République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 novembre 2022 à 16h10
2e législature - 5e année - 7e session - 41e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 16h10, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers et Serge Dal Busco, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Delphine Bachmann, Diane Barbier-Mueller, Antoine Barde, Natacha Buffet-Desfayes, Jean Burgermeister, Beatriz de Candolle, Thierry Cerutti, Eric Leyvraz, Philippe de Rougemont, Adrienne Sordet et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Anne Bonvin Bonfanti, Rémy Burri, Gilbert Catelain, Aude Martenot, Jean-Pierre Pasquier, Maria José Quijano Garcia, Helena Rigotti, Gabriela Sonderegger et Pascal Uehlinger.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Caroline Babel Casutt, Mme Marion Heyer, M. Endri Gega et Mme Aurélie Gavillet.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Fin des points initiaux
Le président. Monsieur le député Cyril Aellen, vous avez demandé la parole ?
M. Cyril Aellen (PLR). Oui, c'est pour une modification de l'ordre du jour. Je souhaiterais que le PL 13215 sur la CPEG que j'ai déposé soit ajouté à l'ordre du jour pour un renvoi immédiat en commission, s'il vous plaît.
Le président. C'était au point 4, Monsieur le député. (Remarque.) Nous avons passé le point 4 «Discussion et approbation de l'ordre du jour», avant la prestation de serment. (Remarque.) Très bien. Il vous faudra donc une majorité qualifiée, soit une majorité des deux tiers. Mesdames et Messieurs, je vous prie de vous prononcer sur cette demande d'ajout du député Cyril Aellen.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du projet de loi 13215 est rejeté par 30 non contre 21 oui et 1 abstention (majorité des deux tiers non atteinte).
Annonces et dépôts
Le président. Je vous informe que l'objet suivant est retiré par ses auteurs:
Projet de loi de Mmes et MM. André Python, Florian Gander, Sandra Golay, Pascal Spuhler, Patrick-Etienne Dimier, Jean-François Girardet, Bernhard Riedweg, André Pfeffer, Christo Ivanov, Françoise Sapin, Daniel Sormanni, Christian Flury, Francisco Valentin, Lydia Schneider Hausser modifiant la loi sur la police (LPol) (F 1 05) (PL-11986)
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de Emmanuel Deonna : Augmentation du transfèrement à Zurich des personnes étrangères en détention administrative. Des éclaircissements sur une pratique inadmissible (QUE-1817)
Question écrite urgente de Thierry Cerutti : Transparence dans les procédures VIP : sommes-nous tous égaux devant la justice ? (QUE-1818)
Question écrite urgente de Patrick Saudan : Que compte faire le Conseil d'Etat pour ramener le nombre des centres de chirurgie cardiovasculaire à Genève à un niveau plus compatible avec les besoins réels de la population genevoise ? (QUE-1819)
Question écrite urgente de Sylvain Thévoz : Affaire Drahi : Genève dindon de la farce ? (QUE-1820)
Question écrite urgente de Rémy Pagani relative à la cession des droits à bâtir pour le projet de la Fondation Pictet en construction dans le PAV côté Carouge (route des Acacias) (QUE-1821)
Question écrite urgente de Thierry Cerutti : La direction des TPG prend en otage les citoyens genevois (QUE-1822)
Question écrite urgente de Thierry Cerutti : Grève des TPG - la direction prend-elle les bonnes mesures ? (QUE-1823)
Question écrite urgente de Thierry Cerutti : Calife à la place du calife - un Iznogoud vaudois (QUE-1824)
Question écrite urgente de Bertrand Buchs : Quid de la taxe sur les boissons sucrées ? (QUE-1825)
Question écrite urgente de André Pfeffer : GeniLac : amplification des risques de pénurie électrique en hiver ? (QUE-1826)
Question écrite urgente de Didier Bonny : Stationnement des deux-roues motorisés sur les places vélos (QUE-1827)
Question écrite urgente de Didier Bonny : Montants minimaux et maximaux pour les hospitalisations dès la naissance (couvertes par l'assurance-maternité) (QUE-1828)
Question écrite urgente de Rémy Pagani concernant la pollution aux PCB (type dioxine) de l'Oudar, de la Versoix et du lac Léman (QUE-1829)
Question écrite urgente de Sylvain Thévoz : Commémoration des 90 ans de la fusillade du 9 novembre 1932 : y avait-il davantage de policières et policiers présents que de manifestantes et manifestants ? (QUE-1830)
Question écrite urgente de Jocelyne Haller : Subventionnement et dialogue social, un duo indissociable ? (QUE-1831)
Question écrite urgente de Pierre Conne : Faut-il sacrifier le service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent des HUG pour tenter de sauver le département de l'instruction publique de son naufrage ? (QUE-1832)
Question écrite urgente de Adrien Genecand : Le département des infrastructures offre des bons Unireso : quel en est le coût ? (QUE-1833)
Question écrite urgente de Marjorie de Chastonay concernant la féminisation des noms de rues (QUE-1834)
Question écrite urgente de Sylvain Thévoz : Sur quelle base des contacts sont-ils masqués au sein de l'annuaire de l'Etat ? (QUE-1835)
Question écrite urgente de Katia Leonelli : Quelle est la place de l'instruction publique au sein du centre éducatif de détention et d'observation La Clairière ? (QUE-1836)
QUE 1817 QUE 1818 QUE 1819 QUE 1820 QUE 1821 QUE 1822 QUE 1823 QUE 1824 QUE 1825 QUE 1826 QUE 1827 QUE 1828 QUE 1829 QUE 1830 QUE 1831 QUE 1832 QUE 1833 QUE 1834 QUE 1835 QUE 1836
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également reçu par messagerie la question écrite suivante:
Question écrite de Emmanuel Deonna : Quelle politique du Conseil d'Etat en matière d'archives audiovisuelles publiques et privées ? (Q-3908)
Le président. Cette question écrite est renvoyée au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 14 octobre 2022 à 16h
Cette question écrite est close.
Le président. En accord avec l'auteur, le Conseil d'Etat nous informe que la réponse à la Q 3899 sera déposée pour la session des 15 et 16 décembre 2022.
Premier débat
Le président. Nous abordons notre dernière urgence, les points liés PL 12973-A et M 2759-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à M. Rémy Pagani, rapporteur de majorité sur le PL 12973 et rapporteur sur la M 2759.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais parler du projet de loi, parce que la motion... Voilà.
Pour une fois, je suis rapporteur de majorité. (Commentaires.) Je tiens à le signaler - c'est historique ! (Rires.) Je vais en profiter pour inscrire ce projet dans la réalité heureuse de la transition énergétique et pour vous mentionner l'exemple significatif de ce qui se passe à Meyrin, où les Services industriels de Genève ont mis en place un système, une boucle vertueuse: on puise l'eau dans la nappe phréatique - on peut discuter sur l'origine, nappe phréatique, Rhône ou un affluent du Rhône, mais peu importe - pour la faire monter vers la zone industrielle, prendre la chaleur émise par une grande multinationale du nom de HPE - certains traduiront -, la donner à l'hôpital de la Tour et ainsi chauffer les chambres, puis la faire aller vers le nouveau quartier des Vergers et chauffer l'entièreté, Mesdames et Messieurs, l'entièreté des logements, et enfin la déverser dans le lac des Vernes avant qu'elle retourne au Rhône, avec une économie d'énergie extrêmement importante.
Ce projet de loi s'inscrit donc... Et je remercie son auteur - j'en profite pour dire qu'enfin le PLR se lance dans la transition énergétique, et j'en suis très content, nous en sommes très contents... (Commentaires.) ...et M. Zweifel nous répondra plus tard, j'imagine. Ce projet vise à récupérer la chaleur émise dans toutes les zones industrielles. Il y a eu des expériences moins heureuses que celle menée par les autorités communales de Meyrin avec les Services industriels, le canton et les associations d'habitants, des expériences qui ont échoué, si j'ose dire - à Plan-les-Ouates par exemple, la Fondation pour les terrains industriels s'active aussi. Par ailleurs, nous sommes allés visiter l'entreprise Infomaniak - je le signale parce que j'y suis depuis des années: nous sommes très contents d'avoir cette entreprise, dont le directeur est un homme assez remarquable. (Remarque.) Nous avons été assez stupéfaits de voir à quel point cette entreprise développait ses data centers, qui produisent de la chaleur qui s'évapore et s'en va chauffer l'espace, chauffer l'atmosphère, participant malheureusement à l'effet de serre.
Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, première vice-présidente
Ainsi, ce projet de loi vise à faciliter la récupération de chaleur. Il y a eu une petite divergence entre M. Pierre Eckert, enfin, les Verts, et la majorité - et je tiens tout de suite à le dire pour le Mémorial, la petite divergence consiste à déterminer s'il faut inscrire dans la loi le fait de ne pas subventionner les entreprises qui utiliseraient de l'électricité produite par du charbon et la revendraient, la remettraient à disposition pour faire quelque chose d'autre. La boucle ne serait plus vertueuse, elle serait vraiment catastrophique. Sur ce point, nous nous sommes tous entendus, mais j'ai accepté de prendre ce rapport de majorité dans la mesure où j'ai proposé...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Rémy Pagani. Oui, merci beaucoup, Madame la présidente de séance. ...un compromis, en relevant - je tiens à le dire pour le Mémorial - que la commission, dans sa majorité, laisse au département la liberté de répartir le coefficient applicable à la subvention selon l'origine de l'électricité; la commission laisse le soin au Conseil d'Etat de voter le règlement idoine, afin de garantir que l'on consomme localement, sans l'inscrire dans la loi. Comme ça, les choses sont très claires. Nous n'avons pas voulu inscrire cette obligation dans la loi, mais la majorité soutient cette manière de faire. Ensuite, on verra si une majorité se dégage pour soutenir la proposition des Verts - je trouverais aussi tout à fait normal de l'inscrire, pourquoi pas, ça ne me dérange pas; mais disons que ça permettait de conclure sur une bonne entente dans la commission, c'est pour ça que j'ai proposé cet accord à l'amiable. Merci de votre attention.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Je tiens tout de suite à préciser que je suis rapporteur de minorité uniquement sur le projet de loi et pas du tout sur la motion, que nous soutiendrons. Nous pensons effectivement, en tant que Verts, que récupérer la chaleur issue des activités informatiques, industrielles et artisanales, ce qui est l'objet de ce projet de loi, est une intention louable, que nous soutenons volontiers sur le principe. Cependant, le projet de loi prétend arriver à la société à 2000 watts grâce à cela, ce qui nous paraît une ambition bien prétentieuse.
Si j'ai pris ce rapport de minorité, c'est pour mettre en avant un élément qui est important pour les Vertes et les Verts, que nous considérons comme identitaire: celui de considérer les systèmes dans leur globalité et pas seulement sur la fin de chaîne, avec la récupération. La récupération de chaleur doit être considérée de la même façon que le recyclage des déchets. Comme le prévoit la loi sur les déchets, il est essentiel non seulement de minimiser la quantité de déchets produits, mais aussi d'en assurer la qualité, à l'aide par exemple d'un tri efficace en amont. Nous insistons sur le fait que la récupération de l'énergie en bout de chaîne ne suffira de loin pas à la tâche, mais qu'il faudra également mettre l'accent sur son utilisation intelligente et sur la sobriété, la meilleure énergie restant celle qu'on ne consomme pas.
Il nous semble qu'avant de recycler la chaleur excédentaire provenant d'une activité, on doit se demander si l'énergie primaire - souvent l'électricité - est utilisée à bon escient. Rappelons que l'électricité est une énergie de grande valeur permettant des rendements élevés. Dans le cas d'un data center, il nous semble important de mettre en oeuvre des technologies qui dégagent aussi peu de chaleur que possible avant de se lancer dans la récupération de chaleur. Et surtout, que la production de l'électricité soit propre.
En fin de compte, ce rapport de minorité propose un amendement, que j'ai déjà présenté en commission, mais qui a été refusé par la majorité - paradoxalement, le rapporteur de majorité a accepté mon amendement, on verra donc ce qu'il vote en fin de compte. Cet amendement propose simplement que les méthodes de production de l'énergie primaire, utilisée par exemple par un data center, soient propres et locales - ce qui devrait parler au MCG, puisqu'on demande que ces énergies soient locales comme condition pour obtenir un subventionnement. Nous demandons en conséquence d'introduire dans le projet de loi l'amendement que j'avais déjà proposé en deuxième débat, et qui est légèrement reformulé ici. Je vous lis cet amendement:
«Art. 17A, al. 2 (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4)
2 L'obtention de subvention ou de dégrèvement pour des activités utilisant l'électricité comme source tient compte de son origine et de son type.»
Bien entendu, c'est quelque chose de relativement souple. Il n'y a pas d'obligation du tout. Ce qu'on dit simplement, c'est qu'il faut «tenir compte». Vous pouvez rétorquer que cela peut se faire de façon réglementaire. Pour nous, les Verts, comme je vous l'ai dit, c'est un élément important et nous préférons l'inscrire dans la loi. L'amendement n'interdit en rien de récupérer la chaleur d'une activité qui utiliserait une source sale, mais ce que nous demandons, c'est qu'on soit réticent dans son subventionnement. Le groupe des Vertes et des Verts trouverait totalement excessif le fait que les entreprises qui se fournissent sur le marché international - puisque c'est possible, à partir du moment où vous dépassez un certain seuil de consommation -, dont la production... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je continuerai sur le temps du groupe ! ...peut être d'origine fossile ou nucléaire... (Brouhaha.)
La présidente. Monsieur le rapporteur, un instant - excusez-moi, vu que je vous ai déjà interrompu ! Est-ce qu'il serait possible que les discussions se fassent à l'extérieur de la salle ? Monsieur Pistis, je sais que vous ne m'écoutez pas, mais ce serait gentil ! Merci ! Pareil chez les socialistes, si c'était possible, Monsieur Thévoz ! (Commentaires.) N'hésitez pas à sortir si vous voulez continuer à discuter ! C'est à cela que je vous invitais, en fait. (Remarque. Rire.) Merci ! Allez-y, Monsieur le rapporteur.
M. Pierre Eckert. Merci beaucoup de faire régner la discipline, Madame la présidente de séance ! Je disais donc que le groupe des Vertes et des Verts trouverait excessif le fait que des entreprises qui se fournissent sur le marché international - dont la production peut être d'origine fossile ou nucléaire - bénéficient d'un triple avantage: premièrement, en se fournissant sur un marché de ce type, ce qui donnerait accès à des tarifs nettement plus avantageux, les énergies sales étant souvent meilleur marché que les énergies propres; le deuxième avantage, bien entendu, c'est celui de pouvoir vendre la chaleur, puisque cette chaleur, qui est mise à la disposition, par exemple, des réseaux de chaleur de SIG, peut être valorisée et vendue; le troisième avantage, à savoir un subventionnement, serait introduit par ce projet de loi. Nous trouvons que ce triple avantage serait excessif.
La protection du climat et la sécurité de la population exigent d'agir de façon globale et de ne pas considérer seulement la fin du processus énergétique. Les énergies initiales doivent être propres, sinon le procédé de récupération de chaleur qu'on essaie de mettre en place ici pourrait être assimilé à de l'écoblanchiment - ce que les Anglais appellent du «greenwashing». Nous vous recommandons en conséquence d'accepter l'amendement que je vous ai lu tout à l'heure avant d'accepter la loi dans son ensemble. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, je tiens à féliciter ce chef d'entreprise, parce qu'il aurait très bien pu continuer à diffuser la chaleur pendant deux, trois ou quatre ans, et rien ne l'obligeait à faire ça. C'est un chef d'entreprise qui a été sensibilisé à cette question et qui s'est dit qu'il aimerait bien récupérer cette chaleur. Il est logique que l'Etat tienne compte de cela. D'autres ne le font pas, lui le fait.
Là, le problème - je n'ai pas très bien compris... Là, on n'est pas en aval, on est en amont. (Remarque.) Ou plutôt, on est en aval, effectivement. En amont, il y a l'énergie. Mais si vous utilisez l'énergie du charbon ou du nucléaire pour alimenter les serveurs, à la fin, vous avez une chaleur qui est dégagée. Alors M. Eckert nous dit que ce n'est pas bien de l'aider, parce qu'il utilise cette énergie qui n'est pas propre et que, par conséquent, il ne faut pas le subventionner, il faut le pénaliser. Donc moi, si je suis chef d'entreprise, je dirai: «Si vous me pénalisez, je ne récupère pas la chaleur !» Et qui aura gagné ? Personne ! Je crois qu'il faut séparer les deux choses.
Il faut à mon avis voter ce projet de loi. Il faut récupérer toutes les énergies qui, transformées, dégagent de la chaleur, pour le climat et parce qu'il faut justement récupérer l'énergie qui peut servir au chauffage notamment, et puis, ma foi, ensuite, il y a toute une autre politique mise en place notamment par les SIG pour inviter ces entrepreneurs à essayer d'utiliser de l'énergie, entre guillemets, «bleue» ou «verte»; mais lier les deux, cela revient à pénaliser des initiatives qui sont franchement, disons-le, louables.
Alors évidemment que nous, les socialistes, nous voterons ce projet de loi, parce que cela encourage et cela devrait encourager d'autres entrepreneurs - car, pour ces personnes, c'est un investissement à faire. Elles peuvent choisir: «Si on ne m'aide pas, je préfère mettre mon argent ailleurs !» Et cette attitude consistant à récupérer de la chaleur ne sera donc pas récompensée. Par conséquent, je considère qu'il faut subventionner ces entrepreneurs, les aider à aller de l'avant, car ils peuvent utiliser le moins dépensé pour investir ailleurs. C'est positif économiquement parlant. Monsieur Eckert - vous transmettrez, Madame la présidente -, je suis d'accord avec vous, mais enfin, encourager ces personnes à utiliser d'autres énergies fait partie d'une autre politique.
Il y a aussi une chose que j'ai comprise: d'après les Services industriels, mais je me trompe peut-être, pratiquement la totalité de ce canton se fournit en énergie verte... (Remarque.) Ou renouvelable. Le problème ne se pose donc pas, parce qu'à terme, il n'y aura que de l'énergie renouvelable. Par conséquent, votre amendement est superfétatoire. Le parti socialiste votera donc ce projet de loi et, pour ce qui est de l'amendement, je proposerai - je ne sais pas pour mes collègues - en tout cas l'abstention. Merci.
M. André Pfeffer (UDC). Ces deux textes proposent d'encourager les actions liées à la récupération de chaleur provenant de serveurs informatiques, des activités industrielles et des activités arsenal... (Rires. Commentaires.) ...artisanales. Ces deux textes proposent surtout la possibilité de chauffer des milliers de logements grâce à cette récupération de chaleur.
Le PL 12973 souhaite encourager ces actions via des programmes de subventions pour la rénovation ou par un dégrèvement fiscal. De plus, la M 2759 propose de réduire les obstacles réglementaires et de développer un cadre incitatif.
L'impact de ces deux textes est très important. Je cite l'un des considérants de la motion: «[...] la société Infomaniak [...] va optimiser son parc de serveurs informatiques de sorte à pouvoir en récupérer la chaleur et ainsi chauffer tout un quartier [...]» L'Union démocratique du centre votera ces deux textes. Merci de votre attention.
M. Adrien Genecand (PLR). Beaucoup de choses doivent être rappelées, mais effectivement, je crois que le plus ironique dans ce débat, c'est qu'on assiste, aujourd'hui, au parlement, au fait que le groupe des Verts, dans une position complètement absurde, veut empêcher de réaliser ce que sa magistrate nous explique sur l'économie circulaire à longueur de temps depuis son élection. Donc, l'économie circulaire, c'est bien, quand c'est décrété par le département de Mme Fischer; quand il y a une volonté de la pratiquer en matière artisanale et industrielle par l'ensemble des acteurs, là, ça ne le serait plus, sous prétexte que - et on va devoir ouvrir ici un chapitre qui peut être douloureux pour ceux qui se prétendent des scientifiques - ce qui aurait à l'origine généré la chaleur pourrait être du fossile et que, de facto, on serait dans une logique de greenwashing.
Alors peut-être faut-il commencer par rappeler à M. Eckert et consorts que, dans ce canton, on achète 60% de notre énergie; on en produit 40%. 60% est acheté, à la France et à l'Allemagne, si on en croit les statistiques suisses, et je vous encourage vivement... «Le Temps» a développé une superbe application qui vous permettra de voir qu'au quotidien, on achète beaucoup. On vit de l'énergie nucléaire et on achète en parallèle beaucoup, à l'Allemagne et à la France. Et, Mesdames et Messieurs, quand on achète à l'Allemagne et à la France, eh bien vous préférez acheter à la France; cela peut paraître surprenant pour le MCG. Il se trouve que l'Allemagne, c'est d'abord du charbon et des énergies fossiles, redéveloppées à grands frais après l'arrêt des centrales nucléaires; la France, cela reste pour une bonne partie de l'énergie nucléaire.
Il se trouve que le greenwashing, Monsieur Eckert, c'est vous-même et vos semblables qui le pratiquez dans ce canton depuis que vous existez, en labellisant l'énergie comme étant propre, selon des critères que vous ne définissez jamais, parce qu'en fait, quand on achète de l'énergie à la France, on achète du nucléaire, alors qu'a priori, la constitution interdit la construction de centrales dans ce canton. Ceux qui «greenwashent» depuis quarante ans sur cette question pour se faire élire, Monsieur Eckert, c'est vous !
Je m'arrêterai là, pour vous dire que ce projet de loi ne traite pas de ça, parce que sinon, ça va être trop douloureux. Ce projet de loi traite juste de l'incapacité de l'Etat à faire ce qu'il doit faire, c'est-à-dire, quand les acteurs produisent de l'énergie, notamment dans le domaine industriel... Infomaniak a été cité par Alberto Velasco et je l'en remercie; ce projet de loi vient en fait d'Infomaniak: cette entreprise, subissant un surcoût qu'elle voulait payer, parce qu'elle ne comprenait pas qu'elle allait devoir, d'une certaine manière, rejeter de la chaleur pour rien, s'est dit: «Ce n'est pas possible, il faut qu'on fasse quelque chose !» Cela leur a coûté des millions de plus. Ils l'ont fait par conviction personnelle. L'Etat ne les a pas soutenus, à aucun moment. Ce projet de loi vise simplement à vous rappeler qu'on peut faire des choses simples, avec les acteurs qui, au quotidien, font l'économie de ce canton, et que notre rôle est de les encourager. Pas de faire des théories, pas de faire du greenwashing. Merci.
Mme Claude Bocquet (PDC). Je crois que tout a été dit sur ce projet de loi, qui est très bénéfique pour notre atmosphère, puisque, pour l'instant, la majorité de ces calories sont dispersées dans l'air, alors qu'elles pourraient chauffer des quartiers entiers et les bâtiments avoisinants. Par ailleurs, je pense que c'est un peu stupide de proposer un amendement qui risquerait de signifier aux entreprises qu'on ne les encourage pas parce que leur énergie primaire n'est pas la bonne et qu'on préfère du gaspillage. Je ne comprends pas ce point de vue et je vous encourage vivement, tout comme le PDC, à accepter ce projet de loi et à refuser l'amendement. Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, on a frisé la perfection ! Il a fallu un non pour briser cela. Après le brillant exercice de tout à l'heure sur les panneaux solaires, voilà un projet de loi de bon sens, et on ne doit pas lier, comme l'a dit tout à l'heure M. Velasco - vous transmettrez, Madame la présidente de séance... L'amendement des Verts est complètement superfétatoire ! Il ne sert à rien dans ce cadre-là. D'autant plus que, pour la plupart, les entreprises prennent leur énergie aux Services industriels de Genève, et vous savez comment ils nous garantissent la qualité renouvelable de l'électricité qu'ils fournissent. Et effectivement, mieux vaut récupérer et utiliser toute cette chaleur produite par le fait de l'activité - on a parlé d'Infomaniak, mais il y a probablement d'autres exemples - plutôt que de la gaspiller en la rejetant dans l'atmosphère ! On n'a donc pas besoin de rajouter encore des cautèles ou des exigences qui vont finalement rendre l'opération complètement inefficace. Une fois de plus, le mieux est l'ennemi du bien ! Le mieux est l'ennemi du bien ! Je vous invite donc bien évidemment à voter ce projet de loi et à rejeter tous les amendements.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. J'aimerais juste préciser que l'amendement que nous proposons n'interdit en rien de récupérer une chaleur issue d'énergies qui ne seraient pas propres. Simplement, ce que nous souhaitons, c'est qu'on ait une certaine retenue dans le subventionnement. Une fois de plus, l'amendement n'interdit pas le subventionnement, mais dit simplement d'en tenir compte. Je ne vois pas... Ce n'est pas extrêmement restrictif non plus.
Vous dites, Monsieur Sormanni - vous lui transmettrez, Madame la présidente -, que la plupart des entreprises se fournissent chez SIG... Tant mieux ! Si vous vous fournissez chez SIG, vous aurez la subvention sans aucun problème !
Maintenant, je ne sais pas très bien ce que je dois dire sur l'affirmation de M. Genecand, selon qui les énergies vendues par SIG, que ce soit la bleue, la verte ou la jaune, ce serait du greenwashing. Je n'en sais rien, je ne suis pas le porte-parole publicité de SIG, mais je suppose qu'ils ont quand même un certain nombre de critères - je pense que c'est dans leurs prospectus - selon lesquels l'énergie verte contient une certaine proportion d'énergie locale et produite de façon verte. Mais, une fois de plus, je ne suis pas le porte-parole de SIG.
Simplement, ce qu'il faut voir, c'est aussi que quand vous êtes au-dessus d'un certain seuil de consommation, vous avez la possibilité de ne pas passer par SIG; vous avez la possibilité de vous approvisionner de n'importe quelle façon sur le marché international, et à travers cet amendement, c'est simplement une cautèle que je souhaitais ajouter. Il s'agit de dire que vous pouvez vous approvisionner à bon compte sur le marché international, très loin de chez nous, mais qu'il faudra alors être quand même plus restrictif sur les subventions. C'est le seul sens de cet amendement.
J'aimerais aussi rappeler à mon collègue socialiste que l'amendement, que j'ai proposé à la commission de l'énergie, a été accepté par 1 Ensemble à Gauche, 3 socialistes et 2 Verts. Si vous avez retourné votre veste depuis, ce n'est pas mon problème !
Une voix. Ouh là là ! (Commentaires.)
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Je donne la parole à M. Adrien Genecand pour quarante-cinq secondes.
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Madame la présidente. Le rapporteur de minorité fait semblant de ne pas être responsable de quoi que ce soit et de ne rien comprendre. Il est membre de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève. Partant de ça, est-ce qu'il faut constater que c'est le niveau intellectuel nécessaire pour surveiller une entité publique qui réalise plus d'un milliard de chiffre d'affaires ? Le pas ne sera pas franchi pour ma part, mais il est un peu désolant de constater qu'on est là face à quelqu'un qui ne voit pas que ce n'est pas parce qu'on vous met un certificat et qu'on vous fait payer un prix que - vous le savez bien, j'espère, puisque vous êtes a priori scientifique... L'électricité et ce qui arrive dans votre ampoule, vous ne pouvez pas le déterminer. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole va au rapporteur de minorité pour cinquante-trois secondes.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Cela suffira largement. Je n'ai pas envie de faire un grand débat sur la question. Bien entendu, on ne pourra pas savoir pour chaque électron - je ne veux pas entrer dans un débat scientifique - s'il vient du barrage de Verbois, ce qui serait considéré comme vert, ou d'ailleurs. Simplement, pour être crédible - et c'est ce que nous vérifions également - SIG ne doit pas vendre plus d'énergie verte qu'il n'en achète ou qu'il n'en produit. C'est la seule chose que nous devons vérifier. Je ne dis pas que c'est facile, mais je fais confiance à SIG.
La présidente. Merci. Pour conclure, avant le Conseil d'Etat, je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que ce dossier en particulier est extrêmement délicat. Je prends deux exemples. La personne qui s'est exprimée au nom de l'UDC dit que les logements sont chauffés par les rejets de chaleur. C'est faux. Les logements des Vergers sont chauffés par une pompe à chaleur, alimentée par des cellules photovoltaïques qui se trouvent sur le toit. Et c'est seulement parce que l'eau est chauffée, en l'occurrence par HPE, par la zone industrielle, avec ses rejets, que la pompe à chaleur peut fonctionner d'autant mieux. 80% des logements sont chauffés par la pompe à chaleur, comme d'ailleurs 100% des Minoteries, soit 250 logements.
Je prends l'autre exemple de M. Genecand, qui nous affirme qu'on fait du greenwashing. La totalité des électrons vendus par les Services industriels sont certifiés. Et pourquoi le canton - parce que «Le Temps» fait des remarques... M. Eckert vient de le dire: c'est que d'autres vont se servir sur le marché libre et achètent des électrons d'origine nucléaire ou qui viennent d'Allemagne, produits par du charbon - pour certains, jusqu'en 2027. (Remarque.)
Il faut donc connaître les choses, et pour résoudre ces problèmes, il faut avoir une démarche industrielle, qui vise à rationaliser, à comprendre les problématiques et à éviter un certain nombre d'erreurs, parce que, par exemple, la Fondation pour les terrains industriels a fait des erreurs en soutenant une boucle à Plan-les-Ouates - je le sais, parce que je fais partie de ceux qui ont soutenu cette proposition -, mais c'est tellement cher de mettre en place des tuyaux pour aller chercher la chaleur dans des industries... Parce que je vous rappelle que produire de la chaleur, enfin, de l'électricité, cela représente 5% ou 6% du chiffre d'affaires: c'est minime. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Par conséquent, on ne va pas, avec 5% ou 6%, investir dans des tuyaux qui coûtent le lard du chat. Cela veut donc dire que c'est l'entreprise publique qui doit mettre en place ces réseaux, et le canton l'a bien compris, puisqu'il a confié aux Services industriels la mise en place de réseaux structurants...
La présidente. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Rémy Pagani. ...et vous avez voté tous ces réseaux. Par conséquent, je vous invite à être prudents quand vous affirmez que M. Pierre Eckert...
La présidente. Merci.
M. Rémy Pagani. ...et les Verts font du greenwashing.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, le Conseil d'Etat accepte parfaitement ce projet de loi, avec les précisions importantes qui ont été apportées en votre nom, au nom de la commission, par le rapporteur de majorité, sur la possibilité réglementaire du Conseil d'Etat de bien clarifier l'origine de cette énergie et d'avoir par conséquent une cohérence entre ces mesures de rachat de chaleur, qui sont pertinentes, et la stratégie de la transition énergétique qui requiert une production d'énergie durable. Avec ces précisions-là, ce projet de loi est donc extrêmement bienvenu.
Maintenant, j'aimerais profiter de ce débat pour rebondir sur la question de l'origine, qui a été soulevée par le député Genecand et qui est pertinente: en effet, durant cette crise énergétique, qui est une crise non pas écologique, mais vraiment d'approvisionnement - liée à la guerre, à la production de nos voisins français ainsi qu'à la météo - on voit à quel point la question du volume énergétique concerné est fondamentale et à quel point nous dépendons de nos voisins, notamment européens.
Alors comment concilier cela avec le fait que SIG, effectivement, depuis des années, communique sur ce point - nous avons atteint le 100% d'énergie renouvelable en 2017, cela a été progressif - et dise: «Nous distribuons une énergie 100% renouvelable» ? Pour cette raison, il faut peut-être ne pas parler d'électrons, c'est-à-dire que la référence à un approvisionnement, à une origine contrôlée, un peu comme le label GRTA... Quand nous avons, que sais-je, un poulet GRTA, on sait où il a été produit, et c'est bien matériellement ce poulet-là qui se retrouve dans notre assiette, et pas un autre poulet qui vient d'ailleurs. Cette traçabilité, qui est possible avec un produit agricole, ne l'est pas avec l'électricité. En cela, M. Genecand a raison. Ce n'est physiquement pas possible, c'est-à-dire que nous consommons par exemple en ce moment même des électrons produits physiquement dans un environnement relativement proche - qui peuvent provenir du barrage de Verbois - ou, dans certains cas, en fonction de l'heure et de la météo de la journée, effectivement, chez nos voisins français. Par conséquent, si on arrivait à prendre un électron qui est arrivé dans cette ampoule ici et à regarder le tampon qu'il a sur sa tête, on le situerait peut-être un peu plus loin. Mais ce n'est pas ainsi que fonctionnent les certificats, et, dans ce sens-là, il est abusif de dire que la stratégie de SIG relève du greenwashing.
Pourquoi ? Il faut considérer que les kilowatts-heures ainsi distribués sont comme de l'argent - et je pense qu'un député PLR sait que l'argent n'a pas d'odeur ! (Rires.) Par exemple: si M. Genecand, pour prendre un exemple entre nous... (Rire.) ...sort de son porte-monnaie un billet de 10 francs...
Une voix. C'est pas assez !
M. Antonio Hodgers. ...et qu'on l'analyse, on trouverait peut-être sur ce billet des traces... (Remarque.) ...que sais-je, de drogue... (Exclamation.) ...parce que ce billet-là serait passé par un dealer, qui aurait acheté un sandwich juste avant M. Genecand dans un magasin et aurait payé avec ce billet, que M. Genecand aurait reçu en retour de monnaie. Est-ce que M. Genecand serait dans l'illégalité ? Bien sûr que non ! (Remarque. Rires.) Parce que ce qui compte, ce n'est pas le support, mais bien le certificat attestant que le revenu de M. Genecand est parfaitement légal - ce qui est tout à fait le cas, bien évidemment ! (Commentaires. Rires.) A partir de là, il faut donc considérer que les certificats d'origine de SIG correspondent au volume de gigawatts-heures distribués par l'entreprise, comme un ménage a son budget, dont l'utilisation au quotidien correspond à ce que le ménage gagne. Ce n'est pas le support lui-même - ici, le billet de banque - qui pourrait incriminer son titulaire, mais bien l'origine des fonds.
Par conséquent, si on comprend ce phénomène-là - que l'on comprend tous en parlant d'argent -, on doit aussi pouvoir le saisir s'agissant de kilowatts-heures. Je n'utiliserais donc pas l'expression d'électrons, parce que cela fait penser à GRTA, aux produits agricoles qui, eux, sont traçables. L'électron ne l'est pas, mais cela ne veut pas dire pour autant que l'énergie produite et distribuée par SIG n'est pas 100% renouvelable - elle l'est. Pour le dire autrement, si l'ensemble des électriciens de Suisse et d'Europe étaient comme SIG, le marché serait 100% renouvelable. Et c'est bien cela, le problème: c'est qu'il existe d'autres stratégies, basées sur le fossile et sur le nucléaire, ce qui fait que les électrons se mélangent. Ne crachons donc pas sur notre succès industriel avec SIG ! Nous sommes un des cantons exemplaires quant à cette stratégie-là. Elle n'est pas parfaite, elle ne nous rend pas indépendants du point de vue de l'électricité, mais c'est un système qu'il vaut la peine de défendre. En l'état, je vous remercie d'adopter ce projet de loi tel que défendu par le rapporteur de majorité.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12973 est adopté en premier débat par 89 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Pierre Eckert à l'article 17A:
«Art. 17A, al. 2 (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4)
2 L'obtention de subvention ou de dégrèvement pour des activités utilisant l'électricité comme source tient compte de son origine et de son type.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 25 oui et 11 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 17A (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12973 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 81 oui contre 2 non et 6 abstentions (vote nominal).
La présidente. J'ouvre maintenant le scrutin sur la M 2759.
Mise aux voix, la motion 2759 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 88 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
Premier débat
La présidente. Nous passons à l'ordre du jour ordinaire et traitons tout d'abord le PL 12573-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Fabienne Monbaron... (Un instant s'écoule.) ...à qui je donnerai la parole, si elle la demande. (Remarque.) Vous avez la parole.
Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse. Merci, Madame la présidente. La volonté des auteurs de ce projet de loi est d'encourager le covoiturage afin d'éviter les pics de pollution dus au trafic routier. Pour ce faire, leur texte prévoit notamment l'instauration d'une taxe CO2, équivalente au double du prix de la carte journalière Unireso, payable par les usagers pendulaires qui, au-delà d'un kilomètre de la frontière cantonale, voyagent seuls ou à deux dans un véhicule autre qu'électrique, fonctionnant à l'hydrogène ou utilisant un carburant n'émettant pas de CO2 - et ce pour chaque entrée sur le territoire cantonal. Il prévoit également de garantir l'accès, pour les pendulaires, aux parcs relais et aux P+Bike, et de les inciter à opérer un transfert modal par la mise en place d'une réglementation restrictive à leur égard dans lesdits lieux de stationnement.
Différents constats se sont dégagés de l'audition des auteurs et du département, comme le fait que les tâches de contrôle seraient vraisemblablement confiées à la police, sans qu'il soit possible d'indiquer le nombre d'agents supplémentaires nécessaires à leur réalisation. Il a également été relevé que déterminer le type de véhicule prendrait du temps; qu'il serait difficile de vérifier si les personnes viennent travailler ou visiter; que la création d'un registre ad hoc des immatriculations des véhicules des travailleurs et travailleuses non résidents dans le canton pourrait être contraire à la LIPAD; et qu'il serait en tous les cas impossible de mettre en place une telle mesure en six mois, échéance souhaitée par les auteurs.
La question de la compatibilité de ce projet de loi avec l'accord sur la libre circulation des personnes ainsi qu'avec la Constitution fédérale, qui n'autorise pas les péages, a également été soulevée. Les avis divergent, selon l'audition des auteurs ou celle du département. En effet, pour les auteurs, le fait que seule une partie des conducteurs serait amenée à payer le droit de circuler sur le territoire genevois n'implique pas la création d'un péage, ce d'autant que le but est de limiter la pollution. Pour le département, en revanche, malgré la connotation environnementale, il s'agit bien d'un péage et la Constitution fédérale est claire sur le sujet, son article 82, alinéa 3, précisant: «L'utilisation des routes publiques est exempte de taxe. L'Assemblée fédérale peut autoriser des exceptions.» Les exceptions peuvent survenir pour des routes précises ou des usages particuliers; si l'on voulait le faire pour toute une région ou tout un réseau - ce qui est proposé dans ce projet de loi -, il serait nécessaire de modifier la Constitution fédérale.
En ce qui concerne la libre circulation des personnes, cet objet touche directement à la notion de frontière et pose problème eu égard aux accords bilatéraux et de Schengen. Par ailleurs, la notion de pendulaire est mal définie, car ce terme désigne toute personne devant se déplacer pour se rendre à son travail, et en l'occurrence, celles qui se déplacent uniquement sur le territoire cantonal ne seraient pas concernées.
Les propositions d'audition des communes françaises voisines ayant mis en place ou non du covoiturage, de même que des communes vaudoises, ont été refusées par la commission. Au vu des difficultés, démontrées, pour mettre en oeuvre ce projet de loi, la commission l'a refusé par 11 non, 2 oui et 1 abstention. Elle vous recommande d'en faire de même.
Présidence de M. Jean-Luc Forni, président
M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi traite de l'encouragement des pendulaires au covoiturage pour éviter les pics de pollution, et cela par l'instauration d'une taxe CO2 équivalente au double du prix de la carte journalière Unireso, la garantie d'accès aux parkings-relais pour les pendulaires et la mise en place d'une réglementation restrictive dans les lieux de stationnement pour inciter au transfert modal.
La proposition concernant la carte journalière est problématique si elle ne fait pas l'objet d'une consultation et d'un compromis acceptable. Le registre envisagé, la rapporteure l'a reconnu à l'instant, est contraire à la LIPAD. Le canton de Vaud pourrait aussi décider de l'introduction d'une taxe similaire au détriment des Genevois. De plus, cette proposition nécessiterait d'engager de nombreux policiers supplémentaires pour contrôler les personnes qui viennent travailler à Genève.
Pour mettre en oeuvre un tel projet de loi, la députée PLR l'a rappelé, l'Assemblée fédérale devrait d'abord légiférer et la Constitution fédérale devrait peut-être même être modifiée. D'autres villes ont demandé à pouvoir mener des expériences pilotes, mais la Confédération n'a apparemment accepté, pour l'instant, que la proposition de Zoug. Selon le groupe socialiste, l'étude sur le péage urbain votée par le Grand Conseil il y a plusieurs années n'a pas été analysée suffisamment; elle pourrait servir de base à des propositions analogues si elles étaient mieux précisées.
Comme ma préopinante l'a rappelé, la commission a refusé l'audition des communes françaises et des communes vaudoises, ainsi que l'audition d'un constitutionnaliste. Seul le Mouvement Citoyens Genevois a approuvé ce projet de loi. C'est pourquoi le parti socialiste vous recommande de le rejeter.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, mes préopinants l'ont dit, ce projet de loi qui est une très bonne idée au départ pose en effet deux problèmes: premièrement, il se heurte au fait qu'il est inapplicable au regard de la LIPAD; deuxièmement, il est contraire à la législation fédérale puisqu'il faudrait modifier la Constitution fédérale pour pouvoir l'appliquer.
Le groupe UDC s'était abstenu en commission et s'abstiendra aujourd'hui pour une raison très simple: il regrette que les auditions des communes françaises et vaudoises, qui avaient été sollicitées, aient été refusées en commission. J'estime que le travail a été bâclé, on aurait dû aller au bout du raisonnement et procéder aux auditions comme cela se fait d'habitude. Le groupe UDC le regrette et, pour ces raisons, il s'abstiendra. Je vous remercie.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Si le groupe PLR partage les préoccupations des signataires de ce projet de loi - limiter le trafic pendulaire, encourager le covoiturage et les transports publics -, il considère que ce texte est trop complexe. On l'a dit, il vise à instaurer une taxe pour tous les usagers pendulaires au-delà d'un kilomètre de la frontière cantonale s'ils sont un ou deux dans leur véhicule et n'ont pas un véhicule électrique, et ce pour chaque entrée sur notre territoire.
Cela pose la problématique du contrôle: savoir combien il y a d'occupants, quel est l'objectif de la visite de cette personne qui entre sur le territoire cantonal. Il y a aussi des problèmes en lien avec la LIPAD; il faudrait créer un registre ad hoc. Il y a par ailleurs des problèmes d'ordre juridique: comme vous le savez, l'article 82 de notre Constitution fédérale interdit les péages, sauf exception votée par l'Assemblée fédérale, par les deux chambres réunies. Cela pose également des problèmes en raison de l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'Union européenne, de l'accord de Schengen. Et puis ce texte est en outre problématique du fait qu'il comporte des notions juridiques indéterminées, telles que «pendulaire» ou «covoiturage».
Pour tous ces motifs, le groupe PLR vous recommande le refus de ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, Ensemble à Gauche refusera évidemment ce projet de loi. Pas parce qu'il est complexe ou parce que c'est une bonne idée, mais justement parce que c'est au contraire une très mauvaise idée, tant sur le fond que du fait de ce qui est identifié comme cause de la pollution. C'est-à-dire que le MCG, comme à son habitude, dit: c'est la faute des frontaliers s'il y a de la pollution. La solution est mauvaise: bien sûr que... Mais ce n'est pas de la faute des frontaliers, c'est de la faute des automobilistes ! (Rires. Exclamations.) Ce qui est un peu différent ! Les automobilistes - et j'en connais dans cette salle - sont largement représentés dans la population genevoise et parmi les résidents genevois, et si on veut réduire efficacement leur impact, plutôt que d'augmenter les taxes pour les frontaliers, on doit diminuer massivement le nombre de voitures au centre-ville - pas seulement celui des voitures, d'ailleurs, mais aussi celui des motos, dont il y a également des adeptes dans la salle.
On pose donc d'abord le problème de manière erronée en ciblant les pendulaires et, deuxièmement, c'est faux de penser que l'instauration d'une taxe sera une solution et pourra résoudre le problème. La seule chose que cette taxe va amener, c'est qu'elle va permettre aux gens riches de circuler comme bon leur semble... (Protestation.) ...tandis que les gens pauvres ne pourront pas circuler comme bon leur semble. (Protestation.) Ça ne fait que favoriser les grosses cylindrées... (Protestation.) ...les grosses cylindrées de nos amis les plus riches. D'ailleurs, étonnamment, le PLR ne soutient pas ce texte; ils auraient pourtant la route libre pour leurs grosses voitures ou leurs très beaux vélos électriques !
Cela étant dit, je rappelle le problème essentiel à Genève - heureusement, nous traiterons ensuite un projet de loi sur la question de la priorité des piétons: nous devons abandonner le trafic motorisé individuel. Ça veut dire que nous devons marcher, faire du vélo et prendre les transports publics ! (Remarque.) Ces solutions-là sont les seules crédibles, tant en matière d'urgence climatique que pour la santé de nos concitoyennes et concitoyens. Je vous invite donc évidemment à refuser ce projet de loi, qui est une mauvaise idée, et, par anticipation, à accepter le prochain. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, à la lecture de l'article 7, alinéa 4, lettre a, de ce projet de loi, qui dit que «le trafic de transit par les pendulaires, au-delà d'un kilomètre de la frontière, est payant pour les usagers seuls à bord de leur véhicule», se pose effectivement la question de la compatibilité avec le droit supérieur. N'en déplaise aux auteurs du texte, on est là clairement en dehors de la légalité nationale.
Cela étant, indépendamment de cette problématique, s'agissant de la fonction publique et des agents qui seraient censés contrôler le trafic, comment voulez-vous déterminer, lorsque vous voyez un véhicule occupé par une personne, si celle-ci vient travailler, si elle est en transit, si c'est un touriste ou si c'est un Genevois qui a des plaques françaises ? On est donc quelque part en train de créer une usine à gaz discriminatoire pour les pendulaires, qui sont frontaliers pour différentes raisons, alors qu'on sait pertinemment qu'il y en a 120 000 à Genève, soit du canton de Vaud soit de France voisine, et qu'on a grand besoin d'eux ! Le PDC refusera par conséquent ce projet de loi.
Et puis je voudrais quand même rappeler que la problématique du transit est bien évidemment à régler via le Léman Express et tout ce qui va se greffer là-dessus, mais aussi par le biais de ces fameux parkings...
Une voix. Ah !
M. Jacques Blondin. ...qu'il aurait été nécessaire de construire en périphérie et qui ont été refusés par un parti présent dans cette salle. (Commentaires.) Nous refuserons donc ce projet de loi. Merci.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Vertes et les Verts refuseront bien évidemment ce projet de loi clairement anti-frontaliers; l'auteur utilise le prétexte de l'urgence climatique et les questions environnementales pour discriminer une partie des personnes qui travaillent à Genève, soit celles qui habitent en France voisine ou dans le canton de Vaud. Non seulement le texte est discriminant, mais il est en plus inapplicable, car il propose un péage d'agglomération qui irait contre les accords sur la libre circulation des personnes, puisque ce péage serait transfrontalier. La Constitution fédérale interdit par ailleurs le système des péages, sauf exception - il me semble qu'il y en a un à Zoug.
On croit - ou on peut imaginer - de prime abord que le MCG a soudain une vision écologique ou un soupçon de conscience face à l'urgence climatique et propose un système de covoiturage avec trois personnes minimum qui, s'il n'est pas respecté, prévoit le paiement d'une taxe. Le MCG nous propose toutefois un projet de loi contraire non seulement à la Constitution fédérale mais aussi aux accords bilatéraux.
En conclusion, les Vertes et les Verts vous recommandent évidemment de refuser ce texte qui est anticonstitutionnel, discriminatoire et de surcroît inapplicable. Il y a quand même d'autres solutions pour diminuer la pollution, par exemple utiliser le Léman Express et recourir à la mobilité douce, et surtout rendre le logement accessible ! Il faut le rendre accessible pour les gens qui travaillent à Genève afin d'éviter justement que ces travailleurs et ces travailleuses doivent habiter loin et donc se déplacer et ainsi polluer. J'aimerais aussi rappeler que c'est quand même le MCG qui a refusé les P+R... (Protestation.) ...aux frontières. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). J'adore les coalitions quand elles sont faites de bric et de broc, qu'elles allient la carpe et le lapin ! C'est toujours très amusant à observer. Je remercie le camarade Cruchon pour son fantastique exposé qui m'a ramené dans les années merveilleuses où le marxisme régnait en maître sur une partie de l'Europe, faisant de celle-ci un cimetière des libertés.
De quoi parlons-nous ? Nous cherchons tous, si j'ai bien compris - si j'ai bien compris, parce qu'il n'y a pas que les Verts qui peuvent penser environnement; c'est peut-être une autre forme de dictature, la dictature verdo-marxiste... (Rires.) Et donc lorsqu'on cherche à enrayer le trafic en provenance de l'étranger, on n'a pas trente-six solutions ! Je crois savoir, et M. Dal Busco nous en parlera certainement tout à l'heure, que le département a lui-même travaillé sur la possibilité d'instaurer un système de péage; je ne sais pas où on en est avec ce projet, mais ce n'est pas si farfelu que ça ! Je ne pense pas que, à Milan, il n'y a que des «MCG-istes» ! Il faut tout simplement prendre des mesures. Je vous rappelle en outre, si besoin est, même pour ceux qui ne traversent pas le «Channel», que Londres a introduit un péage depuis trente ans et s'en porte très bien.
Pour revenir une dernière fois, pour ceux qui n'auraient pas encore compris, sur le financement des parkings situés en France, ce n'est pas le MCG qui s'y est opposé, c'est le peuple ! Nous sommes ici cent personnes: nous représentons le peuple et devons, surtout, respecter ses décisions, que cela plaise ou non à une partie de cette assemblée. Evidemment, je comprends que certains qui n'ont pas de respect pour le peuple puissent en douter.
Ce projet de loi était en fait une invitation à la discussion. Lorsqu'il s'est agi d'entendre les communes françaises, les communes vaudoises et d'autres, qu'est-ce qu'on a eu ? On a eu un tir de barrage. Cela n'a pas été intelligent, mais ç'aurait pu être gênant. Parce qu'il est bien possible que ce que nous aurions entendu à ce moment-là soit allé dans notre sens et pas dans le vôtre. Vous savez, le MCG a l'habitude; il se complaît dans l'opposition. C'est là où il est le meilleur et c'est là où il est vainqueur - et nous vaincrons !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. David Martin pour une minute quatorze.
M. David Martin (Ve). Merci, Monsieur le président. Pour compléter rapidement les propos de ma collègue, j'aimerais dire aux signataires de ce projet de loi que s'ils avaient voulu ouvrir une discussion sérieuse, ils auraient essayé d'obtenir un petit peu plus largement des signatures au moment du dépôt. Nous avons ici quatre signataires, un peu seuls, et je ne pense pas que l'intention était vraiment de réunir une majorité dès le départ autour de cet objet.
J'aimerais juste rappeler que le Grand Genève est un bassin de vie où l'ensemble de la population est solidaire et que personne n'a véritablement choisi d'avoir une frontière qui traverse cette agglomération. Si on était dans l'agglomération de Zurich, personne ne se poserait la question: tout le monde trouverait parfaitement logique d'avoir construit des infrastructures de transport qui la desservent de façon satisfaisante. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et c'est bel et bien le MCG qui à l'époque, à travers les P+R, a bloqué le développement équilibré de cette agglomération. Il ne peut s'en vouloir qu'à lui-même et c'est vraiment un comble que le MCG ait déposé ce projet de loi.
Pour terminer, je voudrais juste dire encore, suite aux propos de M. Cruchon, que ce ne sont pas les automobilistes qui sont coupables...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. David Martin. ...de leurs trajets, mais bel et bien l'absence d'infrastructures satisfaisantes à l'échelle de l'agglomération.
Le président. Merci beaucoup. Monsieur Patrick Dimier, il vous reste dix secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). C'est largement suffisant, Monsieur le président, merci. A l'adresse de M. Martin, même si c'est un bon pêcheur: qu'il se souvienne que le peuple, lorsqu'il se prononce, impose sa volonté - que cela vous plaise ou que cela ne vous plaise pas ! Merci.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, d'aucuns parmi vous ont indiqué s'abstenir - ou s'opposer, je ne me souviens plus - parce que les communes françaises et vaudoises n'ont pas été auditionnées. Je peux en tout cas vous dire que les communes limitrophes, où qu'elles soient au-delà de la frontière, partagent très largement le point de vue qui est le nôtre et largement aussi celui de ce parlement: il est beaucoup plus rationnel, lorsqu'on se déplace en voiture, de le faire à plusieurs plutôt que tout seul. Du reste, on a aujourd'hui des mesures qui opèrent une forme de «discrimination» - mais de la discrimination positive, pas négative comme le propose ce projet de loi.
Je vous donne deux exemples; il s'agit de mesures qui ont d'ailleurs été mises en oeuvre en collaboration avec les autorités françaises. Des voies de covoiturage à la douane de Thônex-Vallard... (Remarque.) ...permettent aux gens qui sont plusieurs dans la voiture d'éviter l'attente et de passer plus vite la douane. On est en train de monter un projet analogue à la douane de Bardonnex. Et puis une autre mesure a été mise en place avec les communes voisines du côté de Genève-Sud - c'est le fameux projet pour limiter le trafic aux petites douanes: du côté de Viry, si on est plusieurs dans la voiture, on n'a pas besoin de se soumettre à un feu qui ralentit la progression. Des mesures en faveur du covoiturage sont donc introduites, mais elles sont incitatives et positives et, je peux vous l'assurer, il n'y a pas la moindre différence entre les autorités de ce côté-ci de la frontière et celles de l'autre à cet égard !
Plusieurs personnes ici se sont enquises du fameux projet de péage que votre Grand Conseil avait d'ailleurs voté. Nous avons eu la possibilité, il y a environ deux ans, me semble-t-il, de le présenter à la commission des transports et cela avait notamment été l'occasion pour le Conseil d'Etat d'indiquer qu'il s'inscrivait, ou pouvait s'inscrire, dans une perspective fédérale. Le projet de loi que vous avez à traiter maintenant, je crois qu'il faut le rappeler encore une fois, n'est en effet pas conforme au droit supérieur et en particulier à notre Constitution fédérale, mais le Conseil fédéral a envisagé - c'était en 2021, je crois - de mettre précisément en place une expérience pilote de tarification de la mobilité. Et notre projet, ou plutôt votre projet, dont les résultats arrivaient justement à ce moment-là, aurait pu donner lieu à une candidature du canton - ce que nous avions d'ailleurs fait. Mais une votation fédérale sur la loi CO2 a donné entre-temps les résultats que vous savez et malheureusement, en tout cas du côté de Berne, cela a entravé ou du moins très fortement ralenti, nous a-t-on dit, ce projet pilote d'introduction de péages, de tarification de la mobilité en Suisse, et c'est pourquoi on en est un peu au point mort.
Voilà donc où nous en sommes, Mesdames et Messieurs. Je voudrais insister sur le fait que si le covoiturage est une bonne chose, il faut mettre en place des infrastructures qui permettent une alternative à la voiture, même si on est plusieurs dedans, par exemple des axes forts vélos - objet sur lequel, hier soir, nous avons entendu les auteurs de ce texte se battre comme des lions pour s'y opposer. Ce projet d'axe fort, fort heureusement adopté par le parlement - et je le remercie encore de l'avoir voté, du moins d'avoir voté les études -, est précisément conçu pour aller chercher les pendulaires au-delà de la frontière, avec des axes continus, confortables et rapides. Et comme j'ai eu l'occasion de le dire - je le répéterai très certainement plusieurs fois avec les objets qui vont suivre -, lorsqu'on met à disposition des infrastructures attractives, les gens les utilisent et laissent leur voiture, même s'ils l'occupaient à plusieurs.
Un peu de cohérence entre les différentes actions ferait donc du bien, me semble-t-il; le covoiturage doit bien entendu être favorisé, mais malheureusement pas avec un projet de loi comme celui-ci. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12573 est rejeté en premier débat par 62 non contre 12 oui et 8 abstentions.
Premier débat
Le président. A présent, l'ordre du jour appelle le traitement du PL 12625-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je cède la parole à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le projet de loi 12625 a été déposé en décembre 2019 et demande une modification de l'article 7, alinéa 3, lettre a, de la LMCE. Je rappelle qu'une votation sur un référendum a eu lieu en septembre 2020 qui, d'une certaine manière, a conforté la LMCE, lui a donné plus de force et de vigueur. Trois ans après le vote du peuple souverain sur cette loi, les Verts viennent avec un texte pour en modifier l'article 7 comme suit: «la voirie est en principe piétonne ou à priorité piétonne».
Il y a ici des contradictions, c'est le moins qu'on puisse dire, entre autres le fait de déclarer que la zone I est en principe piétonne ou à priorité piétonne alors qu'une autre disposition de la même loi prévoit une priorité à la mobilité douce et aux transports publics. Comme vous pouvez le constater, ce projet de loi n'en est pas à une incohérence près.
Il existe des règles de dérogation au principe de compensation, mais le fait de pacifier la zone I soulèverait des questions quant à la gestion du trafic. Il serait nécessaire de rendre des arrêtés. Ces mesures semblent disproportionnées et excessives, même aux yeux du département. Le fait d'inscrire dans la loi une priorité aux piétons entre en contradiction avec les autres principes et ne changera rien au fait que les procédures et le principe de compensation sont les mêmes.
La zone I est déjà définie dans la loi selon des principes, notamment la priorité aux transports publics. Il ne convient pas de rendre plus difficile la circulation en voiture ou par un autre moyen privé de locomotion. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des transports vous recommande de refuser l'entrée en matière sur le PL 12625. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, si j'ai pris ce rapport de minorité, c'est parce que nous, les Vertes et les Verts, sommes convaincus que les piétons doivent être prioritaires au centre-ville. Lorsque M. Mathias Buschbeck a déposé ce projet de loi en décembre 2019, le Léman Express entrait en service, et même en temps de crise sanitaire, cette infrastructure s'est révélée un succès, car elle permet justement le renforcement du transfert modal. On peut dire que le Léman Express se trouve au coeur de tous les plans climat cantonaux depuis le début en matière de mobilité.
Dans l'intervalle, des votations ont eu lieu, dont celle du parking «Clé de Rive» en ville de Genève. La population qui vit dans l'hypercentre et le centre souhaite davantage de zones piétonnes et surtout moins de trafic individuel motorisé; elle l'a prouvé en refusant un projet dépassé. Plus récemment, l'initiative des Verts «pour un centre-ville vivant, piéton et végétalisé» a été déposée avec suffisamment de signatures et validée par la chancellerie en juin 2021. D'autres initiatives pour la piétonnisation sont en cours de récolte de signatures et rencontrent un grand succès. C'est donc avant tout une question de volonté populaire et de qualité de vie.
En 2016, le peuple genevois a plébiscité la LMCE à 68%. Cette loi a pour principe de base la priorisation des modes de transport en fonction des zones. L'article 7, alinéa 3, lettre d, prévoit que dans la zone I, «les zones piétonnes ou à priorité piétonne, ainsi que les zones à trafic limité, sont favorisées». Pourtant, cette disposition n'est toujours pas appliquée après trois ans d'attente - trois ans à l'époque, donc cela fait six ans maintenant. Dès lors, il s'agit de modifier la LMCE pour faire de la zone I une zone en principe piétonne ou à priorité piétonne. Cela ne signifie pas exclure les transports publics, comme cela a été interprété en commission, mais lancer une vraie politique de développement des zones piétonnes. D'ailleurs, nous aurions été prêts à entrer en matière sur un amendement en lien avec les transports publics.
Sans péjorer la diversité économique, on peut améliorer la qualité de vie des habitants et des habitantes s'agissant de la santé et de la sécurité, aussi par respect pour toute la diversité de la population, des usagers et des usagères - je parle ici des jeunes, des personnes âgées, des familles, des personnes en situation de handicap. La piétonnisation apporte tous ces bénéfices, je ne reviendrai pas en détail là-dessus.
En conclusion, étant donné les différentes votations populaires - cantonales et communales -, la multitude d'initiatives qui surgissent de la société civile de même que les documents élaborés par de nombreuses associations, il semble clair que la piétonnisation de l'hypercentre présente beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients, notamment une réduction de la vitesse sur les axes routiers, ce qui est tout bénéfice pour la santé, pour éviter les accidents - pour la sécurité, donc - et pour le bien-être. Ainsi, nous persistons à penser qu'elle devrait constituer une priorité qui fait évidemment partie de la mise en application de la LMCE. Merci.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Ce projet de loi vise à modifier l'article 7, alinéa 3, lettre a, de la LMCE. Cette disposition stipule actuellement: «le département prend les mesures visant à limiter la vitesse à 30 km/h au maximum selon les conditions prescrites par le droit fédéral», et la nouvelle version souhaitée par les signataires du texte serait que, dans cette zone I, «la voirie est en principe piétonne ou à priorité piétonne».
Avec cette proposition, c'est l'ensemble de l'hypercentre qui deviendrait piéton ou à priorité piétonne. Or cela est contraire à l'article 7, alinéa 2, qui se trouve juste au-dessus de cet alinéa de la même LMCE: cela impliquerait que même les TPG devraient céder le pas - c'est le cas de le dire - aux piétons. Voilà qui entre en contradiction totale avec l'esprit de la LMCE qui vise la hiérarchisation du réseau - ainsi que prévu à l'article 3, alinéa 2 -, une hiérarchisation qui a d'ailleurs été allégrement violée par l'arrêté du département sur la limitation à 30 km/h.
Rappelons que la LMCE est une loi-cadre, fruit d'un compromis qui a été célébré en 2016 avec une large acceptation par la population, et elle ne doit pas être systématiquement détricotée; il faut essayer de garder cet esprit de consensus qui est pourtant régulièrement bafoué.
Je précise également que les zones piétonnes ne se décrètent pas. Il faut permettre à des gens extérieurs à ces périmètres d'y accéder, en particulier aux commerces, faute de quoi ceux-ci vont mourir. C'est d'ailleurs un peu le cas de la Vieille-Ville dans laquelle nous siégeons, nous voyons beaucoup de locaux complètement vides, et cela rend malheureusement cette Vieille-Ville un peu triste, un peu terne. Il faudrait éviter que ce phénomène se répande dans toute la zone I.
Comme vous le savez, un projet aurait pu permettre de piétonniser Rive tout en laissant les commerces vivre et créer une animation dans ces rues, en faire la fierté de notre ville. Hélas, il a été refusé. Le présent texte de loi contribuerait précisément à renforcer la mort du centre-ville, et c'est pour ce motif-là, Monsieur le président, que le PLR le rejettera. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la LMCE a bon dos. On en parle en long, en large et en travers, chacun l'interprète de manière différente. Et ici, on nous propose déjà de la modifier, ce qui me paraît très compliqué dans le contexte actuel. Il n'y a sans doute que Bâle-Ville qui fera mieux que nous par rapport au débat que nous avons sur la circulation au centre-ville.
Plusieurs questions se posent, parce que le libellé du projet de loi est relativement succinct. Quid des transports publics, de la gare que nous allons réaménager avec les accès aux trams ? Quid des nombreux vélos et trottinettes ? Je parle volontiers des vélos et trottinettes, parce qu'il ne nous a pas échappé, Mesdames et Messieurs les députés, que Pro Vélo a poussé un coup de gueule contre la situation à la rue des Etuves, à savoir que les piétons gênent le passage des vélos, ces derniers ne pouvant plus longer la rive droite du Rhône. On voit bien que la problématique de la cohabitation est largement posée.
Quid des transports professionnels ? On en a déjà parlé en long, en large et en travers, mais il ne faut pas oublier que les professionnels doivent pouvoir accéder à certains endroits utiles. Et puisqu'on parle de voirie, évoquons encore les services de voirie qui seraient largement pénalisés.
De nombreuses actions sont entreprises à Genève; on a beau se plaindre à longueur de journée de la mobilité genevoise, les choses bougent. Enfin, n'en déplaise à certains, je noterai l'arrêté du Conseil d'Etat du 11 octobre 2022 qui a instauré une limitation à 30 km/h, ce qui amène une certaine pacification du trafic dans ces quartiers-là. Pour nous, en l'état, il nous paraît totalement déplacé d'entrer en matière sur ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous le refuserons. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, il faut un petit peu remettre ce projet de loi dans son contexte. Effectivement, il propose que les rues de l'hypercentre soient piétonnes ou à priorité piétonne, mais on parle réellement de l'hypercentre de Genève, il s'agit d'un périmètre extrêmement restreint.
Evidemment, le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi qui a pour objectif de donner un coup d'accélérateur à la piétonnisation de notre centre-ville et qui répond à une véritable attente des habitants des quartiers de l'hypercentre, qui sont de plus en plus nombreux à abandonner la voiture individuelle et qui, par ailleurs, subissent aujourd'hui très fortement les nuisances liées au trafic de transit, lequel pollue énormément notre centre-ville, que ce soit au niveau atmosphérique ou sonore.
Ce texte aura pour effet de favoriser la mobilité douce, qu'elle soit piétonne ou cyclable. Il faut relever l'énorme avantage qu'aurait un centre-ville piéton pour l'attractivité de notre centre-ville et même de la ville de Genève. Ce n'est pas pour rien que de très nombreuses villes européennes - et de grandes villes européennes - ont un centre-ville piéton.
Si on examine les mesures d'aménagement adoptées par des cités européennes, on peut citer Pontevedra, en Espagne, qui est certes plus petite que Genève, mais qui a pris l'option de rendre son centre-ville totalement piéton, et je ne peux que souscrire aux propos du maire de cette ville: «Une ville, c'est fait pour les gens; les voitures, c'est fait pour les autoroutes, les longues distances et les vacances.» Encore que, en Suisse, nous disposons d'un réseau de chemins de fer extrêmement performant qui permet de se passer de la voiture pour ce type de déplacements.
Je le redis: le parti socialiste acceptera ce projet de loi, évidemment avec la cautèle de ne pas prétériter la mobilité des transports publics et des vélos, qui doivent également pouvoir circuler de manière fluide dans l'hypercentre.
Je conclurai en répondant à M. de Senarclens - je vous prie de lui transmettre, Monsieur le président -, qui répète ce que nous martèlent constamment les milieux économiques, à savoir que s'il n'y a pas de voitures dans un quartier, cela nuit aux commerces. C'est totalement faux, et il n'existe pas une seule étude qui corrobore cette allégation. On a même un exemple très concret, celui de Carouge, qui a décidé de piétonniser plusieurs rues, et les commerçants qui ne sont pas situés dans la zone piétonne se plaignent et demandent que la piétonnisation se fasse aussi devant leur commerce. Pour toutes ces raisons, le parti socialiste vous recommande d'accepter cet objet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra ce texte de loi, heureux de pouvoir enfin se prononcer sur un projet qui essaie de faire une différence en positionnant notre ville et notre canton dans ce qu'ils devront être au XXIe siècle, c'est-à-dire une ville et un canton basés essentiellement sur la mobilité douce, le vélo, la marche et les transports publics. C'est évidemment ça, la ville du futur.
Pour répondre d'abord à M. de Senarclens et à son argument économique, je vais citer le centre de recherche et d'éducation en transports de l'université de Portland qui a mené une étude à ce sujet. M. de Senarclens devrait se réjouir de développer les zones piétonnes et la circulation à vélo, puisque aux Etats-Unis, les piétons et les cyclistes sont des acheteurs plus fréquents que les automobilistes, ils font plus de dépenses, ils s'arrêtent plus fréquemment pour prendre un thé, une pâtisserie dans les commerces du centre-ville, ce sont des consommateurs qui dépensent plus et plus souvent.
Ce n'est pas forcément la raison pour laquelle j'appuie ce projet de loi, mais j'invite le PLR à réfléchir à sa fameuse attractivité, lui qui défend un modèle passé où on plaçait les supermarchés dans la banlieue, où on circulait en grosse voiture polluante. Tout cela est terminé, Mesdames et Messieurs, vous êtes complètement «has been», vous êtes encore coincés au XXe siècle, voire au XIXe, suivant les prises de parole de certains et certaines. Nous devons aller dans cette direction, et très rapidement.
A présent, j'aimerais intervenir à titre personnel. J'habite au centre-ville et je suis l'heureux papa d'une petite fille de trois ans... (Remarque.) Oh, s'il vous plaît, ça va ou bien ? Pas d'attaque personnelle, je m'excuse, mais c'est débile. (Remarque.) Non, non !
Le président. S'il vous plaît !
M. Pablo Cruchon. J'ai donc la chance d'être le papa d'une petite fille de trois ans, et je trouve qu'il est extrêmement compliqué d'accompagner les enfants dans l'hypercentre. Jamais nous ne pouvons leur lâcher la main, jamais nous ne pouvons les laisser aller à leur guise, ils sont en danger de mort permanent - je suis désolé, mais c'est ça - avec des SUV qui roulent à toute vitesse. J'habite près de l'avenue Wendt et de la rue de Lyon, c'est un danger de mort continu pour les enfants si nous ne sommes pas attentifs.
En plus d'un danger de mort, c'est évidemment un environnement pollué au niveau sonore, au niveau de la qualité de l'air. Je trouve sincèrement scandaleux que des gens s'opposent à une amélioration de la qualité de vie de nos enfants et de nos aînés. En effet, je tiens à le souligner, la circulation piétonne est particulièrement difficile en poussette, pour les personnes en chaise ou pour les personnes âgées qui ne peuvent pas traverser les passages piétons en courant. Pour toutes ces bonnes raisons, Mesdames et Messieurs, je vous invite à reconsidérer votre position et à voter en faveur d'une piétonnisation accrue de l'hypercentre, voire plus. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Boris Calame pour une minute trente.
M. Boris Calame (HP). Je vous remercie, Monsieur le président. Chères et chers collègues, je pense que, comme partout ailleurs, le piéton devrait être roi au centre de la ville. C'est certainement un changement de paradigme, la règle générale deviendrait alors d'abord le piéton, ensuite les autres, mais c'est la réalité, c'est ce qui se passe à peu près partout. Seule Genève freine des quatre fers. A terme, notre ville sera piétonne ou à priorité piétonne; il est possible de refuser aujourd'hui une bien meilleure qualité de vie, mais c'est ce vers quoi on se dirige de toute façon.
On entend constamment cette opposition entre économie et accessibilité, mais où que vous alliez en vacances, vous vous rendez systématiquement dans le centre-ville, qui est en zone piétonne. Ces centres-villes vous accueillent, vous vous y promenez, vous vous y délassez, c'est toujours comme ça.
J'ai envie de vous dire qu'il n'y a pas de honte à accepter que nous sommes toutes et tous d'abord piétons, ce n'est pas une tare. On a commencé à marcher et non pas à conduire, et on finira sans doute par marcher, certainement pas par conduire. Alors je conclurai simplement ainsi: le conservatisme n'a plus lieu d'être, marchons ensemble. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Charles Selleger, également pour une minute trente.
M. Charles Selleger (HP). Oui, merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Piétonniser l'hypercentre, bien sûr, ça tombe sous le sens. Supprimer la circulation automobile dans l'hypercentre, bien entendu ! Mais pour réaliser tout cela, il faut construire des parkings, il faut construire des voies de circulation afin d'éviter que les voitures polluantes passent à quelques dizaines de mètres de l'hypercentre.
J'ai un peu l'impression que les milieux qui défendent ce projet de loi demandent le beurre et l'argent du beurre: ils veulent piétonniser, mais ils refusent la traversée de la rade, ils refusent également le parking «Clé de Rive». La logique voudrait qu'à l'instar des autres grandes villes qui ont si bien piétonnisé leur hypercentre, on construise des facilitations à la circulation de transit qui doit pouvoir se produire de manière agréable et non polluante, qu'on fasse en sorte que les voitures puissent se parquer à des distances qui permettent à leurs occupants d'aller faire des emplettes sans perdre de temps à prendre des transports publics ou à marcher pendant des heures. Merci, Monsieur le président.
M. Patrick Dimier (MCG). On a cité Portland tout à l'heure. Je voudrais préciser que si on parle de Portland dans l'Oregon, cette ville est traversée par trois autoroutes, la 405, la 5 et la 85 qui vont du nord au sud de la côte ouest, et que si on parle de Portland dans le Maine, elle est elle aussi traversée par une autoroute, la 295 qui va d'est en ouest. Ce sont deux villes que je connais assez bien pour savoir qu'elles n'ont été piétonnisées que de manière tout à fait artificielle et qu'on y a fait autre chose: on a tout simplement interdit le parking dans la ville. C'est la théorie de M. Dal Busco: si on commence par interdire le parking, on réduit le trafic.
Pour le reste, on a aussi beaucoup parlé des transports publics. Alors j'aimerais dire une chose, c'est que le CEVA a quand même coûté 2,2 milliards. C'est un jour où les Verts avaient sans doute cassé la tablette de calcul, puisque en choeur, M. Cramer et M. Hiler avaient indiqué que le projet coûterait 880 millions tout compté et sans erreurs. Je pense qu'il y avait des problèmes de piles dans les calculettes.
Je suis un fervent défenseur du principe du Léman Express, mais quand on observe ce qui se passe... Il y a eu des transferts d'usagers qui utilisaient d'autres moyens de transports publics à Genève et qui prennent maintenant le Léman Express, parce qu'effectivement, il est très bien, il fonctionne quand il en a envie, surtout du côté français. Ce qui fait que le Léman Express, c'est un peu comme le Suchard Express: ce sont les Genevois qui sont chocolat.
Lors des auditions en commission, j'ai demandé à une personne auditionnée qu'elle nous donne son avis sur les risques de collision entre les vélos, les trottinettes, les cyclorameurs - puisqu'on va étudier ces affaires par lots; je voulais savoir ce qu'il en était. Eh bien cette personne a eu le flan incroyable - c'est un ancien juge - d'oser me dire: «Je ne répondrai pas à votre question.» Pourquoi ? Parce que c'est un point très important aujourd'hui de la mobilité dite douce. Cette mobilité est douce, mais les piétons vous diront qu'au final, la facture est salée. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. David Martin qui remplace au pied levé Mme Marjorie de Chastonay. Monsieur Martin, vous avez la parole pour deux minutes quarante.
M. David Martin (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, au nom de la minorité que je représente maintenant, j'aimerais tout d'abord remercier Mme Marti et M. Cruchon d'avoir replacé le débat un peu plus précisément sur l'objet de ce projet de loi. Ça nous aide, parce que si on écoute M. Dimier, on a l'impression qu'on parle du CEVA et des trottinettes.
C'est bien joli, mais il est question ici de quelque chose de relativement simple, on parle d'un changement dans la loi qui dit que la zone I de l'hypercentre est en principe piétonne ou à priorité piétonne. C'est un principe de priorité, cela n'exclut évidemment pas complètement les transports publics ni même peut-être certains passages de voitures, mais il s'agit juste de dire que dans l'hypercentre, les piétons ont la priorité.
Comme cela a été relevé, cet hypercentre est véritablement très limité, c'est un secteur, pour ceux qui n'ont pas la carte sous les yeux, qui va des bords du Jardin anglais en direction de Rive, qui englobe la Vieille-Ville, les abords de la place Neuve, le quartier des banques, qui remonte jusqu'à Saint-Gervais et la gare, et se termine au niveau du lac. Ce n'est vraiment pas très grand. Et en effet, ainsi que cela a été souligné, n'importe quelle autre ville du monde aurait déjà rendu ce secteur piéton au bénéfice de tous et des commerçants.
Maintenant, par rapport à la question du parking, je veux bien qu'on dise qu'il faut des parkings-relais pour faire en sorte que le report vers la marche puisse s'opérer aux abords de l'hypercentre, mais Rive est en plein coeur de celui-ci, donc si on veut pacifier l'hypercentre et le rendre piéton, on ne peut pas attirer un flux de voitures à cet endroit; si parking il doit y avoir, alors il faut qu'il soit réalisé beaucoup plus à l'extérieur, comme celui de Genève-Plage.
Pour terminer, j'aimerais rappeler que nous sommes tous des piétons et que nous sommes tous extrêmement impatients et irrités lorsqu'un feu met de très longues minutes à devenir vert, comme c'est le cas entre le Jardin anglais et les Eaux-Vives où les gens s'agacent, trépignent et finissent par traverser au rouge, avec les problèmes d'insécurité que cela engendre. Dès lors, nous vous remercions de soutenir ce projet de loi avec conviction. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Monsieur Christo Ivanov, c'est à nouveau votre tour. Il vous reste beaucoup de temps: trois minutes plus le temps de votre groupe.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Vous me permettrez tout d'abord de répondre à mon préopinant rapporteur de minorité: s'agissant de Rive, cher collègue, je suis désolé de vous dire que si la population de la ville de Genève avait accepté le parking «Clé de Rive», cela aurait solutionné beaucoup de problèmes et vous auriez obtenu un certain nombre de rues piétonnes. Vous et vos milieux êtes les responsables de cet échec; au moins, assumez-le.
Maintenant, en ce qui concerne la priorisation des piétons sur le reste des transports en général, je rappelle qu'elle est déjà prévue par la LMCE actuelle ! Vous enfoncez des portes ouvertes, je suis vraiment navré de le répéter, mais vous enfoncez des portes ouvertes. En effet, dans le projet de loi tel que vous le proposez, les explications données ne prennent pas cet aspect en compte.
Il est important de maintenir une économie dynamique et circulaire, de laisser se développer la mobilité professionnelle. Cela a été extrêmement bien défendu par M. Alexandre de Senarclens tout à l'heure, et c'est une réalité: il doit y avoir une hiérarchie des moyens de transport, ce que la LMCE prévoit actuellement, qu'on soit pour ou contre. Cette loi a même été renforcée lors de la votation sur le référendum en septembre 2020, puisque le peuple a donné quitus pour le maintien de la LMCE et a accepté l'assouplissement de la compensation des places. Il l'a accepté à 58%, de mémoire. Et vous, alors que la population a voté un texte, vous venez maintenant proposer le contraire.
Ensuite, il est question autant des biens que des services comme le transport des déchets, des choses extrêmement importantes, et cela touche également les personnes à mobilité réduite qui utilisent des prestataires publics ou privés pour se déplacer. A un moment, les entreprises doivent pouvoir travailler normalement et ne pas toujours être freinées, spécialement au centre-ville. Enfin, cela soulève la question des TPG: si on priorise les piétons, cela peut pénaliser les transports en commun, les bus peuvent accuser des retards en raison des piétons qui entravent les voies.
Ce projet de loi, à mon avis, est une fausse bonne idée, tout existe actuellement dans la LMCE et il est inutile de l'accepter. Enfin, on a parlé tout à l'heure de la rue des Etuves qui est piétonne et qui accueille maintenant les cyclistes: les piétons n'ont qu'à faire quinze ou vingt mètres pour prendre le quai des Bergues qui est aujourd'hui piéton. Pour la majorité de la commission des transports, il convient de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. J'ai dit, Monsieur le président, merci.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je réfléchissais à la manière dont j'allais aborder ma prise de parole. Allez, je vais moi aussi me référer au peuple, tiens, puisque lors des débats précédents, quand on parlait des parkings en France, c'était toujours: le peuple, le peuple, le peuple. Eh bien il se trouve que le peuple a refusé la traversée de la rade...
Une voix. Non !
M. Serge Dal Busco. Si, il a refusé l'initiative pour la traversée de la rade. (Commentaires.)
Des voix. La traversée du lac !
M. Serge Dal Busco. Tout à l'heure, il a été fait mention de la traversée de la rade, et le peuple a refusé la traversée de la rade.
Une voix. D'accord !
M. Serge Dal Busco. Le peuple genevois a également refusé le parking «Clé de Rive», contre l'avis que j'avais exprimé au demeurant, j'étais partisan de ce projet. Il a accepté le projet CEVA; eh oui, il l'a fait. Et puis le peuple a encore... (Remarque.) Il l'a accepté, donc quand on en appelle à la suprême autorité du peuple, comme vous le faites, cela ne peut pas être à géométrie variable.
Le peuple a encore adopté la LMCE en 2016. Enfin, comme l'a très justement souligné M. Ivanov, en septembre 2020, alors que d'aucuns imaginaient en découdre, notamment suite à ces fameuses pistes cyclables construites nuitamment, le peuple a voté à 58% la modification des règles de compensation de stationnement. Le peuple s'est exprimé et, en l'occurrence, il veut très clairement que la LMCE soit appliquée. Le mieux, en la circonstance, est l'ennemi du bien.
Faudrait-il souhaiter davantage de zones piétonnes en ville ? Assurément, oui, je le dis très clairement. D'ailleurs, lorsqu'on parvient péniblement à étendre quelques zones piétonnes... On parlait du quai des Bergues tout à l'heure, où on a assisté à des levées de boucliers des commerçants avant qu'on le piétonnise; par la suite, ce sont les commerçants eux-mêmes - à une exception près, je crois - qui ont appelé, qui ont insisté pour qu'on pérennise la mesure. Vous voyez bien que quand les choses sont bien faites - c'est parfois l'usage qui pose problème -, eh bien les secteurs économiques, les commerçants demandent l'extension des zones piétonnes. Notre ville de Genève et les centres urbains de notre canton souffrent certainement d'une comparaison internationale, je crois que chacune et chacun dans ce parlement pourra l'admettre.
Toutefois, là n'est pas la question. La question est de savoir si maintenant, nous continuons à appliquer la LMCE. En effet, ce qui est proposé ici constitue un changement notable. Il est peut-être souhaitable, mais c'est un changement notable et, à mon sens, il n'est pas opportun. J'ai indiqué, en prenant la responsabilité de cette politique publique pour cette législature - enfin, pour quelques mois encore -, que le département en faisait sa priorité. Nous avons clairement établi une feuille de route avec des mesures très concrètes, et rien ne nous fera dévier, en tout cas dans les mois qui restent, de cet objectif.
En ce qui concerne la vitesse, j'ai été un petit peu étonné d'entendre à la fois le rapporteur de majorité et M. de Senarclens, des personnes que je respecte vraiment beaucoup, s'opposer à la modification de ce fameux article 7, alinéa 3, lettre a, qui mentionne aujourd'hui, s'agissant de la zone I, que «le département prend les mesures visant à limiter la vitesse à 30 km/h au maximum selon les conditions prescrites par le droit fédéral». C'est précisément contre l'application de cette disposition que les partis qu'ils représentent ont adressé des recours contre les arrêtés que le Conseil d'Etat a déposés en la matière. Mais je suis très heureux de constater qu'ils sont pleinement conscients que la loi précise déjà que la zone I mentionne cela... (Remarque.) Oui, mais il ne faut pas recourir contre ce que la loi exige, Monsieur le rapporteur de majorité.
Voilà, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, le Conseil d'Etat ne soutient pas ce projet de loi. Il continue à vouloir appliquer ce qui avait été voté dans ce parlement, puis confirmé par le peuple, car il s'agit d'un compromis. Un compromis, chacun le sait, est toujours perfectible; chaque partie à l'accord veut toujours en avoir un peu davantage, mais nous pensons que ce n'est pas opportun et, en l'occurrence, je vous recommande, au nom du Conseil d'Etat, de ne pas entrer en matière sur ce texte.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ouvre le vote sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12625 est rejeté en premier débat par 52 non contre 39 oui.
Le projet de loi 11986 est retiré par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrivons au terme de notre séance. Nous reprenons nos travaux à 18h10. Je vous souhaite une bonne pause !
La séance est levée à 17h55.