République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12994-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 77 000 000 francs en vue de la construction d'un bâtiment pour la Police Internationale (PI), le Centre de Coopération policière et douanière franco-suisse (CCPD), ainsi que pour un centre de détention administrative de 50 places sur le site du Bois-Brûlé (CDBB), commune du Grand-Saconnex
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 22 et 23 septembre 2022.
Rapport de majorité de M. Christian Flury (MCG)
Rapport de première minorité de M. Grégoire Carasso (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Rémy Pagani (EAG)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le traitement des urgences avec le PL 12994-A dont le débat figure en catégorie II, trente minutes. La parole revient à M. Christian Flury.

M. Christian Flury (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi ouvrant un crédit d'investissement de 77 millions de francs fait suite à la loi 11942 portant sur un crédit d'étude d'un peu plus de 3 millions de francs votée par notre Conseil lors de sa plénière de février 2017 en vue de la construction d'un bâtiment administratif destiné aux services de la police internationale, à proximité de l'aéroport, au lieu-dit Bois-Brûlé, sur la commune du Grand-Saconnex; une localisation très proche de l'autoroute et du futur tunnel des Nations.

Depuis la création du détachement des gardes d'aéroport, à la fin des années 70, la police genevoise a un pied-à-terre à la route H.-C.-Forestier, au nord de l'aéroport, où elle occupe des locaux qui ne sont plus adaptés aux besoins de ses services, dont les effectifs ont bien augmenté depuis. Ce nouveau bâtiment administratif permettra de regrouper sous un même toit la police internationale, le Centre de coopération policière et douanière franco-suisse... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, s'il vous plaît. (Un instant s'écoule.) Vous pouvez reprendre.

M. Christian Flury. Merci, Monsieur le président. Ce nouveau bâtiment administratif permettra de regrouper sous un même toit la police internationale, le Centre de coopération policière et douanière franco-suisse, le service d'aide à l'éloignement, des espaces techniques, de formation et d'entraînement pour les collaborateurs de la police internationale ainsi que divers locaux qui pourront être loués au corps des gardes-frontière.

En substance, ce regroupement permettra de libérer des bureaux occupés par les services de la police internationale qui sont actuellement disséminés dans le canton et dont certains, en location, sont voués à une destruction très prochaine. Il s'agit d'un investissement conséquent, mais indispensable au bon fonctionnement de la police internationale pour les années à venir.

Si l'ensemble de la commission se rallie à l'idée de la construction de ce bâtiment, la pierre d'achoppement se situe au niveau des lieux destinés à loger provisoirement, c'est-à-dire l'espace d'une nuit - d'où leur nom de «night stop» -, les personnes à éloigner; suite à des décisions administratives ou judiciaires, l'autorité doit s'assurer que celles-ci quittent effectivement notre territoire. Vu la présence de l'aéroport, Genève assure cette prestation en faveur de l'entier des cantons helvétiques, sur la base d'un concordat intercantonal, pour toutes les personnes devant partir à destination des pays d'Afrique du Nord, notamment. En fonction de l'heure du vol prévu, ces gens sont conduits la veille à l'aéroport, dans les locaux de la police, où le service d'aide à l'éloignement les loge pour la nuit.

Par amendement au projet de loi, la capacité d'accueil de cet espace a été ramenée de cinquante à 23 places. En l'état, avant de poursuivre les débats, il est opportun de nous rappeler qu'il existe à Frambois des structures d'hébergement pour les familles avec enfants qui devraient être éloignées; elles n'ont cependant encore jamais été utilisées. La majorité de la commission des travaux vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir ce projet de loi d'investissement tel qu'amendé et sorti de commission. Je vous remercie.

M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'aimerais, au nom de la minorité que je représente, mettre en lumière l'exercice entamé, mais inabouti, d'amendement à cet important crédit d'investissement. Important, parce qu'on parle de 77 millions; important, parce que, cela a été souligné par le rapporteur de majorité, un nouveau bâtiment pour la police internationale et le centre de coopération franco-suisse est nécessaire et urgent; important aussi sous l'angle de la tradition humanitaire genevoise et de la protection que nous devons aux requérants d'asile.

Je voudrais relever quelques points, si vous le voulez bien, pour expliquer les enjeux et les embûches qui se dressent face à ce projet de loi. Initialement, il était question - cela était d'ailleurs fort valorisé dans l'exposé des motifs - d'un partenariat avec le centre fédéral d'asile. Je cite les pages 4 et 5 de l'exposé des motifs: «Le regroupement de ces entités police tant fédérales que cantonales au sein d'un même bâtiment représente de nombreux avantages. Il permet notamment de rationaliser les moyens, d'améliorer les synergies, la communication et la simplicité opérationnelle.» Assez rapidement, les fonctionnaires tout comme le Conseil d'Etat, interrogés sur ces synergies entre le centre fédéral d'asile, un bâtiment de police et cinquante places de détention administrative, ont pris leurs distances avec cette idée pour finalement conclure qu'il s'agissait davantage d'une coïncidence liée à un projet immobilier plutôt que d'une volonté de travailler en commun dans le domaine du renvoi.

Le deuxième élément que j'aimerais souligner ici, c'est la question des places de détention ou de rétention. Quel type de places, combien et pour qui ? Tout d'abord, s'agissant du type de places, le projet initial prévoyait cinquante places de détention administrative, et ce n'est qu'après six mois de questions insistantes à la commission des travaux que le département a avantageusement renoncé à la composante de détention administrative. Il convient de le saluer.

En ce qui concerne le nombre de places, il était de cinquante dans la première version du projet; il est passé à 25 pour finalement s'arrêter - provisoirement, j'espère - à 23. 23 places, sachant qu'il existe aujourd'hui douze places de «night stop» et qu'aucune démonstration de besoin de places supplémentaires n'a été faite en commission. J'insiste là-dessus: aucune. Les statistiques des années précédentes qui nous ont été transmises montrent que les douze places existantes - lesquelles se trouvent dans un état d'insalubrité patent - sont, sur le plan des mètres carrés, du nombre de cellules, largement suffisantes.

Enfin, pour qui ces places de détention ou de rétention ? Si vous le permettez, je vais citer des informations qui ont été fournies lors de l'audition du 7 septembre dernier: «A la question de l'utilisation prévue des cellules collectives, le département répond que les cellules collectives permettent de regrouper des familles pour qu'elles aient des conditions plus agréables [...].» A aucun moment cette affirmation - celle de la détention de familles à Genève - qui glace le sang et viole le droit n'a été formellement démentie.

C'est la raison pour laquelle la minorité que je représente vous soumet une proposition d'amendement; il s'agit de lever les ambiguïtés, et c'est peu dire, sur ces deux derniers aspects. Nous proposons le statu quo, mais avec des cellules rénovées: douze places de «night stop» et, noir sur blanc, pas de cellules familiales à Genève. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Deux choses m'ont choqué dans ce projet. Ce n'est pas le fait d'offrir des conditions de travail acceptables à la police internationale et aux administratifs, qui doivent trouver des locaux convenables - il s'agit du premier objectif -, mais le fait d'enfermer des gens, comme on nous l'a dit, comme M. Flury l'a indiqué en commission, la veille de leur renvoi. Nous disposons pourtant d'infrastructures à Frambois et à Favra qui permettent d'accueillir ces personnes dans de bonnes conditions. Là, on va les stresser. C'est comme si nous devions prendre l'avion et qu'on nous disait: «Vous allez être enfermés à l'hôtel» - il y a de nombreux hôtels autour de l'aéroport - «pour prendre l'avion dans de bonnes conditions.» Dans de bonnes conditions, Mesdames et Messieurs ! C'est ce qu'on appelle «nine stop», voilà.

Des voix.  «Night stop» !

M. Rémy Pagani.  «Night stop», oui, on vous arrête la nuit. C'est bien ça, en français. Voilà le premier élément qui me scandalise du point de vue des conventions internationales.

Notre pays, notre ville sont portés au pinacle en ce qui concerne les droits humains. Or les conventions internationales stipulent très clairement qu'il n'est pas question de stresser des personnes dans le cadre de leur renvoi, qu'il s'agit simplement de leur donner de bonnes conditions avant qu'elles prennent l'avion - volontairement, d'ailleurs, puisqu'une bonne partie des gens partent de leur plein gré. C'est une personne par semaine, selon les statistiques, donc on est loin, bien loin de douze, 23 ou cinquante places ! Les cinquante cellules, c'était un fantasme de M. Maudet, pour dire qui a initié cette loi, qui a lancé cette pratique dans notre canton, une pratique qui, je vous le rappelle, consiste à enfermer les gens plutôt que de construire des écoles. Voilà le premier point qui m'a largement déplu.

Le deuxième aspect est encore plus grave, Mesdames et Messieurs. On nous a dit textuellement en commission: «Non, non, on n'enferme pas les enfants.» C'est simple, on dit aux parents: «On va vous mettre en cellule, mais comme on n'a pas le droit d'emprisonner des enfants, eh bien on va les emmener ailleurs, dans un foyer. Cela dépend de vous, c'est de votre ressort.» On place les parents dans une situation extrêmement difficile, qui est interdite du point de vue du droit international: les parents n'ont pas le droit d'être d'accord avec le fait qu'on enferme leurs enfants.

Je vous parle d'être humain à être humain: moi, quand je vois un gosse faire une connerie dans la rue, et j'imagine que c'est le cas de tout le monde ici, mon premier réflexe est de le protéger. Or là, qu'est-on en train de faire ? On les enferme ! On les enferme et on enferme leurs parents pour des raisons complètement absurdes, puisque des décisions administratives ont été prises; certains sont à Favra, d'autres à Frambois, et cela ne posait aucun problème jusqu'à maintenant.

Tout à coup, parce que Maudet l'a voulu, on a introduit cette manière de procéder de façon dictatoriale pour réprimer les gens alors qu'ils n'ont rien fait, je vous le rappelle. Ces personnes n'ont pas commis de crime, pour la plupart en tout cas, elles ont simplement décidé de s'expatrier volontairement de leur pays pour chercher une meilleure situation professionnelle à l'étranger.

Je trouve ces deux points extrêmement graves, d'une part enfermer les enfants par un subterfuge, d'autre part emprisonner des gens qui, pour la plupart - et on parle d'une personne par semaine ! -, n'ont pas commis de délit. J'anticipe la discussion par rapport à ce qu'a dit M. Flury; M. Poggia nous a indiqué: «Oui, mais il y a des trafiquants parmi eux.» Mais enfin, Mesdames et Messieurs, les trafiquants sont incarcérés, ils ont été condamnés, il n'y a pas de raison de faire des «night stop» pour eux, puisqu'on peut aller les chercher en prison et les amener à l'aéroport sans problème. Les structures de Favra et de Frambois sont là pour remédier à cette situation.

En conséquence, par un amendement qui modifie l'intitulé de la loi, nous proposons d'inscrire qu'il est exclu de construire une seule cellule de «night stop» ou d'enfermement administratif dans ce bâtiment et dans notre canton. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Sébastien Desfayes (PDC). Le groupe PDC-Le Centre optera pour la liberté de vote. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole va maintenant à M. Emmanuel Deonna pour une minute cinquante-neuf.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste n'a rien contre la police ni la police internationale, mais ce texte de loi ne concerne pas uniquement la police internationale et le centre de coopération douanière: le complexe prévoit, les rapporteurs l'ont rappelé, 23 places de rétention dites «night stop» au lieu des douze à disposition aujourd'hui à l'aéroport. Il y aura également des cellules collectives pour permettre la rétention de familles. Mesdames et Messieurs, le concept de «night stop» n'existe pas; nous avons consulté les meilleurs experts, celui-ci n'a aucune base légale.

Ce projet est indigne de Genève. Des cellules collectives sont prévues pour les familles ! Ce type de détention est très choquant, une seule nuit passée en rétention peut provoquer des traumatismes durables chez un enfant. Selon la Convention relative aux droits de l'enfant, l'intérêt supérieur de l'enfant doit toujours primer. La loi fédérale sur les étrangers interdit la détention des mineurs de moins de quinze ans. Toute incarcération de famille avec enfants mineurs, fût-elle pour une seule nuit, doit être exclue.

Avec ce texte, on tombe une nouvelle fois dans la stigmatisation et la criminalisation des étrangers. C'est très triste, mais il faut le relever: cette stigmatisation et cette criminalisation sont voulues par l'articulation même du projet. En effet, celui-ci vise à faire cohabiter un centre fédéral d'asile et un bâtiment policier. C'est tout simplement inacceptable ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Les personnes en demande d'asile seront tentées de choisir la clandestinité plutôt que d'être parquées dans une telle structure.

On peut se poser la question suivante: est-il légitime d'imposer une détention sur la base du statut administratif d'une personne ? Comment justifier la contrainte et la violence exercées sur des gens pour exécuter leur renvoi ? Les droits fondamentaux et le principe de proportionnalité sont-ils différents selon le statut administratif d'une personne ?

Le président. Il vous faut conclure.

M. Emmanuel Deonna. Selon le Conseil de l'Europe, la détention administrative devrait constituer une mesure exceptionnelle, n'intervenir qu'en dernier recours...

Le président. C'est terminé...

M. Emmanuel Deonna. ...après avoir examiné...

Le président. Merci, Monsieur le député...

M. Emmanuel Deonna. ...d'autres mesures moins contraignantes et si elles se sont révélées insuffisantes.

Le président. Merci !

M. Emmanuel Deonna. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste s'opposera fermement à ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Qu'on appelle cela détention administrative, rétention administrative ou «night stop», cela ne change absolument rien au problème. L'UDC a toujours soutenu le principe qu'il faut incarcérer les personnes avant qu'elles soient renvoyées pour éviter qu'elles disparaissent des écrans radars et qu'on ne sache pas ce qu'elles deviennent. A ce propos, je rappelle ici qu'une motion de l'UDC avait été votée par ce parlement qui demandait mille places de détention administrative sur le domaine de l'aéroport. Aujourd'hui, on est bien au-dessous de ce nombre, puisqu'il y aura finalement 23 places, mais pour nous, c'est déjà un succès du moment qu'on arrive malgré tout à obtenir quelques places qui serviront bien plus que ce que la minorité veut nous faire croire.

Ce qui est scandaleux, dans ce débat, c'est qu'on a affaire à des partis qui se servent du prétexte des enfants pour éviter de construire un bâtiment qui améliorera les conditions de travail des agents de la police internationale et de ceux qui surveillent les personnes, lesquels travaillent dans des conditions scabreuses, pour ne pas dire plus. Les locaux actuels sont totalement insalubres et inacceptables d'un point de vue humain, ne serait-ce que pour les gens qui y officient.

D'un autre côté, on est face à des parents qui sont entrés en Suisse en toute illégalité et qui, pour la plupart, ont contrevenu à plusieurs lois - loi sur les étrangers, loi sur le travail au noir. D'autres ont même fait dans le pénal, genre trafic et tout ce qu'on veut, et ils se servent de leurs enfants: «Non, on ne veut pas être renvoyés, on veut garder les enfants !» Il est là, le vrai scandale ! C'est du chantage affectif et émotionnel, et nous ne pouvons pas le tolérer. Ces personnes doivent prendre leurs responsabilités; si elles ont été déboutées, elles doivent quitter notre canton. Dans cette optique, nous avons besoin de bâtiments à la hauteur de nos attentes, d'une part pour que les employés puissent travailler dans de bonnes conditions, d'autre part pour que les gens puissent rentrer chez eux dans de bonnes conditions également, des conditions dignes de notre canton. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Serge Hiltpold (PLR). Tout d'abord, je suis un petit peu surpris d'entendre M. Deonna s'exprimer sur ce projet étant donné qu'on ne l'a jamais vu à la commission des travaux - mais bon, c'est peut-être une pratique au parti socialiste !

S'agissant du texte en tant que tel, nous devons nous montrer conscients de la problématique et pragmatiques: on n'est plus du tout dans les mêmes affectations, comme l'a expliqué le magistrat Poggia, il y a un retrait total de l'office cantonal de la détention. Ce bâtiment sera utilisé par la police. Alors il y aura 23 «night stop», mais comme l'a indiqué M. Florey, ce n'est pas tant le terme «night stop» ou un autre qui importe.

Ce qui importe, c'est que l'affectation a changé et que le coût général du bâtiment est resté dans la même enveloppe, avec un effort considérable au niveau du fonctionnement, c'est-à-dire qu'on est toujours à 800 francs le mètre cube, mais avec une réduction des effectifs: on passe de 33 ETP pour l'OCD à 6 ETP pour la police. Ce qui est fondamental, c'est de répondre à la lettre qui nous a été envoyée cette semaine.

J'aimerais être extrêmement clair en ce qui concerne les 23 places, parce qu'il faut être pragmatique. 23 places, cela signifie en réalité 24, pourquoi ? Parce que c'est deux fois dix plus une fois quatre. Deux fois dix, cela correspond à des cellules de deux personnes pour des couples ou pas, ce qui permet de fragmenter l'usage, et une fois quatre précisément pour réunir les familles.

Quand j'entends qu'on n'est pas d'accord avec ça alors qu'on traite les personnes qui font l'objet d'un renvoi avec empathie, bienveillance et dignité, pour moi, ce n'est juste pas acceptable ! De la même manière qu'il n'est pas tolérable qu'on refuse de prendre en considération la situation dans les prisons, par exemple à Champ-Dollon, qu'on rejette le projet des Dardelles, qu'on finisse par effectuer des travaux de rénovation dans une structure en fonction... Mesdames et Messieurs, je vous demande simplement d'être pragmatiques.

L'autre pragmatisme, c'est simplement de réaliser que nous sommes un canton romand disposant d'un aéroport international et que nous sommes dans un pays qui s'appelle la Suisse. Quand vous prenez l'avion à six heures du matin et que vous êtes «convoqué», entre guillemets, depuis le Valais ou le Gros-de-Vaud, on vous lève à deux heures et demie du matin. N'est-il pas plus pratique de venir le soir d'avant et d'être accueilli correctement, de vous lever une heure avant de partir ?

Une voix. Exactement !

M. Serge Hiltpold. C'est juste du pragmatisme ! Sortez de votre dogme, Mesdames et Messieurs ! Pour ma part, je suis un libéral humaniste et je suis convaincu de cette position. Nous devons appliquer le droit fédéral, nous devons le respecter. Je rappelle que Genève fait partie de la Confédération et a certains engagements vis-à-vis des autres cantons. Dès lors, je vous invite simplement à vous montrer pragmatiques et bienveillants, à réfléchir davantage avec la tête qu'avec le coeur et à voter ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, je vais m'exprimer à titre personnel, parce que vous avez tous compris que le PDC préconise la liberté de vote sur ce projet de loi. Mesdames et Messieurs, en refusant le texte, vous n'allez rien changer ! Les locaux actuels pour les «night stop» sont insalubres ! C'est une réalité ! Veut-on vraiment continuer à avoir des structures insalubres à Genève ? Pour ma part, je dis non.

De plus, Mesdames et Messieurs, pour des raisons de sécurité, un autre aspect est à prendre en compte, à savoir la séparation des ethnies: on ne peut pas placer dans un même espace des gens d'ethnies différentes. C'est une question de sécurité, tout simplement. En vous opposant au projet de loi, Mesdames et Messieurs, vous n'allez absolument rien changer.

Par contre, il est aujourd'hui nécessaire de construire un nouveau bâtiment pour la police internationale. Plus de 250 employés attendent des locaux répondant à une conception actuelle, comprenant un stand de tir, des espaces pour s'entraîner, faire de la formation continue. Oui, Mesdames et Messieurs, c'est très important et vous le savez mieux que quiconque, parce que quand vous vous trouvez devant des difficultés syndicales, vous affrontez toujours cette problématique. La police a besoin de ces locaux, et je pense que rejeter ce crédit, c'est prendre en otage un service qui ne le mérite pas.

Maintenant, s'il y a un problème de droits humains, Mesdames et Messieurs, prenons nos responsabilités ! Nous avons la possibilité d'adresser une résolution aux Chambres fédérales pour demander de revoir la façon dont les gens sont incarcérés dans notre pays. Faites-le, Mesdames et Messieurs, je suis prêt à soutenir une telle initiative, d'une part parce qu'elle mérite débat, d'autre part parce que s'il est vrai que nos sensibilités diffèrent, nous restons des êtres humains. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, certaines choses sont incompréhensibles dans le discours des intervenants. Dire par exemple que nous devrions écrire une motion au Conseil fédéral, pour quoi ? Pour empêcher...

Une voix. Une résolution !

M. Rémy Pagani. Ou une résolution, bon, peu importe le terme ! ...l'enfermement des enfants, comme c'est le cas dans ce projet qui prévoit la possibilité de les incarcérer ? Je vous rappelle que la majorité de ce Grand Conseil a signé, voté et renvoyé un texte aux Chambres fédérales pour demander qu'on interdise la détention des mineurs pas seulement jusqu'à 16 ans, mais jusqu'à 18 ans ! Et l'Assemblée fédérale a failli accepter de faire passer l'âge des jeunes de 16 à 18 ans, de considérer que cette disposition les concerne jusqu'à 18 ans.

Aujourd'hui, en Suisse, il est interdit d'enfermer des enfants pour des raisons administratives jusqu'à l'âge de 16 ans. Alors ils vont nous répondre quoi ? «Effectivement, c'est interdit, les lois fédérales, cantonales et genevoises proscrivent l'incarcération des mineurs de moins de 16 ans.» Mesdames et Messieurs, je demande le renvoi en commission pour éclaircir toute une série de points. (Exclamations.)

Des voix. Oh non !

M. Rémy Pagani. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci. Nous sommes saisis d'une proposition de renvoi en commission, je passe donc la parole aux rapporteurs et au Conseil d'Etat s'ils la souhaitent. Monsieur Carasso ?

M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, les dés sont jetés. Si on veut exclure l'enfermement des enfants, l'amendement est sur la table; si on veut des cellules rénovées, mais ni plus ni moins que l'existant qui suffit largement, le même amendement est sur la table, et je vous invite à le soutenir. Sincèrement, je ne vois pas ce que nous pourrions gagner en commission comme informations supplémentaires. Les dés sont jetés, Le Centre a la liberté de vote, advienne que pourra. Faites vos jeux !

M. Christian Flury (MCG), rapporteur de majorité. Je ne vois pas quels nouveaux éléments un renvoi en commission apporterait dans ce dossier, donc je m'y opposerai. Merci.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Effectivement, Mesdames et Messieurs, toutes les données sont entre vos mains. J'apporterai encore les précisions qui vous manquent apparemment, puisque je veux croire que celles et ceux qui assènent ici des contrevérités sont mal informés. Ensuite, chacun devra prendre ses responsabilités, et les députés qui se plaignent à longueur d'année du fait que les personnes chez nous sont mal retenues et que l'on contrevient à leurs libertés, que les gens sont maltraités à Champ-Dollon, sans parler des personnes qui y travaillent, assumeront les conséquences de leur vote, comme ils l'ont fait pour les Dardelles. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes priés de vous prononcer sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12994 à la commission des travaux est rejeté par 82 non contre 8 oui.

Le président. Nous poursuivons la discussion, et je passe la parole à Mme Christina Meissner pour quarante secondes.

Mme Christina Meissner (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais juste ajouter une chose, parce que tout a été dit. Vous voulez laisser ces personnes dans les conditions actuelles ? Voilà ce qui est criminel ! Vous voulez séparer les enfants de leurs parents ? Voilà ce qui n'est pas acceptable ! Je rappelle que ce centre améliorera la situation - c'est aussi une décision populaire - et assurera de meilleures conditions de travail à la police internationale, dont personne ne conteste l'utilité. Merci.

M. François Lefort (Ve). Cela a déjà été indiqué, mais il faut insister: ce projet est essentiel au bon fonctionnement de la police internationale et du centre de coopération douanière franco-suisse. Pourquoi ? Parce qu'ils sont actuellement hébergés dans des bâtiments vétustes. Nous les avons visités, ce sont des locaux anciens, insuffisants quant aux places de travail. Il y avait en commission un consensus sur ce besoin, voire une unanimité - M. Pagani ne le démentira pas, d'ailleurs. S'il s'était simplement agi d'un projet de construction de bâtiment, le texte serait certainement passé aux extraits.

Mais curieusement, le projet a été affublé dès le départ d'un centre de détention administrative de cinquante places, et cela ne passait pas. L'objet n'aurait pas passé la rampe de la commission, le Conseil d'Etat le savait, car les commissaires menaçaient de supprimer le centre de détention administrative. Il a alors amendé son projet de loi en supprimant la détention administrative, c'est-à-dire en retirant le recours au personnel de l'office cantonal de la détention et en proposant une économie très importante sur la gestion: remplacer les cinquante places de détention administrative par 23 places de «night stop» sous juridiction police. Exit, donc, l'office cantonal de la détention.

Nous avons tout de même tenté des amendements en commission - réduction à six places de la part des Verts, à zéro place par M. Pagani -, mais ils n'ont pas trouvé de majorité, ce qui fait que nous nous retrouvons maintenant dans la situation voulue par le Conseil d'Etat via son amendement, soit avec 23 places. Aujourd'hui, le PS nous soumet un nouvel amendement: douze places de «night stop» et aucune cellule familiale. Ce chiffre équivaut au nombre de places disponibles actuellement à l'aéroport, qui, elles aussi, sont vétustes. Il faut donc soit les rénover sur place, soit trouver une autre solution.

Les douze places du parti socialiste représentent une bonne proposition qui pourrait trouver une majorité dans cette enceinte tout à l'heure et que les Verts vont donc soutenir. Si cet amendement est accepté, les Verts voteront le projet de loi; si, en revanche, l'amendement est refusé, nous ne le soutiendrons plus et le rejetterons. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Je donne la parole à M. Francisco Valentin pour deux minutes cinquante-six.

M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président. Je serais curieux d'entendre de la bouche du député Pagani - vous transmettrez, Monsieur le président - quand des enfants ont été incarcérés avec leurs parents. Vraiment, cela m'intéresserait ! S'il s'agit là du seul argument dont il dispose pour s'opposer au projet de loi, il ferait mieux d'aller s'informer et de revenir avec des éléments qui tiennent la route.

Maintenant, les «night stop» - dont la prononciation pose visiblement beaucoup de difficultés à des gens qui pratiquent l'anglicisme à longueur de journée - servent simplement, comme l'a expliqué le député Hiltpold, à s'assurer que les personnes soient au bon endroit au bon moment. Quand vous avez un vol à six heures du matin, cela veut dire une intervention au milieu de la nuit pour les fonctionnaires qui vont chercher les personnes, généralement des hommes seuls en pleine possession de leurs moyens, de temps en temps - mais très rarement - une famille. Effectivement, on parle d'une intervention à quatre heures, voire trois heures, du matin.

Qu'est-ce qui est le mieux ? Une chambre adaptée n'est-elle pas plus agréable, comme cela a été évoqué, ou faut-il continuer à défoncer des portes à quatre heures du matin ? C'est la question que nous devons nous poser. Maintenant, il est vrai que les locaux utilisés sont extrêmement vétustes. Il y avait douze places de «night stop»; à cause du covid, leur nombre a été réduit, chaque dortoir a été ramené à deux places.

Tous les cantons suisses envoient les gens à Genève, et je rappelle qu'il s'agit de décisions d'ordre fédéral: les renvois sont décrétés par Berne, Genève ne fait qu'appliquer les lois fédérales, voilà tout. Nous ne sommes ni meilleurs ni pires que les autres, mais nous possédons un aéroport international, et il n'y en a que deux en Suisse avec Zurich; les autres aéroports - Berne, etc. - ne sont pas utilisés pour les renvois. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur Deonna, vous n'avez plus de temps de parole. Celle-ci échoit donc à M. Daniel Sormanni pour cinquante-trois secondes.

M. Daniel Sormanni. Je ne l'ai pas demandée.

Une voix. Liberté de vote ! (Rires.)

Le président. Vous ne l'avez pas demandée, donc c'est une erreur, merci. Alors je la cède à Mme Anne Bonvin Bonfanti. (Remarque.) C'est une erreur également. Monsieur Pagani, vous n'avez plus de temps de parole, je la rends à M. Christian Flury pour cinquante et une secondes.

M. Christian Flury (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain ! La police internationale a urgemment besoin de ce bâtiment pour travailler dans de bonnes conditions. Ce projet permettra d'appréhender l'avenir avec sérénité. Les chambres d'hébergement nocturne seront construites dans une qualité hôtel, rien à voir avec les anciennes paillasses à disposition actuellement. Nous pourrons ainsi loger les gens dans de bonnes conditions, et si une famille doit être accueillie, la police saura trouver le moyen adéquat pour ne pas la placer à l'aéroport. Par conséquent, je vous invite à adopter ce projet de loi. Merci beaucoup.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, finalement, tout le monde est d'accord quant à la nécessité de construire un nouveau bâtiment, lequel poursuit un double but: il s'agit d'une part de restructurer les activités de la police internationale et de déplacer le Centre de coopération policière et douanière franco-suisse qui se trouve du côté nord de l'aéroport dans des locaux qui, cela a été indiqué, sont vétustes, d'autre part de regrouper les services qui s'occupent du retour des personnes faisant l'objet d'une décision définitive et exécutoire et devant quitter notre pays.

Celles-ci sont emmenées dans des chambres, j'insiste là-dessus, ce ne sont pas des cellules. Il y a même un coin repas, les portes restent ouvertes. Encore une fois, il ne s'agit pas de prisons, mais on ne peut évidemment pas sortir, parce qu'il y a un avion à prendre le lendemain. Pour autant que ces individus ne soient dangereux ni pour eux-mêmes ni pour autrui, il n'y a aucun problème à ce que les portes ne soient pas verrouillées et qu'ils se retrouvent ensemble dans le coin repas.

Il convient donc de déplacer les structures existantes, c'est également un besoin de l'AIG, qui a clairement manifesté l'intention d'utiliser ces surfaces du côté nord de l'aéroport. Bloquer le projet aurait des conséquences extrêmement graves pour la police, qui attend ce bâtiment. Vous vous êtes déjà livrés à un tel exercice dans d'autres dossiers, refusant des projets sur des sautes d'humeur, pour des questions de détail - j'y reviendrai. Dans le cas d'espèce, il s'agit véritablement d'un détail; quand on entend M. Pagani, on a l'impression que nous sommes confrontés à un problème fondamental de droits de la personne, mais je vous expliquerai dans un instant que ce n'est absolument pas le cas. Bloquer un projet comme celui-ci, donc, aurait des incidences néfastes non seulement pour la police et ses activités, mais aussi pour l'aéroport.

Je reviens sur la situation des personnes qui transitent par ces lieux, des personnes qui, rappelons-le, ont déjà eu l'opportunité, en amont, de quitter volontairement notre pays. Il faut tout de même le souligner: les gens ne sont pas immédiatement conduits à l'aéroport contre leur volonté, ils sont d'abord convoqués à l'office cantonal de la population, puis acheminés vers l'aide au retour de la Croix-Rouge, qui organise leur départ ainsi que leur arrivée dans leur pays de destination. Tout cela est mis à disposition, à grands frais d'ailleurs, mais naturellement, lorsqu'une personne refuse une première fois, puis une deuxième, il y a des décisions à appliquer, et malheureusement, même si nous souhaiterions que cela ne soit pas le cas, il faut alors la transporter à l'aéroport pour qu'elle prenne l'avion. Ce n'est pas toujours un vol accompagné, les personnes peuvent monter volontairement dans l'avion une fois qu'il est là, les choses peuvent bien se dérouler; parfois, cependant, nous devons prendre des décisions qui ne sont pas agréables et dont tout un chacun se passerait volontiers.

La construction de ce bâtiment est nécessaire. Lors des travaux d'étude, la dénomination du projet a certainement braqué une partie des députés, puisqu'il était question d'un centre de détention sur le site du Bois-Brûlé, et je connais la réaction épidermique de certains lorsqu'on parle d'incarcération. Je peux la comprendre partiellement, mais je ne peux pas aller complètement dans son sens: le fait qu'il n'y ait pas de détention ne permet pas d'oublier toutes les contraintes légales dans l'ensemble des domaines.

Parfois, malheureusement - malheureusement ! -, il faut priver quelqu'un de sa liberté le temps nécessaire pour qu'il se soumette aux décisions qui ont été prises et qui sont définitives. Je précise à cet égard que les voies de recours sont nombreuses, et on en use, on en abuse aussi, avec de multiples requêtes de révision. Je peux vous dire que même lorsqu'il s'agit d'une deuxième demande de révision, nous sommes prêts à surseoir à des mesures de renvoi. Ainsi, quand la personne passe par ces lieux pour prendre un avion, c'est véritablement que tous les moyens à sa disposition ont été épuisés.

Désormais, il y a une nouvelle dénomination: secteur éloignement et asile, SEA. Ce ne sont donc plus des cellules, et vous avez vu se matérialiser cette volonté du Conseil d'Etat par un changement du personnel qui occupera les lieux. Dans le projet initial, trois ETP supplémentaires pour la police et 33 au niveau des agents de détention étaient prévus; aujourd'hui, il n'y a plus d'agents de détention. On a ajouté six policiers, mais contre 36 personnes à l'origine, ce qui fait qu'il y en aura neuf au final. Vous voyez bien que la présence autoritaire dans cet endroit a été très nettement diminuée par rapport à ce qui était voulu au départ, parce qu'encore une fois, il s'agit simplement de s'assurer que ces personnes embarquent dans l'avion qui leur est destiné.

Les lieux n'ont plus rien à voir avec ce qui existe aujourd'hui. Il y aura une vue sur l'extérieur, quand même. Il faut savoir qu'il n'y en a aucune actuellement, les cellules se rapprochent davantage des violons de l'hôtel de police, mais dans un état qui n'est pas acceptable. Les surfaces seront également élargies: aujourd'hui, il y a 18 mètres carrés pour quatre personnes, eh bien ce sera dorénavant 18 mètres carrés pour deux personnes, et on évitera si possible de placer deux individus ensemble. En effet, le but est également de disposer d'un peu d'aisance, de ne pas tailler le costard à même le corps, je dirais, de prendre des mesures pour que les gens ne soient pas les uns sur les autres dans cet endroit; personne ne souhaite que ce soit le cas. Enfin, il y aura des WC et douches pour deux personnes alors qu'actuellement, c'est pour quatre personnes. Vous constatez donc à quel point il y a un plus, non seulement pour ceux qui devront utiliser ces bâtiments, mais aussi pour ceux qui devront malheureusement y transiter.

Mesdames et Messieurs, ne vous bloquez pas sur l'idée qu'il s'agit d'une détention. Certes, c'est une privation de liberté, mais ce n'est pas une détention. (Commentaires.) Pour ceux qui voyagent dans des hôtels low cost, c'est pratiquement la même chose. Quand on a une pièce avec fenêtre donnant sur l'extérieur, une porte qui n'est pas fermée à clé, l'accès à un lieu de repas commun, je ne vois pas en quoi on peut invoquer une situation inhumaine. (Commentaires.)

Maintenant, parlons de rétention de mineurs. Je suis tout de même assez surpris, parce qu'il peut arriver, même si c'est extrêmement rare, que des familles doivent retourner dans leur pays. Les parents, il faut le relever, auraient pu trouver à plusieurs stades de la procédure des aménagements pour partir dans de très bonnes conditions, ce que l'on attend généralement de parents responsables à l'égard de leur descendance. Mais il est vrai que parfois, nous en arrivons à ces situations.

Alors je vous pose la question suivante, Mesdames et Messieurs: quand vous avez un enfant d'un an ou deux, est-il plus humain de le laisser avec ses parents pour une nuit ou de le leur enlever pour le placer ailleurs pendant ces quelques heures ? (Commentaires.) Je vous pose la question, parce que c'est ce que vous réclamez in fine. Autrement, que fait-on ? On va chercher les gens à deux ou trois heures du matin - cela dépend de leur éloignement par rapport à Genève -, avec le traumatisme que cela génère de réveiller des enfants en pleine nuit, pour les emmener à l'aéroport ? Bien entendu que non.

Je dois vous dire, Mesdames et Messieurs qui allez voter non à ce projet de loi - ou qui vous abstiendrez, devenant ainsi les complices objectifs de ceux qui disent non -, que vous serez malheureusement les initiateurs de ce que vous déplorez. (Commentaires.) Autant que ceux que j'entends toutes les semaines dénoncer à quel point les conditions de détention à Champ-Dollon sont intolérables et qui ont refusé l'amélioration du parc pénitentiaire !

Il y a maintenant un nouveau projet, et j'espère que vous ferez preuve d'ouverture d'esprit, mais j'en ai déjà entendu certains formuler des oppositions avant même d'examiner le projet en question, dans l'idée sans doute naïve que le fait de ne plus construire de prisons va faire disparaître la délinquance et la criminalité. (Commentaires.) Si je pouvais intervenir sans subir constamment vos commentaires, ce serait agréable, merci ! (Protestations. Commentaires.) Voilà... (Remarque.) Monsieur Pagani...

Une voix. Il est interdit d'enfermer des enfants ! (Vives protestations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Mauro Poggia. Monsieur Pagani, vous dites des sottises... (Commentaires.)

Le président. Un instant, Monsieur le président du Conseil d'Etat ! (Commentaires.)

M. Mauro Poggia. Monsieur le président, vous transmettrez à M. Pagani de ne pas aligner les inepties et d'aller lire la Convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit précisément des exceptions dans ce domaine. Des jurisprudences sont rendues en la matière, donc arrêtez de soutenir n'importe quoi ! Autant votre voisin de droite exprime en parfaite bonne foi une inquiétude face à laquelle je peux donner des explications et des garanties, autant j'ai de la peine à écouter M. Pagani asséner avec une telle assurance des contrevérités alarmistes qui laissent croire que nous nous trouvons à Genève dans un Etat tortionnaire. (Applaudissements.) Je crois, Monsieur le président, que je vais avoir un problème d'audition du côté gauche ! (Rires. Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! S'il vous plaît !

M. Mauro Poggia. Je viendrai avec une boule Quies du côté gauche la prochaine fois ! (Remarque. Vives protestations. Commentaires.) Vous avez d'abord le droit d'être poli ! Vous avez d'abord le droit d'être poli et courtois !

Une voix. C'est la loi ! (Commentaires.)

Le président. Mesdames et Messieurs, laissez le président du Conseil d'Etat s'exprimer, s'il vous plaît, il a le droit d'intervenir au nom du Conseil d'Etat. (Commentaires.) La seule personne qui décide de la durée de parole du Conseil d'Etat, c'est le président ! Poursuivez, Monsieur Poggia.

M. Mauro Poggia. Bon, chaque fois qu'on touche des sujets comme celui-ci, quand Ensemble à Gauche n'a plus d'arguments, son seul moyen d'empêcher l'autre de parler est de l'interrompre. Je le regrette. Depuis le temps, vous auriez dû intégrer quelques principes démocratiques, le premier étant d'écouter celui avec lequel on n'est pas d'accord, puis de lui répondre si l'on a des arguments. Je comprends que vous n'en avez pas et, partant, vous avez recours à ce procédé systématiquement. En revanche... (Remarque.) Oui, c'est vrai, vous n'avez plus droit à la parole, c'est la raison pour laquelle vous la prenez de manière... (Commentaires.)

Une voix. Sonne la cloche !

M. Mauro Poggia. Bon, écoutez, j'ai remarqué dans d'autres débats qu'Ensemble à Gauche devenait le champion de la défense de la police. Je l'avais relevé avec un certain cynisme et je constate maintenant que vous êtes les ennemis de la police, puisque votre but, en vous opposant à la construction de ce bâtiment, c'est de ne pas offrir à notre police les moyens d'accomplir son travail dans la dignité et le respect. Vous allez ainsi pouvoir, pendant quelques années encore, vous plaindre précisément des conditions lamentables dans lesquelles on retient des personnes à l'aéroport de Genève. A un moment donné, il faut être constant dans ses points de vue et assumer les conséquences de ce que l'on dit.

La problématique soulevée ce soir et la seule que j'entende, Mesdames et Messieurs, est celle de l'enfermement de mineurs. Je vous ai indiqué que ce genre de situation était exceptionnel; en ce qui me concerne, je n'ai jamais été alerté d'un tel cas, mais si cela doit se produire, je trouve personnellement plus humain de laisser un enfant en bas âge aux côtés de ses parents plutôt que de séparer les membres d'une famille pendant une nuit avec le traumatisme que cela implique. Je ne suis pas psychologue, mais je pense que nous pouvons être majoritairement d'accord là-dessus.

Ainsi, prévoir un cadre permettant à une famille de passer une nuit dans de bonnes conditions, des conditions qui, aux yeux d'un enfant du moins, peuvent paraître celles d'un hôtel comme un autre, est à mon sens préférable que de conserver les modalités actuelles, d'obliger nos autorités à intervenir au petit matin au domicile de personnes qui doivent quitter notre pays avec les conséquences gravissimes que cela peut avoir. Donnez-nous un instrument... (Remarque.) Pardon ?

Une voix. Ils vont au «night stop» ! (Vifs commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Mauro Poggia. Effectivement, ils vont au «night stop», mais... (Commentaires.)

Le président. Monsieur, s'il vous plaît ! (Commentaires.)

M. Mauro Poggia. Ecoutez, quelqu'un l'a signalé: Genève est une ville qui possède un aéroport international, qui a un rôle à jouer sur le plan de la Confédération, donc les personnes qui doivent quitter la Suisse par avion sont conduites à Genève pour la partie francophone, à Zurich pour la partie suisse alémanique. Ceux qui sont loin de notre canton sont certainement invités, dans la journée précédant le départ, à suivre les autorités de police pour le déplacement à Genève. (Commentaires.) C'est autre chose que de se faire réveiller à deux ou trois heures du matin par des coups contre la porte, voire, parce que les parents n'ouvrent généralement pas, par des agents qui défoncent la porte.

Le président. Merci...

M. Mauro Poggia. De telles situations sont évidemment inadmissibles, mais si vous considérez qu'il faut systématiquement renoncer et que le fait d'avoir des enfants garantit l'immunité ainsi que le droit à un maintien définitif dans notre pays, alors menez des actions dans ce sens auprès de la Confédération, modifiez la législation fédérale. Ce n'est pas ce qui prévaut actuellement, et Genève applique la loi de la manière la plus humaine possible. Ce que nous vous demandons, c'est de nous octroyer la possibilité de le faire; aujourd'hui, nous ne pouvons pas le faire, et sans ce bâtiment, nous continuerons à ne pas pouvoir le faire. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. (Commentaires.) Le débat est terminé ! Je mets aux voix l'entrée en matière...

Des voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, le vote d'entrée en matière sera donc nominal.

Mis aux voix, le projet de loi 12994 est adopté en premier débat par 88 oui contre 9 non (vote nominal).

Vote nominal

Deuxième débat

Le président. Nous sommes saisis de deux amendements au titre. Voici le premier, présenté par M. Rémy Pagani - il figure dans son rapport de deuxième minorité, mais je le lis:

«Titre (nouvelle teneur)

ouvrant un crédit d'investissement de 77 000 000 francs en vue de la construction d'un bâtiment pour la Police internationale (PI) et le Centre de coopération policière et douanière franco-suisse (CCPD) sur la commune du Grand-Saconnex (sans aucune place de détention, ni administrative ni de type "night stop")»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 35 oui et 4 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le président. Le second amendement au titre nous est proposé par M. Grégoire Carasso et Mme Caroline Marti:

«Titre (nouvelle teneur)

ouvrant un crédit d'investissement de 77 000 000 francs en vue de la construction d'un bâtiment pour la Police internationale (PI) et le Centre de coopération policière et douanière franco-suisse (CCPD) sur la commune du Grand-Saconnex (maximum 12 places "night stop" et sans aucune cellule "familiale")»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 44 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 6.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12994 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 41 non et 2 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12994 Vote nominal