République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 janvier 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 3e session - 3e séance -autres séances de la session
No 3/I
Vendredi 26 janvier 1996,
soir
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret,président
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, ainsi que Mmes et M. Luc Barthassat, Janine Berberat, Anita Cuénod, Erica Deuber-Pauli, Laurette Dupuis et Catherine Fatio, députés.
3. Correspondance.
Le président. La pétition suivante est parvenue à la présidence :
Elle est renvoyée à la commission des pétitions.
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, est modifiée comme suit:
Art. 5, al. 4 (nouvelle teneur)
Demande de renseignement
1 Toutefois, si le département en est requis expressément, la demande préalable n'est pas publiée à moins que celle-ci ne soit destinée à servir à l'élaboration d'un projet de plan localisé de quartier. La réponse à une demande non publiée ainsi qu'à une demande portant sur un périmètre soumis ou destiné à l'adoption d'un plan localisé de quartier constitue un simple renseignement sans portée juridique, ce qui est mentionné dans la Feuille d'avis officielle.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La procédure d'adoption des plans localisés de quartier, malgré ses apparences démocratiques, conduit souvent à des impasses, compte tenu du fait que l'enquête publique et la procédure de préavis portant sur ces projets de plans, soumis à des délais très brefs, ont lieu à un stade beaucoup trop tardif, c'est-à-dire lorsque le projet de construction est définitivement mis au point sur la base d'une décision non publiée dans le cadre d'une demande de renseignement, au sens de l'article 5, alinéa 4, LCI, ayant toutefois le carac-tère d'une autorisation de construire, ce qui a pour conséquence que le projet de plan est quasiment « à prendre ou à laisser ».
Plus d'une fois, les conseils municipaux appelés à préaviser des projets de plans localisés de quartier ont a eu le sentiment de se voir forcer la main, compte tenu du fait qu'un préavis négatif de leur part pouvait être de nature à retarder l'adoption d'un tel plan et à remettre en cause de longues études et mises au point.
Il est donc impératif que les projets de construction donnant lieu à l'adoption de plans localisés de quartier soient rendus publics beaucoup plus tôt, soit à un stade où les études viennent d'être engagées, pour qu'il soit possible de tenir compte suffisamment tôt de l'avis des différentes parties concernées et non uniquement de celui du constructeur.
Cette situation est due au fait que contrairement à ce qu'il en est dans les zones ordinaires où tous les projets de construction font l'objet d'une requête et d'une autorisation de construire en bonne et due forme, lesquelles sont publiées dans la Feuille d'avis officielle, ce qui permet aux tiers intéressés d'en prendre connaissance à la police des constructions et de faire part de leurs observations ou oppositions, les requêtes et les autorisations de construire portant sur des projets en zones de développement ont le statut de « demandes de renseignement » et de ce fait ne sont pas publiées, puisqu'une autorisation de construire ne peut pas être délivrée dans les zones de développement sans l'adoption préalable d'un plan localisé de quartier.
Bien qu'en raison de cette exigence les demandes de renseignement n'aient pas la même portée qu'une autorisation de construire, il n'en demeure pas moins qu'elles ont quasiment les mêmes effets, car c'est sur la base d'une requête formelle (inconnue du public !) et de la réponse qui lui est donnée par le département à la suite, souvent, d'une longue procédure que les projets de plans localisés de quartier sont établis.
Ce mode de faire est insatisfaisant pour les motifs évoqués ci-dessus et ne permet pas aux tiers intéressés d'intervenir autrement que par des observations au stade de l'enquête publique du projet de plan localisé de quartier ou par une opposition au moment de l'adoption du plan, soit à un moment où le Conseil d'Etat ne voudra plus le modifier.
Il est donc indispensable qu'il y ait plus de transparence en ce qui concerne les projets de construction en zone de développement donnant lieu à l'adoption de plans localisés de quartier et une meilleure information du public sur ces projets de construction qui les concernent directement, préoc-cupation déjà développée dans le cadre de la proposition de motion 1025 concernant la pose obligatoire de gabarits qui abordait un autre aspect de l'information du public en matière de projets de construction.
Le présent projet de loi tend à ce que les requêtes en autorisation de construire déposées sous forme de demandes de renseignement en vue de l'adoption d'un plan localisé de quartier soient rendues publiques et puissent être consultées par le public au même titre que les requêtes en autorisation de construire en zones ordinaires, ce qui permettra aux tiers intéressésd'adresser leurs observations éventuelles à la police des constructions comme cela se fait en matière de requêtes préalables en autorisation de construire. De cette manière, les demandes de renseignement publiées seront traitées de la même manière que les requêtes préalables en autorisation de construire, à cette différence près qu'au lieu de déboucher sur une autorisation préalable susceptible de recours, elles donneront lieu à des réponses sans portée juri-dique qui ne seront pas sujettes à recours à ce stade de la procédure, puisque cette réponse précède l'adoption obligatoire d'un plan localisé de quartier.
Cette réforme relativement simple de la pratique actuelle n'entraînerait guère de frais et d'inconvénients, tout en améliorant sensiblement la situation à l'égard du droit d'être informé et du droit d'être entendu des citoyens concernés leur permettant de faire connaître leurs observations à un stade approprié, c'est-à-dire en début de procédure et non au moment de la mise à l'enquête publique du projet de plan localisé de quartier, c'est-à-dire à un stade où l'instruction de la demande de renseignement est achevée.
Cette réforme se justifie d'autant plus que ces demandes de rensei-gnement portent souvent sur des projets importants d'immeubles et qu'il est légitime que les tiers intéressés, qui peuvent intervenir sur des projets de tous ordres et même parfois très modestes en zone ordinaire, puissent également faire connaître leur avis sur les projets en zone de développement, du moins lorsque les demandes de renseignements portent sur des projets de plans localisés de quartier qui ont une portée particulièrement contraignante, puisque les autorisations de construire conformes à de tels plans ne peuvent pas être contestées.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil au présent projet de loi.
Préconsultation
M. Christian Ferrazino (AdG). Ce projet de loi vise essentiellement à rendre publics, dès le départ - et non à leur aboutissement - les projets de construction donnant lieu à l'adoption de plans localisés de quartier. Ainsi, tout un chacun pourra faire valoir ses observations dès le début de la procédure et cela évitera de fâcheuses conséquences. En effet, les conseils municipaux, chargés de donner des préavis, se sentent parfois contraints de les accepter, sinon le travail de nombreuses années tombe à l'eau !
Afin d'éviter cette situation fâcheuse et de rendre ces projets plus transparents, l'information nécessaire doit être diffusée. Il serait utile de pouvoir traiter, par analogie, les projets concernant la zone de développement et la zone ordinaire. La nuance est de taille. Dans le cadre des projets de construction soumis à la zone ordinaire, il existe une requête préalable qui est publiée; elle peut faire l'objet d'un recours le cas échéant.
Dans ce projet de loi, nous proposons de donner à tout tiers la possibilité de faire des observations dès le début des projets de construction situés en zone de développement. La réponse donnée par l'administration n'ouvrira pas une voie de droit et ne sera pas sujette à recours, puisque chacun aura pu, tout de suite, exprimer sa prise de position et faire part de ses observations. Et, le cas échéant, l'autorité pourra en tenir compte, afin d'éviter d'éventuels recours, lorsque le plan localisé de quartier sera publié.
Voilà pourquoi je vous invite à renvoyer ce projet de loi en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission LCI.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit :
Article 1
1 Le plan no 28792-530 dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 20 septembre 1995 (extrait du plan n° 28481, du 22 avril 1992), modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Pregny-Chambésy (création d'une zone de développement 4A destinée à des organisations internationales et à du logement au lieu-dit «Les Crêts»), est approuvé.
2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 3
Un exemplaire du plan no 28792-530 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le projet de modification du régime des zones faisant l'objet du présent projet de loi répond à l'objectif principal de favoriser l'implantation d'organisations internationales et de délégations d'Etats étrangers auprès des Nations unies tout en autorisant la réalisation de logements.
Le périmètre concerné par le présent projet de loi est situé sur le coteau de Pregny, au lieu-dit «Les Crêts», feuille 31 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy. Il est délimité au nord par le chemin des Crêts-de-Pregny, au sud par le secteur affecté à l'Organisation mondiale de la santé, à l'ouest par le chemin piétonnier de la Vie-des-Champs et à l'est par le domaine de Mérimont.
D'une superficie totale d'environ 66 000 m2, ce périmètre est actuellement situé en 5e zone (villas); il comporte une vingtaine de parcelles de tailles diverses, dont une grande parcelle portant le numéro 421, qui compte à elle seule une surface de 21 102 m2. A l'exception des parcelles 417 et 823, accessibles par l'avenue Appia, l'accès aux autres parcelles s'effectue actuellement depuis le haut du coteau, par le chemin des Crêts-de-Pregny. Hormis la présence d'une mission diplomatique auprès des Nations unies, l'ensemble du secteur est présentement affecté à l'habitat individuel.
La parcelle 421 recèle un important potentiel à bâtir et il subsiste sur les autres parcelles encore des potentiels à bâtir dont l'ampleur est tributaire des impératifs de maintien ou non du bâti existant et des éléments majeurs de la végétation existante abondante dans ce secteur.
Un Etat étranger a formé le projet d'établir sa délégation auprès des Nations unies sur le haut de la parcelle 421, de rénover la villa existante pour y loger son ambassadeur, tout en construisant un bâtiment administratif complémentaire mais dissocié du bâti existant. Il souhaite s'installer au plus vite et a déposé une requête pour la construction en première étape d'une partie du nouveau bâtiment projeté compte tenu du maintien de la villa existante; ce projet présente une densité ne dépassant pas 0,2, villa comprise. C'est pourquoi cette requête est mise au bénéfice de la clause permettant de déroger à l'affectation de la zone villas (L 1, 17, art. 26), sans attendre la modification du régime des zones. Lorsque celle-ci aura été adoptée, le bâtiment administratif pourra alors être complété en seconde étape.
La partie inférieure de la même parcelle, qui est libre de construction, serait affectée à des organisations internationales. Afin de faciliter l'implantation de ce genre d'institution, l'Etat de Genève s'est porté acquéreur de ce périmètre.
Ces projets d'implantation d'activités internationales motivent, pour l'essentiel, le présent projet de modification du régime des zones.
Ce dernier fait suite, dans un périmètre restreint, à l'important projet de modification du régime des zones couvrant l'ensemble du secteur des organisations internationales mis à l'enquête publique du 3 août 1992 au 18 septembre 1992. Il était alors proposé d'affecter le périmètre des Crêts en zone de développement 4A destinée à des organisations internationales et à du logement. Ce vaste projet de modification du régime des zones, dont le plan portait le numéro 28481 et concernait les communes de Genève (section Petit-Saconnex), du Grand-Saconnex et de Pregny-Chambésy.
Au vu des nombreuses observations recueillies, le département a apporté, durant l'automne 1993, des corrections tant au plan qu'au projet de loi. Ces derniers ont été soumis pour préavis aux trois communes concernées. Le Conseil municipal de la commune de Pregny-Chambésy a émis, dans sa délibération du 9 novembre 1993, un préavis défavorable au projet portant le numéro 28481A. Le Conseil municipal de la Ville de Genève a émis pour sa part, en date du 18 janvier 1994, un préavis favorable sous réserve de modifications à apporter au projet de loi. Le Conseil municipal de la commune du Grand-Saconnex s'est prononcé, en date du 17 décembre 1993, défavorablement. Au vu des problèmes rencontrés, la procédure d'adoption de ce plan a été alors mise en suspens.
Le Conseil d'Etat entend donner toute priorité aux projets d'implantation d'activités internationales décrits plus haut. C'est pourquoi il propose aujourd'hui de poursuivre la procédure précédemment entamée en ouvrant la procédure d'opposition, limitée cependant au seul périmètre des Crêts. En effet, l'affectation prévue initialement sur le périmètre restreint des Crêts n'est pas modifiée. Il reste présentement judicieux d'introduire dans ce périmètre restreint, situé à proximité des organisations internationales, des activités internationales, tout en y permettant également la réalisation de logements. La commission cantonale d'urbanisme avait en effet exprimé à plusieurs reprises sa crainte de voir évoluer ce secteur en une zone monofonctionnelle et entièrement consacrée aux activités tertiaires.
Même si aucun projet précis de construction de logements n'est connu à ce jour dans ce périmètre, les besoins en nouveaux logements sont aujourd'hui suffisamment importants pour justifier son déclassement en zone de développement 4A destinée à des organisations internationales et à du logement. En l'absence de nouveaux projets concernant les parcelles autres que celle portant le numéro 421, la mixité proposée a l'avantage d'offrir la souplesse requise et de préserver l'avenir.
Le régime de la zone de développement permettra de contrôler l'urbanisation de ce secteur dans les meilleures conditions grâce à l'adoption de plans localisés de quartier. Ces derniers fixeront, en fonction des besoins futurs et de la qualité des sites (arborisation, vues à préserver...), les indices d'utilisation, les espaces libres de construction, les cheminements piétonniers, etc. Concernant la question des accès au secteur des Crêts, le principe de créer l'accès principal depuis l'avenue Appia est dores et déjà admis et le département s'emploie à trouver la solution adéquate, d'entente avec l'OMS.
Il faut enfin mentionner que l'introduction d'un droit de préemption aux fins d'atteindre tous les buts poursuivis et la clause d'utilité publique prévus aux articles 2 et 3 du précédent avant-projet de loi ont été abandonnées. Seul subsisterait donc le droit de préemption instauré par l'article 3 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, pour tout projet de construction de logements.
Lors d'une rencontre avec une délégation du Conseil d'Etat, le maire de la commune de Pregny-Chambésy a donné son accord au présent projet de loi. Cet entretien a été motivé par le préavis négatif du Conseil municipal susmentionné relatif à l'ancien projet de modification du régime des zones couvrant l'ensemble du secteur des organisations internationales. En effet, en vertu de l'article 16, alinéa 4, de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, lorsqu'un avant-projet de loi modifiant le régime des zones fait l'objet d'un préavis communal négatif, «le Conseil d'Etat procède au préalable à l'audition du Conseil administratif ou du maire de la commune» avant, le cas échéant, de poursuivre la procédure.
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est proposé d'attribuer le degré de sensibilité II aux bien-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le présent projet de loi.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons le projet de loi à votre bienveillante attention.
planPréconsultation
M. Christian Ferrazino (AdG). Ce projet de loi a été mis à l'enquête publique il y a plus de deux ans. Or le Conseil d'Etat déclare, à qui veut l'entendre, qu'il faut tout mettre en oeuvre pour favoriser le développement et l'accueil des organisations internationales à Genève. Dès lors, on peut s'étonner que le Conseil d'Etat ait attendu plus de deux ans pour saisir le Grand Conseil de ce projet. D'autre part, nous ne sommes saisis que d'une partie du projet initial concernant - comme l'exposé des motifs l'indique - la Ville de Genève avec le Petit-Saconnex, le Grand-Saconnex et Pregny-Chambésy. J'aimerais connaître la position du Conseil d'Etat dans le cas des deux autres parcelles, puisqu'il s'agit, ici, uniquement de la parcelle concernant Pregny-Chambésy.
Plus inquiétant encore, et vous l'aurez également constaté à la lecture de l'exposé des motifs, le Conseil d'Etat a cru bon de supprimer l'article concernant le droit de préemption et la clause d'utilité publique qui existait dans le projet initial. Cette proposition, qui intervient après l'affaire Reuters évoquée hier au soir, est incroyable. Lors d'un entretien téléphonique de ce matin, M. Joye a été obligé de reconnaître les faits en déclarant : «Lorsqu'on tient un os, on s'y accroche !» Effectivement, lorsque l'Etat n'a pas les moyens de contraindre le propriétaire d'un terrain à se montrer raisonnable, il doit payer le gros prix. Il serait sage de ne pas commettre cette erreur une deuxième fois.
Pourquoi a-t-on supprimé, dans ce projet, la disposition concernant le droit de préemption de l'Etat et la clause d'utilité publique, précisément après l'expérience particulièrement fâcheuse de l'affaire Reuters et la vente de la parcelle de M. Falquet ? L'Etat doit pouvoir compter sur cette clause de droit de préemption, dans l'hypothèse où il n'arriverait pas à convaincre un propriétaire de négocier convenablement une transaction. L'Etat disposerait ainsi d'un moyen qu'il n'avait pas dans l'affaire Reuters pour amener le vendeur à de meilleurs sentiments. Comment se fait-il que vous nous proposiez cette suppression ?
La transparence serait de mise dans les transactions lors de l'acquisition d'un terrain, Madame, Messieurs les conseillers d'Etat. Vous nous dites que l'Etat s'est porté acquéreur de ce périmètre, point final. Voilà toutes les informations que vous nous donnez au sujet de ces projets. On serait en droit de s'interroger sur le prix d'acquisition de ce terrain, d'autant plus que cette parcelle ne figurait pas dans le crédit voté par ce Grand Conseil pour les acquisitions de l'Etat, il y a quelques mois.
Voilà les questions que je pose dans ce débat de préconsultation, afin que nous ayons des informations avant de traiter plus à fond ce projet de loi en commission.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. La superficie de la parcelle figurait dans le projet colossal préparé dans l'avant-projet de loi précédent, mais il a été retiré. Il va être repris sur une base plus générale. Nous avons dû porter notre choix sur ce périmètre à cause de la mission d'un Etat étranger qui devait absolument s'établir dans des délais précis. Les problèmes concernaient les droits de préemption et c'est sur ce point que la commune qui a fait opposition est intervenue. Nous avons renoncé au droit de préemption vis-à-vis de l'Etat étranger pour une question de délai. Je donnerai tous les renseignements en commission, mais nous devions absolument régler cette affaire.
La clause d'utilité publique est nécessaire pour une parcelle de grande ampleur, mais nous ne l'avons pas appliquée dans ce dossier. Cette clause aurait motivé l'opposition de la commune et nous nous serions retrouvés confrontés à des problèmes juridiques. Si chaque ouvrage est bloqué pour des raisons de ce genre tous les projets en cours le seront, car chaque dossier comporte un bon argument juridique pour ce faire ! Quant aux renseignements sur le prix d'acquisition du terrain et les crédits utilisés, ils vous seront donnés en commission.
La procédure du département n'a pas changé. Notre enveloppe d'achat est de 28 millions cette année... (Brouhaha.) Comme le veut l'usage, nous informons régulièrement la commission des finances, lorsque nous sommes obligés de changer les priorités fixées pour des raisons de commodité. Comme mon prédécesseur, j'ai toujours été reconnaissant à la commission des finances de se montrer large dans ses appréciations, car l'évolution des situations foncières est telle que l'exécutif doit avoir une certaine liberté d'action.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
La commission LCI de notre Grand Conseil a étudié, en dates des 5 octobre et 26 octobre 1995, la proposition de motion modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses, déposée en date du 26 mai 1994 par MM. Thomas Büchi, Jean-Claude Dessuet, Michel Ducret, René Koechlin, Pierre Marti, Jean Opériol et Olivier Vaucher. Les travaux ont été menés sous la présidence efficace de M. Michel Balestra
Introduction
L'objectif du projet de loi 7099 est de faire un toilettage. En effet, l'article 4, alinéa 4, prévoit qu'à défaut de réponse du département dans les dix jours suivant la mise en demeure du requérant, ce dernier peut commencer les travaux, à ses risques et périls. Cependant, il faut admettre que la loi actuelle pose des problèmes d'application. En effet le requérant peut ouvrir son chantier mais il n'est pas au bénéfice d'une autorisation: un tiers peut donc s'opposer au projet.
Grâce à la persévérance de notre président, et cela dans le cadre d'une discussion très créative, une voie améliorant la loi actuelle a été trouvée en reformulant un projet de loi qui aura la teneur suivante:
Article 4, alinéa 4 (nouvelle teneur)
4 Si le requérant n'a pas reçu de réponse dans le délai, il peut mettre le département en demeure de statuer. Ce dernier a l'obligation de se prononcer dans les 10 jours à compter de la réception de cet avis par l'administration. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, l'absence de réponse équivaut à une décision de refus, contre laquelle le requérant peut recourir.
Cette proposition est acceptée à l'unanimité par la commission. MM. Ferrazino et Koechlin retirent leur projet respectif.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, la commission LCI vous propose d'accepter le nouveau projet de loi selon article 4, alinéa 4, ci-dessus, dans sa nouvelle teneur.
(PL 7099)
PROJET DE LOI
modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses
(L 5 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, est modifiée comme suit:
Article 4, alinéa 4 (nouvelle teneur)
Si le requérant n'a pas reçu de réponse dans le délai, il peut mettre le département en demeure de statuer. Ce dernier a l'obligation de se prononcer dans les 10 jours à compter de la réception de cet avis par l'administration. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, l'absence de réponse équivaut à une décision de refus, contre laquelle le requérant peut recourir.
Premier débat
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur. Nous avions décidé de voter ce projet de loi qui était à la fois un compromis et la meilleure solution proposée par la commission. La commission judiciaire s'occupe actuellement du projet de loi 7206 traitant des délais de réponse de toutes les procédures d'autorisation.
Dès lors, il m'apparaît préférable de renvoyer ce projet de loi 7099 à la commission judiciaire. Ainsi, nous trouverons peut-être une meilleure solution et cela sera plus cohérent.
M. Christian Ferrazino (AdG). Je suis désolé, je ne voulais plus prendre la parole, mais je ne m'attendais pas à l'intervention de M. Vaudroz, qui a suscité mon étonnement. En effet, j'ai participé à la commission LCI, présidée par M. Balestra, qui a élaboré ce projet et cette question y a été traitée pendant des heures ! Les participants se rappelleront les propositions de M. René Koechlin et de moi-même, ainsi que le projet de loi initial. Après plusieurs heures de négociations, nous avons trouvé un accord. Ce consensus regroupait toutes les tendances, de sorte - une fois n'est pas coutume ! - que nous avons adopté ce projet de loi à l'unanimité. Ce projet concerne uniquement la loi LCI et apporte une solution lorsque l'administration tarde à donner une réponse. Nous avons suggéré que l'absence de réponse de l'administration... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Rejoignez vos bancs, s'il vous plaît !
M. Christian Ferrazino. Avant de préparer le projet suivant, examinez quand même cette loi, Monsieur Lescaze ! Je m'adresse à vous, car en votre qualité de président de la commission judiciaire vous devriez savoir mieux que quiconque combien cette dernière est actuellement surchargée. Il serait étonnant que vous acceptiez le renvoi des projets de la commission LCI à la commission judiciaire, car ils n'ont rien à y faire. Je vous remercie, Monsieur Lescaze, d'approuver cette observation !
Je crois qu'il faudrait voter ce projet de loi aujourd'hui, puisque nous avons apporté une réponse unanime à une simple question. Que la commission judiciaire s'imprègne de la solution que nous avons trouvée pour régler cette question de la LCI, afin de l'appliquer par analogie aux problèmes présents dans d'autres lois ! Rien ne s'oppose donc à ce que nous votions ce projet de loi aujourd'hui.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. J'aimerais donner un renseignement technique pour vous montrer à quel point ce projet de loi est utile. Cette disposition a été utilisée, avant mon arrivée au département, au maximum dix fois par an. Depuis mon arrivée, aucune mise en demeure ne nous est parvenue. Lors des dix interventions, le département et la police des constructions ont toujours répondu dans les délais.
Le président. Nous sommes saisis d'une proposition de M. le rapporteur au sujet du renvoi à la commission judiciaire.
M. Dominique Hausser (S). Je suis particulièrement choqué par la position de M. Vaudroz qui s'exprime ici en tant que rapporteur de la commission. Comme le souligne M. Ferrazino - et comme cela figure dans le rapport - ce projet de loi a été voté à l'unanimité après moult discussions. Un compromis a été trouvé entre les projets Ferrazino et Koechlin. J'ajouterai que la discussion informelle, qui a suivi la commission, a réuni les deux protagonistes. Chacun affirmait vouloir soutenir le projet de l'autre, afin d'animer le débat sur un projet de loi somme toute mineur.
Je ne comprends pas le sens de cette proposition ni la position du rapporteur, qui se permet d'exprimer une position différente de celle défendue à l'unanimité par les membres de la commission !
M. Bernard Annen (L). Je comprends l'étonnement de nos collègues, tout le monde n'est pas aussi ferré que vous dans ce domaine, Monsieur Ferrazino ! Rappelez-vous le projet initial de M. Koechlin : il ne ressemble pas du tout à celui-ci, vous en conviendrez ! Admettez-le au moins ! Dans ce projet, on «renverse» - et vous savez très bien ce que cela signifie - le fardeau de la preuve. Tout d'un coup, le fardeau tombe sur le requérant, c'est précisément cela qui nous surprend. On ne remet pas en question la discussion, mais certaines interrogations demeurent.
Les membres de la commission de recours LCI préfèrent garder la situation actuelle, car le projet remis entre nos mains va provoquer un certain nombre de dossiers non instruits que nous ne serons pas capables de juger. Cela nous a interpellés. M. Vaudroz ne demande pas de rejeter ce projet; il demande des assurances. Le chef du département vient de nous dire qu'il n'y a pas d'urgence et que seuls quelques cas existent. Ne pourrions-nous pas attendre quelque temps, afin d'être sûrs de ne pas faire fausse route par rapport à la pratique actuelle ?
Autrement dit, puisque des spécialistes relèvent des problèmes, nous serons obligés d'obtenir des assurances. Même si le président de la commission judiciaire a des états d'âme et si la commission est surchargée, il ne faut pas voter n'importe quoi et n'importe comment. Plusieurs questions demeurent, Monsieur Lescaze, auxquelles il faut répondre. Je vous suggère une seule séance pour ce projet. Il faudrait convoquer les membres de la commission de recours LCI, son président ou d'autres. Si le consensus est maintenu, ce projet pourra être voté. Je ne suis pas un spécialiste, mais l'interrogation est assez grande pour qu'on nous fasse le plaisir de renvoyer ce projet en commission.
M. Christian Ferrazino (AdG). Toutes les interrogations formulées par M. Annen ont été traitées à la puissance dix en commission. On pourrait proposer une modification du règlement pour permettre au parti libéral au complet d'assister à nos commissions... (Brouhaha.) Ainsi, il pourrait poser toutes les questions pendant le travail en commission s'il ne fait pas confiance à ses représentants qui y siègent ! (Rires.) J'ai toujours cru que M. Koechlin, en sa qualité d'architecte et de député éprouvé, possédait une certaine connaissance des dossiers qu'il traite. Monsieur Annen, peut-être faites-vous moins confiance à M. Koechlin sur ce sujet, mais je peux vous assurer qu'il a posé les mêmes question !
A la suite de nos débats en commission, M. Koechlin ainsi que l'ensemble des membres de la commission et son rapporteur - qui est bien muet ce soir - ont été convaincus d'adopter ce projet de loi. Et nous avons été convaincus pour une raison très simple : les craintes, formulées au sujet des dossiers que la commission de recours ne connaît pas, ne sont pas fondées. C'est précisément ce qui se passe aujourd'hui. Lorsqu'une administration ne répond pas, il y a déni de justice. Par conséquent, vous pouvez saisir un tribunal pour l'amener à se prononcer, vu la carence de l'autorité. Nous avons écarté une idée que vous aviez développée, Monsieur Annen, et c'est cela qui vous dérange dans ce projet de loi. Vous proposiez d'accorder l'autorisation si l'autorité ne répondait pas. Tout le monde a reconnu que c'était absurde. Il fallait trouver une autre solution, aussi votre proposition a-t-elle été écartée à l'unanimité.
Lorsque l'autorité ne répond pas, nous considérons cela comme une réponse négative qui ouvre une voie de droit à l'autorité de recours. Les droits de tous sont ainsi respectés. Mais, sous couvert de rejeter un projet de loi dont vous ne voulez pas, vous ne pouvez pas, aujourd'hui, contredire les représentants du parti libéral qui siégeaient dans cette commission ! Par ce subterfuge, vous souhaiteriez le renvoyer à la commission judiciaire qui n'a rien à en faire et qui a d'autres chats à fouetter ! L'ensemble des commissaires ayant voté ce projet de loi à l'unanimité, je vous demande d'en faire autant et de ne pas accepter cette mesure dilatoire dont le but est simplement de rejeter ce projet de loi, de façon indirecte.
M. John Dupraz (R). Puisque M. Ferrazino en est aux compliments, on peut lui en faire un aussi à propos de la LDTR qu'«ils» n'ont pas discuté lors des travaux de commission. Ensuite, «ils» arrivent en séance plénière, nous parlent d'un accord et nous «cassent la tête» pendant quatre heures avec des «trucs» qui auraient pu être réglés en commission !
Je trouve qu'il est inopportun de recourir à la commission judiciaire, car je ne vois pas ce qu'elle aurait à dire à ce sujet. Mais s'il y a un problème d'application de cette loi, je propose une solution à moyen terme : nous pourrions suspendre nos travaux jusqu'à la prochaine séance et demander l'avis de juristes qui connaissent le fonctionnement de la commission de recours en matière de construction. Ils pourraient évaluer les avantages et les inconvénients de cette loi. Il est inutile d'examiner ce projet en commission judiciaire.
M. Bernard Annen (L). Je soutiens la proposition de M. Dupraz. J'avais quelque chose à dire à M. Ferrazino, mais je suis d'accord avec cette solution à moyen terme.
M. Dominique Hausser (S). J'aimerais répondre à M. Dupraz qui souhaite débattre de l'avis de droit du professeur Knapp. Nous avons examiné en commission LCI la possibilité de considérer l'absence de décision comme une décision négative. Il ressort de cet avis de droit que nous ne pouvions pas interpréter une absence de décision comme une réponse positive. C'est pourquoi le projet de loi qui vous est soumis ce soir est formulé ainsi et non autrement.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur. Je veux simplement retirer ma proposition et soutenir celle de M. Dupraz qui demande un nouvel avis d'experts. Ces derniers pourraient peut-être tenir compte de la conclusion du projet de loi 7206 traitant du délai de réponse de toutes les procédures d'autorisation.
M. John Dupraz (R). Que l'on comprenne bien ce que je demande ! Il s'agit de savoir quels seraient les effets de cette loi dans la pratique, il ne s'agit pas d'un avis de droit compliqué. Certains ont encore des doutes; d'autres souhaitent faire appel à une commission judiciaire qui consacrerait trois à quatre séances à consulter des gens en vain. C'est uniquement un problème de technique juridique.
M. Bernard Lescaze (R). Le projet de loi 7206 figure effectivement dans les nombreux projets de lois en suspens dont j'ai hérité, et dont j'essaie de me défaire.
A ce stade, la commission judiciaire n'a pas encore commencé l'étude de ce projet de loi. Elle s'est consacrée à des travaux plus urgents comme vous le verrez ce soir encore, en poursuivant notre ordre du jour. Mais je saisirai l'occasion offerte pour proposer de dessaisir la commission judiciaire du projet de loi 7206 et de l'envoyer à la commission LCI qui pourrait l'examiner avec le 7099, puisque ces projets de lois sont proches. Je me retrouverais avec un projet de loi en moins et vous, vous auriez deux projets connexes; cela fera plaisir à tout le monde ! (Rires.)
M. Christian Grobet (AdG). On peut évidemment continuer à perdre du temps sur cette question parfaitement claire pour les juristes. Monsieur Dupraz, vous n'avez peut-être pas l'habitude de la commission LCI, des autorités judiciaires ainsi que des autorités de recours. Mais la réponse à votre question est très simple. Une autorité de recours est saisie pour déni de justice en cas d'absence de décision. A ce moment-là, soit l'autorité de recours statue en disant que c'est à juste titre qu'une décision n'a pas été prise soit elle délivre l'autorisation de construire, si elle considère que le dossier a été délaissé abusivement.
A plusieurs occasions, la commission de recours a ordonné au département des travaux publics de délivrer des autorisations de construire, notamment lorsque des requérants ont recouru contre une décision refusant la délivrance d'une autorisation de construire, qu'on appelle également décision négative. Il est même arrivé que la commission de recours délivre l'autorisation à la place du département. Ainsi, il y a une «pratique» qui est parfaitement claire et qui ne pose pas de problème... On peut toujours en inventer et perdre son temps, si vous l'estimez nécessaire !
M. Olivier Vaucher (L). Comme je ne suis pas féru de droit, je ne peux pas me contenter des explications de M. Grobet. Au nom du groupe libéral, j'accepte très volontiers la proposition de M. Lescaze de traiter le 7206 avec ce projet de loi en commission LCI.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). C'est à croire que vous cherchez du travail ! J'ai effectué un remplacement dans cette commission et pourtant, même moi, j'ai compris de quoi il s'agissait ! (Rires.) C'est extrêmement simple et - comme l'a dit M. Grobet - tout à fait praticable. Cette décision concerne un secteur où il faut être proche de l'utilisateur, comme on nous le répète sans cesse. Il faut raccourcir les délais et trouver des solutions, afin d'éliminer tout handicap pour les demandeurs qui font appel au DTPE. Du point de vue juridique, une solution évidente a été trouvée et elle fait l'unanimité. Un sujet plus global, concernant également les délais, est actuellement examiné à la commission judiciaire. Du coup, délai et délai, ça devrait «marcher» ensemble ! Une question a été réglée sur un point particulier : lorsqu'une décision n'est pas prise, elle est considérée comme négative. Il existe, dès lors, un droit de recours. Ne compliquez pas à ce point la question !
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur. La proposition de M. Lescaze est effectivement cohérente. On pourrait travailler le projet de loi 7206, car la commission LCI n'en a pas beaucoup en cours actuellement. S'il existe une cohérence entre ces deux projets de lois, cela ne signifie pas que le 7099 et sa conclusion ne soient pas valables. Mais il serait intéressant d'arriver à la conclusion du 7206 pour le confirmer.
M. René Koechlin (L). Veuillez excuser le retard qui m'a empêché de prendre part à ce débat dès le début. M. Grobet affirmait qu'il n'y avait pas de problèmes. S'il n'y a pas de problèmes pour l'administration, en revanche, le requérant en a toujours ! J'aimerais dire à Mme Maulini-Dreyfus que la solution peut paraître simple, mais elle ne raccourcit pas les délais par rapport à la pratique. Nous référant à celle qui figure dans la loi, elle comporte des inconvénients de caractère juridique : le non-respect du droit des tiers, par exemple.
La question concerne l'obligation de répondre à toutes les requêtes d'autorisation. L'autre projet traite de cette question beaucoup plus générale. Il serait inopportun de résoudre le sujet très particulier de la LCI, sans avoir fixé l'obligation et le délai de réponse de l'administration quel que soit le cas. Il serait plus heureux d'aborder le problème dans son ensemble et d'y inclure toutes les requêtes en autorisation, sans exception. Le projet qui traite un problème particulier pourrait s'inscrire, ensuite, dans cette solution générale que nous aurons trouvée. Par souci de cohérence en même temps, il convient donc de traiter les deux projets simultanément et de les soumettre au Grand Conseil.
M. Laurent Moutinot (S). Ce débat me surprend, puisque le projet de loi était ressorti à l'unanimité de la commission. Actuellement, si l'administration ne rend pas une décision, l'unique voie de droit est un recours de droit public au Tribunal fédéral pour déni de justice. C'est une procédure lourde, coûteuse et fort peu efficace, compte tenu du retard dans les décisions.
Le projet en discussion est notablement plus favorable que les possibilités actuelles. Quant à la forme, la LCI ne peut pas être le modèle de toutes les procédures. Logiquement, on ne peut pas calquer toutes les procédures genevoises sur celle que l'on souhaite en matière de construction; cette dernière obéit parfois à des règles particulières. Celle trouvée à l'unanimité dans ce cas est adéquate. Il n'y a pas de raison d'appliquer des lois inspirées par la LCI dans d'autres domaines.
Par conséquent, je vous demande de voter ce projet tel que ressorti de la commission.
M. Christian Grobet (AdG). Je suis très étonné de la proposition de M. Lescaze, qui souhaite déférer à la commission LCI le projet de loi 7206.
Je ne l'ai pas sous les yeux, mais j'ai cru comprendre que c'était une loi de portée générale. Par conséquent, elle doit - de toute évidence - être traitée par une commission qui s'occupe de questions juridiques, avec l'assistance du département de justice et police. Pour se décharger de ce projet de loi, on aurait pu envisager son renvoi à la commission législative. Ce n'est pas exactement sa tâche, mais elle s'occupe aussi de problèmes juridiques. C'est une profonde erreur de vouloir dessaisir la commission judiciaire du projet de loi 7206. Je vous en conjure, ne procédez pas ainsi !
Si vous avez des doutes au sujet des bienfaits de cette nouvelle loi, il faudrait saisir l'occasion offerte par une loi proposée par un certain nombre de députés et votée récemment. Ainsi, la loi de ce soir pourrait être votée comme une loi à l'essai, de portée limitée. Ce serait un cas typique de mise en application de la loi votée il y a deux mois et relative à la législation à l'essai. Je demande formellement de voter sur cette proposition.
M. David Hiler (Ve). J'appuie la proposition du député Grobet. En effet, je suis l'un des motionnaires de cette législation à l'essai. Ce serait un excellent moyen de tester la solution trouvée. J'aimerais faire observer au député Koechlin ainsi qu'à ses amis qu'ils traitent juridiquement un problème qui dépend essentiellement de la qualité de fonctionnement de l'administration. Vous pourrez faire toutes sortes de lois, si chaque fonctionnaire n'a pas comme objectif de faire aboutir les procédures dans le respect strict de la loi, quoi que vous fassiez, ça ne marchera pas !
Vous êtes les mieux placés pour faire en sorte que l'administration soit proche du requérant et l'aide à trouver une solution parfaitement légale dans les délais. Vous détenez tous les leviers du pouvoir dans cette administration grâce au Conseil d'Etat. Si l'on essaie, par des articles et des modifications de loi, de changer les mentalités des fonctionnaires, on rencontrera toutes sortes d'ennuis et rien n'aboutira.
M. Michel Halpérin (L). M. Hiler a raison de souligner la responsabilité de l'administration dans ce problème, mais nous avons tout de même des dispositions légales à fixer et, si possible, de façon cohérente. Il y a visiblement contradiction entre les deux textes. Sur ce point, je suis de l'avis de M. Grobet. La commission judiciaire est mieux armée que la commission LCI pour résoudre la contradiction entre un texte de portée générale et un texte de caractère juridique non spécifique des lois de construction. La commission judiciaire doit trancher en fixant les méthodes de fonctionnement général et les conséquences des refus et des silences de l'administration. Son rôle n'est pas de lui dire comment travailler.
M. Bénédict Fontanet (PDC). J'approuve la position de M. Halpérin au sujet du projet de loi que M. Lescaze voulait si généreusement déléguer à la commission LCI ! Le problème est plus généreux... plus général, pardon ! (Rires.) Mais quand je pense à vous, Monsieur Lescaze, je ne peux vous imaginer que généreux envers les projets de lois que vous traitez avec une sévérité qui vous honore ! Ce projet ne peut pas être traité par la commission LCI, car il concerne l'ensemble de la procédure administrative.
Le projet de loi traité ce soir ne me satisfait pas entièrement. Si le dossier n'a pas été instruit par le département, l'autorité de recours ne pourra pas statuer. Je n'ai pas participé aux débats de la commission, mais la formule actuelle me semble plus satisfaisante que celle que vous proposez. Plusieurs membres de la commission de recours s'interrogent sur la pertinence de nos dispositions.
Ainsi, comme M. Dupraz, je suggérerai un délai d'un mois pour éviter de mal légiférer; il n'y a pas d'urgence. Tout le monde dépose des recours dans la bonne humeur contre les décisions du département des travaux publics et la commission de recours les traite. Je proposerai donc d'ajourner ce point de l'ordre du jour à notre prochaine séance, afin de permettre à la commission LCI d'examiner les remarques faites de manière informelle ces derniers jours.
M. Bernard Lescaze (R). Cette discussion ressemble à celle de la commission rapportée par M. Vaudroz : elles sont très créatives ! (Rires.) Je retire donc ma proposition et me rallie à celle de mon collègue Dupraz.
Le président. Nous sommes saisis de deux propositions : l'une consiste à renvoyer ce projet de loi à la commission judiciaire, l'autre à suspendre nos travaux. Ce serait l'ajournement à terme.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission judiciaire est rejetée.
Mise aux voix, la proposition d'ajournement à terme de ce projet de loi est adoptée.
Lors de sa séance du 6 décembre 1995, la commission de l'aménagement, présidée par M. Florian Barro, a examiné le projet de loi 7203 concernant une modification du régime de zones de la parcelle no 3353.1, feuille 28 du cadastre de la commune d'Anières.
Actuellement située en zone 5A, elle jouxte, à l'est, la zone de développement 4B protégée qui regroupe de petits immeubles. De forme triangulaire, cette parcelle de 3 000 m2 se trouve à l'entrée du village, entre la route de l'Ancien-Lavoir et le chemin des Avallons.
Cette parcelle est comprise dans le périmètre d'extension du village d'Anières retenu par le schéma directeur de la commune qui fut adopté par son Conseil municipal le 25 janvier 1994.
La croissance démographique de la commune demande la construction de nouveaux logements. Pour cette raison, la poursuite de la densification de la 5e zone est prévue en amont de la route d'Hermance.
Une demande de renseignement est parvenue au département des travaux publics et de l'énergie proposant, sur ladite parcelle, la construction d'un petit immeuble de deux étages sur rez avec un indice d'utilisation de 0,7 et comprenant 24 logements. Pour réaliser ce projet, une modification du régime des zones est nécessaire. Il vous est donc proposé de créer une zone de développement 4B de 3 050 m2.
Le projet de plan localisé de quartier no 28708-502 définit l'aménagement de ce périmètre.
Cette requête fut préavisée favorablement par le Conseil municipal d'Anières (une opposition et deux abstentions) et lors de la mise à l'enquête publique, il n'y eut aucune observation.
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est proposé d'attribuer le degré de sensibilité II à ladite parcelle.
Ce projet de loi n'ayant provoqué aucun débat, la commission de l'aménagement du canton vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir l'approuver.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(7302)
LOI
modifiant le régime des zones de construction sur le territoirede la commune d'Anières (création d'une zone de développement 4B)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Le plan no 28716-502, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 27 septembre 1994, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune d'Anières (création d'une zonede développement 4B, au chemin des Avallons) est approuvé.
2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 4B, créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 3
Un exemplaire du plan no 28716-502 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
plan
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le très grave danger qu'ont couru de très nombreuses personnes à l'occasion de l'incendie survenu le 15 décembre dernier dans un magasin du passage Malbuisson, lequel s'est étendu dans deux grands magasins et un cinéma du centre-ville, qui ont dû être évacués d'urgence;
- les causes ayant provoqué l'extension de l'incendie et les mesures de sécurité insuffisantes qui sont apparues à cette occasion, qui auraient pu avoir des conséquences catastophiques,
invite le Conseil d'Etat
- à veiller à ce que la recherche de la rentabilité maximale dans la construction de bâtiments et la réalisation d'objectifs commerciaux ne se fassent pas au détriment de la sécurité des usagers;
- à charger le service cantonal du feu, en collaboration avec les services concernés du département des travaux publics et de l'énergie, de renforcer les mesures préventives et de sécurité contre le feu dans les locaux accessibles au public (tels que magasins, salles de spectacles, hôtels, hôpitaux, pensions pour personnes âgées, etc.) et tout particulièrement ceux situés en sous-sol.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Tenant compte du danger couru par le public lors de l'incendie du 15 décembre dernier au centre-ville, il importe de tirer les leçons qui en découlent et de prendre les mesures de prévention qui s'imposent dans les constructions existantes et futures pour prévenir autant que possible de tels drames. Il est notoire, à ce sujet, que les incendies les plus dangereux sont ceux qui surviennent dans de grands espaces ouverts au public lorsque celui-ci peut être important (tels que salles de spectacles, grands magasins, entreprises) et dont les sorties sont souvent éloignées du centre de ces constructions, ainsi que dans les hôtels, hôpitaux et homes pour personnes âgées où les personnes ont des difficultés pour se déplacer. C'est du reste pour ce type de construction que des mesures de sécurité spéciales sont prévues ainsi que des exercices d'évacuation.
Le danger est également important pour les constructions en sous-sol, ce qui constituait un des motifs pour lesquels le Grand Conseil avait été saisi en son temps d'un projet de loi visant à interdire de telles constructions pour des locaux (tels que magasins et salles de spectacles ouverts au public), projet de loi qui fut, hélas, rejeté par la majorité du Grand Conseil.
L'incendie du 15 décembre dernier a mis en évidence le très grave danger qu'ont couru certains spectateurs d'un cinéma du centre-ville qui, dès sa construction, a inquiété de nombreuses personnes, mais dont on avait assuré que les sorties de secours donnant sur un passage ouvert assimilable à l'extérieur offrait les garanties de sécurité suffisantes. Une porte qui aurait dû être condamnée et conduisant dans un passage sans issue a failli coûté la vie à une dizaine de personnes enfermées dans ces lieux pendant 40 minutes, ce qui démontre que les mesures de sécurité contre le feu étaient insuffisantes, sans parler de l'importante fumée qui se trouvait dans le passage sur lequel débouchait les sorties de sécurité.
Il est donc indispensable que le service cantonal du feu procède à une inspection de l'ensemble des salles de spectacles pour vérifier que ces lieux offrent la sécurité suffisante et que les sorties de secours soient dimensionnées correctement pour une évacuation rapide de ces lieux, ce qui ne semble pas être le cas de certains cinémas en sous-sol au centre-ville.
A ce sujet, l'incendie du 15 décembre démontre le grave danger que représente la mise en place de portes visant à fermer la rue intérieure du bâtiment de Confédération-Centre pour des motifs purement commerciaux (à savoir de rendre cet espace plus convivial) et au détriment de la sécurité du public. Il convient de rappeler que, lors de la construction de ce bâtiment, la fermeture de cette rue intérieure (dont le principe même avait été critiqué par les services de sécurité) avait été refusée par le département des travaux publics pour des motifs de sécurité, afin d'assurer l'évacuation de la fumée en cas d'incendie et parce que les sorties de secours des deux salles de cinéma en sous-sol ne débouchaient pas à l'extérieur du bâtiment, mais sur cette rue intérieure, assimilée à l'espace extérieur du fait que les deux extrémités du passage restaient ouvertes. Il convient que le Conseil d'Etat exige le maintien de l'état des lieux tel qu'il a été autorisé et s'assure que d'autres passages de ce type ne soient pas fermés.
Il convient également d'exiger la pose d'extincteurs en nombre suffisant dans tous les lieux publics, y compris dans les magasins, afin de pouvoir intervenir immédiatement en cas de début d'incendie. La présence d'un tel équipement élémentaire aurait pu prévenir l'incendie du 15 décembre. De même, il convient que les restrictions en matières de matériaux inflammables imposées à certains types de construction le soient également aux commerces.
Enfin, il convient que les mesures de sécurité complémentaires qui avaient été envisagées pour les hôtels, hôpitaux et homes pour personnes âgées soient ordonnées, si elles n'ont pas été mises en place.
Débat
Mme Liliane Johner (AdG). L'incendie du 15 décembre, en ville de Genève, a mis en évidence les dangers encourus par la population, surtout lorsqu'un événement de ce genre survient à l'intérieur de certaines constructions - notamment dans des constructions en sous-sol. Nous ne devons pas privilégier les motifs purement commerciaux au détriment de la sécurité du public. C'est pourtant ce qui se passe, notamment à Confédération-Centre, où certaines salles de cinéma en sous-sol n'ont pas de sorties de secours vers l'extérieur.
Nous vous rappelons qu'un projet de loi a été déposé, afin d'interdire de telles constructions. Ce projet de loi fut malheureusement repoussé par la majorité de ce Grand Conseil. Aujourd'hui, cette motion vient à point, et nous pouvons la renvoyer au Conseil d'Etat. Elle renforcera les mesures préventives de sécurité dans les locaux accessibles au public.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Les invites de la motion susvisée rejoignent les intentions de nos deux départements : celui de mon collègue M. Claude Haegi et le département des travaux publics.
Au sujet de la première invite, j'aimerais souligner que nous n'avons jamais admis de favoriser des objectifs économiques et commerciaux au détriment de la sécurité. Les problèmes les plus délicats ne se posent pas forcément au moment de l'autorisation de construire, mais pendant la période d'exploitation. C'est alors que des négligences dans l'organisation des sorties de secours et la surveillance d'évacuation de matériel se produisent. Il est donc indispensable de faire des campagnes de contrôle régulières, en collaboration avec l'inspectorat cantonal du feu, comme nous le faisons déjà.
A ce titre, j'ai poursuivi les démarches qui avaient été engagées par mon prédécesseur dans l'hôtellerie, les établissements hospitaliers et analogues. Plus récemment, un à deux jours après l'incendie qui a fait l'objet de cette motion, j'ai fait contrôler, rapidement, l'ensemble des cinémas de la place pour m'assurer que nous n'avions pas besoin d'ordonner des fermetures préventives. Ces contrôles seront poursuivis. Nous allons procéder de suite à un premier contrôle systématique - d'abord rapide - de tous les théâtres et dancings. Par la suite, nous entrerons dans les détails. Une des réponses essentielles à cette motion se trouve dans la notion de surveillance et d'aide aux exploitants, afin de respecter les normes de sécurité.
M. Christian Grobet (AdG). Cet incendie du passage Malbuisson a effectivement mis en évidence les dangers présentés par certains types de constructions. C'est le résultat d'une volonté de très forte urbanisation. Des constructions importantes utilisent les droits à bâtir jusqu'au dernier cm2. Je ne vous cacherai pas, Monsieur Joye, que je partage la préoccupation des motionnaires. Confédération-Centre présente, en effet, de graves problèmes que vous n'avez pas évoqués. Il s'agit de la part du propriétaire de l'immeuble - et non de la part du département - d'intérêts strictement commerciaux. La construction de ce bâtiment a été autorisée il y a une vingtaine d'années.
A cette époque déjà, le constructeur avait prévu une rue intérieure, afin de tirer un meilleur parti du sol. Cela ne convenait pas au service de sécurité du département des travaux publics qui l'avait mis en garde contre les risques en cas d'incendie. Ces risques sont d'autant plus évidents aujourd'hui après l'incendie du passage Malbuisson. Cette rue intérieure n'a été acceptée qu'à une seule condition : les deux extrémités devaient rester ouvertes. Ainsi, l'air pouvait circuler et la fumée s'évacuer de façon naturelle en cas d'incendie. Si l'on prévoit le maintien de la circulation naturelle de l'air, nul besoin d'être grand clerc pour imaginer que cela fait des courants d'air en hiver. L'acquéreur de l'immeuble a voulu agir pour lutter contre ces courants d'air. Du temps de M. Vernet, lors de la délivrance de l'autorisation de construire, il fut clairement spécifié qu'il n'y aurait pas de fermeture aux extrémités. Cette rue intérieure a été fictivement assimilée à une rue extérieure, et, ainsi, le département a autorisé les sorties de secours des deux cinémas sur cette rue intérieure.
L'affaire de l'incendie du mois de décembre a démontré le danger que représentait la salle de cinéma de l'ABC, comme certains l'ont toujours craint, alors que d'autres se montraient rassurants. Dans ce cas, la fumée peut se répandre beaucoup plus rapidement qu'on ne le pense. Au passage Malbuisson, l'incendie s'est propagé à une vitesse fulgurante. La tenancière du magasin où l'incendie a éclaté a failli perdre la vie. Cela figure dans une lettre qu'elle a envoyée à la presse. On n'ose pas imaginer ce qui se passerait, si un incendie de ce type se déclarait à Confédération-Centre et s'il fallait évacuer les deux salles de cinéma à une heure d'affluence.
Vous avez hérité de ce dossier difficile, Monsieur Joye. Je l'ai traité, également. Des décisions ont été portées devant l'autorité de recours, car le propriétaire de l'immeuble envisageait d'installer un système d'extraction de fumée qui se mettrait automatiquement en marche en cas d'incendie. Or, en cas d'incendie, un court-circuit peut se produire immédiatement, comme ce fut le cas au passage Malbuisson. J'estime que les services de sécurité du département avaient parfaitement raison de considérer qu'une installation d'extraction de fumée ne donnait pas toutes les garanties. En raison des risques de court-circuit et du volume de fumée à évacuer, le propriétaire de l'immeuble doit prendre conscience qu'il n'est pas tolérable de mettre en place une installation délibérément écartée dès le début. On ne peut pas mettre en danger le public des salles de cinéma uniquement pour des raisons commerciales. Ces constructions en sous-sol n'auraient pas dû être réalisées.
Cette affaire est une nouvelle démonstration du bien-fondé du maintien de la salle de l'Alhambra dont les portes donnent directement sur l'extérieur. Il y a nonante ans, on réalisait des constructions qui répondaient aux normes de sécurité. Aujourd'hui, on fait des salles de spectacle en sous-sol, dont on sort par d'étroits escaliers. Cela représente un danger indiscutable pour le public.
M. Daniel Ducommun (R). Mme Johner propose le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Ce problème doit entraîner une réflexion beaucoup plus large au sujet des systèmes et des moyens de sécurité dans les lieux publics à Genève. Les commentaires de la motion au sujet du bâtiment de Confédération-Centre sont manifestement infondés.
En conséquence, nous sommes plutôt favorables à un renvoi à la commission des travaux.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je remercie le député Grobet de parler du problème très important de Confédération-Centre. Je m'y suis aussi attelé, puisqu'il y avait un litige entre mes services et les autorités suisses du service de protection contre l'incendie. Ce service s'occupe des expertises et délivre les autorisations. Il certifie qu'une autorisation est conforme aux prescriptions de sécurité.
A la suite de ce recours, j'ai tranché en faveur du SPI, service dont l'audience est absolument reconnue sur le plan national. Il y a des milliers de salles souterraines. La place Ville-Marie, à Montréal, est bâtie sur plusieurs étages. Imaginez qu'on soit obligé de les fermer ! Et ce n'est qu'un exemple. Il existe des milliers de centres commerciaux de plusieurs étages.
Le système d'extraction de fumée et d'ouverture de portes sont des systèmes automatiques, tous deux approuvés par l'autorité de surveillance suisse; nous nous y sommes donc ralliés. Je vais procéder à un contrôle général, puisque ce système va être mis en fonction maintenant. Je souhaiterais renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, et faire un rapport complet sur les différentes démarches entreprises avec M. Haegi. Elles concernent les hôtels, les établissements hospitaliers, les cinémas, les théâtres, les dancings et Confédération-Centre, en particulier.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des travaux.
M. Max Schneider (Ve). Le problème de cette ligne de chemin de fer est, de toute évidence, étroitement lié à celui de la traversée de la rade. Les articles de presse, ceux de l'association ALP Rail notamment, mettent en garde le Conseil d'Etat ainsi que notre parlement. Il s'agit d'éviter l'erreur du réseau de tram. Les rails ont été arrachés sur le pont de la Coulouvrenière dans les années soixante pour être finalement réinstallés à grands frais pour le tram 13. Selon ALP Rail, il ne faut pas précipiter la destruction de la ligne Annemasse/Les Eaux-Vives pour construire un métro léger ressemblant étrangement à un tram.
La pétition du parti démocrate-chrétien, envoyée au Conseil d'Etat il y a environ cinq ans, demandait le raccordement immédiat entre les Eaux-Vives et la Praille. Certains députés sont intervenus plusieurs fois pour demander des informations au sujet des travaux de la SNCF, qui procédait au démantèlement de la voie qui longeait le quai de la gare de Chêne-Bourg. On affirmait qu'il s'agissait uniquement d'un démantèlement de la gare de marchandises, alors qu'il s'agissait de voies du trafic-voyageurs.
A la suite de l'interpellation que j'avais adressée à M. Joye, on démentait la transformation de la gare en magasin d'antiquité. Les déclarations des conseillers d'Etat sont souvent préparées par des hauts fonctionnaires et les conseillers d'Etat ne sont pas au courant de la réalité. Si M. Joye voulait bien se rendre sur le terrain, il constaterait le démantèlement des voies et la transformation de la gare en magasin d'antiquité. Je souhaiterais qu'on nous présente les études effectuées dans le programme Interreg franco-suisse pour le métro léger. Il faudrait y inclure le maintien de cette ligne en l'état actuel, en attendant un éventuel futur raccordement du réseau SNCF dans le sud de Genève. Plus de 6 millions avaient été investis pour l'électrification de la ligne. Il est urgent d'attendre une alternative concrète. On pourrait faire un essai d'une année pour voir si la brocante et la gare peuvent coexister. A l'exemple d'autres petites gares européennes peu utilisées, le magasin pourrait vendre les billets pour Annemasse.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Rassurez-vous, Monsieur Schneider : toutes les options envisageables pour le métro léger ne concernent pas la voie Annemasse / Les Eaux-Vives ! Comme je vous l'avais affirmé voilà une année, seules des voies de desserte ont été démantelées, et cet axe est réservé pour ces constructions. Je vous avais aussi indiqué, le 8 novembre, que notre service reprenait la gérance d'un certain nombre d'objets le long de la voie ferrée Eaux-Vives / Annemasse dans la gare en question.
Cette gare est habitée par Mme Aegerter, veuve d'un ancien chef de gare. Depuis 1971, elle occupe un appartement de quatre pièces au premier étage. Afin d'éviter toute occupation illégale ou dégradation pour non-utilisation et pour rentabiliser un peu les lieux, la brocante a été louée au fils de Mme Aegerter. Je ne suis pas opposé à l'utilisation des autres locaux : l'occasion fait le larron ! Et nous souhaitons revitaliser le secteur. L'idée d'un arrêt en gare de Chêne-Bourg est intéressante, mais la décision appartient aux autorités ferroviaires. L'office des transports et de la circulation de mon collègue, M. Gérard Ramseyer, ici présent, juge le potentiel actuel de desserte de la gare de Chêne-Bourg trop bas. Une halte pénaliserait de façon injustifiée le temps de parcours entre les Eaux-Vives et Annemasse. Le problème de contrôle des frontières devrait également être examiné.
Cette interpellation est close.
M. Laurent Moutinot (S). A la suite de mon interpellation, M. Joye m'avait donné des informations détaillées. Des travaux, pour un montant d'un milliard, avaient été autorisés, mais les ouvertures de chantiers n'ont pas suivi. Comment le Conseil d'Etat va-t-il organiser la promotion pour trouver le financement ? Les services de l'économie publique vont-ils reprendre ces dossiers et les promouvoir auprès d'investisseurs suisses, étrangers ou genevois, plus particulièrement ? Le Conseil d'Etat va-t-il utiliser ses propres représentants auprès des investisseurs institutionnels ?
Il serait opportun de créer une structure pour faciliter la concertation entre l'Etat et le privé. Plusieurs caisses de pension recherchent désespérément des contacts afin de promouvoir des projets autorisés. Les services compétents de l'Etat devraient les aider.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je me suis rendu plusieurs fois à Zurich où je suis intervenu en public et auprès de divers investisseurs. J'ai participé à la rédaction d'un livre sur les biens immobiliers en Suisse romande avec la collaboration de M. Maitre. Avec la Chambre genevoise immobilière et l'Association des gérants d'immeubles, nous sommes allés deux fois à Zurich. J'ai personnellement rendu visite à plusieurs grandes compagnies d'assurance, et la plupart des directions sont venues à Genève.
Je reçois toutes les cellules de crise de la SBS, de la BPS, de l'UBS et du CS. Nous réglons, ainsi, une foule de problèmes. Il m'est arrivé de recevoir plus de dix fois des avocats pour favoriser le démarrage de constructions. Je ne suis pas le seul à le faire. Au Conseil d'Etat, nous faisons tout ce que nous pouvons.
A l'étranger, nous sommes allés l'année passée au MIPIM : la foire de l'immobilier. Nous avions un stand en commun avec le canton de Vaud. Cette année, nous avons renouvelé l'opération en association avec les cantons de Vaud, de Zurich et de Zoug. Nous représentions la Suisse pour trouver des utilisateurs d'infrastructures et non des acheteurs potentiels, puisque la Lex Friedrich nous handicape très fortement. Nous aurions grand besoin de facilités dans ce domaine.
Nous aimerions saluer les efforts du canton de Zurich qui nous a beaucoup aidés, cette année, en collaboration avec plusieurs grandes sociétés locales, dont ABB. Ce canton a investi un million. Vaud, Zoug et Genève ont investi chacun 150 000 F. Nous créons une voie suisse et fournissons un effort commun. Deux points nous bloquent, je vous en parlerai dans les réponses au problème de la parcelle Reynolds. Il s'agit d'alléger les lois et nous avons fait un pas dans ce sens, hier. D'autre part, il faut raccourcir les délais qui posent souvent de très grands problèmes.
Je prends note de votre remarque et je vais fournir un rapport plus complet et plus synthétique à la commission des travaux.
Cette interpellation est close.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Vous demandez, Madame la députée, en quoi l'extension à deux étages du bâtiment de M. Saadi - dont les plans pourront être consultés à la fin de notre séance - permettrait de loger, sous le même toit, cent cinquante employés supplémentaires de Reynolds, si le projet initial sur deux étages ne pouvait en accueillir que soixante à quatre-vingts.
Reynolds Tobacco occupe actuellement plus de trois cents personnes, travaillant en majorité dans le bâtiment du chemin Rieu 12-14, bâtiment totalisant une surface de bureaux de 1 400 m2.
Reynolds détient déjà des contrats de location dans le voisinage, à la rue Pedro-Meylan, au 53 de la route de Malagnou, au chemin des Vergers et, Madame la députée, à l'ancienne piscine de Rieu, objet d'un contrat qui sera signé en location pour le début de février.
Cette société ne veut pas se disperser davantage. Il est exclu qu'elle multiplie les satellites. Elle veut à tout prix rassembler ses activités dans son centre nerveux, quitte à n'augmenter que peu ce dernier.
Reynolds installera son siège mondial à Genève - ce qui signifie l'engagement de cent employés supplémentaires - et agrandira son centre logistique. La société a déjà investi 7 millions pour des rénovations, dont un demi-million, en 1995, pour développer son centre informatique.
Votre deuxième question est, Madame la députée : «Si le PLQ que vous proposez d'adopter n'apporte ni une solution véritable ni même une solution immédiate aux besoins incontestables de l'extension de Reynolds - puisqu'il faudrait trois ans pour que les bureaux soient construits, même sans les oppositions - quel est l'intérêt privé ou public prépondérant qui vous amène à vouloir néanmoins imposer ce PLQ ?».
Ce PLQ a été élaboré après une année de discussions. Il apporte une solution raisonnable et immédiatement réalisable, contrairement à ce que vous supposez. Les services de mon département, notamment celui de l'architecte cantonal, avec l'aide des commissions, de M. Ruffieux, de Mme Burnand et de la Ville de Genève, ont recherché d'autres solutions.
La première était la surélévation du bâtiment existant. Elle a été refusée pour des questions légales de distance. La deuxième est un bâtiment bas, comportant un rez-de-chaussée et trois étages d'une super-structure, avec une importante emprise au sol, puisque parvenant à six mètres du bord de la parcelle. La troisième est celle qui vous est proposée, avec une emprise minimum au sol et un gabarit identique à celui du bâtiment existant. Mise à l'enquête publique, cette solution a été considérée comme étant la moins dommageable pour le quartier : le nouveau bâtiment se branche sur la structure actuelle, par l'intermédiaire de la cage d'escalier, l'ascenseur, le bloc sanitaire, etc.
Les nouvelles surfaces sont, de ce fait, entièrement affectées aux bureaux. Ce bâtiment, probablement à structures métalliques préfabriquées, pourrait être construit en moins d'un an, de façon esthétique et sans trop de gêne pour les voisins.
Vous demandez encore pourquoi l'Etat fait le choix d'un nouvel affrontement avec la Ville de Genève, plutôt que de favoriser une prise en compte des surfaces de l'ancienne piscine Rieu pour lesquelles Reynolds négocie, ou les bureaux actuellement libres. Vous parlez de Florissant, Magnin-Jacquet, Eugène-Pittard, SPG, etc.
Mon département ne recherche aucun affrontement avec qui que ce soit. J'ai prévu l'organisation d'une séance de discussion, réunissant tous les intéressés, à savoir l'Etat, la Ville de Genève, Reynolds et Me Bellanger, le conseil des opposants, afin d'aplanir les divergences. J'ai fait modifier le projet mis à l'enquête, avec la diminution des deux étages supérieurs, pour rejoindre la moyenne, forcément insatisfaisante, des avis exprimés.
Ce projet ne fait pas l'objet de l'approbation d'un plan de quartier, mais de l'ouverture de la procédure d'opposition usuelle, du mercredi 31 janvier au jeudi 29 février.
Quant aux surfaces de bureaux, soi-disant libres à proximité, elles sont à vendre, d'une part, ou ne sont pas disponibles, d'autre part.
Je vous rappelle que Reynolds souhaite regrouper un maximum de collaborateurs chemin Rieu 12-14. Cette situation lui convient parfaitement et il n'est pas question que cette société se disperse davantage.
Quelques points restent à relever :
1. Il y a un intérêt public prépondérant à se décider rapidement, intérêt que j'ai essayé de respecter lors des discussions avec les entreprises. Nous ne pouvons plus «balader» les gens comme nous l'avons fait.
2. L'audition de M. Petruzzello, directeur de Reynolds, par la commission du Conseil municipal, s'est - du point de vue de cette société - extrêmement mal passée. M. Petruzzello a été accueilli à cette séance, de laquelle j'étais absent, comme un chien dans un jeu de quilles, ce qui n'étonne pas les parlementaires, mais ébahit les particuliers. Pendant deux minutes, ce fut un silence de mort, puis, d'après ce que m'a rapporté M. Petruzzello, il lui a été demandé : «Si on vous interdit cette construction, partirez-vous, oui ou non ?». M. Petruzzello a répondu, bien sûr, par la négative et ce dernier m'a confié que même si on empêchait la réalisation du projet Reynolds ne partirait pas en raison des investissements déjà faits.
Il s'agit là d'une problématique, soulevée par M. Ferrazino, à savoir la marge de liberté dont dispose un conseiller municipal quand, saisi en queue de procédure, il doit dire si, oui ou non, il approuve un projet. Plus d'une fois, les conseillers municipaux doivent préaviser des projets trop tardivement et ils éprouvent le sentiment qu'on leur force la main. C'est ce qui arrive avec la plupart des PLQ, et cela biaise complètement les discussions avec l'exécutif communal ou municipal, pour la bonne raison que celui-ci entend, à juste titre, garder son indépendance. Il aimerait donner son préavis, mais, en fait, il intervient trop tard.
«Promener» une société n'encourage pas les investisseurs à venir s'installer chez nous !
Le dernier projet fait l'objet de la procédure d'opposition usuelle qui sera ouverte, comme je vous l'ai dit, du mercredi 31 janvier au jeudi 29 février. Ce délai nous permettra de rencontrer tous les intéressés.
Bien que conscient de marcher sur des oeufs, je ne puis m'empêcher de vous dire que les quatre personnes qui, à Pedro-Meylan, font opposition, émargent largement aux bénéfices de la Genève internationale. Suivant une pratique de M. le député Grobet, qui avait toujours le «Savoir» sur son pupitre, je me suis informé de qui habitait dans le bâtiment. J'ai appris qu'une société d'import-export de peaux de reptiles y résidait, et que ses reptiles ne venaient certainement pas du canton de Fribourg ! Il y a aussi la fiduciaire Fidufirst, dont la clientèle ne se limite certainement pas aux associations religieuses et au couvent d'Einsiedeln. J'ai repéré encore une personne d'origine orientale, administrateur-délégué d'une société marchande.
Sans vouloir vexer les honorables opposants, qui conservent tous leurs droits, je me dis que nous nous trouvons dans la situation classique du conseil municipal qui dit : «Bienvenue à vous, Reynolds ! Il y a plus d'une année que vous essayez de venir. On va réunir une commission, siéger et conclure : on vous veut partout à Genève, sauf ici !».
Cette interpellation urgente est close.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:
Art. 186, al. 2, lettre a (abrogée)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Selon l'article 186, alinéa 2, de notre règlement, les commissions «renouvellent leur bureau au mois de novembre de chaque année», à l'exception de la commission législative, de la commission de grâce, de la commission de réexamen en matière de naturalisation et de la commission des finances. Il est aisé de comprendre les exceptions qui concernent la grâce et le réexamen des naturalisations puisque la présidence de ces commissions est désignée par le président du Grand Conseil ( art. 203, al. 2, lettre a, et 218, al. 2, lettre a). Il est également explicable que la commission des finances fasse exception puisqu'elle renouvelle son bureau au début des travaux sur le budget, soit en août ou septembre et non en novembre.
Personne ne s'explique en revanche pourquoi la commission législative ferait exception. Les travaux préparatoires, la lecture du Mémorial, la mémoire du sautier ou celle des députés les plus anciens ne fournissent aucune réponse. Certains voient dans l'article 186, alinéa 2, lettre a, une erreur de typographe; d'autres suggèrent que le mandat particulier de la commission législative justifie que sa présidence soit inamovible.
La commission législative s'est penchée sur son propre cas et a considéré, à l'unanimité, que, quelles que soient l'importance de ses travaux et la sagesse dont sont appelés à faire preuve ses membres, elle ne saurait se singulariser quant à la désignation de son bureau. La tradition de la commission est d'ailleurs de renouveler son bureau chaque année et c'est pourquoi nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de mettre notre règlement en accord avec la pratique et d'abroger l'article 186, alinéa 2, lettre a, dudit règlement.
Préconsultation
M. John Dupraz (R). Pourquoi ne pas passer à la discussion immédiate pour un projet aussi simple ?
Le président. La loi portant règlement nous l'interdit, Monsieur le député !
M. John Dupraz. Changez le règlement !
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission du logement sous les présidences successives deMme Genevière Mottet-Durand et M. Jean-Claude Genecand a étudié ce projet de loi au cours des séances des 19 septembre, 3 et 17 octobre 1994 ainsi que les 11 et 25 septembre 1995.
Assistaient également aux travaux: M. Claude Haegi, conseiller d'Etat chargé du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIER), M. Philippe Joye, conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), ainsi que MM. Pierre Ischi, directeur général du logement, Mario Cavaleri, directeur de l'office financier du logement, Claude Page, directeur adjoint de l'office financier du logement, Louis Cornut, chef de division des études d'aménagement au DTPE, etMme Karin Sabilian secrétaire adjointe au DIER.
1. Généralités
Le présent projet de loi vise à préciser dans la loi le recours au subventionnement pour les cas de transformations moyennes d'immeubles locatifs et, d'autre part, à fixer les taux d'abaissement du loyer après transformations lourdes et moyennes. Pour le surplus, nous vous renvoyons à l'exposé des motifs dans le Mémorial de juin 1994.
2. Audition de la Chambre genevoise immobilière (CGI),représentée par MM. Müller et Siegrist
Pour la CGI, le projet de loi pose à nouveau la question de savoir s'il faut systématiquement avoir recours à l'intervention de l'Etat dans la gestion du parc immobilier et de la construction. La CGI relève que le recours au subventionnement pour les transformations moyennes est déjà possible, notamment par l'aide personnalisée, ce que les auteurs du présent projet de loi prévoient également, rejoignant ainsi les adeptes de la subvention ciblée sur la personne et non sur la pierre. La CGI relève que ce projet de loi viserait, à terme, à faire passer sous contrôle de l'Etat l'ensemble du parc immobilier en permettant d'imposer une politique de subventionnement forcé. La CGI estime enfin que le vrai problème se situe au niveau de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR) et à son application quant aux montants des loyers maximaux autorisés, après travaux, devant répondre aux besoins prépondérants de la population.
3. Audition du Rassemblement pour une politique socialedu logement (RPSL), représenté par M. Lachat
Le RPSL accueille favorablement ce projet de loi en relevant que la pratique actuelle de l'office financier du logement (OFL) n'est plus axée essentiellement sur le subventionnement de transformations lourdes, mais qu'il se tourne vers des transformations plus douces. Le RPSL souhaiterait voir se concrétiser dans la loi cette pratique. Le RPSL signale que, le projet de loi ne disposant pas d'un financement particulier, la rubrique budgétaire sur l'aide à l'exploitation devrait vraisemblablement inclure les cas visés par projet, distrayant ainsi des sommes qui pourraient être engagées pour les HBM. D'autre part, le RPSL ne comprend pas pourquoi les taux minimaux d'abaissement du loyer proposés pourraient entraîner des loyers en dessous de ceux répondant aux besoins prépondérants de la population, dispersant ainsi l'aide de l'Etat. De plus, le système de l'aide personnalisée proposée ne diffère pas ou peu de celle déjà existante dans la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL).
4. Audition de la Société des régisseurs (SR),représentée par MM. Vernet et Golinelli
D'une manière générale, les préoccupations et les remarques de la SR rejoignent celles de la CGI et également du RPSL sur le constat de la souplesse d'application actuelle de la LGL. La SR mentionne que le projet de loi tel que libellé va à l'encontre des principes d'application de la LGL, puisque celle-ci est basée principalement sur l'aide à la pierre tempérée par un système correctif, via la surtaxe. L'aide prévue dans ce projet de loi prévoit de fluctuer en fonction des revenus des locataires, ce qui serait, de surcroît, difficilement gérable.
5. Prise de position de la Fédération des métiers du bâtiment (FMB)
Dans sa prise de position la FMB relate quelques faits peu encourageants sur l'évolution de l'investissement en matière de construction et de rénovation, et ce nonobstant la modification de la LDTR par le projet de loi 6803. A ses yeux, la scepticisme confédéral à l'égard de notre législation entraîne un détournement des investisseurs. Le projet de loi inscrivant in fine un contrôle des loyers pendants 10 ans serait de nature à achever de convaincre les éventuelles investisseurs (institutionnels notamment) d'aller voir ailleurs. La FMB recommande d'oeuvrer dans le sens d'une simplification des procédures.
6. Discussion
La discussion en commission a porté, en outre, sur les commentaires des groupements auditionnés, sur la nécessité ou non d'inscrire une pratique déjà en vigueur, mais qui ne s'amorce que par la volonté du propriétaire, la rendant donc non obligatoire. C'est un des points qui a fait refuser à la majorité de la commission ce projet de loi, car il instituerait une prolongation inopportune du contrôle des loyers, les portant de 3 ou 5 ans à 10 voire 20 ans ainsi qu'un subventionnement qui pourrait être mal affecté compte tenu du taux d'effort supplémentaire que le locataire serait à même de supporter. L'instauration systématique du subventionnement de rénovations légères et moyennes serait de nature à disperser l'aide de l'Etat, comme relevé d'ailleurs par le RPSL alors que celle-ci devrait être ciblée sur des pojets où elle est indispensable pour faire démarrer le processus de construction.
D'autre part, et si le souhait des auteurs est réellement d'encourager la rénovation et la transformation, rappelons qu'il existe déjà l'aide personnalisée (cumulative dans certains cas) qui permet de combler la différence des loyers futurs avec ceux répondant aux besoins prépondérants de la population; c'est dire qu'en réalité ce projet est superfétatoire, d'autant plus que le vote récent du projet de loi 7243 (catégorie HM) offre une possibilité supplémentaire, certes sur une période de contrôle de 20 ans, d'atteindre un objectif de ce projet. Pour la petite histoire les proposants se sont abstenus lors du vote en commission du projet de loi 7243, l'alliance de gauche s'opposant même de manière résolue à celui-ci et en recommandant son rejet au nom de la minorité. Surprenante attitude, alors même que ce projet, s'appliquant également aux rénovations, prévoyait la subvention variable selon le revenu.
Enfin et en prenant le détail du projet, l'inscription de taux d'abaissement fixes pour déterminer le subventionnement instituerait une rigidité malvenue.
En conclusion, la majorité ne peut souscrire à la rédaction de ce projet et penche plutôt pour des solutions innovatrices en matière d'encouragement à la rénovation que la commission du logement proposera prochainement à vos suffrages.
7. Vote et recommandation
La commission est entrée en matière sur ce projet de loi par 7 oui et3 abstentions. Elle a rejeté le projet de loi par 6 non (lib. - pdc - rad.), 5 oui (adg/soc.) et 1 abstention.
Nous vous recommandons donc, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les recommandations de la majorité de la commission et de refuser le projet de loi ci-dessous.
(PL 7110)
PROJET DE LOI
modifiant la loi générale sur le logement et la protection des locataires
(I 5 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi générale sur le logement et la protection des locataires, du4 décembre 1977, est modifiée comme suit:
Art. 26 (al. 1, lettre c (nouvelle, les lettres c et d, anciennes, devenant les lettres d et e))
c) des immeubles rénovés, lorsque le coût des travaux entraîne une augmentation des loyers portant ceux-ci à un montant ne répondant plus aux besoins prépondérants de la population.
Art. 26, al. 2 (nouveau)
2 Dans les cas d'application de l'alinéa 1, lettre b, le taux de subventionnement accordé pour les immeubles de la catégorie 2 doit permettre un abaissement initial des loyers de 40% au moins. Dans les cas d'application de l'alinéa 1, lettre c, le taux de subventionnement accordé doit permettre un abaissement initial des loyers de logements existants de 20% au moins. Si l'abaissement de loyer ne dépasse pas ce taux, la durée de l'aide et du contrôle des loyers institué aux articles 42 et suivants sont limités à 10 ans. En outre, l'aide n'est pas accordée ou est diminuée pour les appartements dont le loyer subventionné correspond pour le locataire à un taux d'effort inférieur à celui fixé à l'article 30, alinéa 3.
Art. 2
La présente loi entre en vigueur le ... (à préciser).
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Objectifs du projet
La loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL) a permis de construire de très nombreux logements par le biais du subventionnement cantonal à fonds perdus.
Ce système, très attractif pour le constructeur, est toutefois onéreux pour l'Etat puisque les subventions annuellement versées et les exonérations fiscales accordées représentent environ 150 000 000 de F par année.
Fort de ce constat et eu égard à l'état des finances publiques, nombreux sont ceux qui considèrent que la catégorie HCM (logements destinés aux classes moyennes) n'a plus sa raison d'être et devrait donc disparaître.
Cette question n'est toutefois pas abordée par ce projet de loi.
La question, plus fondamentale, du type de subventionnement mis en place par la LGL non plus. Jusqu'en 1978, la LGL ne prévoyait des subventions que pour des constructions nouvelles. La loi fut modifiée à cette époque afin de permettre également le subventionnement d'immeubles d'habitation. Cette possibilité ne fut toutefois pas utilisée durant plusieurs années, jusqu'à ce qu'à travers l'application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR) de nombreuses réhabilitations d'immeubles anciens en profitèrent.
Mais seuls des travaux d'une certaine importance pouvaient bénéficier du subventionnement de la LGL, les travaux de rénovation légère ou moyenne en étant exclus.
Le présent projet de loi a simplement pour objectif de favoriser, par des mesures incitatives, la rénovation légère du domaine bâti. Il est ainsi proposé d'intégrer dans l'enveloppe budgétaire consacrée au logement social une aide de l'Etat pour des rénovations légères.
Selon le représentant de la Chambre genevoise immobilière (CGI), leur position «n'a pas été facile à définir, dans la mesure où il (ce projet de loi) tend à faciliter la rénovation d'immeubles».
Les moyens choisis par ce projet de loi ne semblent toutefois pas adéquats à la CGI.
Le Rassemblement pour une politique sociale du logement (RPSL) a approuvé ce projet de loi dans son principe en rappelant qu'il n'instaurait pas un droit du propriétaire confronté à une rénovation moyenne de bénéficier d'une subvention, mais une faculté qui dépendra des souhaits du propriétaire concerné et des circonstances du cas d'espèce.
Le RPSL a, d'autre part, relevé que ce projet de loi innovait en calculant le subventionnement à l'exploitation appartement par appartement et en donnant à ce subventionnement un aspect personnalisé.
Quant à la Société des régisseurs (SR), elle a estimé qu'il n'était pas nécessaire de modifier la LGL pour permettre le subventionnement des rénovations moyennes, tout en relevant que, selon elle, la problématique des rénovations légères ne sera pas résolue par le biais de subventions de l'Etat mais par une modification de la LDTR (!).
Enfin, pour la Fédération des métiers du bâtiment (FMB), la rénovation du parc immobilier serait bloquée par la LDTR, selon une chanson désormais connue, et le subventionnement proposé pourrait aller à fins contraires «en dissuadant davantage les propriétaires d'effectuer des travaux qui introduiraient un contrôle des loyers durant dix ans».
Travaux de la commission
L'examen du présent projet de loi a été gelé dans l'attente de connaître la teneur des modifications proposées par le Conseil d'Etat au sujet de la LDTR.
Ces modifications étant désormais connues et jugées inacceptables - pour ne pas dire provocatrices - par la gauche et les Verts, la commission a donc repris ses travaux. Très rapidement, les députés de l'Entente se sont montrés hostiles au présent projet sous divers prétextes bien peu convaincants.
Il est ainsi piquant de constater que ceux-là mêmes qui s'acharnent à vouloir démanteler la LDTR - sous couvert de vouloir venir en aide au secteur du bâtiment - s'opposent, le plus sérieusement du monde, à un projet de loi qui vise, ni plus ni moins, à encourager la rénovation du patrimoine bâti !
Un plan pour la rénovation
La minorité est convaincue que ce n'est pas la LDTR qui crée la crise, de même que ce n'est pas cette loi qui va la résoudre.
Dès lors, au lieu de s'acharner à vouloir modifier la LDTR, le Conseil d'Etat serait bien inspiré de mettre sur pied un plan de relance de la rénovation.
Actuellement, l'octroi de subventions à la rénovation à travers la LGL est subordonné à la réalisation de travaux trop lourds. Cette situation n'est pas bonne pour l'économie de la construction car elle décourage les propriétaires qui ne veulent pas exposer des frais excessifs dans des rénovations.
Elle n'est pas bonne non plus pour les locataires, qui voient leur loyer fortement augmenté après des rénovations importantes.
Or, les locataires souhaitent l'entretien régulier des logements qu'ils occupent, mais sans travaux excessifs ou inutiles. Par ailleurs, tous les milieux économiques, et plus particulièrement ceux de la construction, s'accordent à dire qu'il faut favoriser la rénovation d'immeubles, s'agissant d'un secteur de la construction où il y a un potentiel important de travaux à effectuer sans risque de réaliser de nouveaux locaux qui ne trouveraient pas preneurs.
Un tel processus pourrait dès lors démarrer, à condition que les hausses de loyer après travaux de rénovation restent raisonnables et abordables pour la population et que la rénovation ne se fasse pas sur le dos des locataires.
En ce sens, il faut précisément faire le contraire de ce qui se pratique actuellement en encourageant des projets de rénovation plus légers et en utilisant mieux les deniers publics, tenant compte de la situation financière de l'Etat.
Il est vrai que l'office financier du logement (OFL) se montre, depuis peu, plus souple, en matière d'octroi de subventions LGL en faveur de moyennes rénovations-transformations, mais cela reste insuffisant et la LGL est manifestement inadaptée aux rénovations légères.
Le présent projet de loi donnerait non seulement les moyens de favoriser la rénovation légère, mais montrerait surtout une volonté politique d'agir concrètement dans ce sens par des mesures de portée générale et non à travers quelques projets isolés.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à voter le présent projet de loi.
Premier débat
M. Florian Barro (L), rapporteur de majorité. Je crains que nous ne parvenions pas à la belle unanimité d'hier soir concernant certains points de la LDTR.
En déposant cette proposition, les auteurs admettent implicitement que des travaux justifiés peuvent entraîner des répercussions dépassant le montant des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population. Jusqu'alors, si les montants des loyers étaient élevés, cela signifiait qu'une part de cette somme devait être affectée aux travaux de rénovation par le propriétaire qui la répercutait ultérieurement sur le loyer.
D'autre part, le projet prévoyait de faire fluctuer la subvention en fonction du taux d'effort du locataire, ce qui est comparable au système de l'aide personnalisée prévue à l'article 39 b, de la LGL. Il faudrait oeuvrer dans ce sens. En se concentrant sur le taux d'effort du locataire, l'Etat n'aurait pas à supporter les frais de subventions pas forcément bien ciblées. L'aide personnalisée est donc préférable pour résoudre la problématique des loyers qui seraient légèrement supérieurs à ceux répondant aux besoins prépondérants.
A notre sens, ce projet de loi pourrait avoir un effet pervers comme dans le cas où un seul locataire de l'immeuble nécessitant une subvention entraînerait automatiquement le contrôle de tout l'immeuble, ce qui serait regrettable. C'est pourquoi je vous recommande de ne pas suivre la proposition des auteurs de ce projet de loi.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de minorité. Avant de revenir à des explications moins confuses, je rappelle que ce projet de loi a été déposé, voici plus de dix-huit mois. Il dormait en commission du logement, bien que les travaux soient terminés depuis plusieurs mois, et nous n'en parlons que ce soir, car M. Barro a mis trois mois pour rédiger son rapport !
En effet, lorsque les mesures d'incitation à la relance dans le secteur de la construction, si chères à M. Vaucher et à certains de ses amis, dans leurs discours en tout cas, doivent trouver leur application pratique, elles prennent une toute autre tournure. Je pensais que sur les bancs d'en face on aurait manifesté plus d'entrain pour un projet visant à créer du travail dans le secteur de la construction.
Lorsque nous avons abordé ce projet de loi, les députés de l'Entente ont été embarrassés pour le rejeter, car la mesure que nous proposons est déjà appliquée en pratique. Il était donc embarrassant de rejeter un projet de loi sachant que le département de l'intérieur - cela a été admis en commission - pratique, dans certains cas, ce que nous suggérons, soit le subventionnement de rénovations moyennes. Il fallait trouver des arguments...
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît, on ne s'entend plus !
Une voix. C'est Ferrazino, ça fait rien !
M. Christian Ferrazino, rapporteur de minorité. Cela devrait aussi intéresser M. Gardiol, tout comme ceux qui, hier soir, ont voté une loi qu'ils ont voulu intituler : «Loi pour l'emploi». Voici donc la première mesure d'application pour la création d'emplois. En effet, cette loi vous permettra de créer des postes de travail dans le secteur de la construction. On vous attend !
A ceux qui, hier soir, prétendaient que le bonus était la solution idéale à la création de ces nouveaux postes de travail dans la construction, nous répondons qu'un bonus est une bonne mesure conjoncturelle, mais limitée dans le temps. Nous avons donc proposé qu'un subventionnement soit possible dans la durée. Même si vous changez rapidement d'avis, je pense que, d'une nuit à l'autre, vous êtes toujours d'accord avec le principe de ce bonus ! Nous proposons donc que des subventions à fonds perdu soient affectées à des rénovations moyennes.
Monsieur Barro, les explications que vous donnez, et surtout les termes de votre rapport en page 3, me permettent de penser qu'il y a soit une erreur dans votre interprétation soit une confusion ou des contrevérités, pour utiliser des mots courtois.
Vous dites et je vous cite : «...la nécessité ou non d'inscrire une pratique déjà en vigueur, mais qui ne s'amorce que par la volonté du propriétaire, la rendant donc non obligatoire». Vous laissez croire que si ce projet de loi était adopté, il obligerait le propriétaire à se soumettre à un contrôle des loyers par le département de l'intérieur. Il ne s'agit pas de cela. Nous proposons que le propriétaire ait le choix de faire appel ou non à un subventionnement dans le cadre d'une rénovation moyenne. S'il n'en veut pas, il ne la demande pas.
Les représentants du département de l'intérieur nous ont confirmé en commission que s'il y a une possibilité d'obtenir un subventionnement, il est normal qu'en contrepartie l'Etat impose des cautèles qui figurent dans la loi générale sur le logement : la fixation des loyers sur une période de dix ans pour les HCM et de vingt ans pour les HLM. Nous ne demandons rien d'autre que ce qui se fait déjà de manière épisodique et non systématique.
A notre avis, il est nécessaire que le propriétaire soit fixé sur les possibilités qui s'offrent à lui d'obtenir un subventionnement pour des rénovations de la part de l'administration. Il convient d'encourager toute forme de subventionnement concernant les rénovations moyennes qui fournissent plus de travail dans le secteur du bâtiment et se répercutent moins sur le coût des loyers, plutôt que les rénovations lourdes.
Notre projet permettrait donc d'encourager les rénovations douces par le biais de la loi générale sur le logement. Nous ne demandons rien d'autre. Ceux qui désirent créer des emplois dans le secteur de la construction auront de la peine à nous expliquer pourquoi ils refusent ce projet de loi.
M. Florian Barro (L), rapporteur de majorité. M. Ferrazino annonce que ce projet a été déposé il y a dix-huit mois, mais il faut préciser que pendant douze mois, il a accepté que ce projet ne soit pas traité. Je veux bien porter la responsabilité de trois mois de retard, mais j'espère qu'il aura l'amabilité d'endosser la responsabilité de douze mois sur ces dix-huit mois.
Au travers de ce projet de loi, vous ne cherchez qu'à contrôler. En ce qui concerne les transformations moyennes - lorsqu'on se situe près des besoins prépondérants de la population - l'aide personnalisée ponctuelle en fonction du taux d'effort du locataire est la meilleure possible, car elle est ciblée et l'on est très proche des besoins du locataire.
Dans le cadre d'un travail parlementaire, on devrait mettre sur pied un nouveau projet de loi dans lequel l'article 39 b, relatif à l'allocation personnalisée lors de transformations moyennes, serait prioritairement appliqué. Ainsi, nous éviterions d'entrer dans une systématique consistant à proposer les conditions HCM dix ans ou HLM vingt ans aux propriétaires légèrement au-dessus des besoins prépondérants, figeant ainsi le contrôle de l'immeuble. Pour ma part, je trouve que l'allocation personnalisée est une mesure ponctuelle et peu contraignante pour l'Etat.
M. Jean Opériol (PDC). Si un doute subsiste, mon groupe shootera ce projet... (Rires.) ...que j'ai appelé en commission : «piège à touristes». Je déplore que M. Ferrazino, auteur du rapport de minorité, utilise, à ce sujet, un angélisme juridique et technique que lui seul sait pratiquer !
Ce projet de loi n'est rien d'autre qu'un appel supplémentaire à l'interventionnisme systématique de l'Etat. Il ignore volontairement, mais on comprend pourquoi lorsque l'on connaît les auteurs, tout ce qui existe déjà en matière d'aide, de subventionnement, d'assouplissement, d'incitation aux travaux. Je ne vois pas pourquoi on devrait être contrôlé pendant dix ans par l'Etat pour changer des joints de robinets ou des cordes de stores. Vous allez peut-être me l'expliquer, mais... (L'orateur est interrompu par M. Ferrazino.)
Je vous ai laissé parler, Monsieur Ferrazino, alors laissez-moi terminer ! Mais taisez-vous, vous nous fatiguez ! (Rires et commentaires.) Hier soir, dans un consensus formidable, nous avons contribué à un déblocage de tout ce qui concerne la relance dans le bâtiment. Nous ne reviendrons pas en arrière ce soir.
Je rappelle simplement que les divers subventionnements à disposition de ceux qui veulent s'en servir doivent être retrouvés dans la LGL, soit un subventionnement HCM, HLM et HBM. Il existe même maintenant, bien que l'Alliance de gauche s'y soit farouchement opposée, les HM avec un subventionnement modulable en fonction du taux d'effort des locataires. La LGL contient aussi des dispositions sur l'aide personnalisée au logement et, depuis hier, nous avons la LDTR et son bonus.
Que demander de plus à l'Etat ? Il n'est donc pas nécessaire de discuter des heures sur ce projet de loi angélique, mais complètement en dehors du sujet. On cherche à nous offrir la Rolls de l'interventionnisme, mais nous ne tomberons pas dans le piège, et, pour cette simple raison, nous refuserons ce projet de loi !
M. David Hiler (Ve). Je désire rectifier un point à la page 3 du rapport de majorité. Par l'entremise de Max Schneider, les Verts sont signataires de ce projet de loi. Or, ils ne se sont pas abstenus en commission; ils ont voté oui aux HM et ils ont réaffirmé leur opinion par le vote d'ensemble dans l'enceinte de ce parlement. Les propos de M. Barro, fort désagréables pour notre groupement, sont donc incorrects et doivent être rectifiés.
Nous pensions que la formule HM était bonne, c'est pourquoi nous l'avons votée. Nous n'entendions pas que le problème de l'utilisation des lois HCM en faveur de la PPE soit mêlé à ce dossier. Aussitôt ceci obtenu, grâce à l'accord du Conseil d'Etat et de la commission, nous avons donné notre accord en commission et dans ce parlement. Je désire que vous en preniez note.
Pour en revenir au projet de loi qui nous occupe, je ne comprends pas pourquoi l'Entente le refuse. Comme l'a dit M. Ferrazino, les propriétaires choisiront, en dernier recours, s'ils entendent utiliser ou non cette subvention en échange d'un contrôle de dix ans, ou s'ils préfèrent d'autres formules légales les soumettant à un contrôle de vingt ans. Je crains que ce débat ne soit purement idéologique. D'ordinaire, j'ai tendance à en faire le reproche à l'Alliance de gauche, mais j'ai l'impression que, ce soir, l'Entente bloque ce dossier pour le même motif.
Il est vrai que les subventions en faveur du bâtiment ne manquent pas. Cela nous rappelle l'agriculture et peut prendre une tournure regrettable. Toutefois, comme certains syndicats l'ont fait remarquer, le taux de subventionnement des immeubles neufs, qui découle du coût extrêmement élevé de la conception des travaux à Genève, est beaucoup plus inquiétant.
Bien que sachant que vous refuserez ce projet de loi, je me réserve d'utiliser à bon escient les bons contacts tissés avec les syndicats du bâtiment pour que ce projet vous revienne d'une manière ou d'une autre.
M. René Ecuyer (AdG). Lorsque j'entends avec quelle véhémence le député et régisseur Opériol combat un projet qui, dans le fond, n'a aucun autre but que de relancer l'activité des petites entreprises du bâtiment, je constate que l'on nage en pleine contradiction par rapport au débat d'hier soir.
A la page 2 du rapport, la Chambre genevoise immobilière dit que ce projet ressort de la LDTR, une LDTR qu'elle voudrait bien voir disparaître ! La contradiction saute aux yeux.
La proposition de ce projet de loi est des plus concrètes. La collectivité publique donne de l'argent à fonds perdu qu'elle ne donnerait même pas aux chômeurs en fin de droit, car, en échange, ils doivent fournir un petit boulot. Les propriétaires reçoivent ce don dans le but de faire des rénovations moyennes, alors que ce geste financier n'est attribué que pour des rénovations lourdes. A rénovations moyennes, contrôle moyen des loyers ! D'ailleurs, ce contrôle existe déjà sur vingt ans pour les rénovations lourdes.
Alors, si je vous comprends bien, Messieurs des bancs d'en face, vous ne voulez plus de contrôle du tout ! On met l'argent dans les «fouilles» et personne ne contrôle ! Avouez que c'est un peu fort de café, tout de même ! Vous craignez l'intervention de l'Etat, mais si les contribuables donnent leur argent pour relancer les petits métiers de la construction là c'est positif. Ce projet de loi aura pour effet de relancer les métiers du bâtiment. Il représente une aide réelle pour les petites entreprises, lesquelles, pour la plupart, sont dans l'attente d'une commande.
Hier soir, Monsieur Ducrest, vous avez tant parlé que vous nous avez fait pleurer sur le sort des maçons...
Une voix. Les francs-maçons !
M. René Ecuyer. ...des petits menuisiers qui d'ailleurs sont nos collègues de la classe ouvrière, hein ! Je suis très content de vous voir pleurer pour eux. Et bien, voici une occasion de leur donner du boulot, des commandes pour des travaux de rénovation moyenne.
L'opposition qui se manifeste aujourd'hui contre l'aide financière pour les petites et moyennes rénovations met en évidence le fait que la droite est moins préoccupée par la situation de l'emploi et le sauvetage des petites industries que par la volonté de démanteler des lois sociales qui protègent les locataires. La seule chose qui l'intéresse, c'est la bataille contre la LDTR. C'est un peu : «Haro sur le baudet !» En effet, on n'a pas dit un mot sur la cherté de l'argent, car si les chantiers restent bloqués, c'est bien parce que les propriétaires ne trouvent pas l'argent nécessaire pour commencer les travaux. On n'a pas beaucoup parlé non plus de la spéculation. Non, toute la faute revient à la LDTR, voulue par le peuple !
Ce projet de loi aura un réel effet de relance dans l'économie du bâtiment et des petits métiers. Je vous invite donc à le voter des deux mains.
Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Avec la venue de ce projet de loi, il nous est à nouveau permis de parler de relance et de rénovation. En effet, il nous propose d'intégrer dans l'enveloppe budgétaire consacrée au logement social une aide de l'Etat pour des rénovations légères. Avec le rapporteur de la minorité, nous relevons qu'il est piquant de constater que ceux-là même qui s'acharnent à vouloir démanteler la LDTR, sous couvert de vouloir venir en aide au secteur du bâtiment, s'opposent, le plus sérieusement du monde, à un projet visant, ni plus ni moins, à encourager la rénovation du patrimoine bâti.
En effet, ce projet de loi, en modifiant l'article 26 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, entraîne une concrétisation du subventionnement des transformations légères. L'élargissement de cet article permet aux immeubles rénovés, lorsque le coût des travaux entraîne une augmentation des loyers au-delà des besoins prépondérants de la population, de bénéficier de la loi générale sur le logement et la protection des locataires.
Pour les socialistes, la relance de la construction doit aussi profiter aux locataires de condition modeste et pas uniquement aux promoteurs. Au vu de ce qui précède, les socialistes vous invitent à voter ce projet de loi.
M. Christian Grobet (AdG). Les nombreuses années passées à siéger dans cette enceinte m'ont permis d'entendre beaucoup de doubles discours, mais je dois reconnaître que ce soir, on dépasse tout ce qui est imaginable. On entend exactement le contraire de ce que l'on a déclaré hier soir sur les bancs d'en face.
Je rappelle que vous êtes intervenus hier soir pour défendre le bonus à la rénovation, en invoquant le fait que ce bonus de 15% était nécessaire pour que les loyers des appartements, après travaux, ne dépassent pas les besoins prépondérants de la population. C'est exactement ce qu'on peut lire en page 11 du rapport de majorité sous la plume de M. Pierre Ducrest, je cite : «La subvention individuelle n'excédera pas 15% du coût des travaux de rénovation donnant droit à rémunération du capital investi. Cette subvention doit permettre des travaux dans des immeubles vétustes dont les loyers se situent largement en dessous des besoins prépondérants de la population ou d'encourager les rénovations dans des immeubles dont les loyers après travaux dépasseraient les besoins prépondérants dans des proportions raisonnables.»
Par conséquent, il s'agit clairement de maintenir les loyers en dessous des besoins prépondérants par le biais de ce bonus. C'est exactement le but que poursuit ce projet soumis à votre approbation. Quant à vous, Monsieur Opériol, lorsque vous parlez de la «Rolls de l'interventionnisme», vous vous moquez du monde ! Au contraire, ce projet de loi prévoit moins d'interventionnisme que les dispositions actuelles de la loi générale sur le logement.
Je l'ai déjà dit hier soir, mais je le rappellerai pour ceux qui sont frappés d'amnésie ! Il y a vingt ans, M. Borgeaud, du parti démocrate-chrétien, avait proposé un projet de loi fort judicieux, qui fut repris par M. Milleret. Il permettait, s'agissant de la loi fédérale sur le logement, que les subventions pour les HLM ne soient pas consacrées uniquement à la construction de logements neufs, mais également aux travaux de transformation d'immeubles existants.
Cette loi Borgeaud, après son adoption, est restée inappliquée pendant six ans, et, lorsque j'ai travaillé au département des travaux publics et que j'ai pris des contacts avec mon collègue M. Ducret, nous avons commencé à appliquer ces dispositions de la loi générale sur le logement permettant de subventionner les transformations d'immeubles. Il faut reconnaître que l'interprétation donnée par l'office financier du logement était restrictive en ce sens qu'il fallait, pour bénéficier de la subvention octroyée par la LGL, des travaux relativement importants. En effet, cet office refusait de subventionner des rénovations plus légères. Finalement, on aboutissait au paradoxe que pour obtenir des subventions HLM pour des travaux de transformation il fallait entreprendre des travaux plus importants que prévu. Sur ce point, je souscris à ce que M. Hiler disait en matière de subventions, à savoir que le recours à la subvention et à la transformation a parfois engendré des travaux inadéquats.
M. Haegi a été sensible à cette préoccupation. Je me souviens, Monsieur Haegi, que vous étiez en faveur d'une interprétation plus souple de la LGL. On pouvait selon vous tout faire avec la LGL et, notamment, prévoir des taux de subvention et des durées d'application plus faibles. Mais vous savez aussi qu'il y avait des problèmes d'application de ces bonnes dispositions du côté de l'office financier du logement.
Toutefois, il existe un cas pratique : les immeubles du rond-point de Plainpalais. Sauf erreur, ils ont fait l'objet d'une subvention diminuée de 20% au lieu de subventions plus importantes, pour une durée de dix ans. En principe, cela devait s'inscrire dans le cadre de projets HCM.
Quel est le but ce projet de loi ? Ni plus ni moins de répondre aux préoccupations évoquées hier soir, surtout sur les bancs d'en face, là où, enfin, on a compris le message que l'on tentait de faire comprendre depuis vingt ans ! Vous rigolez, Monsieur Kunz, mais vous relirez l'initiative sur les transformations d'immeubles déposée en 1975 par le parti socialiste et vous verrez qu'il s'agissait de la préoccupation que j'ai rappelée hier soir : le soutien à la rénovation, car si on ne la soutient pas, le parc immobilier se dégrade.
Formellement, on parle de toilettage de la LDTR. Disons qu'il est nécessaire d'apporter un toilettage à la loi générale sur le logement. En effet, il est absurde qu'elle ne permette que le subventionnement de travaux de transformations lourdes et n'encourage pas les travaux de rénovations légères ou moyennes, créneau qui devrait être - nous l'avons dit depuis longtemps - exploité par l'industrie de la construction, aujourd'hui plus que jamais, car sa capacité à fournir du travail au secteur de la construction est bien plus importante que les nouvelles constructions.
On vous propose une mesure allant en droite ligne vers celle proposée hier soir, avec plus ou moins le même taux de subventionnement, soit 20% au lieu de 15%, qu'aucun propriétaire n'est obligé de prendre. Alors, ne parlez pas de contraintes, Monsieur Opériol ! D'ailleurs, votre prise de position contre ce projet de loi a quelque chose d'indécent, alors que vous avez copieusement profité de l'aide de l'Etat pour sauver votre opération immobilière de Versoix !
Des voix. Ohhhhh !
M. Christian Grobet. Alors, écoutez ! L'aide de l'Etat, M. Opériol sait bien la saisir lorsqu'il en a besoin pour sauver une opération, mais lorsqu'il s'agit de donner du travail et d'encourager la rénovation, de maintenir les loyers dans les besoins prépondérants de la population, comme M. Ducrest l'a inscrit dans son rapport de majorité, il prend la décision contraire avec un intolérable double langage.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de minorité. M. Opériol, le député-régisseur, seul à s'être exprimé sur les bancs de l'Entente, nous a indiqué qu'il ne voulait pas bloquer ce soir ce qu'il avait débloqué hier. D'abord, je vous remercie de reconnaître que vous débloquiez, hier soir ! Toutefois, je constate que vous récidivez, Monsieur Opériol, car vous débloquez beaucoup, ce soir aussi et, particulièrement, lorsque le député-régisseur que vous êtes veut faire croire que cette loi inciterait à augmenter le contrôle de l'Etat. De deux choses l'une, soit vous n'avez pas pris le temps de la lire, soit vous utilisez des contrevérités pour essayer de cacher la réalité de la proposition que nous formulons.
Je vous répète que cette loi n'offre qu'une faculté et non pas une obligation pour le propriétaire : celle de faire appel aux subventions à fonds perdu délivré par l'Etat. Comme l'a rappelé M. Grobet, je pense que vous l'avez maintenant compris, il est possible aujourd'hui d'obtenir des subventions à fonds perdu pour des rénovations lourdes. Toutefois, si un propriétaire obtient des rénovations lourdes, le contrôle effectué en contrepartie par l'Etat sur les loyers sera de vingt ans.
Nous proposons d'assouplir la loi, Monsieur Opériol, en rendant possible les rénovations moyennes avec un contrôle de l'Etat sur dix ans. C'est donc la moitié de la durée du contrôle existant. En effet, l'assouplissement de la loi nous paraît nécessaire pour favoriser les rénovations moyennes, ceci pour deux raisons. Premièrement, elles sont génératrices d'emplois dans le secteur de la construction et, deuxièmement, elles ont moins de répercussions sur les loyers.
L'Etat doit montrer l'exemple. La loi actuelle, telle qu'elle est libellée, ne permet pas d'effectuer des rénovations moyennes avec des subventions à fonds perdu. Dans certains cas, les services de M. Haegi l'accordent. Mais, Monsieur Haegi, trouvez-vous normal que ces autorisations soient délivrées au bon vouloir du prince, soit au bon vouloir de vos services ? Nous pensons que les mesures incitatives doivent avoir un autre caractère, Monsieur Haegi ! Si vous les voulez véritablement, inscrivez-les dans la loi et faites-les connaître ! Inutile de vous cacher : il n'y a aucune honte à cela, au contraire! Il faut courageusement les adopter et les faire connaître. Voilà ce que nous vous proposons.
M. Thomas Büchi (R). Tout d'abord, je voulais tempérer l'enthousiasme de ceux des bancs d'en face... (Rires.)
Une voix. Mais, tu parles comme Grobet !
Une autre voix. C'est le Conseil d'Etat en face !
M. Thomas Büchi. Vous savez bien à qui je m'adresse ! Vous manquez de sérénité. (Rires.) Au début de la session d'hier, au cours d'un débat extrêmement long, nous avons voté la modification de la LDTR dont le but était d'encourager les rénovations d'immeubles.
La nouvelle LDTR consacre un chapitre entier aux diverses possibilités de financement de ces travaux de transformation et de rénovation au moyen des subventions de la LGL, des HLM, HBM et HCM, et a même prévu de faire appel au doublement de l'allocation personnalisée HM. En plus, en bons législateurs que nous sommes, nous avons voté un bonus conjoncturel à la rénovation destiné à donner un coup de pouce aux propriétaires. Cela aidera les investisseurs à reprendre confiance et à créer les conditions optimales d'une reprise dans le secteur de la construction. Ces mesures rendent ce projet de loi superfétatoire. De plus, il est beaucoup trop rigide, puisqu'il ne tient pas compte des dernières modifications de la LGL. Enfin, il découragerait les investisseurs avec le contrôle des loyers de dix ans qu'il impose.
C'est pourquoi le parti radical vous invite à suivre les recommandations de la commission et à rejeter ce projet de loi.
M. Pierre Ducrest. Tout comme M. Büchi, je pense qu'il se dit beaucoup de bêtises, notamment sur les bancs d'en face, mais à la différence que moi, je sais où ils sont ! (Rires.) Dans son article 16, la LGL prévoit plusieurs catégories, toutes contrôlées par l'Etat, soient la catégorie des HBM, perpétuellement subventionnée, celle des HLM sur vingt ans, des HCM sur dix ans, et enfin la nouvelle : les HM.
Naguère, l'office financier du logement délivrait des autorisations sur des plans financiers restrictifs. Ainsi, les propriétaires ne pouvaient pas économiser suffisamment d'argent pour pouvoir effectuer, sur la durée, certains travaux de rénovation et d'entretien des bâtiments. Mais, aujourd'hui, la gauche a vu la petite faille du système, et cela lui a fait tilt ! Elle s'est dit que la conjoncture étant mauvaise, les petites et moyennes entreprises ayant besoin de travail, elle allait essayer de leur donner un sucre, ce qui lui permettrait d'étatiser une bonne partie du logement social. Mais, là où le bât blesse c'est que le dirigisme de l'Etat, par le contrôle sur dix ans et le subventionnement total des travaux, rendrait ces petites et moyennes entreprises incapables de gagner beaucoup d'argent; elles seraient donc dans l'incapacité de créer beaucoup d'emplois, alors que le système du bonus-loyer prévoit 15% de subvention de l'Etat, 85% de fonds privés et une commission de contrôle visionnant le tout pour savoir si les travaux répondent aux besoins des immeubles considérés sans intervention dans les prix pratiqués.
Le contrôle des locations de certains bâtiments par les subventions à la pierre doit cesser. Il reste la catégorie HBM qui se trouve encore augmentée, puisque l'on vient de voter une subvention de 30 millions. Je ne suis pas d'accord avec M. Grobet qui essaie de récupérer...
Une voix. La honte !
M. Pierre Ducrest. ...les paroles du débat d'hier soir. D'ailleurs, cette récupération a été faite par le rapporteur de minorité dans une allocution à la Radio suisse romande, ce matin à 7 h 30. Tous ces gens fêtaient ce projet comme une victoire. Comment peut-on parler de victoire, alors que ce projet n'a pas été voté par l'ADG ?
Par conséquent, je vous invite à refuser ce soir le PL 7110 provenant des mêmes milieux.
M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, nous sommes au point 28 de l'ordre du jour et il y en a soixante... (Applaudissements.) ...et vu le dialogue de sourds qui s'instaure, je vous propose que nous votions ce projet de loi, car il faut cesser cette discussion stérile.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de minorité. Je félicite M. Vaucher qui s'améliore de jour en jour ! (Rires.) M. Ducrest, lorsque le Conseil d'Etat et les milieux que vous représentez veulent démanteler une loi de protection des locataires et qu'ils adoptent finalement la loi votée hier soir, les locataires peuvent crier victoire. Lorsque l'on repousse des attaques de cet ordre, il s'agit vraiment d'une victoire.
Vous parlez d'étatisme grandissant, Monsieur Ducrest. De deux choses l'une, soit vous vivez dans l'ignorance la plus crasse ou, alors, vous voulez délibérément tromper vos interlocuteurs !
Je livre à l'assemblée deux chiffres qui parlent d'eux-mêmes, ainsi elle pourra vérifier les dires de M. Ducrest. Monsieur Ducrest, avez-vous la moindre idée de ce que représente le parc locatif subventionné ? Aujourd'hui, il comporte vingt-huit mille logements, alors qu'en 1965 il en comptait soixante mille environ, soit plus de 30% pour 14% aujourd'hui de l'ensemble du parc locatif. Comparé à l'année 1965, l'étatisme grandissant dont vous parlez se traduit par une forte réduction du nombre de logements subventionnés en 1996 ! Voilà les contrevérités de M. Ducrest.
Si vous voulez prendre des mesures pour inciter la relance dans le secteur de la construction, celle que nous proposons donne une possibilité supplémentaire à ceux qui désirent l'utiliser et bénéficier ainsi des subventions à fonds perdu pour effectuer des rénovations. Ainsi, les arguments avancés pour repousser ce projet de loi sont totalement infondés.
Le président. Celles et ceux qui acceptent la prise en considération de ce projet répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Ce projet est rejeté en premier débat.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil s'est réunie le 25 octobre et le 8 novembre 1995 pour étudier le projet de loi susmentionné.
Présentation du projet
Les auteurs, représentant tous les groupes politiques qui siègent au Grand Conseil, à l'exception du groupe radical, souhaitent, par l'ajout d'un alinéa 4 à l'article 207 du règlement du Grand Conseil, prévoir l'anonymat en matière de grâce. Cela uniquement pour les discussions ayant lieu en séance plénière.
Généralités
Le droit de grâce est très largement utilisé à Genève, en moyenne115 recours par an, ce qui constitue le record absolu de tous les cantons.
Le secrétariat du Grand Conseil édite, en annexe au Mémorial, une brochure fort intéressante consacrée uniquement au droit de grâce à Genève.
Cette publication est divisée en cinq parties, soit:
- les dispositions légales;
- un aperçu historique;
- les définitions et les conditions;
- la procédure au Grand Conseil;
- un certain nombre de statistiques.
Ce rapport n'a pas pour but d'entrer dans tout le détail du droit de grâce, et la rapporteuse vous conseille vivement de vous référer à la brochure citée pour toute question en rapport avec le droit de grâce et son application dans notre canton.
Les deux notions fondamentales qui régissent le droit de grâce méritent tout de même d'être rappelées ici:
1. La grâce est le pardon, ou le privilège du prince, et à Genève ce privilège est confié aux représentants élus du peuple.
2. La grâce est une mesure extraordinaire, qui permet à l'autorité politique de remettre totalement ou partiellement une peine ou de la commuer en une autre peine, plus douce.
Les parlements cantonaux exercent le droit de grâce pour les causes jugées par les tribunaux cantonaux, quant aux causes jugées par les Assises fédérales ou la Cour pénale fédérale, ce droit est exercé par l'Assemblée fédérale.
Procédure
Le projet de loi n'intervenant que sur la fin de la procédure, soit lors de la discussion et du vote en séance plénière, nous nous attacherons plus particulièrement à cette étape de la procédure.
Un bref rappel s'impose tout de même en ce qui concerne le fonctionnement de la commission de grâce du Grand Conseil.
Celle-ci statue souverainement, par délégation du Grand Conseil, sauf s'il s'agit d'une nouvelle demande concernant la même condamnation, sur
a) l'emprisonnement n'excédant pas six mois;
b) les arrêts, quelle qu'en soit la durée;
c) l'amende ne dépassant pas 1000 F;
d) les peines accessoires dont l'effet ne dépassent pas deux ans.
- Si l'une des peines au sujet desquelles il est recouru ou l'une des peines prononcées simultanément à celle qui fait l'objet du recours n'est pas comprise dans l'alinéa précédent, le cas est de la compétence du Grand Conseil.
- Dans tous les cas où la commission ne statue pas souverainement, elle présente à la première séance utile du Grand Conseil un bref rapport comprenant son préavis.
Le Grand Conseil délibère sur chaque préavis, sur la base d'une liste à disposition des députés. La presse et le public assistent aux délibérations, à l'exception des cas concernant les mineurs.
Dans ces cas-là uniquement et sur la base de l'article 207, alinéa 3, le Grand Conseil délibère à huis clos.
Une proposition d'étendre la portée de cet article à tous les cas de recours en grâce avait été refusée par notre Conseil en novembre 1992 (PL 6818), (Mémorial pages 2651 à 2658 et pages 6739 à 6743, année 1992).
Le projet de loi ne revient pas là-dessus, mais il est intéressant de constater que les motivations des auteurs d'aujourd'hui sont les mêmes que celles des auteurs de 1992.
A savoir, d'une part, le manque de rigueur et de discrétion de certains députés à la lecture des rapports, rapports trop longs, trop détaillés sur la vie privée du recourant et, d'autre part, la publicité qui est donnée à une affaire qui n'est pas d'actualité et qui pourrait être malvenue pour le recourant.
De ces constats découle l'intérêt d'introduire l'anonymat dans les rapports sur lesquels le Grand Conseil doit statuer.
Travaux de la commission
Une erreur importante s'étant produite dans le libellé du projet de loi, les travaux se sont déroulés en deux temps. D'abord sur la base du projet de loi initial qui prévoyait l'anonymat dans l'article concernant les compétences de la commission (art. 205) et non pas dans celles du Grand Conseil, ce qui manifestement était inutile.
Après rectification, en présence de l'un des auteurs qui nous a confirmé que la volonté était bien de passer à l'anonymat lors des rapports de grâce en séance plénière et non pas en commission, la discussion s'est concentrée uniquement sur ce cas de figure.
Un commissaire souhaitait revenir sur l'essence même du droit de grâce, ce qui a donné lieu à un débat nourri, mais il a été convenu que ce droit existait et que ce projet de loi ne le remettait pas en question.
Des commissaires ont rappelé, comme cela avait déjà été le cas lors des débats de 1992, qu'une justice publique et transparente est souhaitable et qu'il serait regrettable de revenir là-dessus.
D'autres, au contraire, ont estimé que le recours en grâce relève d'une procédure extraordinaire et qu'il n'a, de ce fait, aucune raison d'être rendu public.
Par contre, l'ensemble des députés souhaite plus de rigueur dans la lecture des rapports, afin d'éviter aux recourants et à leurs proches de voir une fois de plus leur vie privée étalée au grand jour.
Il n'est pas inutile de rappeler, à cet égard, que le projet de loi voté en 1992 avait introduit une notion de brièveté dans le libellé de l'article 207, alinéa. 1
Article 207, al. 1 (nouvelle teneur
[du 12 novembre 1992])
1 Dans tous les cas où la commission ne statue pas souverainement, elle présente à la première séance utile du Grand Conseil un BREF rapport comprenant son préavis.
Force est de constater que cette mesure n'est pas toujours appliquée.
La discussion a également porté sur l'étendue de l'anonymat.
Devait-on protéger l'identité du recourant au regard de l'extérieur (presse, public), ou également envers les députés?
Une majorité s'est dégagée pour estimer que l'anonymat devait prendre effet dès que le dossier sortait de la commission.
Vote de la commission
La majorité de la commission ayant estimé, à l'issue de ses travaux, qu'il était souhaitable que l'identité des recourants en grâce ne soit pas divulguée lors des séances plénières, et après avoir procédé aux rectifications mentionnées plus haut, vous propose, par 6 oui (Adg, PS, Ve, R, PDC), 3 non (L) et 1 abstention (PDC) de modifier la loi portant règlement du Grand Conseil, comme suit:
PROJET DE LOI
portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève
(B 1 1)
Article unique
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:
Art. 207, al. 4 (nouveau)
4 Le préavis de la commission est présenté en préservant l'anonymat du recourant. La publication dans le Mémorial du Grand Conseil se fait sous la forme : «le recourant» ou «la recourante».
RAPPORT de LA minoriTÉ
L'objet du présent projet de loi de l'aveu même de ses auteurs et contrairement à sa présentation d'origine se limite désormais à recommander l'adjonction à l'article 207 de la loi portant règlement du Grand Conseil d'un alinéa 4 nouveau qui dirait:
Art. 207, al. 4 (nouveau)
4 Le préavis de la commission est présenté en préservant l'anonymat du recourant. La publication dans le Mémorial du Grand Conseil se fait sous la forme: «le recourant» ou «la recourante».
Cette proposition apparemment anodine se fonde sur un certain nombre de cas où quelques député(e)s chargé(e)s de rapporter sur des dossiers de recours en grâce n'ont pas toujours su tempérer leur désir de biens'expliquer et, aveuglés par leur volonté de persuader, sont entrés trop avant dans les détails de leur exposé et ont dévoilé des faits ou des considérations dont le caractère privé n'appelait pas nécessairement un tel déballage public. Cette maladresse regrettable ne doit pas servir de prétexte pour éliminer des débats sur le recours en grâce l'essentiel de la question qui consiste, là comme ailleurs, à savoir précisément de quoi et en l'occurrence de qui l'on parle.
Le privilège d'accorder la grâce, soit la remise totale ou partielle de la peine prononcée par les tribunaux (ce qui n'équivaut cependant pas à une possibilité pour le Grand Conseil d'abolir le jugement rendu, qui restenotifié et enregistré), est un droit régalien dévolu au seul souverain, donc, en droit genevois, au Grand Conseil et à lui seul. On notera au passage que le Grand Conseil, si sourcilleux et jaloux de ses prérogatives, fait bien de se soucier scrupuleusement du bien-fondé et du bon usage de sa pratique en matière de droit de grâce, car ce droit régalien qu'il exerce est l'un des rares fondements spécifié dans la constitution genevoise de son statut de premier pouvoir de la République.
Malgré les bons sentiments qui la sous-tendent la propositionlégislative du projet de loi 7264 doit être rejetée pour les raisons suivantes:
Caractère public des actes de la justice
Le projet de loi 7264 se situe dans la réflexion politique de ceux qui suggéraient naguère au Grand Conseil d'accorder ou de refuser la grâce «à huis clos». On frémit à l'évocation de cette justice de l'ombre exercée par le pouvoir politique. Une telle régression des droits du justiciable évoque l'époque reculée (mais deux siècles, est-ce si loin?) où la justice alla veneziana était rendue par le Conseil des Dix, sous la cagoule, la nuit tombée, à huis clos. Par chance, la justice genevoise et les jugements qu'elle rend sont aujourd'hui totalement indépendants du pouvoir politique et de ses velléités. Le combat fut rude à Genève pour l'égalité des droits des citoyens et une justice équitable pour tous. La garantie de ce droit à l'équité judiciaire, c'est la publicité de la démarche qui amène la justice à produire ses jugements. La justice genevoise est aujourd'hui d'une transparence solaire parce qu'elle est publique. Le Grand Conseil ne devrait pas tenter de battre en brèche unetelle évolution historique ou ses résultats. Il devrait bien plutôt chercher à calquer ses procédures sur les mêmes démarches transparentes.
Certes, la grâce accordée par le Grand Conseil n'est pas justice, c'est le fait du prince (le Grand Conseil) qui souverainement décide de tempérer ou d'annuler les effets du jugement rendu. Cependant, du point de vue du justiciable, le recours en grâce qui ne découle pas, au sens strict, de la procédure judiciaire reste l'ultime étape du long parcours qui conduit à la sanction qui le frappe. C'est la raison pour laquelle je suggère à ce Grand Conseil de prendre en compte cette citation de Me Jacques Barillon, avocatau Barreau de Genève, s'exprimant sur « La Justice de l'ombre... oul'injustice sous prétexte d'efficacité » («Tribune de Genève» 16-17. 12: 4.1995) qui nous livre des réflexions qui pourraient heureusement s'étendreaux procédures selon lesquelles le Grand Conseil exerce son droit de grâce:
« Justice de l'ombre. Les audiences des juridictions pénales se tiennent de plus en plus souvent à huis clos. Or, la justice doit être transparente. Ce n'est pas une affaire de famille. Le peuple a le droit de savoir par qui et comment elle est rendue. Soit en assistant à un procès. Soit en suivant son déroulement par le « relais de la liberté » que constitue la presse, écrite et audiovisuelle.
« Je le dis tout net: beaucoup de juges ne se comportent pas dela même manière lorsqu'ils siègent à huis clos ou en audience publique. C'est dans ce dernier cas que les droits des citoyens sont les mieux respectés. Prenons garde à ne pas sous-estimerce fait. »
Le projet de loi 7264 ne cherche plus, il est vrai, à imposer le huis clos lors des débats du Grand Conseil sur les recours en grâce, puisque le Grand Conseil a clairement rejeté une telle proposition. Le projet de loi 7264 cherche cependant à limiter la publicité des débats, en cachant au public et à la presse, voire aux députés eux-même l'identité des recourants. Cela va, comme l'exprime fort bien Me Barillon, à l'encontre du respect dû auxdroits des citoyens.
Préserver l'anonymat du recourant ?
Les principaux motifs invoqués par les proposants de ce projet de loi sont la discrétion (due au justiciable, respectivement au condamné) ainsi que les exigences de la loi fédérale sur la protection des données qui rendraient inacceptable la divulgation de situations personnelles très douloureuses que l'on rencontre dans le cadre des recours en grâce.
Voire:
Tout recourant en grâce s'est vu préalablement notifier publiquementun jugement de condamnation dans lequel apparaît son identité complète, ainsi que la nature et l'étendue de la peine à laquelle il ou elle est condamné(e). On ne voit plus très bien dès lors à quelle discrétion l'on se réfère s'agissant d'une information largement publique.
Si les proposants de ce projet de loi entendent signifier que c'est la publication des condamnations prononcées qu'ils regrettent, ils se trompent de proposition législative. Le recours en grâce et le sort qui lui est fait par le Grand Conseil ne fait qu'enchaîner sur la publicité antérieure desjugements.
Si les proposants de ce projet de loi entendent remettre en question la publicité des débats judiciaires (sous réserve des restrictions déjà prévues par la loi), encore une fois ils se trompent de débat. La liberté de la presse et son droit à reprendre toute information qui lui semblera digne d'intérêt sont garantis par la constitution. Le Grand Conseil ne devrait pas tenter de soustraire ses procédures et ses décisions aux effets de la liberté de la presse.
Si c'est la démarche que l'on suggère au Grand Conseil, que les proposants de ce projet de loi aient le courage de leurs opinions et qu'ilsnous rédigent, s'ils l'osent, une loi sur la liberté de la presse!
La grâce, pas plus que la justice, ne peut être anonyme
Lorsque la constitution genevoise confie au Grand Conseil le droit de grâce, elle remet au souverain la responsabilité de la justice. Non seulement celle de la justice technique, celle des juges qui savent et disent le droit, mais la justice tout court, celle du droit naturel, celle de la définition d'Ulpien: Justitia est constans et perpetua voluntas jus suum cuique tribuendi(Digest. 1, De justitia et de jure 10) [La justice est la constante etperpétuelle volonté d'attribuer à chacun son droit].
De cette définition de la justice découlent deux choses. D'une part, les modalités de l'exercice du droit de grâce sont la constans et perpetua voluntas du souverain, ce qui dit assez que la seule volonté majoritaire du Grand Conseil suffit pour accorder la grâce et qu'il n'est nul besoin, comme le pensent malheureusement nombre de députés, d'évaluer des faitsnouveaux ou de discerner des motifs précis qui permettraient de réviser telou tel jugement. La seule volonté du Grand Conseil, assise sur sa sensibilité majoritaire, est une raison suffisante pour gracier.
D'autre part, la définition d'Ulpien, spécialement dans sa tournurelatine, exprime avec force le caractère hautement personnel... suum cuique... de la justice rendue selon le droit naturel. On sent bien qu'il s'agit là d'une personne précise et précisée et pas d'un quelconque anonyme comme la « recourante n° 2 , ou n° 5 » de quelque jeudi dernier...
Qui sont les coupables d'indiscrétion?
On aura noté, au second paragraphe de ce rapport, que ce sont en fait les membres du Grand Conseil eux-mêmes qui, par naïveté ou parinexpérience, mettent en danger la confidentialité des données qui serait due aux recourants en grâce. On ajoutera que dans les débats du Grand Conseilde telles pudeurs se font rarement jour: Medenica, Gaon, Crippa, Gelli, etc. Le Grand Conseil s'est arrogé le droit et même l'habitude de mélanger gaillardement en toute iniquité et de livrer en pâture au public les noms de condamnés, de présumés coupables ou de coupables en rupture de banc, tout comme ceux d'innocents, ni condamnés ni accusés... Vous avez dit discrétion?... Que Mmes et MM. les indiscrets commencent!
Loi fédérale sur la protection des données
Le Grand Conseil Genevois a seul la possibilité de déterminer la nature et l'étendue qu'il entend donner sur le plan cantonal à la loi fédérale sur la protection des données. Si le Grand Conseil entend entrer en matière sur ce sujet, il devrait le faire de la façon la plus large et tenter de faire un tour d'horizon complet de la question. Il ne devrait pas se limiter à l'examen de son seul droit de grâce.
Le véritable intérêt du justiciable
Le véritable intérêt du recourant en grâce qui, rappelons-le, est danstous les cas d'ores et déjà un condamné, n'est pas de jouir d'une discrétion fondée sur on ne sait quelle pudeur. Son intérêt véritable est de faire en sorte que sa grâce soit au moins aussi publique que sa condamnation, afin qu'il puisse s'en prévaloir. Les intérêts de ses proches ne sauraient fortement diverger des siens sur ce point.
Une loi inapplicable bafoue son législateur
Si le Grand Conseil veut se donner le ridicule d'exercer son droit régalien en accordant la grâce au recourant n° 1, n° 2 ou n° 3 ... ou à la recourante x, y ou z, il y a peu de chance pour que la presse et les médias s'y trompent et le suivent. Par souci d'une légitime information du public, les discrétions hypocrites du Grand Conseil seront dévoilées dès le lendemain. Jamais la presse ne titrera « Grand Conseil: rejet du recours en grâce du recourant n° 2 du jeudi 14 décembre 1995... ». Elle ne dira pas non plus« Dr M.: rejet du recours ». Elle risque fort par contre de titrer « Medenica: recours rejeté ». Elle le fera sans attendre la « sortie » d'un Mémorialdevenu encore moins informatif sur ce point et n'hésitera pas à évoquer par son nom tel ou tel condamné dont elle connaît l'identité de longue main.
Conclusion
La minorité de la commission des droits politiques et du règlement(3 Lib.) suggère au Grand Conseil de refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi qui, loin de les servir, lèse en réalité les intérêts bien compris des recourants en grâce. La publication de l'identité des recourants en grâce est d'intérêt public. C'est un problème qui ne saurait être traité par la bande puisqu'il touche à :
- la souhaitable publicité complète des débats judiciaires, auxquels ceux du Grand Conseil sur les recours en grâce sont assimilables;
- la liberté tout aussi souhaitable de la presse et des médias, seule garantie de l'équité judiciaire et seule à même de permettre au public d'apprécier le bien-fondé de la grâce régalienne;
- l'exercice correct, soit en toute connaissance de cause, d'un droit régalien fondamental par le souverain genevois.
Premier débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. Je n'ajouterai rien au rapport de majorité qui est le fidèle reflet des travaux de la commission. Par contre, le rapport de minorité de M. Burdet mérite certains commentaires. Tout d'abord, j'ai été surprise par son ampleur et j'ai regretté que la plupart des arguments qui y sont développés ne l'aient pas été en commission.
Monsieur Burdet, j'ai été un peu ébranlée à la première lecture de votre rapport par l'accusation en règle disant que nous sommes contre la transparence de la justice. Puis, après réflexion, j'ai pensé qu'il n'était pas nécessaire de lire Me Barillon pour savoir que nous étions favorables à la transparence de la justice. Le groupe écologiste et moi-même restons attachés au principe que la justice doit être ouverte et publique, et, donc, transparente.
Lors d'un jugement, les parties sont représentées par les avocats et par l'accusé, et ce dernier, ou son mandant, peut intervenir, éventuellement contester certains faits, apporter un éclairage différent à certaines situations. Tout cela existe et doit être maintenu. Le droit de grâce n'entre pas dans cette procédure. C'est un droit annexe, une mesure exceptionnelle. Comme nous l'avons rappelé, c'est le fait du prince. Or, il se trouve qu'à Genève le prince, ce sont les députés et que nous avons été investis de ce très important pouvoir d'estimer que, pour mille et une raisons, un citoyen mérite de voir la peine qui lui a été infligée réduite, même parfois assez fortement. Je ne reviendrai pas sur la manière dont le droit de grâce est accordé, car je l'ai assez clairement expliqué dans mon rapport.
Toutefois, un seul détail doit être relevé, le Grand Conseil peut accorder la grâce ou la refuser et il n'a pas besoin de motiver sa décision. De plus, il la prend, libre de toute pression et sans entendre le recourant. En aucun cas, le Grand Conseil ne doit ou ne devrait refaire le jugement ni apprécier positivement ou négativement la peine infligée. Il doit simplement estimer si, au moment où le recourant dépose sa demande, celle-ci est fondée ou non, et si la grâce lui sera accordée. Le droit de grâce n'a donc rien à voir avec la justice, à proprement parler. Ainsi, les arguments au sujet de la remise en cause de la transparence de la justice figurant dans le rapport de minorité de M. Burdet doivent être rejetés.
Dès lors, il devient possible de se pencher sur la proposition qui nous est soumise, à savoir l'anonymat pour les recourants lors de la lecture des rapports en séance plénière. Cette mesure consiste uniquement à protéger la personnalité du recourant. Au moment de la demande en grâce, le recourant n'est pas dans une situation de procès ni de devoir payer une faute qu'il a commise. Dès lors, il se peut qu'une publicité autour de son recours nuise à son entourage et à sa vie professionnelle. Le fait d'introduire l'anonymat, comme le propose les auteurs de ce projet de loi, ne changera rien au travail des députés de la commission de grâce qui, eux, continueront à disposer de l'identité complète des recourants pour établir leur rapport. Chaque groupe politique est représenté dans la commission de grâce, et les décisions continueront à être prises de la même manière.
Il est bon de rappeler qu'en 1992 une proposition de procéder au huis clos, lors de la lecture des rapports, avait été très largement rejetée par le Grand Conseil, justement au nom de cette fameuse transparence. Pourtant, tous les intervenants de l'époque - j'ai relu le Mémorial, et, notamment, les juristes, MM. Fontanet, Poncet - avaient tous relevé qu'un problème restait posé par la manière dont le droit de grâce était accordé, et que, s'ils estimaient que le huis clos était inacceptable, beaucoup plus de rigueur devait être exercée, tant dans la lecture des rapports que dans l'écoute que chacun de nous apportait à ces rapports.
A cet égard, la conclusion du rapport de Mme Saudan était très claire. Elle disait que le Bureau voyait les familles, venues entendre à la tribune la conclusion des rapports de la commission de grâce, consternées en entendant tout le bruit de la salle et le peu d'intérêt que les députés mettaient à la lecture de ces rapports.
Les auteurs du projet qui nous est soumis ce soir l'ont déposé parce qu'ils ont estimé que, depuis 1992, les choses n'ont pas fondamentalement changé et que l'introduction dans la loi du mot «bref» n'a pas suffi et que la voie de l'anonymat est peut-être un début de solution à la protection et au respect de la personnalité des recourants en grâce. C'est dans cet état d'esprit que je vous demande de suivre le rapport de la majorité.
M. Hervé Burdet (L), rapporteur de minorité. Vu l'entrée en matière de Mme Bugnon, j'ai craint de subir le même sort qu'Ulpien massacré par la garde prétorienne de l'empereur Héliogabale, mais il n'en est rien, apparemment, je survivrai ! Mon rapport étant «sur-complet», je vais pouvoir être bref, puisque l'essentiel y figure.
Je fais remarquer qu'en page 2 le rapport de Mme Bugnon estime que la grâce est un privilège confié aux représentants élus du peuple. Mais il ne s'agit que d'une partie seulement de ces élus, puisqu'en effet seuls les députés du Grand Conseil ont le droit de grâce.
Le projet auquel nous sommes confrontés découle d'un échec survenu en 1992. En effet, ceux qui soutiennent ce projet voulaient que la grâce soit accordée à huis clos. Après avoir échoué, ils reviennent à la charge quelques années plus tard avec ce projet mineur pour certains, mais fondamental pour moi. La publicité des actes de justice est une chose à laquelle un certain nombre de mes collègues et moi-même tenons.
D'après Mme Bugnon, des commissaires ont rappelé cet échec de 1992. Elle s'est souvenue que certains d'entre eux avaient insisté pour qu'une justice parfaitement publique et transparente soit pratiquée à Genève, tandis que d'autres avaient pensé que le droit de grâce était distinct de la pratique au fil de laquelle la justice produit ses jugements. Ces derniers n'ont pas emporté la décision.
Finalement, le rapport de majorité pose le problème crucial de savoir si le recourant a le droit à l'anonymat. Une majorité s'est très clairement dégagée en commission disant que cet anonymat devrait prendre effet dès la sortie de la commission. Dès lors, je vous invite à considérer quel sort serait le vôtre, Mesdames et Messieurs les députés, puisque ce Grand Conseil ne serait plus informé ni de l'identité des recourants ni de la réalité de la cause en question.
Le rapport de minorité, que je vous présente, insiste sur le fait que les actes de la justice doivent être publics, et, selon Mme Bugnon, j'y ai consacré de trop nombreuses pages. Ce projet de loi cherche très clairement à limiter la publicité des débats et à cacher au public et à la presse, voire aux députés eux-mêmes, l'identité des recourants. Me Barillon, dans son ouvrage de praticien parfaitement rôdé à l'exercice du barreau, exprime très justement que l'antipublicité va à l'encontre du respect dû aux droits des citoyens.
Tous les recourants en grâce sont des gens qui ont été condamnés et dont le jugement a été notifié publiquement. Par conséquent, il n'y a pas d'anonymat à respecter pour protéger leur identité, puisqu'elle est parfaitement publique. Ce projet de loi est totalement insuffisant pour mettre en cause la publication des condamnations ou la publicité des débats judiciaires. D'autre part, si l'on entend limiter les droits du public et de son relais, la presse, à connaître comment le droit régalien de la grâce est exercé par le Grand Conseil, c'est une évolution déplorable de la manière dont se traite le fait de justice à Genève.
La grâce, pas plus que la justice, ne peut être anonyme. Tous les actes de justice s'adressent à un individu précis et précisé. Il n'y a ni punition collective ni traitement secret de la justice dans les pays comme le nôtre qui se prévalent d'une certaine civilisation en matière judiciaire.
Il faudrait avoir le courage de dire à ce Grand Conseil que tout le débat sur l'anonymat de la grâce et sur le huis clos en la matière procède uniquement des maladresses, des impérities et de l'indiscrétion des députés qui sont chargés d'un dossier de grâce. Ils ont très largement outrepassé ce que l'on attend d'un député rapportant sur un dossier de grâce. Par conséquent, les députés eux-mêmes sont responsables de la situation désagréable dans laquelle nous nous trouvons. Je ne vois donc pas pourquoi l'on punirait le public et la presse parce que nous ne sommes pas capables de garder notre langue au chaud.
Le débat sur la loi fédérale pour la protection des données qui nous imposerait la discrétion en matière de grâce est une chose qui n'a pas d'application concrète au plan cantonal. Je pense donc que l'on y reviendra plus tard.
Le véritable intérêt du justiciable est que sa grâce soit publique, tout comme son jugement, de manière qu'il puisse s'en prévaloir et dire : «J'ai été condamné, certes, mais le Grand Conseil qui tranche souverainement avec une sensibilité différente m'a accordé la grâce».
Ce projet de loi n'est pas réaliste, car il ne peut pas s'inscrire dans la pratique. On ne peut pas imaginer qu'au sortir de la commission de la grâce ce soit l'anonymat complet, qu'on ne prévienne ni le Grand Conseil, ni la presse et que le Mémorial ne mentionne aucun nom. Cela ne marchera pas, car dans cette République où tout se sait et tout se redit, cet anonymat sera impossible à préserver.
En conclusion, je vous suggère le refus de ce projet de loi, car la publicité totale des débats judiciaires, auxquels ceux sur la grâce sont étroitement apparentés, doit être défendue. La liberté, tout aussi souhaitable de la presse et des médias, seule garantie d'une équité judiciaire acceptable, doit être préservée. Le public a le droit d'apprécier souverainement le bien-fondé de la manière avec laquelle le Grand Conseil applique son droit régalien. Afin que ce dernier soit exercé en toute connaissance de cause, je vous suggère de rejeter ce projet de loi.
M. John Dupraz (R). Une bonne partie du groupe radical suivra le rapport de minorité pour les raisons évoquées par M. Burdet. On lit dans le rapport de majorité que les députés, lors des rapports en séance plénière, donnent trop de détails qui, finalement, peuvent nuire aux recourants en grâce.
Comme l'a dit M. Burdet, il faut réglementer la façon dont travaillent les députés et non pas inscrire un principe d'anonymat pour les recourants en grâce. En effet, Genève est un petit village et, de toute manière, les noms relatifs aux dossiers seront connus, puisque les rapporteurs présentent leur préavis à la commission et, ensuite, en séance plénière. Cette loi n'empêchera pas les députés de faire de longs discours dans cette enceinte concernant les recourants en grâce, permettant ainsi aux gens avertis de connaître les noms des intéressés, puisque les décisions judiciaires sont publiques.
Ce projet d'anonymat est une mauvaise suggestion. Comme l'a dit Mme Bugnon, il ne s'agit pas de refaire le procès des recourants en séance plénière, mais d'apprécier si, en fonction d'éléments nouveaux, nous accordons la grâce ou non. D'ailleurs, ceci devrait être le seul critère déterminant l'octroi de la grâce. Par conséquent, il faut expliquer le préavis de la commission au caucus; c'est là que doit se faire l'information aux députés qui se prononceront en leur âme et conscience.
Pour les raisons que je viens d'évoquer, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce projet de loi et de suivre les conclusions du rapporteur de minorité.
M. Michel Halpérin (L). L'essentiel du débat tient à cet équilibre, toujours difficile à maintenir, entre le principe de la publicité des débats, qui intéresse la communauté, et la protection de la personnalité qui, dans un grand nombre de cas, justifie que des précautions soient prises pour préserver l'anonymat des personnes.
Pour ma part, j'ai plutôt tendance à m'inquiéter face à des débordements médiatiques, portant plus atteinte à la sphère privée et à la protection de la personnalité, à laquelle nous sommes tous attachés, qu'ils ne donnent d'avantages au public. En effet, ces médias publient, parfois, des informations, qui ne sont pas vraiment intéressantes pour la communauté, mais qui portent atteinte aux intérêts privés qu'elles touchent.
C'est donc avec intérêt et curiosité que j'ai suivi l'évolution de ce projet sur l'anonymat, me demandant comment nous pourrions équilibrer les choses. Dans un premier temps, j'ai pensé qu'il s'agissait seulement de suivre l'exemple du Tribunal fédéral, qui, progressivement, ne publie plus les noms des personnes à propos desquelles il prend des décisions. Certaines jurisprudences sont publiées avec des initiales, et j'ai songé que le Grand Conseil pouvait aller dans cette direction, en ne publiant pas les noms des personnes dans son Mémorial qui, après tout, peut être lu un an, cinq ans, cent ans plus tard. On peut se demander s'il est intéressant de faire du tort à une famille, en laissant figurer les noms dans cette publication pérenne.
Ce qu'on nous propose, aujourd'hui, n'a rigoureusement rien à voir avec la manière dont nous publions les noms. C'est plutôt le petit côté du projet de loi qui nous est soumis, car le véritable enjeu de ce projet de loi porte sur la manière dont nous débattons en plénum. Je me suis rendu compte que nous allions droit à une catastrophe, parce qu'on pensera que nous voulons cacher ce que nous avons à nous dire à propos de la grâce. Pourtant la grâce est tout de même un droit extraordinairement important ! Et puis surtout c'est une catastrophe... risible. En effet, par expérience, lors des débats à huis clos sur les naturalisations sensibles, ou lors des débats en matière de levée d'immunité, où nous nous égosillons, parce que les micros sont coupés et qu'il n'y a pas de mémorialiste, des informations sont tout de même rendues publiques. Nous sommes un peu irresponsables, pas très regardants en matière de confidentialité et souvent enclins à pécher, à tour de rôle, sur des sujets qui nous paraissent pourtant majeurs !
Même si nous introduisons un cas d'anonymat ou de huis clos, nous n'allons rien changer à la réalité : les journaux ne publieront rien des cas les plus nombreux, qui n'intéressent personne, parce qu'ils touchent des anonymes. Et tous ceux quelque peu importants, parce que déjà célèbres, seront publiés, même si nous les taisons. Je le répète, nous créerons une suspicion au sujet de l'état de nos travaux, parce que nous donnerons l'impression que nous voulons nous soustraire à une forme de contrôle, et nous finirons par débattre sans savoir de qui nous parlons. De toute manière, les noms célèbres devront être publiés, parce qu'ils le seront immanquablement. Le paradoxe est que le Mémorial sera muet et la grande presse bavarde ! Nous aurons donc tout raté : l'effort de transparence et l'effort de protection des droits particuliers.
Vous commettez une petite erreur, Madame Bugnon, en pensant que la grâce ne fait pas partie du processus judiciaire. C'est le dernier échelon du processus judiciaire, même s'il lui échappe. Les derniers mots du juge au condamné sont : «Monsieur, Madame, vous avez cinq jours pour vous pourvoir en cassation et vous pouvez, en tout temps, recourir en grâce auprès du Grand Conseil. » Vous disiez que nous devons protéger l'anonymat de ces condamnés, parce que nous ne sommes plus dans le procès où le débat est contradictoire, et que, le droit d'être entendu n'étant pas respecté à ce stade, l'anonymat est mérité.
A cela je répondrai deux fois non. D'abord, de tous les protagonistes d'une affaire judiciaire, le seul qui puisse être entendu, par la commission ou par le Grand Conseil en matière de grâce, c'est le condamné lui-même, au moins parce qu'il formule son recours et que son recours est une manière d'être entendu.
Finalement, Madame, dans ce cénacle, lorsque nous nous penchons, par exemple, sur les affaires de l'entreprise Reuters ou que nous ouvrons des commissions d'enquête au sujet d'X, Y ou de Z, nous ne nous gênons pas pour divulguer les noms de personnalités sur lesquelles ne pèse aucun soupçon et que nous injurions plus que nous ne le devrions - ici l'invective est facile - et tout cela paraît dans les journaux. Les seuls qui auraient droit à une protection seraient, paradoxe suprême, ceux qui ont été condamnés par les juges ! Ce paradoxe est dangereux, parce que nous allons protéger la personnalité de ceux qui y ont un peu moins droit et continuer à jeter en pâture les noms de ceux qui devraient être protégés; à moins que nous ne poussions l'effort jusqu'à son terme raisonnable et que toutes les personnes physiques ou entreprises, que nous devons nommer dans nos débats, ne soient plus désignées que par des initiales, ce qui, vous l'admettrez, ne convient pas à un parlement et serait un peu grotesque.
Voilà pourquoi, malgré mon goût pour la protection de la personnalité - et il est profond - je vous demande de suivre le rapport de minorité.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Le droit de grâce est un droit régalien et, comme le disait M. Halpérin, il fait partie de notre système judiciaire. Ce que nous pouvons regretter - je n'entends pas jeter l'opprobre sur l'un ou l'autre d'entre vous, j'en fais partie et suis tout aussi coupable que vous - c'est le défaut d'écoute dont nous faisons preuve dans les affaires de grâce et le manque d'intérêt que nous leur portons. Et c'est vrai que cela n'est pas admissible ! Le droit de grâce est un droit important, puisqu'il permet de décider de la liberté de quelqu'un, et souvent nous n'accordons pas suffisamment d'attention à ces affaires.
Un autre problème doit nous préoccuper : celui de la transparence. Le système judiciaire genevois est tel que, à l'exception des jugements rendus par le Tribunal de la jeunesse, tous les jugements rendus par les tribunaux genevois sont publics. Cette transparence a été l'un des grands acquis démocratiques du siècle passé et du début de ce siècle. Auparavant, on rendait la justice en cabinet. Par exemple, au temps de l'Inquisition, on vous condamnait, on vous découpait en morceaux et on vous posait les questions après ! Personne ne savait pour quel motif vous étiez condamné !
M. John Dupraz. C'est surtout les catholiques qui faisaient ça !
M. Bénédict Fontanet. Malgré tout le respect que j'ai pour Calvin, il y a aussi eu quelques protestants fripons ! Les catholiques n'en ont pas l'exclusivité ! (Rires.)
L'une des grandes conquêtes démocratiques de la fin du siècle passé et de ce siècle - je le répète - est que les jugements sont rendus de manière publique et que tout un chacun peut savoir ce qu'il advient et comment les tribunaux fonctionnent. Cela permet aussi le contrôle démocratique, par les citoyens, du fonctionnement des tribunaux.
Certes, les justiciables, qui demandent la grâce, ont droit au respect, certes ils ont le droit d'exiger de nous, qui assumons la tâche difficile d'examiner les recours en grâce, que nous fassions notre travail au mieux de notre conscience et, vraisemblablement, dans des conditions meilleures que celles dans lesquelles nous exerçons ce droit aujourd'hui.
Mais nous avons aussi le droit d'informer le public. Si le public et les citoyens ont le droit de savoir comment leurs tribunaux fonctionnent, quelles sont les peines infligées et quel est le sort réservé aux personnes, qui sont déférées devant eux, le même public, les mêmes citoyens ont également le droit savoir quel sort notre Grand Conseil réserve aux recours en grâce, quel est le sort réservé à des citoyens qui ont été condamnés, parce qu'à un moment de leur vie - même s'ils peuvent être excusables - ils ont fauté. Et il n'y a pas de raison pour que les jugements des tribunaux soient rendus de façon publique et que les décisions que notre Grand Conseil rendrait, en matière de grâce, le soient en «catimini», de façon que les députés ne connaissent pas le nom des personnes et que le public ne soit pas informé de ce qui se passe.
Dans les affaires célèbres - M. Halpérin en parlait tout à l'heure - le public est informé. Pour prendre un exemple qui nous a occupés récemment : l'affaire Medenica, le public a su que ce monsieur avait été condamné. S'il avait plu à notre Grand Conseil de le gracier - ce qu'il aurait pu faire - il me semble que le public et les citoyens de ce canton auraient eu le droit le plus élémentaire de connaître la décision qui aurait été prise.
Nous devons mieux traiter les affaires de grâce, nous devons leur accorder plus d'attention que nous ne le faisons actuellement. Nous devons rédiger des rapports plus brefs. Malheureusement, il ne suffit pas d'inscrire dans la loi que les députés doivent être brefs pour qu'ils le soient ! Les conseillers d'Etat non plus, je vous le rappelle. (L'orateur est interrompu.)
Nous n'avons pas dit d'être brefs à propos des projets de lois, Mesdames et Messieurs ! Par voie de conséquence, j'invite les députés qui siègent dans la commission de grâce à être succincts et à évoquer plus rapidement qu'ils ne le font les cas soumis.
Cela étant, j'estime que ce projet de loi constitue un recul par rapport à ce qui existe. Si nous devons respecter les familles, nous avons un droit de transparence vis-à-vis des citoyens qui nous ont élus. C'est pourquoi je suivrai les conclusions du rapport de minorité.
M. Laurent Moutinot (S). La matière est délicate, parce qu'elle touche à plusieurs principes essentiels, et il est normal que nous nous interrogions et que nous soyons passés, les uns et les autres, par des états d'âme variés. Il faut cependant recadrer le débat sur l'unique objet qui est le sien : le traitement des recours en grâce, sans extrapoler sur l'anonymat d'autres personnes, dont nous pouvons parler dans cette enceinte d'une toute autre manière.
Le droit de grâce est un droit régalien, c'est-à-dire qu'il obéit à notre pleine souveraineté, sans que nous ayons besoin de motiver notre décision, alors que toutes les autres décisions, dans un régime républicain, doivent être motivées.
Dans la pratique, la doctrine reconnaît deux droits de grâce : le cadre individuel où ceux qui exercent le droit de grâce estiment qu'une personne mérite sa grâce - c'est pour ces cas-là que nous devons le plus protéger l'anonymat - et la grâce que je qualifierai de «politique», celle par laquelle le Grand Conseil manifeste qu'il n'entend pas voir poursuivre avec sévérité ou pas du tout tel ou tel type d'infraction. L'anonymat n'empêche pas le Grand Conseil de donner un signal, comme il l'a fait en matière de taxe militaire.
Monsieur Burdet, dans votre excellent rapport de minorité, vous admettez que la grâce n'est pas la justice, précisément parce qu'elle a cet aspect régalien. Mais alors, si ce n'est pas la justice, nous ne pouvons pas lui appliquer les critères de la justice, et il n'y a aucune raison de lui appliquer le critère de la publicité des audiences. Un accusé a le droit d'être défendu par une certaine procédure. Un condamné a le droit de demander la grâce, mais il n'a pas droit à plus que cela. Il n'y a pas de comparaison possible entre les droits de la défense et le droit de grâce.
Deux obstacles doivent être évités : le huis clos, qui me paraît une mesure trop extrême, et les regrettables déballages auxquels nous assistons de temps à autre. Nous ne mettons en cause ni la publication des condamnations, qui de toute façon a eu lieu antérieurement, ni la publicité des débats judiciaires. Ce qui est problématique ce sont les éléments postérieurs à la condamnation, concernant l'intéressé ou un tiers, qui sont mentionnés lors de la grâce. L'intéressé n'a aucun moyen de maîtriser ces éléments, car il n'y a pas de débat contradictoire, comme c'est le cas devant un tribunal, et l'accusé n'a pas la parole en dernier.
Pour cette raison, l'analogie qui est faite avec la justice et l'exigence d'une totale transparence est excessive. Je vous rappelle qu'en matière de grâce bon nombre de cas, les plus nombreux, ne passent pas devant le Grand Conseil, parce qu'il sont de la compétence exclusive de la commission. Entre le public et le huis clos, il y a une marge pour une solution qui respecte les intérêts du public et ceux de la presse. Il faut savoir qui nous gracions, dans le sens de quelle situation nous gracions - et non pas la maladie de l'épouse du condamné ou le sort de ses enfants. La presse peut savoir quelles infractions nous paraissent plus ou moins importantes, sans pour autant nous livrer à un déballage. Cette protection consiste en l'anonymat.
La loi fédérale sur la protection des données - vous avez raison, Monsieur Burdet - ne s'applique pas telle quelle à cette situation. Nous sommes, cependant, tous d'accord pour dire que les principes qu'elle expose doivent nous inspirer pour la protection de la personnalité, si chère à M. Halpérin. Vous avez écrit dans votre rapport quelque chose qui m'a surpris, à savoir que le véritable intérêt du recourant réside dans le fait que les choses se passent en public. Or il n'y a que lui qui puisse juger où se trouve son intérêt. Vous ne pouvez pas, a priori, présumer que le véritable intérêt du recourant soit le débat public, avec son nom, son adresse... et son carnet de vaccination !
Si nous distinguons la grâce du débat judiciaire, si nous prenons acte que la liberté de la presse n'est pas touchée, parce qu'elle peut rapporter sur tous nos travaux et tout ce qui se dira en matière de grâce, identité exceptée, nous pouvons améliorer l'exercice du droit de grâce, sans tomber dans l'obscurantisme inquisitorial que M. Fontanet semble me prêter.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Le projet de loi tente de résoudre un vrai problème comme le débat nous le démontre, celui de la transparence et la protection de la sphère privée, dans les rapports, des grâces accordées par le Grand Conseil. Je ne pense pas que nous puissions nous accuser les uns et les autres de préférer l'un ou l'autre de ces concepts; les deux doivent être gérés à propos de cette question, et le projet tente justement d'apporter une solution à des situations que nous vivons régulièrement et qui semblent difficiles.
Il a été tenté une première fois, il y a trois ans, d'y apporter une solution. La nouvelle solution tente de faire la part des choses. Le droit de grâce est un droit régalien - je ne reprendrai pas toutes les discussions qui ont déjà eu lieu - il ne doit pas être justifié; la grâce est accordée ou non; elle dépend de la conscience des députés qui ne doivent pas justifier leur décision.
Nous pourrions arriver en public avec le nom de requérant et la mention «recours en grâce accordé ou non accordé». Cependant, nous ne pouvons pas laisser une commission parlementaire prendre seule la décision à la place du Grand Conseil. Dès lors, il faut que l'ensemble des députés soient au fait des éléments qui doivent aboutir à leur décision. Il faut les leur expliquer en plénière, et, dans le cas où le nom figure, nous pouvons souhaiter une explication succincte, en n'évoquant qu'un ou deux éléments. Mais alors l'explication est insuffisante pour permettre aux uns ou aux autres de porter un jugement en leur âme et conscience.
Le projet de loi tente de faire la part des choses en disant qu'il faut débattre et que les députés, connaissent certains éléments pour prendre leur décision, lesquels ne devraient pas être liés au nom de la personne, pour les raisons qui ont été évoquées tout à l'heure, à savoir que ce n'est pas un procès. Il ne faut donc pas faire un amalgame avec la notion de grâce en disant que ceux qui proposent l'anonymat dans les débats sur la grâce proposent du même coup l'anonymat dans les procès, car tel n'est pas le cas. S'agissant de la grâce, les faits nouveaux pris en considération ne sont ni des faits criminels ni des faits relevant de la justice; ce sont des faits privés sur la santé, la famille, la vie privée qui sont exposés. Pourtant ils n'ont rien à voir avec le procès qui a eu lieu ni avec le jugement qui a été rendu.
Notre collègue, Mme Fabienne Bugnon, a rapporté sur ce sujet, et, au sein du groupe écologiste, nous avons eu les discussions de ce soir. Nous avons donc décidé de nous accorder une liberté de vote sur ce sujet, et je ne pense pas que, les uns ou les autres, nous puissions nous accuser mutuellement de vouloir cacher quelque chose ou d'empêcher le Grand Conseil de travailler.
M. Michel Ducret (R). Le peuple nous a délégué ce pouvoir de grâce, qui de fait lui appartient; et certains voudraient, ce soir, priver ce peuple que nous représentons de savoir envers qui nous exerçons ce droit en son nom.
En réalité, cette proposition est un déni de démocratie, tout juste digne de la conception qu'en avaient certains régimes, aujourd'hui heureusement quasiment disparus. Seuls les cas qui doivent être traités à huis clos devant la justice devraient pouvoir, le cas échéant, être traités de même en cas de recours en grâce.
J'aimerais rappeler encore que personne n'a relevé ici un aspect fondamental : nul n'est contraint de demander sa grâce. Lorsqu'on la demande, on sait parfaitement que cela se fait en public et qu'on fait appel au peuple que nous représentons. Si vous traitez à huis clos, dans l'anonymat, les demandes en grâce... (L'orateur martèle ces mots.) ...vous privez le peuple de son droit !
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. (Ve). Il n'y a pas ici, ce soir, les bons députés, favorables à la transparence de la justice, et les mauvais, contre la transparence ! Certains discours sont à la limite de la condamnation, et je trouve cela désagréable.
J'aimerais reprendre ce qu'a dit M. Burdet en préambule, notamment que le Grand Conseil ne serait plus informé par ses représentants. C'est faux, puisque chaque groupe parlementaire est représenté à la commission de grâce et ses représentants sont censés faire un rapport lors du caucus.
Vous avez prononcé, Monsieur Burdet, à plusieurs reprises, le mot «justice»; M. Halpérin aussi. Si je peux accepter certaines critiques, il y en a une pourtant que je ne partage pas : les députés n'ont pas pour vocation de rendre la justice. Je persiste à penser que le droit de grâce n'est pas compris dans la procédure de jugement.
Vous avez dit, Monsieur Burdet - une chose très frappante, montrant que nous ne parlons probablement pas de la même chose - que nous souhaitons «punir» le public et la presse ! A quoi je réponds : non, nous souhaitons simplement protéger la personnalité des recourants. Je pourrais tenir le même discours que celui de M. Dupraz, en arrivant à une conclusion différente. Cette discussion nous montre que le débat n'est pas politique, mais éthique, puisque je suis rapporteuse d'une majorité comprenant le parti radical, le parti démocrate-chrétien et que les intervenants de ce soir proposent de voter pour la minorité. Nous devons donc examiner l'aspect éthique et non pas politique.
Je relèverai enfin quelques propositions, dont celle Mme Maulini-Dreyfus, évoquant la possibilité d'arriver en séance plénière en indiquant simplement que le recours en grâce est accordé ou non, mais je ne sais pas si c'est une bonne solution. Une autre solution m'a été suggérée tout à l'heure par un député qui pensait que nous devrions modifier l'heure à laquelle ces rapports sont lus. En effet, ils le sont au moment où les députés arrivent et s'installent, souvent dans un brouhaha indescriptible, ce qui peut être désagréable pour les familles se trouvant dans le public.
Quelle que soit l'issue du débat de ce soir, je crois que nous avons tous dit la même chose, à savoir que les rapports sont lus dans une atmosphère désagréable. Nous devons faire un effort pour y remédier. Et quel que soit le vote, j'espère que M. Fontanet ne tiendra pas le même discours dans trois ans !
M. Hervé Burdet (L), rapporteur de minorité. (L). Je n'entends pas polémiquer sur le problème de la grâce, sujet qui relève traditionnellement de la conscience individuelle au Grand Conseil. J'ai pris quelques notes pour répondre aux uns et aux autres, mais j'y renonce très volontiers. A mon avis, nous avons eu, au cours de ce débat, une large évocation des sensibilités de chacun.
Je voudrais quand même pour conclure - si cela peut être une conclusion - souligner que toute limitation du droit du public, de la presse ou du Grand Conseil à être informé complètement de l'identité des personnes et de la nature des délits que nous aurions à gracier, représente une régression en termes de civilisation et de justice !
Le président. Je mets aux voix la prise en considération de ce projet.
Ce projet est rejeté en premier débat.
16. Ordre du jour.
Le Le président. M. le conseiller d'Etat Claude Haegi devant représenter le Conseil d'Etat à un congrès à l'étranger, il doit impérativement quitter Genève à 20 h. Il a demandé au Bureau de reporter les points 30 à 34 à une prochaine séance, ce qui a été accepté par les intervenants. Je lui passe la parole pour qu'il puisse répondre à l'interpellation urgente de M. Spielmann.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président et Mesdames et Messieurs les députés, de votre compréhension.
Pour l'abattage des arbres sur la parcelle de l'ancien Sécheron et du foyer de l'avenue Blanc, le service de la protection de la nature et des paysages, sur la base du projet initial, avait autorisé la coupe de la quasi-totalité des arbres de la parcelle, soit cent vingt arbres, représentant une valeur de 300 000 F. Seuls un tilleul et un platane devaient être conservés, parce que l'architecture du projet permettait de le faire. Suite à une modification du projet, le nouveau dossier a présenté une incompatibilité architecturale entre la conservation des deux arbres, valeur 75 000 F, et la construction des nouveaux bâtiments.
Après une pesée d'intérêts et compte tenu de l'avancement du dossier en autorisation de construire, il a été accepté d'entrer en matière pour la coupe supplémentaire de ces deux spécimens, moyennant certaines garanties, à savoir : créer un projet d'espace vert ouvert au public sur la base d'un concours, replanter des arbres pour un montant minimum de 150 000 F sur la parcelle et prévoir des compensations écologiques urbaines, telles que la «végétalisation» des toitures.
Suite à cette décision, un recours a été déposé, ayant un effet suspensif pour l'abattage des arbres. Evidemment, rien ne sera fait dans l'illégalité, Monsieur le député. Nous y veillerons !
Cette interpellation urgente est close.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. De quoi s'agit-il ? De faire démarrer la construction pour cette société dans des délais, non pas records mais normaux, compte tenu de la concurrence.
Pour illustrer mon propos je vous donne trois exemples :
1. L'usine Bosshard à Zoug : quatre cents emplois, 260 millions de chiffre d'affaires; le déclassement de la zone agricole a duré neuf mois de la première lettre au syndicat des agriculteurs, à la bourgeoisie, à la commune, au canton au premier, coup de pioche.
2. Le Centre de recherche technologique ABB du côté de Birsfelden. Son directeur Suisse, M. Sommer, déclarait au séminaire de formation pour conseillers d'Etat, à Gerzensee, qu'il avait obtenu le permis de construire en trois mois, sans opposition; mille huit cents personnes sont concernées.
3. Le World Economic Forum a indiqué que s'il ne trouvait pas une solution rapide à Genève, un terrain est disponible à Boston à 130 dollars le m2 à 300 mètres de Harvard Square à Boston, à côté de MIT et de Harvard.
On ne parle pas de délai ni de chiffres - d'ailleurs les chiffres que vous donnez, Monsieur le député, sont faux, à savoir 60 000 F contre un million - mais de l'implantation à Genève d'un centre de back up genevois de haute technologie de 90 millions avec plusieurs dizaines d'emplois. Je n'avais pas le choix. Auriez-vous préféré qu'appliquant l'esprit d'un juridisme étroit - dont les relents et les miasmes ont hanté le département à la rue David-Dufour - je vous annonce que Reuters renonçait ?
Le recours de M. Falquet a été retiré le 13 novembre 1995. Le chantier a été ouvert la même semaine - je reprends la chronologie de votre interpellation. La parcelle vaudrait un million, selon une affaire jugée au Tribunal administratif. Vous avez évoqué une affaire foncière au Petit-Saconnex qui n'est pas comparable, car la parcelle dont vous parlez est en zone de développement 3, avec un indice de 1,2 potentiel, alors que l'affaire qui nous intéresse à la rue de Bourgogne est en zone villa, avec un indice de 0,2. La valeur d'un terrain en zone de développement est différente de celle d'un autre terrain en zone villa !
Le «petit chalet» que vous mentionnez sur cet autre terrain est, en fait, un bungalow de style maison américaine, d'un volume important et en très bon état. En effet, des travaux d'entretien ont été effectués en 1978 et le toit a été refait en 1988. En août 1990, le Conseil d'Etat a fait usage de son droit de préemption, estimant que le prix de la transaction était trop élevé. Le Tribunal administratif a estimé que l'état du bâtiment sur cette parcelle justifiait ce prix de vente. C'est la preuve qu'entre les intentions juridiques et la réalité économique il y a des pas que l'on ne veut pas toujours franchir !
De plus, pour mémoire, et pour ceux qui ne sont pas vraiment au courant, je vous rappelle que les prix des terrains d'aujourd'hui sont très nettement inférieurs à ceux pratiqués en 1990.
Ce terrain a été déclassé le 24 avril 1995, passant de la zone agricole à la zone 4B, destinée à des activités sans nuisances. Le périmètre déclassé est de 44 236 m2, dont 40 000 m2 appartenaient à l'Etat; le terrain était cultivé par un agriculteur. Une superficie de 3 527 m2 appartenait à M. Falquet. Après un important aménagement, le terrain était loué au Moulin de la Pallanterie pour y parquer les camions.
Afin d'avoir la maîtrise de ces 3 527 m2, un échange foncier a été effectué, à la demande du propriétaire privé, qui désirait conserver son patrimoine foncier. S'agissant d'un échange lié à une opération d'aménagement du territoire, cette opération foncière est de la compétence du Conseil d'Etat au sens de l'article 80 A de notre constitution. Durant la précédente législature, l'Etat avait, du reste, échangé des appartements situés au boulevard de la Tour, estimés à 10,3 millions, contre un immeuble de 33 millions, appartenant à la CEH, au boulevard de la Cluse. Une soulte de 22,7 millions se dégageait ainsi en faveur de la CEH, dont 9,5 millions ont déjà été payés et 13,2 millions devront l'être, d'ici fin juin 1998. Je tiens à dire que j'approuve cette manière de faire qui est logique, puisqu'elle protège les intérêts de l'Etat.
En ce qui concerne le terrain de Collonge-Bellerive acquis par l'Etat, la direction générale estime que le terrain vaut moins de 15 F le m2, car il était situé en zone agricole avant son déclassement. Je vous rappelle, en vertu de l'article 65 de la loi fédérale sur le droit foncier rural, que l'Etat, qui n'est pas un exploitant agricole, ne peut acheter un terrain en zone agricole que pour l'exécution d'une tâche publique ou pour une prestation de réemploi. L'Etat n'aurait donc pas pu acheter ce terrain tant qu'il était situé en zone agricole.
En ce qui concerne l'usage, conforme ou non, je puis dire ceci : situé en bordure de la route de Thonon, ce terrain n'est pas utilisé pour l'agriculture, mais loué, depuis 1990, au Moulin de la Pallanterie pour le parcage de véhicules. Cela a été toléré par le département, et nous en avons même profité, puisque nous l'avons employé comme dépôt de chantier en 1987, durant la construction de la rampe de Vésenaz et en 1989, durant l'aménagement de la route de Thonon. Ce terrain n'a plus été affecté à l'agriculture depuis 1967, date à laquelle le propriétaire privé en avait hérité; il a effectué des travaux importants pour l'assainir et le mettre à niveau avec la route de Thonon.
Au sujet des acquisitions par voie d'expropriation, compte tenu du fait qu'il s'agit de la construction d'un centre administratif privé, les conditions légales pour exproprier ne sont pas remplies. Seule une acquisition de gré à gré est possible.
La valeur négociée de ce terrain déclassé est de 445 000 F, soit 126 F le m2, comprenant le prix du terrain et celui des travaux d'assainissement effectués depuis 1967. A ce montant s'ajoutent 50 000 F versés, à titre d'indemnité, au Moulin de la Pallanterie, qui louait ce terrain pour parquer ses véhicules - ce qui a permis d'entrer en jouissance de ce bien dès le 13 novembre, date prévue pour démarrer la construction des bâtiments de Reuters - ce qui porte le coût du terrain à 495 000 F, soit 140 F le m2, prix inférieur à la limite supérieure que j'ai appliquée pour tous les déclassements de la zone agricole, sur la base des recommandations de la commission de l'aménagement.
A l'origine, le propriétaire, M. Falquet, exigeait plus de 200 F le m2 en comparant son terrain à celui qu'il avait acquis en 1991-1992 de Patek Philippe SA, en zone industrielle de Plan-les-Ouates, terrain qui avant son déclassement en zone de développement industriel était en zone agricole.
Le droit de superficie négocié avec Reuters porte la valeur du terrain à 167 F le m2, valeur supérieure à celle payée pour son acquisition, soit 22 F le m2 pour le terrain acheté par l'Etat en 1972 et 140 F pour le terrain acheté à M. Falquet en 1995, qui est en zone 4B. La rente de superficie payée à l'Etat par Reuters est de 10 F le m2, ce qui représente une somme annuelle de 443 000 F; ce droit de superficie est sur le point d'être signé entre Reuters et l'Etat.
La parcelle, rue de Bourgogne, cédée par l'Etat, avec une villa en mauvais état, avait été acquise en 1974 pour 350 000 F. Contrairement à ce que prétend la D.G. cette parcelle n'est pas en zone de développement, mais en zone villa.
La villa avait été louée à un fonctionnaire, aujourd'hui à la retraite. Son premier bail qui était de 6 840 F, en 1979, a été porté aujourd'hui à 13 680 F. Le locataire a toutefois assumé la remise en état des drainages au pied de la façade pour des montants de l'ordre de 65 000 F et a supporté également tous les frais d'entretien courants de cette maison. Nous avons loué la maison brute et en l'état, ce qui était raisonnable pour un tel objet. Le bail a été résilié pour le 29 février 1996, le locataire acceptant d'être relogé dans une autre villa, plus petite, sous les avions, donc moins bien située à la condition que nous prenions en charge son déménagement estimé à 5 000 F et les travaux de rénovation d'une valeur de 50 000 F dans cette maison.
La parcelle cédée par l'Etat a été estimée à 400 000 F, soit 378 F le m2, y compris la villa, ce qui est un peu bas. Compte tenu du mauvais état de cette maison, 65 000 F ont été versés pour remédier aux défauts, dont le refoulement des canalisations et l'état du sous-sol, qui nécessite un assainissement.
M. Falquet a certainement tiré parti de la situation et profité de l'importance que représente pour Genève l'implantation de Reuters. Mais l'Etat n'y a rien perdu, vu l'importance du projet et le gain de temps réalisé dans la conclusion de toute l'opération. La rente de superficie négociée avec Reuters, à un montant de 170 F le m2 environ, fait que la parcelle acquise de M. Falquet rapporte à l'Etat bien davantage que le loyer de la villa cédée en échange.
Enfin l'échange intervenu, dans le but de permettre à l'Etat de maîtriser l'intégralité du périmètre déclassé par le Grand Conseil, en vue de l'implantation du centre de Reuters, entre dans le cadre des opérations de la compétence du Conseil d'Etat, comme prévu par l'article précité de la constitution genevoise.
Cette interpellation urgente est close.
La séance est levée à 19 h 55.