République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 avril 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 6e session - 15e séance -autres séances de la session
No 15
Vendredi 29 avril 1994,
nuit
Présidence :
M. Hervé Burdet,président
La séance est ouverte à 20 h 45.
Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer et Mme Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Philippe Joye, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Erica Deuber-Pauli, Catherine Fatio, Alain-Dominique Mauris et Jean Montessuit, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Mme Anne Chevalley (L). Quelles mesures le Conseil d'Etat a-t-il prises et entend-il prendre encore au sujet de l'ordonnance sur la TVA et l'économie ?
A la suite de la mise en consultation du projet d'ordonnance du Conseil fédéral régissant l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, plusieurs secteurs économiques de notre canton ont fait part de leur profonde préoccupation quant aux conséquences de plusieurs dispositions de cette ordonnance. L'article constitutionnel voté par le peuple suisse doit être mis en oeuvre, mais le projet du Conseil fédéral va au-delà. Certaines applications sont fort contestables et susceptibles de porter un coup de frein sérieux, voire fatal à plusieurs activités qui font la renommée de Genève, soit les divers secteurs prestataires de services à l'étranger tels que les banques de gestion de fortune, les avocats, les notaires, les conseillers en prévoyance professionnelle et les fiduciaires d'une part, le secteur de la vente de pierres précieuses ainsi que celui des ventes aux enchères d'autre part. Cette énumération n'est pas exhaustive. Et dire que l'introduction de la TVA est censée participer à la revitalisation de notre économie !
Le but de mon interpellation est, précisément, de recevoir l'assurance que notre Conseil d'Etat a tout entrepris pour défendre les intérêts de Genève à Berne relatifs à l'application de cet impôt institué dans une perspective d'eurocompatibilité et qui, en fait, notamment pour les activités que je viens de citer, ne tient aucun compte de la souplesse donnée par l'Union européenne à la sixième directive sur l'harmonisation de l'impôt sur le chiffre d'affaires, à savoir la possibilité d'exonérer les prestations de services destinées à la clientèle privée domiciliée à l'étranger.
Le projet fédéral d'ordonnance ne prévoit malheureusement pas l'exonération précitée, alors que cette directive laisse une totale liberté de choix aux Etats membres des Communautés. C'est ainsi que la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, notamment, exonèrent toutes les prestations de services fournies à des destinataires domiciliés hors du territoire de l'Union européenne, sans faire de distinction quant à leur usage professionnel, commercial ou privé, nuance qui n'est d'ailleurs pas prévue par l'ordonnance fédérale.
Comment notre pays, non membre, peut-il invoquer cette sixième directive pour justifier une imposition à l'étranger, imposition que plusieurs Etats ne pratiquent précisément pas dans le souci de préserver leur compétitivité internationale ? De plus, si l'ordonnance finale maintient l'imposition de cette catégorie de services, elle le fera donc dans le non-respect du principe général qui veut que la TVA soit prélevée dans le pays dans lequel le bénéficiaire de la prestation a son domicile. La compétitivité est un facteur majeur du succès qu'un système de TVA cohérent doit impérativement sauvegarder.
Plusieurs revendications importantes pour l'économie restent à régler. Permettez-moi de rappeler que le secteur des activités de services financiers et de conseil occupe 13% du total des emplois en Suisse et produit une valeur ajoutée de 52 milliards de francs, soit 16% de son PIB. Allons-nous permettre à cette manne ancestrale, pour reprendre les termes d'un éditorial économique, de fuir sous d'autres cieux fiscalement moins gourmands et qui n'attendent que cela ou, pour citer une autre publication, laisser pratiquer un «auto-goal économique» ? Le nombre d'articles parus dans la presse internationale est révélateur de l'intérêt que suscite l'introduction de la TVA en Suisse et de l'étonnement de l'application que notre pays s'apprête à en faire.
En ce qui concerne les banques, la Suisse occupe une position dominante dans la gestion de fortune. Ce domaine d'activités joue un rôle essentiel pour la place financière suisse, et particulièrement genevoise, qui, hautement spécialisée dans ce domaine, serait plus fortement pénalisée que le reste du secteur bancaire suisse. Il serait incompréhensible que, quelques mois après l'allègement par le peuple du droit de timbre, la Suisse introduise un nouvel impôt qui constituerait une autodiscrimination et entraverait, au plan concurrentiel, un secteur d'activités offrant les meilleurs rendements et possibilités d'expansion.
Un transfert à l'étranger des activités de gestion de fortune, plus que probable si l'ordonnance sur la TVA n'est pas modifiée, entraînerait automatiquement le déplacement des opérations qui y sont liées, avec toutes les conséquences négatives sur l'emploi qui en découleraient fatalement. Un seul chiffre suffit à mettre en lumière les activités de gestion pour l'économie suisse. On estime à 2 000 milliards de francs les fonds gérés en Suisse appartenant à des Suisses et à des étrangers, dont 800 milliards pour la seule clientèle privée étrangère. Une TVA imposée sur cette masse présente un risque majeur d'exode de capitaux vers des places aussi bien organisées que la nôtre et dont la structure tarifaire, de plus, n'est pas handicapée par le timbre fédéral.
Bien que le sujet soit fastidieux et complexe, mais combien important pour notre canton, j'aimerais encore rapidement revenir sur deux secteurs qui, bien que la presse s'y soit moins intéressée, n'en demeurent pas moins primordiaux dans le contexte de l'économie genevoise et qui participent, dans une large mesure, aux chiffres que j'ai cités plus haut.
1) Les prestations fournies par les avocats et les notaires.
S'il paraît normal que leurs honoraires liés au droit des affaires, facturés à une clientèle domestique en relation avec des activités de consommation intérieure, soient imposables, l'imposition de leurs services rendus à des clients à l'étranger serait par contre très dommageable en créant un désavantage concurrentiel, notamment dans le domaine des services juridiques liés à l'activité financière et bancaire. Les avocats et/ou notaires anglais et français ne facturent pas la TVA à leurs clients suisses. Pourquoi devrions-nous faire supporter cette taxe aux clients étrangers des avocats et notaires suisses ?
Il y a plus. Serait-il normal de taxer en Suisse leurs activités dites «d'auxiliaires de la justice» qui sont des missions de services public et social - pensons simplement aux innombrables petites causes judiciaires - alors que les prestations des médecins-dentistes sont exonérées ? C'est une incohérence !
2) Le secteur des négociants en pierres précieuses.
La Suisse occupe la position de plaque tournante dans le commerce mondial des pierres précieuses et des bijoux. Sa stabilité politique et la tenue, à Bâle, de la plus importante foire mondiale de l'horlogerie et de la bijouterie font d'elle le lieu privilégié de ce commerce. Le choix énorme et la concentration du marché dans un espace restreint attirent les acheteurs du monde entier. Ces activités sont non seulement intrinsèquement importantes pour notre pays, mais elles contribuent fortement à soutenir d'autres branches de l'économie, notamment l'hôtellerie dont on sait combien elle traverse des temps difficiles.
Néanmoins, l'essentiel des pierres et des bijoux importés n'est pas destiné à notre marché et ne fait qu'y transiter pour être examiné et négocié. Ainsi, plus des 95% sont-ils réexportés. Les chiffres, pour l'année 1992, sont éloquents à cet égard. Marchandises importées : 5,313 milliards; marchandises exportées : 5,314 milliards ! Le principe de la TVA n'est pas mis en cause, mais le souci des négociants vient du fait qu'au terme du projet d'ordonnance la créance d'impôt est exigible au moment de l'importation. Si l'ordonnance n'est pas modifiée, ils se verront dans l'obligation d'avancer des sommes considérables qui, bien que récupérables, impliqueront des charges financières telles que ce secteur d'activité, privé des conditions qui lui permettent de travailler efficacement, perdrait sa clientèle d'autant plus facilement que les membres de l'Union européenne déjà cités en matière de services bancaires offrent des aménagements fiscaux allant du report du paiement de la TVA, pour certains, à l'exonération totale, pour d'autres.
Une solution pratique peut être trouvée à travers l'exemption immédiate de l'impôt provisoire lors de l'importation. La TVA ne serait ainsi pas payée lors de l'entrée de la marchandise en Suisse, mais à des échéances régulières, sur la base de décomptes prenant en considération les importations et les exportations, ne laissant apparaître qu'un solde de TVA à payer.
La situation des maisons de vente aux enchères et des antiquaires est exactement la même. Nul n'ignore l'importance, pour le commerce de détail, l'hôtellerie et l'aura internationale de Genève, des ventes de Christie's, Sotheby's et autres Phillips, qui se sont installées ici lorsque des maladresses fiscales du même ordre commises alors en France et en Angleterre - et corrigées depuis lors - les ont conduites à l'émigration. Malheureusement, je répète que cette énumération de secteurs n'est pas exhaustive. D'autres sociétés, telles Du Pont de Nemours ou Hewlett Packard, sont concernées dans le cadre d'opérations triangulaires.
Enfin, le Conseil fédéral devrait admettre pour 1994 déjà la déduction anticipée pour les biens d'investissement, afin de ne pas compromettre, précisément, la capacité d'investissement de l'économie en 1994.
Je terminerai en soulignant que le souci majeur qui dicte cette démarche est la perte d'emplois et le chômage qui en serait le corollaire à Genève, pour ne parler que d'elle, si Genève ne réussissait pas à faire entendre son point de vue.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Qu'il me soit permis d'emblée de dire que l'interpellation bien fouillée et solidement étayée de Mme Chevalley rejoint, sur l'essentiel, la prise de position que le Conseil d'Etat a été amené à transmettre à l'administration fédérale des contributions, dans le cadre de la procédure de consultation sur le projet d'ordonnance sur la taxe sur la valeur ajoutée. Nous avons, en effet, compte tenu des spécificités de la place économique genevoise, apporté une attention toute particulière à cette procédure de consultation et transmis une réponse au Conseil fédéral. Nous avons plus particulièrement attiré l'attention du Département fédéral des finances et contributions sur cinq domaines spécifiques qui recouvrent, pour l'essentiel, les points de l'intervention de Mme Chevalley.
Nous avons également attiré son attention sur un point qui n'est pas traité dans l'interpellation de Mme Chevalley, celui de l'assujettissement des collectivités publiques à la TVA. Je vais commencer par celui-là.
Nous avons estimé que la mise en application de la nouvelle règle devait faire l'objet d'une étude qui associerait les cantons, parce qu'il était décisif de tenter de distinguer clairement les activités relevant de l'administration d'autorité et celles relevant de l'administration de prestations, seules ces dernières pouvant être éventuellement soumises à la TVA, et encore, en tenant compte de situations particulières, par exemple les situations de fournitures de prestations par des institutions de droit public à d'autres institutions du même ordre que nous connaissons bien dans notre canton. Cela pourrait se faire en application des mesures de rationalisation de notre administration et, suivant les efforts fournis dans ce sens par l'Etat, certains pourraient être contrariés. Compte tenu des efforts de restructuration extrêmement importants faits par tous les cantons, nous avons jugé qu'il était nécessaire de poursuivre un dialogue fructueux entre la Confédération et le canton de manière à bien faire la distinction en question, non pas dans un souci d'échapper à ce qui doit normalement être perçu, mais dans un souci fondamental de ne pas retarder les restructurations essentielles de nos différents Etats cantonaux.
Nous avons transmis à l'administration fédérale notre inquiétude au sujet - Dieu sait si c'est un cas tout à fait particulier autour duquel les Genevois doivent se mobiliser ! - de la situation spécifique de nombreuses organisations internationales gouvernementales - qui, elles, ne posent pas de problème - et non gouvernementales. Pour ces dernières, qui ont leur siège à Genève, certaines zones ne sont pas claires. Ces institutions bénéficient, pour la plupart d'entre elles, d'exonération d'impôts du fait qu'elles sont assujetties au bénéfice d'accord de siège. Dans ce cas, cela ne pose pas trop de problèmes. Mais certaines organisations non gouvernementales résident dans notre canton et y exercent une activité au bénéfice d'un accord sui generis qui n'est pas à proprement parler un accord de siège. Dans ce cas, le problème de l'assujettissement à la TVA peut se poser. Nous estimons que la défense de la plate-forme de concertation internationale exceptionnelle qu'est Genève mérite, sur ce point également, un traitement particulier.
L'essentiel de votre intervention, Madame, était consacré - à juste titre - au problème des institutions financières établies à Genève et, en particulier, au secteur, essentiel pour la compétitivité économique de ce canton, de la gestion de fortune. Il s'agit de la clientèle étrangère qui, si elle bénéficiait de mêmes prestations dans d'autres pays connaissant le régime de la TVA, n'y serait pas assujettie parce qu'il s'agit de prestations de services, en définitive, exportables. Nous devons trouver sur ce point un système particulier, parce que de telles activités sont, de toute évidence, particulièrement mobiles. Des diminutions de rentabilité entraîneraient des délocalisations qui seraient, en définitive, largement préjudiciables à la compétitivité économique de notre canton et, donc, à l'emploi. Nous avons fait une proposition technique spécifique au Conseil fédéral, sur le détail de laquelle il n'y a pas lieu d'entrer ici, et nous croyons savoir que cette proposition est actuellement étudiée. Nous espérons qu'elle sera prise en considération.
Cela est vrai également pour d'autres activités de services que sont les activités de conseil dans le domaine fiduciaire pour les avocats-conseils, etc. Il faut se rapprocher, s'agissant du régime de la TVA, du système que l'on connaît dans d'autres pays qui pratiquent ce type d'imposition.
Nous avons également attiré l'attention du Conseil fédéral sur la situation spécifique que Genève avait réussi à créer grâce, en particulier, à des décisions extrêmement importantes de votre parlement dans le domaine des grandes ventes aux enchères internationales. J'aimerais rappeler que le Parlement cantonal genevois a mis au point, à cet égard, une loi moderne qui a véritablement permis à Genève de se créer une place dans le domaine de la vente aux enchères. C'est dire que le régime de la TVA, en réalité, appliqué tel quel et sans discernement, créerait des surcoûts et des complications administratives. Cela provoquerait un jeu de perception dans un premier temps, puis de remboursement dans un deuxième temps, à partir du moment où ce qui aurait été acquis ici dans une vente aux enchères serait réexporté.
Vous savez que la situation des ports francs est particulièrement importante à cet égard. C'est une entreprise au capital de laquelle l'Etat est majoritaire, et nous y tenons. Vous savez qu'un certain nombre de valeurs viennent ici en régime de port franc pour les grandes ventes aux enchères, c'est-à-dire sous douane, et sont ensuite réexportées vers leur destinataire sans perception de droits de douane aucuns. Dans ce cas, la perception du système de la TVA non seulement ne rapporterait rien à la collectivité, puisque ce qui aurait été perçu devrait être remboursé, mais cela engendrerait des frais administratifs et de perception qui seraient insensés; en tout cas, ils ne correspondraient pas du tout à l'enjeu !
Nous tenons à défendre la place de Genève comme place de vente aux enchères. C'est très important pour l'activité qui en découle; je pense, en particulier, à l'activité hôtelière. Ce n'est pas la peine de faire un dessin, cela est évident !
Nous avons enfin attiré l'attention du Conseil fédéral sur la situation particulière de Genève en Suisse, en raison d'une proportion importante - et cela crée des emplois - de multinationales dans la structure de notre économie, qui nous font le privilège d'exercer leurs activités dans notre canton. Il faut bien comprendre que celles-ci sont organisées en réseau, et notre perception de leurs activités ne doit pas se faire sur la base d'une seule localisation, mais en fonction de l'ensemble du secteur couvert par leur réseau, qui est la plupart du temps mondial.
Il y a des activités dont l'essentiel consiste à rendre des services à l'intérieur du groupe, ce qui engendre des jeux de facturation effectivement complexes. Il faut être prudent sur ce point et tenter de trouver une solution qui - permettez-moi l'expression - n'est pas une solution de «prêt-à-porter», mais une solution «sur mesure», pour préserver la compétitivité des multinationales dans notre canton. Je rappelle qu'elles sont de très gros employeurs dans notre canton. Leurs emplois sont de bonne qualité, de bon niveau technique et technologique, qui demandent des niveaux de formation extrêmement intéressants. Les multinationales sont également des donneurs d'ordres pour la sous-traitance, pour les entreprises locales, ce qui est très important. Il faut donc se battre pour préserver leur compétitivité.
C'est dire que vos préoccupations sont les nôtres. Nous les avons exprimées au Conseil fédéral, non seulement dans le cadre de la réponse à la procédure de consultation à laquelle j'ai fait allusion, mais également par une série d'interventions directes. C'est dire également, Monsieur le président - cela pour éviter d'intervenir deux fois - que nous sommes pleinement d'accord avec le projet de résolution dont votre parlement se trouve saisi actuellement. En effet, il est important que, tous ensemble, nous puissions donner un signal politique; il en va de la compétitivité économique de notre canton.
Mme Anne Chevalley (L). Je remercie M. Maitre et le Conseil d'Etat. Me voilà rassurée sur ses intentions.
Cette interpellation est close.
- Considérant l'importance du secteur des services financiers pour l'économie suisse et plus particulièrement pour celle de notre canton et la large part qu'y occupent les prestations à la clientèle étrangère;
- sachant que le Département fédéral des finances a prévu, dans un projet d'ordonnance soumis à consultation et relatif à la taxe sur la valeur ajoutée, l'imposition des prestations de services fournies à des clients domiciliés à l'étranger;
- soucieux des conséquences néfastes qu'une telle réglementation ne manquerait pas d'avoir sur notre économie;
- très préoccupé par le niveau élevé du chômage en Suisse et plus particulièrement à Genève et par les menaces que représente ce projet d'ordonnance pour de très nombreuses places de travail,
LE GRAND CONSEIL,
invite instamment le Conseil fédéral à prévoir dans l'ordonnance définitive relative à la taxe sur la valeur ajoutée l'exonération complète des prestations de services fournies à un destinataire domicilié à l'étranger, sans distinction de l'utilisation commerciale, professionnelle ou privée de la prestation.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'importance économique des activités de services, que ce soit dans le secteur des conseils (avocats, fiduciaires, architectes, ingénieurs, etc.) ou financier (banques, assurances, etc.), est considérable en Suisse. Ces activités occupent plus de 380 000 personnes (13% du total des emplois) et produisent une valeur ajoutée de 52 milliards de F (environ 16% du PIB). Pour Genève, les chiffres sont encore plus éloquents: ces mêmes activités représentent 39 000 emplois (15,5% du total) pour une valeur ajoutée estimée à quelque 5,7 milliards de F, soit près du tiers de la valeur ajoutée totale réalisée dans le canton1. La majeure partie d'entre elles s'adresse à une clientèle étrangère.
Genève est en effet réputée pour son ouverture sur le monde et s'efforce d'attirer des investisseurs et une large clientèle de l'étranger. De nombreuses sociétés de services, telles que de grandes sociétés fiduciaires, se sont installées en Suisse et à Genève et y ont développé leurs activités compte tenu de l'attrait que représente pour elles notre pays et notre canton. La mesure proposée par le Département fédéral des finances serait catastrophique pour la Suisse et Genève car elle encouragerait la délocalisation de certaines de ces activités vers d'autres places situées à l'étranger avec pour conséquence de nombreuses suppressions d'emplois. Par ailleurs, les sociétés disposant de filiales à l'étranger ne manqueront pas de facturer leurs honoraires hors de nos frontières, avec pour effet une diminution de la masse des revenus imposables. L'histoire récente a amplement démontré qu'il ne faut en effet pas négliger le fort degré de mobilité de tout le secteur des services, un secteur qui, à Genève, offre près de 82% des emplois.
Il est de la plus haute importance de préserver la prospérité de notre pays et de notre canton et les places de travail qui en dépendent. C'est pourquoi il convient d'empêcher que la Suisse ne crée un handicap concurrentiel parrapport aux Etats européens (en particulier la France, le Royaume-Uni, le
Luxembourg et les Pays-bas) qui, eux, ne connaissent pas l'imposition des services à la clientèle domiciliée en dehors de l'Union européenne.
Pour ces raisons, vous voudrez bien accueillir favorablement, Mesdames et Messieurs les députés, la présente résolution.
Débat
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Vu l'interpellation qui vient de se dérouler et la réponse du Conseil d'Etat, il est inutile que je développe à nouveau le contenu de cette résolution. Ce d'autant plus que chacun de vous a pu prendre conscience, par la presse, de l'importance du sujet. Vous avez tous pu mesurer les dangers de maintenir, dans l'ordonnance mise en consultation, la disposition de soumettre à la TVA les prestations de services fournies à des clients domiciliés à l'étranger.
Je voudrais simplement rappeler que, lorsque Berne a décidé de maintenir coûte que coûte le droit de timbre, nos banques se sont empressées d'installer des filiales à Londres et au Luxembourg. C'est donc là qu'elles engagent des collaborateurs !
La mesure que Berne veut maintenir dans le cadre de la TVA, malgré de multiples démarches de tous les milieux concernés - M. Maitre vient de nous en donner la preuve - est encore bien pire, puisqu'elle touchera également les entreprises de prestations de services dont on connaît la facilité de mobilité. Combien aurons-nous de places de travail en moins ?
En votant cette résolution dans le but de soutenir le Conseil d'Etat dans ses démarches, ainsi que tous les milieux des sociétés de services soucieux de leur avenir et de maintenir l'emploi, nous voulons faire savoir au Conseil fédéral, et plus particulièrement à M. Otto Stich, que notre canton, plus que jamais, a pris conscience de la concurrence internationale et que, dans notre pays, un franc sur deux provient de notre activité à l'étranger. Berne met en danger nos sociétés de services en prenant des mesures politiques telles que celles souhaitées par le Département fédéral des finances. Ce dernier édicte des règles qui créent un handicap concurrentiel. En effet, et comme ma collègue, Mme Chevalley, l'a relevé, les grands pays de l'Europe communautaire pratiquent l'exonération de la clientèle privée domiciliée à l'étranger.
La TVA a été acceptée par le peuple dans le but de rendre l'économie suisse plus compétitive, mais pas pour la pénaliser, comme certains voudraient le faire aujourd'hui, par des décisions de technocrates qui oublient les réalités pratiques et économiques. Votons donc cette résolution, afin que Berne change son fusil d'épaule et pour qu'à Genève et en Suisse le bon sens triomphe !
M. Christian Grobet (AdG). Comme vous le savez, la TVA n'était par notre «tasse de thé», pour reprendre l'expression de certains ! Nous trouvons assez cocasse que ceux qui ont défendu avec beaucoup de vigueur l'instauration de cette nouvelle taxe la dénigrent aujourd'hui. La Chambre du commerce et de l'industrie semble être l'inspiratrice des intervenants de ce soir, s'agissant des mérites de la TVA. Au moment du vote sur cette taxe, certains avaient déjà mis en évidence que celle-ci risquait de poser un certain nombre de problèmes. Permettez-moi de vous dire que les problèmes seront autrement plus graves pour toute une série de petits artisans et de petites entreprises que pour les grandes banques de ce pays !
Cela étant dit, il ne s'agit pas non plus de sous-estimer les effets nuisibles que pourrait engendrer la TVA. Il faut pour cela être bien informés de la situation exacte. Je dois dire honnêtement que notre groupe est un peu pris de court face à une résolution qui a été déposée hier soir seulement et qui affirme un certain nombre de choses, qui ne sont du reste pas tout à fait celles que vous venez d'exprimer, Monsieur Gardiol ! Je ne suis pas d'accord avec les explications que vous donnez, s'agissant de l'exposé des motifs. Vous avez indiqué que certains grands pays ne soumettaient pas leurs prestations aux personnes domiciliées à l'étranger. Or, l'exposé des motifs indique que certains pays ne soumettent pas à la TVA les prestations pour des personnes domiciliées hors de l'Union européenne. C'est tout à fait différent et cela a son importance !
Sur le plan international, on sait que ce qui est important c'est la réciprocité. Il faut donc bien connaître la situation des pays qui nous entourent et obtenir davantage de précisions à cet égard, cela d'autant plus que la résolution va très loin, puisqu'elle va jusqu'à demander l'exonération complète des prestations de services fournies à un destinataire domicilié à l'étranger. Est-ce pour réintroduire par la petite porte l'exonération de la TVA, par exemple pour les personnes qui séjournent à l'hôtel ? Le texte n'est pas d'une clarté limpide à cet égard.
Une voix. Stich l'a prévu !
M. Christian Grobet. Il l'a prévu, mais il semble qu'il a prévu d'autres choses que vous contestez ! Je dis simplement que cette formule est très générale et qu'elle n'est pas d'une clarté toute limpide !
En tout état de cause, je suis assez réservé de voir que l'on cite principalement l'activité des banques, alors que ce sont les entreprises qui, actuellement en Suisse, dégagent les plus gros bénéfices. J'ai été frappé, au début de l'année, de constater l'importance de ces bénéfices. Je le répète, la TVA va frapper beaucoup plus durement les petits artisans et les petites entreprises.
Quant à la fuite de certains clients des banques, je crois que la comparaison avec le droit de timbre n'est pas un bon exemple. En effet, les titres peuvent facilement être achetés à l'étranger. Quant à savoir si les étrangers, qui font appel - on sait pour quelle raison en général - aux services des banques suisses, souhaiteraient que leurs dossiers soient traités à l'étranger, j'ai quelques doutes à cet égard ! C'est possible, mais je ne pense pas que la fuite de la clientèle sera aussi importante qu'on veut bien le dire.
C'est la raison pour laquelle il nous semblerait plus sage de renvoyer cette résolution en commission, pour obtenir des explications plus précises sur le régime appliqué par les pays voisins.
M. Andreas Saurer (Ve). Cette résolution me surprend et votre argumentation encore davantage. En effet, tout à l'heure vous nous avez expliqué que, s'agissant d'une affaire fédérale, nous n'avions pas à nous en occuper. Votre démarche, bien sûr, ne peut être qualifiée de : «deux poids et deux mesures»; elle est bien davantage le reflet de la mobilité de votre esprit pour interpréter... (Rires.) ...la complexité de la réalité, et du fait qu'il ne faut pas avancer avec des principes rigides !
M. Michel Balestra. L'intelligence, c'est la capacité d'adaptation ! (Rires.)
M. Andreas Saurer. Exactement, Monsieur Balestra ! Je pense que c'est ce qui fait que vous savez modeler les principes à votre guise !
Cela dit, nous, les écologistes, pensons que vous soulevez un réel problème. Nous ne sommes pas des spécialistes en la matière, mais nous admettons que cette mesure peut engendrer des problèmes touchant l'emploi. Dans ce sens nous sommes tout à fait d'accord d'entrer en matière.
Cependant, le libellé de cette résolution pose le problème du manque à gagner pour la Confédération. En me basant sur les chiffres que vous avancez, soit 5,7 milliards pour la valeur ajoutée dont la majeure partie concerne des personnes à l'étranger, je me rends compte que votre résolution implique un manque à gagner important pour la Confédération. Il suffit de calculer la TVA sur ce montant. Pour les seules données genevoises, cela fait environ 260 millions. Nous ne sommes pas d'accord de mener une politique des caisses vides. Cette proposition ne concerne pas uniquement Genève, mais toute la Suisse; elle entraîne un manque à gagner qui peut atteindre pratiquement un milliard pour la Confédération.
Nous sommes donc d'accord d'entrer en matière; nous serions même d'accord de voter une exonération dans ce sens, mais à condition de trouver une compensation. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que cette résolution soit renvoyée en commission, pour discuter non seulement de votre proposition qui nous semble intéressante en soi, mais aussi de ses conséquences sur le plan financier et fiscal pour la Confédération.
M. Jean-Luc Ducret (PDC). J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'interpellation développée par Mme Chevalley et la réponse de M. Jean-Philippe Maitre.
A les entendre, notre projet de résolution est incomplet. En effet, il néglige le problème des importations temporaires de marchandises. Je vous propose, contrairement à mon préopinant, que nous débattions tout de suite de cette résolution pour l'adopter rapidement. En effet, il y a urgence. Vous savez que le projet de l'ordonnance est quasiment prêt. Elle devrait être publiée à la fin du mois de mai. Je vous propose donc l'amendement suivant :
«Invite instamment le Conseil fédéral à prendre en considération les problèmes spécifiques des entreprises procédant à des importations temporaires pour éviter de les pénaliser par le prélèvement de la taxe sur la valeur ajoutée à l'entrée de la marchandise en Suisse.»
Mme Claire Torracinta-Pache. Inutile, inutile !
M. Jean-Luc Ducret. Je dépose donc, Monsieur le président, cette demande d'amendement sur votre bureau.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Il n'est pas dans nos intentions de vouloir nier l'aspect de handicap concurrentiel qu'engendrerait une taxe à la valeur ajoutée pour la clientèle étrangère privée des services. Cette dernière partira où les banques mèneront leurs opérations de l'étranger. Il n'est pas non plus dans nos intentions de contester l'importance, en particulier à Genève, pour les secteurs d'activités concernés de cette clientèle. Vous l'avez mis en évidence dans vos différentes interventions; je n'y reviendrai donc pas.
L'importance économique des activités de services et le risque d'un départ des contribuables étrangers touchés par la TVA étant posés, nous aimerions tout de même savoir ce que les banques et les assurances sont prêtes à payer pour supporter une part équitable des charges de la collectivité, compte tenu des bénéfices considérables qu'elles réalisent. L'exonération complète des prestations de services fournies à leur clientèle domiciliée à l'étranger doit être considérée comme un privilège qui survient après la modification du droit de timbre en leur faveur. Cette attitude bienveillante n'est à notre avis pas acceptable si d'autres instruments fiscaux ne sont pas mis en place.
L'impôt sur le bénéfice net des personnes morales est traité par l'article 73 de la loi sur les contributions publiques. L'impôt sur le bénéfice net est, pour un bénéfice donné, inversement proportionnel au capital versé augmenté des réserves avec des valeurs plafond et plancher, avec pour conséquence dans les faits - selon une étude effectuée en 1989 par l'administration fiscale cantonale - que le taux moyen d'imposition pour les banques est de 6,8%, qu'aucune banque n'atteint le taux d'imposition maximum et 40% d'entre elles ont un taux inférieur à 6%. En ce qui concerne les institutions d'assurance, le taux moyen de base de l'imposition est de 6,3%; aucune n'est taxée au taux maximum de 15% et 60% d'entre elles ont un taux d'imposition de base inférieur à 6%.
Un projet de loi a été déposé par M. Robert Baud et Mme Christine Sayegh en novembre 1992. Il demandait deux choses : relever le taux plancher du taux de l'impôt sur le bénéfice net des sociétés de 4 à 6% et diminuer la valeur plafond de ces mêmes taux de 15 à 14%. La proposition de modification des taux plancher et plafond que nous avons faite aurait pour conséquence d'encourager les petites et moyennes entreprises performantes, dont les fonds propres sont modestes, mais dont le taux de rentabilité est élevé. Elle aurait aussi pour conséquence de permettre à l'Etat d'enregistrer des recettes supplémentaires sans courir le risque d'un départ des contribuables touchés par ces mesures tels que les banques, les compagnies d'assurance et les sociétés immobilières.
En conclusion, notre approbation de la résolution 271 est liée à l'acceptation de la proposition contenue dans le projet de loi 6918, c'est-à-dire à la modification des taux plancher et plafond d'imposition sur le bénéfice des personnes morales. Aussi, nous souhaitons le renvoi de cette proposition de résolution en commission fiscale, le temps d'approuver le projet de loi et de revenir en plénière avec un rapport conjoint sur le projet de loi et sur la résolution. Accorder des privilèges fiscaux aux banques nous paraît choquant aujourd'hui si d'autres mesures fiscales ne sont pas mises en place pour qu'elles supportent leur part des charges de la collectivité.
M. Jean Spielmann (AdG). C'est un problème important qui dépasse en soi les limites même des propositions et de l'imposition en question. Il s'agit en fait de l'ensemble de la politique conduite au niveau fiscal que ce soit au plan fédéral ou cantonal.
Il est important de rappeler que la politique fiscale est un instrument qui permet de modeler une partie de notre politique économique. Je vous rappelle que depuis des années nous intervenons dans ce parlement et nous demandons avec insistance au Conseil d'Etat d'agir pour maintenir, dans la mesure du possible, une activité diversifiée et de réagir contre le démantèlement et le bradage d'une bonne partie des activités secondaires, car nous sommes conscients qu'un pays qui n'a plus rien à vendre est tributaire de ce que les autres voudront bien lui donner à gérer. Par conséquent, il devient tributaire des fluctuations conjoncturelles, ce qui ne lui permet pas de déterminer son avenir par lui-même.
Aujourd'hui, après des années de démantèlement - on vient d'en subir les effets ces derniers temps - on constate que notre activité est plus sujette aux fluctuations conjoncturelles et donc beaucoup plus fragile. Les lois fiscales mises en place sont une autre réalité, comme la politique impulsée par les milieux libéraux au niveau cantonal ou au niveau fédéral. Depuis quelque temps, la tendance est résolument aux transferts de charges. Ce sont des taxes directes sur les personnes qui ne tiennent pas compte de leur capacité contributive.
Des opérations importantes ont été conduites, qui ont vidé les caisses de la Confédération. Je pense notamment à l'exonération du droit de timbre estimée à 500 millions de francs; c'est un manque à gagner pour la Confédération. Dès la mise en place de la TVA, nous avions dénoncé toute une série de dispositions. En effet, il faut savoir que l'ordonnance d'application, qui sera promulguée le 4 mai par le Conseil fédéral, résulte en fait d'une loi que vous avez votée vous-mêmes, vous, Messieurs des bancs d'en face. A ce moment-là vous avez accepté totalement les différentes applications de cette loi, alors que nous étions intervenus dès le départ.
Nous avons demandé au peuple de refuser la TVA, non parce que nous étions dogmatiquement contre toute forme de TVA, mais parce que la loi ne nous semblait pas une bonne loi. Nous souhaitions une application de la TVA qui tienne compte des réalités économiques et des critères qui sont ceux de la plupart des pays de la Communauté européenne, je veux parler des taux différenciés entre les types d'activités. Vous n'avez rien voulu de tout cela, vous avez fait voter par le peuple une loi dont vous connaissiez les conséquences. Vous saviez, par exemple, que les services dont nous parlons seraient imposés. Vous saviez aussi - et vous saurez demain encore davantage - les conséquences de l'application de cette TVA sur les prestations des services publics, notamment en matière de transports. Toute une série de distorsions importantes apparaissent, qu'on connaissait déjà avant même le débat et l'application de cette loi. Au moment où on parle de relance, on va demander à la population un impôt sur la consommation qui vient - je l'ai dit à plusieurs reprises - au plus mauvais moment.
Cela touche des secteurs qui sont déjà gravement pénalisés, je pense notamment à ceux qui ont réalisé d'importants investissements, non pas à l'extérieur pour exporter des places de travail mais dans notre pays. Ils sont pénalisés à double titre, parce qu'ils payent aujourd'hui les amortissements des investissements consentis - qui payent donc en partie l'ICHA - et qu'ils seront, demain encore, imposés au titre de la TVA. Un problème a été soulevé par un des intervenants, c'est celui de la modification dans l'application du prélèvement des investissements. Vous connaissiez tous les problèmes engendrés par cette loi, vous avez néanmoins demandé au peuple de l'approuver. (Oohh de réprobation.) Aujourd'hui, vous proposez de la corriger !
Cette loi - je le rappelle - modifiait fondamentalement l'imposition de notre pays en proposant de prélever 2 milliards de francs sur la consommation intérieure en exonérant ces 2 milliards qui étaient payés par les exportations au titre de la taxe occulte. Vous voudriez doubler ce transfert de charges des entreprises sur le consommateur lui-même. Après avoir fait approuver la TVA au taux le plus réduit, vous voudriez maintenant enlever une bonne partie de la substance de ces recettes sur une série d'activités qui sont, pour la plupart, des activités parasitaires et spéculatives qui ne font pas honneur à notre pays. Ces activités ne font que ternir l'image de notre pays dans le monde entier. (Brouhaha. Manifestation sur les bancs de la droite.) D'un point de vue moral, nous devons réprouver cette position. Cela démontre une fois de plus au service de qui vous êtes sur ces bancs !
Une voix. Sur quels bancs ?
M. Jean Spielmann. Vous voulez soustraire certaines activités à la TVA, alors que vous l'aviez fait approuver par le peuple. On voit bien quels sont les intérêts que vous défendez ! Fait plus grave : ces mesures sont doublées d'une proposition de supprimer l'impôt fédéral direct soutenu par les milieux libéraux. Cette proposition fiscale va faire perdre à la Confédération 9 milliards de recettes sur un total de 36 milliards; c'est un quart des recettes fiscales qui vont disparaître !
Une voix. Blablabla !
M. Jean Spielmann. Quelle proposition faites-vous en échange de cette suppression ? Dans l'article 2 de cette initiative, vous proposez qu'on le fasse par l'imposition de taux de TVA dont on fixe le maximum dans la constitution. Tout cela est déjà fait. Il n'y a pas de contrepartie. Vous videz les caisses de la Confédération ! Vous conduisez une politique de régression sociale ! Vous défendez les intérêts des plus nantis de cette société et de ceux qui profitent de la spéculation ! Nous dénonçons cet état de choses et j'espère que vous recevrez un désaveu de la part de Berne ! J'espère que vos amis passeront aussi «à la caisse» suite à la loi que vous avez fait voter par le peuple !
Une voix. Comme toi !
M. Roger Beer (R). Je vais essayer de m'en tenir au règlement et ne pas utiliser les dix minutes qui me sont imparties. Suite à tous ces brillants discours très complexes, je vais essayer d'être plus terre à terre. (Aahh de satisfaction.)
Ce soir, les radicaux se sentent assez solidaires de M. Saurer. (Aahh !) Nous aussi sommes assez sensibles au problème de l'emploi, et nous tenons à ce que Genève soit toujours attractive dans ce domaine. Nous divergeons de M. Saurer parce que l'emploi nous préoccupe depuis bien avant 1994. En 1989 déjà nous en avions le souci. Après l'intervention de Mme Chevalley et l'excellente réponse de M. Jean-Philippe Maitre, je crois que le bien-fondé de notre résolution est assez clair. Nous sommes préoccupés par les emplois qui seraient susceptibles de se déplacer à l'étranger. Comme M. Spielmann l'a dit, il y a urgence, car le Conseil fédéral devra prendre une décision le 4 mai prochain.
Pour cette simple raison - je rejoins l'avis de mon préopinant qui a été extrêmement long, mais sûrement très brillant ! - il me semble que nous devons très rapidement voter cette résolution et la renvoyer directement au Conseil fédéral.
M. Michel Balestra (L). Quel est l'objectif de la TVA que nous avons votée ? Instaurer un impôt de consommation, c'est-à-dire un impôt plus juste. (Grands rires.) Quoi de plus juste qu'un impôt à la consommation, puisque plus on a d'argent, plus on dépense, donc plus on paye d'impôts. (Brouhaha et confusion.) Je ne connais pas d'impôt plus juste que l'impôt à la consommation !
M. Jean Spielmann. Démagogue !
M. Michel Balestra. En plus de cela, nous devions absolument favoriser nos exportations industrielles et nos activités de services, puisque l'ancienne taxation, soit l'ICHA, engendrait des taxes occultes. Notre industrie était alors pénalisée par rapport aux autres entreprises européennes. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour comprendre que, dans un pays comme le nôtre où les services sont notre principale activité, les services rendus à une clientèle extérieure sont aussi importants et comparables à la production de machines à l'intérieur du pays puis exportées. Ces activités créent des postes de travail chez nous pour assurer des prestations à l'extérieur. Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre le risque de pénaliser cette «industrie» des services qui est l'essentiel de notre activité helvétique.
M. Jean Spielmann. Pourquoi avez-vous voté la TVA ?
M. Michel Balestra. Pourquoi ? Je vais vous le répéter encore une fois, Monsieur Spielmann ! Parce que c'est un impôt sur la consommation ! Il est donc plus juste. En plus, ce mode de faire met nos entreprises à égalité avec nos concurrents, ce qui les rend compétitives. Monsieur Spielmann, vous devriez savoir qu'il faut être compétitif pour assurer le plein-emploi ! La période est difficile pour toutes les entreprises.
M. Jean Spielmann. Sauf pour les banques !
M. Michel Balestra. Le slogan de l'Entente est : agir ensemble pour l'emploi. Nous vous proposons ce soir de vous joindre à nous pour agir ensemble en faveur de l'emploi. Dans ce combat pour plus de justice et pour une meilleure intégration - Monsieur Spielmann, vous ne m'enlèverez pas de la tête que la plus cruelle des injustices sociales c'est le chômage et que toute lutte comme celle que vous menez aujourd'hui aura pour résultat de l'augmenter, ce qui est profondément injuste - je vous invite donc à nous rejoindre pour lutter pour le plein-emploi et pour l'intégration, au-delà de toute lutte partisane. (M. Balestra parle très fort et avec passion pour se faire entendre au milieu du brouhaha.) Votons cette résolution ensemble pour le plein-emploi ! Pour que les Genevois sachent qui est pour la création d'emplois et qui ne l'est pas, je demande l'appel nominal sur cette résolution. (Appuyé.)
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Bernard Clerc (AdG). Essayons de replacer ce débat sur la TVA dans son contexte. Le taux de TVA en Suisse est de 6,5%, le plus bas avant le Japon qui est à 3%. Ceux des pays européens sont largement supérieurs. Le Luxembourg, par exemple, a un taux de 15%. C'est un exemple parmi d'autres.
Mon ami Christian Grobet a dit que cette résolution était inspirée par la Chambre du commerce et de l'industrie. Cher Christian, je suis désolé, mais je crois que tu te trompes ! (Oohh !)
Une voix de droite. Christian Grobet ne se trompe jamais !
M. Bernard Clerc. Ce projet est plutôt inspiré par le Groupement des banquiers privés genevois, qui l'annonçait très clairement dans son numéro de février. Le seul problème est que cette résolution ne reprend pas tous les éléments qui figurent ici. Pourquoi ? Je vais vous le dire ! Parce que dans son numéro de février, on peut lire, je cite : «...en ce qui concerne l'imposition des activités de services, à moins que les clients démontrent qu'elles servent à une exploitation professionnelle ou commerciale à l'étranger.». Voilà où est le problème ! Vous voulez exonérer non pas les activités de services utiles commercialement ou industriellement mais les activités de services purement spéculatives. Mon collègue Jean Spielmann a parfaitement raison !
Lors de la campagne sur la TVA, la Société de Banque Suisse nous disait, je cite : «De surcroît, la TVA, prélevée sur les biens, les services s'inspirant du même système que celui en vigueur dans les autres pays industrialisés, n'aura aucune incidence sur la concurrence et serait, si besoin était, eurocompatible.». Alors, expliquez-moi ce qu'on a dit en octobre 1993, avant la votation, et ce qu'on affirme aujourd'hui à travers cette résolution. Vous n'êtes pas sérieux ! Ce que vous cherchez à protéger, ce sont les activités purement spéculatives qui sévissent dans ce canton ! (M. Clerc hausse le ton pour se faire entendre dans le brouhaha.) Ces activités spéculatives ne nous intéressent pas, même du point de vue de l'emploi ! Le trafic de drogue crée aussi des emplois. Eh bien, le trafic de drogue ne nous intéresse pas ! (M. Clerc crie presque, emporté par son discours.) Le commerce d'armes crée aussi des emplois, mais il ne nous intéresse pas ! Vos activités spéculatives ne nous intéressent pas non plus ! (Bravos et applaudissements de la gauche.)
M. Pierre Kunz (R). Pour abréger quelque peu ce débat...
Une voix. Tu prends des risques !
M. Pierre Kunz. ...j'aimerais faire remarquer à mes amis sur les bancs de la droite, à M. Balestra en particulier, que manifestement, ce soir, nous ne pourrons pas convaincre nos collègues de l'extrême-gauche du bien-fondé de cette résolution. Pourquoi ? Parce que, pour les convaincre, il faudrait qu'ils aient un minimum de connaissance du fonctionnement de l'économie ! (Réactions de la gauche.) (M. Kunz hausse le ton.) Il faudrait qu'ils connaissent au moins la différence entre un service et un produit ! Il faudrait qu'ils sachent comment les services fonctionnent, quel est leur apport dans une économie et de quelle manière ces services contribuent à la richesse collective aussi bien que les produits industriels. Manifestement, c'est impossible ! Aussi, je vous propose de renoncer à ce débat stupide, car il ne mène à rien !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Permettez-moi de revenir sur deux points qui ont fait l'objet de ce débat assez passionné. (Rires.) Je n'ai pas dit passionnant, mais passionné !
Le premier concerne l'intervention de M. Spielmann, à propos notamment de l'industrie et de la nécessité de se battre pour garder dans notre pays un secteur de production qui demeure performant. En effet, un pays - cela pour des raisons strictement économiques - qui ne parvient pas à exporter ce qu'il a produit a une balance des paiements absolument désastreuse à terme. Cela conduit à une forme de volatilité. C'est vrai que nous devons tous nous battre pour sauvegarder l'industrie.
Nous avons un certain nombre de handicaps dans notre pays à cet égard, et nous devons les surmonter. Précisément, Monsieur Spielmann, l'un des handicaps dont souffrait l'industrie était le fameux problème de la taxe occulte qui grevait un certain nombre d'investissements industriels. C'est une des raisons pour lesquelles je me suis mobilisé en faveur de la TVA, car j'ai estimé que c'était un des instruments de survie de notre industrie dans le contexte de nos conditions-cadres. Alors, au-delà des invectives, je crois que si nous pouvons nous mettre d'accord sur le fait que la TVA est vraiment favorable à l'industrie, cela serait déjà tout ça d'acquis.
Le deuxième problème est - je l'ai dit à propos de l'industrie - que notre pays souffre d'un certain nombre de handicaps de coûts, de taille, mais surtout du manque de matière première. Cela n'est pas facile pour l'industrie. De cette manière, logiquement, les services prennent une place grandissante, compte tenu du haut niveau de formation et du haut niveau de vie que nous avons dans notre pays. Tous les pays dont le niveau de vie s'élève ont un transfert de leur industrie vers les activités de services. Le problème qui nous est posé est le suivant : les services, par définition, représentent une activité qui pourrait être pour un pays, sur le plan macro-économique, plus vulnérable que l'industrie parce qu'ils sont mobiles. Notre devoir à tous est de sauvegarder les conditions qui permettent non seulement aux services qui s'expriment dans notre pays de se maintenir, mais mieux encore qui leur permettent, à partir d'entités suisses à l'étranger, d'être rapatriés en Suisse.
C'est le problème de l'activité bancaire. Nous avons actuellement, effectivement, des banques qui réalisent de très confortables bénéfices; c'est un euphémisme ! Nous sommes d'accord. Non seulement, je ne m'en plains pas, mais je m'en réjouis. Le problème est que ces bénéfices - cela se vérifie en particulier pour les grands établissements bancaires - sont réalisés pour l'essentiel à l'étranger. A partir de là, notre responsabilité politique est de créer ou d'améliorer les conditions-cadres pour que ces activités, qui dégagent pour nos banques des bénéfices à l'étranger, soient rapatriées en Suisse.
Je réponds à M. Grobet. Si nous ne nous alignons pas sur les pays européens en matière de TVA, nous n'avons aucune chance de rapatrier dans notre pays les activités bancaires que nous avons déjà toutes les difficultés à maintenir compte tenu d'un certain nombre de distorsions qui sont liées notamment au droit de timbre, etc. Notre devoir est de créer les conditions qui permettent à des activités qui dégagent effectivement des profits de continuer à les dégager, mais si possible dans notre pays et pas à l'étranger. Cela tombe sous le sens !
Dans ce contexte, je regrette qu'on ait qualifié l'activité de gestion de fortune de «parasitaire» ou «spéculative». Qu'il me soit simplement permis de dire - je pense que cela intéressera la gauche - que la gestion de fortune privée genevoise s'est développée en particulier dans le domaine de la gestion des grands fonds de pension, domaine dans lequel ses performances sont mondialement reconnues. En d'autres termes, vous devez savoir que de très grands fonds de pension dans le monde, c'est-à-dire l'argent des travailleurs, sont gérés dans ce canton grâce aux performances de la banque privée genevoise. C'est important et je doute que ce soit spéculatif.
Il faut donc se retrousser les manches pour permettre le maintien des conditions-cadres permettant à cette économie de se développer, pour créer des emplois et financer une politique sociale digne de ce nom dans ce pays. (Applaudissements.)
Mise aux voix, la proposition de renvoi de cette résolution en commission est rejetée.
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Ducret consistant à ajouter une seconde invite que je vous relis :
«à prendre en considération les problèmes spécifiques des entreprises procédant à des importations temporaires pour éviter de les pénaliser par le prélèvement de la taxe sur la valeur ajoutée à l'entrée de la marchandise en Suisse.»
Mis aux voix, l'amendement est adopté.
Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui approuvent la résolution ainsi amendée répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.
Mise aux voix, la résolution ainsi amendée est adoptée par 48 oui contre 41 non et une abstention.
(Applaudissements.)
Ont voté oui (48) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Claude Basset (L)
Roger Beer (R)
Dominique Belli (R)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Anne Chevalley (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
Jean-Luc Ducret (DC)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Bénédict Fontanet (DC)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Jean-Claude Genecand (DC)
Henri Gougler (L)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Kunz (R)
Claude Lacour (L)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Michèle Mascherpa (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Jean Opériol (DC)
Barbara Polla (L)
David Revaclier (R)
Martine Roset (DC)
Françoise Saudan (R)
Micheline Spoerri (L)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Nicolas Von der Weid (L)
Michèle Wavre (R)
Ont voté non (41) :
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Jacques Boesch (AG)
Anne Briol (E)
Fabienne Bugnon (E)
Micheline Calmy-Rey (S)
Claire Chalut (AG)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Sylvie Châtelain (S)
Bernard Clerc (AG)
Jean-François Courvoisier (S)
Anita Cuénod (AG)
Marlène Dupraz (AG)
Laurette Dupuis (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Luc Gilly (AG)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Christian Grobet (AG)
Dominique Hausser (S)
Sylvie Hottelier (AG)
Liliane Johner (AG)
René Longet (S)
Jean-Pierre Lyon (AG)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)
Liliane Maury Pasquier (S)
Pierre Meyll (AG)
Laurent Moutinot (S)
Chaïm Nissim (E)
Danielle Oppliger (AG)
Laurent Rebeaud (E)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Maria Roth-Bernasconi (S)
Andreas Saurer (E)
Christine Sayegh (S)
Max Schneider (E)
Jean Spielmann (AG)
Evelyne Strubin (AG)
Claire Torracinta-Pache (S)
Pierre Vanek (AG)
S'est abstenu (1) :
Philippe Schaller (DC)
Etaient excusés à la séance (4) :
Erica Deuber-Pauli (AG)
Catherine Fatio (L)
Alain Mauris (L)
Jean Montessuit (DC)
Etaient absents au moment du vote (5) :
Philippe de Tolédo (R)
Pierre Froidevaux (R)
Claude Howald (L)
Sylvia Leuenberger (E)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Présidence :
M. Hervé Burdet, président.
La résolution est ainsi conçue:
RÉSOLUTION
concernant la proposition du Département fédéral des finances de soumettre à la TVA les prestations de services fournies à des clients domiciliés à l'étranger
- Considérant l'importance du secteur des services financiers pour l'économie suisse et plus particulièrement pour celle de notre canton et la large part qu'y occupent les prestations à la clientèle étrangère;
- sachant que le Département fédéral des finances a prévu, dans un projet d'ordonnance soumis à consultation et relatif à la taxe sur la valeur ajoutée, l'imposition des prestations de services fournies à des clients domciliés à l'étranger;
- soucieux des conséquences néfastes qu'une telle réglementation ne manquerait pas d'avoir sur notre économie;
- très préoccupé par le niveau élevé du chômage en Suisse et plus particulièrement à Genève et par les menaces que représente ce projet d'ordonnance pour de très nombreuses places de travail,
LE GRAND CONSEIL,
invite instamment le Conseil fédéral:
a) à prévoir dans l'ordonnance définitive à la taxe sur la valeur ajoutée l'exonération complète des prestations de services fournies à un destinataire domicilié à l'étranger; sans distinction de l'utilisation commerciale, professionnelle ou privée de la prestation;
b) à prendre en considération les problèmes spécifiques des entreprises procédant à des importations temporaires pour éviter de les pénaliser par le prélèvement de la taxe sur la valeur ajoutée à l'entrée de la marchandise en Suisse.
M. René Longet (S). La situation de l'économie genevoise, nous le savons, est très sensible, et cela depuis longtemps, aux fluctuations. La fragilité de notre économie était déjà une constante dans les années 70 et je vous rappelle qu'à l'époque les partis de gauche avaient tiré la sonnette d'alarme par une motion qui aura fait date, puisqu'elle a donné lieu à une étude importante. Je veux parler de la motion Schmid-Magnin. Les partis de gauche et le parti socialiste en particulier ont constamment réclamé une politique structurelle et conjoncturelle ferme. Les années 80 ensuite nous ont fait connaître une tornade spéculative qui a fait oublier, par une apparente embellie, la nécessité de l'action, mais qui, en fait, a encore davantage fragilisé notre tissu économique. Ceux qui se préoccupaient de stabilisation, à cette époque, avaient été accusés un peu légèrement de malthusianisme, puisque nous voulions freiner ce qui, à l'époque, était de l'excès. En fait, on s'aperçoit aujourd'hui que ces oscillations sont les deux faces d'une même médaille, sans oublier que durant ces années il y a eu prévalence notoire et grave de l'économie spéculative sur l'économie productive.
Nous affirmons ici très clairement que la finance doit servir la production et non l'inverse. Tout récemment, les patrons genevois de la métallurgie ne disaient rien d'autre. Enfin, nous voyons à travers les hauts et les bas de ces vingt dernières années une tendance lourde, à savoir qu'une activité de tradition à laquelle nous tenons - je veux parler du secteur secondaire - malgré un combat de tous les jours de ceux qui y travaillent, de ceux qui y exercent des responsabilités, diminue semble-t-il inexorablement. Or, nous voulons qu'il subsiste dans ce canton des activités de production et pas seulement des activités de gestion. D'ailleurs, la défense de la zone agricole et de l'industrie s'explique pour ces motifs. Le problème clé est celui du financement, tout particulièrement dans le secteur des PME qui forment 80% de notre tissu économique. On nous parle des taux préférentiels, de l'aide à l'amortissement des dettes, du capital-risques et d'un interface efficace et léger entre crédits, recherche et production.
Enfin, nous constatons - ce n'est pas la moindre des choses et les contacts qui ont été noués lors des récentes visites d'entreprises organisées par la Chambre du commerce nous le confirment - qu'on exagère largement dans les discours la question des conditions-cadres soi-disant défavorables dans notre canton. Nous affirmons que, compte tenu des prestations offertes en termes de capacité, de savoir-faire, de fidélité, de dévouement à l'entreprise, le coût salarial n'a rien d'exagéré. Au contraire, les salariés subissent des inégalités croissantes, les écarts se creusent et nous aimerions affirmer le lien intrinsèque et indissoluble entre politique économique et politique sociale. D'ailleurs, de nombreux économistes dans le monde entier nous rappellent qu'il n'y a rien de plus déstabilisant psychologiquement et de plus démobilisant économiquement en termes de débouchés que la pression sur les salaires.
A partir des grands traits que j'ai esquissés ici, j'aimerais poser cinq questions au Conseil d'Etat.
1) A notre avis, la politique économique du canton doit être fondée sur des objectifs clairs tels que la diversification, une analyse de nos forces et de nos faiblesses, le maintien d'un secteur productif agricole et industriel, un équilibre entre le marché local et régional et le marché lointain, un équilibre entre petites et grandes entreprises.
Je m'adresse donc au Conseil d'Etat : Etes-vous d'accord de définir clairement les objectifs de la politique économique cantonale et de les inscrire dans la loi ? Nous estimons que nous avons besoin d'une référence, d'un critère d'action. Aussi nous souhaitons que des objectifs de ce type figurent clairement dans la loi.
2) La politique économique se décline en fonction d'un but et offre une palette de moyens. Nous avons dans ce Grand Conseil discuté, défini, adopté des plans cantonaux dans le domaine des transports, de l'énergie, de l'aménagement du territoire, voire des déchets. Or, il n'y a rien de tel en matière économique. Aussi, nous affirmons que faire de la politique c'est définir des orientation, dire ce que l'on veut, ce que l'on estime juste, et avoir des images directrices.
Alors, à quand un concept cantonal de la politique économique présenté à ce Grand Conseil, discuté et approuvé par ce Grand Conseil, servant, lui aussi, de référence claire ?
3) Il y a pour nous un lien indissociable entre politique économique et politique sociale. La promotion économique et la promotion de l'équilibre social vont de pair.
Le Conseil d'Etat est-il d'accord, sur cette base, de faire tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser la conclusion de conventions collectives dans les branches qui en sont dépourvues, la négociation entre partenaires sociaux quand cela est difficile, la reconnaissance de l'action syndicale dans les entreprises, et de manière générale de s'engager, de manifester le souci, de réduire la répartition des revenus qui s'ouvre actuellement de manière dangereuse ?
Partage-t-il de manière générale l'opinion qu'il y a un lien intrinsèque entre promotion économique et équilibre social, l'un n'allant pas sans l'autre ?
4) Dans le rapport du Conseil d'Etat sur sa politique économique, le dernier qui ait été transmis au Grand Conseil en 1989, de nombreuses ébauches et amorces prometteuses sont annoncées, notamment en faveur des deux cibles qui nous paraissent particulièrement importantes : secteur industriel d'une part, PME d'autre part.
Le Conseil d'Etat est-il en mesure de nous faire le bilan de ce qui a été entrepris depuis sur ces deux cibles précises en reprenant les différentes pistes esquissées alors ? Est-il prêt, notamment, à intervenir auprès des établissements bancaires - Monsieur Maitre, vous avez parlé tout à l'heure de la situation florissante de ces établissements - pour qu'ils pratiquent une politique de soutien beaucoup plus active en direction des entreprises créatives, des entreprises du secteur industriel et des PME en particulier, puisque c'est l'un des problèmes majeurs ? Nous aimerions donc savoir ce que ce programme est devenu depuis cinq ans qu'il a été établi.
5) Enfin, en un mot comme en cent, vous l'aurez compris, nous sommes pour une politique économique volontariste, comme la pratiquent tous les pays qui nous entourent. Quelle est l'attitude du Conseil d'Etat, de manière générale, face aux propositions ou à la politique fédérale en matière de programmes conjoncturel et structurel ?
Vous le savez - le débat autour du renouvellement de l'arrêté Bonny l'a montré - il y a un enjeu politique très fort à cet égard à Berne. Un certain nombre de milieux, qui plaident la dérégulation à tout crin, voudraient que le Département fédéral de l'économie publique et le Conseil fédéral baissent les bras et laissent simplement aller la conjoncture. Il est important de savoir ce que le Conseil d'Etat répond et entend répondre à Berne pour qu'une politique structurelle et conjoncturelle digne de ce nom soit soutenue, développée et maintenue.
De manière plus concrète, quelle est l'attitude du Conseil d'Etat face aux programmes d'impulsion fédéraux qui sont une des clés d'une politique favorable à la relance économique telle que nous la souhaitons ?
Enfin, je pose ma dernière question, qui n'est pas la moindre. En effet, ce sera peut-être dans ce cadre que vous pourrez me répondre, Monsieur Maitre.
Quelle est la réponse et quand y aura-t-il une réponse aux deux motions qui ont été initiées l'année dernière par le groupe socialiste, et qui ont été votées par ce Grand Conseil au mois de mars 1993, je veux parler de la motion 802, sur une relance sélective, et la motion 803, sur une politique économique cantonale ?
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Longet pose un certain nombre de questions sur la politique économique du Conseil d'Etat. Dans le cadre des compétences cantonales, le Conseil d'Etat a eu l'occasion de s'exprimer à plusieurs reprises à cet égard. Apparemment, il est assez difficile d'être compris, plus encore d'être entendu, puisqu'on nous repose les mêmes questions à chaque fois, alors que ces axes de politique économique ont été clairement définis. Monsieur Longet, vous avez fait, à juste titre, référence au rapport de 1989. Nous n'avons pas voulu innover de manière excessive, puisque ce rapport s'inscrit dans le droit fil du rapport de la politique économique de 1975 à la suite de la motion Schmid à laquelle vous avez fait allusion. Nous nous trouvons toujours dans la même trajectoire en matière de politique économique. Rien n'a changé, mais elle s'est consolidée avec les innovations qui sont le fruit d'initiatives nouvelles ou qui sont suggérées par les évolutions de la vie économique.
Qu'il me soit très brièvement permis de vous dire que la politique économique du canton s'inscrit dans quatre vecteurs essentiels.
1) Le premier vecteur est un cadre de liberté économique. Ce cadre est important et comporte plusieurs segments :
Les infrastructures qui représentent des conditions-cadres absolument essentielles au développement économique. Puisque vous appelez de vos voeux le développement économique et de bonnes conditions-cadres, je me réjouis de cet intérêt grandissant pour l'économie. C'est une satisfaction pour le Conseil d'Etat de voir que cela peut préfigurer désormais un soutien massif au développement d'infrastructures comme l'aéroport.
Dans le domaine de l'aménagement du territoire, condition-cadre également, nous avons des outils de travail que nous devons maintenir et renforcer, je veux parler des zones industrielles. Genève a conduit jusqu'ici une politique exemplaire dans ce domaine.
La zone agricole est un facteur d'équilibre fondamental de ce canton, mais aussi un outil de production pour les agriculteurs, c'est pourquoi nous devons la défendre, mais dans des perspectives d'évolution. En effet, les conditions de travail des agriculteurs se sont modifiées, donc l'outil de travail doit lui-même se modifier.
Dans les conditions-cadres, il y a évidemment la formation. Vous savez que la formation est un des instruments fondamentaux de la politique économique. Ce n'est pas pour rien que Genève se situe très nettement dans le peloton de tête des cantons suisses dans le domaine des dépenses budgétaires par tête d'habitant pour la formation.
Il y a également la fiscalité. Je suis assez surpris qu'après le débat que nous venons d'avoir on vienne nous refaire un discours sur les stratégies en matière de politique économique alors que, dès qu'on a un ancrage concret, on le conteste. Nous devrons encore faire beaucoup de progrès dans la simplification des procédures administratives, car elles sont archaïques. Je ne le dis pas de manière dogmatique, mais nous constatons leur complexité et leur lenteur pour répondre efficacement à l'évolution très rapide de la demande des entreprises.
La politique économique est donc tout d'abord un cadre à la liberté économique.
2) La politique économique c'est également la capacité de se saisir des leviers de promotion économique. Vous savez que Genève s'est engagée dans une promotion économique active et très structurée qui donne de très bons résultats. Ce n'est pas ici le lieu de les développer, mais l'ensemble des données, des chiffres figurent sur des documents qui sont à votre disposition, Monsieur Longet. Qu'il me soit permis de dire qu'en une année et demie, en termes d'accueil d'entreprises nouvelles, en termes de création d'emplois induits par ces entreprises nouvelles qui sont venues s'établir chez nous à la suite des actions de promotion économique, Genève se situe dans le peloton de tête de tous les cantons suisses. Cela veut dire que nous avons de bonnes conditions-cadres, je suis d'accord avec vous. Il ne faut pas les dénigrer, il faut les défendre et les améliorer là où elles doivent l'être.
Le deuxième levier de la politique économique est donc la promotion économique.
3) Le troisième volet fondamental de la politique économique - Monsieur Longet, vous l'avez évoqué et je suis d'accord avec vous - est le terrain d'une politique sociale responsable. Il n'y a pas de politique économique en tant que telle qui néglige une politique sociale digne de ce nom, cela pour des raisons fondamentales, qui sont d'ailleurs philosophiques, mais aussi pour des raisons de politique économique plus strictes.
Ces raisons fondamentales sont les suivantes : nous estimons que l'économie n'est pas un but en soi, c'est un moyen au service des gens, c'est un moyen au service du bien-être ou du mieux-être des femmes et des hommes de ce pays, en l'occurrence de ce canton. Ce n'est pas pour rien, Monsieur Longet, alors que nous vivons dans une situation budgétaire extraordinairement difficile, tendue au point que vous connaissez, budget après budget, si la politique sociale n'a pas été réduite. Elle a été accrue contrairement à d'autres cantons. Nous estimons que l'économie est nécessaire pour le maintien d'une politique sociale digne de ce nom.
Et j'en viens à l'aspect strictement politique et économique. Il n'y a pas de politique économique qui puisse avoir l'ambition de durer si elle ne bénéficie pas d'une stabilité sociale. Dans un petit pays comme le nôtre, l'une des conditions-cadres essentielles que nous devons offrir aux entreprises est la stabilité sociale, laquelle ne peut exister sans une politique sociale correctement dimensionnée.
Les leviers de politique sociale sont des éléments intrinsèques d'une politique économique. Nous le disons très clairement.
4) Enfin, j'aborde le quatrième volet. Le cadre de concertation renforcé et structuré entre l'ensemble des partenaires économiques et sociaux dans ce canton. Ce cadre est fondamental dans le domaine de la politique économique. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat est en train de mettre en place, pour répondre aux voeux du Grand Conseil, un Conseil économique et social. Ce dossier est bien avancé et nous avons le privilège de pouvoir le traiter avec des partenaires sociaux sur le plan syndical comme sur le plan patronal, qui sont des partenaires sociaux responsables animés de la volonté d'aboutir. Nous espérons que durant le mois de juin au plus tard, conformément à nos engagements, le dossier «Conseil économique et social» sera bouclé et que nous pourrons en débattre dans le cadre de votre conseil compte tenu d'un certain nombre d'aspects qui impliqueront de toute façon des modifications législatives.
Monsieur le député, je vous prie encore une fois de vous référer au rapport de 1989, RD 128, dans lequel vous trouverez des informations beaucoup plus détaillées.
Cela étant, je vais fournir des réponses plus sectorielles à vos questions.
Vous voulez connaître la position du gouvernement cantonal à l'égard des programmes d'impulsion sur le plan fédéral, sur le plan conjoncturel ou structurel. Vous avez évoqué, en particulier, l'arrêté Bonny. Permettez-moi de vous rappeler, Monsieur le député, que non seulement nous soutenons les propositions du Conseil fédéral, mais nous avons été demandeurs. Comme parlementaire fédéral, j'ai eu l'occasion, avec mon collègue Francis Matthey, d'intervenir un certain nombre de fois, non seulement pour demander le maintien de l'arrêté Bonny, mais pour demander son élargissement, en particulier au domaine de l'innovation qui, aujourd'hui, est un parent pauvre de l'arrêté Bonny. Donc, dans le domaine structurel, non seulement nous soutenons les décisions du Conseil fédéral, mais nous les avons demandées.
Sur le plan conjoncturel, permettez-moi de dire que non seulement nous avons soutenu le bonus à l'investissement, mais nous avons réclamé sa prolongation. Nous regrettons que ce domaine n'ait pas été retenu par le Conseil fédéral. Sur le plan conjoncturel et structurel en même temps, nous avons soutenu pleinement tous les programmes qui conduisent à une décartellisation de notre économie.
Vous voyez donc, Monsieur Longet, que sur ces deux plans nous sommes plutôt offensifs.
Les motions 802 et 803 posent un certain nombre de problèmes qui sont notamment résolus en liaison avec la création du dossier «Conseil économique et social». Dans ce cadre, nous répondrons prochainement aux motions 802 et 803 dès que ce dossier sera bouclé, de façon à vous présenter une réponse d'ensemble.
M. René Longet (S). Je vous ai posé des questions, Monsieur Maitre. Vous avez exposé votre conception des choses. Je ne vais pas commenter les points abordés.
Je tiens seulement à souligner vos propos sur la nécessité d'associer politique économique et politique sociale. Nous aurons l'occasion de nous y référer dans un certain nombre de cas concrets. Il est vraisemblable que nous divergions d'appréciation selon les dossiers, mais j'aimerais insister sur le fait qu'en matière de politique des relations sociales nous avons des lacunes dans ce canton. Il faudra nous en occuper. Il est exclu pour nous de dissocier les deux ni de faire une promotion économique et d'oublier de combler les lacunes dans les relations sociales et au niveau des conventions collectives où - vous le savez aussi bien que nous - il reste de nombreux domaines nécessitant des interventions.
Le discours que vous avez tenu répond à certaines de mes questions. D'autres restent sans réponse, notamment quant au concept de politique économique, quant au fait de savoir s'il faut inscrire les objectifs que j'ai définis dans une loi par rapport à l'attitude des banques. Je ne prolongerai pas ce débat puisque vous allez répondre tout prochainement aux deux motions socialistes évoquées. Je me déclare donc partiellement satisfait de la réponse.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Monsieur Longet, vous aurez raison de vous référer à nos propos en matière de politique sociale, non pas comme une mesure d'accompagnement d'une politique économique, mais comme une mesure intrinsèquement liée à la politique économique et comme faisant un tout.
De mon côté, je souhaite vous dire que le Conseil d'Etat se référera également à vos propos de défense de la politique industrielle, notamment lorsque nous devrons évoquer certains secteurs des arts graphiques très durement touchés; je pense, en particulier, à notre combat pour sauver le Centre d'impression de Vernier.
Cette interpellation est close.
En date du 17 décembre, l'Association de défense des chômeurs adressait au Grand Conseil, suite à un licenciemeent massif à l'hôtel Lido, une pétition munie d'une trentaine de signatures dont le texte est le suivant:
«L'Association de défense des chômeurs a manifesté contre l'hôtel Lido ce jeudi 16 décembre 1993.
Cet établissement a changé de propriétaire en cours d'année et le nouveau patron a licencié 12 des 15 employés en l'espace de six mois. L'effectif du personnel est désormais plus faible et les nouveaux employés bénéficient de conditions moins avantageuses.
L'ADC attire votre attention sur un usage devenu courant et qui menace tous les salariés. La méthode des licenciements échelonnés, telle que pratiquée à l'hôtel Lido, vise à contourner l'obligation de l'annonce des licenciements collectifs au département de l'économie publique.
L'ADC demande donc que la loi soit modifiée afin d'empêcher la multiplication de cas semblables.»
Quand bien même l'objet de la pétition porte sur une modification de la loi, il est utile de faire un petit historique des événements de l'hôtel Lido qui ont conduit à une manifestation et au dépôt par l'Association de défense des chômeurs (ci-après ADC) de la pétition 1017.
«L'hôtel Lido a changé de propriétaire le 1er février 1993. Durant la période comprise entre le 30 mai et le 30 octobre de la même année, il a licencié le 80% de l'effectif, ce qui représentait 12 employés sur 15. Il s'est séparé d'un personnel fidèle afin d'engager un personnel moins nombreux pour effecter le même travail et pour des salaires inférieurs à ceux que percevaient les anciens.
Lors du changement de gestion de l'hôtel, l'ancienne propriétaire a fait signer à tous les employés une lettre de licenciement de sa part et un nouveau contrat avec le futur gérant. Selon les dires des patrons, cette procédure n'était qu'une formalité et les droits des employés restaient inchangés. Comme il ne s'agissait que d'un licenciement apparent (tous les employés étaient réengagés) l'ancienne directrice n'a pas demandé l'autorisation de licencier tout le personnel.
Les problèmes ont surgi lorsque le nouveau propriétaire a congédié avec un mois de dédite (au lieu de 2 mois pour ceux qui avaient plus de 5 ans de fidélité) et sans indemnités d'ancienneté pour des employés qui avaient jusqu'à 23 ans de service dans l'entreprise. Selon lui, les licenciements effectués par la précédente gérante étaient bel et bien réels et il n'avait donc que de «nouveau employés».»
Travaux de la commission
Sous la présidence de M. Bernard Lescaze, la commission des pétitions s'est réunie à trois reprises: le 31 janvier, les 7 et 28 février 1994.
La première séance nous a permis d'auditionner 5 membres de l'ADC, dont Mme Bolay-Cruz, permanente de l'association, qui nous a livré les réflexions de l'ADC à propos des licenciements collectifs et a formulé 5 propositions:
1. Annonce des licenciements
La loi actuellement en vigueur prévoit que la commission de surveillance doit être avertie lorsque 6 licenciements ont eu lieu durant le même mois. L'ADC estime que cet espace de temps devrait être allongé à 6 mois pour le même nombre de licenciements.
2. Changement de propriétaire
Lorsqu'une entreprise change de propriétaire, l'acquéreur doit avoir l'obligation de reprendre le personnel sous contrat avec l'ancien propriétaire. Les avantages d'ancienneté, la rémunération et la durée de travail doivent être garantis. Les projets de loi, au niveau fédéral, d'adaptation à la législation européenne prévoient des réformes allant dans le sens indiqué dans ce paragraphe (proposition de modification de l'article 333 du code des obligations). Alors, rien n'empêche le canton de Genève d'innover et de prendre les devants.
3. Contrôle fiscal lors des licenciements en nombre
Des entreprises, qui n'ont connu de baisse sensible ni dans leur chiffre d'affaires ni dans leurs bénéfices, pourraient être tentées de profiter du climat de crise pour faire baisser les coûts salariaux en licenciant des travailleurs «chers» (avec une longue expérience et qui retrouveront difficilement un emploi) pour engager un personnel (plutôt jeune) moins nombreux et pour des salaires très inférieurs à ceux que percevait le personnel remplacé. Pour dire les choses simplement: le climat de crise permettrait d'aggraver la crise sans que la situation comptable de l'entreprise ne le justifie.
L'ADC propose donc qu'un contrôle fiscal soit effectué lorsqu'une entreprise procède à de nombreux licenciements afin d'avoir l'assurance que ceux-ci sont la résultante de difficultés économiques réelles. Au cas où les experts fiscaux s'apercevraient que les licenciements sont injustifiés, une amende devrait être infligée à cette entreprise selon un barème qui tiendrait compte de l'estimation des frais engendrés à l'assurance-chômage par ces mises au chômage.
4. Contrôles par l'inspectorat du travail
La peur du chômage peut amener les travailleurs à courber l'échine devant des conditions de travail qui se détériorent, l'inspectorat du travail devrait effectuer des visites à l'improviste sur les lieux de travail afin de vérifier que les normes de sécurité sont respectées, que les travailleurs ne sont pas soumis à une surcharge de travail et que les heures supplémentaires ne dépassent pas un certain niveau (qui doit être fixé bas). Les entreprises qui licencient devraient être plus particulièrement soumises à ces contrôles.
5. Commission de surveillance
L'ADC doit y avoir sa place afin que cette commission soit pleinement sensibilisée au drame humain que représente le chômage et éviter ainsi une approche de la notion de travail seulement en termes de «coût variables».
D'autre part, un autre représentant de l'ADC, un ancien employé de l'hôtel Lido, a indiqué qu'il lui a été très difficile d'obtenir l'attestation de l'employeur. Le gérant de l'hôtel a attendu plusieurs semaines avant de s'exécuter. Légalement, le patron a 5 jours pour envoyer cette «feuille jaune», passé ce laps de temps, il est amendable.
Ce genre de situation entraîne des conséquences financières graves pour le chômeur qui ne peut recevoir des indemnités que lorsque son dossier est complet.
Le 7 février, la commission a reçu les représentants de l'office cantonal de l'emploi (ci-après OCE): M. Dominé, inspecteur du travail; M. Spaini, inspecteur adjoint; M. Furhmann, directeur administratif de l'OCE.
Ils ont été invités à s'exprimer sur les propositions de l'ADC.
M. Spaini a répondu au point 4: la loi sur le travail prévoit un certain nombre d'heures pour l'hôtellerie, soit 57 heures par semaine avec 20 heures supplémentaires par mois. En ce qui concerne la surcharge de travail, la notion diffère de cas en cas, certains employés s'en plaignent, d'autres l'acceptent comme normale. Lorsqu'il y a plainte, ils enquêtent et vérifient les normes de sécurité. Des enquêtes systématiques sont par ailleurs effectuées soit sur rendez-vous, soit à l'improviste.
M. Furhmann a donné son avis sur les autres points. En ce qui concerne l'annonce des licenciements, cette procédure est réglée, sur le plan fédéral, par la loi du 6 octobre 1989 (entrée en vigueur en 1991). Les dispositions de cette loi obligent les entreprises à annoncer des licenciements importants dès que possible, au plus tard lorsque les congés sont signifiés. Selon l'article 53 de l'ordonnance fédérale, l'annonce doit être faite lorsque 10 travailleurs sont concernés. Mais les cantons peuvent aller plus loin. C'est ainsi qu'à Genève la loi est plus restrictive: la commission de surveillance doit être avertie lorsque 6 personnes sont congédiées dans le même mois.
Pour M. Furhmann, l'idée de prolonger ce laps de temps est irréaliste car les entreprises ne sont pas à même de prévoir l'évolution de leurs affaires dans un délai si long.
Quant au licenciement apparent puis réengagement lors d'un changement de propriétaire, M. Furhmann a précisé que cette procédure est légale et que l'OCE n'est pas habilité à intervenir par rapport aux dispositions contractuelles. De plus, ce point étant soumis à la loi fédérale, la marge de manoeuvre est extrêmement faible, même s'il a admis qu'il y a une lacune dans la loi.
Pour le point 5, M. Furhmann a expliqué le fonctionnement de la commission de surveillance. Elle n'a qu'un rôle consultatif et il lui semble difficile qu'elle puisse intervenir dans un domaine qui relève de la gestion directe des entreprises. Quant à l'aspect humain, il a rappelé que l'OCE est en permanence en contact avec les partenaires sociaux.
Il a encore confirmé la possibilité qu'a l'OCE d'intervenir auprès des employeurs qui n'auraient pas renvoyé la «feuille jaune» dans les 5 jours.
Finalement, la commission auditionnait le 28 février Mme Urtasun, MM. Turker et Matthey, membres du SIT, syndicat qui s'occupe des ex-employés de l'hôtel Lido. Ils n'ont pas tenu à s'exprimer trop longuement sur ce point, car cette affaire est extrêmement complexe et malheureusement pas unique dans l'hôtellerie et la restauration. Par contre, ils ont préconisé diverses mesures (qui figurent dans leur bulletin de décembre 1993) pour que l'OCE intervienne en amont des licenciements. En particulier:
- si une entreprise licencie pour des motifs économiques ou pour procéder à des restructurations - les licenciements doivent être annoncés à l'OCE avec mention du salaire de chaque licencié(e) - une interdiction de réengager pour le(s) même(s) poste(s) doit être prononcée pour 6 à 12 mois selon les cas;
- lorsque les réengagements ont lieu (restructuration), les nouveaux engagés doivent avoir des salaires équivalant aux personnes licenciées.
En ce qui concerne les abus commis par des employeurs peu respectueux de la loi cantonale, ils souhaitent davantage de sévérité sur le montant des amendes. Les sommes leur semblent peu dissuasives puisqu'elles varient entre 500 et 3000 F.
D'autre part, ils ne pensent pas qu'il faille modifier le délai d'un mois à 6 mois pour l'obligation d'annonce, mais bien de veiller à l'application de l'esprit de la loi et trouver des modalités juridiques pour éviter le «saucissonage» (licenciements échelonnés).
Discussion de la commission
Dans l'ensemble, les commissaires s'accordent à dire que la loi est bonne, mais que certaines entreprises ne la connaissent que trop peu.
Des propositions faites par le SIT, seule celle concernant les amendes retient l'attention des commissaires.
Conscients que le Conseil d'Etat prend toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le chômage et qu'au niveau cantonal la marge de manoeuvre est limitée, les commissaires souhaitent néanmoins que la loi cantonale soit appliquée avec davantage de sévérité et vous proposent, Mesdames et Messieurs les députés, le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
Vote
8 voix pour: 2 PdC, 2 Soc., 3 All. g., 1 Ecol.
5 voix contre: 4 LiB., 1 Rad.
1 abstention: 1 Rad.
Débat
Mme Michèle Wavre (R). Ce rapport de la commission des pétitions indique clairement qu'en matière d'annonce de licenciements, la loi genevoise est encore plus restrictive que la loi fédérale. En effet, elle prévoit que la commission de surveillance doit être avertie dès que six personnes sont licenciées dans le même mois, contre dix pour le droit fédéral. De plus, les milieux concernés - on l'a entendu en commission - s'accordent généralement à dire que le Conseil d'Etat veille attentivement à son application.
Dans ces conditions, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait lui renvoyer ce rapport. Nous vous engageons donc à le déposer à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Michèle Mascherpa (L). En page 3 du rapport, il est fait mention du projet de modification des articles 333 et suivants du code des obligations en vue d'adapter la législation suisse à la législation européenne en matière de licenciement collectif et de transfert d'entreprise. On peut aujourd'hui parler de cette nouvelle réglementation au présent, car elle entre en vigueur le 1er mai 1994. Ces nouvelles dispositions visent à protéger les intérêts du travailleur, précisément en cas de licenciement collectif et lors de transfert d'entreprise, ce qui est la préoccupation des auteurs de la pétition. Ces nouvelles dispositions réglementent notamment la procédure d'annonce des licenciements, la consultation de la représentation des travailleurs et, en cas de transfert des rapports de travail, le respect pendant une année de la convention collective en vigueur avant le transfert. A cela s'ajoute la sanction légale en cas de licenciement abusif. L'auteur du rapport reconnaît que la loi actuelle est bonne. Gageons qu'elle sera encore meilleure avec les modifications qui entrent en vigueur après-demain.
Il me semble donc qu'un bon bout de chemin vient d'être parcouru dans le sens des préoccupations des pétitionnaires et que, dès lors, l'objet de la pétition est quelque peu - vous me passerez l'expression - dépassé par les événements.
Nous vous proposons donc de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
M. Pierre Meyll (AdG). Il me semble que le but de cette pétition était beaucoup plus général. En effet, dans la dernière invite de la pétition, l'association des chômeurs demande que la loi soit modifiée afin d'empêcher la multiplication de tels cas. Vous constatez, dans le rapport, en page 5, qu'ils souhaitent davantage de sévérité sur le montant des amendes en ce qui concerne les abus commis par des employeurs peu respectueux de la loi cantonale. En effet, les amendes actuelles semblent peu dissuasives, puisqu'elles varient de 500 à 3 000 F. C'est un simple aperçu ! Cela signifie qu'il serait tout à fait convenant d'effectuer un toilettage de cette loi.
C'est pourquoi nous demandons que cette pétition soit déposée auprès du Conseil d'Etat pour qu'il puisse revoir cette loi et y apporter les modifications nécessaires.
Le président. Je mets aux voix le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mise aux voix, la proposition de dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement est rejetée par 47 non contre 38 oui.
Mises aux voix, les conclusions de la commission (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
La commission de l'économie a étudié lors des séances du 28 février et du 14 mars 1994, sous la présidence de M. Claude Blanc, la pétition déposée par des membres du personnel de l'aéroport. Cette pétition déposée le 23 décembre 1993, munie de 66 signatures, demande «que le délai fixé au 31 décembre 1993 pour s'opposer à notre transfert de l'Etat à l'établissement de droit public, soit reporté à deux mois au-delà de la mise en application du nouveau statut du personnel afin de pouvoir choisir en connaissance de cause».
La commission a été assistée dans ses travaux par M. Jean-Philippe Maitre, président du département de l'économie publique, et par M. Fernand Vidonne, secrétaire adjoint à ce même département.
1. Audition
a) M. B. Corthay, représentant des pétitionnaires
M. Corthay constate qu'à ce jour le nouveau statut du personnel n'est pas établi. La prolongation du délai demandé par les pétitionnaires permettrait au personnel de choisir en toute connaissance de cause entre 2 statuts différents, possibilité qui ne leur était pas offerte avec cette date limite fixée au 31 décembre 1993.
M. Corthay dit sa crainte de voir s'établir 2 statuts du personnel. Pourtant, il ne s'oppose pas à cela dans la mesure où le personnel a le choix entre l'un ou l'autre de ces statuts.
Enfin, M. Corthay voudrait que non seulement la commission consultative du personnel soit associée aux travaux conduisant à l'élaboration du nouveau statut, mais que cette concertation soit élargie à toutes les parties représentant le personnel.
b) M. J.-P. Jobin, directeur de l'aéroport
M. Jobin rappelle que le nouvel établissement a été mis en place en 4 mois et que la plus grande attention a été portée pour que le personnel soit bien informé des conséquences d'un nouveau statut du personnel. Depuis le vote de la loi, 5 réunions ont été tenues avec la commission consultative du personnel et 3 séances d'information ont été faites à l'intention de l'ensemble du personnel de l'aéroport. Enfin, tous les employés ont été informés par lettre (en date du 24 novembre 1993) du choix possible, en rappelant que les droits acquis étaient garantis, conformément à l'article 41, alinéa 1, de la loi, pour le personnel transféré. C'est donc en toute connaissance de cause que les intéressés avaient jusqu'au 31 décembre 1993 pour faire valoir une opposition motivée à leur transfert. M. Jobin rappelle qu'une seule personne a fait usage de ce droit. M. Jobin indique aussi que le nouveau statut du personnel sera élaboré en constante concertation entre le conseil d'administration et les représentants du personnel.
M. Jobin, quant à lui, est favorable à un statut unique pour le personnel de l'établissement, même si, théoriquement, on peut envisager d'en avoir deux. Enfin, M. Jobin indique que la commission consultative du personnel représente tous les services de l'aéroport et que ses membres ont été élus selon des procédures contrôlées par le service des votations. Dès lors, selon lui, elle représente tout à fait bien le personnel de l'aéroport.
2. Débat et vote
Il est apparu que trois éléments étaient déterminants pour la majorité de la commission:
- la loi portant sur l'aéroport est entrée en force après de longues discussions parlementaires et il est impensable de revenir sur un des éléments votés par le Grand Conseil, soit le transfert du personnel à l'aéroport à partir du 1er janvier 1994;
- la loi portant sur l'aéroport garantit en son article 41, alinéa 1, le maintien des droits acquis pour le personnel transféré. Cette garantie législative devrait rassurer le personnel sur la qualité des nouveaux statuts;
- la concertation existe entre la direction et la commission consultative du personnel. Cela devrait permettre l'élaboration de nouveaux statuts qui soient satisfaisants pour le personnel de l'aéroport. La commission consultative sera, bien entendu, libre de demander des conseils à qui elle veut.
Dès lors, il est apparu à la majorité de la commission par 10 voix (5 L, 2 R, 2 PDC, 1 PEG) que cette pétition doit être déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement contre 5 voix (3 ADG, 2 S) qui s'expriment en faveur de l'envoi de ce texte au Conseil d'Etat.
La majorité de la commission vous suggère dès lors de suivre sa recommandation et de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre d'information.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Dépôt: 23 décembre 1993
P 1019
PÉTITION
du personnel de l'aéroport
Nous soussignés, fonctionnaires à l'aéroport de Genève, demandons, par la présente, que le délai fixé au 31 décembre 1993 pour s'opposer à notre transfert de l'Etat à l'établissement de droit public, soit reporté à deux mois au-delà de la mise en application du nouveau statut du personnel.
Nous pourrions alors choisir en connaissance de cause.
N.B.: 66 signatures
B. Corthay
Direction de l'aéroport
Débat
M. Max Schneider (Ve). Cette pétition, déposée le 23 décembre 1993 et munie de soixante-six signatures, devait entrer en vigueur pour le 31 décembre. (Brouhaha intense.) Evidemment, elle a été déposée bien trop tard, mais elle a eu l'avantage de nous faire connaître une réalité de l'aéroport. Selon les pétitionnaires, elle aurait pu recueillir plus de deux cents signatures, car cette pétition n'a circulé qu'un seul soir pour être signée.
Quatre raisons ont poussé le parti écologiste à accepter de déposer cette pétition à titre d'information sur le bureau du Grand Conseil. (Le chahut persiste.).
Le président. Que ceux que le sujet n'intéresse pas veuillent bien sortir de la pièce !
M. Max Schneider. Je le disais, cette pétition a eu le mérite de nous faire comprendre le malaise au niveau de la commission consultative du personnel de l'aéroport et le travail en commission a permis de le solutionner. Le rapport de M. Brunschwig est un peu court, car il ne retrace pas tout ce qui s'est passé en commission et n'évoque pas les réflexions qui ont préoccupé les employés de l'aéroport. Ils ont été préoccupés entre autres par l'article 13, lettre j, de la loi sur l'aéroport international de Genève qui disait : «Le conseil d'administration doit établir le statut du personnel après concertation avec les organisations représentatives du personnel.». Le règlement d'application, lui, parlait du statut du personnel après concertation avec la commission consultative du personnel. Il y avait donc un flou entre l'article de loi et le règlement d'application.
En effet, un document fixe les normes sur l'élection des membres de la commission consultative. Chaque service de l'aéroport peut avoir un membre dans cette commission plus un membre suppléant. Mais certains services comptent cinquante ou soixante personnes; d'autres n'en comptent que trois, notamment le service de l'environnement. Ces services ont le même nombre de représentants au sein de cette commission consultative. Certains syndicalistes pensaient que des juristes pourraient venir de l'extérieur. Cela a donné lieu à des discussions. Pour l'instant ils acceptent les discussions uniquement dans le cadre de cette commission consultative en faisant remarquer que le concept de la proportionnalité n'est pas respecté.
Je crois que le représentant de cette commission consultative qui est venu se faire auditionner a été rassuré par les engagements du Conseil d'Etat et par les statuts du personnel. M. Maitre nous a bien expliqué le processus de concertation entre les représentants du personnel et le conseil d'administration. Je me suis déjà préoccupé de cette question pour savoir comment ce processus se déroulait. J'ai appris que le conseil d'administration a mandaté une entreprise privée pour préparer les statuts du personnel. D'après les membres de la commission consultative, cette entreprise privée fait davantage un travail d'audit pour savoir ce que les gens pensent qu'un travail de concertation. C'est ainsi que les membres de cette commission consultative ont été interviewés l'un après l'autre, mais la commission n'a pas encore été consultée par l'entreprise mandatée pour élaborer le nouveau statut du personnel. Cela engendre le malaise qui règne aujourd'hui à l'aéroport. Je souhaite que toute la direction engage un nouveau dialogue avec cette commission et qu'il en ressorte quelque chose de plus constructif que ce qui s'y passe actuellement. Ce n'est pas un jugement, je n'attaque pas la direction, mais je tiens à vous faire part des remarques qui m'ont été faites.
Enfin, nous allons accepter le renvoi de cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil, après avoir reçu l'assurance de M. Maitre que l'article 41 est bien appliqué. Il certifie que le personnel travaillant à l'aéroport de Cointrin au sein du département de l'économie publique, au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, est transféré de plein droit à l'établissement avec les droits économiques et les conditions de travail acquis au moment du transfert. C'est la demande fondamentale des personnes auditionnées. Le personnel transféré à l'établissement peut rester affilié à la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA). Le personnel engagé ultérieurement par l'établissement peut également y être affilié. Le membre de la commission consultative qui est venu en commission a été rassuré par ces propos.
C'est après avoir entendu ces personnes une deuxième fois que le groupe écologiste a pris la décision de renvoyer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous invite à faire de même.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). L'Alliance de gauche proposait de renvoyer la pétition au Conseil d'Etat. Si nous maintenons cette position c'est en raison des erreurs commises par le Grand Conseil, par les gens qui dirigeaient le changement du nouvel établissement et par les syndicats. Le projet a été adopté en quatre mois, c'est vrai. On peut reprocher au Grand Conseil d'avoir terminé l'étude avant que la nouvelle législature commence et de ne pas avoir auditionné les représentants du personnel. Ils n'ont pas demandé à être auditionnés lors de l'étude du projet de loi, cela est vrai. Nous nous retrouvons avec une pétition sur les bancs du Grand Conseil. M. Schneider l'a dit, M. Maitre et M. Jobin nous ont donné des garanties.
Mais nous nous sommes demandé ce que l'on risquait à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Nous ne risquons rien puisque des garanties ont été données au personnel concernant un statut qui serait progressif. Donner deux mois supplémentaires n'apporterait aucun changement; mais cela créerait un climat positif au niveau de la commission consultative et du personnel. Cela concerne 450 emplois et je crois que le Grand Conseil doit ce geste au personnel.
La loi adoptée concernait les bâtiments, mais elle a laissé de côté le personnel qui n'avait même pas de statut. C'est un manque de correction vis-à-vis du personnel. Les TPG préparent un contrat de prestations qui sera appliqué le 1er janvier 1995, mais la commission mise en place depuis le début de l'année prépare le nouveau statut qui s'adaptera à la nouvelle loi qui sera votée par ce Grand Conseil, je le pense, au courant du mois de décembre. Le 1er janvier 1995, le personnel aura le statut d'un côté, de l'autre le contrat de prestations liant l'Etat aux TPG. A l'aéroport, on a présenté un projet de loi sans proposer de statut. Monsieur Maitre, je trouve que vous n'avez pas joué le jeu vis-à-vis de ce personnel.
Nous maintenons donc notre position et nous demandons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat... (Mme Dupraz provoque des bruits sourds en frappant avec enthousiasme sur le micro de M. Lyon.) ...pour qu'il tienne compte de la demande du personnel.
M. Pierre-Alain Champod (S). Cette pétition est intéressante, même si on peut regretter qu'elle soit arrivée tardivement. En effet, que demandent les pétitionnaires ? De pouvoir choisir en toute connaissance de cause, ce qui me paraît tout à fait légitime.
Que s'est-il passé ? Comme vous le savez, le statut de l'aéroport a changé à la fin de l'année 1993. Jusqu'à cette date, les employés de l'aéroport bénéficiaient du statut de fonctionnaire. Au mois de décembre, on leur a demandé s'ils voulaient changer de service et conserver leur statut de fonctionnaire ou rester à l'aéroport mais avec un autre statut. Le problème est qu'on n'a pas pu leur présenter le nouveau statut, puisque personne ne le connaît, ni vous, ni moi, ni les employés de l'aéroport. Personne ne pouvait le connaître au 31 décembre, puisque les nouveaux organes de gestion de l'aéroport mis en place à partir du 1er janvier 1994 doivent créer ce nouveau statut. On leur a donc demandé de choisir entre quelque chose qu'ils connaissent et quelque chose qu'ils ne connaissent pas. Bien sûr, ils ont un certain nombre de garanties; ils pourront notamment bénéficier des droits acquis. Mais rien ne nous dit qu'il n'y aura pas deux statuts du personnel pour les employés de l'aéroport, celui des anciens bénéficiant des droits acquis et un autre statut pour les employés engagés après le 1er janvier 1994. Le directeur de l'aéroport a dit qu'il était contre un statut à deux vitesses, mais pour l'instant nous n'en savons rien.
Pourquoi demandons-nous le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat ? Nous pouvons penser, compte tenu d'un certain nombre de projets en cours, que l'on pourrait se retrouver dans la même situation avec le bureau des autos et dans certains services qui pourraient changer de statut. Dans ces cas-là, il faudrait éviter de se retrouver dans une situation qui oblige les personnes à choisir entre un statut connu et un autre inconnu. Il faudrait trouver une formule juridique, par exemple le maintien du statut du personnel de l'Etat pendant l'année qui suit le changement de statut, pour permettre d'élaborer les nouveaux statuts liés à la nouvelle organisation mise en place.
C'est donc essentiellement pour préserver l'avenir que nous vous proposons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Nicolas Brunschwig (L), rapporteur. Je suis quelque peu étonné de certains propos exprimés jusqu'à maintenant.
Je me permets donc de faire un petit rappel historique. Cette loi a été votée le 10 juin 1993, après de longs débats en commission. Depuis, la direction de l'aéroport, comme elle nous l'a communiqué, a eu cinq réunions avec la commission consultative du personnel, qui regroupe donc des personnes élues de l'ensemble des secteurs de l'aéroport. Il y a eu trois réunions avec l'ensemble du personnel, ainsi qu'une lettre leur demandant et leur expliquant les modalités du choix qu'ils pouvaient opérer jusqu'au 31 décembre. Or, cette pétition a été déposée au mois de décembre 1993, le 27 décembre, sauf erreur. C'est donc dire que le personnel de l'aéroport n'avait pas d'inquiétude spéciale, sinon il n'aurait pas attendu six mois après le vote de cette loi par le Grand Conseil pour réagir.
C'est, me semble-t-il, un faux problème, d'autant plus qu'un élément me semble déterminant, je veux parler de l'article 41, alinéa 1. Je me permets de le rappeler, bien que M. Schneider l'ait évoqué tout à l'heure : «Le personnel travaillant à l'aéroport de Genève au sein du département de l'économie publique, au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, est transféré de plein droit à l'établissement avec les droits économiques et les conditions de travail acquis au moment du transfert.». Il me semble dès lors qu'une garantie législative aussi forte que celle-là est un verrou absolument formidable. Je suis étonné de l'énergie déployée par les partis de gauche pour défendre des employés qui ont la garantie qu'ils vont conserver les mêmes conditions de travail qu'auparavant, à une époque où il y a seize mille chômeurs à Genève, dont les garanties sont bien moindres. Je trouve cela choquant !
Je vous confirme qu'il n'y a eu qu'une seule opposition parmi les quatre cent cinquante personnes de l'aéroport; encore était-elle dictée par une raison relativement légitime. En effet, la personne en question voulait diminuer son temps de travail et avait peur, se trouvant dans un établissement de dimension plus réduite, qu'on ne puisse pas lui offrir autant de possibilités que dans le cadre de l'Etat. Cette opposition était donc due à des choix particuliers.
Les partis de gauche mènent à mon avis un combat d'arrière-garde. C'est une manière d'exprimer une fois de plus leur opposition à l'aéroport, ou aux autonomisations. Nous avons fait les bons choix au mois de juin 1993. Je suis convaincu que nous arriverons à ce que cet établissement devienne performant, tout en ayant des avantages supplémentaires, ce qui n'est pas exclu dans le nouveau statut. On a évoqué des possibilités pour le personnel d'obtenir des conditions préférentielles pour voyager, ce qui était impossible dans le cadre d'un statut global pour l'ensemble de l'Etat. Donc, personnellement, je suis certain que des formules avantageuses pour tout le monde seront trouvées, y compris pour le personnel de l'établissement de l'aéroport.
Je vous recommande, par conséquent, de suivre les conclusions de la majorité de la commission.
M. Claude Blanc (PDC). J'espère que nous arrivons au point ultime du feuilleton de l'aéroport, feuilleton que la gauche a entretenu depuis le début en essayant de traîner les pieds de toutes les manières pour éviter la modernisation de cet outil de travail principal pour la régénération économique de notre canton. Cette gauche n'arrête pas de nous bombarder de motions pour nous demander comment nous allons résoudre le problème du chômage et trouve tous les prétextes pour traîner les pieds et tenter de faire avorter nos projets à chaque fois que l'on veut améliorer un outil économique susceptible de faire progresser la vie économique de ce canton.
La commission de l'économie a travaillé six mois sur ce projet. La gauche a fait de l'obstruction pendant trois mois. Ensuite, nous avons passé outre et décidé de travailler sérieusement. Le jour où le Grand Conseil a été saisi du rapport de la commission, nous avons reçu, la veille de la séance, une lettre de la commission du personnel, signée par M. Bertrand Corthay, demandant au parlement de renvoyer le débat à une prochaine séance, parce que la commission du personnel n'avait pas été entendue. Il est clair que la commission du personnel n'a pas été entendue, puisqu'elle ne l'a pas demandé. Il a été dit ici qu'elle n'était pas au courant du projet déposé, alors que celui-ci a été déposé en novembre 1992. La commission a travaillé six mois et c'est seulement en juin 1993 que la commission du personnel prétend qu'elle ne le savait pas, raison pour laquelle elle n'a pas demandé à temps d'être entendue !
C'était déjà une première manoeuvre dilatoire visant à empêcher le Grand Conseil de voter en juin et, si possible, d'empêcher que la loi ne puisse entrer en vigueur le 1er janvier 1993. Voilà le véritable travail de sape que vous n'avez pas cessé de mener durant tous les travaux qui ont conduit au vote de cette loi !
D'autre part, le 23 décembre, M. Corthay nous a envoyé cette pétition au dernier moment. Il est certain que c'était une nouvelle manoeuvre pour tenter de retarder encore l'application de la loi. En effet, le but de la pétition est de reporter le délai de deux mois, alors que l'entrée en vigueur de la loi entraîne ipso facto le passage du personnel de l'aéroport «économie publique» au personnel de l'aéroport «établissement autonome». La pétition demandait une chose légalement impossible et la commission du personnel le savait bien !
Nous avons entendu M. Corthay, président de la commission du personnel. Il a eu le front de nous dire que cette commission n'était pas forcément représentative de l'ensemble du personnel. Nous avons vu la ficelle grosse comme une corde ! En fait, il voulait substituer à la commission du personnel, régulièrement élue par l'ensemble du personnel, le Cartel intersyndical de l'Etat, avec tout le «cirque» qui aurait pu s'ensuivre. M. Dupraz a dit tout à l'heure que nous étions naïfs, mais il y a des limites à la naïveté et nous ne sommes pas tombés dans le panneau !
M. Champod vient de nous dire qu'il est impossible de demander au personnel de choisir entre un statut connu et un statut inconnu. Mais bien sûr qu'il connaît le minimum de ce statut, puisque le minimum du statut ne change pas ! Tout ce qui pourrait arriver de plus, c'est qu'ils soit amélioré. Le personnel pouvait donc choisir entre l'acquis et un mieux éventuel. Je vous accorde qu'il ne connaissait pas encore ce mieux éventuel, mais il avait la garantie que l'acquis serait maintenu. Alors, que voulez-vous de plus ? Franchement, cette pétition n'est qu'une manoeuvre dilatoire. Vous cherchez à la soutenir parce que vous voulez afficher ici, une fois de plus, une solidarité de classe qui vous a bien manqué hier pour les problèmes du logement. (Réprobation de la gauche.) Mais vous tombez mal ! Vous menez un mauvais combat !
Une voix. Et il est président de la commission !
Une autre voix. Et alors !
M. Pierre Meyll (AdG). Tout d'abord, je répondrai à M. Blanc que si nous avons «sapé» nous sommes des «sapeurs et sans reproche». (Rires.)
C'est vrai que le personnel de l'aéroport a été «roulé» ! Il n'a pas été enveloppé, ni envolé; il a été «roulé» ! Il est clair, également, que le Conseil d'Etat a dans ses dossiers une motion de la commission des travaux qui demandait, il y a plus de six mois, qu'un statut du personnel soit établi pour l'ensemble des établissements autonomes. Nous n'avons toujours aucune réponse à ce sujet. Si nous n'avons pas voulu signer cette motion c'est parce que déjà nous subodorions que le personnel de l'aéroport en serait exclu à la demande, évidemment, de la droite. C'était donc inadmissible ! Oui, Monsieur Brunschwig, il faut défendre les acquis des employés avant qu'ils ne soient au chômage. C'est préférable.
Les voyages au mérite, les suppléments accordés, le «sucre» distribué, ne suffisent pas. Nous pensons qu'il vaut mieux, dans ces conditions, que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat pour qu'il réponde à la motion établie par la commission des travaux et que les employés de l'aéroport soient défendus correctement, parce que cela n'a pas été le cas, quoi que vous en disiez, quoi que vous prétendiez, Messieurs !
M. Max Schneider (Ve). Monsieur le président, je trouve ce débat assez triste !
Le président. Je suis largement de votre avis, Monsieur Schneider; essayez de l'améliorer !
Une voix. Tais-toi !
M. Max Schneider. Triste, oui ! Le personnel de l'aéroport est très attaché à son emploi et à l'aéroport, ils en sont fiers ! (Manifestation de réprobation.) Je trouve un peu triste de les utiliser soit pour un débat de gauche, soit comme M. Blanc le fait, en les accusant d'utiliser des manoeuvres dilatoires. Franchement, ce n'est pas digne d'un président de commission !
Je pense que ces personnes se défendent. Elles avaient des doutes, les assurances données à la commission des pétitions les ont tranquillisées et les choses se sont calmées. Elles ont la sécurité offerte par l'article 41. J'espère que M. Maitre le confirmera. Un climat de confiance peut tout à fait renaître, aussi il ne faut pas jeter de l'huile sur le feu sur un problème qui est en passe d'être résolu. Je pense à la publicité dans laquelle le directeur de l'aéroport d'Orly pose avec la direction et tout le personnel. On peut espérer qu'il en sera de même à Genève, c'est-à-dire que le personnel sera valorisé et participera aux décisions concernant ses conditions de travail.
Je propose aussi à l'Alliance de gauche et aux socialistes de préparer une motion pour que les prochaines régies autonomes aient un statut pour le personnel avant que cela passe en projet de loi au Grand Conseil. Ce n'est pas l'objet de la pétition qui nous est soumise ce soir.
C'est pourquoi je maintiens le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
M. Nicolas Brunschwig (L), rapporteur. Je suis étonné par les propos de M. Meyll. Il parle de défendre des acquis. Heureusement, des députés et des partis se sont mobilisés pour défendre ces pauvres employés !
En l'occurrence - et je m'en rappelle très bien vu que j'étais rapporteur des débats de la commission avant de voter cette loi - c'est un des rares articles qui a été très peu discuté, puisque personne n'envisageait autre chose que ce qui figurait dans le texte de loi, ni de retirer les acquis garantis par cet article 41, alinéa 1. A tel point, d'ailleurs, que les partis de gauche, qui habituellement demandent de nombreuses auditions, n'ont même pas demandé une audition du personnel. C'est dire que leur situation était tout à fait claire et qu'elle l'est tout autant aujourd'hui.
Dès lors, ce ne sont que des tactiques syndicales plus ou moins obscures qui dictent sans doute ce combat d'arrière-garde. Je trouve cela regrettable et détestable. A moins que cela soit les amours immodérées et bien connues de M. Meyll pour l'aéroport qui dictent son engagement sur ce projet.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Quelqu'un a parlé de malaise à propos de ce débat. C'est mon impression. Je ressens un malaise à solliciter des faits qui n'existent pas et à imaginer un certain nombre de situations qui non seulement ne sont pas confirmées dans la réalité mais qui se rapportent à des faits qui ont déjà été tranchés souverainement par votre parlement.
Je m'explique. Le premier malaise résulte de la tentation de faire dire à cette pétition autre chose que ce qu'elle demande. Elle a été transmise au parlement par un certain nombre de fonctionnaires qui voulaient obtenir un délai supplémentaire pour pouvoir se déterminer sur la possibilité de demander, le cas échéant, leur transfert dans l'administration. C'est l'objet de la pétition. On en a fait un autre, celui de savoir avec quelles organisations syndicales on allait discuter. Ce n'est pas le sujet !
Il faut dire deux choses importantes à propos de cette pétition. L'une concerne les mécanismes de concertation et l'autre le statut actuel, respectivement la notion de droits acquis pour le personnel de l'aéroport.
En ce qui concerne les mécanismes de concertation, permettez-moi de dire ici - et sans aucune fierté personnelle, car le mérite en revient à la direction de l'aéroport - que la concertation engagée à propos de la mise au point du statut du personnel de l'aéroport a été véritablement exemplaire. Qu'on en juge ! Non seulement le projet de statut ne sera pas approuvé par le conseil d'administration avant qu'une très étroite concertation avec le personnel ait eu lieu, mais une procédure de consultation est mise en place avant même que cette procédure soit engagée; cela dans le but que le projet mis en concertation ne soit pas adopté avant une très large consultation du personnel. Nous nous trouvons actuellement, précisément, dans cette phase de consultation. Le consultant mandaté pour saisir le conseil d'administration d'un avant-projet de statut a été préalablement mandaté pour écouter le personnel, connaître ses revendications, ses aspirations, pour en tenir compte dans la rédaction du projet qui sera soumis à concertation ultérieurement et qui sera adopté seulement après cette concertation.
J'aimerais qu'on nous dise si on a déjà fait davantage dans l'histoire de cette République ou des établissements autonomes ! Ce projet de statut est poussé comme jamais dans ses mécanismes de concertation pour la simple raison que le personnel de l'aéroport est un personnel particulièrement motivé, à l'intérieur duquel l'esprit d'entreprise est très développé. C'est un atout que nous ne voulons pas galvauder. Nous voulons que le personnel de l'aéroport travaille avec nous pour l'aéroport et nous ne voulons pas travailler pour l'aéroport contre le personnel; ce serait tout à fait insensé ! Je précise qu'il n'y aura pas de statut approuvé par le conseil d'administration de cet établissement avant que la phase préalable de consultation du personnel, puis la phase de concertation avec le personnel sur l'avant-projet qui nous sera soumis aient été clairement achevées.
Le deuxième élément est relatif à la question de savoir qui va décider. M. Lyon a dit que le Grand Conseil aurait dû établir le statut avant le conseil d'administration. Il faut choisir entre un établissement autonome et un exercice alibi où en réalité tout se décide avant et à la place des organes constitués pour faire fonctionner la maison. Je vous rappelle que c'est votre parlement qui, dans la loi, a fixé dans les compétences du conseil d'administration qu'il lui appartenait de décider de ce statut. En d'autres termes, c'est votre parlement qui a estimé - c'est pure sagesse - que cela n'était pas de son ressort de fixer le statut du personnel, mais que c'était celui du conseil d'administration. C'est le premier point.
Deuxième point. Il n'y aura pas deux statuts, cela a été confirmé, pour éviter une entreprise à deux vitesses. Nous voulons un statut global pour l'ensemble du personnel qui soit motivant.
Troisième point, d'importance. Il concerne la notion des droits acquis et à cet égard, suivant la proposition du Conseil d'Etat, votre parlement a lui-même adopté une disposition dans la loi, par l'article 41, qui prescrit de manière non ambiguë que le personnel de l'aéroport est transféré à l'établissement dans la garantie de ses droits en ce qui concerne les conditions de travail et les conditions de rémunération. C'est la notion fondamentale des droits acquis. En d'autres termes le statut que nous allons mettre en place ne peut être qu'un plus pour le personnel. Il y a un socle incompressible qui, en termes de garantie des droits acquis, se trouve fixé dans la loi et l'établissement est lié à cette dernière. Sur ce point, je peux vous donner les garanties les plus formelles.
Qu'il me soit permis de dire ici, pour conclure, que cette procédure de consultation, puis de concertation sur le statut du personnel, est une procédure voulue par la direction de l'Aéroport international de Genève qui entretient les contacts les plus étroits avec la commission du personnel, avec la commission consultative du personnel et avec l'ensemble de l'établissement. Nous avons eu trois séances d'information à ce sujet avec l'ensemble du personnel. Nous en avons eu six ou sept avec la commission du personnel. Maintenant, l'entreprise mise en oeuvre pour préparer un avant-projet de statut consulte le personnel, la commission consultative, la commission du personnel en tant que telle, plus un certain nombre de personnes qui ont décidé de s'annoncer, car elles ont quelque chose à dire. Nous ne pouvons décidément pas être plus ouverts !
C'est pourquoi, je voudrais que vous nous fassiez confiance, ainsi qu'à l'établissement qui agit dans une direction particulièrement motivante pour mettre au point un bon statut pour le personnel. Le conseil d'administration a estimé que c'était une responsabilité. Preuve en est que nous avons créé une délégation des administrateurs qui s'occupe spécifiquement de ce point-là. C'est dire l'importance que nous y attachons et combien nous voudrions bénéficier de votre confiance dans ce processus complet et que nous désirons tout à fait serein.
Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
9. Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier :
Ces deux projets de lois ont été déposés le 17 novembre 1992 et traités lors des séances de la commission des affaires sociales des 12 janvier, 26 janvier et 2 février 1993.
A la suite des travaux de la commission, ces deux projets de lois ont été acceptés, amendés, à l'unanimité. Malencontreusement, aucun rapport n'a été effectué et ces objets sont restés en suspens. La présente commission des affaires sociales a repris ces projets de lois et les a traités lors de sa séance du 15 janvier 1994, sous la présidence de M. P.-A. Champod.
La modification de la loi qui vous est soumise à la fin du présent rapport ainsi que les conclusions sont superposables aux travaux de la précédente commission des affaires sociales.
M. Guy-Olivier Segond, chef du département de l'action sociale et de la santé, a assisté aux travaux de la commission.
Travaux de la commission
Préambule
Il faut rappeler, pour les nouveaux députés, le principe de l'évolution du montant des allocations familiales.
Tous les deux ans, après consultation des milieux concernés, le Conseil d'Etat examine le montant des allocations familiales versé aux salariés et aux agriculteurs indépendants conformément aux articles 8 A de la loi sur les allocations en faveur des salariés (J 7 1) et 9 A de la loi sur les allocations familiales des agriculteurs indépendants (J 7 6). Selon ces dispositions légales, l'examen du montant des allocations tient compte de l'évolution du coût de la vie, du revenu du travail et des charges des caisses.
Ainsi, le mécanisme pour fixer le montant des allocations familiales comporte essentiellement deux volets:
a) l'examen du rapport du service cantonal de statistique portant sur l'analyse de l'évolution des prix et des salaires;
b) les recommandations faites par la conférence des caisses d'allocations familiales genevoises en fonction, comme l'indique la loi, de l'équilibre financier desdites caisses.
Introduction
On comprend parfaitement bien que si les deux premiers paramètres (évolution du coût de la vie et du revenu du travail) sont des notions ne prétendant à aucune interprétation, le troisième élément (l'évolution des charges des caisses d'allocations familiales) est une notion beaucoup plus difficilement appréciable selon la lecture des chiffres faite par les uns ou les autres.
Depuis de nombreuses années, lors de chaque procédure de consultation, un débat sans fin s'engage quant aux montants à fixer pour les allocations familiales. En effet, de nombreux députés ne peuvent apprécier de manière objective, sur la base des documents remis par les caisses d'allocations familiales, la charge supportable et acceptable pour les entreprises. Ils réclament une transparence plus importante dans la présentation de leur compte.
Ainsi le projet de loi déposé par nos collègues socialistes se fait leur porte-parole en demandant que:
«le Conseil d'Etat soit habilité à réclamer les comptes et bilans annuels des quatre derniers exercices comptables des caisses publiques et privées d'allocations familiales. Ces dernières communiquent à cette occasion toutes les modifications du taux de contribution intervenues dans le courant des deux dernières années».
Discussion
La commission a repris les travaux effectués lors de la précédente législature et a tenu compte des remarques faites par les responsables des caisses d'allocations familiales.
En effet, selon le type de comptabilité, il est difficile de fournir un bilan pour les seules prestations d'allocations familiales, notamment lorsque les comptabilités ne sont pas complètement séparées des autres prestations sociales. D'ailleurs, il semble bien que la plupart des caisses d'allocations familiales fonctionnent à partir de caisses de prévoyance sociale qui alimentent toute une série d'autres fonctions. Il n'existe pas, selon ce mode de fonctionnement, de réserve à proprement parler. La notion de réserve, importante pour certains commissaires, semble être une notion difficile à évaluer pour les raisons mentionnées ci-dessus.
De plus, pour les caisses l'ayant constitué, le montant est bien souvent relativement faible et correspond à seulement quelques mois de prestations. Celles-ci sont infiniment moindres que celles exigées au niveau de l'AVS. Il n'est pas inutile de rappeler l'importante disparité entre les caisses, notamment celles du bâtiment qui sont très sollicitées et celles du secteur bancaire où les salaires sont les plus élevés et le nombre d'enfants moindre. Il semble bien que le système de péréquation entre les caisses ne soit plus suffisant.
Fort de ces explications, et bien que certains commissaires regrettent amèrement que l'on ne puisse exiger des caisses de compensation de fournir leurs comptes avec leurs bilans annuels, c'est à l'unanimité que la commission accepte le libellé qui est soumis à votre vote. La commission des affaires sociales espère qu'avec cette exigence minimale elle pourra mieux apprécier la charge des caisses et ainsi proposer des montants d'allocations familiales qui soient acceptables pour l'ensemble des partenaires.
Il faut savoir que le Conseil d'Etat a mandaté une commission d'experts pour préparer un projet de loi modifiant l'ensemble de la législation sur les allocations familiales. Ce mandat a été par ailleurs confié au Conseil d'Etat suite à la proposition de motion (n° 836) issue des travaux de la commission des affaires sociales déposée le 30 novembre 1992.
Conclusions
La commission des affaires sociales vous propose, Mesdames et Messieurs les députés à l'unanimité, d'accepter les deux projets de lois modifiant la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés.
Premier débat
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur. Comme vous l'avez constaté, ces projets de lois ont été acceptés et amendés par deux générations de députés.
Nous avons évalué avec soin les demandes des motionnaires et leur faisabilité. Finalement, nous avons trouvé un compromis, qui améliore considérablement la situation actuelle, soit de connaître de manière beaucoup plus transparente les comptes des caisses d'allocations. Un certain nombre d'arguments comptables ont convaincu une majorité de la commission sur l'impossibilité de donner le montant des réserves, car ces montants ne pouvaient être connus, vu le type de comptabilité non séparée avec les différentes autres prestations sociales. La majorité de la commission a voulu trouver une formulation minimale, acceptable, en attendant la réponse du Conseil d'Etat sur les motions issues de ce parlement et actuellement en concertation, soit l'uniformisation du taux de contribution entre toutes les caisses, un enfant une allocation, la modulation en fonction du revenu du groupe familial, l'eurocompatibilité, solution acceptable lors d'exportation des prestations.
C'est ainsi que je vous propose d'accepter ces deux projets de lois.
M. Bernard Clerc (AdG). Les deux projets de lois qui vous sont soumis résultent donc du travail de la commission des affaires sociales de la précédente législature, puisqu'ils ont été traités il y a maintenant plus d'un an. Le fait qu'ils parviennent aujourd'hui devant le Grand Conseil vient de l'oubli de la commission de l'époque de nommer un rapporteur. Cela avait fait bondir M. Dupraz...
Les députés de notre groupe, membres de l'actuelle commission, qui n'avaient donc évidemment pas participé à ces travaux de l'époque, n'ont pas voulu bloquer le travail réalisé lors de la précédente législature, mais ils ne sont pas satisfaits pour autant du projet qui vous est soumis. En effet, celui-ci prévoit de demander aux caisses de fournir les comptes des deux derniers exercices, mais pas les bilans. Rappelons qu'initialement le projet demandait la production des comptes et des bilans des quatre dernières années pour pouvoir déterminer les éventuelles provisions ou réserves des caisses, élément essentiel lors de la fixation du montant des allocations familiales.
Comment voulez-vous évaluer la gestion et la capacité financière des caisses d'allocations familiales sans la production des bilans ? Que dirait notre ministre des finances si pour leur taxation les entreprises ne produisaient que leurs comptes d'exploitation et pas leur bilan ? Convenons que cela n'est pas très sérieux ! Faut-il rappeler que les caisses d'allocations familiales sont instituées par des lois votées par ce Grand Conseil. Le versement d'allocations familiales constitue une partie de ce que l'on nomme le salaire indirect. Les employeurs ne se privent pas de rappeler qu'elles font partie de leurs charges salariales. De quel droit les caisses refuseraient-elles de produire leur bilan, alors que cet élément est essentiel à la détermination de leurs réserves et provisions éventuelles ?
L'automne prochain, comme tous les deux ans, le montant des allocations familiales devra être revu par le Grand Conseil. Une fois de plus, les employeurs pleureront misère et nous diront qu'ils ne peuvent pas augmenter les allocations, alors que nous ne disposerons toujours pas des éléments comptables suffisants pour nous déterminer. Les arguments - je devrais plutôt dire les prétextes - pour refuser de produire ces bilans ne sont pas sérieux. A entendre les représentants patronaux, leur gestion serait des plus archaïques, puisqu'ils ne seraient pas en mesure de déterminer la part des frais administratifs relatifs aux allocations familiales, sous prétexte qu'elles sont gérées avec d'autres prestations sociales. Ce prétexte me ferait rire s'il ne provenait pas des même milieux qui, à longueur d'année, critiquent la gestion des services publics et se posent en chantres de l'orthodoxie comptable : la rigueur c'est pour les autres, par pour eux !
C'est pourquoi je dépose deux amendements aux projets de lois qui vous sont soumis. L'enjeu de ce vote est le suivant : celles et ceux d'entre vous qui accepteront ces amendements manifesteront clairement leur volonté de transparence dans la gestion de l'une de nos prestations sociales; celles et ceux qui s'y opposeront laisseront à penser que les milieux patronaux ont quelque chose à cacher dans la gestion des caisses d'allocations familiales. Dans ce dernier cas, nous en tirerons les conclusions qui s'imposent lors des prochains débats sur ce sujet.
De grâce, un peu de cohérence !
M. Bernard Annen (L). Monsieur Clerc, avant de critiquer une loi et son application il faut d'abord la connaître. Vous êtes un homme raisonnable, mais aujourd'hui vous nous faites la démonstration que vous ne connaissez pas du tout les allocations familiales et les caisses qui les gèrent. Vous faites donc un procès d'intention. C'est le reproche que je vous adresse. Vous auriez pu essayer de vous informer avant d'émettre vos critiques !
Nous avons déjà eu ce débat. Monsieur Clerc, sachez que la commission sociale a analysé les caisses en profondeur. Rien n'a été caché. C'est dire à quel point la transparence a été de mise. Même et y compris les membres du parti du Travail ont été convaincus de la justesse des propos et de la bonne gestion de ces caisses de compensation !
Vous demandez des bilans. Pourquoi pas ? S'ils ne peuvent pas être rendus aujourd'hui c'est simplement parce qu'ils n'existent pas et qu'il faut les constituer. Je croyais, Monsieur Clerc, que vous connaissiez un peu la logique comptable ! En effet, dans la mesure où il y a un ensemble de prestations, c'est cet ensemble qui dégage des bénéfices, si tant est qu'il y en ait, par rapport aux charges représentées par l'ensemble des prestations sociales. Lorsque vous avez un tronc commun, il est tout à fait impossible, à moins de prendre des mesures tout à fait arbitraires, de dégager le bilan de l'une des prestations de la caisse de compensation.
Finalement, il serait possible de le faire. Je peux vous en dégager un avec une perte. Comment me prouverez-vous qu'il est faux ? Il est absolument simple, voire simpliste de dégager des bilans incontestables sans aucune fortune. C'est dire à quel point votre proposition est incongrue dans l'état actuel des choses.
Par contre, les caisses ont accepté de jouer ce rôle qu'on ne leur a jamais demandé, il faut le savoir, sur la base des propositions faites par la commission sociale. Seulement il faut constituer ces réserves, faire une comptabilité stricte réservée aux seules allocations familiales. En effet, dans quelques années, vous pourrez dégager, exercice après exercice, des bénéfices qui seront constitués en capital, et vous pourrez estimer les choses en connaissance de cause. Aujourd'hui, vous devez savoir que les cotisations d'allocations familiales servent seulement à couvrir les charges. Lorsque les cotisations ou les recettes ne couvrent pas les charges, c'est le reste des recettes couvrant les autres prestations sociales qui couvrent ce déficit. (M. Annen est interpellé par M. Clerc.) Monsieur Clerc, je vous expliquerai une fois comment cela se passe !
C'est la raison pour laquelle l'ensemble de la commission sociale a accepté la loi telle qu'elle vous est présentée aujourd'hui. Il est sage, à mon avis, de la maintenir et d'en rester là.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je suis surprise qu'un projet de loi voté à l'unanimité - deux fois, si je ne me trompe pas - suscite à nouveau une discussion identique à celle que nous avons eue pendant des semaines en commission. Je ne tiens pas à revenir sur tout ce qui y a été dit. En tant que coauteur du projet de loi, je tiens simplement à dire que nous étions dans une impasse à un certain moment. Il fallait donc bien, et c'est le travail parlementaire, s'en dégager. C'est pour cela que chacun a fait un pas. Les auteurs du projet de loi ont donc accepté une exigence minimale, comme l'a dit M. Schaller, et ceux qui étaient opposés à tout projet de loi l'ont également accepté. Ce travail parlementaire est presque exemplaire. Nous ne reviendrons donc pas sur notre position.
Monsieur Clerc, bien entendu, tout n'est pas satisfaisant, mais ce projet n'est pas inutile, car il nous donnera une certaine efficacité à moyen et à long terme. Lorsque vous connaîtrez régulièrement les rentrées et les sorties, vous connaîtrez indirectement les réserves. Notre idée n'est pas complètement abandonnée. D'autre part, je vous rappelle que toute la refonte du système d'allocations familiales est étudiée actuellement, et, vraisemblablement, ce problème sera abordé dans ce cadre.
Je vous demande donc d'accepter ce projet de loi, tel qu'il est ressorti des travaux de la commission.
M. Bernard Clerc (AdG). (Accueilli par un oohh de désapprobation.) Rassurez-vous, je serai très bref ! Je ne tiens pas non plus à refaire le débat qui a eu lieu en commission.
Monsieur Annen, j'ai lu les procès-verbaux des débats de l'époque. Je suis donc au courant de tout ce qui a été dit en commission, mais je ne suis pas pour autant convaincu. N'ayant pas participé à ces travaux, j'estime qu'il reste un problème de fond que je souhaite poser à travers ces amendements. C'est tout !
PL 6922-A
Le président. Je vous signale une rectification purement formelle. Il s'agit non pas de l'article 8, mais de l'article 8 A.
Le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1 (souligné)
Art. 8 A, al. 2
Le président. L'amendement de M. Clerc consiste à rajouter «et leur bilan» après «contributions encaissées».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Les articles 1 et 2 (soulignés) sont adoptés.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
PL 6922
LOI
modifiant la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés
(J 7 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur les allocations familiales en faveur des salariés, du 24 juin 1961, est modifiée comme suit:
Art. 8 A, al. 2 (nouveau, l'al. 2 devenant l'al. 3)
2 Dans le cadre de la consultation prévue à l'alinéa 1, les caisses remettent au Conseil d'Etat leurs comptes (charge de la caisse par type d'allocation, contributions encaissées) des deux derniers exercices avec le taux de contribution appliqué pendant la même période.
Art. 2
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.
PL 6923-A
Le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1 (souligné)
Art. 9 A, al. 2
Le président. L'amendement de M. Clerc consiste à rajouter «et leur bilan» après «contributions encaissées».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Les articles 1 et 2 (soulignés) sont adoptés.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
PL 6923
LOI
modifiant la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants
(J 7 6)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants, du 2 juillet 1955, est modifiée comme suit:
Art. 9 A, al. 2 (nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)
2 Dans le cadre de la consultation prévue à l'alinéa 1, les caisses remettent au Conseil d'Etat leurs comptes (charge de la caisse par type d'allocation, contributions encaissées) des deux derniers exercices avec le taux de contribution appliqué pendant la même période.
Art. 2
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le débat de fond sur le rôle et le mode de financement du social n'en est qu'à ses débuts. Le mode de financement qui est actuellement employé a tendance à désavantager les entreprises intensives en main-d'oeuvre et à avantager les entreprises fortes en capital. Cette incitation qui est faite aux entreprises à remplacer l'utilisation du travail par d'autres facteurs de production est particulièrement gênante dans la période de chômage que nous connaissons.
Selon les estimations empiriques existantes, il semblerait que, pour la période de 1957 à 1990, une hausse relative du coût réel de la main-d'oeuvre de 1% s'est traduite par une baisse de 0,6% environ du volume de l'emploi. L'effet d'une hausse du coût relatif du travail lié aux charges sociales se traduit donc par une diminution du volume de l'emploi au niveau macro-économique. Les variations sectorielles sont, elles, très différenciées et vont dépendre en premier lieu de la part des coûts du travail dans le coût total de production et, d'autre part, des possibilités de substitution entre facteurs de production qui existent dans le secteur considéré.
D'ores et déjà, certaines voix s'expriment afin de modifier l'assiette fiscale sur laquelle sont prélevées les cotisations sociales. Une proposition de prélèvement sur la valeur ajoutée totale de l'entreprise a été avancée par le professeur Yves Flückiger, de l'université de Genève. Le système aurait le mérite d'être lié à la valeur ajoutée et non à l'emploi. Sans entrer dans les différentes modalités possibles, le principe consiste à prélever une cotisation proportionnelle à la valeur ajoutée totale réalisée par l'entreprise, sans changer pour autant le montant total obtenu de ces prélèvements.
Une autre manière d'élargir l'assiette fiscale est d'introduire un impôt proportionnel sur les revenus des personnes physiques, solution qui se rapproche du système français de la contribution sociale généralisée. Par ce biais, on parvient également à taxer les revenus des autres facteurs de production. Ce système comporte cependant de nombreuses différences avec celui de la fiscalisation des cotisations par le biais de la TVA, différences qu'il s'agit d'analyser minutieusement.
Ces modes de perception des contributions sociales ont été pensés pour réformer le prélèvement des cotisations sociales versées à l'heure actuelle par les employeurs au titre de l'AVS/AI, notamment, mais aussi au niveau fédéral de l'assurance-chômage. Ils revêtent néanmoins un intérêt pour notre canton car ils pourraient bien évidemment être appliqués par analogie à l'ensemble des assurances sociales. A l'heure actuelle, les autorités genevoises planchent sur un projet de refonte des sources de financement des prestations complémentaires pour les personnes âgées. Si une solution de prélèvement sur les salaires était retenues dans ce cadre, il conviendrait d'en connaître les effets sur l'emploi.
Ce sont les raisons pour lesquelles, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir mandater l'observatoire universitaire de l'emploi, afin de mener une étude sur ces questions.
Débat
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Le mode de financement des prestations sociales utilisé en Suisse n'est économiquement pas neutre, car il est basé sur un prélèvement sur le travail. Il contribue donc à alourdir le coût relatif de la main-d'oeuvre par rapport à d'autres facteurs de production; il désavantage notamment les entreprises riches en main-d'oeuvre et incite à la substitution. Nous pensons, en conséquence, qu'il est souhaitable de réfléchir à d'autres modes de financement. A Genève, le professeur Yves Fluckiger propose un élargissement de l'assiette fiscale sur laquelle les cotisations patronales sont calculées. Le principe consiste à prélever une cotisation proportionnelle à la valeur ajoutée totale réalisée par l'entreprise. On peut aussi, toujours dans l'idée d'élargir l'assiette fiscale, imaginer des systèmes comparables à celui de la contribution sociale généralisée française.
Ces réflexions intéressent également notre canton pour deux raisons. Premièrement, la Confédération sollicite les cantons pour couvrir le déficit de l'assurance-chômage; la presse s'est fait l'écho des préoccupations de M. Vodoz à ce sujet. Deuxièmement, elles pourraient, par analogie à l'assurance-chômage et l'AVS-AI, être appliquées à l'ensemble des assurances sociales, à un moment où le système de financement des prestations complémentaires pour personnes âgées, par exemple, est repensé dans sa totalité.
Je souhaite que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat pour que ce dernier puisse mandater l'Observatoire cantonal pour l'emploi, présidé par M. Fluckiger, afin d'étudier cette question. Je vous en remercie d'ores et déjà.
M. Pierre Kunz (R). La libéralisation des échanges mondiaux et la concurrence internationale qui en découle induisent, depuis une vingtaine d'années, pour nos entreprises, une pression considérable sur leur capacité concurrentielle. Alors, elles s'adaptent, elles réagissent et pour survivre cherchent à améliorer constamment leur productivité. Elles demeurent ainsi concurrentielles, mais on sait aussi à quel coût social et quels sont les effets sur l'emploi. Il est évident que le poids des contributions sociales obligatoirement prélevées sur chaque franc de salaire versé - salaires qui sont en Suisse plus élevés que partout ailleurs - constitue un élément important pour expliquer et justifier le comportement des entreprises dans ce domaine.
Le choix qui s'offre à nous est donc extrêmement simple. Ou nous persistons à penser, en vertu d'habitudes que nous avons prises dans le cadre de structures économiques dépassées et dans un temps révolu, que nos assurances sociales doivent être financées exclusivement par prélèvement sur les salaires, et alors nous renforcerons la pression exercée sur le niveau des salaires de ce pays et à fragiliser les entreprises qui recourent intensivement au facteur de production «travail». Ou alors - deuxième possibilité - nous nous engageons dans la recherche de solutions qui permettraient de réduire ce handicap pour les entreprises que représente le système actuel. Cela signifie que nous répartissions sous une forme ou sous une autre le financement de nos assurances sociales entre le facteur de production «travail» et - ça va faire plaisir à nos amis d'extrême-gauche - le facteur de production «capital».
La motion 910 aborde un sujet important et ouvre la bonne porte sans présumer des réponses qui seront apportées et sans exclure, bien évidemment, la nécessaire révision de la politique sociale de ce pays et de ce canton. C'est pourquoi les radicaux sont favorables à l'acceptation de cette motion et à son renvoi en commission.
M. Laurent Rebeaud (Ve). Nous sommes également favorables à cette motion et à son renvoi en commission, car le problème soulevé est sérieux, même s'il est plutôt fédéral.
Il s'agit du fonctionnement de l'ensemble du système, en France, en Italie, en Allemagne comme en Suisse. Il est évident que si nous voulons continuer à financer le système d'assurances sociales au niveau minimum nécessaire, qui n'est pas très loin du niveau assuré aujourd'hui, nous devons sortir de la logique du prélèvement sur les salaires. Ce prélèvement pourrait se faire sur la TVA, ou, comme nous le proposons au niveau national, par des taxes nouvelles qui pourraient être des taxes sur l'énergie ou sur le CO2; mais nous devons trouver le moyen de financer les besoins des assurances sociales par autre chose que par les prélèvements sur les salaires. En effet, tout prélèvement supérieur et supplémentaire sur les salaires engendre à coup sûr des répercussions négatives sur l'emploi.
Nous soutenons cette motion dans ce sens.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a conduit cette réflexion dans le cadre plus limité des prestations complémentaires, dont le montant est décidé par la Confédération et dont le financement est assuré par le canton.
Le Conseil d'Etat a fait, avec l'aide du professeur Fluckiger, la même réflexion en évoquant le prélèvement sur la valeur ajoutée, la possibilité d'une cotisation générale obligatoire ou différentes taxes afin de ne pas continuer à renchérir le coût du travail par un prélèvement unique sur les salaires. Le rapport sera adopté à la fin du mois de juin. Nous vous en donnerons connaissance probablement en septembre. C'est la raison pour laquelle, même si la réflexion est limitée aux prestations complémentaires, je vous propose de renvoyer la motion au Conseil d'Etat. Vous aurez alors l'occasion, lorsque nous vous donnerons le rapport cet automne, d'en discuter dans le cadre de la commission fiscale, très probablement.
Pour des raisons d'efficacité, je vous invite donc à renvoyer la motion au Conseil d'Etat étant donné qu'un rapport sur ce thème sera terminé le 30 juin.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant le financement des prestations sociales
LE GRAND CONSEIL,
- considérant que le mode de financement des prestations sociales n'est pas neutre sur le plan économique puisque les cotisations sont prélevées uniquement sur le revenu du travail;
- considérant que le mode de financement des prestations sociales a tendance à désavantager les entreprises intensives en main-d'oeuvre,
invite le Conseil d'Etat
à donner mandat à l'observatoire universitaire de l'emploi afin d'étudier:
a) l'impact sur l'emploi du mode de prélèvement actuel;
b) des mesures de financement des prestations sociales élargissant l'assiette fiscale comme un prélèvement sur la valeur ajoutée totale de l'entreprise ou un système de contribution sociale généralisée.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le mode de financement complexe et inadéquat des établissements publics médicaux (EPM);
- la difficulté d'évaluer la part des coûts des établissements publics médicaux en fonction des missions qui leur sont assignées, soit la formation, la recherche et les soins;
- la difficulté d'élaborer des objectifs de santé à long terme et de sortir de l'hospitalo-centrisme en raison de l'effet délétère du mode de financement;
- l'exigence de la meilleure allocation possible des ressources disponibles en matière de santé publique,
invite le Conseil d'Etat
- à évaluer l'impact qu'aurait l'introduction d'un transfert progressif d'une partie des subventions (correspondant aux coûts des soins) des établissements publics médicaux aux caisses-maladie.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Préambule et généralités
Les dépenses de soins médicaux augmentent plus rapidement que celles de la plupart des autres biens et services. Elles sont passées de 13 482 millions de F en 1981 à 26 200 millions de F en 1991, soit une augmentation de 94,3% en francs courants, et environ 58% en francs constants, ajustés par l'indice des prix des dépenses sanitaires totales (chiffres OCDE). En 1991, 7,9% du produit intérieur brut (PIB) étaient consacrés aux services de santé (contre 7,3% en 1981). Pour ceux qui se félicitent que ce pourcentage soit encore plus bas que celui d'autres pays industrialisés, il faut ajouter que la statistique suisse sous-estime certaines dépenses et que les dépenses réelles sont probablement entre 8% et 9% du PIB. Si le taux de croissance des dépenses de soins continue à être plus rapide que celui du PIB, les services médicaux consommeront une part croissante de l'ensemble des biens et des services produits.
Le surcoût devra donc obligatoirement être financé au détriment d'un autre secteur (social - éducatif) ou en augmentant la participation de la population sous forme d'impôt ou de cotisations de l'assurance-maladie.
Cette augmentation croissante est due à de nombreux facteurs:
- apparition de nouvelles techniques qui suscitent une spécialisation croissante;
- augmentation de la demande de la santé de la part de la population;
- évolution du mode de vie;
- vieillissement de la population;
- apparition de nouvelles maladies (SIDA), etc.;
- développement important de la démographie médicale responsable d'une demande induite;
- forte médicalisation des problèmes sociaux;
- absence totale d'incitatif à la performance;
- méthode de financement qui pousse davantage à la consommation qu'à une prise en charge plus efficiente.
Le financement des dépenses de santé dans notre pays repose sur trois piliers:
- les impôts (pouvoir public) par le biais de subventions cantonale et fédérale aux caisses-maladie ainsi que par le subventionnement aux hôpitaux publics. Les dépenses publiques cantonales de santé représentaient en 1991 plus d'un milliard de F, soit 20% des dépenses de l'Etat;
- les cotisations aux assurances sociales (financement privé). Ces cotisations pour l'assurance-maladie sont basées sur une cotisation individuelle, sans tenir compte du revenu;
- les paiements des prestations soit directement, soit par le biais d'une assurance privée.
Ainsi le financement est assuré pour 33% par les pouvoirs publics, pour 35% par les assurances sociales (assurance-maladie, accidents, invalidité et militaire) et pour 32% par les assurés privés et les ménages.
Sur les 32 milliards de F de dépenses de santé en 1994, les traitements hospitaliers représentent le poste le plus important (plus de 50% des dépenses) et c'est dans ce secteur qu'on a constaté la plus forte croissance.
Il faut relever la situation particulière de notre canton qui présente des dépenses par assuré de l'assurance de base de soins médicaux très élevés, auxquelles s'ajoutent des subventions également très élevées et la situation unique d'avoir la quasi-totalité des lits publics (aigus, gériatrique et psychiatrique) dans les hôpitaux et institutions universitaires. Sans nul doute cette augmentation rapide et continue du montant des ressources publiques et privées consacrées aux dépenses médicales soulève d'importantes questions politiques:
- Ces augmentations sont-elles justifiées ?
- Pourrait-on fournir plus de services pour un même montant de dépenses ou autant de services à un moindre coût, si ces ressources étaient distribuées différemment ?
- Faut-il affecter encore une part croissante de ressources limitées pour les services médicaux alors qu'il y a d'autres besoins comme l'éducation ou le social ?
Dans le cadre des établissements publics médicaux:
- Les ressources affectées sont-elles utilisées de manière optimale ?
- Les programmes de recherches sont-ils bien coordonnés ?
- Les filières de formations sont-elles adéquates ?
Buts de la motion
La présente motion demande de clarifier les rôles respectifs de l'Etat et de l'assurance-maladie dans le cadre du financement des hôpitaux publics, ainsi que de revoir la répartition des tâches entre l'ambulatoire et l'hospitalier. Le maintien d'un mode de financement historique présente des inconvénients majeurs et entretient la confusion des responsabilités entre l'Etat et les organismes de l'assurance-maladie. De ce fait, l'allocation des ressources aux établissements publics médicaux est bien plus le résultat d'une demande expansionniste, entraînée par les progrès technologiques, les besoins des professionnels de soins et les possibilités de financement à court terme, que le résultat d'une véritable analyse des besoins de la population. Il n'y a véritablement, selon ce mode de faire, aucun espace pour l'optimisation des ressources et le développement de pratiques de soins plus efficientes. Il suffit de citer quelques exemples tels que le développement de la chirurgie ambulatoire, la prise en charge de patients à domicile lors de situations complexes (SIDA, soins palliatifs, mucoviscidose, etc.).
Pour un hôpital public efficient
La population genevoise est, à juste titre, fortement attachée à ses EPM, dont elle reconnaît les missions de soins, de recherche et d'enseignement, ces deux dernières étant fondamentales pour garantir des prestations de qualité.
Cela ne dispense pas «l'industrie hospitalière» de se poser un certain nombre de questions sur sa performance, ni d'examiner ses objectifs et de s'adapter aux réalités économiques et sociales. Certes, le défi est de taille puisqu'ils doivent aujourd'hui, tout en restant à la pointe des progrès médicaux, maintenir leurs dépenses, dans la limite des ressources collectives allouées.
Une plus grande transparence de son mode de financement (soins, recherche, enseignement) devrait aider à «mettre de l'ordre dans la maison», terme cher au professeur Pierre Gilliand, ainsi qu'à capter «les ressources latentes».
L'enjeu est de taille puisque les charges d'exploitation des EPM pour notre canton dépassent le milliard de F (1 004 920 000) et représentent une part prépondérante de toutes les dépenses de santé. Ces charges d'exploitation ne cessent de progresser alors que le nombre de journées d'exploitation diminue depuis 1989. Le canton subventionne pour plus de 60% ces charges.
Pour un financement plus transparent
Actuellement, le forfait hospitalier remboursé par les caisses-maladie (283 F pour 1994) ne représente qu'environ le tiers des coûts, après déduction des frais de recherche et d'enseignement, non compris les investissements.
On comprend parfaitement bien qu'il n'y a aucun avantage pour les différents partenaires (EPM, assurances, patients) à rechercher des alternatives autres que l'hospitalisation dans un hôpital universitaire. Cela explique probablement en partie que la Suisse soit en tête du palmarès des pays de l'OCDE en matière de longueur de séjour.
Ce système de remboursement forfaitaire par les assurances-maladie à un prix moyen entre les premiers jours coûteux et les jours de convalescence nettement moins coûteux n'incite pas à la performance. De plus, le patient soigné à l'hôpital voit son séjour entièrement remboursé par son assurance-maladie, alors que s'il est soigné ambulatoirement, ou à domicile, il devrait financer tout ou une partie des soins. Il faut relever également que notre canton, selon les indices, est doté d'un nombre élevé de lits hospitaliers de type universitaire (4,92 pour 1000 habitants contre 0,89 dans le canton de Berne) et qu'une journée dans un hôpital de ce type coûte environ 50% de plus comparé à un lit dans un établissement non universitaire.
Une clarification du mode de financement des EPM permettrait:
- de respecter les préférences de l'usager, cela sans contrainte financière, et permettant ainsi d'assurer l'égalité des soins quel que soit le lieu de traitement;
- de réguler à petites doses la concurrence;
- d'améliorer les procédures d'évaluation et de gestion;
- de planifier le réseau hospitalier privé et public.
Si cette motion cherche à rétablir un minimum de clarté, elle ne veut en aucun cas être le prétexte pour diminuer le subventionnement public qui, comme chacun le sait, est en partie responsable de l'explosion des cotisations de l'assurance-maladie, cela correspondrait sans nul doute à un impôt sur la pauvreté. Notre pays est, d'ailleurs, le seul pays d'Europe occidentale à avoir un financement de la santé non fiscalisée.
Travaux parlementaires antérieurs
Un certain nombre de motions et d'interpellations se sont penchées sur l'organisation du système de soins, sur les flux budgétaires ou sur les coûts hospitaliers, mais aucune n'a véritablement cherché à modifier le mode de financement des établissements publics médicaux (M 552, M 670, M 690, M 779, M 795).
Le rapport du Conseil d'Etat à la motion 690 est de loin le plus intéressant car il apporte, par la qualité et la clarté de son texte, des renseignements précieux sur l'évolution du système de financement de la santé à Genève. Ce rapport est indispensable à la compréhension des flux financiers des secteurs de la santé publique et de l'action sociale.
Il n'est pas dénué d'intérêt de citer son paragraphe d'introduction et qui pourrait aussi servir de conclusion à la présente motion.
«Face aux profondes mutations qu'ont subi les secteurs de la santé publique et de l'action sociale, le système législatif aussi bien que les modes de financement ont été progressivement adaptés, mais jamais remis en cause totalement. Actuellement, il ne s'agit donc plus d'une structure homogène mais d'une structure hétérogène, «bricolée» de toutes parts. Tout aménagement doit donc se faire avec une extrême prudence, les conséquences indirectes n'étant pas toujours faciles à prévoir, d'autant plus qu'une intervention de l'Etat dans les domaines sanitaires et sociales devrait garantir les acquis en matière d'équité, de solidarité et de redistribution des revenus.»
La motion 670, traitée plus récemment par la commission de la santé, demande essentiellement d'assurer la complémentarité entre les secteurs public et privé, d'élaborer des statistiques sanitaires claires et fiables, et de définir la mission et le rôle de l'Etat dans le domaine de la promotion de la santé et de la prévention.
Conclusions
L'Etat doit garantir et affirmer son rôle dans:
- la relation des dépenses de santé afin de garantir à tous l'accès aux soins;
- l'allocation des moyens afin d'optimiser les dépenses de la santé;
- le développement de l'évaluation;
- l'éducation des citoyens en matière de santé.
L'important n'est pas que les agents soient publics ou privés, mais qu'ils soient soumis à des règles qui les incitent à se comporter dans le sens des intérêts de la collectivité. Notre rôle en tant que décideurs politiques est bien d'assurer la meilleure répartition des ressources, aujourd'hui limitées, en définissant l'intérêt collectif.
C'est la raison pour laquelle je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette motion.
Bibliographie
- Concurrence et incitation dans le système hospitalier, conférence, septembre 1993, HEC, Michel Mougeot.
- Réforme des structures hospitalières du point de vue socio-économique, professeur Pierre Gilliand, bulletin des médecins suisses, 1991.
- Question de soins, Charles Kleiber, édition Payot.
- Economie de la santé, A. Bersniak, G. Duru, Masson, 1992.
- La réforme des systèmes de santé, analyse comparée de sept pays de l'OCDE, Paris, 1992.
- Santé 2010, commissariat général du plan, soins, 1993.
- Analyse économique de la santé, Paul J. Feldstein, édition Seillans, 1992.
- Approche statistique de l'assurance-maladie dans le canton de Genève, mai 1992.
- Coût du système de santé, démographie médicale en Suisse, professeur Pierre Gilliand, Revue médicale de la Suisse romande, 1993.
- Compte de la Santé, dépenses et cotisations des caisses-maladie dans le canton de Vaud, 1989.
- Proposition de planification hospitalière et sanitaire genevoise en l'an 2000, DASS, juin 1991.
- The right place of teaching hospital, A. Griffiths, HMI, Genève 1993.
- Pour la santé publique, J. Martin, réalité sociale.
Débat
M. Philippe Schaller (PDC). Comme vous l'aurez compris, cette motion est bien plus importante dans son exposé des motifs que dans son invite au Conseil d'Etat. Elle veut nous forcer, nous les décideurs politiques, à nous poser un certain nombre de questions quant au financement et au mode d'organisation de nos établissements publics médicaux. L'enjeu est de taille, puisque les charges d'exploitation de ces établissements dépassent le milliard et représentent une part prépondérante des dépenses de santé dans notre canton.
Il est donc urgent de se poser un certain nombre de questions :
Les ressources dans les établissements publics médicaux sont-elles bien utilisées ?
Les programmes de recherche sont-ils bien coordonnés ?
Les filières de formation sont-elles adéquates ?
Certes, la population genevoise, à juste titre, est très attachée à ses établissements publics - je le suis aussi pour les nombreuses années que j'y ai consacrées - mais cela ne nous empêche pas de remettre en cause leurs performances et d'examiner leurs objectifs.
La motion soulève plusieurs problèmes.
Le premier est le mode de financement à 60% par les subventionnements publics. Cela fait que la journée d'hôpital coûte aujourd'hui 283 F. Ce faible montant n'incite pas les différents acteurs, qu'ils soient patient, médecin ou assureur, à rechercher des alternatives à l'hospitalisation. Nous avons souvent débattu sur les soins à domicile et leur financement soit en commission soit dans ce parlement.
Le deuxième point est l'augmentation progressive et incessante de l'industrie hospitalière qui est bien plus le résultat d'une demande expansionniste entraînée par les progrès technologiques, les besoins des professionnels de soins et les possibilités de financement à court terme, que d'une véritable analyse des besoins de la population.
Cette motion soulève un troisième point. C'est la véritable volonté de mettre en place une comptabilité analytique, afin d'estimer quel est le coût réel des soins et de pouvoir les comparer avec d'autres indicateurs, notamment avec des indicateurs intercantonaux ou internationaux.
Le quatrième point me semble le plus intéressant. Il consiste à tenter d'éviter l'émergence incessante et lassante de cette guerre des tranchées de la médecine privée et de la médecine publique. Pour moi, peu importe que la médecine soit publique ou privée, pourvu qu'elle soit soumise aux mêmes règles, ce qui permettra aussi aux hôpitaux de développer la médecine ambulatoire pour former les professionnels.
J'aimerais mettre quelques bémols aux risques que comporte cette motion.
Sous le couvert de cette motion, on risque de chercher à diminuer les subventions publiques qui, soit auprès de l'organe d'assurance-maladie ou auprès du financement de l'hospitalisation, ont déjà chuté de 45% en 1975 à 33% en 1990 et qui sont en grande partie responsable de l'augmentation des cotisations. Certes, nous avons une taxe hospitalière de 10 F qui tente de corriger les effets pervers entre l'ambulatoire et l'hospitalisation, mais cette taxe est également injuste. En effet, finalement, on reporte une fois de plus une partie des coûts sur le consommateur qui voit ses primes augmenter, primes - comme vous le savez tous - qui ne sont pas fiscalisées.
Le deuxième point que j'aimerais soulever concerne les caisses maladie. Sont-elles capables de recevoir des subventions supplémentaires et sont-elles organisées pour le faire ? Sont-elles suffisamment fiables pour qu'on puisse leur confier ce rôle ? Il est vrai que les caisses sont aujourd'hui nombreuses et pas toujours bien organisées. Elles sont certes soumises au contrôle de l'OFAS et au contrôle de l'assurance-maladie. Cette motion doit se concevoir dans une dynamique d'une modification du système de santé en Suisse ainsi que son financement. Demain, les caisses seront moins dispersées, elles ne seront plus que quelques-unes; peut-être y en aura-t-il plus qu'une si on passe à un financement fiscalisé.
Troisième risque. Il faut absolument que l'Etat développe parallèlement une évaluation sur la qualité et régule les dépenses, qu'elles soient publiques ou privées.
Il faut aujourd'hui capter les ressources latentes de notre système de soins pour éviter le rationnement non équitable et non éthique des prestations. Seule la rationalisation, voire le rationnement solidaire et communautaire procédant d'une décision collective, est acceptable pour éviter une médecine à deux vitesses ou une médecine de jugement moral entre les malades méritants et les malades indignes. Pour mettre un peu de raison et un peu de bon sens, il faut introduire des mécanismes d'incitation à la performance, à l'efficience. On ne peut plus se permettre de gaspillages, ni la mal-organisation, ni le mal-investissement, cela d'autant plus - vous le savez bien - que ce n'est pas en faveur du patient ni de la société dans son ensemble.
Je vous propose de renvoyer cette motion à la commission de la santé.
Le président. Se sont inscrits pour prendre la parole sur ce point, les docteurs Gougler, Godinat, Hausser, Von der Weid, Saurer et Froidevaux. (Manifestation de la salle.) J'allais oublier M. Unger ! (Rires.) Nous allons donc au-devant d'un vaste débat médico-médical. J'espère, vu l'heure tardive, que vous comprendrez que vous pourrez tenir ce débat à la commission de la santé où de toute façon cette motion sera renvoyée.
M. Henri Gougler (L). Je serai bref, rassurez-vous !
Il s'agit d'une motion originale et intéressante, qui est une hypothèse de travail valable. Vu son influence sur le fonctionnement futur des établissements médicaux publics et privés ainsi que des caisses maladie et du fait des problèmes techniques que cela va soulever, nous demandons son renvoi à la commission de la santé.
M. Gilles Godinat (AdG). Très brièvement, également.
Nous soutenons, bien évidemment, le renvoi de cette motion en commission.
Je veux juste soulever trois points. Il y a une confusion entre les objectifs et les moyens. La réponse à l'invite est immédiate. Si on transfère les subventions des pouvoirs publics vers les caisses maladies, on transfère le contrôle sur les flux financiers. On donne ainsi les moyens d'une politique sans définir les objectifs. Cela pose un problème fondamental. A part cela, j'éprouve un certain malaise à entendre des médecins s'exprimer sur cette motion; cela me fait penser à un vague débat sur l'incompatibilité !
M. Dominique Hausser (S). Encore plus vite !
Le groupe socialiste propose de compléter les invites de cette motion à la commission de la santé pour les adapter à l'exposé des motifs présenté par M. Schaller.
Des voix. Bravo !
M. Andreas Saurer (Ve). Pour le bien-être du parlement, je renonce à mon intervention ! (M. Saurer est véritablement acclamé.)
M. Pierre Froidevaux (R). Le parti radical propose que cette motion soit étudiée à la commission de la santé. (Rires.)
M. Pierre-François Unger (PDC). Je serai bref, moi aussi !
Je salue pour la première fois l'unanimité médicale ! (Rires et bravos.)
Mise aux voix, cette motion est renvoyée à la commission de la santé.
M. Andreas Saurer (Ve). Etant donné que le parlement est visiblement fatigué, je propose que l'on interrompe la session maintenant et que l'on reprenne les débats dans un mois.
Le président. Très bien ! A la demande de Mme Brunschwig Graf, présidente du département de l'instruction publique, nous allons aborder le dernier point qui doit absolument être renvoyé en commission pour des questions d'urgence.
M. Michel Balestra (L). J'avais un rapport pour l'initiative 101-B qui ne concerne que sa recevabilité formelle et je crois que nous sommes à la limite au niveau du délai. Je pense qu'il serait utile d'accepter ce rapport, puisqu'il ne fait l'objet d'aucune discussion.
Le président. Le délai expire au mois de juin, Monsieur le député, j'ai vérifié !
12. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'université. (C 1 27,5) ( )
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit:
Art. 17, al. 3 et 4 (nouvelle teneur)
al. 5 et 6 (nouveaux)
Facultés et
instituts
3 L'institut est une subdivision qui exerce, outre les fonctions d'enseignement et de recherche, une autre fonction de service public.
4 L'institut est rattaché à l'université, à une faculté ou à une section. La liste des instituts rattachés à une faculté ouà une section figure dans le règlement de l'université.
5 L'université comprend:
a)
la faculté des sciences;
b)
la faculté de médecine;
c)
la faculté des lettres;
d)
la faculté des sciences économiques et sociales;
e)
la faculté de droit;
f)
la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation;
g)
l'institut d'architecture.
6 En outre, la faculté autonome de théologie protestante est rattachée à l'université et, sous réserve des dispositions spéciales qui la concernent, est soumise à la présente loi et aux règlements.
Art. 19, al. 3 et 4 (nouvelle teneur), al. 5 (abrogé)
Ecoles
3 L'école est rattachée respectivement à une faculté ou à une section; exceptionnellement, elle peut être rattachée à l'université.
4 Sur proposition de l'université, le Conseil d'Etat dresse la liste des écoles.
Art. 79, al. 2 (nouvelle teneur)
2 En outre, les responsables des écoles et instituts rattachés à l'université peuvent être invités de manière durable à ses séances.
CHAPITRE III
Organes des subdivisions
SECTION 1
Facultés et instituts rattachés à l'université
(nouvelle teneur)
Art. 85 A (nouveau)
Instituts rattachés
à l'université
1 Les instituts rattachés à l'université sont dirigés par un directeur. Il est assisté par un vice-directeur et un administrateur.
2 Les articles 82 à 85 de la loi sont applicables par analogie.
Art. 87, note marginale (nouvelle teneur)
Départements et instituts rattachés à une faculté ou à une section
Art. 103 (nouveau)
Dispositions transitoires concernant l'institut d'architecture
1 Le premier règlement d'études de l'institut d'architecture est préparé par le rectorat. Il est soumis au collège des recteurs et doyens et au conseil de l'université avant d'être transmis pour approbation au département de l'instruction publique.
2 Une commission ad hoc est chargée d'évaluer les candidatures des membres du corps professoral, des maîtres d'enseignement et de recherche, des chargés d'enseignement et du conseiller aux études de l'école d'architecture en vue de leur nomination éventuelle à l'institut d'architecture dès le 1er octobre 1994. Elle est composée de cinq membres désignés par le rectorat, dont deux experts extérieurs.
3 Les candidatures sont évaluées conformément aux critères énoncés aux articles 48, 49, alinéa 2, et 57 F de la loi.
4 La commission ad hoc prépare les préavis de nomination au sens des articles 42, alinéa 9, et 57 D de la loi. La procédure de nomination suit son cours par l'examen du rectorat, conformément aux articles 43, alinéa 1, et 57 D, alinéa 6 de la loi.
Art. 2
1 La chancellerie d'Etat est chargée de remplacer, lors des prochaines révisions de la présente loi, les actuelles dénominations «facultés ou écoles» par une nouvelle dénomination «facultés, instituts rattachés à l'université ou écoles» ou «collège des professeurs ordinaires de la faculté, de l'institut ou des professeurs d'écoles» ou «doyen, directeur d'institut rattaché à l'université ou président d'école», suite à l'entrée en vigueur de l'article 17, alinéa 4 de la loi.
2 Cette modification vise les articles 26 A, al. 2 et 3; 26 B, al. 1 et 2; 31, al. 2; 41, al. 4; 42, al. 3, 5 et 7; 43, al. 1, 2 lettre d, 3 et 4; 45, al. 2; 46, al. 2; 47 G, al. 2, 5, 7 et 9; 47 D, al. 1; 47 E, al. 1 et 2; 47 G, al. 1; 49, al. 2, lettre a; 52, al. 3 et 4; 55, al. 3; 57, al. 1; 57 C, al. 1 et 2; 57 D, al. 2 et 6; 59, al. 1; 64, al. 1; 67, al. 2; 73, al. 2 lettre c; 75, al. 2; 76 lettre c; 77, al. 1 lettre a; 78, al. 1 et 2 lettre d; 99, al. 3.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le projet de loi que nous vous soumettons a pour objectif de créer à Genève un institut d'architecture. Il implique la fermeture de l'actuelle école d'architecture de l'université de Genève (EAUG).
Il ne s'agit pas seulement d'une mesure formelle, mais d'une opération qui vise à reconnaître le caractère scientifique et professionnel de la formation et de la recherche en architecture. En donnant à cet institut les mêmes droits, les mêmes structures et la même organisation qu'une faculté, on lui accorde les moyens de faire valoir pleinement ses qualités propres dans le cadre de ses relations avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne.
Il n'était en effet plus possible, après l'accord signé le 4 février dernier concernant les études d'architecture entre l'université de Genève et l'école polytechnique fédérale de Lausanne, de maintenir une école qui ne pouvait pas délivrer de doctorats et qui n'avait pas la possibilité de réaliser des diplômes d'études supérieures. Le document relatif à l'accord du 4 février 1994, ainsi que les éléments de détail concernant la répartition des tâches entre le nouvel institut universitaire d'architecture et l'école polytechnique fédérale de Lausanne sont annexés au présent projet de loi. Ce document couvre aussi les aspects financiers de l'opération.
Il y a lieu d'insister sur le fait que tout effort de coordination avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne ne pouvait que passer par une mise à niveau des deux institutions et notamment de leur département d'architecture. Cette opération concerne trois secteurs:
a) le plan d'études
Le premier plan d'études sera préparé par le rectorat sur la base des accords de collaboration passés avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne le 4 février 1994.
b) les enseignants
La modification de la structure d'école en une structure d'institut d'architecture aura pour conséquence que le futur corps enseignant de cet institut sera constitué pour une large part de professeurs ordinaires chargés en particulier de donner un enseignement post-grade et de diriger des thèses.
c) les diplômes d'études supérieures et doctorats
Le nouvel institut d'architecture aura non seulement la compétence de délivrer des doctorats, comme le département d'architecture de l'école polytechnique fédérale de Lausanne, mais il mettra en place également des diplômes d'études supérieures dans les domaines mentionnés ci-dessous.
I. Projet scientifique
1. Les nouvelles qualités de la formation
La nouvelle formation de l'architecte généraliste s'appuie sur quatre lignes disciplinaires et projectuelles:
Architecture et arts appliqués
Dans ce contexte, on récupère un savoir-faire et une culture bien présents dans la production suisse jusqu'au milieu des années 70, interrompus par l'avènement du design international et qui, aujourd'hui, peuvent être une excellente base pour la modernisation de l'architecture. En effet, il est devenu indispensable de vérifier si le dimensionnement de l'architecture et de tous les objets y afférents, établis selon les critères des années 30, sont encore de nos jours valables. Seul un rapport strict entre le projet du bâti et tous les éléments qui le composent, dedans et dehors, peut nous montrer la direction à poursuivre. La Suisse a une très longue tradition dans le champ des arts appliqués, tant dans la production que dans l'enseignement théorique, particulièrement importante dans l'école des années 20, 30, 40 (entre autres, création du Wohnbedarf, participation des architectes suisses à l'ameublement de la Weissenhof à Stuttgart, projet d'installations techniques et sanitaires pour le Kantonsspital à Zurich, etc.).
Cette culture n'a pas abouti à la création de formation universitaire. D'autre part, il faut admettre que la Suisse, bien qu'elle conserve une industrie de mécanique fine de grande qualité, s'est un peu évincée de la scène mondiale du design. Compte tenu de la crise actuelle et malgré son indéniable qualité, il est opportun d'introduire un enseignement universitaire et post-universitaire dans ce domaine.
Il est probable que les milieux économiques concernés y trouveront un intérêt, d'autant plus que de nombreux architectes suisses de qualité travaillent déjà avec succès pour des firmes étrangères.
Les programmes d'enseignement devraient être développés en coordination, d'une part, avec les architectes cités plus haut et, d'autre part, avec les écoles d'architecture d'intérieur et de design de niveau non universitaire déjà présentes dans le bassin lémanique.
Urbanisme et aménagement du territoire
Lorsqu'une discipline est fortement ancrée dans un tissus culturel et professionnel, il est difficile d'expliquer les raisons de son existence. Néanmoins, l'urbanisme, reconnaissable dans les formes de la ville et du territoire, demande maintenant une profonde révision à partir des changements intervenus dans le concept même de rationalisation urbaine et d'organisation sociale. Dans les deux derniers siècles de notre histoire, plusieurs sources d'énergie se sont succédé pour nous garantir une production industrielle: de l'eau à la vapeur, à l'électricité, au pétrole. Chaque changement a profondément marqué la ville et son territoire. Aujourd'hui, une nouvelle phase économique et sociale s'annonce et demande une intégration avec son passé, une gestion du territoire coordonnée au plan romand et suisse. A ce sujet, l'urbanisme et l'aménagement du territoire feront l'objet d'un enseignement en réseau impliquant des collaborations avec d'autres universités romandes.
Sauvegarde du patrimoine bâti
La crise du modèle de la consommation a donné un nouvel essor au problème de l'entretien du patrimoine bâti qui a une longue et quelquefois ambiguë histoire, en tant que savoir-faire spécifique. La «restauration», au XIXe siècle, touchant les grands monuments du Moyen Age, a été appelée, dès le début de notre siècle, à étendre son rayon d'intervention: les témoignages de l'activité de l'homme ont été toujours plus perçus comme ressource matérielle, impossible à reproduire et comme source historique essentielle.
Aujourd'hui, il s'agit d'assurer les compétences techniques nécessaires pour garantir la permanence du patrimoine plus ancien et donc plus rare, mais également pour ne pas gaspiller le bâti, même récent. L'enjeu, non seulement, culturel mais aussi économique dans ce domaine est évident: ces tâches représentent près de 50% des activités du secteur de la construction.
Paysage
Il s'agit d'une discipline tellement présente dans la vie quotidienne que son enseignement aurait dû être dispensé dans chaque école d'architecture depuis très longtemps. Parcs publics, réaffectation du paysage urbain, banlieues, friches industrielles sont les grandes tâches de cette discipline et le champ d'une nouvelle profession. Les nouvelles dispositions économiques européennes concernant l'agriculture sont une raison supplémentaire et pressante qui impose de faire du «paysage» un enseignement spécifique.
De plus, avec l'abandon forcé d'une grande partie de la campagne, une occasion historique se présente: relier et intégrer les différents espaces qui ont été abandonnés à la suite de variations économiques et sociales: la montagne dépeuplée depuis longtemps, la colline comme phénomène récent et enfin une grande partie de la plaine en voie d'abandon.
Management
Dans cette longue période de difficultés économiques, la maîtrise des coûts des projets d'architecture et d'urbanisme devient incontournable pour les architectes sous peine de disparaître. Cette maîtrise passe par celle de la phase du chantier et des phases préparatoires de celui-ci. Celle-ci doit également viser la gestion de la phase de l'utilisation du projet.
2. Une structure euro-compatible
- l'enseignement est organisé sur la base de six semestres dont le dernier est consacré à la préparation du diplôme. Chaque semestre comprend en moyenne 450 heures (voir «Normes et recommandations de la Commission européenne de réformes des facultés et écoles d'architecture») réparties de la façon suivante:
- du cinquième au septième semestre: 252 heures (18 heures hebdomadaires) consacrées au projet et 198 heures (16 heures hebdomadaires) consacrées aux cours théoriques;
- du huitième au neuvième semestre: 280 heures (20 heures hebdomadaires) consacrées au projet et 198 heures (16 heures hebdomadaires) consacrées aux cours théoriques;
- le dixième semestre (diplôme): 182 heures (12 heures hebdomadaires consacrées au projet et 8 heures hebdomadaires consacrées aux cours à option).
L'étudiant doit nécessairement rendre les quatre projets des lignes disciplinaires ci-après, tout en observant un principe de base:
- Il doit présenter sept projets dont quatre obligatoires dans les disciplines suivantes: architecture et arts appliqués, urbanisme, sauvegarde du patrimoine bâti, paysage; les trois restants sont au choix de l'étudiant, tout en sachant qu'un projet ne peut être doublé qu'une seule fois. Le neuvième semestre, l'étudiant rend un seul projet.
- L'horaire prévu pour le projet est de dix-huit heures par semaine du cinquième au septième semestre dont quatre heures hebdomadaires sont consacrées aux apports théoriques. La représentation graphique, l'estimation économique et la description annonçant le caractère culturel et la spécificité technique du projet sont des conditions fondamentales pour la présentation de chaque projet. Cette méthode constitue ainsi le caractère de base de la formation dispensée. Cette structure permet une large participation de l'étudiant à l'élaboration de son plan d'études.
3. Troisième cycle
Un institut qui base son enseignement et sa formation sur plusieurs lignes disciplinaires tout en gardant la généralité de la formation suggère à l'étudiant la possibilité de s'introduire dans un domaine plus spécifique.
Pour cela, les disciplines de troisième cycle naissent dans le parcours du deuxième cycle, qui dans certains cas, trouvent une définition plus précise (voir le management qui reprend et développe vers un plus grand professionnalisme, l'habitude de l'évaluation du projet introduite dans les projets du deuxième cycle).
4. Formation continue
Comme il a été plusieurs fois affirmé, la formation continue universitaire contribue à accroître la mobilité et la flexibilité professionnelle tout en remplaçant une formation essentielle pour l'économie nationale sans toutefois créer des frictions ou des obstacles à la formation des spécialistes. Des cycles de formation continue rapides et organisés avec d'autres institutions publiques et privées sont donc à prévoir.
II. Disposition transitoires
a) les nouveaux plans d'études
L'élément qualitatif scientifique central qui met en valeur le futur institut d'architecture est constitué par un plan d'études.
Comme il s'agit d'une nouveauté, et que les instances concernées ne peuvent pas être consultées de la même façon que dans le régime actuel de participation, il a été nécessaire de créer une base légale permettant au rectorat d'établir le premier plan d'études du futur institut d'architecture, sur la base des accords de collaboration passés avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne le 4 février 1994.
b) le nouveau corps enseignant
La commission ad hoc mentionnée à l'article 103 devra examiner les candidatures du corps professoral, des maîtres d'enseignement et de recherche, des chargés d'enseignement et du conseiller aux études et évaluer tout à la fois leurs qualités scientifiques et leur adéquation au nouveau plan d'études.
En fait, les critères d'évaluation retenus seront pédagogiques d'une part (qualité de l'enseignement dispensé), et scientifiques d'autre part (recherches d'un niveau scientifique suffisant), tels qu'ils découlent de l'article 48, lettre b de la loi.
La situation des enseignants qui ne seraient pas sélectionnés par la commission de nomination pose évidemment un problème du point de vue de leur garantie d'emploi. Les situations seront examinées les unes après les autres et des propositions de reclassement seront faites dans la mesure du possible à l'intention de tous les intéressés.
Comme «ultima ratio» et seulement si aucun reclassement n'est possible pour les enseignants intéressés, la création du nouvel institut et la fermeture de l'école d'architecture de l'université de Genève peuvent être assimilées à une procédure de suppression de fonctions permanentes, au sens de l'article 129 de la loi sur l'instruction publique. Les professeurs d'école et les enseignants dont les dossiers scientifiques, professionnels et pédagogiques ne correspondent pas aux exigences du poste pourraient être licenciés s'il se révèle impossible de confier aux intéressés une autre fonction correspondant à leurs capacités et au plan d'études.
Il y a lieu de signaler enfin que ce projet de loi a été discuté avec les syndicats de l'école, lesquels en ont accepté le principe à la condition qu'un délai d'application d'une année, jusqu'au 30 septembre 1995, soit accepté pour parer aux cas de rigueur. Ils demandent également à être entendus par la commission ad hoc (art. 193, al. 2).
Pour ces motifs, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver ce projet de loi.
Annexe: protocole d'accord du 4 février 1994
ANNEXE
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'université.
Le président. Le Grand Conseil sera convoqué pour le mois de mai à 17 h le 26 mai, à 14 h le 27 mai et en séance supplémentaire à 17 h le 3 juin.
La séance est levée à 23 h 35.
SOMMAIRE
Nos desprojets Pages
La mémorialiste: Bernadette Bolay-Dard Chancellerie d'Etat
Vente du MÉMORIAL
Abonnement annuel 145 F(Comprenant tous les numéros de l'annéeet la table des matières)
Le numéro 8 F
Les mémoriaux de l'année courante et de l'année écoulée sont en vente au service des publications officielles, chancellerie d'Etat, 2, rue de l'Hôtel-de-Ville, 2e étage, par l'escalier, CCP 12-9177.
Pour les mémoriaux des années antérieures, s'adresser directement à la mémorialiste du Grand Conseil, chancellerie d'Etat, 2, rue de l'Hôtel-de-Ville, 3e étage. Téléphone 319 22 16.