du dépôt de la requête, a dépassé un pourcentage, fixé par le Conseil d'Etat, des salaires et revenus sur lesquels la caisse concernée a prélevé des contributions selon les articles 27, alinéa 1, et 28, alinéa 1.

3 Le montant global à compenser correspond à la somme de celui, calculé selon l'alinéa 2, de toutes les caisses ayant demandé la compensation.

4 Il est supporté par les caisses qui n'ont pas déposé la requête prévue à l'alinéa premier.

5 Chaque caisse visée à l'alinéa 4 doit une somme forfaitaire pour tout salarié occupé par ses affiliés et pour chaque adhérent exerçant une activité lucrative indépendante. Fait foi l'effectif du mois de décembre de l'année déterminante pour le calcul du montant de la compensation selon l'alinéa 2.

6 La somme forfaitaire correspond au montant global à compenser, divisé par l'effectif déterminé selon les critères de l'alinéa 5, de l'ensemble des caisses visées à l'alinéa 4.

7 Les montants dus au titre de la compensation des charges sont versés, dans les délais impartis par le règlement d'exécution, à l'organe visé à l'article 33 qui les répartit aux caisses intéressées.

TITRE VI

Procédure et contentieux

CHAPITRE I

Procédure

Art. 35

Exercice du droit à l'allocation

1 Le droit de demander les allocations familiales appartient au bénéficiaire au sens de l'article 3 ou à son représentant légal, à son conjoint, à ses parents ou grands-parents ainsi qu'à la personne ou à l'autorité pouvant exiger, conformément à l'article 11, que les allocations familiales lui soient versées.

2 La demande doit être faite par écrit, sur une formule officielle, auprès de la caisse compétente pour le bénéficiaire, soit :

a)

s'il est salarié, la caisse à laquelle est affilié son employeur;

b)

s'il est de condition indépendante ou salarié d'un employeur non tenu de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants, la caisse à laquelle il est affilié;

c)

s'il est sans activité lucrative ou employé de maison, la caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité.

3 Le requérant doit fournir toutes les preuves utiles.

4 Les caisses peuvent refuser l'octroi des allocations lorsque le requérant produit, à l'appui de ses prétentions, des documents dont la valeur probante paraît insuffisante, ou s'il ne fournit pas, dans les délais impartis, toutes les pièces requises.

Art. 36

Obligation d'informer

Le bénéficiaire tout comme celui auquel les allocations sont versées doit signaler sans délai tout changement pouvant influer sur le droit à l'allocation ou susceptible d'entraîner la désignation d'un nouveau bénéficiaire.

Art. 37

Décisions

Tous les actes d'administration par lesquels une caisse d'allocations familiales statue sur des droits ou obligations découlant de la présente loi doivent revêtir la forme d'une décision écrite, motivée et comportant l'indication des voies de droit.

CHAPITRE II

Contentieux

Art. 38

Recours et action

1 Les décisions des caisses peuvent, dans les 30 jours à partir de leur notification, être portées devant la commission de recours prévue à l'article 41.

2 La commission de recours, saisie par voie d'action directe, statue sur les différends entre caisses d'allocations familiales relatifs à l'application de la présente loi.

3 Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des recours contre les décisions prises par l'organe d'application de la compensation prévue à l'article 34.

Art. 39

Qualité pour agir

1 A qualité pour recourir ou pour ouvrir action quiconque est touché par la décision ou par le différend et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée ou à ce qu'il soit jugé.

2 Le même droit appartient aux mêmes conditions aux personnes mentionnées à l'article 35, alinéa 1.

Art. 40

Force de chose jugée

et exécution

1 Les décisions des organes d'application passent en force de chose jugée lorsqu'elles n'ont pas fait l'objet d'un recours en temps utile.

2 Les décisions des organes d'application et celles de l'autorité de recours passées en force qui portent sur une prestation pécuniaire sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l'article 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889.

Art. 41

Commission cantonale

de recours en matière

d'allocations familiales

1 Il est institué une commission cantonale de recours en matière d'allocations familiales.

2 Elle comprend un président, quatre membres titulaires et des suppléants, nommés pour une durée de quatre ans, renouvelable, par le Conseil d'Etat. A l'exception du président, les membres et suppléants sont nommés à parts égales sur présentation des associations représentatives des employeurs et des salariés.

3 Elle applique les règles de procédure valables pour la commission cantonale de recours en matière d'assurance-vieillesse et survivants instaurée par l'article 17 de la loi d'application, du 13 décembre 1947, de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants. Le recourant qui obtient gain de cause n'a cependant pas droit au remboursement de ses frais et dépens ni de ceux de son mandataire.

TITRE VII

Dispositions pénales

Art. 42

Sommations et amendes

1 Quiconque ne se conforme pas, dans les délais impartis, aux obligations découlant de la présente loi, reçoit une sommation qui le rend attentif aux conséquences de son inobservation et met à sa charge une taxe de 20 F à 50 F, immédiatement exigible.

2 Quiconque n'a pas donné suite à la sommation dans les quinze jours depuis sa notification reçoit une amende d'ordre de 75 F ou, en cas de récidive, de 150 F.

3 Les sommations et prononcés d'amende doivent revêtir la forme prescrite à l'article 37 et peuvent, dans les 30 jours à partir de leur notification, être portés devant la commission de recours prévue à l'article 41.

Art. 43

Contraventions et autorité

de poursuite

1 La personne qui:

a)

en violation de son obligation ne s'affilie pas à une caisse d'allocations familiales;

b)

élude ou tente d'éluder le paiement des contributions;

c)

s'oppose aux contrôles prescrits pour assurer l'application de la présente loi ou les empêche;

d)

étant astreinte à donner des renseignements, en fournit sciemment de faux ou d'incomplets, ou refuse d'en fournir;

e)

par des renseignements faux ou incomplets ou de toute autre manière aura obtenu, pour elle-même ou pour autrui, sur la base de la présente loi, une prestation indue

est passible des arrêts ou d'une amende de 2 000 F au plus, ou des deux peines cumulées.

2 Le Tribunal de police est compétent pour connaître des infractions énumérées à l'alinéa 1.

TITRE VIII

Dispositions transitoires et finales

Art. 44

Droit transitoire

1 Les caisses d'allocations familiales reconnues au sens de la législation en vigueur au 31 décembre 1996 sont considérées comme étant des caisses autorisées au sens de l'article 15.

2 Les dispenses de l'obligation de s'affilier accordées en vertu de l'article 11, alinéas 2 et 3, de la loi sur les allocations familiales aux salariés, du 24 juin 1961, restent valables même après l'entrée en vigueur de la présente loi.

3 Les caisses d'allocations familiales dont les frais de gestion ne respectent pas les normes de la présente loi et de ses dispositions d'exécution disposent d'un délai de cinq ans, dès son entrée en vigueur, pour régulariser leur situation.

4 Les caisses d'allocations familiales visées à l'article 32 disposent d'un délai de deux ans, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, pour créer le fonds de réserve.

Art. 45

Droit supplétif et dérogatoire

Renvoi à la LAVS

1 Pour tout ce qui n'est pas expressément réglé par la présente loi, il est fait renvoi à la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, applicable par analogie.

Conflits de loi et

de compétence

2 A l'effet de coordonner la législation genevoise sur les allocations familiales avec celle des autres cantons, de la Confédération, des organisations internationales établies à Genève ou encore avec celle de pays étrangers et de régler des conflits de compétence, le Conseil d'Etat reçoit tous pouvoirs pour conclure des accords pouvant déroger aux règles de la présente loi ou pour proposer aux autorités fédérales compétentes la conclusion de conventions internationales ou leur modification.

Statut des frontaliers

3 En dérogation à l'article 7, alinéa 1, l'enfant d'un travailleur frontalier a droit à l'allocation pour enfant jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 18 ans.

Statut des requérants

d'asile

4 Le droit aux allocations familiales des enfants, vivant à l'étranger, d'un bénéficiaire qui est requérant d'asile est régi par l'article 21b de la loi fédérale sur l'asile, du 5 octobre 1979, et de ses dispositions d'exécution.

Art. 46

Obligation de collaborer

Les autorités administratives et judiciaires du canton et des communes, les caisses d'allocations familiales, tout comme les personnes soumises à la loi doivent collaborer gratuitement à sa mise en oeuvre.

Art. 47

Compensation

Les créances de contributions personnelles et les créances en restitution d'allocations perçues sans droit découlant de la présente loi peuvent être compensées avec des prestations échues.

Art. 48

Règlement d'exécution

Le Conseil d'Etat est chargé d'édicter le règlement d'exécution de la présente loi.

Art. 49

Clause abrogatoire

Sont abrogés:

a)

la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés, du 24 juin 1961 (J 7 1);

b)

la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés mis à la retraite anticipée pour des raisons économiques, du 12 février 1981 (J 7 7,5);

c)

la loi instituant une compensation partielle des charges entre caisses d'allocations familiales, du 17 janvier 1980 (J 7 10);

d)

les articles 5 à 8 de la loi sur le fonds d'aide à la famille et la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales, du 2 juillet 1955 (J 7 8).

Art. 50

Entrée en vigueur

1 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1997, sauf les articles 2, alinéa 1, lettre b, et 28 qui entrent en vigueur le 1er janvier 2000.

2 Est abrogée, dès le 1er janvier 2000, la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants du 2 juillet 1955.

Art. 51

Modifications d'autres lois

(J 7 5)

1 La loi concernant les allocations familiales aux salariés de l'agriculture et aux petits agriculteurs indépendants, du 16 novembre 1962, est modifiée comme suit :

Art. 2 (nouvelle teneur)

Salariés de l'agriculture

Tant que la loi fédérale n'est pas applicable sur le territoire genevois, les salariés dans l'agriculture résidant ou travaillant dans le canton ont droit

a)

aux allocations prévues par la loi sur les allocations familiales du (à préciser);

b)

aux allocations prévues par la loi fédérale, du20 juin 1952, sur les allocations familiales dans l'agriculture dans tous les cas où cette loi leur est plus favorable.

Art. 4 (nouvelle teneur)

Compensation

Les allocations prévues à l'article 2 sont versées conformément aux règles de la loi sur les allocations familiales du (à préciser) et peuvent faire l'objet de la compensation prévue aux articles 33 et 34 de ladite loi.

***

(C 2 1)

2 La loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens, du 25 juin 1985, est modifiée comme suit :

Art. 88 A (nouvelle teneur)

Affiliation

Sont astreints à la cotisation, au sens de l'article 88, alinéa 1, lettre a, les employeurs tenus de s'affilier à une caisse d'allocations familiales et astreints au paiement de contributions, conformément aux articles 23, alinéa 1, et 27 de la loi sur les allocations familiales du (à préciser) (ci-après loi sur les allocations familiales).

Art. 88 B, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Sont considérées comme salariés, au sens de l'alinéa 1, toutes les personnes occupées par un employeur visé à l'article 88 A, alinéa 1, au mois de décembre de l'année déterminante pour le calcul du montant de la compensation prévue par l'article 34 de la loi sur les allocations familiales.

Art. 88 C, al. 1 (nouvelle teneur)

Organes chargés de la perception

1 La cotisation est perçue par les Caisses d'allocations familiales regroupant les employeurs visés à l'article 88 A.

Art. 88D, lettre a (nouvelle teneur)

 lettre b (abrogée, les lettre c, d, e  et f devenant les lettre b, c, d et e)

Compétences relatives

à la procédure

a)

constater l'assujettissement ou l'exemption des employeurs au sens de l'article 88 A et rendre les décisions y relatives;

Art. 88E, al. 1 (nouvelle teneur)

 al. 3 (abrogé)

1 Les décisions prises en application de l'article 88 D, lettres a, b et d, peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Commission cantonale de recours en matière d'allocations familiales prévue à l'article 41 de la loi sur les allocations familiales.

Art. 104 (abrogé)

TROISIÈME PARTIE

TITRE I

CHAPITRE II

SECTION 7

Encouragement à la formation (nouvelle)

Art. 120 A (nouveau)

Formation

professionnelle

1 En vue de promouvoir la formation professionnelle au sens de l'article 96, les personnes visées à l'article 97 ont droit à une allocation d'encouragement à la formation si le revenu du groupe familial pris en considération conformément aux articles 98 et 99 ne dépasse pas de plus de 10 000 F celui donnant droit à l'allocation minimale selon l'article 102.

2 L'allocation d'encouragement à la formation, qui est servie dès le mois qui suit le 18e anniversaire du bénéficiaire mais au plus tard jusqu'à ce qu'il a atteint 25 ans, correspond au maximum au montant annuel de l'allocation pour l'enfant de plus de 15 ans prévue à l'article 8 de la loi sur les allocations familiales. Elle est réduite selon les critères fixés à l'article 102 et est supprimée si elle n'atteint pas 250 F.

3 L'allocation d'encouragement à la formation est financée par :

a)

le budget de l'Etat jusqu'à concurrence des dépenses, indexées au coût de la vie, occasionnées, en 1996, par l'application de l'ancien article 104;

b)

par les caisses d'allocations familiales visées à l'article 34, alinéa 4, de la loi sur les allocations familiales dont le taux de contribution est de 1,3%, qui versent à l'Etat l'excédent de leurs recettes après déduction des charges qu'elles assument en vertu de la loi sur les allocations familiales;

c)

subsidiairement par les caisses d'allocations familiales mentionnées ci-dessus dont le taux de contribution est supérieur à 1,3% mais inférieur à 2%, qui versent une contribution forfaitaire pour chaque personne mentionnée à l'article 34, alinéa 5, de la loi sur les allocations familiales, calculée selon les critères fixés à l'article 34, alinéa 6, de ladite loi.

4 Dans la mesure où les alinéas précédents n'y dérogent pas, les articles 96 à 119 sont applicables par analogie.

***

(C 1 1,5)

3 La loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989, est modifiée comme suit :

TROISIÈME PARTIE

TITRE II

CHAPITRE IV

Allocations pour frais de matériel et allocations

d'encouragement à la formation

(nouvelle teneur)

Art. 36 (nouvelle teneur)

Allocation pour frais

de matériel

Tout allocataire a droit à une allocation annuelle pour frais de matériel fixée à 440 F pour des études au niveau de l'enseignement secondaire et à 710 F pour des études au niveau de l'enseignement universitaire.

Art. 36 A (nouveau)

1 En vue d'inciter les jeunes adultes à développer leurs connaissances au sens de l'article 1, ils ont droit à une allocation d'encouragement à la formation s'ils remplissent les conditions de l'article 14 et si le revenu du groupe familial pris en considération conformément aux articles 17 à 26 ne dépasse pas de plus de 10 000 F celui donnant droit à l'allocation minimale selon l'article 34.

2 L'allocation d'encouragement à la formation, qui est servie dès le mois qui suit le 18e anniversaire du bénéficiaire mais au plus tard jusqu'à ce qu'il a atteint 25 ans, correspond au maximum au montant annuel de l'allocation pour l'enfant de plus de 15 ans prévue à l'article 8 de la loi sur les allocations familiales du (à préciser). Elle est réduite selon les critères fixées à l'article 34 et elle est supprimée si elle n'atteint pas 250 F.

3 L'allocation d'encouragement à la formation est financée par :

a)

le budget de l'Etat jusqu'à concurrence des dépenses, indexées au coût de la vie, occasionnées, en 1996, par l'application de l'ancien article 36, alinéa 1;

b)

par les caisses d'allocations familiales visées à l'article 34, alinéa 4, de la loi sur les allocations familiales dont le taux de contribution est de 1,3%, qui versent à l'Etat l'excédent de leurs recettes après déduction des charges qu'elles assument en vertu de la loi sur les allocations familiales;

c)

subsidiairement par les caisses d'allocations familiales mentionnées ci-dessus dont le taux de contribution est supérieur à 1,3% mais inférieur à 2%, qui versent une contribution forfaitaire pour chaque personne mentionnée à l'article 34, alinéa 5, de la loi sur les allocations familiales, calculée selon les critères fixés à l'article 34, alinéa 6, de ladite loi.

4 Dans la mesure où les alinéas précédents n'y dérogent pas, les dispositions de la troisième partie sont applicables par analogie.

***

(D 3 1)

4 La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :

Art. 347, al. 2, dernière phrase (nouvelle teneur)

lettre l (nouvelle)

de la loi sur les allocations familiales du (à préciser), respectivement et exclusivement :

l) au personnel des caisses d'allocations familiales.

Art. 347, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Les personnes visées à l'alinéa 2, lettres a, b, c, d, e, f, g, i, j, k et l, prêtent le serment prévu à l'alinéa 1.

Art. 29

Personnes sans activité lucrative

1 Les personnes sans activité lucrative tenues de payer des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants fédérale paient une contribution fixée en pour-cent desdites cotisations, si elle dépassent le minimum prévu par l'article 10 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946.

2 Cette contribution s'élève à 10% au moins et à 25% au plus des cotisations AVS/AI/APG et est déterminée selon un barème progressif établi par le Conseil d'Etat.

3 Les personnes sans activité lucrative ayant atteint l'âge ouvrant droit à une rente de vieillesse de l'AVS paient un supplément de 0,... % sur tout revenu imposable qui dépasse 50 000 F.

N. B.: Le pendant de l'article 29, alinéa 3, sera inséré à la LPC à l'endroit où est prévue la CSG.

Art. 44 - variante II

Droit transitoire

1 Les caisses d'allocations familiales reconnues au sens de la législation en vigueur au 31 décembre 1995 sont considérées comme étant des caisses autorisées au sens de l'article 15.

2 Elles disposent d'un délai de 5 ans pour adapter leurs structure et organisation aux exigences de la présente loi, notamment de son article 14.

3 Les caisses d'allocations familiales visées à l'article 32 disposent d'un délai de 2 ans, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, pour créer le fonds de réserve.

4 Les dispenses de l'obligation de s'affilier accordées en vertu de l'article 11, alinéas 2 et 3, de la loi sur les allocations familiales aux salariés, du 24 juin 1961, restent valables même après l'entrée en vigueur de la présente loi.

(PL 7199)

PROJET DE LOI

sur le fonds pour la famille

(J 7 8)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

TITRE I

Création, but, ressources et organisation

Article 1

Création et but

Il est créé, dans les comptes de l'Etat, un Fonds pour la famille qui a pour but :

a)

de contribuer au financement des allocations familiales dans les conditions prévues par la législation cantonale en la matière ainsi que de celles prescrites par l'article 37 de la loi fédérale sur la pêche, du 14 décembre 1974;

b)

de verser des prestations aux personnes dans le besoin, qui ont des enfants à leur charge et qui n'ont aucun droit à des allocations familiales ou des prestations similaires.

Art. 2

Ressources

Le fonds est alimenté par:

a)

les affectations découlant des dispositions de la loi sur les allocations familiales du (à préciser);

b)

les dons et legs acceptés par le Conseil d'Etat;

c)

les intérêts du capital du fonds, dont le taux est fixé par le règlement d'exécution.

Art. 3

Réserve

1 Le capital du fonds ne doit pas être inférieur à 2 années de dépenses au sens de l'article 1.

2 Le taux des contributions prélevées par la Caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales en application de l'article 27, alinéa 4, de la loi sur les allocations familiales du (à préciser) est fixé de manière à garantir le maintien d'une réserve suffisante au sens de l'alinéa 1.

Art. 4

Comptes

Les comptes, le bilan et l'état de fortune détaillé sont publiés chaque année au compte rendu de l'Etat.

Art. 5

Organes d'application

1 Le département des finances est chargé de la gestion du fonds et du versement des subsides prévus à l'article 1, lettre a.

2 La caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité est chargée de fixer et servir les prestations prévues à l'article 1, lettre b. Les dépenses entraînées de ce fait lui sont remboursées, selon les modalités fixées par le règlement d'exécution.

TITRE II

Prestations

Art. 6

Conditions d'octroi

1 Toute personne, domiciliée dans le canton, dont les revenus ne dépassent pas les limites prévues à l'alinéa 2 et qui a un ou plusieurs enfants à charge, également domiciliés dans le canton, peut prétendre aux prestations conformément aux dispositions ci-après si cet enfant ne donne aucun droit à des allocations familiales ou à des prestations similaires.

2 Le droit aux prestations est ouvert si les revenus bruts de l'ayant droit ne dépassent pas une fois et demie le montant fixé à l'article 3, alinéa 1, de la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 25 octobre 1968, et s'il ne dispose pas d'une fortune nette supérieure à 25 000 F.

3 Ces montants sont majorés de :

a)

50% si l'ayant droit fait ménage commun avec un adulte dont il assume la charge d'une manière prépondérante et durable;

b)

25% pour chaque enfant mineur dont le revenu brut propre est inférieur à 30 000 F par année;

c)

25% pour chaque enfant majeur de moins de 25 ans vivant en communauté domestique avec l'ayant droit et dont le revenu brut propre est inférieur à 30 000 F par année.

4 L'ordre dans lequel les personnes visées à l'alinéa 1 peuvent faire valoir le droit aux prestations est le suivant :

a)

la mère;

b)

le père;

c)

la personne qui assume l'entretien de l'enfant de manière prépondérante et durable.

En cas de divorce ou de séparation judiciaire, le droit appartient à la personne qui a la garde de l'enfant.

Art. 7

Genre et montant des prestations

Les prestations sont identiques à celles prévues au titre III de la loi sur les allocations familiales du (à préciser).

Art. 8

Exercice du droit aux prestations

1 Les personnes visées à l'article 6 doivent faire valoir leur droit, par écrit, sur une formule officielle remise à la caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité, en y joignant tous les documents requis. La caisse procède aux enquêtes nécessaires et rend la décision.

2 Si les documents exigés ne sont pas fournis, les prestations sont refusées.

Art. 9

Versement des

prestations

Les prestations sont versées dès le mois du dépôt de la demande et jusqu'à la fin du mois au cours duquel le droit cesse d'exister. Si l'ayant droit décède, le versement est maintenu encore pendant trois mois.

TITRE III

Contentieux et dispositions diverses

Art. 10

Décisions et voies de droit

1 La caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité statue sur les droits et obligations découlant de la présente loi en rendant une décision écrite et motivée, indiquant les voies de droit.

2 Dans les trente jours qui suivent sa notification, la décision peut faire l'objet d'une réclamation écrite et motivée adressée au chef du département de l'action sociale et de la santé.

Celui-ci peut :

a)

annuler la décision et renvoyer le dossier à la caisse pour un nouvel examen;

b)

confirmer la décision qui devient ainsi définitive.

Art. 11

Droit supplétif

Pour tout ce qui n'est pas expressément réglé par la présente loi, il est fait renvoi aux dispositions de la loi sur les allocations familiales du (à préciser) et de son règlement d'exécution, applicables par analogie.

Art. 12

Règlement d'exécution

Le Conseil d'Etat édicte les dispositions d'exécution de la présente loi.

Art. 13

Clause abrogatoire

La loi sur le Fonds d'aide à la famille et la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales, du 2 juillet 1955, est abrogée.

Art. 14

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1997.

Art. 15

Dispositions transitoires

Le capital du Fonds d'aide à la famille institué par l'article 1 de la loi sur le Fonds d'aide à la famille et la caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales, du 2 juillet 1955, est transféré au Fonds pour la famille, prévu à l'article 1.

Art. 16

Modification à une autre loi

  (D 3 1)

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :

Art. 347, al. 2, dernière phrase (nouvelle teneur)

et de la loi sur le Fonds pour la famille du (à préciser) respectivement et exclusivement.

RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ

1. Honni soit qui manigance

Que ce préambule ne soit pas pris comme l'arbre qui cache la forêt, mais comme l'expression des difficultés que peut rencontrer le parlementaire lorsqu'il doit faire face à la «machine» Etat dont le pilote veut coûte que coûte faire passer ses idées et ses idées seulement.

Ce projet, qui doit concrétiser la refonte générale de la loi sur les allocations familiales, a suivi le processus du dirigisme individuel, l'un des points essentiels de ce processus consistant à s'assurer d'une majorité quoiqu'il advienne.

En ce qui concerne notre parlement, il suffit que quelques députés, membres de l'Entente, se sentent le coeur à gauche pour que celle-ci l'emporte. Leurs leaders ont été dès lors habilement choisis pour signer le projet de loi en question.

Avant d'en arriver à la conclusion évoquée ci-dessus, il y a bien eu tentative de consultation auprès de la Conférence des caisses d'allocations familiales, puisque notre parlement avait demandé au Conseil d'Etat d'élaborer un projet en collaboration avec celle-ci.

Le résultat de ces travaux n'ayant pas trouvé grâce auprès du chef du département, le projet fut tout simplement ignoré et l'ouvrage remis sur le métier.

La méthode consiste alors à construire un groupe de travail d'apparence crédible, dont une forte majorité est acquise à ses thèses. La commission d'experts, dont les membres ont été désignés ad personam par le chef du département, répond à ce souci et pour s'en convaincre, il suffit d'analyser sa composition.

A sa lecture, nous pouvons constater qu'un seul de ses membres fait partie de la Conférence des caisses d'allocations familiales qui regroupe l'ensemble des praticiens en la matière. Il n'est pas question de prétendre ici que les autres membres de la commission étaient incompétents, mais chacun pourra juger du qualificatif d'expert utilisé pour la nommer.

En toute logique, le projet de loi qui est ressorti des travaux de cette commission correspondant quasiment à celui souhaité par le chef du département et déposé comme tel devant le Conseil d'Etat.

Nous connaissons la suite. Le Conseil d'Etat, désirant s'accorder un temps de réflexion, reporta sa décision, ce qui provoqua la colère d'aucuns.

Envers et contre tous, le projet de loi fut repris en l'état et déposé devant notre parlement par certains de nos collègues des partis socialiste, des Verts, démocrate-chrétien et radical.

Le processus avait abouti. Mais à quel prix, car comme le relevait la presse du 20 janvier 1995: «La guerre des allocations familiales a failli faire sauter l'Entente bourgeoise puisque deux députés démocrate-chrétien et radical avaient fait cause commune avec la gauche...».

2. Le coût du travail

Personne ne nie, à gauche comme à droite de l'échiquier politique de l'ensemble des pays industrialisés, la corrélation étroite existant entre le coût du travail (salaires + charges sociales) et la compétitivité des entreprises, compétitivité rendue de plus en plus difficile par une mondialisation de la concurrence toujours plus importante.

Si nous ajoutons une productivité dont la progression s'est considérablement affaiblie depuis quelques années, nous pouvons comprendre la crainte des uns et des autres quant à la survie de leur entreprise.

Les partisans du «jamais assez» devraient s'en souvenir.

Selon une enquête allemande de l'Institut der Deutschen Wirtschaft publiée le 10 octobre dernier, la Suisse figure au 2e rang mondial en ce qui concerne le coût du travail le plus élevé.

L'écart le plus important se situe avec le Portugal dont le coût est 4,5 fois moins élevé qu'en Suisse (35 F par heure en Suisse contre 7,70 F par heure au Portugal). Certains relèveront que cet exemple est extrême et auront raison. Seulement, il existe ! et la concurrence des entreprises portugaises également.

Examinons alors le cas de la Suède, souvent citée en exemple comme étant progressiste en matière sociale. En Suède, salaire + charges sociales se montent à 26,10 F par heure, soit un écart de 8,90 F (+34%) avec le coût du travail en Suisse (35 F par heure).

Face à cet élément d'analyse, un vent d'inquiétude parfois largement exagérée se répand dans notre pays, véhiculé par des thèses d'économistes théoriciens laissant imaginer une régression sociale comme seul remède permettant de répondre à une concurrence mondiale exacerbée.

Il n'en reste pas moins que nul ne doit ignorer non plus que la progression des avantages sociaux a des limites et seule la croissance économique peut être en mesure de financer tout nouvel acquis social. Tout autre financement rend fragile celui-ci et renforce les thèses du théoricien optus du libéralisme économique.

C'est dans ce contexte que doit s'inscrire l'examen du projet de loi sur les allocations familiales.

3. Divergences

3a) La neutralité des coûts

Le principe de la neutralité des coûts a été défini par arrêté du Conseil d'Etat du 28 avril 1994, lors de la désignation de la commission d'experts.

L'article 1, 2e alinéa, de cet arrêté a la teneur suivante: «la commission d'experts est chargée d'étudier les points suivants, étant entendu que le montant total des allocations familiales versées en Suisse et à l'étranger devrait rester inchangé.» On ne peut être plus clair et, dans les faits, qu'en est-il exactement?

Il est important de préciser que les chiffres mentionnés ci-dessous nous ont été fournis par le département de l'action sociale et de la santé:

· dépenses globales pour les allocations familiales en 1995, selon la législation existante: 181 673 000 F;

· dépenses selon le projet de la commission d'experts: 215 029 000 F;

· soit une différence de plus de 33,5 millions de francs.

Cette différence de plus de 33,5 millions de francs est d'ailleurs inférieure à la réalité, car ce montant a été estimé avant l'adoption de l'amendement socialiste dont il est question au point suivant.

Ces chiffres nous prouvent que l'une des conditions clés de la refonte de la législation sur les allocations familiales n'a pas été respectée, puisque la neutralité des coûts ne l'a pas été.

3b) Encouragement à la formation

L'article 120a, chiffre 1, traite des limites de revenus du groupe familial et la commission d'experts a décidé de prendre le même barème que celui prévu par les lois sur l'encouragement aux études et à l'apprentissage et de l'augmenter de 5 000 F par an.

Cette décision a plus que doublé le nombre de bénéficiaires. Or, durant les travaux, le parti socialiste, sans connaître l'incidence du coût que cela entraînerait, a proposé de faire passer ce montant de 5 000 F à 10 000 F.

Dans un premier temps, cette proposition a été refusée et, au hasard des présences, la commission l'a acceptée en troisième débat.

Comme déjà mentionné, le principe fondamental de la neutralité des coûts n'a pas été respecté par le projet de la commission d'experts. Dès lors, si en plus l'on aggrave la situation avec des propositions dont les conséquences ne sont pas mesurées, nous constatons le peu de cas que certains font du coût du travail et de ses conséquences sur le marché de l'emploi, coût du travail en Suisse qui est l'un des plus élevé au monde, il est bon de le rappeler.

Nous pensons, quant à nous, qu'il est plus raisonnable de revenir à un plafond de 5 000 F, quitte à le réactualiser par paliers si la situation économique future le permet, raison pour laquelle nous proposons un amendement allant dans ce sens.

3c) Création de nouvelles caisses d'allocations familiales

L'article 14 de la loi fixe les conditions pour obtenir une autorisation de pratiquer la gestion d'une caisse d'allocations familiales.

La condition la plus importante est celle mentionnant qu'il est nécessaire de regrouper à l'intérieur d'une caisse au moins 100 employeurs occupant plus de 1 500 salariés.

Cette condition est plus contraignante que la loi actuelle. La commission d'experts en a tenu compte et a admis le principe du droit acquis, ce qui semble judicieux car, sans cela, ce sont 17 caisses privées qui n'auraient plus eu le droit d'exercer.

Paradoxalement, ce sont 3 signataires du projet sur 4 qui ont combattu cette disposition de droits acquis, alors que leur projet le prévoyait expressément par l'article 44, alinéa 1.

L'argument essentiel du maintien des caisses existantes est que celles-ci sont des caisses professionnelles dont les tâches multiples, aussi importantes que le versement des prestations d'allocations familiales, découlent des conventions collectives de travail.

Par conséquent, la concentration des caisses, non seulement détruirait l'organisation paritaire par laquelle elles ont été créées, mais, de plus, cela n'entraînerait aucune économie sur les frais d'administration.

Dans un cas aussi évident que celui de maintenir une organisation sans activité lucrative, dont les buts sont éminemment sociaux et pour la plupart créés par les partenaires sociaux eux-mêmes, voir le refus d'extrême justesse d'un amendement supprimant les droits acquis et soutenu par la gauche ne peut que nous interpeller!

Il est utile de savoir encore que les dispositions en matière d'AVS ont été, il y a quelques années, modifiées de la même façon, en maintenant les caisses existantes mais en posant des conditions plus strictes pour la création de nouvelles caisses. Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter de ce principe. Il y a d'autant moins lieu de s'en écarter que l'article 34 quinquies de la Constitution fédérale stipule:

La Confédération ... tient compte des caisses de compensation familiales existantes, soutient les efforts des cantons et des associations professionnelles en vue de la fondation de nouvelles caisses...».

Le refus de cet amendement présenté à l'article 44, alinéa 1, a été difficilement obtenu en commission. S'il devait être représenté en séance plénière, nous vous demandons de le refuser.

3d) Fonds de réserve

Si le fait d'obtenir des garanties de paiement des allocations aux bénéficiaires paraît tout à fait légitime, il s'agit de déterminer si ces garanties existent déjà ou non.

Il faut savoir qu'une caisse d'allocations familiales est dans l'obligation de payer les prestations aux employés d'une entreprise même si celle-ci ne paie plus ses cotisations. Le bénéficiaire a donc la garantie de paiement quelle que soit la situation économique de son employeur.

Reste le risque de voir une caisse en cessation de paiement, ce qui est quasiment impossible et si l'une d'entre elles devait être en difficulté, ce qui ne s'est jamais vu en plus de 40 ans, les syndicats ouvriers et patronaux seraient immédiatement alertés, et les dispositions prises afin que d'autres caisses prennent la relève. C'est dire si le risque est insignifiant.

En tant que tel, l'exigence d'un fonds de réserve peut paraître anodine. Seulement voilà, ce fonds n'existant pas, il doit être créé. Il faudra donc augmenter les cotisations de quelque 8%, soit, pour l'ensemble des caisses privées, environ 15 millions de francs durant 2 ans.

Les caisses de prévoyance sociale ont toujours fixé leurs cotisations au plus près des charges effectives, soucieuses qu'elles sont de minimiser le coût des charges sociales des entreprises tout en respectant leurs engagements.

Les conséquences de cela font qu'elles n'ont pas créé de réserves car elles n'en ont jamais eu, ne serait-ce qu'imaginer, l'utilité, tant la garantie de paiement aux employés est assurée.

Fallait-il encore charger le bateau de 15 millions de francs supplémentaires? Nous sommes convaincus que non, raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer l'article 32 de la loi.

3e) Principe d'une allocation - un enfant

A l'exception des indépendants, dont le cas particulier est traité dans le point suivant de ce rapport et dont les bénéficiaires sont, de loin, les plus importants, quels sont les groupes de personnes qui bénéficieraient des allocations familiales avec la nouvelle loi, alors qu'ils n'en touchent pas aujourd'hui ?

Il s'agit essentiellement des préretraités ou des salariés dont la durée du temps de travail est insuffisante pour obtenir la totalité de l'allocation.

Il est bon de savoir que, contrairement à ce qui se dit parfois, les chômeurs bénéficient des compléments, au titre d'allocations familiales, versés par la LACI, et les chômeurs en fin de droit bénéficient également de prestations versées par le fonds cantonal d'aide à la famille.

Les rentiers invalides ou de l'AVS bénéficient, quant à eux, des rentes complémentaires pour leurs enfants. C'est dire qu'il n'était pas nécessaire de bouleverser autant cette loi, car les lacunes qu'elle comporte auraient très bien pu être comblées sans cela.

4. L'assujettissement à la loi des indépendants

Contrairement à toute sorte d'arguties sur la nécessité des indépendants de percevoir également des allocations familiales, afin de combler une injustice, c'est bien la recherche d'une nouvelle source de financement qui a motivé les auteurs du projet de loi, au nom d'une solidarité à laquelle les indépendants devaient participer.

Faut-il rappeler ici que, dans leur très grande majorité, les indépendants sont également des employeurs et qu'à ce titre ils financent à part entière le système des allocations familiales de leurs employés.

Montrer du doigt ainsi une catégorie de chefs d'entreprise est inacceptable et ces charges sociales supplémentaires ne peuvent être qu'un frein à la création de nouveaux emplois.

La Fédération des syndicats patronaux a procédé à une enquête significative auprès de l'ensemble de ses affiliés indépendants, dont le résultat fait ressortir un refus quasi unanime d'une affiliation obligatoire au système d'allocations familiales.

C'est bien la preuve que cet assujettissement ne répond aucunement à un besoin des indépendants eux-mêmes mais simplement à une recherche de nouvelles ressources financières.

Sur le plan fiscal, l'effet induit par cette charge supplémentaire vient en déduction du revenu de l'indépendant et, par là même, provoque une réduction des recettes de l'Etat.

Est-ce bien le moment ?

Le fait d'avoir, d'autre part, renversé le principe d'assujettissement en assujettissant les employeurs, et non plus les personnes comme actuellement, provoque une double discrimination.

Premièrement, un employeur devra cotiser également sur la part des salaires de ses employés domiciliés hors du canton de Genève, alors que l'indépendant domicilié à l'extérieur du canton, mais opérant à Genève, n'y sera pas soumis.

Deuxièmement, discrimination entre indépendants eux-mêmes, entre ceux domiciliés à Genève et ceux qui ne le sont pas, les uns payant la charge allocations familiales et les autres pas.

Force est de comptabiliser une fois de plus une mesure ne pouvant qu'inciter les indépendants à prendre domicile à l'extérieur de Genève, avec toutes les incidences négatives que nous connaissons.

L'un des postulats du Conseil d'Etat, qui n'a pas été retenu par la commission d'experts, est celui de la modulation des montants des allocations familiales en fonction du revenu des bénéficiaires.

A cet égard, la Conférence des caisses d'allocations familiales a proposé la fiscalisation des allocations familiales, qui était le moyen de répondre simplement à ce postulat. En effet, le taux d'imposition fiscale étant croissant en fonction du revenu, même si le montant des allocations familiales, avant imposition, est identique pour tous, la correction s'effectue par le biais de l'impôt.

Ainsi, pour un montant d'allocations familiales de 220 F par exemple, un bas revenu avec un taux d'imposition de 9,1% touchera en réalité 200 F net d'allocations familiales, tandis qu'un gros revenu avec un taux d'imposition de 50% bénéficiera d'une allocation nette de 110 F.

Au-delà de cet aspect du raisonnement, l'Etat récupérerait des recettes supplémentaires, qui auraient permis de financer les insuffisances de la loi actuelle, et de laisser les indépendants en dehors du système, puisqu'ils financent déjà les allocations familiales de leurs employés et surtout, cela permettrait de respecter la neutralité des coûts promise.

Mesdames et Messieurs, cette proposition est encore réalisable, sans retarder l'entrée en vigueur de la loi comme prévu, en supprimant l'assujettissement des indépendants au système et en demandant au Conseil d'Etat d'adapter la procédure fiscale en conséquence. C'est dans cet esprit que nous vous présenterons les amendements figurant au point 6.2.

5. Cotisations paritaires

Nous constatons que le projet de loi soumis à notre parlement par la majorité de notre commission n'a plus rien à voir avec le principe régissant un système allocatif, mais qu'il s'inspire largement du système d'assurance de type AVS.

Dans ces conditions, et au même titre que l'AVS, le financement ne peut être que paritaire.

Un financement paritaire (cotisations payées 50% par l'employeur, 50% par l'employé) en matière d'allocations familiales n'a rien d'extraordinaire, ayant déjà été retenu dans le projet fédéral par Mme Fankhauser, conseillère nationale socialiste, qui a fait le même raisonnement de solidarité généralisée que nous.

Si la proposition de cotisations paritaires devait être acceptée, mais seulement dans cette hypothèse, nous pourrions augmenter le montant des allocations familiales comme suit:

· 200 F par mois à la place de 170 F, pour l'enfant jusqu'à 15 ans;

· 300 F par mois à la place de 220 F, sous conditions de revenu pour l'enfant en formation professionnelle.

Mesdames et Messieurs, vous pouvez constater qu'avec ces deux propositions, d'une part nous diminuons les cotisations des entreprises de 1,5% (moyenne cantonale) à 1%, soit de 33%, et d'autre part, nous augmentons les allocations familiales d'environ 18% pour les allocations de 0 à 15 ans et 36% pour les allocations de formation professionnelle.

En acceptant ces deux propositions, notre canton serait le plus généreux de Suisse en matière d'allocations familiales, et si nous pouvons le réaliser, c'est seulement si l'ensemble de la population active participe à la solidarité d'une politique familiale ambitieuse.

6. Amendements

6.1. Amendements de base

Ces amendements seront présentés dans tous les cas de figure, n'étant pas hiérarchisés par d'autres amendements comme ceux traités au paragraphe 6.2.

a) Articles 32 et 44, alinéa 4: Fonds de réserve

· Article 32: «Suppression pure et simple de cet article.»

· Article 44, al. 4: «Suppression de l'alinéa 4.»

L'argumentation relative à ces suppressions est traitée au paragraphe 3d, pages 74 et 75 du présent rapport.

b) Article 120 A, chiffre 1: Formation professionnelle

«... si le revenu du groupe familial pris en considération, conformément aux articles 98 et 99, ne dépasse pas de plus de 5 000 F celui donnant droit à l'allocation minimale selon l'article 102.»

Le fait de ramener ce montant de 10 000 F à 5 000 F, comme prévu initialement, implique la même modification à l'article 36 A (nouveau) cité en 3e partie, titre 2, chapitre 4 (Allocations pour frais de matériel et allocations pour l'encouragement à la formation), que nous trouvons à la fin de cette loi.

Cette proposition est motivée sous le chiffre 3b du présent rapport.

6.2. Amendements en cascade

Sous cette dénomination, il faut comprendre que les amendements sont présentés successivement si, et seulement si, l'amendement ou les amendements précédents sont refusés.

a) Article 2, alinéa 1, lettre b, et alinéa 2: Assujettissement

Comme développé au point 4. de ce rapport, ces amendements visent à supprimer l'assujettissement des indépendants à la loi.

· Alinéa 1, lettre b: «Les personnes domiciliées dans le canton qui paient les cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salariés d'un employeur non tenu de cotiser.»

· Alinéa 2: «Sauf disposition contraire du règlement d'exécution, la notion de personne salariée ou sans activité lucrative est celle prévue par la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants.»

De plus, un certain nombre d'autres articles font référence aux indépendants. Il suffira donc de supprimer cette référence dans les articles suivants: article 14, lettre b; article 22, alinéas 1 et 4; article 23, alinéa 3; article 24, alinéas 2 et 5; article 28, note marginale et alinéa 1; article 34, alinéa 5; article 35, lettre b.

b) Article 27, alinéa 1 et article 28, alinéa 1: Contributions (cotisation paritaire)

Comme déjà précisé, ces amendements ne seront présentés seulement si ceux présentés à la lettre a ont été refusés. Ces amendements se rattachent au principe de la cotisation paritaire défendu au chapitre 5 de ce rapport.

· Article 27, al. 1: «Les employeurs visés à l'article 23, alinéa 1, paient des contributions en espèces fixées en pour-cent des salaires soumis à cotisations dans l'assurance-vieillesse et survivants fédérale, versées au personnel dépendant de l'établissement stable qu'ils possèdent dans le canton, dont la moitié est à la charge des employés.»

· Article 28, al. 1: «Les personnes de condition indépendante et les salariés d'un employeur non tenu de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants paient une contribution égale aux 2/3 du taux de cotisation de la caisse à laquelle ils sont affiliés, mais de 1,3% au moins sur le revenu soumis à cotisation dans l'assurance-vieillesse et survivants fédérale.

  La cotisation minimum est de 120 F par année.»

b1) Article 8, alinéa 2, lettre a - Article 120 A, alinéa 2

· Article 8, al. 2, lettre a: «200 F par mois pour l'enfant jusqu'à l'âge de 15 ans».

· Article 120 A, al. 2: «L'allocation d'encouragement à la formation se monte à 300 F. Elle est servie dès le mois qui suit le 18e anniversaire du bénéficiaire mais au plus tard jusqu'à ce qu'il ait atteint 25 ans. Elle est réduite selon les critères fixés à l'article 102 et supprimée si elle n'atteint pas 250 F par an.»

Le financement ne pourrait être assuré pour de telles allocations que par une cotisation paritaire, raison pour laquelle ces amendements ne peuvent être présentés que dans un deuxième temps.

En conséquence, si le principe d'une cotisation paritaire devait être accepté, les amendements précités seraient présentés au troisième débat.

c) Article 28, alinéa 1: Contributions

Cet amendement peut donner l'impression d'être un amendement de consolation, car «présenté» signifie que ceux qui l'ont précédé ont été refusés.

Dans cette situation, celui-ci reste tout à fait important dans le but d'éviter de par trop tenter l'indépendant à s'exiler, afin de se soustraire à une charge qu'il n'aurait pas à payer ailleurs.

Cet amendement de portée limitée fixe un plafond de 243 000 F de revenus soumis à cotisation (plafonds assurance-chômage).

· L'article 28, alinéa 1, devrait être modifié de la manière suivante:

 «Les personnes de condition indépendante et les salariés d'un employeur non tenu à cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants paient une contribution de 1,3% au moins sur le revenu soumis à cotisation dans l'assurance vieillesse et survivants fédérale plafonné à 243 000 F.

 La cotisation minimum est de 120 F par année.».

7. Conclusion

Mesdames et Messieurs les députés, certains ne vont pas manquer d'avancer la complexité des amendements pour en justifier leur refus.

Cela ne nous paraîtrait pas une raison suffisante dans la mesure où ils peuvent être résumés simplement.

Si malgré notre opposition à l'obligation faite aux indépendants, leur assujettissement était confirmé par une majorité, alors une cotisation paritaire avec augmentation des prestations serait présentée à notre parlement.

Si cette proposition devait être également refusée, un ultime amendement serait soumis à notre Conseil, relatif au plafonnement du salaire soumis à cotisation pour les indépendants.

Prétendre que tout amendement serait inacceptable ne pourrait entraîner le groupe libéral qu'à refuser purement et simplement ce projet.

L'un des vecteurs d'appréciation le plus important dans l'analyse d'un nouvel avantage social est représenté par la solidité de son financement, seule garantie de sa longévité.

Il ne suffit pas de proposer la lune, dont la réverbération ne pourrait qu'amplifier l'éclat du miroir aux alouettes, pour se donner bonne conscience.

Nos concitoyens attendent des progrès sociaux réalistes qui ne vont pas à l'encontre de l'intérêt général, notamment en matière de sauvegarde de l'emploi. Il est symptomatique à cet égard de relever, parmi les propositions du chancelier Kohl pour améliorer, dans son pays, la situation du marché du travail, celle qualifiée de principale consistant à stopper la croissance du coût du travail provoquée par l'explosion des cotisations sociales.

Nous ne pouvons pas ignorer ce renversement de tendance d'un pays social-démocrate comme l'Allemagne. Opter au contraire pour la politique de l'autruche, c'est prendre le risque, pour notre canton, de fragiliser les acquis actuels enviés par beaucoup.

La lecture objective des propositions de la minorité prouve à l'évidence qu'elles n'ont rien d'insignifiant. Elles sont au contraire ambitieuses, sociales et réalistes.

Nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'en suivre les conclusions, ce dont nous vous remercions d'avance.

RAPPORT DE LA DEUXIÈME MINORITÉ

Il était une fois...

... la crise, puis la guerre... et la Mob ! Bien que quelques entreprises ou quelques communes aient, à titre individuel non paritaire, créé, dès les années 30, des caisses de secours à la famille, il n'en était rien sur le plan cantonal et leur existence n'était évidemment pas encore inscrite dans la loi.

Le niveau du coût de la vie élevé, les difficultés grandissantes de nombreuses familles, les restrictions qu'elles s'imposaient, ont conduit, vers cette époque, de nombreux députés à interpeller, à réitérées reprises, le gouvernement afin de prendre des mesures en faveur de la famille. Le député (PdC) Francis Laurencet dépose, en 1941, un projet d'arrêté «demandant au Conseil d'Etat un plan de mesures énergiques et rapides en faveur de la famille» (Mémorial du 19 décembre 1941, pages 1107 et suivantes). Lors de la présentation de son arrêté, F. Laurencet précisait: «Nous réclamons une révision de tout notre arsenal de lois; nous demandons la mise en oeuvre de toutes les possibilités d'action qui s'offrent à l'Etat pour que, sans tarder, il assure l'assise sur laquelle son avenir repose: la famille» (voir Mémorial cité, page 1108). Ce projet proposait, en effet, tout un train de mesures touchant à la fiscalité, au logement, à l'emploi (priorité à l'embauche pour père de famille), mais également des mesures visant la moralité publique: lutte contre les films et écrits démoralisants, lutte contre la délinquance, etc. Laurencet préconisait également une taxe sur «les célibataires de 25 ans et plus qui ont un revenu suffisant; sur les ménages qui restent sans enfants après 2 ans de mariage (...)» ainsi qu'une «surtaxe perçue sur l'impôt sur les chiens, spécialement les chiens de luxe» (Mémorial du 19 décembre 1941, page 1110). L'objectif: ces taxes permettraient de faire face à cette dépense en faveur des familles. Nous sommes en 1942, les restrictions dues à la guerre sont à l'ordre du jour et l'absence du père à la Mob plongeait de nombreuses familles dans la pauvreté et la misère. La Mob, précisément pour laquelle existait une caisse de compensation, a «inspiré» nombre de députés pour une généralisation des caisses d'allocation, s'étendant également aux travailleurs de l'administration cantonale. En ce qui concerne les entreprises privées, le droit à l'allocation devait s'inscrire dans les contrats collectifs. Le projet d'arrêté Laurencet de 1941 sera le départ qui alimentera les débats et rapports dont l'aboutissement est la loi sur les allocations familiales en 1944.

Tout au long de ces années, de 1941 à 1944, les discussions ont montré que les risques, qui étaient de considérer les allocations en faveur de la famille comme faisant partie intégrante du salaire, étaient bien réels et ont eu la vie dure longtemps. C'est, notamment, une des raisons de l'opposition aux allocations des socialistes. En effet, ils y voyaient une diminution des salaires. Lors du débat sur le projet d'arrêté, ils s'inquiétaient de ce que les allocations seraient «en réalité une mutation d'une partie des salaires, prise à certains pour être payée à d'autres» (Mémorial du 6 novembre 1943, page 1033). Et, lorsque Ch. Rosselet parlait des «autres», il pensait aux salariés célibataires, que l'on désignait comme étant de «mauvais» patriotes puisqu'ils n'ont pas fondé de famille !

Cependant, le chemin parcouru entre l'arrêté Laurencet et l'élaboration finale du projet de loi sur les allocations familiales, puis son acceptation le 12 février 1944, a considérablement changé les opinions des députés qui nous ont précédés ici. Les socialistes (les communistes étant interdits de parlement par un décret fédéral, de 1940 à 1945) s'y sont ralliés après avoir obtenu l'assurance que les allocations seraient indépendantes du salaire et leur attribution inscrite dans la loi. Mais rien n'a été obtenu, facilement...

Cette loi subira, comme vous le savez, de nombreuses modifications et adaptations comme celles qui nous occupent ce jour.

Aujourd'hui

En réponse aux motions 836 et 842 visant à une refonte complète de la loi, le Conseil d'Etat avait nommé, par arrêté du 28 avril 1994, une commission d'experts, la chargeant de la révision complète de la législation cantonale. Cette dernière a rendu son rapport le 22 novembre 1994. Comme elle se plaît à le relever dans son courrier adressé à M. Guy-Olivier Segond (du 23 novembre 1994), les travaux avaient été menés par un «véritable consensus entre ses membres».

Le 21 octobre 1994, le Conseil d'Etat soumettait au Grand Conseil deux projets de loi (PL 7171 et PL 7172) pour répondre à l'obligation de réadapter périodiquement les allocations familiales.

Lors du débat, qui eut lieu le 8 décembre 1994, notre groupe a déposé, par avance, des amendements qui ont été rejetés par la majorité de ce Grand Conseil. Nous avons dit qu'il n'était pas contradictoire d'examiner, ne serait-ce que par principe, le montants des allocations. Ces amendements - et puisque nous nous trouvions dans la situation de la refonte de la loi - n'avaient rien de nouveau puisqu'ils répondaient aux propositions des syndicats et dont ils nous ont fait part en commission. De plus, faire un calcul précis était chose impossible, car «l'absence chronique d'information, au sujet des bilans des caisses d'allocation, ne nous ont pas permis de retenir l'argument des syndicats patronaux, selon lequel l'augmentation proposée ne serait pas supportable» (Mémorial n° 46, page 5845).

Lors de cette même séance n'a-t-on pas invoqué, avec une virulence pour le moins surprenante, une «certaine récupération démagogique» et l'on nous mettait en garde contre le danger «qu'il y aurait à entrer en matière, maintenant, sur ces amendements» (voir page 5859). Nous avons pourtant, pour les raisons évoquées, été prudents et étions prêts à confronter ces amendements à un examen serré, si nous avions pu avoir les informations demandées !... C'est la quadrature du cercle, car nous allons nous retrouver devant la même situation chaque fois qu'il s'agira d'adapter cette loi !

Peu de temps après ce débat, la presse a fait état de la décision du Conseil d'Etat, suite à une démarche des syndicats patronaux, de renoncer à présenter au Grand Conseil le projet de loi issu du rapport rendu par la commission d'experts. Suite à cette décision, notre groupe a déposé un projet de loi, le 3 janvier 1995, soit le projet de loi 7197 (annexe no 1).

Le 19 janvier au soir, notre projet de loi ainsi que les deux projets (PL 7198 et 7199) issus des travaux de la commission d'experts ont été envoyés en commission. La majorité de la commission sociale, soit 4 libéraux, 2 radicaux et 2 PdC, a refusé l'entrée en matière du projet de loi  7197 de l'Alliance de gauche, tandis que les socialistes (2) et les écologistes s'abstenaient.

Nous avons, en revanche, accepté l'entrée en matière sur le projet de loi 7198 (sur les allocation familiales) et le projet de loi 7199 (sur le Fonds de la famille).

Les objectifs du projet de loi 7197

Ils sont au nombre de cinq et nous nous permettons de les rappeler ci-après:

Le 1er objectif vise à concrétiser la principe de «un enfant - une allocation», à savoir la mise au bénéfice d'une allocation de tout enfant régulièrement domicilié à Genève ou dont les parents ou le représentant sont domiciliés à Genève. C'est aussi la raison pour laquelle ce projet comporte pour titre «allocation aux enfants» et plus «allocations familiales».

Le 2e objectif propose la mise au bénéfice d'allocations des enfants de personnes exerçant une activité lucrative indépendante, ce qui mettra fin à une anomalie tant au niveau des bénéficiaires des allocations familiales que du cercle des assujettis à la contribution du financement.

Le 3e objectif vise à instituer un taux uniforme de contribution au financement des allocations. Il est, en effet, anormal que les taux de contribution varient entre 0,8% et 2,6%, à savoir, taux élevés dans le secteur du bâtiment où les salaires sont moins élevés et les enfants affiliés plus nombreux et, à l'inverse, des taux peu élevés dans le secteur bancaire où les salaires sont plus élevés et les enfants moins nombreux. Le principe de la solidarité commande que le taux de cotisation soit uniforme.

Le 4e objectif vise à simplifier le système actuel de versement des allocations et à supprimer les opérations de compensation entre les caisses par l'institution d'un seul office payeur. Pour leur part, les caisses de compensation continuent à encaisser les contributions.

En effet, l'existence d'un seul office payeur conduit à la création d'un taux uniforme destiné au versement de l'ensemble des cotisations et garantit la possibilité d'atteindre tous les bénéficiaires des allocations. De plus, un seul office payeur réduit, également, le travail administratif tout en assurant une transparence réelle sur le plan comptable de la gestion des contributions versées. En effet, «(...) l'Administration réclame, sans y parvenir, depuis 40 ans, des données que le patronat jure ne pas posséder. La loi n'est pas respectée (in F. Cuenoud, «Allocation familiales en Suisse et dans les cantons romands», vol. 1, Ed. Réalités sociales). Ce dernier point est de loin le plus problématique, car, comme nous l'indiquions plus haut, la transparence n'est, malheureusement, pas encore à l'ordre du jour... ce que déplorait également le Conseil d'Etat dans son exposé des motifs des projets de loi 7171/72: «Périodiquement sollicité pour modifier les allocations familiales, le Grand Conseil avait l'impression de se livrer à des enchères sans connaître l'état financier effectif des caisses» (exposé des motifs, page 7). Pour nous, cette situation ne peut pas durer !

Le 5e objectif vise à adapter le montant des allocations familiales aux montants minimums recommandés sur le plan fédéral et les augmenter pour les familles à faibles revenus.

Le but du projet de loi 7197 c'est aussi de simplifier la loi actuelle, ardue - c'est le moins que l'on puisse dire - pour le commun des mortels, en un seul texte. Ainsi, l'ensemble des salariés, indépendants et agriculteurs seront soumis à une seule loi plus simple d'approche. Les travaux, au sein de la commission, ont prouvé la complexité de loi actuelle.

Pour toutes ces raisons, nous invitons le Grand Conseil à entrer en matière sur le projet de loi 7197.

Nos amendements

L'avenir nous dira si nous avons tort d'avoir raison trop tôt ! Sans revenir sur ce que nous disons plus haut au sujet de nos amendements et aux réactions qu'ils ont suscités, tant en commission qu'en plénière, nous aimerons vous rappeler que ceux-ci n'ont rien de vraiment nouveau. En effet, l'idée d'étendre les allocations aux indépendants et d'instaurer un taux unique de contribution a déjà été évoquée dès 1946, mais plus particulièrement dès 1954 lors de la première refonte de la loi de 1944. Malheureusement, le rapport de la première commission d'experts avait écarté ces possibilités, soutenue en cela par le Conseil d'Etat d'alors. Le rapporteur, Théodore de Felice, parlait même de «sabotage» du travail de la commission. (Mémorial du 11 juin 1954, pages 968 et suivantes, et Mémorial du 29 juin 1957, page 1339). Durant ces années-là, on avait déjà fait connaissance avec les enquêtes patronales réalisées auprès des indépendants et les résultats étaient tels qu'il ne sera plus question de l'affiliation des indépendants, encore moins de taux unique !

Dans le cadre du projet de loi 7198, notre groupe a proposé les amendements ci-après, tous refusés par la majorité de la commission, avec des abstentions de bon aloi.

• à l'art. 4, al. 4:

 nous ajoutions «d) l'allocation de formation professionnelle [pour tous les enfants jusqu'à 25 ans sans conditions de revenu]

 au vote: cet amendement a été refusé par la majorité de la commission, avec les abstentions socialistes et écologistes.

• à l'art. 8, al. 2:

 «l'allocation pour enfant est de 200 F par mois jusqu'à 18 ans, ce montant est porté à 250 F par enfant, dont la famille dispose d'un revenu de moins de 50 000 F et de 300 F par enfant, dont la famille dispose d'un revenu annuel inférieur à 40 000 F». Par revenu annuel, nous entendons le revenu imposable.

 au vote: cet amendement a été refusé par la majorité de la commission, avec les abstentions socialistes.

• art. 27, al. 2:

 «2) le taux de contribution uniforme est fixé par le Conseil d'Etat de manière à assurer le versement des allocations prévues par la présente loi, y compris les frais d'administration. Il est tenu compte, dans la fixation du taux de contribution, des indépendants prévus à l'article 28 ».

 au vote: cet amendement a été refusé par la majorité de la commission, avec les abstentions socialistes.

Un rien fait peur dans cette République !...

Les nombreux courriers que nous avons reçus, durant les travaux de la commission, sans parler des auditions, tant des associations patronales (UAPG) que de la Conférence des caisses (remarquez que ces courriers se ressemblaient comme des frères jumeaux, l'un étant l'expression de l'autre et réciproquement), ont été riches en pressions de tous ordres, mais se sont avérés, en revanche, beaucoup plus chiches, voire carrément réfractaires à nous fournir des indications chiffrées sur les caisses. On nous rétorquait que c'est impossible, trop compliqué, etc. Ces calculs auraient en tout cas permis, comme dit plus haut, d'avoir une approche plus réaliste pour nos travaux, même nos amendements (et nous étions disposés à cela) auraient pu être différents. Cependant, les milieux patronaux n'ont pas été avares pour nous signifier - avec une pointe de chantage - qu'il y a des «risques de délocalisation et de chômage, du fait de l'accroissement constant des charges pesant sur les entreprises (...)» qui «doivent être d'autant moins sous-estimés que les programmes de revitalisation prévus par les autorités fédérales se heurtent à d'innombrables obstacles» (lettre UAPG/Conf. des caisses, 27.9.1994).

Le patronat (nous le savons aussi) sait fort bien que les raisons des «délocalisations» ne sont pas - loin s'en faut - le fait des charges sociales... En effet, des raisons autrement plus lucratives incitent aussi à la «délocalisation» !

Par ailleurs, nous avons pris connaissance des résultats d'une enquête conduite par la Fédération des syndicats patronaux auprès des indépendants. Sur 8006 questionnaires envoyés, seul quelque 1505 réponses lui sont parvenues (annexes 2 et 3). Voulait-on leur faire peur ?

D'autre part, vous trouverez en annexe quelques tableaux (annexes 4 à 5) qui illustrent - sur le plan suisse - la situation genevoise en ce qui concerne les allocations familiales aussi bien que le taux de cotisation et, ma foi, on observe que Genève se trouve au-dessous de la moyenne suisse en ce qui concerne les allocations ordinaires depuis 1983.

Pour conclure, nous aimerions citer un texte, au titre révélateur, «Grandir ensemble», d'une publication éditée par le DASS à l'occasion de l'Année internationale de la famille, en 1994, qui dit: «l'expresson ne se réfère pas seulement aux questions liées à l'éducation des enfants, mais aussi aux rapports adultes-enfants. De ces relations dépend l'évaluation des valeurs, des connaissances et des expérience de la vie; la confrontation avec ces schémas de représentation se fait, elle aussi, dans ce cadre. Pour «Grandir ensemble», les membres d'une famille ont besoin d'un minimum de sécurité sur le plan de l'existence quotidienne, dans le domaine des ressources matérielles, du logement et de la santé, comme dans celui de la formation scolaire et professonnelle.

C'est pour répondre à ces objectifs que notre groupe propose au Grand Conseil les amendements présentés dans ce rapport.

ANNEXE 1

(PL 7197)

Article 1

Assujettissement

l Est assujetti à la présente loi:

a) tout employeur domicilié ou résidant dans le canton ou y ayant un siège, une succursale, une agence, un établissement ou une autre installation, à raison des salariés qu'il occupe et qui travaillent ou sont domiciliés sur territoire genevois;

b) tout employeur établi hors du territoire genevois, à raison des salariés qu'il occupe dans le canton et qui y sont domiciliés ou sont des travailleurs frontaliers;

c) toute personne exerçant une activité lucrative indépendante dans le canton.

2 Ne sont pas assujettis:

a) les personnes morales de droit public fédéral;

b) les employeurs étrangers et les organisations internationales et intergouvernementales exempts de l'obligation de payer des cotisations en vertu de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946.

CHAPITRE II

Droit à l'allocation

Art. 2

Bénéficiaires

1 Est bénéficiaire de la présente loi:

a) tout enfant âgé de moins de 15 ans, sous réserve de l'article 7, régulièrement domicilié dans le canton ou dont le représentant légal est régulièrement domicilié dans le canton;

b) tout enfant de salarié frontalier à raison duquel l'employeur est assujetti à la présente loi.

2 Sont réputés enfants au sens de l'alinéa l:

a) les enfants dont la filiation est établie à l'endroit du père et de la mère, ou de la mère seule, les enfants du conjoint et les enfants adoptés;

b) les frères et soeurs à l'entretien desquels l'ayant droit participe d'une manière prépondérante et les enfants adoptés;

c) les enfants recueillis, si le parent nourricier salarié prouve qu'il assume la charge de manière prépondérante et durable.

Art. 3

Exclusion

Les enfants dont le représentant légal est salarié par un employeur non assujetti en vertu de l'article l, alinéa 2, ne bénéficient pas de la présente loi.

Art. 4

Ayants droit

Les allocations sont versées au représentant légal de l'enfant mineur.

Art. 5

Cumul

1 Les allocations ne peuvent être cumulées avec d'autres allocations similaires à celles versées en vertu de la présente loi qui seraient versées pour le même enfant en vertu d'un autre régime d'allocations familiales ou de rapports de service régis par le droit public interne ou international.

2 Il appartient à l'ayant droit visé à l'article 4 d'apporter la preuve de l'absence de cumul.

CHAPITRE III

Allocations

Art. 6

Nature et but des allocations

1 L'allocation est due en considération des charges résultant de l'entretien de l'enfant et doit être affectée à l'entretien de l'enfant pour les besoins duquel elle est versée.

2 Elle est une prestation sociale, incessible et insaisissable. Elle ne peut, en aucun cas, justifier une diminution de salaire.

Art. 7

Genre d'allocations

1 Les allocations pour enfants sont servies sous forme de:

a) allocation ordinaire dès le premier mois civil qui suit celui de la naissance, jusqu'à l'âge de 15 ans révolus, ou l'âge de 20 ans révolus si l'enfant est, par suite d'infirmité ou de maladie chronique, dans l'impossibilité constatée de se livrer à un travail rémunéré, ou si, tout en exerçant une activité lucrative, il est à la charge totale ou partielle de l'ayant droit;

b) allocation de formation professionnelle, lorsque l'enfant, âgé de 15 ans révolus et ayant achevé sa scolarité obligatoire, fait un apprentissage ou des études dont la validité est reconnue selon la législation suisse; elle est due jusqu'à la fin de l'apprentissage ou des études, mais au plus tard jusqu'à l'âge de 25 ans révolus. Le Conseil d'Etat fixe les conditions auxquelles l'apprentissage ou les études donnent naissance à l'allocation de formation professionnelle ou justifient son maintien;

c) allocation de naissance, pour le mois de la naissance;

d) allocation d'accueil, pour le mois au cours duquel l'enfant mineur âgé de moins de 10 ans placé en vue d'adoption, au sens du code civil, est accueilli par sa future famille adoptive.

2 L'enfant de plus de 15 ans révolus ne donne pas ou cesse de donner droit à une allocation lorsque ses revenus propres dépassent les normes que fixe le Conseil d'Etat par règlement.

Art. 8

Montant des allocations

L'allocation mensuelle complète s'élève au moins:

a) à 200 F par enfant pour l'allocation ordinaire, ce montant étant porté à 250 F par enfant, dont la famille dispose d'un revenu annuel de moins de 50 000 F, et à 300 F par enfant, dont la famille dispose d'un revenu annuel inférieur à 40 000 F;

b) à 220 F par enfant pour l'allocation de formation professionnelle;

c) à 1 000 F pour l'allocation de naissance ou pour l'allocation d'accueil.

Art. 9

Adaptation périodique des allocations

1 Le Conseil d'Etat examine tous les 2 ans, après consultation des milieux intéressés, le montant des allocations prévues par la présente loi eu égard à l'évolution du coût de la vie, du revenu du travail et des charges des caisses de compensation.

2 Au besoin, dans le même temps, il propose une adaptation des allocations.

Art. 10

Droit aux allocations

1 Les allocations ordinaires et de formation professionnelle sont allouées dès le mois suivant celui au cours duquel le droit a pris naissance et jusqu'à la fin du mois dans lequel le droit s'est éteint. Elle est versée, pour l'ayant droit de l'enfant mineur, sous réserve des exceptions ci-après.

2 Le droit de percevoir l'allocation passe à la personne ou à l'institution qui a la charge effective de l'enfant s'il existe, pour le faire, des motifs pertinents, notamment:

a) si l'ayant droit est déchu de l'autorité parentale;

b) s'il est en instance de divorce ou de séparation de corps et que la garde provisoire de l'enfant ne lui pas été attribuée;

c) s'il est divorcé ou séparé de corps et que la garde de l'enfant ne lui a pas été attribuée;

d) lorsque, d'après les informations recueillies, les allocations risquent de ne pas être utilisées au profit de l'enfant.

Art. 11

Obligation de renseigner

L'ayant droit et le bénéficiaire doivent signaler toute modification de l'état de fait susceptible de modifier le droit à l'allocation, notamment les cas de séparation judiciaire, de divorce de décès et d'autres changements d'état civil, de décisions judiciaires attribuant la garde des enfants, d'activité lucrative de l'un ou de l'autre parent, de rupture de contrat d'apprentissage ou d'interruption d'études, de revenus propres des enfants, de départ à l'étranger d'enfants de parents étrangers.

Art. 12

Allocations indûment touchées

1 Lorsque des allocations au sens de la présente loi ont été indûment touchées, elles sont compensées avec les allocations qui sont encore dues.

2 Si le service cantonal d'allocations aux enfants ne recouvre pas sa créance de cette manière, il peut ordonner la restitution des allocations indûment touchées. Toutefois, celles-ci ne peuvent pas être exigées lorsque l'intéressé est de bonne foi et serait mis, du fait de cette restitution, dans une situation difficile.

3 Le droit d'ordonner la restitution se prescrit par une année à compter du moment où le service cantonal d'allocations aux enfants a eu connaissance du fait, mais au plus tard par 5 ans après le paiement de l'allocation. Si le droit de demander la restitution naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est applicable.

Art. 13

Prescription

1 Le droit à l'allocation s'éteint 2 ans après la fin du mois pour lequel l'allocation était due.

2 Le droit de réclamer, soit le paiement de contributions non versées, soit la restitution de contributions payées à tort, s'éteint 5 ans après la fin de l'année civile à laquelle lesdites contributions se rapportent.

CHAPITRE IV

Financement

Art. 14

Financement

1 Le financement des allocations prévues par la présente loi est assuré par une contribution versée par les employeurs et les personnes exerçant une activité lucrative indépendante assujettis en vertu de l'article 1, alinéa 1.

2 Cette contribution est calculée sur le total des salaires payés par les employeurs assujettis et sur le revenu des personnes assujetties exerçant une activité lucrative indépendante, selon un taux uniforme fixé par le Conseil d'Etat en fonction des besoins de financement établis par le service cantonal d'allocations aux enfants de manière à assurer le versement des allocations prévues par la présente loi. Ce taux, qui doit également permettre de couvrir les frais de perception des caisses de compensation et les frais administratifs du service cantonal d'allocations aux enfants, figure dans le règlement d'exécution de la loi.

3 Les salaires et revenus pris en considération pour le calcul de la contribution correspondent à ceux soumis au paiement des cotisations dues conformément à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants et à son règlement d'application, du 31 octobre 1947.

CHAPITRE V

Perception des contributionsCaisses de compensation

Art. 15

Perception des contributions

1 La perception des contributions auprès des employeurs et des personnes exerçant une activité lucrative indépendante assujettis à la présente loi est confiée aux caisses de compensation AVS-AI reconnues dans le canton, dont la caisse cantonale de compensation.

2 Les caisses de compensation sont tenues de notifier à chacun de leurs affiliés le taux de contribution auquel ceux-ci sont astreints et les modalités de paiement de la contribution; ces derniers ont l'obligation de verser à leur caisse de compensation la contribution due sur cette base à chaque trimestre échu, accompagnée d'une déclaration des salaires ou revenus en fonction desquels la contribution a été calculée.

3 A défaut de déclaration ou en cas de déclaration inexacte du débiteur de la contribution, la caisse de compensation, après l'envoi d'une sommation impartissant un délai de 10 jours au débiteur pour qu'il se détermine sur le montant qu'elle considère comme étant dû et verse celui-ci, notifie une décision de taxation d'office fondée sur les éléments d'appréciation en possession de la caisse. En cas de recours, il appartient au débiteur de démonter que le montant fixé est inexact.

4 Le Conseil d'Etat fixe le taux de perception des contributions destiné à couvrir les administratifs des caisses de compensation.

CHAPITRE VI

Versement des allocationsService cantonal d'allocations aux enfants

Art. 16

Versement des allocations

1 Le versement des allocations aux ayants droit est effectué par le service cantonal d'allocations aux enfants, lequel est rattaché à la caisse cantonale genevoise de compensation, qui détermine en collaboration avec l'office cantonal de la population quels en sont les bénéficiaires.

2 A cette fin, les autres caisses de compensation doivent verser à la caisse cantonale genevoise de compensation, dans les 30 jours de leur réception, les contributions qui leur sont parvenues en vertu de l'article 14 et lui adresser copie des déclarations y relatives.

Art. 17

Provisions

La caisse cantonale de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants, crée une provision destinée uniquement à parer aux insuffisances temporaires de recettes.

Art. 18

Commission de surveillance

La commission de surveillance de la caisse cantonale de compensation exerce également sa surveillance sur le service cantonal d'allocations aux enfants.

Art. 19

Contrôle des comptes

Les comptes de la caisse cantonale de compensation, service cantonal des allocations aux enfants, sont communiqués aux autres caisses de compensation et sont contrôlés chaque année par une société fiduciaire, dont les rapports sont transmis au contrôle financier de l'Etat.

CHAPITRE VII

Décisions et voies de recours

Art. 20

Contrôles  La caisse cantonale de compensation, service des allocations aux enfants, procède à des contrôles auprès de ses affiliés et de tous les employeurs ou exerçant une activité lucrative indépendante n'ayant pas adhéré à une caisse de compensation AVS-AI en application de la présente loi. Elle est compétente pour prononcer, le cas échéant, des décisions d'assujettissement ou ordonner des décisions de taxation d'office.

Art. 21

Taxation d'office

Si un employeur ou une personne indépendante tenu de payer des contributions néglige, après sommation, de donner toutes les indications nécessaires au calcul des contributions, celles-ci sont fixées par une taxation d'office de la caisse de compensation concernée ou à défaut par la caisse cantonale de compensation.

Art. 22

Décisions et recours

1 Les décisions prises en application de la présente loi peuvent être soumises dans les 30 jours de leur notification à la commission cantonale de recours en matière d'allocations aux enfants instituée en vertu des articles 23 et 24.

2 En l'absence de recours à l'échéance du délai fixé à l'alinéa 1, la décision est assimilée à un jugement exécutoire au sens de l'article 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889 (ci-après loi fédérale).

CHAPITRE VIII

Commission cantonale de recoursen matière d'allocations aux enfants

Art. 23

Composition  1 Il est institué une commission cantonale de recours en matière d'allocations aux enfants qui est nommée pour 4 ans par le Conseil d'Etat et qui comprend un président, 4 membres et des suppléants.

2 A l'exception du président, qui est désigné parmi les juges du Tribunal administratif, les membres de la commission sont nommés pour moitié sur présentation des associations patronales, et pour moitié sur présentation des associations de salariés.

3 Le président et les membres de la commission sont rééligibles.

Art. 24

Compétence

La commission cantonale de recours est compétente pour statuer:

a) sur les recours contre les décisions prises en vertu de la présente loi par la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants, et par les caisses de compensation;

b) sur les différends entre la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants, relatifs à l'application de la présente loi.

2 Les décisions de la commission cantonale de recours sont assimilées à un jugement exécutoire au sens de l'article 80 de la loi fédérale.

Art. 25

Qualité pour agir

1 La personne ou l'institution qui a la charge effective de l'enfant au sens de l'article 10, alinéa 2, a également qualité pour recourir contre les décisions de la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants.

2 L'ayant droit ou le bénéficiaire qui demande remise de l'obligation de restituer, conformément à l'article 12, alinéa 2, in fine, présente une requête motivée par écrit dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la demande de restitution. En cas de recours, ce délai court dès la notification de la décision de l'autorité inférieure de recours.

CHAPITRE IX

Sanctions administratives et pénales

Art. 26

Sommation

1 Les personnes qui ne se conforment pas aux obligations découlant de la présente loi reçoivent une sommation.

2 La sommation met à la charge de l'intéressé une taxe de 10 à 100 F et le rend attentif aux conséquences de l'inobservation de la sommation.

3 Lorsqu'une sommation de payer des contributions arriérées, d'envoyer les décomptes prescrits ou de se soumettre aux contrôles prévus dans la présente loi n'a pas été suivie d'effet dans les 10 jours, une amende d'ordre de 50 à 500 F peut être infligée à l'intéressé.

4 En cas de récidive, le maximum de l'amende est porté à 1 000 F.

Art. 27

Contravention

1 Celui qui contrevient à la présente loi ou à ses dispositions d'exécution et notamment:

a) celui qui, assujetti à la présente loi, ne s'affilie pas à une caisse de compensation;

b) celui qui élude ou tente d'éluder de payer ses contributions;

c) celui qui s'oppose au contrôle prescrit pour assurer l'application de la présente loi ou l'empêche;

d) celui qui, étant astreint à donner des renseignements, en fournit sciemment de faux ou d'incomplets, ou refuse d'en fournir,

est passible des peines de police, sous réserve des peines plus élevées prévues par le code pénal.

2 Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société de personnes dépourvue de la personnalité juridique ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom.

3 La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent solidairement de l'amende et des frais.

Art. 28

Tribunal compétent

Le Tribunal de police est compétent pour connaître des infractions à la présente loi ou à ses dispositions d'exécution.

CHAPITRE X

Dispositions finales

Art. 29

Créances privilégiées

Les créances des caisses de compensation contre leurs affiliés sont des créances privilégiées au sens de l'article 219, alinéa 4 (2e classe) de la loi fédérale.

Art. 30

Collaboration

Les caisses de compensation, les services de l'Etat et des communes, les employeurs, les salariés et les personnes exerçant une activité lucrative indépendante doivent collaborer à l'application de la présente loi et de ses dispositions d'exécution.

Art. 31

Règlement d'application

Le Conseil d'Etat est chargé d'édicter les règlements d'application de la présente loi y compris les règlements de la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants, de la commission de surveillance et de la commission cantonale de recours.

Art. 32

Clause abrogatoire

Sont abrogées:

a) la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés, du 24 juin 1961 (J 7 1);

b) la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants, du 2 juillet 1955 (J 7 6).

Art. 33

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1996.

Art. 34

Disposition transitoire

Les caisses professionnelles et interprofessionnelles de compensation pour allocations familiales au sens des deux lois abrogées en vertu de l'article 32 disposent d'un délai d'une année à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi pour remettre au Conseil d'Etat les comptes (charges de la caisse par type d'allocation et contributions encaissées) des 5 derniers exercices avec le taux de contribution appliqué pendant la même période et le montant des réserves constituées, qui devront être versées dans le même délai à la caisse cantonale genevoise de compensation, service cantonal d'allocations aux enfants.

ANNEXE 2

103

ANNEXE 3

ANNEXE 4

106

ANNEXE 5

Premier débat

Le président. Je demande à Mme la secrétaire de bien vouloir lire la lettre dont la lecture a été proposée par M. Champod.

Annexe lettre AF

PL 7197-A
a)  Projet de loi de Mme et MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet, Claire Chalut et René Ecuyer sur les allocations familiales aux enfants (J 7 1). ( -) PL7197
Mémorial 1995 : Projet, 114. Commission, 239.
Rapport de majorité de Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), commission des affaires sociales
Rapport de première minorité de M. Bernard Annen (L), commission des affaires sociales
Rapport de deuxième minorité Mme Claire Chalut (AG), commission des affaires sociales
PL 7198-A
b)  Projet de loi de Mmes et MM. Gabrielle Maulini-Dreyfus, Liliane Maury Pasquier, John Dupraz et Philippe Schaller sur les allocations familiales (J 7 1). ( -) PL7198
Mémorial 1995 : Projet, 114. Commission, 239.
Rapport de majorité de Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), commission des affaires sociales
Rapport de première minorité de M. Bernard Annen (L), commission des affaires sociales
Rapport de deuxième minorité Mme Claire Chalut (AG), commission des affaires sociales
PL 7199-A
c)  Projet de loi de Mmes et MM. Gabrielle Maulini-Dreyfus, Liliane Maury Pasquier, John Dupraz et Philippe Schaller sur le Fonds pour la famille (J 7 8). ( -) PL7199
Mémorial 1995 : Projet, 114. Commission, 240.
Rapport de majorité de Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), commission des affaires sociales
Rapport de première minorité de M. Bernard Annen (L), commission des affaires sociales
Rapport de deuxième minorité de Mme Claire Chalut (AG), commission des affaires sociales

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse de majorité. Il s'est écoulé plus de trois ans entre les dates de dépôt des motions invitant à étudier l'opportunité de modifier la loi genevoise sur les allocations familiales et la séance d'aujourd'hui. Trois ans de travail et trois ans de bagarres ! Ce délai est significatif de la difficulté à trouver un consensus pas simple mais possible !

Les projets issus des travaux de la commission des affaires sociales, et soutenus par une majorité atypique, concrétisent une réponse possible à toutes les intentions politiques réitérées de soutenir une politique sociale, en particulier familiale. Au stade où nous en sommes, ces projets sont l'unique réforme possible. Le consensus de ceux qui la soutiennent ne saurait survivre à une modification de sa philosophie.

En effet, de la commission d'experts à la commission parlementaire, les uns et les autres ont déjà dû renoncer qui aux allocations jusqu'à vingt-cinq ans, qui à faire contribuer l'ensemble des revenus, qui encore à des montants plus importants des allocations, qui aux allocations en fonction du revenu, etc. Il s'agit dès lors bel et bien du produit d'une consultation, d'une négociation, de travail et de choix motivés, autrement dit d'un consensus, même si celui-ci se constitue en deçà et au-delà des arguments des auteurs de rapports de minorité.

La réforme que nous discutons aujourd'hui est à la fois ambitieuse et modeste.

Ambitieuse essentiellement, car elle réalise l'universalité des allocations familiales selon le principe un enfant - une allocation. C'est une réforme constructive qui permet d'attribuer les prestations d'allocations familiales à une personne responsable de chaque enfant, les allocations familiales devenant ce qu'elles sont par définition : une contribution à l'entretien de l'enfant, quel que soit le statut de son répondant.

Ambitieuse encore, car elle renforce la solidarité entre caisses fixant un taux plancher de contribution, un taux maximum de frais de fonctionnement et renforçant la péréquation entre caisses.

Modeste, puisque l'allocation de base de zéro à quinze ans n'atteint pas les 200 F demandés de longue date par l'initiative fédérale Fankhauser.

Modeste encore, puisqu'elle abolit le droit acquis des allocations familiales entre dix-huit et vingt-cinq ans sous condition de formation pour le limiter au même droit sous conditions cumulées de formation et de revenu, cette concession apportant le financement nécessaire au renforcement des prestations de base.

Modeste enfin, mais pas inutile, puisqu'elle réalise une simplification de la législation sans aller jusqu'à une centralisation à taux unique ou une caisse unique.

Nous allons aujourd'hui vers une acceptation d'une réforme progressiste affirmant la présence de la société à l'égard des familles ou alors vers une réformette ou encore vers un refus, vers un référendum, vers une initiative.

Si le Grand Conseil démontrait son incompétence, il révélerait, par là même, une forme d'irresponsabilité même s'il ne serait pas dramatique d'expliquer au peuple qu'un enfant est une charge indépendamment du statut de ses parents, et que l'attribution d'allocations familiales aux salariés, indépendamment de leurs revenus et l'exclusion du système des indépendants indépendamment de leurs revenus, est une conception qui a fait long feu.

Je reviendrai point par point, et dans le détail, sur différents aspects traités par les propositions d'amendements de l'un et l'autre rapport de minorité.

En attendant, vive les enfants qui ne sont, loin s'en faut, pas uniquement une charge !

Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. J'ai deux petites corrections à signaler. La première en page 84, à la quatrième ligne du deuxième paragraphe, car le mot «pour» a été oublié. Il faut donc lire : «Nous avons pourtant, pour les raisons évoquées...». La deuxième en page 87, sous le titre «Un rien fait peur dans cette République !...», à l'avant-dernier paragraphe, il faut ajouter le mot «peur» et il faut donc lire : «Voulait-on leur faire peur ?».

Par ailleurs, je voudrais dire très rapidement que mon rappel du passé, dans mon rapport de minorité, n'est pas le fait du hasard. Effectivement, à l'époque les députés patrons - il y en avait quand même quelques-uns de la génération précédente - ont été sensibilisés par la situation financière de certaines familles, parmi les plus misérables de l'époque, et observaient que leur situation financière se dégradait tous les jours. Ils l'ont fait savoir sur un ton évidemment plutôt paternaliste - je vous l'accorde très volontiers - mais ils ont agi en faveur de ces familles. Il n'est pas inutile de le rappeler, car la génération actuelle des députés, c'est-à-dire la majorité de ce Grand Conseil, freine aujourd'hui «des quatre pieds» pour empêcher que les choses puissent progresser, se modifier, voire être améliorées dans un sens qui n'est pas tout à fait habituel à ce Grand Conseil; peut-être parce que cela sortait un peu du «ronron» habituel.

En effet, aujourd'hui, quoi que l'on fasse, quoi que l'on propose, vous évoquez, avec cette pointe de chantage qui vous sied si bien, l'effet des coûts sociaux qui feraient fuir les entreprises ou empêcheraient le développement des emplois.

J'aimerais citer, à ce propos, M. le rapporteur de la première minorité qui écrit à la page 72 : «... que la progression des avantages sociaux a des limites et seule la croissance économique peut être en mesure de financer tout nouvel acquis social.» Je ne suis pas tout à fait sûre de cela; il faudrait en avoir les preuves. On nous annonce effectivement de la croissance, mais, malheureusement, cela ne développe pas les emplois.

Comme nous l'avons dit à réitérées reprises - c'est précisément là le problème - il est difficile - on l'a vu en proposant nos amendements et notamment ceux qui figurent dans notre projet de loi qui est en annexe - de faire des chiffrages concrets pour la bonne et simple raison que les comptes et les bilans nous ont toujours été refusés. On invoque le fait que ce serait trop compliqué. C'est regrettable, car nous aurions mieux pu mesurer l'impact des coûts des allocations familiales sur les entreprises et peut-être pas uniquement sur ces dernières, d'ailleurs.

Nous persistons, par conséquent, à dire qu'une telle situation ne peut effectivement plus durer. Il est vrai que le Conseil d'Etat ainsi que la majorité de ce Conseil préfèrent se faire dicter la conduite de leurs travaux par les Syndicats patronaux. Que de lettres n'avons-nous pas reçues ! C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un projet de loi. Nous avons évidemment eu l'outrecuidance de faire des propositions, mon Dieu, assez simples, puisque nous avons obtenu dans un premier temps le soutien des syndicats qui semblent revenir sur leurs positions, en tout cas sur certains points, notamment sur le principe d'une allocation modulée selon le revenu, celui d'un enfant - une allocation ayant déjà été admis. Après les discussions d'hier soir, durant lesquelles plus d'un milliard de travaux a été voté sans difficulté, ce projet correspond à un choix de société, un choix pour la vie. Je ne pense pas que la modulation de ces allocations pèse énormément sur les entreprises.

S'agissant de notre amendement, consistant à rajouter à l'article 8... Attendez, je cherche la page ! Nous voudrions donc rajouter, plus exactement, à l'article 4, une lettre d) : «l'allocation de formation professionnelle». J'avais précisé qu'il fallait s'arrêter avant la parenthèse. Ce point est également extrêmement important pour nous. On entend dire tous les jours que la formation est primordiale pour le développement d'entreprises de haute technologie, pour conserver une main-d'oeuvre très qualifiée, bref pour conserver la qualité du travail. Dans le même temps, nous devons continuer à maintenir certains métiers en voie de disparition, même si cela paraît paradoxal.

Cela implique que l'appui à la formation consiste à combler le fossé entre les personnes qui reçoivent une formation importante et celles pour lesquelles c'est plus difficile par manque de moyens.

Je m'arrête là pour le moment, mais j'interviendrai probablement sur d'autres objets.

M. Bernard Annen (L), rapporteur de première minorité ad interim. Faut-il encore longtemps laisser véhiculer dans le public de faux préjugés selon lesquels la couverture sociale dans notre pays, dans notre canton, est indigne ?

Faut-il encore longtemps se laisser culpabiliser par la gauche qui estime que ce n'est jamais assez, alors que depuis quarante ans le pouvoir d'achat de nos concitoyens a plus que doublé ?

Permettez, par exemple, que je vous indique la progression des dépenses en matière d'assurances sociales en Suisse entre 1989 et 1993, chiffres communiqués par l'Office fédéral des assurances sociales. Dépenses 1989 : 49 milliards; dépenses 1993 : 75 milliards, soit une augmentation de plus de 50%, alors que l'indice des prix à la consommation a connu, durant la même période, une progression de 17,4%.

Rappelons encore que 9% de la population genevoise paie plus de 50% des recettes fiscales des personnes physiques. Cette redistribution finance en partie des prestations sociales toujours plus lourdes dans notre canton. Nous en sommes fiers et nous devons l'être.

Pourtant, Mesdames et Messieurs, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Oui, la pauvreté existe aussi chez nous et nous devons nous en préoccuper ! Oui, le chômage est là ! Et même s'il est le plus faible des pays européens industrialisés, il ne peut pas nous laisser indifférents ! Et c'est précisément pour cela que notre devoir est d'offrir aux entreprises les meilleures conditions possibles pour affronter une concurrence toujours plus rude.

Le coût du travail, salaires plus charges sociales, est l'un des facteurs le plus important dans la constitution du prix de vente. C'est bien en raison de l'augmentation toujours plus lourde de ce coût que nos entreprises, nos commerces, sont de moins en moins concurrentiels et que des emplois se perdent tous les jours.

Mesdames et Messieurs, le coût du travail suisse, salaires plus charges sociales, dont les allocations familiales, se situe au deuxième rang mondial ! Oui, le coût du travail suisse, j'insiste, est le deuxième plus élevé au monde, après l'Allemagne ! D'ailleurs, M. Helmut Kohl a réuni tout dernièrement un conseil pour étudier comment diminuer le coût du travail allemand, véritable frein à la croissance économique de ce pays, si j'en crois les commentaires.

Lorsque l'on sait qu'aucun emploi ne se crée sans un taux de croissance d'au moins 3%, on comprend aisément le souci du gouvernement allemand d'affronter courageusement la question du coût du travail. C'est donc bien sous cet aspect également que nous devons traiter la question de la modification de la loi sur les allocations familiales.

Occulter ses incidences économiques paraîtrait irresponsable. En votant le projet qui nous est soumis ce soir, ce n'est pas moins de 17 à 25% d'augmentation du coût des allocations familiales que nous acceptons, alors que le Conseil d'Etat avait demandé à la commission d'experts de respecter le principe de la neutralité des coûts. Ce principe n'a pas été respecté et de loin !

L'entreprise verra sa cotisation allocations familiales augmenter d'autant. Si, de plus, l'entrepreneur est indépendant, je ne vous dis pas à quelle «sauce» il sera mangé ! Ce qui risque d'arriver c'est qu'il sera contraint, ne vous en déplaise, de licencier pour diminuer ses charges.

Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission n'a pas admis de laisser les indépendants en dehors du système des allocations familiales, comme c'est le cas dans la plupart des cantons suisses. Alors, au-delà des coûts supplémentaires que cela occasionnerait, ce sont des inégalités de traitement entre indépendants que cette loi entraînerait. Montrer du doigt une catégorie de personnes : les indépendants, parce que soi-disant ils ne paient pas de cotisations sur leurs revenus, c'est vite oublier qu'ils paient entièrement les cotisations allocations familiales de leurs propres employés et qu'à ce titre ils participent largement à l'effort collectif !

Dans un premier temps, la majorité des membres de la commission a tenté de nous faire croire qu'il était injuste que les indépendants et notamment les petits indépendants ne touchent pas d'allocations familiales. Ils se sont très vite rendu compte de la réalité : les indépendants ne veulent pas des allocations familiales et ils nous l'ont clairement dit. Alors, ils se sont raccrochés au principe de la solidarité : les indépendants devaient être solidaires et payer une cotisation sur leur revenu !

Mais dans ces conditions, Mesdames et Messieurs, il faudra m'expliquer de quel genre de solidarité l'on parle, en faisant payer une cotisation à un indépendant commerçant artisan sur son revenu, alors que le PDG d'une grande société n'en paie pas ! Où est la solidarité, je vous le demande ?

Je prétends donc que si vous désirez introduire la solidarité elle doit être généralisée. Et il vous faudra accepter le principe d'une cotisation paritaire, payée en partie par l'employeur et en partie par l'employé, car le président directeur général dans une grande société, comme je le disais tout à l'heure, est employé et, actuellement, il ne paie rien.

J'entends déjà les critiques fuser, mais cette proposition ne vient pas de moi; elle vient de Mme Fankhauser, conseillère nationale socialiste... (L'orateur appuie sur ce mot.) ...bâloise ! Il ne s'agit pas, Madame la rapporteur de majorité de dire qu'il faut tenir compte du même montant d'allocations familiales, comme proposé par Mme Fankhauser; il faut aller jusqu'au bout de sa pensée : la proposition d'une cotisation paritaire. Ainsi la cotisation moyenne genevoise actuellement payée uniquement par les entreprises est de 1,5%. Si ce parlement acceptait notre proposition de cotisation paritaire de 1% plus 1%, nous pourrions à la fois diminuer la charge des entreprises de 1,5% à 1% - et Dieu sait si ce serait bienvenu aujourd'hui - et augmenter le montant des allocations familiales d'environ 25% en moyenne, et cela répondrait au souci, Madame la rapporteur de majorité, que vous avez évoqué tout à l'heure.

Seul un financement solide permet d'assurer la pérennité d'une prestation sociale à long terme. Tout autre financement rend cette prestation fragile, et vous devez vous en souvenir. Pour ne pas l'avoir fait, le gouvernement suédois vient, ces derniers jours, de diminuer le montant des allocations familiales de ce pays de 15%. Oui, Mesdames et Messieurs, une diminution de 15% ! Pourtant, la Suède est toujours citée en exemple, pour son avance sociale. (L'orateur est interpellé par M. Grobet.) Monsieur Grobet, le montant des allocations se monte à 9 000 couronnes par année en Suède. Cela représente un montant de 127 F suisses par mois. Nos allocations sont donc déjà plus élevées qu'en Suède et elles le seront encore davantage avec ce projet. Le chiffre de 127 F suisses est fourni par les statistiques d'octobre 1995 de l'Union européenne. Avec la diminution de 15%, c'est environ 100 F d'allocations familiales qui sont versés actuellement en Suède.

Mesdames et Messieurs les députés, ne donnons pas de fausse joie à nos concitoyens, s'il vous plaît ! Proposons-leur des allocations sur lesquelles ils peuvent compter et non pas des allocations sur fond de risque de perte d'emplois ! Ne sacrifiez pas vos responsabilités sur l'autel d'une générosité aléatoire !

M. Daniel Ducommun (R). Je n'ai pas à vous cacher que notre groupe n'est pas unanime sur ce sujet. Mais la majorité, même si elle est très faible, n'approuve pas les conclusions de la rapporteuse de majorité.

Cette situation ne nous apparaît pas anormale, si l'on considère que deux positions fondamentalement contradictoires nous sont présentées dans ce projet de refonte des allocations familiales. La première situation est louable. Elle défend à ce titre le postulat un enfant - une allocation, synonyme d'une politique familiale digne et solidaire. Nous n'avons donc pas à rougir de la participation de nos deux commissaires aux affaires sociales.

L'autre aspect, malheureusement moins idéaliste, est plus réaliste. Il reflète un climat économique difficile engendrant le chômage de plus de quinze mille personnes. Devant cette situation angoissante, les entreprises, les entrepreneurs, bref, tous ceux qui sont concernés par ces projets de lois, nous demandent instamment d'instaurer un moratoire pour éviter toute nouvelle ponction de substance qui leur enlèverait les capacités nécessaires à l'investissement et à l'emploi, d'autant plus qu'aucun des acteurs de la vie économique n'a demandé de réformer ou d'augmenter des allocations familiales, que ce soit au niveau des employeurs comme des employés.

S'il est logique de combattre l'initiative 101 entraînant une augmentation de la charge fiscale de quelque 70 millions pour nos sociétés, il me paraît tout aussi logique de combattre une augmentation de charges de quelque 40 millions pour la réforme des allocations familiales que personne n'a demandée.

Mesdames et Messieurs les députés, 70 millions là, 40 millions ici, cela fait 110 millions, ce qui représente également mille cent postes qui sont en jeu et qui risquent de grossir les statistiques des sans-emploi, suite à nos décisions. En conséquence, et à défaut de pouvoir refuser l'entrée en matière, la majorité de notre groupe soutiendra ou proposera tout à l'heure tout amendement permettant de réduire les coûts de ce projet. Je fais notamment allusion à l'exclusion des indépendants du système dont ils ne veulent pas et au retour à 5 000 F du seuil de limite d'octroi des allocations d'étude ou d'apprentissage pour l'obtention des allocations d'encouragement à la formation.

Il nous apparaît également nécessaire, en marge de ces débats, de légiférer rapidement sur la suppression des déductions fiscales accordées pour les allocations familiales, afin d'introduire une réelle progressivité des prestations en fonction du revenu, solution plus simple dans sa gestion et plus sociale dans son principe.

M. Philippe Schaller (PDC). Ce projet de loi a fait couler beaucoup d'encre et suscité de nombreuses réactions, parfois fort violentes.

Le jeu en valait la peine, parce qu'il s'agit des enfants de ce canton, mais, comme l'a dit Mme Maulini-Dreyfus, finalement, l'enjeu en valait-il vraiment la peine ? En effet, la loi sur les allocations familiales que nous allons, j'espère, voter ce soir, n'est pas si novatrice, puisque tous les pays européens, sauf la Grèce, connaissent l'allocation universelle et ce postulat un enfant - une allocation !

Nous tenons à ce postulat. La majorité de la commission sociale s'est battue pour le maintenir, et nous nous battrons ce soir pour ce faire. Avec ce postulat : un enfant - une allocation, chaque enfant de ce canton, quel que soit le statut socioprofessionnel de sa famille, recevra une allocation.

Cette proposition est progressiste, moderne et adaptée à la situation économique de notre canton. M. Ducommun a cité des chiffres : 40 millions, 110 millions. Parlons des chiffres que nous connaissons, Monsieur Ducommun !

Il s'agit d'une augmentation de 33 millions des allocations familiales se décomposant de la manière suivante :

- 17 millions de plus pour les indépendants - les indépendants financeront donc les allocations familiales des indépendants, et nous ne pouvons pas considérer cela comme une charge supplémentaire pour les entreprises. (L'orateur est interpellé.) Mais ils les reçoivent ces allocations !

- 10 millions qui auraient dû être de toute manière adaptés pour les allocations familiales, cette année, en fonction des indicateurs économiques que nous connaissons et selon la loi sur les allocations familiales.

Cela fait 27 millions. Il reste donc 6 millions pour arriver à 33 millions. Il faut savoir que la loi améliore grandement l'allocation de base pour les enfants de 0 à 18 ans. Mais le compromis de cette loi fera que certaines familles - elles sont nombreuses dans ce canton - verront leurs allocations d'encouragement aux études diminuer fortement au profit, précisément, de l'allocation 0/18 ans.

M. Annen dit et redit que les indépendants ne veulent pas de cette allocation. Mais sur quels critères se base M. Annen pour affirmer cela ? Monsieur Annen, la Fédération des syndicats patronaux a effectué un sondage et a envoyé un questionnaire à huit mille indépendants. Sur ce nombre, mille quatre cents ou mille cinq cents personnes...

Une voix. Mille cinq cent cinquante !

M. Philippe Schaller. Mille cinq cent cinquante personnes ont répondu. Certaines les veulent. Elles sont peu nombreuses : une centaine ! Mais ce canton compte vingt-sept mille indépendants, d'après les chiffres de l'office cantonal de la statistique. Le pourcentage de réponses, Monsieur Annen, est donc faible. Vous n'avez donc pas le droit de dire que les indépendants n'en veulent pas !

Monsieur Annen, j'aimerais vous dire deux choses :

La première est que j'ai apprécié le travail que j'ai effectué en commission avec vous, parce que vous êtes un homme de terrain et que vous nous avez apporté, pendant ces débats, un éclairage très intéressant. Je vous en remercie donc.

Par contre, je ne peux pas accepter l'introduction de votre rapport de minorité, car il laisse imaginer que M. Dupraz et moi-même sommes les moutons noirs de l'Entente ! Monsieur Annen, jusqu'à preuve du contraire l'Entente n'est pas gouvernée par le pouvoir libéral : c'est bien un pouvoir partagé ! Genève doit être gouvernée au centre, et je suis pour l'Entente qui s'entend pour résoudre les problèmes sociaux de ce canton.

Je discuterai de vos amendements plus tard en deuxième débat.

Madame Chalut, je vous remercie d'avoir évoqué la mémoire de M. Laurencet, mais surtout pour les deux tableaux que vous nous avez fournis, en souhaitant que les députés qui n'auraient pas lu le rapport jusqu'à la fin en prennent connaissance ! En effet, ces tableaux montrent bien que Genève a, en fait, inversé sa générosité en matière d'allocations familiales depuis 1983, puisqu'elle est en dessous de la moyenne helvétique, et que Genève est également en dessous de la moyenne du taux de cotisation par rapport à la Suisse. Merci, donc, Madame Chalut d'avoir apporté ces précisions.

Mesdames et Messieurs, nous devons être convaincus que le social et l'économie ne sont pas opposés : ils sont complémentaires. Aujourd'hui, nous devons faire un effort substantiel en faveur des enfants de ce canton, et ce n'est que justice sociale.

En période de crise, comme celle d'aujourd'hui, ce sont les familles qui sont le plus touchées, et il est juste que nous adaptions les allocations familiales de manière cohérente et économiquement supportable. J'espère que Genève aura ce soir une longueur d'avance, comme elle l'a eu pour le revenu minimum.

Le groupe démocrate-chrétien est tout à fait conscient qu'il faudra travailler encore le processus des allocations familiales, notamment dans le cadre de leur financement, dans le cadre, comme l'a dit M. Ducommun, de la fiscalisation ou dans le «ciblage» de ceux qui en ont réellement besoin. Nous, nous nous engageons, en tant que groupe démocrate-chrétien, à déposer ces prochains mois une motion regroupant ces différentes propositions.

M. Pierre Ducrest. Ce projet montre le malaise engendré par la conjoncture que nous traversons actuellement. On a parlé de solidarité, de familles; ce sont des mots recouvrant une réalité, et nous devons en tenir compte. Comme l'a dit Mme la rapporteuse de majorité, ce projet a occasionné trois années de travaux en commission.

J'aimerais vous faire toucher du doigt la situation que connaissent depuis trois ans les petites et moyennes entreprises, les plus nombreuses dans ce canton. Souvent les patrons de ces petites et moyennes entreprises sont des indépendants. Qu'ont fait ces entreprises pour traverser cette crise. Eh bien, si elles en avaient, elles ont réalisé leurs réserves latentes, pour ne pas débaucher et maintenir la masse salariale à son niveau. Ensuite, les réserves étant épuisées, elles ont commencé à agir sur la masse salariale. Lorsqu'un patron d'une petite et moyenne entreprise a calculé le salaire brut d'un employé, il doit rajouter le pourcentage qu'il doit payer sur les allocations familiales, pourcentage qui varie, comme tout le monde le sait, de 0,5 à 2,5% selon le type de profession, en moyenne 1,5%. Que fait ce patron actuellement ? Il se met lui-même dans la masse salariale pour faire survivre son entreprise !

Alors, si on demande aux indépendants de fournir un effort pour payer eux-mêmes leurs allocations familiales qui ne seront pas «rebasculées» directement d'une manière linéaire s'ils ont des enfants - bien entendu, ils peuvent n'en avoir qu'un ou pas du tout - ils devront augmenter artificiellement leur masse salariale, ce qui est actuellement impossible. Ils se retourneront donc vers la débauche... la débauche d'employés bien entendu ! (Rires.) En définitive, le bienfait qui aurait pu être attendu des allocations familiales sera un méfait pour l'emploi.

L'article 14 de cette loi qui oblige les caisses à se regrouper, qui empêche, par un plus grand libéralisme, la création de nouvelles caisses dans l'avenir - elle plafonne le nombre des indépendants se regroupant - dépend en plus de l'article 32 obligeant à faire des réserves qui n'ont, depuis quarante ans, jamais servi. Comment voulez-vous donc créer une caisse nouvelle ?

La commission a passé comme chat sur braise sur l'aspect fiscal du problème. M. Ducommun l'a relevé tout à l'heure très justement. Aujourd'hui 1er mars 1996, alors que cette loi doit entrer en vigueur le 1er janvier 1997, M. Schaller nous signale que le groupe démocrate-chrétien apportera dans quelques mois une modification de cette loi, avant même qu'elle ne soit en vigueur; je trouve cela très étrange ! Moi, je pense que nous avons du temps devant nous, aussi je propose au parlement de renvoyer ce projet à la commission fiscale.

M. Pierre-Alain Champod (S). Il faut peut-être rappeler l'origine du projet dont nous débattons ce soir. Au départ, il y avait deux motions, l'une émanant de la commission des affaires sociale demandant notamment d'étudier la possibilité d'intégrer les indépendants et de revoir la péréquation entre les caisses, et l'autre du parti socialiste invitant à introduire dans la législation sur les allocations familiales le principe de un enfant - une allocation.

Je ne vais pas refaire l'historique entre le moment où ces motions ont été adoptées par notre parlement et le moment où nous débattons ce soir de ce projet de loi. Je rappellerai simplement que ce texte a été élaboré par une commission d'experts et que ce projet n'a pas été déposé par le Conseil d'Etat, mais par des députés appartenant à quatre groupes faisant partie de ce parlement.

Ces quelques remarques préliminaires étant faites, il convient de dire pourquoi il est nécessaire aujourd'hui de revoir notre législation sur les allocations familiales. Premièrement, notre législation est extrêmement complexe et compliquée dans son application, puisque l'allocation dépend de la situation de salarié du bénéficiaire. On a introduit, avec raison d'ailleurs, toutes sortes d'exceptions. Par exemple, les chômeurs continuent à toucher les allocations familiales; certaines personnes travaillant à temps partiel doivent travailler un minimum d'heures par semaine pour avoir droit à une allocation entière en fonction du nombre d'enfants qu'elles ont; une personne qui perd son emploi suite à une maladie a le droit, si elle touche des prestations de son assurance perte de gains, de percevoir les allocations pendant douze mois, la suite dépendant de sa situation financière, etc.

De nombreux articles rendent cette loi extrêmement complexe, ce qui a pour conséquence qu'un certain nombre de bénéficiaires qui devraient avoir droit à des allocations ne les touchent pas par méconnaissance de la loi. D'autre part, comme il faut être salarié pour bénéficier des allocations, un certain nombre de personnes à bas revenu n'y ont pas droit : je pense, par exemple, aux personnes assistées par l'Hospice général et aux couples d'étudiants avec enfant qui n'en bénéficient pas.

Cette loi sur les allocations familiales est très marquée par l'époque où elle a été introduite : l'après-guerre, époque où la vision de la famille était traditionnelle et les emplois stables à vie. Aujourd'hui, la situation des familles a changé : il y a des familles monoparentales, des familles recomposées et la situation économique fait que de moins en moins de gens ont la chance d'avoir un poste stable, de nombreuses personnes ayant des emplois temporaires, des emplois précaires, etc.

Cela nécessite de revoir le système des allocations en basant le droit non pas sur le statut de salarié, mais sur l'existence d'un enfant. C'est l'enfant qui donne droit à une allocation. Il convient aussi d'inclure les indépendants dans ce principe un enfant - une allocation, parce que leur situation est très hétérogène. Si certains gagnent bien leur vie et pourraient, effectivement, se passer d'allocations familiales, d'autres, de plus en plus nombreux, se trouvent dans une situation financière difficile. C'est un phénomène nouveau; depuis cinq ou six ans, on voit des indépendants recourir à l'assistance publique. C'est un fait marquant pour les services sociaux de trouver des indépendants dans leur «clientèle».

M. Annen disait tout à l'heure qu'aucun canton suisse n'avait inclus les indépendants parmi les bénéficiaires, ce qui est inexact. Neuf cantons suisses appliquent un régime d'allocations familiales pour les indépendants, dont sept avec des conditions de revenu et deux sans conditions de revenu : le canton des Grisons et le canton d'Argovie.

Ces constats de l'inadaptation actuelle de notre loi rendent aujourd'hui nécessaire une réforme introduisant la notion d'un enfant - une allocation. C'est d'ailleurs l'élément essentiel de cette réforme, le reste portant sur des détails.

Le parti socialiste pense que le projet que nous allons voter ce soir ne va pas aussi loin que ce que nous aurions souhaité. Nous trouvons que le projet de l'Alliance de gauche, sur un certain nombre de points, est meilleur que le projet tel qu'il est sorti de la commission des experts.

M. Gilles Godinat. Il faut le soutenir, alors !

M. Pierre-Alain Champod. Cependant, nous sommes aussi conscients qu'il ne suffit pas de présenter un bon projet pour faire une bonne loi : il faut également avoir une majorité ! Pendant les travaux effectués en commission, nous nous sommes rendu compte que votre projet était meilleur sur le papier, mais qu'il ne rassemblait pas une majorité. En revanche, une majorité s'est dessinée au sein de la commission des affaires sociales sur le projet provenant de la commission des experts. Il nous a donc semblé que c'était un compromis acceptable.

Ce projet est acceptable tel qu'il ressort de la commission. S'il devait être dénaturé - je pense notamment à l'exclusion des indépendants du cercle des bénéficiaires des allocations familiales ou à l'introduction, sans discussion avec les partenaires sociaux, d'une cotisation paritaire - nous ne le soutiendrions plus. Nous lancerions une initiative sur ce sujet, non plus sur la base du texte des experts, mais sur la base d'un texte rédigé par le parti socialiste.

Puisque nous soutenons ce projet, tel qu'il ressort des travaux de la commission, nous nous opposerons, bien sûr, aux amendements proposés par la minorité représentée à la table des rapporteurs par M. Annen et nous nous abstiendrons sur les amendements proposés par l'Alliance de gauche.

Une remarque encore sur la méthode employée pour ce projet. Le fait d'avoir réuni une commission d'experts composée par les syndicats patronaux, les syndicats ouvriers et les représentants de différents partis, a permis de présenter un projet qui est déjà un compromis. Si nous devons faire un compromis d'un compromis en commission, il ne restera plus grand-chose. Cette méthode, consistant à négocier les projets ailleurs qu'au parlement, n'est pas toujours une bonne chose, d'autant plus que cet exemple montre que l'on ne gagne pas forcément beaucoup de temps.

Cette loi étant un compromis, elle comporte bien sûr des améliorations et des aspects négatifs.

Dans les améliorations, je signalerai le principe un enfant - une allocation, principe, comme l'a dit M. Schaller, déjà appliqué dans la grande majorité des pays d'Europe. Il simplifie grandement la loi et évite que les personnes aux revenus modestes soient écartées du système.

Il présente également une amélioration par rapport à l'écart des taux entre les caisses qui oscillent actuellement entre 0,8 et 2,5%, ce qui n'est pas acceptable.

Le montant des allocations représente également une amélioration, même si elle est modeste, et comme cela a déjà été dit, nous aurions de toute façon dû améliorer la loi qui nous impose de revoir tous les deux ans le montant des allocations.

Nous sommes moins d'accord avec certains aspects de ce compromis que nous jugeons négatifs, mais que nous acceptons. Par exemple, le fait que nous conservions un système compliqué avec une multitude de caisses, une multitude de taux, alors qu'une caisse unique serait une solution d'avenir. Mais il a fallu tenir compte de l'histoire et de la manière dont les allocations familiales ont été créées dans ce canton.

Autre point extrêmement négatif - M. Schaller l'a également relevé - les jeunes entre 18 et 25 ans devront non seulement être aux étude ou en apprentissage pour recevoir les allocations mais aussi remplir des conditions de revenu. Cela signifie qu'une bonne partie des parents de la classe moyenne qui touchent aujourd'hui une allocation ne pourront plus la percevoir.

Néanmoins, nous avons pensé que ce compromis représentait une amélioration par rapport à la situation présente. C'est la raison pour laquelle nous le voterons.

Enfin, comme d'autres l'ont déjà dit, cette réforme n'est qu'une étape. Pour faire changer les choses dans ce pays, il faut pratiquer la politique des petits pas. D'autres étapes seront nécessaires; je pense notamment à la modulation des allocations en fonction du revenu des parents, soit sur le modèle proposé par l'Alliance de gauche soit sur un modèle d'imposition fiscale des allocations familiales. Dans un avenir peut-être un peu plus lointain, je pense que nous arriverons à avoir une seule caisse et un taux unique. Ces débats auront lieu, soit à la fin de cette législature, soit au début de la suivante.

En conclusion, compte tenu des différentes remarques que j'ai exprimées, le parti socialiste vous invite à voter le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission.

M. Bernard Clerc (AdG). Je remercie M. Annen et M. Ducrest qui nous ont démontré que les allocations familiales et les cotisations qui leur sont liées font intrinsèquement partie du salaire !

C'est la thèse que nous avons toujours défendue. Effectivement, sur le marché du travail, les salaires sont déterminés par ce marché et non pas en fonction des charges supportées par les individus, les charges de famille notamment.

Cet état de fait a été à l'origine de l'institution des allocations familiales, et il est toujours valable aujourd'hui. Dans la plupart des familles d'ailleurs l'homme et la femme sont obligés de travailler tous les deux pour assurer un revenu décent à leur famille et les allocations familiales sont effectivement un élément important, notamment dans le revenu des femmes seules avec enfant.

Il faut relever qu'actuellement le montant des allocations familiales est dérisoire par rapport au coût d'un enfant dont je rappelle qu'il a été évalué par Pro Juventute à 1 100 F par mois, et que les allocations genevoises sont parmi les plus basses de Suisse.

J'aimerais tout de même revenir quelque peu sur certaines affirmations de M. Annen, en termes de prestations sociales, qui me paraissent devoir être rectifiées. Je rappellerai tout d'abord que la part consacrée par la Suisse, par rapport au produit intérieur brut, aux prestations familiales, est de 1%. A titre de comparaison, on peut voir que le Danemark est à 3%, la France à 2,2%, le Royaume-Uni, pays ô combien libéral, à 2,2% et l'Allemagne à 1,9%. J'arrêterai là cette liste comparative.

En termes de progression du pouvoir d'achat des salariés dont M. Annen a parlé, en évoquant une longue période, mais en se gardant bien de préciser la situation de ces quatre dernières années. Alors, je vais en toucher un mot, Monsieur Annen, pour vous faire remarquer que le pouvoir d'achat des salariés dans ce canton a baissé de 8%, en moyenne, entre 1991 et 1994. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est «Eco diagnostic» !

Vous parlez des charges salariales et des charges sociales, par rapport à la compétitivité. Vous semblez ignorer, Monsieur Annen, que la Suisse se situe au cinquième rang mondial de la productivité, en 1995, et qu'elle a progressé d'un rang, puisqu'elle était sixième en 1994. Alors, je veux bien que vous nous citiez un certain nombre de chiffres pour expliquer que la situation est catastrophique pour les entreprises de ce pays, mais, tout de même, si nous avons la productivité la plus élevée juste après les Etats-Unis, Singapour, Hong Kong et le Japon, cela mérite une certaine réflexion par rapport à vos propos.

J'aimerais maintenant en venir à la question qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est-à-dire les projets de lois qui nous sont soumis. Quiconque, un tant soit peu honnête et rigoureux sur le plan intellectuel, reconnaîtra que notre projet est le plus rationnel et le plus juste, je le précise, indépendamment des montants des allocations proposées.

Notre projet rejoint, aujourd'hui, celui de la commission d'experts et celui de la majorité aujourd'hui sur deux points. Premièrement, sur le principe : un enfant - une allocation et, deuxièmement, sur l'affiliation des indépendants.

Il diverge sur quatre autres points :

- Le montant des allocations tout d'abord. Nous proposons 200 F jusqu'à quinze ans et surtout leur modulation en fonction du revenu. Nous estimons, en effet, que les allocations familiales servent, comme je l'ai déjà dit, à compenser les inégalités résultant des montants des salaires par rapport aux conditions sociales des personnes. Il nous semble donc normal que les revenus les plus bas touchent des allocations plus conséquentes. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé 250 F par mois pour un revenu inférieur à 50 000 F et 300 F pour un revenu inférieur à 40 000 F.

- La deuxième divergence provient de l'allocation de formation professionnelle. Actuellement, cette allocation est versée à tous les jeunes jusqu'à 25 ans qui poursuivent une formation ou un apprentissage, et elle sera supprimée pour un grand nombre d'entre eux. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure.

- La troisième divergence porte sur le taux de cotisation. Le taux unique de cotisation est le système le plus simple et le plus juste. Il compense les inégalités existant actuellement entre les secteurs économiques. Je trouve particulièrement curieux que M. Annen, qui représente les entreprises du bâtiment, qui paient les taux de cotisation les plus élevés, ne nous ait pas soutenus dans ce projet à taux unique, alors que les entreprises qu'il défend en auraient bénéficié largement, de l'ordre de 0,8 à 1%, ce qui représente un certain nombre de millions. Cette attitude me laisse perplexe, sauf si, évidemment, elle cache la crainte de la caisse unique !

- Quatrième divergence : la caisse unique. Actuellement, le canton de Genève compte cinquante-deux caisses d'allocations familiales. Je trouve particulièrement étonnant que les partis de droite, qui à longueur d'année nous parlent de gestion rationnelle de l'Etat, ne soient pas indisposés par le nombre excessif des caisses chargées du versement de ces allocations. Notre projet laissait à ces caisses la possibilité de collecter les cotisations et instituait une caisse unique pour leur versement, ce qui est beaucoup plus logique et, surtout, ce qui diminuerait les frais administratifs. Nous avons évalué dans le projet que ces frais pouvant atteindre 7% - ce qui, entre parenthèses, va pousser toutes les caisses à atteindre ce taux - pourraient être ramenés à 4 ou 5%.

Ce sont les principales divergences entre les deux projets de lois. J'aurai l'occasion de revenir sur certains aspects spécifiques à l'occasion de l'un ou l'autre des amendements. Pour l'heure, nous regrettons que le refus du projet de l'Alliance de gauche se soit manifesté sur la base d'un a priori politique, voire idéologique, indépendamment de son contenu.

Nous voterons l'entrée en matière sur le projet de loi proposé par la majorité. Nous ferons un certain nombre de propositions sous forme d'amendements et nous nous déterminerons ultérieurement quant au vote final.

M. Christian Grobet (AdG). Comme l'a dit M. Schaller, la réforme proposée ce soir, issue des travaux de la commission, est bien modeste. On peut dire que la montagne a accouché d'une souris. D'ailleurs, on s'en étonne lorsqu'on se réfère aux diverses motions votées par ce Conseil il y a trois ans.

Vous me permettrez de sourire, Monsieur Schaller, lorsque que je vous entends dire qu'après le vote de ce projet de loi votre parti déposera une nouvelle motion pour essayer de faire avancer les choses, car plusieurs motions ont déjà été votées. Alors, je ne sais pas si vous comptez sur l'amnésie des uns et des autres pour ne pas vous en souvenir ou si vous voulez vous donner bonne conscience.

Je n'entrerai pas dans les détails, puisque M. Champod a déjà rappelé l'historique des débats. Toutefois, le 18 décembre 1992, cela fait plus de trois ans, ce Grand Conseil, à l'occasion d'une des révisions périodiques du montant des allocations familiales, avait exprimé un certain nombre de demandes et voté une première motion.

Comme cette dernière ne paraissait pas suffisamment précise, deux mois plus tard, des députés socialistes, dont Mmes Reusse-Decrey et Torracinta-Pache ainsi que M. Champod, ont déposé une autre motion qui allait plus loin que le projet un enfant - une allocation. Elle demandait toute une série de choses dont l'assujettissement des indépendants et la modulation des allocations familiales en fonction des revenus des ayants droit.

Aujourd'hui, on est incapable de concrétiser ce principe, même si les membres de certains partis prétendent être acquis au système de cette modulation. Du reste, il n'y a pas d'ambiguïté sur la portée de ces motions, puisque le département de la prévoyance sociale et de la santé publique, dont le président, ici présent, avait donné un excellent mandat à la commission des experts dans lequel figuraient toutes les demandes.

Premièrement, la fusion totale ou partielle des caisses d'allocations familiales. Deuxièmement, la création d'une allocation maternité versée durant les six mois suivant la naissance. Troisièmement, des allocations familiales variant en fonction du revenu familial. Quatrièmement, le versement des allocations familiales à l'étranger sur la base du standard de pouvoir d'achat de la communauté européenne. Cinquièmement, l'extension des allocations familiales aux indépendants. Sixièmement, l'introduction d'un taux unique de contribution ou, à défaut, d'un taux minimum avec extension; la compensation des charges entre les caisses. Septièmement, l'amélioration de l'information générale sur la situation financière des caisses. Huitièmement, l'eurocompatibilité du régime des allocations familiales et enfin, l'introduction du principe un enfant - une allocation avec l'étude de ces implications financières.

Par cette démarche, nous essayons de respecter le principe de l'eurocompatibilité. Or force est de constater que, sur la dizaine des principes énoncés dans le mandat confié aux experts, deux seulement ont été repris, représentant certes un progrès notable, à savoir l'assujettissement des indépendants - vieux serpent de mer qui remonte à cinquante ans, qui, pour autant qu'il soit voté ce soir, sera un acquis important - et le principe d'un enfant - une allocation.

Tous les autres points ont passé aux oubliettes et, ce soir, on nous annonce que l'on déposera des motions, qu'on lancera une initiative sur la base du projet socialiste que nous serions heureux de connaître, Monsieur Champod. Mais, en attendant, tous ces beaux principes sont oubliés et nous ne sommes pas satisfaits.

M. Clerc a fait allusion aux cinquante-deux caisses d'allocations familiales à Genève. Le parallèle est vite fait avec les dizaines de caisses d'assurance-maladie sur le plan cantonal et les centaines sur le plan fédéral. Ainsi, on s'aperçoit qu'on ne peut plus gérer de manière satisfaisante ce système de la multiplicité des caisses.

Monsieur Annen, vous qui avez le sourire facile, je comprends que vous soyez satisfait d'un système archaïque et peu productif en matière d'allocations familiales. Curieusement, il va exactement à l'encontre de toutes les leçons de productivité que, d'habitude, vous nous donnez. Mais il est vrai que la multiplicité des caisses permet de maintenir ce manque de transparence dénoncé depuis un certain nombre d'années. Cette confusion des caisses en matière de charges est entretenue et vous l'évoquez comme prétexte pour nous empêcher de connaître leur réelle situation financière en matière d'allocations familiales.

Cette situation mérite d'être éclaircie. Toutefois, en ce qui concerne notre projet de loi, nous nous empressons d'ajouter que nous n'en faisons pas une question d'amour-propre. Il ne faisait que répondre au mandat remis à la commission des experts, donc aux principes adoptés par ce Grand Conseil et permettait d'introduire un système tout simple, alors que, comme vient de le dire M. Champod, le système reste complexe et archaïque.

Il est paradoxal qu'en trois ans on n'ait pas réussi à régler cette affaire. M. Ducrest, qui lui aussi plaide en faveur de l'efficacité, nous demande de renvoyer le tout en commission dans le but très probable de perdre encore trois ans. Ainsi rien ne se fera. On comprend bien votre tactique.

Monsieur Annen, je connais très bien la situation de la Suède, puisque mes enfants ont la double nationalité. Si vous voulez adapter le système suédois, on se trouvera sur la même longueur d'onde. Toutefois, vous ne pouvez pas dissocier le principe des allocations familiales sans tenir compte de l'ensemble des prestations sociales en vigueur en Suède. Il existe une sécurité sociale qui comprend des soins gratuits, y compris les soins dentaires et un véritable appui à la famille qui n'existe pas dans notre pays, un congé parental de deux ans, tant pour la mère que pour le père, entre autres. Par conséquent, le taux des allocations n'est pas aussi élevé que chez nous.

Outre le fait qu'on n'ait pas réussi à simplifier les choses, un certain nombre de points du projet de loi nous paraissent mal rédigés. Il est important de relever qu'on y introduit la notion nouvelle que défend M. Annen, qui a dit très clairement souhaiter que la charge des allocations familiales soit transférée de l'employeur aux salariés.

De manière très habile, on a changé l'assujettissement dans cette loi. En effet, aujourd'hui les employeurs sont les assujettis et versent les contributions aux caisses pour financer les allocations familiales. Or l'article 1 de la loi stipule que les assujettis sont les salariés. Il est vrai que ce sont les employeurs qui paient. Toutefois, ce changement fondamental du système nous paraît inacceptable.

Mais de cela personne ne dit mot. Un des experts syndicalistes, membre de la commission d'experts, est tombé des nues après avoir constaté que rien n'avait changé dans le système. Or je suis heureux de vous voir acquiescer.

Au travers de cette loi, on veut inverser le principe et créer l'assujettissement des salariés. C'est pour cette raison que nous proposerons un amendement pour rétablir le système de la loi actuelle dans laquelle les assujettis sont les employeurs et, bien entendu, on y ajoutera les indépendants. Et puis, il y a les ayants droit. Mais, jusqu'à présent, les salariés n'ont pas été, et ne sont toujours pas, les assujettis à cette loi.

Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. J'aimerais revenir sur différentes choses qui ont été dites sur le taux de contribution proposé dans notre amendement, lequel figure également dans notre projet de loi. Ce dernier, soit dit en passant, n'a malheureusement pas été discuté. C'est dommage et l'est d'autant plus que M. Champod en reconnaît maintenant le bien-fondé et qu'il veut en reparler dans deux ans ! Tout cela n'est pas d'une efficacité exemplaire.

Nous avons proposé un taux de contribution unique pour rétablir un certain équilibre et une certaine solidarité, parce que nous estimons tout à fait injuste que des secteurs, comme celui de la construction, soient fortement taxés par rapport aux secteurs bancaires ou d'autres pratiquant des salaires beaucoup plus élevés.

Monsieur Annen, avant de parler de la Suède, parlons de Genève ! Cela suffira, parce que notre modeste République, telle une petite verrue rattachée à la Suisse, me semble bien compliquée, à moins que l'on n'y embrouille les choses à plaisir.

Notre projet avait au moins le mérite de la simplicité et de la lisibilité. En effet, il n'est pas donné à tout le monde de prendre connaissance de la loi, puisqu'il faut faire des études pour l'entendre. La nôtre, pour être comprise, n'exige par de formation spécialisée.

Vous avez parlé des indépendants. Il est vrai que vous avez oublié de dire, comme cela vient d'être relevé juste derrière moi, que les enfants des indépendants toucheront des allocations pour autant que leurs parents cotisent. Je voudrais citer une lettre envoyée à ces indépendants par vos amis de la rue de Saint-Jean, autrement dit la Fédération des syndicats patronaux, qui fait souvent sa loi chez nous.

Je relève dans cette lettre un passage éloquent, je cite : «Sachez que malgré votre avis fortement exprimé - mille cinq cents réponses sur huit mille et quelque - la majorité de la commission sociale du Grand Conseil soumet ce dernier vendredi - c'est-à-dire aujourd'hui - un projet de loi de la refonte du système des allocations qui vous intégrera. Il faut faire le bonheur des gens malgré eux, au nom du dogme un enfant - une allocation.» Les dogmes vont vite, n'est-ce pas ? Certains ont la vie dure, mais les nouveaux sont encore plus rapides. La lettre contient d'autres passages tout aussi gratinés.

Je dirais à M. Champod que je regrette qu'il ait, d'entrée en matière, refusé notre projet de loi, car il aurait été intéressant de pouvoir en discuter. Il aurait été intéressant aussi de recueillir l'opinion des gens lors des travaux de la commission.

M. John Dupraz (R). Les débats sur les allocations familiales ont toujours été passionnels. Ce soir, nous traitons d'une mini réforme qui engendre les ires de certains milieux patronaux.

Bien que cette réforme ne soit pas encore entrée en vigueur, je vous rappelle, Monsieur Annen, que trente-huit mille emplois ont disparu, l'an passé, dans notre pays. Ce n'est pas dû au système des allocations familiales, mais à des phénomènes extérieurs à la Suisse, qui sont les accords internationaux du GATT, la globalisation des marchés, les rationalisations des entreprises qui doivent toujours être plus compétitives pour vendre leurs produits.

En fait, les enfants sont le centre d'intérêt de ce projet de loi. Le postulat un enfant - une allocation attribue aux enfants l'importance qui leur est due, parce qu'ils représentent, dans la société, l'avenir du pays; ils occuperont les places où nous siégeons aujourd'hui et nous succéderont dans la conduite des activités économiques de ce pays.

Le principe inscrit dans cette loi stipule que les allocations familiales sont une participation au coût de l'enfant, et que ce coût est le même que l'enfant soit d'une famille modeste ou aisée. Ce principe est, avant tout, un droit social et c'est ce à quoi s'est attachée la commission.

On a dit qu'il allait mettre les entreprises en péril, que les indépendants n'en voulaient pas, etc. Quant à moi, je constate une chose : nous abaissons le taux de cotisation à 2% pour les entreprises les plus lourdement chargées et nous faisons payer un peu plus les entreprises aisées, notamment celles du secteur des services. Il est vrai que nous sommes loin du taux unique, mais ce projet de loi fait apparaître un plus gros effort de solidarité, des éléments permettant le regroupement et une meilleure gestion des caisses d'allocations. C'est une réforme à petits pas, tout à fait supportable, et qui devrait inscrire dans notre société un peu plus de solidarité entre les entreprises, ainsi qu'entre les indépendants et entre les salariés.

C'est pourquoi je voterai ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission, et si je me déclare en faveur d'un amendement pour le plafonnement de la masse salariale et des revenus à 240 000 F et quelque, c'est par similitude avec les cotisations et allocations de chômage. Cela semble logique et cohérent dans la pratique.

Je proposerai un deuxième amendement concernant l'article 44 sur l'application de la loi. Il s'agit d'un amendement technique que j'exposerai en deuxième débat.

Maintenant, j'en reviens aux méthodes de travail de la commission. Je suis profondément scandalisé du rapport de minorité de M. Annen. Je trouve ses propos inacceptables, notamment lorsqu'il dit que certains députés de l'Entente se sont découvert le coeur à gauche. Monsieur Annen, je me demande de quel côté est le vôtre et si vous l'avez remplacé par un tiroir-caisse ! Titrer : «Honni soit qui manigance», c'est tout juste ne pas désigner nommément le chef du département chargé des allocations familiales. C'est inadmissible, insultant et ces propos, que vous destinez aussi aux membres de la commission d'experts qui ont bien fait leur travail, relèvent plus de la délinquance politique que de l'acte politique responsable. (Exclamations.) Il est détestable, alors que tous ont fait des efforts pour parvenir à un compromis, qu'on ait eu affaire, dans cette commission, à des gens qui n'ont cessé de mettre les bâtons dans les roues, qui n'ont rien proposé si ce n'est, au dernier moment, des mesures dilatoires pour saboter le travail de la commission.

Nous voterons donc ce projet de loi qui est un bon projet parce qu'il accorde aux enfants la place qui leur est due dans cette société. (Applaudissements.)

Mme Danielle Oppliger (AdG). La refonte générale de la loi sur les allocations familiales est devenue une nécessité, afin d'assurer les prestations familiales aux personnes à revenus modestes, indépendamment de leur statut professionnel ou de leur taux d'activité.

Le principe d'universalité des allocations familiales, selon le postulat un enfant - une allocation, semble être agréé par la majorité du Grand Conseil, et je m'en réjouis.

En ce qui concerne les adaptations des rentes, nous avons une vue différente de la majorité de la commission. Nous mettons un accent particulier sur l'augmentation des rentes aux enfants. Il s'agit de freiner le processus de régression sociale en cours, notamment à travers les transferts des charges sociales. Exemple : le problème des caisses maladie qui pèse sur la majorité des citoyens salariés. Une refonte complète de la loi de l'allocation familiale, pour qu'elle réponde aux besoins actuels, se heurte, évidemment, à tous ceux qui défendent le principe de la neutralité des coûts.

En effet, il n'est pas possible d'améliorer les prestations d'allocations familiales sans augmenter les recettes. Mais là encore, il faut relativiser les charges qui pèsent sur les uns et les autres.

L'annexe 5 - le tableau de comparaison des allocations familiales à Genève avec la moyenne suisse - montre bien, depuis 1983, une baisse à Genève par rapport à la Suisse.

Concernant les charges fiscales, je note la suppression de l'ICHA en faveur de la TVA, ce qui revient à une augmentation des charges pour les citoyens salariés.

Quant à la compétitivité des entreprises, il est vrai qu'une corrélation étroite existe entre le coût du travail, les salaires et les charges sociales mais, par ailleurs, il existe également une corrélation entre la productivité et la motivation du personnel.

La diminution du pouvoir d'achat de la majorité des citoyens salariés, l'augmentation du chômage et l'exclusion font peser des menaces sérieuses sur la cohésion sociale de notre société.

Que constate-t-on du côté des entreprises ? Malgré le handicap connu de la cherté du franc suisse et notre non appartenance à l'Union européenne, les entreprises de notre pays sont globalement en meilleure condition et meilleure position pour affronter l'avenir que leurs concurrents européens.

Sans entrer dans les détails de l'étude IBM et de l'institut lausannois IMD, relevons que seules 6% d'entre elles sont en danger contre 16,5% des autres européennes. Fondamentalement, trois entreprises suisses sur quatre sont en bonne position pour faire face au futur, alors que l'on parle d'une sur deux pour le reste de l'Europe.

Faite auprès de cent seize responsables de sociétés et directeurs de grandes et moyennes entreprises, cette étude montre que nous avons, à la fois, ni à rougir de la situation actuelle ni à craindre l'avenir.

Les actes de notre pays sont décisifs dans deux domaines : une excellente formation professionnelle et la stabilité politique et sociale.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d'adopter les amendements proposés dans le rapport de deuxième minorité, et de rendre aux enfants ce qui leur est dû.

M. Bernard Lescaze (R). Il semble que j'appartiens à cette minorité radicale qui se souvient de la révolution qui, il y a 150 ans, a promu les institutions de la Genève moderne.

Face à la pluie de remarques qui vient de tomber, je dirais que d'aucuns pourraient être étonnés de me voir prendre la parole dans un débat qui, en fait, ne me concernerait pas si je suivais la tendance égoïste de certains citoyens : je n'ai pas d'enfant et tout le monde le sait ici... (Exclamations.) Je dois à votre amabilité de ne point m'en supposer ! (Rires.)

Cela étant, le mieux est parfois l'ennemi du bien. Aussi je souhaite que l'on en revienne à l'essentiel. A l'issue de très longs débats, la commission des affaires sociales est revenue avec un projet qui, je crois, retient l'attention quant au fond, à savoir que nous admettons tous que la situation des allocations familiales n'est pas entièrement satisfaisante.

Certains contestent le principe un enfant - une allocation; j'ai même entendu dire que ce n'était pas un principe d'aujourd'hui. C'est peut-être vrai, mais cela peut aussi devenir un principe dès ce soir, et je le souhaite ! En tout cas, ce sera un principe de demain ! C'est même mieux qu'un principe, c'est un axiome. Et un axiome, en géométrie, ne se démontre pas : il est, tout simplement ! Le fait est que les enfants sont là.

Si l'on veut encourager une politique familiale, comme on le proclame, d'élections en élections, dans tous les programmes politiques, ce principe doit être une fois concrétisé ! De ce point de vue, je sais gré à la commission - et j'espère que le Grand Conseil lui en saura gré aussi - de nous permettre aujourd'hui de voter ce principe un enfant - une allocation.

Les exemples cités par certains préopinants, le fait que des couples d'étudiants seraient empêchés de se marier et d'avoir des enfants puisqu'ils ne touchent pas d'allocations sont proprement scandaleux. J'avoue que j'ignorais, jusqu'à présent, que des couples, qui étaient de ceux qui en avaient le plus besoin, ne pouvaient pas, en raison de la loi, percevoir des allocations.

D'autre part, sur mon côté gauche, mais qui penche un peu à droite, on a suffisamment insisté sur la précarité du statut de certaines entreprises et de certains indépendants. C'est parfaitement exact, de nombreux indépendants sont dans des situations personnelles précaires. Proportionnellement à la population, certains, dans leurs vieux jours, sont probablement davantage aidés que les salariés par les institutions sociales, faute de n'avoir pu se constituer un viatique ou une retraite.

Au début de leur carrière, quand eux-mêmes ont une famille, les enfants de ces indépendants ont droit à l'allocation familiale. Celle-ci est faite pour l'enfant, elle lui est destinée, cela a été affirmé ce soir sur de nombreux bancs. Nous devons donc en tirer les conclusions pratiques : les indépendants doivent être inclus dans le système des allocations.

A mon côté droit qui penche à gauche, je dis qu'il ne faut pas oublier que, parfois, le mieux est l'ennemi du bien. Vous auriez voulu, sans doute, une loi qui aille plus loin, mais les lois ont besoin, dans ce Grand Conseil, de majorité et c'est pourquoi je suis personnellement prêt à soutenir cette loi telle qu'elle est, avec un minimum d'amendements, dont celui évoqué par M. Dupraz pour le plafonnement des cotisations pour indépendants au niveau de l'AVS.

Je suis favorable à la fiscalisation des allocations familiales, mais je crois, Monsieur Ducrest, qu'elle devrait se faire dans la loi des contributions publiques et non dans celle-ci, parce que relevant d'une autre technique législative. Nous devons demander au Conseil d'Etat de nous fournir, dans les plus brefs délais, un projet conforme à la future législation fédérale.

Il nous faut voter ce projet ce soir. Ce n'est, peut-être, qu'un compromis et, pour certains d'entre vous, un mauvais compromis, mais c'est quand même la solution qui a été trouvée, la solution qui, dans l'état actuel de Genève, mérite d'être votée pour notre avenir, la relève démographique n'étant pas assurée.

M. Nicolas Brunschwig (L). Aujourd'hui, tous les partis politiques s'accordent sur un point au moins : le chômage est le mal socio-économique le plus grave dont souffre la collectivité. Pour le combattre, il faut stimuler l'emploi avant tout. Je sais, La Palice aurait pu le dire, mais tout le monde ne semble pas comprendre cette évidence.

A cet égard, trois mesures semblent indispensables aux libéraux :

1. Avoir une promotion économique intelligente et efficace. Le Conseil d'Etat a beaucoup progressé dans ce domaine, et je l'en remercie. Il récolte, maintenant, les premiers fruits de ses efforts.

2. Il faut une fiscalité incitative. Malheureusement, nous sommes loin du compte. De plus, les différentes mesures prises ces dernières années ont toutes été dans le sens inverse. Nous pensons, en particulier, aux centimes additionnels pour les soins à domicile, au doute qui plane concernant la contribution sociale généralisée. Nous pouvons aussi parler de la non-indexation de barèmes que nous avons comprise, certes, mais dans des circonstances bien particulières.

3. Les charges sociales. Pour que des emplois soient retrouvés, il est nécessaire d'avoir les charges sociales les plus faibles. Actuellement, tous les gouvernements d'Europe occidentale en conviennent. Dès lors, 40 ou 50 millions de plus d'allocations familiales ne sont pas une petite souris, Monsieur Grobet ! C'est 22% d'augmentation, c'est énorme dans le contexte actuel ! Les partenaires sociaux allemands viennent de signer un pacte pour l'emploi, document très important de par l'accord qu'il confirme. Ce pacte comprend certaines mesures, dont les plus spectaculaires, subséquemment les plus efficaces, sont le plafonnement, puis la baisse des charges sociales. Dans ce pacte de l'emploi figure aussi une baisse de la fiscalité pour les entreprises et les personnes physiques.

La situation des entreprises genevoises n'est pas celle que croit connaître Mme Oppliger par le biais des différentes études ou statistiques faites à des niveaux macro-économiques dans l'ensemble de la Suisse et en comparaisons internationales. La plupart des entreprises genevoises sont des PME travaillant sur le marché local. Elles connaissent des situations très difficiles, pour ne pas dire catastrophiques dans certains secteurs qui, précisément, sont ceux qui emploient le plus de main-d'oeuvre et seront les plus touchés par l'augmentation des charges liées aux allocations familiales. Dès lors, comment vont raisonner ces entreprises ? Comme elles ne peuvent, à l'heure où leurs recettes diminuent, supporter un accroissement de leurs charges, elles vont trouver des formules pour réduire ces dernières. Et cette diminution passera forcément par une diminution de la masse salariale, donc par l'abaissement du nombre des personnes qu'elles emploient.

Nous pouvons, sans autre, affirmer que 40 ou 50 millions d'allocations supplémentaires - même si certaines seront payées par des indépendants - représenteront des centaines d'emplois en moins dans le canton de Genève. Dès lors, nous constatons que, quelle que soit la préoccupation principale de nos concitoyens, quels que soient les slogans de nos différents partis politiques, ce parlement va voter une mesure qui ira à l'encontre de la diminution du chômage. Cette décision confirmera, une fois de plus, que nous sommes les partisans de la fameuse politique de l'arrosoir et des injustices qui lui sont inhérentes. Nous le regrettons.

M. Bernard Annen (L), rapporteur de première minorité ad interim. Permettez-moi une remarque préliminaire sur les excès de M. Dupraz; ils m'inspirent une complète indifférence teintée de mépris.

J'en viens aux choses concrètes et en réponse à M. Schaller. Nous ne sommes pas d'accord, mais je le remercie de son intervention qui reflète la réalité de ce qui s'est passé en commission.

Monsieur Schaller, vous dites que les pays européens appliquent le principe un enfant - une allocation. Ce n'est pas exact, puisqu'en France l'allocation familiale n'est pas attribuée pour le premier enfant. En revanche, il faut savoir que les entreprises genevoise les acquittent pour les enfants, le premier compris, de leurs travailleurs frontaliers. Rien à y redire de prime abord, mais n'affirmez pas, Monsieur Schaller, que le principe un enfant - une allocation est appliqué partout !

Ce principe, selon la loi actuelle, ne devrait être administré qu'aux préretraités et reconnaissez que des préretraités, avec enfant, il n'y en a pas beaucoup ! Je donne raison à M. Champod quand il parle des salariés qui ne peuvent, faute d'un temps de travail suffisant, percevoir la totalité des allocations. Il eût été facile de corriger la loi.

En réalité, seule la question des indépendants et des seuls indépendants fait problème et représente l'enjeu politique. Je veux bien que nous ayons tous le coeur sur la main, mais dites-moi alors pour qui et au nom de quoi un artisan ou un commerçant devraient prélever une cotisation sur leur revenu, alors que le grand PDG ne le fait pas ? Si vous me l'expliquiez, j'envisagerais d'accepter votre principe de solidarité. Pour moi, si solidarité il y a, elle doit être complète !

A l'appui de chiffres, j'ai essayé de vous démontrer que nous n'avons pas à rougir des prestations sociales offertes dans notre canton, voire dans notre pays. Néanmoins, les rumeurs ont la vie dure, par exemple celle répandant le bruit que nos allocations familiales sont les moins élevées de Suisse. C'est absolument faux. Je me bornerai à citer l'allocation de 220 F que nous payons pour la formation professionnelle, servie par la moitié seulement des cantons suisses.

Je rends hommage à M. Grobet de considérer les charges sociales sur un plan général et global. En effet, sur le plan global, les charges sociales, à Genève, sont les plus élevées de Suisse. Par contre, Monsieur Grobet, je trouve assez drôle que vous parliez de la Suède que vous connaissez bien, me semble-t-il. Quand j'ai cité ce pays, vous m'avez interpellé de votre place en vous écriant : «Donne-nous les montants !», persuadé que vous étiez qu'ils étaient largement supérieurs aux nôtres. Je vous ai donc transmis les chiffres de la communauté européenne... et vous vous êtes aperçu que ce n'était pas le cas.

Je prétends par là qu'il suffit d'une goutte d'eau pour faire déborder le vase quand un problème devient global. Le cas de la Suède est exemplaire à cet égard : une goutte d'eau a fait déborder le vase, car trop c'est trop ! Aux actualités télévisées françaises, la semaine passée, j'ai vu des femmes suédoises s'indigner de la baisse de 15% des allocations. Et je comprends leur révolte. C'est pourquoi nous devons considérer prudemment toute augmentation de n'importe quelle prestation, afin d'être certains de pouvoir la servir à long terme.

J'ignore si le débat d'entrée en matière se termine, mais je tiens à affirmer ce qui suit : il est totalement injuste, voire intolérable, que ceux qui n'approuvent pas le rapport de minorité ou encore quelques collègues du PDC et du parti radical nous montrent du doigt en nous accusant d'avoir un porte-monnaie à la place du coeur. Nous sommes tout aussi généreux, mais, contrairement à eux, nous entendons pouvoir verser les prestations sociales que nous promettons. Nous nous refusons d'allouer du vent !

M. Pierre Kunz (R). Le projet de loi 7197 de l'Alliance de gauche présente beaucoup de défauts, dont certains sont rédhibitoires, mais il a une qualité que ne possède pas le projet adopté par la commission sociale. Cette qualité est la cohérence.

Cohérence générale avec le projet de société défendu par l'Alliance de gauche; cohérence dans la manière ciblée et modulée de prévoir la distribution des subsides en fonction du revenu parental.

Voilà plus de deux ans que je siège au sein de ce parlement et voilà plus de deux ans que sur tous les bancs j'entends répéter à l'unisson qu'il faut favoriser l'emploi et que pour ce faire il convient, à tout prix, d'éviter d'accroître le poids des charges sociales pesant sur les entreprises et les salaires. Bref, que l'emploi est la priorité des priorités ! Voilà plus de deux ans que sur tous les bancs j'entends répéter que nous devons repenser notre façon de distribuer les subsides et les prestations de l'Etat en général; qu'il faut cesser d'arroser et qu'il faut allouer équitablement ces subsides et prestations à ceux qui en ont réellement besoin !

Or, la majorité de la commission sociale nous engage à faire exactement le contraire de ce que nous réclamons habituellement, pratiquement autant que nous sommes. A croire que pour nos collègues de la commission sociale ce qu'ils disent et ce qu'ils font appartiennent à deux mondes différents.

Est-il possible qu'il puisse se trouver dans ce parlement une majorité pour balayer, en un tournemain, nos priorités stratégiques que sont l'emploi et un meilleure distribution des subsides de l'Etat, et ce à la première tentation démago-sociale ?

C'est bien de cohérence et du respect de nos objectifs stratégiques qu'il s'agit. Il est ridicule de prétendre, comme d'aucuns l'ont fait, que ceux qui n'acceptent pas ce projet en l'état font du libéralisme pur et dur, qu'ils veulent disloquer l'état social, qu'ils sont opposés au progrès social parce qu'opposés au slogan un enfant - une allocation, qu'ils sabotent toute politique familiale, qu'ils négligent les enfants. S'opposer à l'arrosage aveugle, tel qu'il est prévu, et lutter pour l'emploi, voilà tout simplement ce qui anime ceux qui refusent le projet tel qu'il nous est soumis.

Pour une vraie solidarité, pour un vrai progrès social, pour une véritable politique familiale et pour un Etat social fort, il faut, on l'a déjà dit, mais je le répète, des entreprises fortes, des emplois en suffisance et, en matière de subsides, il faut remplacer l'arrosage aveugle par un ciblage équitable. Voilà les objectifs de ceux qui refusent le projet tel qu'il leur est soumis et voilà pourquoi j'ai personnellement déposé deux amendements dont nous reparlerons tout à l'heure. Ces amendements permettront de sauver cette réforme, tout en maintenant les objectifs stratégiques que nous avons tous définis depuis bien longtemps.

M. Philippe Schaller (PDC). J'ai été surpris d'entendre M. Brunschwig dire que voter cette loi, c'est mettre en péril des centaines d'emplois. C'est scandaleux, Monsieur Brunschwig, d'opposer les emplois aux allocations familiales et à cette modeste modification de la loi ! Vous tentez de nous culpabiliser.

Tout à l'heure, vous avez parlé de l'Allemagne. Je vous signale simplement que l'Allemagne a 82% de charges sur les salaires et la Suisse 52%. En Allemagne, les allocations et la politique familiale sont autres que les nôtres...

M. Nicolas Brunschwig. Oui, mais ils reviennent en arrière !

M. Philippe Schaller. Je peux vous transmettre ici même des propositions allemandes comportant une allocation maternité, une allocation d'éducation, diverses allocations d'Etat, un congé parental, etc. En France, c'est exactement la même chose. Alors, ne venez pas opposer les chômeurs aux enfants ! Il y a quelque chose de détestable dans vos propos.

M. Bernard Clerc (AdG). Je ne pouvais laisser passer sans autre l'intervention de M. Brunschwig qui comporte un certain nombre de contrevérités.

Vous avez dit que le projet de loi actuel allait augmenter la charge des entreprises de 22 millions... (Interruption de M. Nicolas Brunschwig.) Vous dites de 40 à 50 millions ? C'est encore mieux ! Si l'on examine la charge au niveau des cotisations salariales, à teneur de la loi actuelle, cela représente exactement 179 millions, soit 1,38% de la masse salariale comptabilisée dans le revenu cantonal. Avec ce projet, vous arriverez à 191 millions, soit 1,47% de la masse salariale. N'articulez donc pas des chiffres sans aucun rapport avec la réalité !

Vous y avez probablement intégré une partie des indépendants, les non-actifs et les employés de maison, dont le financement, vous le savez, est assuré sous une autre forme.

Sur un plan général, vous continuez à affirmer envers et contre tout que, dans notre pays, les charges sociales et les charges fiscales sont plus élevées qu'ailleurs et qu'elles nuisent à notre compétitivité. C'est absolument faux ! Si nous examinons la part du produit intérieur brut consacrée à la protection sociale, Monsieur Brunschwig, en comparaison avec les pays de l'Union européenne, nous étions en 1990, selon les derniers chiffres connus, à 20,7%, soit au neuvième rang, juste avant l'Espagne, l'Irlande, le Portugal et la Grèce. Tous les autres pays de l'Union européenne avaient des taux plus élevés, jusqu'à 30,8%. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises à l'occasion des débats sur les initiatives fiscales, la charge fiscale de la Suisse se situe au quatorzième rang sur les dix-huit pays de l'OCDE. Alors ne dites pas que nos charges fiscales sont supérieures à celles des autres pays et qu'elles nuisent à notre compétitivité !

Venons-en à la compétitivité, Monsieur Brunschwig ! Que nous dit l'Office fédéral de la statistique, pour la période allant de 1982 à 1992 ? Que, dans le secteur de la chimie, la part totale des coûts du personnel, par rapport au total des charges, est passée de 21,4% à 18,6%; dans le secteur de l'horlogerie, de 19% à 15,9%; que, dans le secteur de la chimie, le coût des charges sociales est passé de 5,1 à 3,5%. Ne nous dites pas que nous ne sommes pas compétitifs ! Ne prétendez pas que les charges sociales et fiscales sont un frein et font disparaître les emplois. C'est absolument faux !

Je rappelle que, dans le canton de Genève, la part des revenus de l'entreprise et de la propriété est plus élevée que pour l'ensemble de la Suisse. Dans le reste du pays, elle est de 21%, et à Genève, de 28%.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je tiens à recentrer le débat et je le ferai d'autant plus facilement que je suis mère de famille nombreuse.

Vous n'ignorez pas que les allocations familiales sont un axe de la politique familiale. C'est presque une lapalissade d'affirmer que la politique familiale est le parent pauvre de la politique sociale.

A quoi doit-on ce peu d'intérêt ? La notion du droit des enfants est relativement récente et peine à se traduire dans les faits. De plus, les allocations familiales ne relèvent pas de droits directement rattachés à l'enfant, en tant qu'individu à part entière.

Par ailleurs, les familles, étrangement - car nous sommes tous et toutes membres d'une famille - ne représentent pas un véritable lobby, comme les milieux du bâtiment, de l'automobile, de l'armée. De ce fait, la famille n'a pas ou peu de pouvoir, et aucun groupe de pression pour défendre ses intérêts et l'amélioration de sa situation.

Les nouveaux besoins qui émergent, pour les enfants et les familles en cette fin de siècle, sont nés des changements de la société. C'est une évolution évidente, irréversible, et vous ne pouvez pas l'ignorer.

Face à ces attentes, nous nous devons de réagir et apporter de nouvelles réponses. En acceptant le principe un enfant - une allocation, le canton franchirait une étape positive dans la mise en place d'une réelle politique familiale. La loi, nouvelle version, n'aurait pas un caractère d'assistance, mais accorderait un réel droit à la famille, en reconnaissance de son investissement pour l'avenir de la société.

En effet, dans une période où les familles ont de moins en moins la liberté du choix de leur genre de vie et que deux salaires sont souvent nécessaires pour faire bouillir la marmite, ce nouveau principe serait primordial pour elles, car ces allocations nouvelles permettraient de compenser partiellement le coût de l'enfant. Alors certains me diront : «On va charger le coût du travail en participant au coût de l'enfant.» Une récente étude de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève montre que les charges sociales ne sont pas le problème majeur des entreprises, mais plutôt la cherté du franc suisse, la pénurie de personnel qualifié et le niveau des salaires.

Alors que met-on dans la balance ? L'économie libérale, sans aucune nuance, face à la prise en compte de la structure de base de la société : la famille ? Pour moi, la question ne se pose pas. De plus, cette contribution financière à la majorité des familles rééquilibrerait l'investissement important de la société en faveur de toutes les personnes âgées, sans distinction. Cet échange intergénérations est indispensable pour soutenir les investissements dans la jeunesse.

Ainsi, par cette nouvelle loi, Genève contribuerait à l'avancement de la politique familiale et serait un instrument participant au fonctionnement de toutes les familles. Elle permettrait d'offrir une réponse adéquate aux défis sociaux de demain.

En conclusion, le Grand Conseil, en approuvant cette loi, fera avancer à grands pas la reconnaissance de l'enfant comme une affaire d'Etat.

M. Michel Balestra (L). Loin de moi l'idée de culpabiliser qui que ce soit, Monsieur Schaller ! Mais nous nous devons, ce soir, d'expliquer ce que nous ressentons au plus près de notre conscience, dans l'intérêt général.

Le premier principe enseigné à un pompier, c'est de prendre garde que l'eau ne fasse pas plus de dégât que le feu ! Toutes les aspirations charitables que vous avez énumérées ce soir, en forme d'inventaire à la Prévert, sont louables et même respectables.

Malheureusement, aujourd'hui, la priorité c'est l'emploi. Et tout ce qui risque d'affaiblir les entreprises, seules créatrices de postes de travail économiques, est à combattre avec la dernière énergie. Monsieur Clerc, les indépendants sont, eux aussi, des entrepreneurs.

Lorsqu'une famille avec un père et une mère au chômage reçoit de nouvelles allocations familiales, portant le label une allocation - un enfant, est-ce là le nouveau droit de l'enfant que vous souhaitez, Madame de Tassigny ? (Brouhaha.) Reconnaissez que c'est une catastrophe ! Ces augmentations permanentes... (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Michel Balestra. C'est étonnant comme je nage bien lorsque je vais dans le sens de l'Entente, mais lorsque je suis contre eux, je nage moins bien ! Ces augmentations permanentes de charges d'entreprise, Monsieur Dupraz et Monsieur Clerc, causent un tort énorme à notre économie. Nous ne sommes pas tous dans la chimie bâloise, malheureusement !

En page 5 du rapport, Mme Braun, présidente de la commission d'experts chargés de la refonte des AF, identifie la piste d'une contribution sociale généralisée. Si c'est la piste des petits pas de M. Dupraz, nous n'en voulons pas. Cela signifierait-il que le financement de ce projet n'est pas assuré ? Il est certain qu'il charge les entreprises qui n'ont pas besoin de cela.

La place d'un enfant dans une société s'entend avec des parents qui ont un emploi. Ces coups de griffes permanents dans les marges des entreprises sont inacceptables dans la période actuelle. Donner la priorité à l'emploi, c'est dire non à toutes les charges supplémentaires et respecter un moratoire jusqu'au retour des jours meilleurs.

Comme vous, nous avons du coeur et nous voulons un monde meilleur. Mais seule une économie régénérée et des entreprises florissantes peuvent apporter une amélioration. Halte aux travailleurs socio-économiques ! Halte à l'arrosage démagogique ! Oui à l'emploi, non au projet de loi ! (Applaudissements.)

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Je ne suis pas un spécialiste des allocations familiales, mais je m'intéresse de très près aux entreprises. Dans le contexte actuel et mondial, ces entreprises n'ont pas le choix. Elles sont devant un dilemme pour tenter de rester compétitives dans le cadre de l'ouverture des marchés, et des marchés européens en particulier. Elles se sont restructurées et tentent de maintenir l'emploi. Elles ne peuvent plus accepter une quelconque augmentation de leurs charges. (Brouhaha.) Nous devrions même tenter de les diminuer.

Mais le projet de loi de ce soir est la preuve que les évaluations des spécialistes vont à l'encontre de cette rationalisation des coûts de l'entreprise. La complexité du problème posé nécessiterait une vision globale des différentes composantes des charges qui reposent sur les entreprises, les commerces et les indépendants.

M. Dupraz affirmait que les entreprises pouvaient supporter des charges progressant à petits pas, or toute augmentation est inacceptable. 1995 a été l'année de l'introduction de la TVA, de l'augmentation des primes de la CNA, des cotisations de l'assurance-chômage et j'en passe. Que de «petits pas» ! Certains rêvent de faire accepter les initiatives 101, 102, probablement d'autres augmentations de la fiscalité encore et, pourquoi pas, bientôt, la semaine de trente-six heures ! (Brouhaha.)

Les enjeux économiques et la nature complexe du sujet sont tels que je me demande si le député, qui est un politique de milice, a réellement le temps de résoudre de tels problèmes. Comment peut-on justifier d'imposer aux indépendants la participation au système des allocations familiales ? D'ailleurs, il y a une différence entre des indépendants habitant le canton de Genève ou le canton de Vaud.

A la place d'un arrosage «tous horizons», il faut cibler davantage les familles ayant véritablement besoin des ces allocations familiales. A la place du slogan un enfant - une allocation, nous proposons : une situation - une allocation. Il faudrait imaginer une parité de ces cotisations, pour améliorer sensiblement le montant de cette allocation et, éventuellement, la fiscaliser.

Tous ces facteurs démontrent que ce projet est loin d'être parfait. Une fois de plus, notre verdict va tomber dans l'imperfection. Je suis partisan d'une allocation familiale de qualité, ciblée et qui ne charge pas davantage les entreprises. Par conséquent, je voterai pour l'exclusion des indépendants faute d'un compromis intéressant et, bien entendu, pour le plafonnement des contributions versées par ces entreprises.

Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. Plusieurs personnes ont tenu à peu près les mêmes discours que nous, mais les nôtres ont l'avantage de comporter des objectifs et d'ouvrir des perspectives. Hier, avant notre débat fleuve sur la traversée de la rade - aujourd'hui, ce serait plutôt la traversée du désert ! - une dame, devant la Maison Tavel, disait à son amie qu'elle était heureuse d'être vieille. La société actuelle et ses dépenses insensées la déconcertaient complètement. Je serais tentée de tenir les mêmes propos.

M. Ducrest prétend que les allocations sont un frein à l'emploi, nous en attendons la preuve... M. Ducommun verse de grosses larmes, horrifié par l'initiative dite «fiscale» pour 50 millions supplémentaires... (Brouhaha.) Taisez-vous, c'est moi qui parle ! (Rires.) Connards ! Monsieur le président, faites votre travail et faites taire M. Ducommun ! MM. Brunschwig et Balestra réclament avec vigueur la diminution ou la suppression des charges. Voulez-vous la «tiers-mondisation» de la société ?

Faut-il que des salariés - encore peu nombreux - qui travaillent toute la journée, doivent, cependant, être assistés pour faire face aux loyers, aux assurances et autres ? Est-ce votre objectif ? Il y a beaucoup de contradictions dans vos discours respectifs.

Mme Liliane Charrière Urben (S). Il est inadmissible d'entrer dans le débat scandaleux et dégradant qui oppose chômage et enfant. Le problème du chômage inquiète chacun d'entre nous, tous partis confondus. Mais, comme l'a si bien dit Mme de Tassigny, la question des enfants est primordiale.

Non, Monsieur Annen, je ne pense pas que la Suisse soit indigne en matière de couverture sociale. Sa situation n'est pas extraordinaire soit, mais si on la compare à l'Afrique, par exemple, elle n'est pas mal du tout. Mais il est vrai que l'on peut toujours faire mieux. Toutefois, le mieux étant l'ennemi du bien, faisons un petit peu mieux. Le consensus de ce projet de loi ne satisfait pas tout le monde, mais il a au moins le mérite de rallier un maximum de points de vue. Si nous y touchons, nous enlevons une pièce du puzzle qui risque de se démonter.

En plus, il serait peu glorieux pour un des pays les plus riches du monde de lésiner sur les allocations familiales. Les améliorations que cette loi apporte ne sont pas extraordinaires en regard de la loi actuelle, mais elles ont le mérite d'être là. En tout cas, elles ont peu de choses à voir avec les lois votées juste après la guerre pour encourager la natalité dans les pays qui entourent la Suisse. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.

Par exemple, cette loi apporte un progrès, même s'il est minime pour les personnes qui travaillent à mi-temps. En effet, elles toucheront une allocation totale, alors qu'auparavant elles ne bénéficiaient que d'une demi-allocation en raison de leur taux de travail de 50 %.

Un enfant se nourrit à temps complet, quel que soit le taux de travail et l'emploi de ses parents. Quant aux millions dont on nous a parlé tout à l'heure, je n'ai pas qualité pour en parler, mais il me semble que même si nos finances ne sont pas brillantes en ce moment, l'ensemble de ce parlement serait honoré en votant cette loi.

Nous en discutons depuis trois ans, et il faudra encore deux ans pour la mettre en place. Cinq ans, c'est long, surtout pour les familles monoparentales qui attendent beaucoup de cette loi. Nous les décevrions en ne votant pas ce projet ce soir.

Mme Barbara Polla (L). Tout comme Mme de Tassigny, j'ai mené une politique personnelle familiale active et je suis aujourd'hui mère de famille nombreuse. Comme elle, nous sommes, nous autres libéraux, extrêmement sensibles aux droits des enfants. Mais, contrairement à Mme de Tassigny, nous ne retenons pas que le principe un enfant - une allocation aille, ici à Genève, dans le sens d'un tel droit des enfants et d'une politique familiale.

Pourtant, nous plaçons droit des enfants et politique familiale bien au-dessus du «tiroir-caisse» que nous avons à la place du coeur. Mais, est-ce vraiment avoir le coeur au bon endroit que d'offrir un cadeau à qui n'en veut pas ?

Monsieur Annen le rappelle dans son excellent rapport de minorité...

M. John Dupraz. Excellent rapport ?

Mme Barbara Polla. Excellent rapport de minorité, Monsieur Dupraz, attendez, je parlerai de vous, tout à l'heure.

La Fédération des syndicats patronaux a procédé à une enquête auprès de l'ensemble des affiliés indépendants dont le résultat fait ressortir un refus quasi-unanime d'une affiliation obligatoire au système d'allocations familiales.

Un enfant - une allocation : oui, absolument, pour ceux qui en ont besoin, mais non pour ceux qui n'en veulent pas et estiment ne pas en avoir besoin. Mme Charrière Urben dit qu'il est scandaleux d'opposer enfant à emploi. Ce n'est pas ce que nous faisons. Nous mettons en perspective deux politiques familiales différentes et nous mettons en doute le fait que ce soit vraiment une juste, saine et efficace politique familiale que d'augmenter les charges d'une façon dont nous savons qu'elle causera des difficultés à de nombreux indépendants, comme mes préopinants l'ont parfaitement expliqué, en particulier, MM. Balestra et Brunschwig.

Et, quoi qu'en dise M. Schaller, elle augmentera certainement le chômage. Or, le chômage n'est certainement pas une bonne façon d'augmenter la natalité, si c'est vraiment le but poursuivi.

Un enfant - une allocation n'est pas non plus, Monsieur Dupraz, avoir le coeur à gauche. En ce qui vous concerne, il me paraît que ce n'est pas seulement le coeur que vous avez à gauche, mais ce n'est pas forcément avoir le coeur à gauche que de dire oui à l'emploi, oui à la famille, oui à l'autonomie pour tous ceux qui le souhaitent et le peuvent.

Je désire dire encore à M. Dupraz que M. Annen ne peut pas aller en Appenzell parce qu'il risquerait de se cogner la tête, ce qui n'arriverait pas à celle de M. Dupraz. Est-ce parce qu'elle à gauche ou à droite, ou est-ce encore autre chose ?

M. Pierre-Alain Champod (S). Je ferai juste trois remarques.

La première concerne le montant des augmentations des allocations, ceci pour rappeler qu'elles sont extrêmement modestes et que, de toute manière, nous aurions dû revoir les montants dans la perspective d'une révision de la loi.

En second lieu, on a beaucoup parlé du rapport existant entre les charges sociales et l'emploi. En revanche, personne n'a parlé du rapport existant entre le pouvoir d'achat des familles et l'emploi. L'argent que l'on prélève pour verser des allocations familiales n'est pas perdu, mais remis dans le circuit économique contribuant ainsi à la consommation qui est génératrice d'emplois.

Enfin, je dirai que les propos de M. Kunz au sujet du ciblage des prestations relèvent d'une fausse bonne idée. En effet, il peut sembler, a priori, logique de ne donner qu'à ceux qui en ont vraiment besoin. Toutefois, en pratiquant ainsi, on remet en cause la cohésion sociale essentielle pour un pays. C'est pourquoi le ciblage des prestations est à mon sens une erreur.

M. Jean-Philippe de Tolédo (R). Tout a été dit sur l'augmentation des charges et leur impact sur l'emploi. Entre l'arrosage et le ciblage, je me reconnais assez bien dans les propos tenus par un grand nombre de députés de l'Entente. Toutefois, j'ai une question à poser au rapporteur ou au Conseil d'Etat, car, en refaisant le calcul, quelque chose m'échappe.

Si j'ai bien compris la page 72 du rapport, 33,5 millions sont nécessaires pour couvrir les besoins de nouveaux bénéficiaires. J'estime qu'il est intéressant et intelligent d'avoir de nouveaux bénéficiaires. Mais pourquoi ne pouvons-nous pas prélever ces 33,5 millions sur les 181 millions dont nous disposons aujourd'hui, par exemple en limitant les bénéficiaires à un revenu précis. Ainsi, on redistribuerait les cotisations de ceux qui auraient payé et qui ont un revenu excédant «x» ou «y». Je suis certain que cette manière serait acceptée par ceux que l'on priverait de bénéfice, puisqu'ils sauraient qu'un ciblage intelligent amène ces prestations vers ceux qui ont vraiment besoin. De cette façon, nous pourrions résoudre très simplement le problème qui nous est posé ce soir. Mais il est possible que l'on préfère ce qui est compliqué.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse de majorité. Monsieur de Tolédo, pensez-vous vraiment qu'en deux ans une idée extrêmement simple et susceptible de résoudre tous les problèmes nous aurait échappé ? Ceci relève d'une grande naïveté, à moins que vous ayez du mépris pour nos travaux.

Pour répondre à votre proposition de limiter les bénéficiaires en fonction de leur revenu, je cite un rapport de l'OFAS sur la prise en compte des besoins de la famille inscrite dans notre Constitution fédérale. Ce rapport dit : «Par les soins et l'éducation qu'elle donne aux enfants la famille apporte une contribution très importante à la société. Les mesures de compensation des charges familiales ont pour but de reconnaître ces prestations de la famille. Cette compensation est l'expression d'une solidarité entre les générations, d'une part, et entre adultes qui élèvent des enfants et ceux qui n'en ont pas, d'autre part. Les mesures de compensation allègent au moins les charges financières incombant aux familles et contribuent à donner aux enfants les chances les meilleures pour leur développement.»

A ce titre, la prestation d'allocations familiales est due indépendamment du revenu familial. Tel est le cas dans tous les cantons. Les allocations familiales sont une prestation de sécurité sociale et non pas d'aide sociale. La conception que vous avez d'une aide sélective visant à compenser en partie les différences de revenu peut être réalisée par voie fiscale, et nous pouvons faire des propositions, ou par l'instauration d'un prélèvement par une contribution sociale généralisée.

La fiscalisation des allocations familiales genevoises, programmée par la législation fédérale, correspond, concrètement du fait de la progressivité de l'impôt, à une modulation des allocations familiales qui s'ajoutent à celles de la proportionnalité des contributions.

Après vous avoir répondu sur les principes d'attribution des allocations familiales en fonction des besoins, je vous réponds d'un point de vue strictement arithmétique. Etant donné le faible montant des prestations d'allocations familiales, sauf à limiter drastiquement le nombre des bénéficiaires, une modulation de l'allocation par rapport à une limite de revenu ne permettrait pas d'augmenter de beaucoup les prestations pour les enfants vivant dans des conditions modestes. Telle est l'analyse que la commission d'experts a faite antérieurement, il est vrai, aux propositions de modulations formulées par l'Alliance de gauche.

Quant aux propositions de l'Alliance de gauche, plus généreuses, garantissant une prestation de base équivalente et augmentant celle des familles les plus modestes - c'est-à-dire très loin de votre projet, Monsieur de Tolédo - l'augmentation de la facture qu'elles impliquent est difficilement envisageable quand on sait les résistances forcenées auxquelles a déjà donné lieu le présent projet de réforme. Dans cette situation, vous auriez choisi le compromis, comme la majorité de la commission, et gagné la généralisation du système avec une progression modeste du montant unitaire des allocations familiales.

Je désire faire quelques commentaires au sujet de l'intense discussion que nous venons d'avoir sur la manière de mener l'économie nationale et cantonale. J'ai été frappée par le nombre d'experts en économie présents dans ce Grand Conseil qui savent tout ce qu'il faut faire pour protéger l'emploi et le développer.

Les majorités sont ce qu'elles sont dans ce pays et ce canton, alors, allez-y ! Simplement, je ferai les commentaires nécessaires et j'en répéterai certains déjà entendus. Le fait que les charges sociales influent sur l'emploi est probable, mais dans des proportions qui ne sont de loin pas linéaires. Tout le monde sait, pour les études rendues maintenant - et il n'est pas nécessaire d'être chef d'entreprise pour suivre la politique et les analyses qui se font à ce propos - que l'augmentation ou la diminution des charges sociales sur l'emploi n'a pas de répercussion de 1 pour 1 sur l'emploi.

D'ailleurs, M. Annen a dit qu'il faut plus de 3% d'augmentation de la productivité pour ouvrir la croissance. Ensuite, il a prétendu que la baisse de 1% pour les entreprises sur une éventuelle contribution paritaire pourrait développer des emplois. Cela est faux, en tout cas en ce qui concerne cette proportion de 1%. Ce soir, certains voient une relation entre les charges sociales et le chômage. Cette relation est partiale en regard des problèmes économiques que nous vivons. Je ne comprends même pas que l'on puisse mettre cela en première ligne.

Mme de Tassigny a rappelé l'analyse de la Chambre de commerce et de l'industrie où les entreprises consultées tenaient le franc fort pour responsable de la majorité de leurs difficultés. Vous avez juste oublié de parler de cela. (Exclamations.) A vous entendre, on ne peut rien faire ni contre le franc fort ni contre la globalisation de l'économie, donc on va réduire les charges sociales au taux le plus bas existant sur cette terre, c'est parfait.

Notre position ne consiste pas comme vous le dites, Monsieur Balestra, à combler des aspirations charitables, car les allocations familiales n'ont rien à voir avec la charité. Nous ne voulons pas augmenter la natalité non plus, Madame Polla, nous voulons simplement que cette activité familiale soit reconnue à son juste titre, donc qu'elle soit indépendante du statut du répondant des enfants, un point, c'est tout. Nous ne refaisons pas la société, pas plus que nous ne faisons la charité.

D'autre part, des remarques ont été faites sur de futures propositions concernant les allocations familiales ou la sécurité sociale, en général. Le débat est loin d'être clos et c'est le seul point sur lequel la majorité de la commission et les minorités sont d'accord.

M. Bernard Annen (L), rapporteur de première minorité ad interim. La proposition de M. de Tolédo a été longuement étudiée à la Conférence des caisses d'allocations familiales et refusée pour la simple raison qu'il était impossible de déterminer le revenu familial de tous les ouvriers et les employés de ce canton.

En ce qui concerne, par exemple, les frontaliers ou les gens, qui habitent dans le canton de Vaud, comment savoir si la femme d'un frontalier travaille en France ou non ? Il devenait absolument impossible de connaître le montant de son revenu. C'est pourquoi, la Conférence des caisses d'allocations familiales est aussi attachée à défendre le principe de la fiscalisation, car c'est le plus simple.

Au sujet de ce conflit sur le montant des allocations familiales, on a l'air de dire que nous autres, libéraux, ne savons pas ce que coûte l'entretien d'un enfant et trouvons que la charge de l'allocation familiale est trop élevée. Ce n'est pas vrai. Nous essayons simplement de vous dire que le financement ne nous convient pas, et que, si vous acceptiez nos amendements, ce financement vous permettrait d'augmenter le montant des allocations familiales. Les propositions sont concrètes dans le rapport de minorité, puisque l'on arrive à trois cents francs d'allocations familiales, Monsieur Dupraz. Tout ceci est chiffré et, naturellement, cela vous déplaît, tout simplement, parce que nous parlons d'une cotisation paritaire. Mais nous y reviendrons dans le deuxième débat.

M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. Une rencontre inattendue avec le virus de la grippe m'a mis dans la triste situation d'être sans voix devant ce débat. Je me limiterai donc à l'essentiel en vous disant que toutes les révisions successives des allocations familiales ont toujours été un champ de tension pour une raison simple : c'est l'autorité politique cantonale qui fixe les règles, mais ce sont les employeurs qui paient et qui gèrent.

La révision du régime des allocations familiales demandée, il y a plus de trois ans, par une majorité claire dans ce Grand Conseil, n'a pas échappé à la règle : les trente-six mois de travaux de la Conférence des caisses, de la commission d'experts et de la commission parlementaire ont été marqués par de nombreuses intervention et quelques incidents.

Au cours de ces dernières semaines, le débat s'est concentré sur l'universalité des allocations, sur la modulation des allocations et sur la fiscalisation des allocations.

Sur l'universalité des allocations, une majorité claire s'est dégagée en commission. Elle implique que les indépendants soient affiliés au régime : on trouvera ainsi un système que l'on a déjà dans sept ou neuf cantons suisses, comme l'a rappelé M. Champod.

Au sujet de la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, M. Annen vient de rappeler qu'indépendamment des questions idéologiques cela a toujours été refusé pour une raison pratique : la difficulté pour des caisses privées de déterminer le revenu qui devrait être pris en considération pour moduler l'allocation.

Au sujet de la fiscalisation des allocations familiales, la question a été bien étudiée par la commission qui a interrogé, en particulier, le département des finances et son président. Il a toujours été dit qu'elle était envisageable, mais pas dans le cadre de la réforme des allocations familiales. Elle est envisageable à deux moments : lorsque l'on fait entrer en vigueur la législation fédérale sur l'harmonisation fiscale et lorsque l'on fait une révision de la fiscalité genevoise afin de la rendre plus favorable aux familles.

En dernier lieu, la question du financement paritaire par les employeurs et les employés a été évoquée. La commission en a également parlé. Elle a écarté cette hypothèse qui n'a jamais été demandée par les partenaires sociaux. Le texte de la loi me paraît clair. Le rapport l'indique aux pages 6 et 7. Et je vous confirme que le Conseil d'Etat n'a pas l'intention ni le projet de vouloir introduire ce qui est refusé clairement par les deux principaux partenaires sociaux.

En conclusion, nous avons disposé de trente-six mois d'études, de travaux et de délibérations parlementaires. Pour certains, la loi va trop loin. Pour d'autres, elle ne va pas assez loin. En réalité, elle a permis de dégager une majorité autour d'un principe simple : un enfant - une allocation. Je vous remercie de bien vouloir voter l'entrée en matière sur la base des travaux de la commission.

PL 7197-A, PL 7198 et PL 7199-A

Ces projets sont adoptés en premier débat.

 

La séance est levée à 19 h 40.