République et canton de Genève

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PL 12625-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Mathias Buschbeck, Katia Leonelli, Frédérique Perler, Marjorie de Chastonay, Yvan Rochat, Pierre Eckert, Jean Rossiaud, David Martin, Boris Calame, Philippe Poget, Alessandra Oriolo, Yves de Matteis modifiant la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée (LMCE) (H 1 21) (Priorité aux piétons dans le centre-ville)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 2 et 3 septembre 2021.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de minorité de Mme Marjorie de Chastonay (Ve)

Premier débat

Le président. A présent, l'ordre du jour appelle le traitement du PL 12625-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je cède la parole à M. Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le projet de loi 12625 a été déposé en décembre 2019 et demande une modification de l'article 7, alinéa 3, lettre a, de la LMCE. Je rappelle qu'une votation sur un référendum a eu lieu en septembre 2020 qui, d'une certaine manière, a conforté la LMCE, lui a donné plus de force et de vigueur. Trois ans après le vote du peuple souverain sur cette loi, les Verts viennent avec un texte pour en modifier l'article 7 comme suit: «la voirie est en principe piétonne ou à priorité piétonne».

Il y a ici des contradictions, c'est le moins qu'on puisse dire, entre autres le fait de déclarer que la zone I est en principe piétonne ou à priorité piétonne alors qu'une autre disposition de la même loi prévoit une priorité à la mobilité douce et aux transports publics. Comme vous pouvez le constater, ce projet de loi n'en est pas à une incohérence près.

Il existe des règles de dérogation au principe de compensation, mais le fait de pacifier la zone I soulèverait des questions quant à la gestion du trafic. Il serait nécessaire de rendre des arrêtés. Ces mesures semblent disproportionnées et excessives, même aux yeux du département. Le fait d'inscrire dans la loi une priorité aux piétons entre en contradiction avec les autres principes et ne changera rien au fait que les procédures et le principe de compensation sont les mêmes.

La zone I est déjà définie dans la loi selon des principes, notamment la priorité aux transports publics. Il ne convient pas de rendre plus difficile la circulation en voiture ou par un autre moyen privé de locomotion. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des transports vous recommande de refuser l'entrée en matière sur le PL 12625. Je vous remercie.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, si j'ai pris ce rapport de minorité, c'est parce que nous, les Vertes et les Verts, sommes convaincus que les piétons doivent être prioritaires au centre-ville. Lorsque M. Mathias Buschbeck a déposé ce projet de loi en décembre 2019, le Léman Express entrait en service, et même en temps de crise sanitaire, cette infrastructure s'est révélée un succès, car elle permet justement le renforcement du transfert modal. On peut dire que le Léman Express se trouve au coeur de tous les plans climat cantonaux depuis le début en matière de mobilité.

Dans l'intervalle, des votations ont eu lieu, dont celle du parking «Clé de Rive» en ville de Genève. La population qui vit dans l'hypercentre et le centre souhaite davantage de zones piétonnes et surtout moins de trafic individuel motorisé; elle l'a prouvé en refusant un projet dépassé. Plus récemment, l'initiative des Verts «pour un centre-ville vivant, piéton et végétalisé» a été déposée avec suffisamment de signatures et validée par la chancellerie en juin 2021. D'autres initiatives pour la piétonnisation sont en cours de récolte de signatures et rencontrent un grand succès. C'est donc avant tout une question de volonté populaire et de qualité de vie.

En 2016, le peuple genevois a plébiscité la LMCE à 68%. Cette loi a pour principe de base la priorisation des modes de transport en fonction des zones. L'article 7, alinéa 3, lettre d, prévoit que dans la zone I, «les zones piétonnes ou à priorité piétonne, ainsi que les zones à trafic limité, sont favorisées». Pourtant, cette disposition n'est toujours pas appliquée après trois ans d'attente - trois ans à l'époque, donc cela fait six ans maintenant. Dès lors, il s'agit de modifier la LMCE pour faire de la zone I une zone en principe piétonne ou à priorité piétonne. Cela ne signifie pas exclure les transports publics, comme cela a été interprété en commission, mais lancer une vraie politique de développement des zones piétonnes. D'ailleurs, nous aurions été prêts à entrer en matière sur un amendement en lien avec les transports publics.

Sans péjorer la diversité économique, on peut améliorer la qualité de vie des habitants et des habitantes s'agissant de la santé et de la sécurité, aussi par respect pour toute la diversité de la population, des usagers et des usagères - je parle ici des jeunes, des personnes âgées, des familles, des personnes en situation de handicap. La piétonnisation apporte tous ces bénéfices, je ne reviendrai pas en détail là-dessus.

En conclusion, étant donné les différentes votations populaires - cantonales et communales -, la multitude d'initiatives qui surgissent de la société civile de même que les documents élaborés par de nombreuses associations, il semble clair que la piétonnisation de l'hypercentre présente beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients, notamment une réduction de la vitesse sur les axes routiers, ce qui est tout bénéfice pour la santé, pour éviter les accidents - pour la sécurité, donc - et pour le bien-être. Ainsi, nous persistons à penser qu'elle devrait constituer une priorité qui fait évidemment partie de la mise en application de la LMCE. Merci.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Ce projet de loi vise à modifier l'article 7, alinéa 3, lettre a, de la LMCE. Cette disposition stipule actuellement: «le département prend les mesures visant à limiter la vitesse à 30 km/h au maximum selon les conditions prescrites par le droit fédéral», et la nouvelle version souhaitée par les signataires du texte serait que, dans cette zone I, «la voirie est en principe piétonne ou à priorité piétonne».

Avec cette proposition, c'est l'ensemble de l'hypercentre qui deviendrait piéton ou à priorité piétonne. Or cela est contraire à l'article 7, alinéa 2, qui se trouve juste au-dessus de cet alinéa de la même LMCE: cela impliquerait que même les TPG devraient céder le pas - c'est le cas de le dire - aux piétons. Voilà qui entre en contradiction totale avec l'esprit de la LMCE qui vise la hiérarchisation du réseau - ainsi que prévu à l'article 3, alinéa 2 -, une hiérarchisation qui a d'ailleurs été allégrement violée par l'arrêté du département sur la limitation à 30 km/h.

Rappelons que la LMCE est une loi-cadre, fruit d'un compromis qui a été célébré en 2016 avec une large acceptation par la population, et elle ne doit pas être systématiquement détricotée; il faut essayer de garder cet esprit de consensus qui est pourtant régulièrement bafoué.

Je précise également que les zones piétonnes ne se décrètent pas. Il faut permettre à des gens extérieurs à ces périmètres d'y accéder, en particulier aux commerces, faute de quoi ceux-ci vont mourir. C'est d'ailleurs un peu le cas de la Vieille-Ville dans laquelle nous siégeons, nous voyons beaucoup de locaux complètement vides, et cela rend malheureusement cette Vieille-Ville un peu triste, un peu terne. Il faudrait éviter que ce phénomène se répande dans toute la zone I.

Comme vous le savez, un projet aurait pu permettre de piétonniser Rive tout en laissant les commerces vivre et créer une animation dans ces rues, en faire la fierté de notre ville. Hélas, il a été refusé. Le présent texte de loi contribuerait précisément à renforcer la mort du centre-ville, et c'est pour ce motif-là, Monsieur le président, que le PLR le rejettera. Je vous remercie.

M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la LMCE a bon dos. On en parle en long, en large et en travers, chacun l'interprète de manière différente. Et ici, on nous propose déjà de la modifier, ce qui me paraît très compliqué dans le contexte actuel. Il n'y a sans doute que Bâle-Ville qui fera mieux que nous par rapport au débat que nous avons sur la circulation au centre-ville.

Plusieurs questions se posent, parce que le libellé du projet de loi est relativement succinct. Quid des transports publics, de la gare que nous allons réaménager avec les accès aux trams ? Quid des nombreux vélos et trottinettes ? Je parle volontiers des vélos et trottinettes, parce qu'il ne nous a pas échappé, Mesdames et Messieurs les députés, que Pro Vélo a poussé un coup de gueule contre la situation à la rue des Etuves, à savoir que les piétons gênent le passage des vélos, ces derniers ne pouvant plus longer la rive droite du Rhône. On voit bien que la problématique de la cohabitation est largement posée.

Quid des transports professionnels ? On en a déjà parlé en long, en large et en travers, mais il ne faut pas oublier que les professionnels doivent pouvoir accéder à certains endroits utiles. Et puisqu'on parle de voirie, évoquons encore les services de voirie qui seraient largement pénalisés.

De nombreuses actions sont entreprises à Genève; on a beau se plaindre à longueur de journée de la mobilité genevoise, les choses bougent. Enfin, n'en déplaise à certains, je noterai l'arrêté du Conseil d'Etat du 11 octobre 2022 qui a instauré une limitation à 30 km/h, ce qui amène une certaine pacification du trafic dans ces quartiers-là. Pour nous, en l'état, il nous paraît totalement déplacé d'entrer en matière sur ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous le refuserons. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, il faut un petit peu remettre ce projet de loi dans son contexte. Effectivement, il propose que les rues de l'hypercentre soient piétonnes ou à priorité piétonne, mais on parle réellement de l'hypercentre de Genève, il s'agit d'un périmètre extrêmement restreint.

Evidemment, le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi qui a pour objectif de donner un coup d'accélérateur à la piétonnisation de notre centre-ville et qui répond à une véritable attente des habitants des quartiers de l'hypercentre, qui sont de plus en plus nombreux à abandonner la voiture individuelle et qui, par ailleurs, subissent aujourd'hui très fortement les nuisances liées au trafic de transit, lequel pollue énormément notre centre-ville, que ce soit au niveau atmosphérique ou sonore.

Ce texte aura pour effet de favoriser la mobilité douce, qu'elle soit piétonne ou cyclable. Il faut relever l'énorme avantage qu'aurait un centre-ville piéton pour l'attractivité de notre centre-ville et même de la ville de Genève. Ce n'est pas pour rien que de très nombreuses villes européennes - et de grandes villes européennes - ont un centre-ville piéton.

Si on examine les mesures d'aménagement adoptées par des cités européennes, on peut citer Pontevedra, en Espagne, qui est certes plus petite que Genève, mais qui a pris l'option de rendre son centre-ville totalement piéton, et je ne peux que souscrire aux propos du maire de cette ville: «Une ville, c'est fait pour les gens; les voitures, c'est fait pour les autoroutes, les longues distances et les vacances.» Encore que, en Suisse, nous disposons d'un réseau de chemins de fer extrêmement performant qui permet de se passer de la voiture pour ce type de déplacements.

Je le redis: le parti socialiste acceptera ce projet de loi, évidemment avec la cautèle de ne pas prétériter la mobilité des transports publics et des vélos, qui doivent également pouvoir circuler de manière fluide dans l'hypercentre.

Je conclurai en répondant à M. de Senarclens - je vous prie de lui transmettre, Monsieur le président -, qui répète ce que nous martèlent constamment les milieux économiques, à savoir que s'il n'y a pas de voitures dans un quartier, cela nuit aux commerces. C'est totalement faux, et il n'existe pas une seule étude qui corrobore cette allégation. On a même un exemple très concret, celui de Carouge, qui a décidé de piétonniser plusieurs rues, et les commerçants qui ne sont pas situés dans la zone piétonne se plaignent et demandent que la piétonnisation se fasse aussi devant leur commerce. Pour toutes ces raisons, le parti socialiste vous recommande d'accepter cet objet. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra ce texte de loi, heureux de pouvoir enfin se prononcer sur un projet qui essaie de faire une différence en positionnant notre ville et notre canton dans ce qu'ils devront être au XXIe siècle, c'est-à-dire une ville et un canton basés essentiellement sur la mobilité douce, le vélo, la marche et les transports publics. C'est évidemment ça, la ville du futur.

Pour répondre d'abord à M. de Senarclens et à son argument économique, je vais citer le centre de recherche et d'éducation en transports de l'université de Portland qui a mené une étude à ce sujet. M. de Senarclens devrait se réjouir de développer les zones piétonnes et la circulation à vélo, puisque aux Etats-Unis, les piétons et les cyclistes sont des acheteurs plus fréquents que les automobilistes, ils font plus de dépenses, ils s'arrêtent plus fréquemment pour prendre un thé, une pâtisserie dans les commerces du centre-ville, ce sont des consommateurs qui dépensent plus et plus souvent.

Ce n'est pas forcément la raison pour laquelle j'appuie ce projet de loi, mais j'invite le PLR à réfléchir à sa fameuse attractivité, lui qui défend un modèle passé où on plaçait les supermarchés dans la banlieue, où on circulait en grosse voiture polluante. Tout cela est terminé, Mesdames et Messieurs, vous êtes complètement «has been», vous êtes encore coincés au XXe siècle, voire au XIXe, suivant les prises de parole de certains et certaines. Nous devons aller dans cette direction, et très rapidement.

A présent, j'aimerais intervenir à titre personnel. J'habite au centre-ville et je suis l'heureux papa d'une petite fille de trois ans... (Remarque.) Oh, s'il vous plaît, ça va ou bien ? Pas d'attaque personnelle, je m'excuse, mais c'est débile. (Remarque.) Non, non !

Le président. S'il vous plaît !

M. Pablo Cruchon. J'ai donc la chance d'être le papa d'une petite fille de trois ans, et je trouve qu'il est extrêmement compliqué d'accompagner les enfants dans l'hypercentre. Jamais nous ne pouvons leur lâcher la main, jamais nous ne pouvons les laisser aller à leur guise, ils sont en danger de mort permanent - je suis désolé, mais c'est ça - avec des SUV qui roulent à toute vitesse. J'habite près de l'avenue Wendt et de la rue de Lyon, c'est un danger de mort continu pour les enfants si nous ne sommes pas attentifs.

En plus d'un danger de mort, c'est évidemment un environnement pollué au niveau sonore, au niveau de la qualité de l'air. Je trouve sincèrement scandaleux que des gens s'opposent à une amélioration de la qualité de vie de nos enfants et de nos aînés. En effet, je tiens à le souligner, la circulation piétonne est particulièrement difficile en poussette, pour les personnes en chaise ou pour les personnes âgées qui ne peuvent pas traverser les passages piétons en courant. Pour toutes ces bonnes raisons, Mesdames et Messieurs, je vous invite à reconsidérer votre position et à voter en faveur d'une piétonnisation accrue de l'hypercentre, voire plus. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Boris Calame pour une minute trente.

M. Boris Calame (HP). Je vous remercie, Monsieur le président. Chères et chers collègues, je pense que, comme partout ailleurs, le piéton devrait être roi au centre de la ville. C'est certainement un changement de paradigme, la règle générale deviendrait alors d'abord le piéton, ensuite les autres, mais c'est la réalité, c'est ce qui se passe à peu près partout. Seule Genève freine des quatre fers. A terme, notre ville sera piétonne ou à priorité piétonne; il est possible de refuser aujourd'hui une bien meilleure qualité de vie, mais c'est ce vers quoi on se dirige de toute façon.

On entend constamment cette opposition entre économie et accessibilité, mais où que vous alliez en vacances, vous vous rendez systématiquement dans le centre-ville, qui est en zone piétonne. Ces centres-villes vous accueillent, vous vous y promenez, vous vous y délassez, c'est toujours comme ça.

J'ai envie de vous dire qu'il n'y a pas de honte à accepter que nous sommes toutes et tous d'abord piétons, ce n'est pas une tare. On a commencé à marcher et non pas à conduire, et on finira sans doute par marcher, certainement pas par conduire. Alors je conclurai simplement ainsi: le conservatisme n'a plus lieu d'être, marchons ensemble. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Charles Selleger, également pour une minute trente.

M. Charles Selleger (HP). Oui, merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Piétonniser l'hypercentre, bien sûr, ça tombe sous le sens. Supprimer la circulation automobile dans l'hypercentre, bien entendu ! Mais pour réaliser tout cela, il faut construire des parkings, il faut construire des voies de circulation afin d'éviter que les voitures polluantes passent à quelques dizaines de mètres de l'hypercentre.

J'ai un peu l'impression que les milieux qui défendent ce projet de loi demandent le beurre et l'argent du beurre: ils veulent piétonniser, mais ils refusent la traversée de la rade, ils refusent également le parking «Clé de Rive». La logique voudrait qu'à l'instar des autres grandes villes qui ont si bien piétonnisé leur hypercentre, on construise des facilitations à la circulation de transit qui doit pouvoir se produire de manière agréable et non polluante, qu'on fasse en sorte que les voitures puissent se parquer à des distances qui permettent à leurs occupants d'aller faire des emplettes sans perdre de temps à prendre des transports publics ou à marcher pendant des heures. Merci, Monsieur le président.

M. Patrick Dimier (MCG). On a cité Portland tout à l'heure. Je voudrais préciser que si on parle de Portland dans l'Oregon, cette ville est traversée par trois autoroutes, la 405, la 5 et la 85 qui vont du nord au sud de la côte ouest, et que si on parle de Portland dans le Maine, elle est elle aussi traversée par une autoroute, la 295 qui va d'est en ouest. Ce sont deux villes que je connais assez bien pour savoir qu'elles n'ont été piétonnisées que de manière tout à fait artificielle et qu'on y a fait autre chose: on a tout simplement interdit le parking dans la ville. C'est la théorie de M. Dal Busco: si on commence par interdire le parking, on réduit le trafic.

Pour le reste, on a aussi beaucoup parlé des transports publics. Alors j'aimerais dire une chose, c'est que le CEVA a quand même coûté 2,2 milliards. C'est un jour où les Verts avaient sans doute cassé la tablette de calcul, puisque en choeur, M. Cramer et M. Hiler avaient indiqué que le projet coûterait 880 millions tout compté et sans erreurs. Je pense qu'il y avait des problèmes de piles dans les calculettes.

Je suis un fervent défenseur du principe du Léman Express, mais quand on observe ce qui se passe... Il y a eu des transferts d'usagers qui utilisaient d'autres moyens de transports publics à Genève et qui prennent maintenant le Léman Express, parce qu'effectivement, il est très bien, il fonctionne quand il en a envie, surtout du côté français. Ce qui fait que le Léman Express, c'est un peu comme le Suchard Express: ce sont les Genevois qui sont chocolat.

Lors des auditions en commission, j'ai demandé à une personne auditionnée qu'elle nous donne son avis sur les risques de collision entre les vélos, les trottinettes, les cyclorameurs - puisqu'on va étudier ces affaires par l'eau; je voulais savoir ce qu'il en était. Eh bien cette personne a eu le flan incroyable - c'est un ancien juge - d'oser me dire: «Je ne répondrai pas à votre question.» Pourquoi ? Parce que c'est un point très important aujourd'hui de la mobilité dite douce. Cette mobilité est douce, mais les piétons vous diront qu'au final, la facture est salée. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. David Martin qui remplace au pied levé Mme Marjorie de Chastonay. Monsieur Martin, vous avez la parole pour deux minutes quarante.

M. David Martin (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, au nom de la minorité que je représente maintenant, j'aimerais tout d'abord remercier Mme Marti et M. Cruchon d'avoir replacé le débat un peu plus précisément sur l'objet de ce projet de loi. Ça nous aide, parce que si on écoute M. Dimier, on a l'impression qu'on parle du CEVA et des trottinettes.

C'est bien joli, mais il est question ici de quelque chose de relativement simple, on parle d'un changement dans la loi qui dit que la zone I de l'hypercentre est en principe piétonne ou à priorité piétonne. C'est un principe de priorité, cela n'exclut évidemment pas complètement les transports publics ni même peut-être certains passages de voitures, mais il s'agit juste de dire que dans l'hypercentre, les piétons ont la priorité.

Comme cela a été relevé, cet hypercentre est véritablement très limité, c'est un secteur, pour ceux qui n'ont pas la carte sous les yeux, qui va des bords du Jardin anglais en direction de Rive, qui englobe la Vieille-Ville, les abords de la place Neuve, le quartier des banques, qui remonte jusqu'à Saint-Gervais et la gare, et se termine au niveau du lac. Ce n'est vraiment pas très grand. Et en effet, ainsi que cela a été souligné, n'importe quelle autre ville du monde aurait déjà rendu ce secteur piéton au bénéfice de tous et des commerçants.

Maintenant, par rapport à la question du parking, je veux bien qu'on dise qu'il faut des parkings-relais pour faire en sorte que le report vers la marche puisse s'opérer aux abords de l'hypercentre, mais Rive est en plein coeur de celui-ci, donc si on veut pacifier l'hypercentre et le rendre piéton, on ne peut pas attirer un flux de voitures à cet endroit; si parking il doit y avoir, alors il faut qu'il soit réalisé beaucoup plus à l'extérieur, comme celui de Genève-Plage.

Pour terminer, j'aimerais rappeler que nous sommes tous des piétons et que nous sommes tous extrêmement impatients et irrités lorsqu'un feu met de très longues minutes à devenir vert, comme c'est le cas entre le Jardin anglais et les Eaux-Vives où les gens s'agacent, trépignent et finissent par traverser au rouge, avec les problèmes d'insécurité que cela engendre. Dès lors, nous vous remercions de soutenir ce projet de loi avec conviction. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Monsieur Christo Ivanov, c'est à nouveau votre tour. Il vous reste beaucoup de temps: trois minutes plus le temps de votre groupe.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Vous me permettrez tout d'abord de répondre à mon préopinant rapporteur de minorité: s'agissant de Rive, cher collègue, je suis désolé de vous dire que si la population de la ville de Genève avait accepté le parking «Clé de Rive», cela aurait solutionné beaucoup de problèmes et vous auriez obtenu un certain nombre de rues piétonnes. Vous et vos milieux êtes les responsables de cet échec; au moins, assumez-le.

Maintenant, en ce qui concerne la priorisation des piétons sur le reste des transports en général, je rappelle qu'elle est déjà prévue par la LMCE actuelle ! Vous enfoncez des portes ouvertes, je suis vraiment navré de le répéter, mais vous enfoncez des portes ouvertes. En effet, dans le projet de loi tel que vous le proposez, les explications données ne prennent pas cet aspect en compte.

Il est important de maintenir une économie dynamique et circulaire, de laisser se développer la mobilité professionnelle. Cela a été extrêmement bien défendu par M. Alexandre de Senarclens tout à l'heure, et c'est une réalité: il doit y avoir une hiérarchie des moyens de transport, ce que la LMCE prévoit actuellement, qu'on soit pour ou contre. Cette loi a même été renforcée lors de la votation sur le référendum en septembre 2020, puisque le peuple a donné quitus pour le maintien de la LMCE et a accepté l'assouplissement de la compensation des places. Il l'a accepté à 58%, de mémoire. Et vous, alors que la population a voté un texte, vous venez maintenant proposer le contraire.

Ensuite, il est question autant des biens que des services comme le transport des déchets, des choses extrêmement importantes, et cela touche également les personnes à mobilité réduite qui utilisent des prestataires publics ou privés pour se déplacer. A un moment, les entreprises doivent pouvoir travailler normalement et ne pas toujours être freinées, spécialement au centre-ville. Enfin, cela soulève la question des TPG: si on priorise les piétons, cela peut pénaliser les transports en commun, les bus peuvent accuser des retards en raison des piétons qui entravent les voies.

Ce projet de loi, à mon avis, est une fausse bonne idée, tout existe actuellement dans la LMCE et il est inutile de l'accepter. Enfin, on a parlé tout à l'heure de la rue des Etuves qui est piétonne et qui accueille maintenant les cyclistes: les piétons n'ont qu'à faire quinze ou vingt mètres pour prendre le quai des Bergues qui est aujourd'hui piéton. Pour la majorité de la commission des transports, il convient de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. J'ai dit, Monsieur le président, merci.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je réfléchissais à la manière dont j'allais aborder ma prise de parole. Allez, je vais moi aussi me référer au peuple, tiens, puisque lors des débats précédents, quand on parlait des parkings en France, c'était toujours: le peuple, le peuple, le peuple. Eh bien il se trouve que le peuple a refusé la traversée de la rade...

Une voix. Non !

M. Serge Dal Busco. Si, il a refusé l'initiative pour la traversée de la rade. (Commentaires.)

Des voix. La traversée du lac !

M. Serge Dal Busco. Tout à l'heure, il a été fait mention de la traversée de la rade, et le peuple a refusé la traversée de la rade.

Une voix. D'accord !

M. Serge Dal Busco. Le peuple genevois a également refusé le parking «Clé de Rive», contre l'avis que j'avais exprimé au demeurant, j'étais partisan de ce projet. Il a accepté le projet CEVA; eh oui, il l'a fait. Et puis le peuple a encore... (Remarque.) Il l'a accepté, donc quand on en appelle à la suprême autorité du peuple, comme vous le faites, cela ne peut pas être à géométrie variable.

Le peuple a encore adopté la LMCE en 2016. Enfin, comme l'a très justement souligné M. Ivanov, en septembre 2020, alors que d'aucuns imaginaient en découdre, notamment suite à ces fameuses pistes cyclables construites nuitamment, le peuple a voté à 58% la modification des règles de compensation de stationnement. Le peuple s'est exprimé et, en l'occurrence, il veut très clairement que la LMCE soit appliquée. Le mieux, en la circonstance, est l'ennemi du bien.

Faudrait-il souhaiter davantage de zones piétonnes en ville ? Assurément, oui, je le dis très clairement. D'ailleurs, lorsqu'on parvient péniblement à étendre quelques zones piétonnes... On parlait du quai des Bergues tout à l'heure, où on a assisté à des levées de boucliers des commerçants avant qu'on le piétonnise; par la suite, ce sont les commerçants eux-mêmes - à une exception près, je crois - qui ont appelé, qui ont insisté pour qu'on pérennise la mesure. Vous voyez bien que quand les choses sont bien faites - c'est parfois l'usage qui pose problème -, eh bien les secteurs économiques, les commerçants demandent l'extension des zones piétonnes. Notre ville de Genève et les centres urbains de notre canton souffrent certainement d'une comparaison internationale, je crois que chacune et chacun dans ce parlement pourra l'admettre.

Toutefois, là n'est pas la question. La question est de savoir si maintenant, nous continuons à appliquer la LMCE. En effet, ce qui est proposé ici constitue un changement notable. Il est peut-être souhaitable, mais c'est un changement notable et, à mon sens, il n'est pas opportun. J'ai indiqué, en prenant la responsabilité de cette politique publique pour cette législature - enfin, pour quelques mois encore -, que le département en faisait sa priorité. Nous avons clairement établi une feuille de route avec des mesures très concrètes, et rien ne nous fera dévier, en tout cas dans les mois qui restent, de cet objectif.

En ce qui concerne la vitesse, j'ai été un petit peu étonné d'entendre à la fois le rapporteur de majorité et M. de Senarclens, des personnes que je respecte vraiment beaucoup, s'opposer à la modification de ce fameux article 7, alinéa 3, lettre a, qui mentionne aujourd'hui, s'agissant de la zone I, que «le département prend les mesures visant à limiter la vitesse à 30 km/h au maximum selon les conditions prescrites par le droit fédéral». C'est précisément contre l'application de cette disposition que les partis qu'ils représentent ont adressé des recours contre les arrêtés que le Conseil d'Etat a déposés en la matière. Mais je suis très heureux de constater qu'ils sont pleinement conscients que la loi précise déjà que la zone I mentionne cela... (Remarque.) Oui, mais il ne faut pas recourir contre ce que la loi exige, Monsieur le rapporteur de majorité.

Voilà, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, le Conseil d'Etat ne soutient pas ce projet de loi. Il continue à vouloir appliquer ce qui avait été voté dans ce parlement, puis confirmé par le peuple, car il s'agit d'un compromis. Un compromis, chacun le sait, est toujours perfectible; chaque partie à l'accord veut toujours en avoir un peu davantage, mais nous pensons que ce n'est pas opportun et, en l'occurrence, je vous recommande, au nom du Conseil d'Etat, de ne pas entrer en matière sur ce texte.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ouvre le vote sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12625 est rejeté en premier débat par 52 non contre 39 oui.