République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 31 mai 2024 à 16h15
3e législature - 2e année - 2e session - 9e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 16h15, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.
Assiste à la séance: M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Nathalie Fontanet, Anne Hiltpold, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Masha Alimi, Michael Andersen, Diane Barbier-Mueller, Joëlle Fiss, Sami Gashi, Charles Poncet, Jean-Charles Rielle, Romain de Sainte Marie, Skender Salihi, Geoffray Sirolli et Céline Zuber-Roy, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Thomas Bruchez, Oriana Brücker, Rémy Burri, Stéphane Fontaine, Christine Jeanneret, Gabrielle Le Goff, Patrick Lussi, Philippe Meyer et Daniel Noël.
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de Skender Salihi : Deux poids, deux mesures : comment ? (QUE-2064)
Question écrite urgente de Amar Madani : Liens de parenté dans les Hôpitaux universitaires de Genève (QUE-2065)
Question écrite urgente de Skender Salihi : Existe-t-il des dysfonctionnements au sein de la direction de l'organisation de la sécurité et de l'information (DOSI), rattachée au secrétariat général du département de l'économie et de l'emploi (DEE) ? (QUE-2066)
Question écrite urgente de Amar Madani : Evaluation de l'application de la loi pénale sur la mendicité : bilan, obstacles et mesures prises (QUE-2067)
Question écrite urgente de Jean-Pierre Tombola : Vernier - Nuisances et pollution dues à la densité du trafic motorisé sur l'avenue Louis-Casaï (QUE-2068)
Question écrite urgente de Florian Dugerdil : Est-il nécessaire et surtout judicieux de transformer nos enfants en rats de laboratoire en testant sur eux de nouveaux concepts pédagogiques non aboutis tels que celui nommé « enclassement » ? (QUE-2069)
Question écrite urgente de Gabrielle Le Goff : Nos élèves ont-ils toutes les chances de réussir dans l'école genevoise ? (QUE-2070)
Question écrite urgente de Laura Mach : Quel avenir pour la Source Bleue ? (QUE-2071)
Question écrite urgente de Jean-Marc Guinchard : Frein aux coûts du système de santé : quelles mesures concrètes en faveur de la population genevoise ? (QUE-2072)
Question écrite urgente de Matthieu Jotterand : Quel impact sur les surfaces d'assolement pour le projet d'élargissement de l'autoroute de contournement ? (QUE-2073)
Question écrite urgente de Michael Andersen : Fondations immobilières de droit public (QUE-2074)
Question écrite urgente de Michael Andersen : Conseil d'administration des institutions de droit public (QUE-2075)
Question écrite urgente de Julien Nicolet-dit-Félix : Chantier du viaduc du Pailly et situations analogues - quelle planification et quelles mesures de protection pour les cyclistes ? (QUE-2076)
Question écrite urgente de Arber Jahija : Salaire des nouveaux directeurs généraux entrants et sortants (QUE-2077)
Question écrite urgente de Jean-Louis Fazio : Subvention à l'Orchestre de chambre de Genève : où en est-on ? (QUE-2078)
Question écrite urgente de Jean-Louis Fazio : Que fait le Conseil d'Etat pour améliorer et faciliter les démarches administratives afin de mieux satisfaire le public ? (QUE-2079)
Question écrite urgente de Jean-Louis Fazio : Nouvel hôtel des archives : une affectation détournée ? (QUE-2080)
Question écrite urgente de Philippe de Rougemont : L'alliance militaire OTAN à Genève ? Que compte faire le Conseil d'Etat pour protéger l'identité de Genève ? (QUE-2081)
Question écrite urgente de Caroline Marti : Les zones 30 km/h sont-elles enfin sécurisées ? (QUE-2082)
Question écrite urgente de Thomas Bruchez : Les évacuations des occupations propalestiniennes de l'université et des HES par la police étaient-elles conformes à la liberté d'expression et de réunion, ainsi qu'au principe de proportionnalité ? (QUE-2083)
Question écrite urgente de Thomas Bruchez : Ouverture d'un bureau de l'OTAN à Genève : quelles conséquences pour notre engagement pour la paix ? (QUE-2084)
Question écrite urgente de Michael Andersen : Une « Voie Bleue » bien obscure (QUE-2085)
Question écrite urgente de Lara Atassi : Evacuation d'Uni Mail, les droits des étudiantes et étudiants ont-ils été respectés ? (QUE-2086)
Question écrite urgente de Marjorie de Chastonay : Qui est la nouvelle présidente de la CPEG ? (QUE-2087)
Question écrite urgente de Marjorie de Chastonay : Où en sont les négociations concernant la réforme du CO ? (QUE-2088)
QUE 2064 QUE 2065 QUE 2066 QUE 2067 QUE 2068 QUE 2069 QUE 2070 QUE 2071 QUE 2072 QUE 2073 QUE 2074 QUE 2075 QUE 2076 QUE 2077 QUE 2078 QUE 2079 QUE 2080 QUE 2081 QUE 2082 QUE 2083 QUE 2084 QUE 2085 QUE 2086 QUE 2087 QUE 2088
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également reçu par messagerie les questions écrites suivantes:
Question écrite de Matthieu Jotterand : Pourquoi si peu de capteurs de la pollution de l'air ? (Q-4002)
Question écrite de Julien Nicolet-dit-Félix : Frénésie administrative au DIP - quels motifs et quelles bases légales ? (Q-4003)
Question écrite de Cédric Jeanneret : Cuisson à la maison : quand est-ce que les Genevoises et Genevois arrêteront de jouer avec le feu ? (Q-4004)
Question écrite de Michael Andersen : Coûts du statut S pour le canton ! (Q-4005)
Question écrite de Caroline Renold : Que fait l'Etat pour réduire ses propres déchets ? (Q-4006)
Question écrite de Léo Peterschmitt : La possibilité d'obtenir des aides sur la base de la déclaration fiscale ? (Q-4007)
Question écrite de Louise Trottet : Régulation de l'usage des smartphones par les élèves dans l'école obligatoire (Q-4008)
Question écrite de Souheil Sayegh : Les lenteurs de l'administration doivent-elles ralentir le versement des prestations ? (Q-4009)
Q 4002 Q 4003 Q 4004 Q 4005 Q 4006 Q 4007 Q 4008 Q 4009
Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Débat
Le président. Nous reprenons nos travaux avec la M 2489-A.
Une voix. 99 !
Le président. La M 2499-A, vous avez tout à fait raison, Monsieur le député. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Comme le groupe Ensemble à Gauche n'est plus présent dans cette enceinte, le rapport de minorité de M. Olivier Baud ne sera pas présenté. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion avait été déposée il y a fort longtemps par le groupe Ensemble à Gauche et concerne la problématique de Porteous. Vous vous souvenez, il s'agit de ce bâtiment au bord du Rhône, dans la commune de Vernier, en bas de la presqu'île d'Aïre, qui était vide depuis une vingtaine d'années et qui avait été occupé par un collectif qui, de mémoire, s'appelait «Prenons Genève».
Sur ce, le groupe Ensemble à Gauche avait déposé une motion contenant trois invites. Les deux premières demandaient au Conseil d'Etat d'abandonner le site de Porteous pour le développement du programme de réinsertion de détenus - car une partie du périmètre servait de lieu de réinsertion pour les détenus - et de réaffecter le bâtiment administratif - il y a un grand bâtiment vitré que vous voyez quand vous êtes au bord du Rhône, la Verseuse 17, sur le site de l'ancienne STEP d'Aïre. La dernière invitait le Conseil d'Etat «à ouvrir le dialogue avec le collectif "Prenons la ville", occupant les lieux, sur l'usage actuellement envisageable du bâtiment».
Suite aux nombreuses auditions que nous avons eues, cette motion est apparue comme une fausse bonne idée puisque et la commune de Vernier et le Conseil d'Etat, en particulier par l'intermédiaire de Mme Redalié, s'étaient beaucoup investis dans ce dossier. Le rapport a été rendu en décembre 2021, suite à des auditions en 2020 et 2021. Or, depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. En effet, depuis 2022, l'association Porteous travaille dur pour remettre en état cet immense bâtiment, qui était donc l'ancienne station d'épuration d'Aïre avant de devenir un lieu occupé.
Maintenant, c'est un grand projet culturel pour toutes et pour tous. Les premiers travaux ont commencé en septembre 2022 - je parle sous le contrôle de M. le conseiller d'Etat -, le projet étant d'ailleurs fort évolutif, puisqu'il y aura une buvette et qu'il sera possible de mutualiser un certain nombre de programmes socioculturels dans cet établissement. C'est pourquoi il convient de refuser la M 2499, qui est devenue obsolète et qui avait rejetée par la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Discuter de cette motion, même plusieurs années plus tard, alors qu'elle est devenue obsolète parce que les propositions ont été concrétisées, reste intéressant, ça donne l'occasion de faire un retour sur un projet en cours et de constater que parfois c'est une impulsion citoyenne qui débloque la situation.
Dans ce cas précis, il y a des citoyens qui voient un bâtiment appartenant à l'Etat totalement inutilisé depuis plus de vingt ans, qui y entrent, y déploient une activité collective culturelle et réhabilitent ensemble les lieux autant qu'ils peuvent. Ils s'adressent à l'Etat, et qu'est-ce qui se passe ? L'Etat écoute, entre en matière, des discussions ont lieu, et ce jusqu'à aujourd'hui; depuis cette période, tous les trois mois, le département de la cohésion sociale, l'office cantonal des bâtiments et le collectif Porteous se rencontrent. Des travaux de réhabilitation sont effectués avec les moyens du bord, de façon bénévole, grâce à l'engagement de l'association.
Ça fait un peu penser à l'engagement qui a mené à la création de l'association des usagers des bains des Pâquis, ou encore à ce qui s'est passé avec les baux collectifs dans les logements appartenant à la Ville. C'est aussi la preuve que la culture alternative et participative, la culture d'en bas, peut coexister avec la culture d'en haut, celle qui est très subventionnée et qui a aussi sa place. Aujourd'hui, le collectif travaille à réaliser une étude de faisabilité à la demande du département de la cohésion sociale. Cette dernière sera rendue publique en septembre et servira, entre autres, au département pour rédiger un projet de loi qui nous sera présenté.
Je pense que c'est une bonne occasion de relever qu'il peut y avoir des interventions par en bas de la société civile et de bonnes collaborations avec l'Etat. C'est un projet à mon avis tout à fait exemplaire, une collaboration réussie, et je lui souhaite bon vent. Les Vertes et les Verts vous proposent de voter cette motion pour confirmer cette approbation du projet. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Oriana Brücker (S), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, nous rejoignons la position des Vertes et des Verts. Nous aussi, au sein du groupe socialiste, nous sommes d'avis que pour une valeur symbolique d'abord, mais pas seulement, ça vaut la peine de soutenir cette motion. Il est vrai, du temps a passé, des actions ont été entreprises et des décisions prises au niveau du département de la cohésion sociale, et celles-ci vont justement dans le sens de la motion.
Il s'agit d'un texte déposé il y a six ans, en 2018, suite à l'occupation par un collectif du bâtiment Porteous, qui se trouve sur le bord du Rhône. Les revendications de ce collectif ont été entièrement reprises par le canton. Voilà pourquoi, à notre avis, ça vaut la peine de soutenir cette motion, avec tous nos remerciements pour le canton et le département pour le grand travail qui a été fait, consistant à mettre sur pied une commission ad hoc pour réaffecter ce bâtiment, qui a une valeur patrimoniale, à un projet culturel.
Cette motion a donc permis de revenir sur une décision qui avait été celle du canton en 2018 d'affecter ce bâtiment à un centre de détention et de le réaffecter pour en faire un projet culturel. Au sein de la commission ad hoc, les associations ont pu siéger, ce qui a permis de mener à bien ce projet et finalement de sauver un bâtiment construit dans les années 60 par l'architecte genevois Georges Brera. Pour toutes ces raisons, nous sommes d'avis que cela vaut la peine de soutenir cette motion, même s'il est vrai qu'elle est dépassée et qu'elle date déjà d'il y a six ans.
M. Alexis Barbey (PLR). Si l'occupation d'un lieu suffisait à sa réaffectation, alors l'université aurait du souci à se faire ! Sera-t-elle bientôt un centre culturel ? Je ne le pense pas. Il faut garder à l'esprit que cette problématique de Porteous est en fait assez ancienne. A la lecture des rapports, ce qui me surprend, c'est de constater le peu de véhémence des gens qui revendiquent l'affectation de Porteous à des fins socioculturelles et qui n'ont demandé aucune urgence et aucune intervention, de 2020 jusqu'à maintenant. Ça fait quand même quatre ans, donc il n'y a pas vraiment d'urgence dans ce dossier, et je le traiterai comme ça.
Il n'y a pas d'urgence exprimée par le parlement, mais il y a un rapport émanant du Conseil d'Etat, déposé le 24 juin 2021, dont je dois dire que pour quelqu'un qui n'est pas membre d'une commission culturelle ou de notre commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, la lecture est un peu difficile, on dira. Je vous cite quelques mots de ce rapport qui évoquent le «recyclage d'un bâtiment à haute valeur patrimoniale comme moteur d'urbanité et de mémoire collective». Alors je défie quiconque de venir m'expliquer en termes simples ce que ça signifie - en tout cas je n'ai pas trouvé.
Porteous, qu'est-ce que c'est ? C'est finalement un projet extrêmement vaste. On a l'impression que les porteurs du projet ont avancé, comme ça, dans ce bâtiment désaffecté, et qu'à chaque nouvelle salle, ils ont inventé une nouvelle activité, une nouvelle affectation et en ont sorti le projet Porteous dans son ensemble. Seulement voilà, ce projet a un certain nombre d'inconvénients. Le premier, et à mes yeux pas des moindres, c'est qu'il a fait l'objet d'une occupation illicite. Le deuxième, c'est que dans ce projet, il n'y a aucune mention de prix, il y a des estimations assez vastes - ça va de 6 à 20 millions de francs -, et je trouve que c'est difficile, en tant que député, de prendre une décision sur une marge de fluctuation aussi grande.
L'autre inconvénient du projet est qu'il n'a aucun sponsor privé, il n'y a aucun soutien en dehors de l'Etat pour faire un nouveau centre socioculturel ou culturel à Genève. Aux yeux du PLR, c'est un élément important qu'il y ait une complémentarité entre le secteur privé et le secteur public dans ce genre de cas.
Je vois que mon temps est presque écoulé, alors je vais aller rapidement sur les derniers éléments. L'autre proposition de réaffectation de Porteous, qui était un projet de centre de détention, nous paraît plus fondée, parce que les prisons sont vétustes et surpeuplées et parce que nous en avons besoin. Par conséquent, je vous invite à refuser cette motion. Je vous remercie.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, sur cette motion, qui date effectivement de 2018, je n'aimerais pas, quel que soit le vote de votre parlement, favorable ou défavorable, que vous ayez des interprétations différentes. La seule conviction que j'ai sur Porteous, c'est que nous allons aller de l'avant ! D'abord parce qu'il y a eu une mobilisation citoyenne intéressante, qui a permis de renouer le dialogue avec l'Etat, ce qui est évidemment important non seulement pour un bâtiment de l'Etat, mais aussi pour construire et co-construire une politique culturelle émergente, qui fait aussi partie du panel que le département de la cohésion sociale soutient. C'est important pour nous de pouvoir soutenir une forme de culture émergente.
Le deuxième élément, c'est qu'il s'agit d'un travail de partenariat entre des privés, la Ville de Vernier et les membres du collectif qui se sont engagés. On peut être fier que des jeunes se mobilisent pour développer une nouvelle infrastructure culturelle. Le dernier point sur lequel je voulais amener un élément, c'est l'invite évoquant la Verseuse 17, l'autre bâtiment à côté de Porteous: la Verseuse 17 est et restera attribuée au département des institutions et du numérique; là-dessus, il n'y a pas de doute à avoir, la réponse du Conseil d'Etat sera claire.
Par conséquent, quel que soit le vote de votre parlement sur cette motion, le Conseil d'Etat est engagé pour poursuivre ces travaux et continuer à faire en sorte que nous puissions proposer dans ce magnifique site, qui a effectivement une valeur non seulement patrimoniale mais aussi culturelle, un lieu très intéressant de développement et d'expérimentation.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote. Vous trouverez à la page 113 du rapport un amendement général du rapporteur de minorité de l'époque:
«Porteous: Oui à un projet culturel !
[...]
invite le Conseil d'Etat
- à poursuivre le projet culturel à Porteous dans le sens du rapport qui lui a été remis le 24 juin 2021;
- à donner un point de situation au Grand Conseil sur le bâtiment de la Verseuse 17, lui aussi mis sous protection.»
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 53 non contre 29 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 2499 est rejetée par 55 non contre 30 oui (vote nominal).
Débat
Le président. C'est le tour de la M 2564-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole échoit à Mme Kämpfen.
Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président. La proposition de motion 2564 invite le Conseil d'Etat à soutenir le recours à la domotique dans les domiciles existants occupés par des personnes âgées en leur octroyant 5000 francs pour l'installation de ces nouvelles technologies, à encourager les entités qui construisent des logements à destination des aînés à les équiper d'outils de domotique, à informer les seniors des possibilités liées à l'utilisation de ces instruments ainsi que des enjeux de protection des données et de respect de la vie privée, et enfin à réaliser un rapport sur les actions mises en oeuvre dans un délai de trois ans.
Tout le monde s'accorde à dire qu'il est souhaitable de retarder la prise en charge des personnes âgées en établissement spécialisé afin de maintenir leur qualité de vie d'une part et de réduire les coûts de la santé d'autre part, mais il ne faut pas se tromper de cible. En dépit de la complexité, il est nécessaire d'opérer une distinction entre domotique technique ou d'infrastructure et domotique connectée, c'est-à-dire communication, sécurité, suivi médical à distance. Il faut déterminer là où il y a des enjeux de protection des données et là où il n'y en a pas, il faut savoir distinguer ce qui représente une véritable aide médicale permettant le maintien d'une personne à domicile de ce qui constitue un simple confort.
A cet égard, le texte reste flou et mélange ces deux aspects, la domotique connectée, comme le mentionne son titre - «Des aîné-e-s connecté-e-s» -, et la domotique technique décrite en détail dans l'exposé des motifs: systèmes de fermeture ou d'arrosage, placards, tables et autres plans de travail télécommandés, réglages automatiques de la climatisation ou du chauffage, etc. Grâce aux diverses auditions, nous avons finalement compris que la motion parlait des outils de domotique technique et non de la domotique connectée. Or c'est cette dernière qui devrait être prioritaire aux yeux de la majorité de la commission, domaine qui est déjà suivi de près et étudié par l'IMAD.
A plusieurs questions sur la mise en pratique des invites, il a été répondu qu'il reviendrait au Conseil d'Etat d'en définir les détails; cela n'est pas satisfaisant lorsqu'on parle d'offrir 5000 francs aux personnes de plus de 65 ans, ce qui représente un coût démesuré si les conditions d'octroi ne sont pas mieux définies. Faisons un simple calcul: 5000 francs fois 87 000 personnes de plus de 65 ans à Genève - ce sont les chiffres de l'OCSTAT de 2018 -, cela fait 435 millions de francs. Au fil des auditions, les commissaires se sont rendu compte qu'une aide ne devrait pas être accordée sans une évaluation préalable des besoins et un accompagnement personnalisé, ce qui renchérit évidemment le coût de ce dispositif, puisqu'il faut y ajouter les personnes travaillant à l'évaluation.
De plus, le seuil de 65 ans questionne. L'âge pivot pour des besoins domotiques afin de rester à son domicile se situe davantage autour de 80 ans que de 65 ans, mais c'est toujours une évaluation individuelle qui permettrait de le déterminer, ce qui rend l'application de la motion malaisée. Lors des auditions, certains ont évoqué le maintien à domicile comme principale justification de l'objet alors que d'autres parlaient de système d'arrosage automatique pour les personnes de 65 ans et plus. Le public cible et les mesures proposées sont à cent lieues du maintien à domicile.
La majorité de la commission estime que la motion est trop vague, que son coût est potentiellement trop élevé et qu'elle ne poursuit pas les bons objectifs. La domotique connectée représente la vraie priorité, et des études sont en cours sous la responsabilité et le suivi de l'IMAD. Pour l'ensemble de ces raisons, la majorité de la commission des affaires sociales vous recommande de refuser la M 2564. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de minorité. Cette proposition de motion peut sembler quelque peu futuriste, car elle touche un sujet dont on n'a pas l'habitude de traiter et qui est encore nouveau. Il s'agit de soutenir l'accès à des technologies encore peu connues - je pense que le rapport de majorité l'a bien montré -, mais qui font petit à petit leurs preuves dans l'amélioration du quotidien des seniors à domicile. La technologie évolue, et avec elle une ouverture des possibles; ces derniers sont à prendre en compte pour une adaptation des conditions d'un maintien à domicile de plus en plus souhaité et nécessaire.
Bien que la domotique ait été mise au service des personnes âgées en Suisse depuis de nombreuses années, son accès reste aujourd'hui assez conditionné aux moyens financiers des bénéficiaires. Les soutiens en la matière sont quasi inexistants. Dès lors, peu nombreux sont celles et ceux pouvant se permettre ce type d'aide technologique. Pourtant, ces outils sont susceptibles de faciliter le maintien à domicile.
Lors des discussions en commission, la domotique a été régulièrement opposée à l'importance des proches aidants, d'une installation sanitaire adéquate telle que la transformation d'une baignoire en douche de plain-pied ou encore d'une gestion optimale des risques. En réalité, la proposition de ce texte visant à rendre accessibles des outils domotiques au plus grand nombre vient en complément aux nécessaires ajustements à opérer dans l'aménagement du domicile des aînés. Il est clair, en tout cas pour la minorité qui soutient cet objet, que la domotique ne remplacera jamais le soutien des proches, l'aide à domicile ou tout lien social qui est précieux, nécessaire et incontournable.
Dans certains cas, Mesdames et Messieurs, la domotique permet également de rassurer les bénéficiaires tout comme leurs proches ou encore les équipes soignantes qui les entourent jour après jour quant à leur état de santé, leur capacité à gérer le quotidien ou leurs possibilités de communication en tout temps.
Cette motion va dans ce sens, et pour cela, la minorité de la commission a jugé opportun de la soutenir en y ajoutant un traitement des demandes au cas par cas, l'idée n'étant pas d'en arriver au tout-domotique ni à la domotique pour tous, mais d'évaluer les besoins et l'intérêt de chaque outil en fonction de la situation des personnes. La minorité de la commission estime que refuser ce texte, c'est aussi refuser de concevoir un renforcement de la prise en charge des personnes âgées à domicile grâce à un coup de pouce technologique que le Conseil d'Etat pourra définir ainsi que les critères d'octroi. C'est pourquoi la minorité vous recommande de soutenir cette motion.
M. André Pfeffer (UDC). Plus d'autonomie et une meilleure qualité de vie à domicile pour les aînés, voilà évidemment quelque chose que tout le monde soutient. Mais les invites posent problème, surtout la première qui propose de favoriser le recours à la domotique dans les logements et d'octroyer une aide financière jusqu'à 5000 francs maximum. Pour vraiment savoir de quoi on parle, Mesdames et Messieurs, je vais vous lire une définition de la domotique: il s'agit de l'ensemble des techniques de l'électronique utilisées dans les bâtiments, l'objectif étant de centraliser le contrôle des différents systèmes des maisons et/ou des entreprises.
Voici les raisons pour lesquelles il convient de rejeter cette proposition de motion. Tout d'abord, cela a déjà été souligné, le texte est flou et mélange plusieurs notions. Et surtout, l'avantage de cette technologie pour les personnes âgées n'a pas - ou pas encore - été démontré. Deuxièmement, cela a été relevé aussi, il s'agit d'un mécanisme d'arrosage: 5000 francs offerts à chaque personne de 65 ans et plus, cela représente environ 430 millions.
Par ailleurs, les auditions ont clairement montré que transformer les baignoires en douches serait bien plus utile pour les seniors que d'installer un système informatique pour centraliser les différentes données - et ce, évidemment, par un dispositif d'arrosage général. Pour terminer, il ne faut tout de même pas oublier le rôle que joue l'IMAD dans ce domaine: l'institution est vraiment impliquée dans l'évaluation des besoins et aides pour les personnes âgées.
Je précise ici que lors des travaux de commission, seuls Ensemble à Gauche et les socialistes ont accepté cette motion, même les Verts se sont abstenus. Aussi, Mesdames et Messieurs, tout comme l'immense majorité des commissaires, je vous recommande de rejeter cet objet. Merci de votre attention.
M. Arber Jahija (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la motion propose d'équiper de nouvelles technologies l'ensemble des logements habités par nos seniors. Les coûts estimés d'une telle mesure sont conséquents, mais il est important que nos aînés puissent bénéficier de l'appui de l'Etat dans l'utilisation d'outils pouvant leur faciliter la vie et améliorer leur confort au quotidien. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons ce texte et vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, à en faire de même. Je vous remercie de votre attention.
Mme Emilie Fernandez (Ve). S'il est vrai que notre groupe souhaite favoriser le maintien à domicile des personnes âgées, l'étude de cette motion il y a quatre ans déjà n'a pas démontré que la proposition louable d'octroyer un montant de 5000 francs pour l'installation d'appareils domotiques répond à cet objectif. Le rapport souligne qu'il existe une confusion entre domotique et outils de communication, et que l'accompagnement des personnes utilisatrices représente une variable importante dont il faudrait tenir compte dans la mise en pratique. Pour ces raisons, notre groupe s'abstiendra, comme il l'avait fait en commission.
Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion vise à mieux équiper en domotique le domicile des personnes âgées afin de garantir leur autonomie. Mais qu'est-ce qui assure l'autonomie des seniors ? «Dis, Siri, ferme les stores, ouvre la porte, mets la tondeuse en route, enclenche le système d'arrosage, descends la température de la climatisation, non, augmente le chauffage !» Cela ne concerne que certains aînés vivant dans des villas, aucun locataire ne peut modifier les valeurs du chauffage ou encore tondre ou arroser la pelouse qui entoure l'immeuble.
Est-ce vraiment ce qui donne de l'indépendance ? Mesdames et Messieurs, l'autonomie ne se mesure pas au nombre d'objets interconnectés ni aux appareils de domotique que l'on peut manipuler depuis son canapé. Quid de la cybersécurité, comment s'assurer que toutes les connexions sont sécurisées, que les mises à jour sont effectuées en temps et en heure, et ce pour chaque système ? Pensez-vous sincèrement qu'en augmentant le nombre d'objets connectés, les personnes âgées seront plus autonomes ? Elles devront alors faire confiance au marchand, à un système de sécurité qu'il faudra payer. Est-ce bien cela, l'autonomie ? La dépendance à des mises à jour, la peur de voir ses données volées ou encore l'introduction dans le système des habitudes et horaires de vie ?!
Soyons concrets: à domicile, qu'est-ce qui rend une personne plus autonome ? Monter dans un ascenseur qui fonctionne, prendre une douche sans risquer une fracture de la hanche en entrant dans la baignoire, pour ne citer que les grands défis du quotidien; des défis contrecarrés par les travaux qui devraient être mis en oeuvre afin de transformer une baignoire en douche. Simple ! Eh bien non ! Le cadre est clair: s'il n'y a qu'une salle de bains dans un appartement, celle-ci doit être pourvue d'une baignoire - mais c'est une autre histoire.
Pour Le Centre, l'autonomie des aînés est primordiale, prioritaire, mais ne passe pas par cette proposition de motion. L'aide à l'indépendance est avant tout liée à l'aménagement et non à la domotique, qui soulève plein de questions. Pour toutes ces raisons, «dis, Siri, allume la lumière de ce parlement et fais-lui comprendre qu'il faut refuser ce texte !» (Exclamations.)
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs, comme l'a excellemment rappelé la rapporteuse de minorité, il ne faut pas faire dire à cette motion ce qu'elle ne dit pas ni en attendre ce qu'elle ne propose pas. On a ici quelque chose d'extrêmement ciblé, d'intéressant et de novateur autour d'une réflexion sur la domotique face à une réalité sociale, une réalité démographique qui est le vieillissement massif d'une partie de la population: à l'horizon 2050, les plus de 80 ans auront quasiment quadruplé.
Ce n'est qu'une motion, avons-nous envie de dire au sein du groupe socialiste, donc il ne faut pas l'abattre, il faut la renvoyer au Conseil d'Etat qui saura en tirer le positif, en suivre l'impulsion et soit en décliner un règlement, une application quelconque, soit nous expliquer pourquoi ce n'est pas le bon outil; mais l'exécuter comme ça, en raillant les nouvelles technologies, c'est à notre sens un peu erroné.
D'autant que la domotique est déjà présente aujourd'hui dans des EMS, dans des foyers d'accueil pour personnes âgées. Par exemple, un corps chute, on fait en sorte qu'il soit détecté, que des alarmes sonnent; les besoins sont anticipés pour des personnes qui perdent leur mobilité. Pourquoi la sécurité serait-elle assurée pour nos aînés dans des foyers et des EMS lourdement financés et équipés, tandis qu'on n'aiderait pas à équiper le domicile de ceux qui font le choix de rester à la maison et qui en payent déjà le prix, parfois en termes de sécurité ? Là, il y a tout de même un enjeu politique important, de la même manière qu'il y a un enjeu à maintenir si possible - et pour ceux qui le souhaitent - les aînés chez eux.
La domotique représente l'un des outils possibles qu'il ne faut pas opposer - Mme Strasser l'a très bien rappelé - à un maintien à domicile, à un service de qualité, à un personnel proche, à mille et une autres solutions. Dans le livre blanc «Pour une politique coordonnée de la vieillesse à Genève», édité par la plateforme du réseau seniors, le point 4 est intitulé «Aménagement de l'habitat et de l'espace public». On retrouve cette nécessité de lever les obstacles afin d'optimiser l'accès aux espaces publics, aux services, aux commerces, mais aussi de créer un fonds cantonal pour l'adaptation et l'accessibilité des logements existants dans le but de favoriser le maintien à domicile jusqu'en fin de vie.
Ce texte, je le concède, ne porte peut-être pas tout à fait sur la domotique, mais quand même, on est dans la cible, on est face à un vrai besoin, à une véritable demande. La proposition du parti socialiste, c'est de renvoyer cet objet au Conseil d'Etat afin qu'il en tire le meilleur, qu'il revienne vers nous avec une solution concrète pour l'avenir, pour les octogénaires de demain, et que chacun puisse rester à domicile le plus longtemps possible de manière sécurisée et agréable. Merci beaucoup.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je dois dire que j'ai été un tout petit peu surprise d'entendre, parmi les propos de ma préopinante du Centre, qu'il fallait habiter une villa ou une maison à plusieurs étages pour pouvoir se servir de domotique. Il existe des systèmes - et certains ont été installés chez moi alors que j'habite un tout petit logement - qui font que la porte peut s'ouvrir sur simple commande de la voix. Lorsque vous entrez chez vous, la lumière s'allume; lorsque vous sortez de la pièce, elle s'éteint; lorsque vous vous réveillez le matin, vous pouvez dire: «Ok Google» ou «Dis, Siri, quel temps fait-il ?». Vous pouvez demander d'enclencher la télévision, d'actionner la lumière, cela évite de devoir se lever pour appuyer sur un bouton, cela permet toute sorte de choses.
Naturellement, cela ne dispense pas de la nécessité d'installer une douche à la place d'une baignoire lorsqu'on devient âgé et qu'on n'arrive plus à l'enjamber, mais soutenir que c'est inutile, alors là, vraiment, je m'inscris en faux; c'est très utile et si facile à utiliser qu'en priver nos aînés est un petit peu dommage. Maintenant, je laisse à chacun la responsabilité de voter ce qu'il voudra. Merci.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Nous procédons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2564 est rejetée par 46 non contre 25 oui et 14 abstentions (vote nominal).
Débat
Le président. Nous passons à la M 2587-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, cette proposition de motion déposée par le groupe des Verts et présentée par M. le député Pierre Eckert a donné lieu à des échanges intéressants et a permis aux commissaires de bénéficier de contributions constructives et de haute volée de la part des personnes auditionnées, en particulier celles émanant de l'association Bien.ch ainsi que des milieux universitaires.
Ces contributions de haute volée philosophique ont fait référence à des aspects certes importants, comme la notion et la définition du travail dans une société en mutation rapide, confrontée à des évolutions numériques prometteuses, mais qui écartent parfois de notre vie en société des personnes peu armées pour les affronter, les gérer et les intégrer.
En cela, il est utile de constater que ces apports extérieurs - comme le fond de la motion elle-même, il faut le souligner - ont eu le mérite de nous faire procéder à de larges échanges, malheureusement plus utopiques que réalistes. De surcroît est apparue tout au long de nos travaux la difficulté de faire la part des choses entre un RBI, universel et inconditionnel, et le projet pilote tel que présenté par cette motion, bien entendu plus restreint.
Ce mélange des genres n'a d'ailleurs pas toujours été profitable à la clarté des débats, voire à leur sérénité. Il est vrai aussi que les exemples étrangers cités par le premier signataire du texte comme par une bonne partie des auditionnés n'ont guère facilité la compréhension, car les situations évoquées sont foncièrement différentes de notre pays et en particulier de notre canton.
S'agissant d'un RBI, inconditionnel et universel, il a été rappelé à plusieurs reprises et à juste titre que cette proposition avait fait l'objet d'un vote et qu'elle avait été largement balayée par le peuple et les cantons il y a quelques années, et qu'un tel modèle ne recevrait dès lors que peu de soutien au niveau de notre canton. S'agissant ensuite plus précisément d'un projet pilote - le vrai objet de la motion -, les exemples évoqués, notamment en Afrique, n'ont pas pu convaincre la majorité de la commission, compte tenu essentiellement des différences conséquentes dans la prise en charge sociale entre les pays cités et Genève. Certes, des éléments positifs ont été relevés, comme une meilleure santé, une meilleure motivation, mais dans un contexte d'aide sociale qui ne peut pas être comparé au nôtre.
La motion invite le Conseil d'Etat à mettre en place un projet pilote destiné à certains bénéficiaires. Ne sachant pas lesquels, ne connaissant pas les critères de choix de ces bénéficiaires, la majorité de la commission n'a guère été convaincue. S'ajoutent à cela des réponses assez évasives et peu précises, tant de la part des auteurs de la motion que des auditionnés, sur les relations complémentaires...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Monsieur le président. ...complémentaires ou non du RBI avec les aides sociales existantes et la question non résolue de la prééminence du droit fédéral sur le droit cantonal. De surcroît, le financement, même d'un projet pilote, n'a pas été clairement établi. Une microtaxe au plan fédéral a fait l'objet d'une initiative qui n'a même pas recueilli le nombre de signatures nécessaires. Quant à une augmentation de l'impôt sur les entreprises, elle est fermement rejetée par les milieux patronaux, à juste titre puisque la majorité des entreprises - dont toutes n'ont pas traversé les deux ans de crise du covid avec le même bonheur - ne supporterait certes pas une nouvelle ponction.
En définitive, même si le texte déposé n'est qu'une motion que le Conseil d'Etat aurait pu mettre en oeuvre ou non, le nombre d'incertitudes qui planent sur la réalisation, le coût et l'opportunité d'un tel projet n'ont pas convaincu la majorité des membres de la commission, qui vous invitent dès lors, Mesdames les députées, Messieurs les députés, à rejeter cette proposition avec la même majorité que celle acquise en commission.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le rapporteur de majorité l'a dit, il ne s'agit bien entendu pas d'une introduction généralisée du RBI à Genève, mais d'une expérience pilote à son sujet. Je vous rappelle ce qu'est le RBI, à savoir le revenu de base inconditionnel. La lettre importante de cet acronyme, c'est le I pour inconditionnel. En fait, je vais vous révéler un scoop, le RBI existe déjà pour les personnes de plus de 65 ans, ça s'appelle l'AVS. On pourrait donc sans autre remplacer l'AVS - avec sa 13ème rente, bien entendu - par le RBI.
Argument supplémentaire, comme vous le savez, l'aide sociale coûte cher, non seulement en coûts directs, mais aussi et surtout en coûts administratifs. Si on pouvait se passer de vérifier longuement les conditions d'éligibilité, on gagnerait une somme énorme et on pourrait se concentrer sur le soutien à la formation et à la réinsertion des personnes concernées.
Vous êtes intermittente ou intermittent du spectacle, vous alternez entre cachets et périodes de chômage de courte durée ? Le RBI vous concerne directement. Vous en avez assez de votre travail et vous avez l'ambition d'entreprendre une formation de reconversion, vous remplissez de nombreux formulaires pour demander une bourse ou vous vous résignez à rester là où vous êtes ? Le RBI constituera une aide précieuse. Vous avez des enfants et vous souhaitez vous en occuper davantage sans souffrir trop d'une réduction de salaire ? Le RBI vous concerne au premier chef. Il y a bien d'autres exemples, je ne vais pas les énumérer ici.
Lors des auditions, l'Hospice général et le DCS ont accueilli avec une certaine bienveillance l'idée d'un projet pilote. Lors de la votation nationale sur le RBI, une multitude d'affirmations non étayées sur le financement et l'utilisation de ce revenu ont été avancées. Alors bien entendu, on ne va pas changer la fiscalité pour un projet pilote. Ce qu'a dit le rapporteur de majorité n'est donc pas... Bien évidemment, pour une expérience pilote, il faudra trouver un financement ad hoc; d'après les comptes qu'on a vus récemment pour le canton de Genève, je pense qu'on pourrait trouver la petite somme nécessaire pour financer ce test.
Le projet pilote sera donc bienvenu pour vérifier si l'ensemble de ces préjugés mis en avant lors de la votation nationale sont fondés. Je m'arrêterai ici, je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Léna Strasser (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, innovation, revenu, ça devrait faire mouche dans une enceinte comme la nôtre, et pourtant, lors du traitement de cette motion, ça grinçait fortement des dents dans la commission. Perte de temps, arrosoir, paresse, on a entendu plein de choses ! Pourtant, cette motion propose uniquement de prendre le temps d'évaluer le revenu inconditionnel de base dans le canton de Genève par l'entremise d'un projet pilote, afin de voir quels apports un tel système peut avoir sur ses bénéficiaires et plus largement sur la société.
Cette proposition, traitée à la commission de l'économie - on a essayé de la renvoyer à la commission des affaires sociales vu l'accueil, mais ça n'a pas marché -, a reçu un accueil très mitigé, notamment parce qu'elle propose de tester une décorrélation entre travail et revenu; et ça, à droite, pour l'instant, ça semble être retour vers le futur !
Le conseiller d'Etat désigné rapporteur de ce texte, M. Apothéloz, a pourtant relevé un intérêt du Conseil d'Etat à réfléchir à la question, le RBI étant un sujet revenant très souvent dans les débats ces dernières années, car l'emploi tel qu'on le connaît aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, est en mutation tant technologique qu'humaine: temps de travail en question, conciliation des vies professionnelle et privée, remplacement de certaines tâches, voire de certains métiers par l'intelligence artificielle ou par des outils digitaux. Autant de questions que l'avenir nous pose. Et cela, ce n'est ni utopique ni lointain.
La plus-value d'un RBI est qu'il pourrait prendre en considération le travail qui n'est aujourd'hui pas rémunéré, parce qu'il y en a dans notre société, et qu'il permettrait d'intégrer la notion d'utilité sociale comme étant supérieure à la notion d'utilité économique. Là aussi, à droite, ça grince.
Ce revenu d'existence valoriserait donc le bénévolat, par exemple, ou le travail de proche aidant, qui ont un impact économique réel pour toute la société. Nous pensons qu'il faut se pencher sur la question et donner mandat au Conseil d'Etat de tester un RBI dans notre canton, pour pouvoir en tirer un bilan concret. Ok, ce sera à petite échelle, ce ne sera pas forcément très représentatif, mais c'est possible, des chercheurs nous l'ont dit. C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à voter ce texte. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Cette motion propose une expérience pilote du revenu de base inconditionnel pour une durée de cinq ans et également de choisir un échantillon de bénéficiaires représentatif. Alors quel est le nombre de ces bénéficiaires, quel est le montant accordé ? Tout est absolument inconnu. Bref, le projet est utopique et irréaliste. Il faut aussi rappeler qu'il y a eu une votation fédérale et que le peuple suisse et tous les cantons avaient refusé un tel projet.
Par ailleurs, cette motion invite le Conseil d'Etat à mettre en place un projet destiné à certains bénéficiaires, et, je le rappelle, on ne sait pas le nombre, on ne sait pas sur quels critères, on ne sait pas quel est le montant: lors des auditions, toutes ces questions ont donné lieu à des réponses excessivement évasives, floues, et finalement, on n'en a aucune idée !
Il faut quand même parler du coût qu'un tel projet représenterait. Là également, on n'en sait strictement rien, ça dépend tout à fait de l'ampleur, mais c'est un projet qui pourrait se chiffrer en plusieurs centaines de millions. Comment le financer ? Est-ce qu'il faudrait doubler, tripler les déductions sur les fiches de salaire de la part AVS/AI et de ce fait imposer tous les salariés, toutes les personnes qui travaillent ? On n'en sait strictement rien ! Bref, il y a de très très nombreuses incertitudes. Comment mettre en oeuvre un tel projet ? On n'en a aucune idée. (Un instant s'écoule.) Je cherche la bonne page ! (Rires.) Encore une fois, le coût, aucune idée !
Quelle serait l'opportunité pour les uns et les autres à entrer dans un tel système ? On ne le sait pas non plus. Encore une fois, le montant, le type de bénéficiaires, on ne les connaît pas. Il n'y a que des points d'interrogation. Je vous recommande donc très très vivement de suivre l'immense majorité des commissaires, qui vous propose de rejeter ce texte. Je relève à ce propos que seuls les socialistes et les Verts l'ont accepté: pour finir, même Ensemble à Gauche s'est abstenu, même Ensemble à Gauche n'a pas accepté ce projet.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, on marche sur la tête: ce slogan que les milieux agricoles ont popularisé ces derniers mois, on peut l'étendre à l'entier de notre économie, à l'entier du monde du travail. Les inégalités explosent, le nombre de travailleurs pauvres explose également, les liens sociaux dans le monde du travail se disloquent, certaines tâches anodines sont surrémunérées alors que des pans entiers de la société reposent sur le bénévolat, la fracture sociale augmente à la vitesse des primes d'assurance-maladie, et évidemment, on constate les effets épouvantables de la surchauffe économique sur les écosystèmes et sur notre climat.
Face à ces constats indubitables, on peut avoir deux attitudes. La première est celle adoptée jusqu'à maintenant par ce Grand Conseil, qui est en gros de ne rien faire ou de nier les changements que je viens d'évoquer: on peut accorder des baisses d'impôts inconditionnelles - par exemple -, on peut refuser de limiter les revenus indécents, y compris ceux qui ne viennent pas du travail, mais simplement du capital, et on peut plus largement continuer à extraire, à jeter, à polluer comme si de rien n'était, parce qu'on l'a toujours fait, alors qu'en réalité, cela fait moins d'un siècle que nous vivons de la sorte.
En alternative à cela, la deuxième attitude que l'on peut adopter est la suivante: je reprendrai le terme que notre estimé collègue Pfeffer vient de proposer, celui d'utopie; on peut créer des utopies. Les utopies du XIXème siècle, c'étaient les congés payés, l'assurance-chômage, bref, des choses qui aujourd'hui nous semblent évidentes dans toute société civilisée, non discriminante. Peut-être que le RBI, ce revenu de base inconditionnel décrit par M. Eckert tout à l'heure, c'est l'utopie du XXIème siècle, et peut-être qu'en 2080, en 2100, en 2150, il paraîtra invraisemblable à nos descendants que des gens aient pu vivre sans l'assurance de pouvoir survivre, simplement de façon sobre, sans devoir vendre son travail, sans devoir subir les pressions parfois déshumanisantes du monde du travail, invraisemblable que les gens n'aient pour certains pas pu choisir leurs engagements associatifs ou politiques parce qu'ils devaient gagner le minimum vital pour boucler leurs fins de mois.
Ce projet est très modeste, il a pour objectif qu'une étude soit réalisée, il ne demande pas d'instaurer immédiatement le RBI. Il demande que l'on considère la question, il est parfaitement réaliste, contrairement à ce qui a été dit, et c'est pour cela que nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, à l'accepter. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Yves Nidegger pour dix secondes.
M. Yves Nidegger (UDC). Dix secondes ?! J'avais juste l'intention de remercier le rapporteur de minorité, qui a très bien résumé les raisons pour lesquelles il faut rejeter cette proposition en la comparant à l'AVS, qui, soit dit en passant, n'a rien d'inconditionnel puisqu'il faut un nombre d'années de cotisation assez élevé...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Yves Nidegger. ...ainsi qu'un niveau suffisant. L'idée d'être tous retraités dès la naissance est philosophiquement plaisante aux oreilles de la gauche, mais très peu en ce qui nous concerne !
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Zweifel. Est-ce que j'ai bien prononcé votre nom, Monsieur le député ? (Rires.)
M. Yvan Zweifel (PLR). Non, Monsieur le président, mais je suis moi aussi utopiste, alors j'y crois ! (Rires.) Mesdames et Messieurs, nous sommes de nouveau face à une question qui aborde la suite d'une votation fédérale: on se demande si, malgré le refus fédéral, il faut faire quelque chose au niveau cantonal. Autant sur le point précédent, sur lequel je m'étais prononcé, il se trouve que Genève avait voté différemment de la majorité du peuple suisse, ici, pour le coup, les Genevois avaient voté comme les Confédérés: si le projet avait été refusé à 76,95% au niveau fédéral - c'est bien de toujours rappeler les chiffres -, à Genève, ok, on a été peut-être un peu plus utopistes, disons ça comme ça, mais on l'a refusé à 65,31%. Ça me fait donc sourire quand je lis dans les considérants qu'à Genève, ça pourrait être encourageant. Ok, on est effectivement dans l'utopie !
La gauche nous évoque ce RBI comme étant une idée novatrice, progressiste, moderne, et donc, parce que l'on a ces adjectifs, il faudrait évidemment l'approuver. Eh bien non, Mesdames et Messieurs, il y a des idées qui peuvent être novatrices, modernes, progressistes, mais qu'il faut évidemment combattre parce que précisément elles sont néfastes, et c'est exactement le cas de ce qui nous préoccupe ici.
Tout le monde connaît l'adage «tout travail mérite salaire». Avec le RBI, c'est «tu ne travailles pas, mais on va quand même te payer». Alors oui, Monsieur Nicolet-dit-Félix, je suis d'accord avec vous, on marche sur la tête, vous avez tout à fait raison ! Donner de l'argent sans aucune... (L'orateur insiste sur le mot: «aucune».) ...contreprestation, effectivement, dans votre bréviaire, je peux imaginer que c'est normal; dans la logique naturelle de n'importe qui dans cette salle et dans la population, c'est évidemment et exactement le contraire.
M. le chef de groupe UDC Nidegger - je ne sais jamais s'il est vraiment le chef ou pas, peu importe ! (Rires.) - reprenait tout à l'heure les propos de M. Eckert, qui comparait le RBI à l'AVS; mais, Mesdames et Messieurs, pour toucher l'AVS, il faut avoir cotisé. Ici, c'est l'exact contraire, on va vous donner de l'argent, par hypothèse, sans que vous ayez rien fait ni cotisé à quoi que ce soit. Ça n'a strictement et absolument rien à voir avec l'AVS. Il faut évidemment revoir cet argument, Monsieur Eckert.
Et puis, l'autre argument consiste à dire qu'on va remplacer les aides sociales. Donc on est en train d'expliquer qu'aujourd'hui, on a des aides sociales ciblées, c'est-à-dire qu'on donne de l'argent à des gens qui en ont réellement besoin - exemples: subside d'assurance-maladie à ceux qui n'ont pas les moyens de payer leur prime, subside au logement à ceux qui ne peuvent pas payer leur loyer, d'autres subsides encore -, et qu'on va remplacer tout ça par un RBI, soit 2500 francs pour tout le monde, y compris pour ceux qui n'ont pas besoin de subside pour le logement, pas besoin de subside pour l'assurance-maladie. C'est ça que vous voulez ? Mais ce n'est même plus l'arrosoir social, c'est la distribution complète, et en fait c'est nier ce que vous défendez systématiquement, c'est-à-dire les vraies aides sociales. Mesdames et Messieurs, ce RBI est une hérésie complète, il a été rejeté à juste titre, tant par la population suisse que par la population genevoise, et il faut refuser ce projet. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Le revenu de base inconditionnel a été largement refusé par le peuple suisse, il est dès lors inutile de vouloir trouver des cobayes à Genève pour une expérience qui est largement désavouée, c'est pourquoi le MCG refusera cette motion. Le MCG s'y opposera d'autant plus qu'il nous conduit dans une impasse, une société fondée sur l'assistanat.
Dans le même temps, Genève ne règle pas ses problèmes fondamentaux: trop d'habitants de notre canton se retrouvent sans emploi à cause de l'afflux massif de frontaliers. Au lieu de donner l'exemple, l'Etat engage massivement des frontaliers permis G, venant de plus en plus loin: Paris, Marseille... La Ville de Genève et les communes engagent de manière inacceptable des frontaliers permis G. Pourtant, les talents locaux existent, mais ils sont ignorés. Le marché de l'emploi dysfonctionne, l'effort pour des formations adéquates n'est pas fourni. Nous gaspillons les talents locaux. Le nombre de personnes contraintes à l'aide sociale augmente de manière scandaleuse. La liste est longue, mais nous n'arrêterons pas de la dérouler. Nous devons avoir le courage de voir la vérité et non nous bercer d'illusions avec des RBI et autres fumisteries.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Je crois que je ne me suis pas bien fait comprendre par rapport à l'AVS; bien entendu, ce que j'ai dit, c'est que le RBI peut remplacer l'AVS. Quand vous avez 65 ans, au lieu de recevoir l'AVS, vous recevrez le RBI. Après, bien évidemment, il faudra d'autres sources de financement pour les personnes qui ne sont pas à l'AVS.
Par ailleurs, je trouve assez insultant de dire qu'il y a des personnes qui recevraient de l'argent pour ne pas travailler. Mme Strasser a donné suffisamment d'exemples - les proches aidants ou d'autres types de bénévoles - et je trouve que ça pourrait avoir ce genre d'utilité.
M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de majorité. Si je peux partager un certain nombre de constats qui ont été lancés par M. Nicolet-dit-Félix par rapport à l'évolution du monde du travail - vous transmettrez, Monsieur le président -, il n'en demeure pas moins que je persiste à considérer que le texte de la motion qui nous est soumise est léger, peu argumenté, pas solide du tout. Ainsi, je dirai que le flou ne profite à personne dans le cadre des travaux que nous menons. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote sur cet objet.
Mise aux voix, la proposition de motion 2587 est rejetée par 53 non contre 23 oui (vote nominal).
Débat
Le président. Nous abordons maintenant la M 2597-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. M. Murat-Julian Alder étant absent, son rapport sera présenté par M. Jacques Béné, à qui je donne la parole.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion, comme c'est écrit dans le rapport de minorité de M. Wenger, vise à «rétablir l'égalité de traitement entre le personnel de l'Etat et l'ensemble du personnel» des EMS. Ce qui laisse supposer que l'égalité de traitement n'existe pas, sauf que cela n'a absolument pas été démontré par les motionnaires, qui se basent sur trois cas anonymes, en plus non documentés, pour étayer leur sujet. Tout est fondé sur des suppositions afin de discréditer les établissements privés que sont les EMS, alors même que l'ensemble de ces établissements offrent des conditions de rémunération et de travail très favorables, notamment parce qu'ils appliquent l'échelle salariale de l'Etat et qu'il y a des conventions collectives de travail.
Si l'on compare avec le secteur du nettoyage par exemple - deux cas sont mentionnés dans l'exposé des motifs -, les salaires dans les EMS sont environ 20% plus élevés que dans une entreprise de nettoyage privée, si l'on tient compte bien évidemment de la durée du travail, plus faible en EMS que selon la convention collective de travail du nettoyage, et si l'on tient également compte des autres avantages, en particulier le plus faible nombre d'heures de travail annuel, puisque en règle générale, si on est employé des EMS, on a plus de vacances que dans une entreprise de nettoyage privée, on a en plus le pont de Noël, etc., etc.
Les EMS sont soumis à une convention collective de travail et à des contrats de prestations avec l'Etat. Ces conventions collectives sont signées par les partenaires sociaux, notamment par les syndicats, comme Unia, le SIT ou encore le SSP. On a donc de la peine à comprendre pourquoi ce ne sont pas les syndicats qui, le cas échéant, interpellent le Conseil d'Etat, ou bien les employés eux-mêmes qui, s'ils s'estiment lésés, agissent en justice. On comprend encore moins pourquoi les motionnaires n'ont pas simplement adressé une question écrite urgente au Conseil d'Etat.
Ce texte demande au Conseil d'Etat d'appliquer la loi, mais ne démontre nullement qu'elle n'est pas appliquée. Plusieurs EMS seraient concernés. Combien ? On n'en sait rien. Les motionnaires essaient de nous faire prendre leurs certitudes pour des vérités.
Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas besoin de vous le rappeler, le Grand Conseil n'est pas un pouvoir exécutif, n'en déplaise à certains, et n'a pas à s'immiscer dans l'opérationnel, qui est le rôle du Conseil d'Etat et des EMS eux-mêmes. Les règles en vigueur - très, voire trop contraignantes - qui encadrent le fonctionnement des EMS sont appliquées. C'est très bien ainsi et c'est largement suffisant. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous recommande de refuser cette proposition de motion.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est une motion qui date, et le dépôt du rapport remonte à avril 2020. Ça montre le délai de traitement d'un certain nombre d'objets dans notre parlement.
Ce texte est intitulé: «A travail égal, salaire égal (pour le respect des règles de fixation des annuités à l'engagement au sein des EMS)». Comme on l'a dit, il vise simplement à rétablir, Monsieur le président, l'égalité de traitement entre le personnel de l'Etat et l'ensemble du personnel engagé par les EMS. Alors est-ce nous, les socialistes, qui voulons le rétablir, ou est-ce le MCG ? Non ! C'est dans la loi ! Le canton soutient financièrement les EMS, mais en contrepartie, des règles accompagnent ce soutien financier, qui est extrêmement important. Ces règles concernent notamment le statut des salariés de ces établissements et contiennent la grille d'évaluation; il s'agit des articles 17 de la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées et 19 de son règlement d'application, renvoyant, Monsieur Béné, aux normes qui prévalent au sein du service public. Donc, Etat de Genève et EMS: égalité de traitement !
Ce n'est pas très compliqué, sauf que, manifestement, ce n'est pas appliqué dans l'ensemble des EMS. Vous l'avez mentionné, il y a dans l'exposé des motifs plusieurs cas de salariés anonymisés qui ont été ou qui seraient lésés. Pourquoi sont-ils anonymisés ? Vous le savez mieux que moi, Monsieur Béné, si ces personnes témoignaient, on va dire, à visage découvert, avec leur nom, elles pourraient bien sûr craindre des représailles, ce qui s'est malheureusement déjà vu.
On ne parle pas, Monsieur Béné, de grands salaires avec bonus, etc., on parle de personnes qui travaillent dans des EMS, qui ont des salaires relativement modestes: le calcul des annuités est effectivement important dans le cadre de la rémunération globale des personnes qui travaillent aujourd'hui au plus proche de nos seniors.
Alors vous parlez de suppositions, de cas qui seraient un peu factices ou pour lesquels on n'a en tout cas pas pu creuser, etc. Pourquoi, Monsieur Béné, n'a-t-on pas pu creuser ? Parce que simplement, à 7 voix contre 7 et 1 abstention, la majorité de la commission que vous représentez a refusé de faire toute audition. Au lieu de dire: «Ce sont des suppositions, on aurait pu éclaircir», on aurait dû éclaircir ça en commission. On aurait pu auditionner le Conseil d'Etat, le département de la santé, l'AGEMS, c'est-à-dire l'Association genevoise des établissements médico-sociaux, la FEGEMS, soit la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux, ou encore la CGAS. Vous avez parlé des syndicats qui font leur travail; ils auraient pu venir - en bénéficiant du secret de commission - nous expliquer quels étaient ces cas et pourquoi il fallait corriger ce refus d'application des lois et des règlements. Cette motion vise simplement, et je le répète, à rétablir l'égalité de traitement et à faire en sorte que lorsque vous êtes engagé dans un EMS, vous ayez exactement le même traitement que quand vous êtes engagé à l'Etat. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne vais pas répéter les propos de mon collègue, le rapporteur de première minorité, mais, pour aller à l'essentiel, je dirai qu'il est important de valoriser le travail dans les EMS et les employés. C'est pour ça que l'expérience acquise doit être considérée à sa juste valeur, comme le demande ce texte; c'est en fait le coeur de son propos. Ce sujet nous tient particulièrement à coeur au MCG, parce que nous pensons que dans ce type de professions, nous devons favoriser l'emploi de personnel local et, en particulier, éviter un pourcentage excessif de travailleurs frontaliers.
Il convient donc de ne pas limiter des rémunérations qui ne permettraient pas de vivre convenablement à Genève. Pour cette raison et pour éviter les mécanismes de sous-enchère salariale qui peuvent toujours s'infiltrer, ainsi que nous l'avons constaté dans de nombreux domaines, il convient de véritablement prendre en compte les éléments de cette motion, tout en déplorant - comme l'a fait le rapporteur de première minorité - l'impossibilité d'auditionner les personnes concernées, ce qui aurait sans doute permis d'améliorer le travail que nous avons pu faire en commission. Une fois de plus, on voit que l'on bâcle certains travaux en espérant faire des économies, alors que c'est plutôt une perte de temps au final, voire une perte de qualité du travail parlementaire; bâcler les sujets n'est pas la solution. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'accepter cet objet afin de le renvoyer au Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce texte demande tout simplement le respect et la mise en application de la loi. Nous parlons du personnel qui s'occupe de nos aînés, en grande majorité des femmes, qui, par exemple, nettoient, lavent et aident aux soins. Ces personnes travaillent souvent à temps partiel et ont de petits salaires, en plus des conditions de travail pénibles et fatigantes. Elles sont engagées par certains EMS qui n'hésitent pas à violer les lois et le règlement de l'ensemble du secteur. Or, les EMS sont fortement subventionnés par l'Etat de Genève, on l'a relevé tout à l'heure mais je le répète, et la contrepartie attendue est bel et bien le respect des règles.
Une de ces règles salariales est systématiquement violée ou pas appliquée - le résultat est le même: il est question de respecter les règles de fixation des annuités à l'engagement. Selon ces règles salariales, lors de l'engagement, la rémunération prend en compte l'expérience utile au poste acquise préalablement. Or, en la matière, il y a dans les EMS un problème d'inégalité de traitement, un problème de bonne volonté, un problème de pratiques différentes. Serait-ce parce qu'il s'agit d'employés avec de bas salaires, de femmes ? Nous, les Vertes et les Verts, soutiendrons ce texte afin que dans tous les EMS du canton de Genève, les règles et les lois soient appliquées pour toutes et tous.
J'aborde la question du renvoi de ce texte à la commission des finances. Comme il est question des annuités, des conditions de travail et, on va dire, des conditions-cadres du personnel subventionné, je pense qu'il aurait été préférable de renvoyer cet objet dans une autre commission. On l'a dit, et c'est simplement scandaleux, la commission des finances n'a auditionné aucune entité, pas même le département, pas même les syndicats, pas même, et ça a été critiqué, des témoins courageux et qui sont bien sûr anonymes, car la peur des représailles, des répercussions existe. Bien sûr que c'est courageux, et bien sûr que c'est anonyme ! Et bien sûr qu'il y en a plusieurs, et il y en a beaucoup ! Ce n'est pas parce que seuls trois ont osé témoigner que ce sont des cas isolés. C'est une pratique extrêmement répandue, systématique. C'est pourquoi nous la dénonçons, et c'est pourquoi nous voulons une harmonisation des pratiques et que nous souhaitons que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Laurent Seydoux (LJS). Comme on l'a dit, cette motion date. Elle a été traitée durant l'ancienne législature. C'est donc sur la base du rapport que le groupe LJS doit se faire un avis, et nous avons été surpris qu'il n'y ait eu aucune majorité en faveur des auditions, mais égalité à 7 contre 7. Au vu de cela, le groupe LJS demande un renvoi à la commission des finances.
Le président. Merci bien. Je donne la parole aux différents rapporteurs, en commençant par le rapporteur de seconde minorité, pour qu'ils s'expriment au sujet de cette requête.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je remercie le groupe LJS, je trouve que c'est une excellente idée, parce qu'il est vrai que les travaux en commission ont été un peu bâclés. Ça permettrait d'approfondir la question. Il faut reconnaître que les travaux en commission ont été menés en fonction de la crise covid. Nous avons à présent une vision plus objective pour le traitement de ce sujet. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci bien. La parole revient à M. Wenger, premier rapporteur de majorité. De minorité, excusez-moi !
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Peut-être de majorité, on ne sait pas. (L'orateur rit. Rires.)
Le président. Peut-être ! Peut-être !
M. Thomas Wenger. Merci, Monsieur le président. A titre personnel, je ne suis pas un fan des multiples renvois en commission. Néanmoins, comme le travail n'a pas pu être fait et qu'il n'y a eu aucune audition sur cette motion et ce sujet importants, qui touchent directement des personnes s'occupant aujourd'hui de nos aînés dans nos EMS, ainsi qu'on l'a dit, je pense que ça vaut la peine de faire un travail de fond, de procéder à des auditions et de comprendre ce qui se passe, comment et pourquoi ça se passe. Pour ces raisons, je soutiendrai, et mon groupe aussi, un renvoi en commission.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Ça me fait toujours rire quand je constate l'exagération de la gauche. Dès qu'un ou deux cas peuvent poser problème, des cas qui ne sont pas documentés, on écrit une motion pour demander au Conseil d'Etat de faire respecter la loi. Si cette motion est renvoyée à la commission des finances, je me réjouis d'ajouter plein d'invites pour tous les établissements qui devraient effectivement respecter la loi et de leur rappeler qu'ils doivent respecter la loi. Je ne vois pas à quoi nous servons, si nous faisons juste cela. Modifiez la loi si elle ne vous convient pas. Aussi, je vous invite à refuser le renvoi à la commission des finances.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, j'ouvre la procédure de vote sur cette demande.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2597 à la commission des finances est adopté par 46 oui contre 30 non.
Débat
Le président. Le point suivant réunit les M 2612-A et M 2770. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je laisse la parole au rapporteur, M. Marc Falquet.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, précisons que ces deux propositions de motions concernent les mineurs non accompagnés qui ne relèvent pas du domaine de l'asile, qui n'ont pas déposé de demande d'asile, ce ne sont pas des requérants mineurs qui font l'objet d'une prise en charge interinstitutionnelle, comme on dit.
Alors qui sont ces MNA ? Selon les personnes entendues - nous avons procédé à de nombreuses auditions -, nous sommes en présence de jeunes hommes de 13 à 25 ans originaires du Maghreb, mais généralement en provenance d'une capitale européenne; ils se présentent à Genève sans papiers d'identité et affirment avoir moins de 18 ans afin de bénéficier de la protection garantie aux mineurs. En effet, nous avons l'obligation de nous en occuper.
En général, ces jeunes sont en rupture familiale, sans formation, sans objectif précis et se déplacent à travers les différents pays d'Europe pour vivre par exemple de la délinquance ou bénéficier des facilités qui leur sont octroyées, notamment de la nourriture et de l'hébergement. La plupart d'entre eux sont polytoxicomanes, souffrent de troubles du comportement et ne sont malheureusement pas preneurs des mesures actuellement proposées. En résumé, ils sont totalement en rupture et sabotent quasiment leur vie.
Les auditions ont démontré que la prise en charge des MNA constitue un casse-tête pour les institutions, les services spécialisés, les associations, la police et la justice. Tous ont un sentiment d'impuissance et de découragement face à ces jeunes. Les MNA à Genève ont tout de même coûté la modique somme de 7 millions de francs aux contribuables en 2020, et ce pour un bilan très maigre. Il est dès lors indispensable de réformer leur encadrement pour plus d'efficience et de résultats, pour vraiment essayer de faire s'en sortir ces jeunes qui sont là de toute façon.
Nous sommes saisis de deux motions. Il y a d'abord celle d'Ensemble à Gauche, qui propose de garder les mineurs non accompagnés sans la moindre condition, sans soumettre finalement quelque chose de concret; le texte n'ayant pas convaincu la majorité, les commissaires ont ensuite rédigé une motion de commission qui offre un programme de stabilisation et de formation au cas par cas à ceux qui le souhaitent et démontrent leur ferme volonté de se relever via la signature d'un contrat de confiance. Ce n'est pas nous qui avons inventé ce dispositif, il s'inspire des expériences réalisées par l'association Tipiti, qui travaille depuis des années avec exigence et rigueur avec ces jeunes, et cette approche produit de très bons résultats.
Cette motion est exigeante: elle invite le Conseil d'Etat à adopter une attitude stricte face aux jeunes qui ne respecteraient pas les contrats de confiance ou commettraient des infractions pénales, il ne s'agit pas de les garder ici ad vitam aeternam dans des hôtels ou d'autres lieux d'hébergement. En bref, il n'est pas question de financer l'installation de délinquants à Genève, mais bien d'offrir une opportunité à ceux qui veulent s'en sortir. Aussi, la commission vous demande de refuser la M 2612 d'Ensemble à Gauche et de renvoyer la motion de commission 2770 au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Yves de Matteis (Ve). Ces dernières années, notre commission s'est penchée sur le sort des RMNA. Trois d'entre eux sont allés jusqu'à mettre fin à leurs jours, d'où des interrogations quant aux moyens mis en oeuvre et à la prise en charge de la santé mentale de ces jeunes particulièrement vulnérables. Nous, pouvoirs publics, n'avons pas toujours su faire face à leur détresse. On prend conscience des différents ressentis et de leurs conditions d'hébergement et de vie, souvent inadéquates, en lisant la bande dessinée «Seuls en exil», réalisée par des dessinateurs locaux sur la base du témoignage de trois mineurs non accompagnés à Genève.
A l'issue des travaux, la commission quasi unanime a rédigé une motion de commission - cela a été relevé -, la M 2770, qui prend en compte des éléments nouveaux. Mais réflexion faite, il serait utile de voter également la motion de départ, soit la M 2612, qui n'est pas contradictoire. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous engage à le faire, de même que ma collègue Sophie Bobillier qui prendra la parole après moi. Merci, Monsieur le président.
Mme Sophie Bobillier (Ve). En effet, Mesdames et Messieurs, je poursuis, car en tant que membre de la permanence MNA (mineurs non accompagnés)/RMNA (requérants d'asile mineurs non accompagnés), aux côtés d'une quarantaine d'avocates, d'avocats et de juristes, cette thématique m'est particulièrement chère. En automne 2019, nous avons été confrontés à des jeunes, parfois très jeunes - 14 ans à peine -, particulièrement vulnérables qui dormaient dans les rues de Genève; ils s'étaient vu refuser l'accès au SPMi (service de protection des mineurs) au motif qu'ils n'avaient pas de document prouvant leur identité.
Les avocates et avocats ont dû intervenir pour chacun d'eux individuellement afin d'exiger leur prise en charge, laquelle avait été refusée tout à fait arbitrairement pour certains tandis que pour d'autres pas. Certains jeunes n'avaient qu'une seule revendication, non pas de profiter du système, comme on l'a entendu juste avant, mais simplement d'accéder à l'école, ce qui leur a été refusé alors même que la scolarisation n'est pas seulement un droit, mais aussi un devoir; un refus complètement invraisemblable vu nos obligations légales, notamment quand on sait que la Suisse est signataire de la Convention relative aux droits de l'enfant.
La permanence s'est mobilisée en adressant quatre lettres au Conseil d'Etat afin de l'alarmer quant à la situation et d'exiger une meilleure prise en charge de ces jeunes. Voici la réponse qui nous a été donnée: «Et qu'allons-nous faire une fois qu'ils auront 18 ans ?» Or le contexte était grave, ils n'avaient pas encore 18 ans et il fallait s'en occuper. Rappelons que même à 18 ans et un jour ou à 17 ans et 364 jours, les jeunes ont besoin d'un encadrement, c'est absolument nécessaire pour leur bon développement.
Cette prise en charge a été lacunaire, la réponse a été autoritaire avec un ciblage policier et une répression extrêmement forte. Aujourd'hui, la motion de commission revêt une grande importance, nous devons la mettre en oeuvre même si un certain nombre de jeunes sont passés à la trappe et ont vu leur destin basculer. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC). Mesdames et Messieurs, on peut regretter que notre parlement soit si lent et on ne peut pas se réjouir que le sujet soit toujours d'actualité. Nous traitons des textes datant de 2020 pour la motion d'origine de M. Pierre Bayenet et de 2021 pour la motion de commission rédigée à l'issue des travaux.
Cette motion de commission, que nous vous demandons de soutenir, reconnaît la problématique soulevée, mais propose une approche et des solutions plus étayées et issues de connaissances acquises durant nos travaux à travers de nombreuses auditions. Nous avons ainsi découvert des dispositifs originaux et efficaces mis en oeuvre en Suisse alémanique, en particulier le système développé par l'association Tipiti.
Nous espérons que le Conseil d'Etat prendra en compte les suggestions de la commission et abordera la prise en charge des jeunes migrants non accompagnés tant en pratiquant un accueil bienveillant et éclairé qu'en apportant une réponse ferme - celle présentée dans le texte - aux jeunes qui ne joueraient pas le jeu.
Notre système d'encadrement des mineurs non accompagnés a tout à y gagner. Il s'agit de s'inspirer de modèles alémaniques qui ont fait leurs preuves, de considérer en priorité la volonté d'intégration en offrant un programme de formation motivant, encadré, comme le fait l'association Tipiti, de ne pas renvoyer les jeunes qui suivent avec assiduité cette formation régulière, de conditionner leur prise en charge à la conclusion et au respect d'un contrat de confiance et d'adopter une attitude stricte face à ceux qui ne le respecteraient pas ou commettraient des infractions pénales, le tout pour préparer les jeunes à la perspective d'un retour dans leur pays d'origine.
Pour toutes ces raisons, Le Centre vous propose de refuser la motion d'origine, qui ne propose finalement que des droits, et de voter la motion de commission, qui y associe des devoirs. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Les choses les plus pertinentes ayant déjà été dites, je me contenterai d'appuyer le rejet de la motion d'origine, c'est-à-dire de la M 2612, et notre groupe a opté pour la liberté de vote en ce qui concerne la M 2770. Merci.
M. Diego Esteban (S). La motion de commission est un exercice auquel une commission se livre lorsqu'un problème est partagé assez largement, mais que le texte d'origine n'obtient pas l'adhésion. Pour des raisons tout à fait différentes de celles évoquées jusqu'ici, la préférence du groupe socialiste va au deuxième texte, car il reprend des projets qui existent déjà en Suisse, qui sont intéressants et complets, que le rapporteur de commission a déjà mentionnés, notamment ce qui est entrepris à Zurich, et qui à l'avenir pourraient - ou non - englober des mesures de la motion de base, laquelle proposait un dispositif d'accompagnement plus complet de ces jeunes en situation de décrochage - ce serait idéal.
Il faut rappeler que le décrochage n'est pas un choix individuel, mais le résultat d'un certain nombre d'échecs; cela peut être un vécu traumatisant, comme le fait de payer les pots cassés de systèmes défaillants, et donc on hérite aujourd'hui des négligences et du manque d'accompagnement d'autres pays. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste s'abstiendra majoritairement sur la motion initiale et soutiendra sans réserve celle de commission. Je vous remercie.
M. Francisco Taboada (LJS). Le groupe LJS n'était pas présent à l'époque où la motion d'origine a été déposée. La majorité des choses ont déjà été dites par mes préopinants. La lenteur du système fait qu'on traite ces objets seulement aujourd'hui. Le groupe LJS refusera la motion de départ et soutiendra celle de commission, qui tient compte des nombreux éléments évoqués par mes préopinants; nous la validerons donc par le oui. Merci.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, je n'ai pas participé non plus aux travaux de la commission des Droits de l'Homme, parce que je n'en fais pas partie, mais je m'exprime au nom du groupe PLR en l'absence de nos deux représentants dans cette commission. J'ai lu attentivement l'excellent rapport et j'aimerais saluer le travail non seulement du rapporteur, mais également de la commission.
En effet, les commissaires ont considéré dans un premier temps que la motion initiale ne pouvait pas être acceptée pour les raisons qui ont déjà été expliquées, et la commission aurait pu se satisfaire de dire: «Nous ne prenons pas ce texte en considération»; nous nous serions ainsi simplement retrouvés ici avec une motion refusée. Eh bien non, Mesdames et Messieurs, la commission a estimé qu'un problème très important existait, qu'il était permanent, qu'il évoluait - et pas dans le bon sens - encore aujourd'hui et qu'il était pertinent de réaliser un travail complet à ce sujet. Le résultat de cette étude est la motion de commission 2770, que nous nous apprêtons à adopter maintenant et que le groupe PLR soutiendra naturellement.
A la forme, je reconnais qu'il nous arrive de solliciter l'urgence sur des sujets qui, peut-être, nous excitent un peu, nous chatouillent, mais ne sont pas forcément toujours des problèmes de fond justifiant une urgence; ce propos simplement pour mettre l'accent sur le fait que ce rapport a été déposé il y a trois ans et qu'éventuellement - je fais amende honorable, parce que nous ne l'avons pas proposé -, nous aurions pu demander l'urgence bien avant. C'est une façon pour moi de renforcer l'importance qu'il y a à voter la motion de commission ce soir tout en refusant celle de départ, qu'on a jugée - c'est toujours le cas - comme ne répondant pas à la problématique. Je vous remercie de votre attention.
Une voix. Bravo.
Le président. Merci bien, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous propose de passer au vote sur ces deux textes. Nous commençons avec la M 2770... (Commentaires.)
Une voix. D'abord la M 2612 ! (Commentaires.)
Le président. Mais laissez-moi parler, s'il vous plaît ! Dans le rapport, la M 2770 a été mise aux voix en premier, mais enfin, c'est égal, si vous voulez vous prononcer d'abord sur la M 2612, allons-y !
Mise aux voix, la proposition de motion 2612 est rejetée par 53 non contre 21 oui et 8 abstentions (vote nominal).
Mise aux voix, la motion 2770 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 79 oui et 7 abstentions (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous prenons une pause jusqu'à 18h.
Une voix. Magnifique !
La séance est levée à 17h45.