République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 8 avril 2022 à 14h
2e législature - 4e année - 10e session - 56e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Dilara Bayrak, Thomas Bläsi, Boris Calame, Jennifer Conti, Pablo Cruchon, Adrien Genecand, Patrick Saudan, Charles Selleger, Adrienne Sordet et Vincent Subilia, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Anne Bonvin Bonfanti, Rémy Burri, Gilbert Catelain, Aude Martenot, Corinne Müller Sontag et Helena Rigotti.
Annonces et dépôts
Le président. L'objet suivant est retiré par ses auteurs:
Proposition de motion de Mmes et MM. Helena Rigotti, Murat-Julian Alder, Jacques Béné, Fabienne Monbaron, Antoine Barde pour un plan d'indemnisation cantonal ciblé pour les entreprises touchées par les conséquences de la pandémie de COVID-19 (M-2826)
Le président. Nous abordons la séance des extraits, convertis pour l'occasion en points fixes: cela veut dire que si nous arrivons au terme de ce programme des extraits, nous reprendrons l'ordre du jour ordinaire - pour autant qu'il reste du temps durant cette séance. Nous commençons sans plus attendre avec le RD 1448-A, sur lequel aucun député ne souhaite s'exprimer.
Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1448.
Débat
Le président. Nous poursuivons avec le RD 1459. Je cède la parole à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à renvoyer ce rapport d'activité à la commission législative afin qu'il puisse être examiné, et je propose qu'il le soit conjointement au projet de loi modifiant la loi sur la médiation administrative déposé par le Conseil d'Etat le 6 avril. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la députée. Je vous informe que le projet de loi que vous mentionnez a déjà été renvoyé hier à la commission législative. Monsieur le député Jean Romain, vous avez la parole.
M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président. J'aurais plutôt tendance à demander de renvoyer ce rapport du Bureau de médiation administrative à la commission de contrôle de gestion, comme les années précédentes: elle est en plein dans cette thématique. C'est vers elle, me semble-t-il, qu'un pareil rapport devrait naturellement être renvoyé.
Le président. J'en prends bonne note, Monsieur le député. (Remarque.) Madame la députée Salika Wenger, nous sommes aux extraits: vous ne pouvez pas reprendre la parole. (Remarque.) C'était une erreur; c'est encore mieux !
Mesdames et Messieurs, nous avons donc une demande de renvoi à la commission législative sur laquelle je vais vous faire voter. Si cette demande est refusée, nous voterons sur celle de M. Romain pour le renvoi à la commission de contrôle de gestion. Le vote est lancé. (Les votes ne s'affichent pas à l'écran. Commentaires.) On va relancer le vote ! On va relancer le vote, ne vous inquiétez pas. Il s'agit d'un petit problème d'affichage ! (Un instant s'écoule.) Très bien, nous allons pouvoir procéder au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport divers 1459 à la commission législative est rejeté par 60 non contre 8 oui.
Mis aux voix, le renvoi du rapport divers 1459 à la commission de contrôle de gestion est adopté par 64 oui contre 8 non.
Premier débat
Le président. Nous traitons maintenant le PL 12476-A auquel est jointe la M 2814. (Un instant s'écoule.) J'aimerais vous rappeler qu'on ne peut rien manger dans cette salle. Je passe la parole à M. le député Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, quelques mots pour dire que nous sommes d'accord, au sein du groupe Ensemble à Gauche, avec ce projet de loi associé à la motion. Nous avons fait un travail assez intense et, pour une fois, nous nous sommes mis d'accord - bon, c'est malheureusement toujours aussi light alors qu'il faudrait prendre des mesures contraignantes pour garantir la biodiversité, notamment dans les PLQ, mais enfin, qui peut le plus peut le moins. Je rappelle que nous avons de gros problèmes: la dégradation climatique et l'effet de serre. Nous avons vécu quatre mois de sécheresse intense, les eaux du lac ne se renouvellent plus depuis deux ans alors que le phénomène était régulier, toutes les années: il y a un vrai problème et il va falloir opter pour des initiatives non seulement volontaristes, mais aussi contraignantes ! Je vous remercie de votre attention, nous soutiendrons ces deux textes.
M. Sébastien Desfayes (PDC). S'il existe un accord au sein de la commission d'aménagement - un accord unanime -, c'est en relation avec la proposition de motion et non avec le projet de loi. Le PDC ne va pas voter ce projet de loi, mais il votera bien entendu la motion. Et c'est l'occasion pour moi de remercier une personne qui ne fait pas partie de la commission d'aménagement mais a énormément contribué, et d'une manière décisive, à cette proposition de motion: Mme Christina Meissner, qui consacre d'ailleurs une très grande partie de sa vie à la biodiversité. Qu'elle en soit remerciée ici !
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais moi aussi remercier Mme Meissner et le PDC d'avoir suscité, au sein de la commission d'aménagement, un débat très intéressant sur la biodiversité en ville. En effet, à travers des exemples très concrets, Mme Meissner a démontré avec son projet de loi qu'il est possible de construire la ville en intégrant la biodiversité, et ce à travers le choix des plantes, la végétalisation des toitures ou même par des mousses en façade. Nous devons construire une ville dense - cette densité est nécessaire parce que c'est la seule façon d'empêcher l'étalement urbain qui, lui, est extrêmement destructeur de biodiversité -, mais ça ne veut pas dire qu'on doit le faire sans y intégrer la nature et la biodiversité. Les exemples présentés montrent que quand on veut, on peut et qu'un projet de construction de qualité peut intégrer la biodiversité.
Voyant qu'il n'y avait pas moyen de trouver une majorité sur la proposition initiale du projet de loi appelée «pour cent naturel», la commission, dans une attitude consensuelle que j'aimerais saluer... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez.
M. David Martin. Merci, Monsieur le président. Je disais que la commission d'aménagement, dans une attitude particulièrement consensuelle probablement plus caractéristique d'une période de mi-législature que celle qui prévaut en cette dernière année avant les élections - j'espère néanmoins qu'elle pourra perdurer -, a mis en place une sous-commission pour aller au fond du sujet. Celle-ci a mené de nombreuses auditions, pour aboutir à une motion avec une série d'invites très intéressantes que nous soutiendrons. Et c'est donc bien du fait de cette unanimité autour de la motion de commission que nous refusons le projet de loi, dans une attitude constructive ! Je vous remercie.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'interviendrai brièvement pour saluer à mon tour les excellents travaux menés autour de ce projet de loi. On voit les grandes connaissances de sa première auteure, Mme Meissner: elle a pointé toute une série d'enjeux qui nous ont aussi permis de conclure collectivement que ces enjeux, fondamentalement, devraient se retrouver plutôt dans les invites d'une motion - que le Conseil d'Etat accueillera très volontiers !
D'une manière générale, la motion renforce la stratégie du plan biodiversité, avec des points particuliers tels qu'un indice de biodiversité dans le cadre des PLQ. Il y a aussi les moyens incitatifs, dont l'introduction d'un bonus fiscal pour encourager les propriétaires privés - s'il y a certes le domaine public, le domaine privé abrite également une grande biodiversité. C'est pourquoi nous devons vraiment agir de concert entre le public et le privé pour favoriser la biodiversité qui, elle, se fiche évidemment un petit peu des frontières humaines et administratives. Globalement, il faut par ailleurs bien entendu encourager les projets pilotes transfrontaliers. La question des corridors biologiques est fondamentale; ce qu'on appelle la libre circulation des espèces animales est aussi important que la libre circulation humaine: elles doivent pouvoir facilement franchir ces limites qui, à nouveau, sont des constructions humaines et ne concernent pas vraiment la nature. Dans ce contexte, le Conseil d'Etat rejoint les conclusions de la commission et vous propose de refuser le projet de loi mais d'accepter le fruit des travaux qui l'ont entouré, à savoir cette excellente motion.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons aux votes.
Mis aux voix, le projet de loi 12476 est rejeté en premier débat par 74 non contre 8 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2814 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 82 oui (unanimité des votants).
Le président. J'appelle à présent le PL 13047-B. Aucun député ne demande à s'exprimer, nous passons sans plus attendre au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13047 est adopté en premier débat par 74 oui et 8 abstentions.
Le projet de loi 13047 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13047 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 73 oui et 8 abstentions.
Débat
Le président. Nous enchaînons avec le RD 1418-A et je cède la parole à M. le député Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Monsieur le président, le groupe Ensemble à Gauche n'acceptera pas ce rapport du Conseil d'Etat pour une raison très simple qui illustre ce que je disais ici même hier soir: la Fondation Genève Tourisme - et en l'occurrence l'exécutif non plus - ne s'est pas du tout préoccupée de défendre les emplois puisqu'elle s'est séparée de près d'un tiers de son personnel pendant l'année 2020; sur dix-huit départs, dix sont des licenciements. Et cela, Mesdames et Messieurs, aurait pu être évité: le gouvernement aurait pu mettre en place un plan de protection de ces quelques emplois, c'était à sa portée. Je rappelle que la fondation a par ailleurs bénéficié d'une aide de 4,5 millions de l'Etat sans devoir garantir le maintien des emplois, ce qui constitue une demande régulière d'Ensemble à Gauche en cas d'aide financière.
Et puis je rappelle également que si la Fondation Genève Tourisme s'est retrouvée en difficulté, c'est évidemment avant tout parce que le tourisme a considérablement chuté en 2020 - chacun et chacune ici le comprend -, mais aussi parce qu'une partie de ses revenus vient de la taxe de promotion du tourisme payée par les entreprises: ses revenus ont baissé du fait que cette taxe a été réduite pour précisément venir en aide aux entreprises, ce que ce Grand Conseil et ce Conseil d'Etat entreprennent régulièrement avec empressement. Ça se comprend, évidemment, mais alors pourquoi le manque à gagner de la Fondation Genève Tourisme n'a-t-il pas été compensé ici ? Et pourquoi est-ce que l'Etat n'a rien fait pour empêcher ces licenciements - près de la moitié du personnel, je le rappelle ? C'est tout à fait conséquent et c'est un motif largement suffisant aux yeux d'Ensemble à Gauche pour ne pas accepter ce rapport du Conseil d'Etat.
Le président. Monsieur le député, vous demandez le renvoi au Conseil d'Etat ? (Remarque.) Merci, il en est pris bonne note. Mesdames et Messieurs, je vous fais donc voter sur cette requête.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1418 est rejeté par 73 non contre 8 oui.
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1418.
Le président. J'appelle maintenant le PL 12980-A; nous passons directement au vote, puisque personne ne souhaite s'exprimer sur cet objet.
Mis aux voix, le projet de loi 12980 est adopté en premier débat par 83 oui (unanimité des votants).
Le projet de loi 12980 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12980 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 81 oui (unanimité des votants).
Le président. C'est le tour du PL 12988-A, qui ne suscite pas non plus de prise de parole. Nous passons donc directement au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12988 est adopté en premier débat par 82 oui (unanimité des votants).
Le projet de loi 12988 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12988 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 82 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous poursuivons avec le PL 12977-A. Il n'y a pas de prise de parole, j'ouvre le vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12977 est adopté en premier débat par 83 oui et 1 abstention.
Le projet de loi 12977 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12977 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 81 oui et 1 abstention.
Débat
Le président. Vient ensuite le RD 1460. Le rapport est de M. Daniel Sormanni, que j'invite à rejoindre la table centrale pour prendre la parole. (Un instant s'écoule.) Allez-y, Monsieur.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur. Je vous remercie, Monsieur le président. Je demande le renvoi de ce rapport à la commission de l'enseignement supérieur qui pourra ainsi l'examiner plus en détail. Merci.
Le président. Je vous remercie. Nous passons au vote sur cette proposition.
Mis aux voix, le renvoi du rapport divers 1460 à la commission de l'enseignement supérieur est adopté par 83 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Au prochain point de l'ordre du jour figure le PL 13070-A. Comme personne ne se manifeste, j'invite l'assemblée à se prononcer sur cet objet.
Mis aux voix, le projet de loi 13070 est adopté en premier débat par 72 oui contre 9 non et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 7. (Brouhaha.)
Le président. Je sais que l'évocation de Genève-Plage fait envie, mais l'été est encore loin ! (Remarque.) Effectivement, Monsieur Pagani, je n'avais pas vu votre demande de parole. Allez-y.
M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste dire que nous sommes très sceptiques quant à ce projet de loi, sachant qu'un certain nombre de faits nous ont été rapportés par la presse qui laissent à penser que cette histoire a été un arrangement entre petits copains. Je ne veux pas citer de noms, mais des noms russes ont notamment été évoqués dans ce dossier, tout comme ceux de certains conseillers d'Etat...
Une voix. D'anciens conseillers d'Etat.
M. Rémy Pagani. ...d'anciens conseillers d'Etat, oui. Pour nous, il n'est pas question de donner un blanc-seing en la matière. Cela étant, nous savons que des mesures vont être reprises par le Conseil d'Etat pour qu'enfin un appel d'offres en bonne et due forme soit lancé visant à attribuer ce bien de notre république à qui de droit et à qui aura formulé des propositions concrètes et précises. Nous voterons toutefois contre ce texte pour signifier notre désaccord sur cette affaire.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur. M. Pagani a peut-être mal compris ou s'est trompé de journal. Je ne sais pas quelle publication vous avez lue, peut-être la «Pravda»... (Rires.) ...et du coup, ce ne sont pas les bonnes informations qui vous sont venues aux oreilles, Monsieur le député - vous transmettrez, Monsieur le président.
Il s'agit ici d'une subvention annuelle de 631 000 francs à l'association Genève-Plage pour que l'infrastructure puisse ouvrir dans les temps: on parle de l'activité de Genève-Plage elle-même. Cette dotation a été amputée d'un certain montant, ainsi que l'a exigé la Cour des comptes, en raison de l'affaire que vous évoquez, j'imagine, Monsieur le député. Vous devriez donc être content, puisque la somme en question n'est pas intégrée à l'aide financière qui nous est soumise ici.
En revanche, si on n'accepte pas ces 631 000 francs, alors tout le reste de l'activité, celle qui n'est ni critiquée ni critiquable, celle qui est au contraire louée par le département tout comme par la population, ne pourra pas avoir lieu, le site ne pourra pas ouvrir ses portes.
Nous avons reçu le comité à la commission des finances, et il est regrettable que votre collègue qui y siège et a l'habitude de beaucoup y parler ne vous ait pas informé de ce qu'il en était, Monsieur le député - vous transmettrez, Monsieur le président -, parce que les membres de l'association nous ont démontré qu'ils avaient agi en toute bonne foi. Je le répète: ici, on ne traite que la subvention pour des activités qui ne sont pas celles que vous mentionnez, et sans ce vote, eh bien Genève-Plage n'ouvrira tout simplement pas au public.
Enfin, le contrat de prestations porte sur deux ans seulement, précisément pour que le département puisse reprendre langue avec l'association et régler l'autre problématique, celle qui vous est parvenue aux oreilles mais qui aurait dû en ressortir - je regrette que cela n'ait pas été le cas. Je vous invite dès lors, Mesdames et Messieurs, ainsi que toute la commission, à adopter ce projet de loi d'un montant de 631 000 francs de telle manière que l'organisation qui fait correctement son travail et dont l'activité est appréciée par l'ensemble des citoyens puisse ouvrir au mois de mai comme prévu.
Des voix. Bravo !
Le président. Merci bien. (Remarque.) Monsieur Pagani, nous sommes aux extraits et vous avez déjà pris la parole. Nous poursuivons la procédure de vote.
Mis aux voix, l'art. 8 est adopté, de même que les art. 9 à 11.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13070 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 76 oui contre 8 non et 2 abstentions.
Le président. Nous abordons à présent la M 2593-B, sur laquelle personne ne souhaite s'exprimer.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2593.
Débat
Le président. Voici le texte suivant: la M 2783-A. Le rapport est de M. Didier Bonny, qui ne prend pas la parole... (Remarque.) Ah, si ! Excusez-moi, Monsieur, vous avez été plus rapide que mes yeux. Allez-y.
M. Didier Bonny (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, permettez-moi, en guise de préambule, de dire toute ma satisfaction quant au fait que cet objet, d'une grande importance pour la cohésion sociale de notre canton, soit soumis à notre parlement très exactement un mois après la fin des travaux de commission. Cette proposition de motion demandant au Conseil d'Etat de «rendre un rapport circonstancié sur l'avenir de la FASe et de l'évolution de la politique de l'animation socioculturelle qu'il entend mettre en place, en lien avec le dossier du désenchevêtrement canton-communes» a été déposée le 3 septembre 2021. Son traitement a commencé le 2 novembre 2021, alors que le Conseil d'Etat avait mis en consultation un avant-projet de loi visant à «renforcer l'implication des communes dans le financement, puis la gouvernance de la Fondation genevoise pour l'animation socioculturelle (FASe)».
Cet avant-projet de loi est devenu, le 1er décembre 2021, un projet de loi tout court, le PL 13044. Il a été examiné en primeur par la commission des finances avant le vote du budget 2022 en raison de ses implications financières, soit un transfert de charges d'un peu plus de 20 millions aux communes. Il aurait pu être accepté sur le siège le 9 décembre 2021, mais le Grand Conseil n'a pas voulu voter dans la précipitation et l'a renvoyé à la commission des affaires sociales pour qu'il y soit étudié. Or celle-ci a décidé de geler son traitement pour «permettre au département de finaliser les entretiens, voire les négociations avec les différents intervenants», comme elle l'a annoncé dans son communiqué de presse du 23 février 2022.
Compte tenu de ce qui précède, l'examen de la M 2783, laquelle se focalise sur la question de l'animation socioculturelle, a été fortement influencé par le dépôt du projet de loi qui, lui, concerne plus particulièrement le financement et la gouvernance. Le compte rendu des auditions, qui se trouve dans le rapport, en est la meilleure preuve. Toutefois, malgré ce contexte particulier, les membres de la commission des affaires sociales ont tenu à ne pas lier les deux objets. Il leur a en effet semblé primordial de montrer dès maintenant leur préoccupation quant à l'avenir de l'animation socioculturelle. Leur questionnement autour d'un projet qui ait du sens et qui réponde aux besoins de la population, indépendamment de la forme que pourrait prendre un éventuel transfert aux communes, attend une réponse prompte et détaillée du Conseil d'Etat qui permettra, le cas échéant, de reprendre l'analyse du PL 13044 avec les éléments qui auront été communiqués par le gouvernement. Dès lors, je vous invite, Mesdames les députées, Messieurs les députés, en tant que rapporteur, à adopter cette proposition de motion qui a reçu un accueil unanime, moins une abstention, de la part des membres de la commission.
Mais je n'en ai pas fini pour autant, Monsieur le président, puisque je vais à présent exprimer la position de la députation Verte...
Le président. Vous passez sur le temps du groupe.
M. Didier Bonny. Ma foi, ça tombe bien, puisque j'allais précisément formuler la position de mon groupe ! La députation Verte, ô grande surprise, rejoint le rapporteur. En deux mots, pour les Vertes et les Verts, une cohérence territoriale est essentielle; elle passe par le renforcement du partenariat entre canton, communes, associations et organisations du personnel dans le cadre de la FASe, et non pas le contraire, comme le PL 13044 pourrait le faire craindre. L'animation socioculturelle joue un rôle primordial pour la cohésion sociale, comme l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport qui demande au conseil de fondation de la FASe de prendre des mesures facilitant une meilleure anticipation de la dynamique sociale des nouveaux quartiers. C'est pourquoi la députation Verte soutiendra le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat et sera très attentive à ce que le rapport qui nous sera transmis aille dans le sens d'un renforcement de l'animation socioculturelle avec les garanties nécessaires. Voilà, Monsieur le président, cette fois j'ai terminé.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Déposée dans un contexte d'interrogation et d'inquiétude quant à l'avenir de l'animation socioculturelle dans notre canton et au devenir des activités placées sous la gouvernance de la FASe, cette proposition de motion fait écho aux préoccupations des professionnels et bénévoles qui oeuvrent dans les divers lieux de pratique de l'animation socioculturelle; elle prend aussi le contrepied du projet de loi 13044 traitant du transfert de la FASe aux communes, un projet mal aimé de tous, à juste titre, qui propose une approche uniquement financière s'agissant d'un aspect de politique publique essentiel à la cohésion sociale et fait l'impasse sur la définition du socle d'animation socioculturelle que l'Etat doit garantir sur l'entier du territoire pour répondre aux besoins de la population.
Le PL 13044, dans sa hâte de déléguer aux communes la gestion de la FASe et, soyons honnêtes, sa charge financière, se révèle être un chèque en blanc, le département se donnant en l'occurrence deux ans pour revenir sur la question du contenu. Une manière particulièrement téméraire de mettre la charrue avant les boeufs, ou plutôt de vendre les boeufs sans savoir comment sera tirée la charrue.
Le présent objet, outre qu'il met en lumière les préoccupations sur l'avenir de la FASe qui taraudent tant la Fédération des centres de loisirs et de rencontres que les comités des associations gérant au quotidien les lieux d'animation socioculturelle et les professionnels, entend souligner que le futur de l'animation n'est pas qu'une question de financement ou de contrôle, mais qu'il est avant tout nécessaire de définir un concept d'animation socioculturelle applicable sur l'ensemble du territoire cantonal; il rappelle qu'avant de parler de se partager l'addition, il faut impérativement déterminer le contenu de cette politique publique et les besoins des personnes auxquels elle se doit de faire face partout de manière égale.
L'animation socioculturelle non seulement répond concrètement aux besoins de rencontres et d'animation de la population dans toute sa diversité, mais permet également l'implication citoyenne des habitants dans la vie publique; elle est un indéniable facteur d'intégration et un instrument de cohésion sociale. C'est pourquoi il est primordial de soutenir les associations de bénévoles actives dans ce domaine plutôt que de les écarter au motif qu'elles présentent actuellement certaines fragilités. Ce n'est pas en les mettant de côté qu'on les renforcera.
Le traitement du projet de loi 13044, lequel faisait l'unanimité contre lui, a été gelé; de notre point de vue, le texte aurait dû être retiré. De nouvelles négociations entre le département de la cohésion sociale et l'Association des communes genevoises sont en cours. Il est donc indispensable de ne pas réitérer la même erreur, le sens doit être défini en priorité. C'est l'objectif de cette proposition de motion: elle demande au Conseil d'Etat, cela a été indiqué, de rendre un rapport circonstancié sur l'avenir de la FASe et les évolutions de la politique d'animation socioculturelle qu'elle entend mettre en place. Il s'agit d'une nécessité, et nous vous invitons à soutenir cet objet, Mesdames et Messieurs les députés.
Mme Ana Roch (MCG). Comme nous sommes aux extraits, je ne vais pas prolonger le débat en répétant tout ce qui a été dit. Je suis, et mon groupe avec moi, très contente de constater que la commission soutient ma proposition de motion à l'unanimité. Il est important de souligner que l'animation socioculturelle doit être une mission du canton, et il est question ici d'une égalité au niveau des communes; on sait que ce n'est pas le cas aujourd'hui. A l'inverse du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat, nous devons déterminer ce que devient l'animation socioculturelle, et pas seulement qui commande et qui paie. J'espère que l'ensemble de la plénière suivra l'avis de la commission. Merci.
M. Emmanuel Deonna (S). Le secteur de l'animation socioculturelle a été happé par un exercice bien connu à Genève, l'imposition d'économies au budget sans s'interroger sur leur nécessité ni sur leurs effets secondaires néfastes. Heureusement, personne ne plaide pour l'instant en faveur d'une réduction de la somme globale des subventions. Ainsi, le rôle de l'animation socioculturelle est encore reconnu.
On évoque seulement, au travers notamment du projet de loi que la plupart des groupes rejettent heureusement, le scénario d'un transfert de 23 millions de subventions cantonales aux communes. S'il fallait transiter vers un groupement intercommunal, à l'exemple du groupement intercommunal pour l'animation parascolaire, on peine à imaginer que toutes les communes seront d'accord de préserver la place des citoyens au sein du dispositif, une place à laquelle, à gauche, nous sommes particulièrement attachés. Il est sans doute beaucoup plus probable que le groupement lui-même et les services sociaux des communes se mettent à donner le ton dans l'animation socioculturelle.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, comme l'ont rappelé mes préopinants, il est important de défendre une conception citoyenne de l'animation socioculturelle, qui est un vecteur indéniable d'intégration et de cohésion sociale. Le groupe socialiste vous recommande d'approuver cette proposition de motion.
Le président. Merci. A présent, Mesdames et Messieurs, je mets cet objet aux voix.
Mise aux voix, la motion 2783 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 80 oui et 2 abstentions.
Débat
Le président. Nous traitons maintenant le RD 1457. Je donne la parole à Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les faits sont têtus, les chiffres également. Il n'est pas question ici de remettre en cause le bilan de la loi 12836 depuis sa mise en application. En revanche, s'il faut relever quelque chose, c'est la réactivité et la disponibilité dont ont fait montre les organismes oeuvrant auprès des personnes touchées par une double précarité, celle de leur statut et celle de leurs conditions de vie; une précarité décuplée par la crise covid, ô combien dramatique, mais qui a permis de mettre sur le devant de la scène cette pauvreté d'ores et déjà présente, si cruelle, mais qui se voyait facilement minimisée, niée tant qu'elle restait dans l'ombre.
La pandémie a obligé l'Etat, nous a obligés à regarder cette réalité en face. Cela ne s'est pas fait sans heurt: rappelez-vous le référendum lancé contre la loi 12723, un référendum que la population, dans un grand élan de solidarité, a massivement rejeté. Néanmoins, le climat généré par celui-ci a tout de même entaché nos travaux. Ainsi, plutôt que d'accepter un projet de loi d'indemnisation pour les travailleurs et travailleuses précaires durant la seconde vague, par exemple le PL 12831 qui vous avait été soumis, on lui a préféré le PL 12836 qui proposait la même mesure, mais pudiquement, sous couvert de subventions aux associations intervenant à cette fin auprès d'une identique population.
Cette manière de procéder laisse un goût amer. Certes, les personnes nécessitant une aide ont reçu des prestations indispensables, mais nous, législateurs, législatrices, avons usé là d'un expédient peu franc; nous n'avons pas assumé ouvertement notre responsabilité, nous n'avons pas endossé ce pan de politique publique qui relève de l'Etat. Cela ne remet en aucun cas en question le rôle et l'importance des organisations caritatives, mais nous invite à réfléchir quant aux obligations du canton en matière de politique sociale et à sa réactivité. Profitons également de l'occasion pour nous interroger sur les exigences administratives qui peuvent s'avérer rédhibitoires pour une population en grande précarité, ce qui risque fort d'alimenter le phénomène de non-recours, phénomène que l'on cherche généralement à bannir; prenons donc garde à ne pas nous-mêmes le renforcer. Je vous remercie de votre attention. Nous prendrons acte de ce rapport.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1457.
Débat
Le président. Nous passons aux extraits III, c'est-à-dire aux objets dont le délai de traitement en commission est dépassé. Il ne s'agit en l'occurrence que de la P 1981-A, classée en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Raymond Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, d'abord, je ferai un petit rappel historique. Cette pétition a été déposée en 2016 par le personnel de la police judiciaire, du moins par une partie. Lors de l'audition des pétitionnaires, il a clairement été dit que le but recherché par cette pétition était de revenir à l'ancienne LPol en matière de grades délivrés au sein de la police judiciaire. Les auditionnés ont également mis en évidence des difficultés relationnelles lors d'échanges entre différents corps de police, que ce soit dans notre pays ou de par le monde, et parfois des difficultés supplémentaires lors de commissions rogatoires, ordonnées par le procureur de manière à ne pas compromettre, si j'ose dire, encore une fois les relations dans le monde policier. Ces derniers arguments ont été très fortement démentis par Mme la commandante de notre police cantonale ainsi que par M. le procureur général, que nous avons bien évidemment auditionnés.
Il est à noter - et je suis assez bien placé pour le savoir - que les grades et les titres dans les milieux constitués, plus particulièrement encore dans les milieux uniformés, constituent effectivement une base relationnelle légitimée par une forme de convention. Le fait de porter beaucoup de galons ou d'en porter peu ne va jamais régler la problématique de la compétence ni celle du lien pouvant se développer dans le cadre relationnel.
Les corps constitués sont très sensibles à leurs traditions. Ça, c'est également quelque chose - et je peux l'assurer de par mon expérience - que l'on retrouve dans tous les corps constitués où la tradition est mise en avant. C'est tout à leur honneur, bien sûr, mais cela implique parfois certaines difficultés lorsqu'on parle de changements. Depuis 2016, la situation a passablement évolué: votre commission judiciaire et de la police, en collaboration avec M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat de tutelle de la police cantonale, travaille de manière acharnée et devrait dans les mois qui viennent pouvoir revenir devant ce plénum avec soit une forme d'adaptation de la LPol actuelle, soit une forme de révision.
En conclusion, la majorité de la commission vous propose évidemment de suivre ses conclusions, à savoir le dépôt de cette pétition, étant donné que l'information est passée et que le suivi sera assuré par la commission judiciaire et de la police. Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il est certain que la police traverse actuellement une période de crise de confiance. On le voit notamment avec l'arrivée de la LPol et avec les changements parfois problématiques; il y a en tout cas une contestation importante et il y a véritablement un malaise. Tout récemment encore, un certain nombre de députés, ou tous les députés, ont reçu un message du syndicat de la police judiciaire nous indiquant qu'il y avait réellement des difficultés ainsi qu'une crise de confiance. En s'attaquant aux grades, aux traditions, on pourrait dire également aux habitudes, aux manières de faire, on a effectivement déstabilisé une institution qui doit quand même être solide, puisque c'est elle qui fait appliquer la loi et exécute des tâches qui s'inscrivent parfaitement dans le domaine qu'on appelle régalien. Ces tâches sont importantes.
Par ailleurs, nous nous rendons compte que le fait d'avoir voulu à tout prix installer des grades militaires au lieu des grades hiérarchiques, tels qu'on les connaissait, et d'avoir voulu à tout prix militariser la police de manière artificielle, notamment la police judiciaire - où il y a des traditions qui sont d'un autre type, avec des nuances qui peuvent paraître à certains de peu d'importance, mais qui ont quand même un sens, aux yeux de nombreuses personnes, en particulier le syndicat de la police judiciaire, qui souhaite rester dans sa propre tradition et ne pas faire l'objet d'une militarisation, qui est, dans ce secteur-là, tout à fait artificielle... C'est pour cela qu'ils nous ont demandé de manière très claire - la pétition est très courte, mais très volontaire, et ce qui a été indiqué au cours des auditions en commission était aussi très clair - de se faire entendre, d'être écoutés: il faut écouter ceux qui, d'une certaine façon, constituent une police républicaine et démocratique, qui protège le peuple mais qui est aussi à l'écoute du peuple, qui est également son émanation.
La minorité vous recommande donc d'envoyer cette pétition au Conseil d'Etat, parce qu'elle a du sens. Il convient également de respecter ces serviteurs de l'Etat et de leur témoigner toute la considération qu'ils méritent. Et pour cela, nous vous demandons d'envoyer la pétition au Conseil d'Etat.
M. Jean Batou (EAG). Cette question a l'air un peu byzantine: la dénomination des grades de la police ! (L'orateur rit.) Et beaucoup de députés se disent: «A quoi bon ? Ce n'est pas très important, la commission des pétitions n'a...»
Une voix. Judiciaire !
M. Jean Batou. Judiciaire, pardon ! Merci, Monsieur Florey - vous transmettrez, Monsieur le président ! «...n'a d'ailleurs pas eu le temps de s'en occuper !» Mais, tout de même, il y a un problème de fond lié à la loi sur la police, à savoir la volonté de militariser la police et de militariser ses grades. Nous, dans le groupe Ensemble à Gauche, nous sommes évidemment favorables à ne pas militariser la police et à ne pas militariser les grades. Et quand c'est la police elle-même qui le demande, nous sommes pour l'écouter.
Dernière chose: s'agissant de la loi sur la police, avec un certain nombre d'autres députés, j'ai déposé un projet - cela fait en tout cas deux ans, me semble-t-il. Dire que la commission travaille d'arrache-pied sur ce projet... Ce n'est évidemment pas le cas ! Il faudrait vraiment donner un message à la commission et au Conseil d'Etat pour qu'on accélère la révision de cette loi sur la police, qui pose tant de problèmes depuis qu'elle a été introduite. Non pas parce qu'on veut revenir à l'ancienne loi, mais parce qu'on veut procéder aux aménagements nécessaires pour qu'elle fonctionne de manière démocratique et républicaine, comme le dit notre collègue du MCG. Renvoyons ce texte au Conseil d'Etat et allons de l'avant sur la révision, l'amendement de la loi sur la police. Merci.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Effectivement, cette pétition n'est qu'une manifestation de la part de la police judiciaire d'un mécontentement plus large, à savoir celui du corps entier de la police en lien avec la situation actuelle. Cela fait des années qu'on parle des problèmes engendrés par la LPol, notamment la guerre non plus des polices, mais la guerre des silos, la présence d'un nombre pléthorique de hauts gradés, alors qu'il manque sur le terrain des policiers et qu'il manque à la police judiciaire un nombre important d'effectifs. On a, à rigueur de droit, une exigence d'à peu près 350 personnes à la police judiciaire; il y en a aujourd'hui environ 270. On a donc une cocotte qui va bientôt exploser si on ne fait rien, et effectivement, pour ma part, je n'ai pas remarqué un travail acharné du conseiller d'Etat Mauro Poggia - c'est dommage qu'il ne soit pas là. Ça fait - pour être gentil - deux ans qu'on attend ses propositions sur la réforme de la loi sur la police et on ne voit rien venir.
Par conséquent, ce qui va se passer est très simple: une majorité va se dégager dans un délai relativement bref, et ce seront les députés, et non pas le Conseil d'Etat, qui proposeront des projets de réforme, qui incluront la question du grade, parce que - cela a été dit par tout le monde, y compris par le rapporteur de majorité - la police judiciaire, qu'on appelait autrefois la sûreté, a une forte tradition, a une histoire très riche et depuis l'époque de James Fazy à peu près, c'est une police judiciaire républicaine, et non une police militarisée. Il est quand même étonnant qu'on demande à des membres de la police judiciaire d'aller se former à Savatan, de s'habiller avec des uniformes noirs, de marcher au pas et de saluer le drapeau. Ce n'est pas ma vision d'une police judiciaire, et effectivement, la question des grades est tout aussi fondamentale. La police judiciaire nous a été enviée pendant de très longues années en Europe, et malheureusement, ce que je dois constater, c'est que ce n'est plus tellement le cas. Donc très bien pour le dépôt de cette pétition au Conseil d'Etat, merci.
Des voix. Le renvoi ! (Commentaires.)
Le président. Le renvoi ou le dépôt ?
Une voix. Le renvoi ! (Commentaires.)
Le président. Le renvoi au Conseil d'Etat, très bien. Je cède la parole à M. François Lefort.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Le rapporteur de majorité nous a annoncé, au nom du Conseil d'Etat d'ailleurs, un projet de loi de révision de la LPol. C'est exactement ce que propose, comme l'a rappelé M. Batou, un projet de loi interpartis, dont les Verts sont co-auteurs, qui est à l'étude à la commission judiciaire et de la police depuis deux ans. Et, comme M. Desfayes l'a dit, il est bien probable que les députés préfèrent l'original, c'est-à-dire leur projet de loi, à la copie du Conseil d'Etat, que nous ne connaissons pas, qui est annoncée - à quelles calendes ? Nous ne savons pas.
Le rapporteur de majorité nous a aussi dit que le Conseil d'Etat prend en considération les demandes des inspecteurs à l'origine de cette pétition - à savoir qu'ils puissent retrouver leurs grades non militaires d'avant la LPol - et que le Conseil d'Etat viendra nous en rendre compte. A ces promesses transmises par le rapporteur de majorité, je préfère un engagement, un engagement à répondre à cette pétition. Cet engagement, cette réponse, nous l'obtiendrons en renvoyant cette pétition au Conseil d'Etat, ce que les Verts feront. Nous vous demandons donc de soutenir le renvoi au Conseil d'Etat.
M. Alberto Velasco (S). Quand cette pétition est arrivée à l'époque, une militarisation avait été décidée; parce que dans notre canton, le procureur fait partie de l'état-major, l'ex-conseiller d'Etat était aussi officier, et comme vous savez, tout le monde est officier dans cette république. On a donc instauré dans cette police judiciaire un ordre de marche et on a remplacé les grades hiérarchiques par des grades militaires. Nous, les socialistes, étions opposés à cela, et nous le serons toujours. Nous aimerions qu'on revienne - et c'est la raison pour laquelle... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vous pouvez poursuivre.
M. Alberto Velasco. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, nous demandons le renvoi au Conseil d'Etat. C'est vrai qu'il y a un projet de loi portant sur la police, et le temps de travail ne se mesure pas en mois, mais en années, à tel point qu'il a fallu, on l'a répété ici, voter l'entrée en matière du projet de loi d'Ensemble à Gauche qui était effectivement très abouti, afin de voir si le conseiller d'Etat voulait enfin, sur la base des rapports et des études qu'il a menées, amener des amendements - qu'on attend toujours ! Or je rappelle, chers collègues, que d'ici douze mois, nous serons à la fin de la législature, qu'un projet de loi déposé au cours de la législature passée ne serait pas voté et qu'il faudrait attendre la prochaine législature. C'est vraiment grave ! Nous demandons donc que le Conseil d'Etat vienne avec ses amendements; sinon, ce projet de loi sera effectivement voté par une majorité tel qu'il a été déposé à la commission judiciaire et de la police. Cette pétition a toute sa raison d'être et nous demandons qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat, afin qu'il prenne ses responsabilités et qu'il vienne avec des amendements conséquents au projet de loi que nous sommes en train de traiter en deuxième débat à la commission judiciaire et de la police. Merci.
Une voix. Bravo !
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il y a un point sur lequel le rapporteur de minorité a raison, c'est l'attachement des corps constitués aux traditions. C'est quelque chose qu'il faut respecter et que le groupe PLR respecte. Néanmoins, j'aimerais rappeler que la loi sur la police, qui a été votée par le peuple en 2015 - on sait dans quelle proportion, mais elle a été votée, qu'on le veuille ou non -, est entrée en vigueur le 1er mai 2016, c'est-à-dire il y a bientôt six ans. Le rapport de commission sur cette pétition a été déposé en mars 2017, c'est-à-dire il y a plus de cinq ans. Dans ces circonstances, les agents de la police cantonale ont pu s'habituer à ces nouveaux grades. Quant aux nouveaux agents, qui n'ont pas connu les anciens grades, on ne voit pas au nom de quoi on devrait leur imposer des grades d'une autre époque, alors qu'ils ont rejoint les rangs de la police dans l'intervalle.
Le colonel Raymond Wicky l'a très bien dit... (Exclamations. Rires.) ...il existe des équivalences de ces différents grades entre les corps constitués - on peut parler bien naturellement de l'armée, mais aussi de la protection civile, des corps de sapeurs-pompiers -, et la signification de ces grades a une codification. Par exemple, dans l'ancienne police genevoise, un brigadier était un sous-officier, alors que partout dans le monde, un brigadier, c'est un officier général. (Remarque. Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Quant à ceux qui critiquent la prétendue militarisation de notre police - parce qu'on entend ça sans arrêt, notamment dans le cadre des travaux de la commission judiciaire en cours à propos des ajustements que la LPol mériterait de connaître -, on a d'un côté ceux qui déplorent la disparition de la gendarmerie, institution historiquement militaire par excellence, et de l'autre ceux qui nous disent qu'on militarise la police, alors qu'il n'y a plus besoin de faire l'école de recrues pour entrer dans la police, et qui en plus voudraient que cette police soit ouverte aux étrangers ! Mesdames et Messieurs, il y a là des contradictions qui sont absolument hallucinantes !
Le président. Merci.
M. Murat-Julian Alder. Moi, je vous propose qu'on s'en tienne au contenu de ce débat, qu'on cesse avec ces accusations de militarisation parfaitement infondées...
Le président. Il faut conclure.
M. Murat-Julian Alder. ...et qui ne contribuent qu'à l'antimilitarisme primaire de certaines formations politiques de ce canton.
Le président. Merci.
M. Murat-Julian Alder. Et je vous invite moi aussi...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député. Je cède maintenant la parole à...
M. Murat-Julian Alder. ...à voter le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci de votre attention. (Commentaires.)
Des voix. Il a encore du temps !
Le président. J'apprécie les formes de gestion collective des séances, mais en l'occurrence, il y a une petite erreur dans le décompte du temps du rapporteur, qui est donc reportée sur le temps du groupe. (Remarque.) Cela ne se voit pas, mais je ne vais pas prendre du temps pour l'expliquer chaque fois que ça arrive ! (Remarque.) Monsieur le député Marc Falquet, vous avez la parole.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. C'est vrai que cette pétition date de 2016. Je ne sais pas si les policiers, les inspecteurs se sont habitués à leurs nouveaux grades, mais c'est effectivement une bonne question. Et vu qu'on doit encore auditionner les syndicats de la police...
Une voix. Non, on ne peut pas ! (Remarque.)
M. Marc Falquet. ...on pourrait leur poser la question. Je propose donc qu'on renvoie cette pétition, qui sera examinée avec la réforme qu'on est en train de traiter.
Des voix. On ne peut pas !
M. Marc Falquet. On ne peut plus ?
Une voix. On ne peut pas, Marc ! (Commentaires.)
Une autre voix. On ne peut plus !
M. Marc Falquet. On ne peut pas la renvoyer ? (Commentaires.) Alors qu'on la transmette au Conseil d'Etat, de toute façon, il regardera... M. Poggia n'est pas là, mais je voulais aussi ajouter que c'est un peu dur de dire que le Conseil d'Etat ne fait rien. Il y a quand même un travail qui se fait depuis deux ans, et je pense que la commission judiciaire ne doit pas penser seulement à son projet de loi, mais doit travailler avec les propositions élaborées par le Conseil d'Etat et ses spécialistes, même si on n'aime pas son spécialiste; ils font malgré tout de bonnes propositions et je pense qu'on doit travailler... Et ne pas confondre précipitation, vitesse et efficience. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il s'agit effectivement d'un deuxième délai de traitement dépassé, le renvoi en commission n'est donc plus possible à ce stade. Monsieur Jean Batou, vous avez la parole pour une minute et deux secondes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Ce sera largement suffisant. C'est juste pour indiquer à M. Murat Alder - vous transmettrez, Monsieur le président - qu'il n'a sans doute pas lu la loi sur la police. En son article 4, il est écrit: «Organisation militaire»... (L'orateur est interpellé.)
Une voix. Chut !
M. Jean Batou. ...«La police est organisée militairement.» Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Par pitié, cessez d'interrompre les orateurs ! Je rends la parole au rapporteur de minorité, M. François Baertschi, pour deux minutes et quarante-cinq secondes.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Encore deux précisions. C'est vrai qu'on constate de plus en plus que la LPol amène à une désorganisation, que le système en silos est contesté par de plus en plus de monde. Il n'y a plus grand monde qui défend d'ailleurs ce système d'organisation. Je dirai de plus, s'agissant de ce fameux projet de réforme de la loi sur la police, qu'il y avait plusieurs groupes de ce Grand Conseil qui l'ont cosigné, dont le MCG.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote. Je vous prie de vous prononcer en premier lieu sur le dépôt de cette pétition. Le vote est lancé. (Un instant s'écoule.) Par 54 non contre 24 oui et 2 abstentions, vous avez rejeté le... (L'écran de vote n'affiche pas le résultat. Commentaires à l'annonce du résultat. Rires.) Ah ! Ça, c'est une première ! (Le président rit. Commentaires.)
Une voix. Qu'est-ce qui se passe ? (Commentaires. Un instant s'écoule.)
Le président. Très bien, l'affichage devrait fonctionner cette fois-ci. Je vous fais donc à nouveau voter sur le préavis de la majorité de la commission, qui est le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission judiciaire et de la police (dépôt de la pétition 1981 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 62 non contre 28 oui.
Le président. Nous passons donc à la proposition de la minorité, soit le renvoi au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission judiciaire et de la police (renvoi de la pétition 1981 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 64 oui contre 27 non et 1 abstention (vote nominal).
Débat
Le président. Puisque nous avons achevé le traitement des extraits, nous reprenons notre ordre du jour ordinaire avec la M 2572-A dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de majorité, M. Marc Fuhrmann, est remplacé par M. Marc Falquet; quant au rapporteur de minorité, M. Pierre Bayenet, c'est M. Pierre Vanek qui prend sa place. Des substitutions basées sur le prénom, j'ai l'impression ! Monsieur Falquet, je vous invite à aller chercher votre carte... (Un instant s'écoule. Brouhaha.) Merci d'observer un peu de silence, Mesdames et Messieurs ! Voilà, Monsieur Falquet, lancez-vous.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Nous traitons maintenant une... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Commentaires.)
M. Marc Falquet. C'est un manque de respect, ça ! (Remarque.) Oui, c'est vrai.
Le président. Les conversations qui ont lieu dans la salle peuvent-elles s'exporter à l'extérieur ? Ce serait plus agréable pour la tenue des travaux.
M. Marc Falquet. Voilà !
Le président. Monsieur Batou, je vous entends !
M. Marc Falquet. Merci, Monsieur le président...
Le président. Un instant, Monsieur le rapporteur de majorité, il y a encore trop de bruit.
M. Marc Falquet. Pardon. C'est vrai, je ne comprends pas que les gens parlent pendant les interventions. C'est un manque de respect !
Le président. Et je prie les huissiers de bien vouloir fermer les portes. Reprenez, Monsieur Falquet.
M. Marc Falquet. Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, le groupe MCG a déposé en 2019 une proposition de motion visant à protéger le Mur des Réformateurs après que des déprédations graves ont été commises. La commission judiciaire et de la police s'est réunie à une seule reprise pour étudier ce texte. Je vous cite les considérants: les auteurs estiment «que le Mur des Réformateurs a été saccagé par de la peinture en juillet 2019» - c'est exact -, «que ces statues en pierre sont d'un grand intérêt patrimonial et risquent de connaître des dégradations irrémédiables, que des mesures élémentaires de protection ne sont pas prises» - ce n'est toujours pas le cas maintenant -, «que le Mur des Réformateurs n'est pas reconnu officiellement comme un monument classé».
Bien que la commission n'ait consacré qu'une seule séance à cet objet, je trouve que les débats étaient intéressants. Nous avons évoqué la lutte contre le vandalisme et les incivilités en général, et il s'agit d'un sujet important à Genève, on parle de manque de respect - c'est comme les discussions pendant les interventions, pour moi c'est un manque de respect ! Nous avons aussi parlé de l'aspect religieux et historique de la Réforme, des réformateurs bannis qui ne se trouvent pas sur le mur. Certains voulaient instaurer un jour férié pour commémorer la Réforme. Et puis du côté du rapporteur de minorité, il y avait un peu la mise en cause de ces personnages historiques, qui apparaissent légèrement égratignés aujourd'hui, qui ne paraissent plus aussi parfaits qu'à l'époque. Evidemment, les mentalités étaient alors différentes, notamment en matière de droits humains.
Quelles sont les invites de cette proposition de motion qui entend protéger cet édifice ? A la base, une première invite proposait de classer le Mur des Réformateurs en qualité de monument historique; elle a été modifiée en commission de la sorte: «envisager la possibilité de classer le Mur des Réformateurs, ainsi que la statue de Michel Servet, en qualité de monuments historiques». Une seconde invite demande d'«intervenir auprès de la Ville de Genève, propriétaire, pour qu'ils soient protégés efficacement contre tout acte de vandalisme ou toute forme de dégradation». La majorité de la commission vous invite à accepter cet objet et à le renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'il fasse le nécessaire. Il y a également une minorité, le rapporteur vous expliquera exactement les motivations de son opposition. Merci.
Le président. Je vous remercie d'avoir amorcé la transition vers le rapport de minorité, pour lequel je cède la parole à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Je vous remercie, Monsieur le président, d'avoir remercié mon vis-à-vis; j'allais évidemment le faire et je gagne ainsi du temps. Mesdames et Messieurs, en trente-trois minutes de séance - c'est Pierre Bayenet qui l'indique, je pense qu'on peut lui faire confiance pour constater des faits de cet ordre-là -, en trente-trois minutes de travaux sommaires, sans aucune audition, la commission judiciaire - je ne vois pas très bien pourquoi c'est elle qui a été chargée de ce texte et surtout que viennent faire les juges dans cette affaire - a adopté une motion demandant à la Ville de Genève, laquelle ne sait apparemment pas faire son travail, une protection renforcée du Mur des Réformateurs, en particulier son classement ainsi que celui de la statue de Michel Servet, placée en 2011 derrière les HUG à l'initiative du maire d'alors, que vous connaissez et que je ne nommerai pas par égard pour Rémy Pagani, ce dernier objet étant qualifié de monument historique - l'objet en question, c'est la statue, hein, pas Rémy Pagani, qui n'est pas encore un monument historique ! C'est un peu absurde, parce que cette statue date de quoi, 2011 ? Elle a été refondue pour être installée à cet endroit-là, sur la base de moules qu'on a été chercher à Saragosse. Bien sûr, Michel Servet est un personnage historique important, mais cette statue n'est pas un monument historique, c'est absurde. Cet ajout de Michel Servet dans la proposition de motion vise à cautionner la défense du Mur des Réformateurs, parce que Calvin fait l'objet de polémiques, et ce n'est pas récent: Voltaire déjà avait une certaine expression concernant Calvin, lui prêtant une «âme atroce». Cela fait longtemps que Calvin est sujet à des critiques, donc on a ajouté un peu de Servet pour justifier le classement du Mur des Réformateurs. Mais il est problématique et bizarre d'englober dans une même mesure de protection le bourreau qu'était Calvin - avec son aspect de tyran théocratique - et sa victime, l'humaniste Michel Servet. On les regroupe en considérant que les deux objets doivent être protégés de manière identique, alors qu'ils sont très différents.
Pour élargir le champ, les personnages du Mur des Réformateurs sont forcément controversés, discutables et contradictoires, et en un mot, ce sont des questions politiques qu'il y a là à débattre. Prenez par exemple Oliver Cromwell, qui figure tout à gauche quand on est face au mur: c'est un parlementaire britannique turbulent, qui se comportait, paraît-il, de manière tempétueuse en séance, c'est le dirigeant politique et militaire principal de la Révolution anglaise du XVIIe siècle et un chef d'Etat autocratique du Commonwealth, qui a été institué à la place du royaume britannique à l'époque. S'il s'agit là d'un aspect auquel je me rallie volontiers, d'un autre côté, il est coupable de crimes de guerre, d'actes génocidaires et de purification ethnique en Irlande, ce que les Irlandais ne lui pardonneront jamais !
Les personnages politiques et historiques ont cette dimension paradoxale, et c'est pour cela que le Mur des Réformateurs est vivant, qu'il se colore parfois, suite à des interventions illégales - légalement condamnables, bien entendu, mais dont on peut comprendre les motifs -, par exemple de la part de féministes ou de défenseurs des LGBT, qui rappellent à juste titre le supplice de Bartholomé Tecia, l'une des treize personnes tuées par noyade pour cause d'homosexualité sous le régime de Jean Calvin. Voilà pourquoi le mur bouge, est vivant, recevant au début du siècle l'inscription de trois hommes supplémentaires ainsi que celle d'une femme, la première: Marie Dentière, une théologienne protestante qui avait été effacée de l'histoire officielle, Pierre Valdo, John Wyclif et Jan Hus, lequel a été brûlé par le pape à Constance comme Servet a été brûlé à Genève par Calvin.
On ne peut pas vouloir figer ce mur, mais on peut s'interroger: pourquoi ne pas y inclure d'autres femmes ? C'est un réel problème de n'en avoir qu'une seule - et encore, il n'y a que son nom, pas sa statue. Et puis pourquoi pas de nouveaux venus, de nouvelles venues ? Pourquoi pas, à défaut de raser cet édifice, comme disait l'autre dans une chanson - je pense à Michel Bühler: «Rasez les Alpes... qu'on voie la mer» -, du moins le transformer en profondeur avec un espace d'expression libre ? Imaginez: on pourrait inscrire des noms, faire bouger cet édifice, avoir une possibilité d'expression démocratique libre par rapport à ce mur qui ne soit pas forcément illicite et qui ne passe pas forcément par de la peinture.
Mais évidemment... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...si on envisage ce type de choses, alors il faut ne pas le classer, d'autant que le classement conforte une idée très conservatrice, malvenue, et ne le protégera pas mieux. Généralement, quand on classe un objet, c'est pour le protéger...
Le président. Merci...
M. Pierre Vanek. ...contre son propriétaire, et la Ville de Genève est peu suspecte de vouloir...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Pierre Vanek. ...démonter ce mur. En principe - je conclus par une phrase, Monsieur le président...
Le président. Vous avez une seconde.
M. Pierre Vanek. ...Genève ne classe pas ou presque ses monuments.
Le président. Merci, Monsieur !
M. Pierre Vanek. Du Monument national à l'horloge fleurie... (Le micro de l'orateur est coupé. Paroles inaudibles de l'orateur, qui poursuit son intervention.)
Le président. La parole va à M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). C'est M. Velasco qui doit parler ?
Le président. Oui, c'est votre tour.
M. Alberto Velasco. Merci, Monsieur le président. Je dois dire, chers collègues, que le débat en commission fut très fructueux, et c'est vrai que l'amendement qui a été déposé pour conserver aussi la statue de Michel Servet, c'était par... J'ai fait cette proposition par dérision, et ça a marché. On se retrouve donc aujourd'hui... (Commentaires.) Eh bien oui, ça a marché ! Pourquoi ? Je suis tout à fait d'accord que demander la protection du Mur des Réformateurs est un peu hors de propos, surtout que les étudiants s'amusent chaque année avec cet édifice. Mais enfin, puisqu'il s'agissait de classer le mur, j'ai trouvé qu'historiquement, il fallait également relever la question de Michel Servet.
Je profite de l'occasion pour vous dire qu'il y eut un réformateur dans cette cité qui s'appelait Sébastien Castellion, grand théologien, grand humaniste, à qui M. Calvin rendit la vie impossible ! Impossible ! Ses livres furent interdits et il fut pratiquement banni de Genève. Et ce Sébastien Castellion, voyez-vous, qui défendit bec et ongles Michel Servet, dit ceci au sujet de l'infamie consistant à le brûler vif: «Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme.» Cette phrase est fondamentale, chers collègues. Oui, il a été commis une atrocité à l'époque sur un théologien respecté dans cette république, et ce grand homme, cet humaniste - ce grand humaniste ! - ne figure pas sur le Mur des Réformateurs. Non, il ne figure pas dessus.
Nous, les socialistes, avons estimé que puisqu'il était question de faire protéger le monument, alors pourquoi ne pas conférer les mêmes titres de noblesse à Michel Servet, car l'un des protagonistes ayant conduit à sa mort sur le bûcher est représenté sur le mur. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons présenté cet amendement, et à la fin, nous avons adopté la proposition de motion. Voilà, donc le groupe socialiste tiendra la position qu'il a suivie en commission, je voulais juste vous exposer les motifs qui nous ont amenés à accepter ce texte. Au départ, nous étions contre; aujourd'hui, je vous demande de valider cet objet sans états d'âme, mais sans noblesse ni désir non plus. Voilà, allons-y comme ça. Merci. (Applaudissements.)
M. Sébastien Desfayes (PDC). D'abord, à titre de préambule, je suis content que mon parti s'appelle désormais Le Centre, et non plus le parti démocrate-chrétien, parce qu'il aurait été tout de même curieux que j'aie à défendre, en tant que catholique romain, démocrate-chrétien, le Mur des Réformateurs !
J'ai entendu le rapporteur de minorité définir ce monument comme un objet. Il a beaucoup évoqué l'histoire, mais il ne nous a pas parlé d'art, encore moins d'histoire de l'art. Je pense pourtant qu'il s'agit là d'un point important. De quoi parle-t-on avant tout ? On parle d'une construction qui est une oeuvre d'art, créée par quatre architectes genevois et deux sculpteurs français. On peut l'apprécier ou pas sur un plan esthétique, mais cette réalisation novatrice a eu une grande influence en histoire de l'art: elle a initié un style que l'on appelle l'art monumental et qui s'est répandu à Paris avec notamment les sculptures du Trocadéro, à Rome avec le quartier EUR où se trouvent aussi d'énormes statues, et même à Rio de Janeiro avec le Christ Rédempteur, oeuvre de Landowski, qui est d'ailleurs l'un des sculpteurs du Mur des Réformateurs.
Il se trouve que les artistes disposent d'un droit - un droit moral - à ce que l'ouvrage qu'ils ont conçu ne soit ni transformé ni mutilé. Personne n'a mentionné ce droit d'auteur, ce droit moral des artistes qui est fondamental. J'ai été surpris par le rapport de minorité de M. Bayenet, lequel indique qu'au final, une oeuvre d'art évolue au gré des perceptions de la population. Non ! Une oeuvre d'art doit être respectée, elle est immuable. Quand on transforme, quand on mutile, quand on dégrade des oeuvres, quand on brûle des livres, quand on méprise les artistes et les poètes, ce n'est jamais bon signe pour une société.
Enfin, comme le sujet historique a été abordé, soulignons simplement une chose: à part peut-être M. Vanek, personne n'est parfait. Or l'appréciation des qualités d'un individu se fait selon une époque ou même par rapport à un endroit donné. Un bas-relief du Mur des Réformateurs représente par exemple Coligny, personnalité très progressiste, qui a été assassiné peu après la Saint-Barthélemy par la famille de Guise qui, elle, était extrêmement conservatrice. Voilà ! A cette période, Coligny était considéré comme un moins que rien en France alors que dans la Genève de la Réforme, on le voyait comme un héros. Tout change au fil des siècles, on ne peut pas bloquer l'histoire. C'est la raison pour laquelle nous voterons bien entendu cette proposition de motion. Merci. (Applaudissements.)
Mme Sophie Desbiolles (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, qu'est-ce que le Mur des Réformateurs ? Plus qu'un simple gros caillou taillé, il est un morceau d'histoire. L'histoire, dont on dit qu'elle est écrite par les vainqueurs, n'en reste pas moins une trace de tout ce qui a été, le pire comme le meilleur, une trace de chacun et chacune d'entre nous. Si l'histoire de l'humanité est un trésor, elle ne constitue pas pour autant un bloc monolithique inchangeable; elle doit être critiquée, analysée, examinée sous de multiples angles.
Mais le plus bel atout de l'histoire, c'est encore celui d'être à écrire. Aujourd'hui, l'histoire nous appelle. Nous, humains, nous trouvons à un moment décisif: nous avons trois ans pour écrire notre histoire, celle à venir. Le GIEC - pour ceux qui dorment: le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat - nous alerte dans son dernier rapport sorti cette semaine: les émissions globales doivent être à leur maximum en 2025. Voilà, nous avons trois ans pour conserver un monde viable, trois ans pour changer de trajectoire, sortir des énergies fossiles, mener des transformations radicales - et non de pseudo mini mesurettes pour nous donner bonne conscience - et mettre en place une sobriété choisie et positive.
Trois ans, ça veut dire qu'il faut commencer à s'exciter un petit peu. Mais je ne vous vois pas vraiment paniquer, alors j'ai comme l'impression de parler à un mur - celui des réformateurs ou pas, d'ailleurs. Nous n'avons pas d'autre choix qu'un tournant radical ou le désastre, n'en déplaise à certaines figures politiques qui se paient le luxe de continuer à afficher des positions climatosceptiques pour tirer profit du système. Trois ans, donc, si nous voulons continuer à écrire notre histoire; nous avons toutes les solutions à portée de main, il nous manque juste une volonté politique unanime, pleine et entière pour métamorphoser drastiquement les différents secteurs de nos vies.
Pour ce qui est du Mur des Réformateurs, les Vertes vous demandent de refuser cette proposition de motion, traitée en trente minutes, qui figerait le monument dans son passé sans laisser la possibilité de le faire évoluer. Quant à nous autres qui sommes réellement face au mur, c'est à nous, chacun et chacune ici présent, de nous interroger pour déterminer si l'histoire humaine arrive à son terme, si elle va se poursuivre ou si nous allons rester figés dans notre marbre, un marbre de déni et d'immobilisme, en nous souvenant, Mesdames les députées, Messieurs les députés, que l'histoire n'a de sens que s'il reste des humains pour l'écrire et la raconter. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Si nous avons déposé cette proposition de motion, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il y a véritablement péril en la demeure s'agissant du Mur des Réformateurs. Pourquoi ? Parce qu'il est régulièrement victime de déprédations, il a déjà dû être restauré de manière importante. Mais plus que ça, pour nous, il est étonnant que jusqu'à maintenant, il n'ait jamais bénéficié d'aucune reconnaissance officielle.
Comme d'ailleurs pour de nombreuses pages de l'histoire genevoise, il y a une ignorance, parfois un mépris, voire une honte, de notre passé alors que Genève n'a pas à rougir de son histoire, Genève doit en être fière. Rousseau, Voltaire sont venus sur nos terres, il y a eu Adhémar Fabri et ses franchises, les réformateurs également. Et n'en déplaise à notre collègue Verte qui évoquait le GIEC, nous pouvons aisément imaginer que sans les réformateurs, ce type de démarche n'aurait jamais eu lieu, nous n'aurions peut-être pas développé un tel esprit critique.
Je pense qu'il ne faut pas vivre uniquement dans le moment présent en croyant que le monde s'est créé hier. Non, notre civilisation existe depuis bien longtemps, il y a des racines, des traditions, et se couper de ces fondations, c'est créer un monde de destruction, un monde de guerre, un monde néfaste. Genève porte des valeurs humanistes, et n'oublions pas que les réformateurs, à leur époque, ont été des progressistes. Bien évidemment, le temps a passé, des évolutions, des changements se sont produits dans l'intervalle, mais regardons un peu plus loin que le bout de notre nez, soyons fiers de notre passé et de nos traditions.
La tradition genevoise, c'est quoi ? C'est également Henry Dunant. Songeons à ce qui se passe actuellement en Ukraine. Nous devrions ressentir un grand honneur, nous mettre à la hauteur de cet héritage de très haut niveau que le monde entier nous envie, et non nous abaisser à une certaine médiocrité qui consiste à ignorer, à mépriser les temps anciens alors que nous avons un passé généreux, un patrimoine riche, une culture fabuleuse, dont nous devons être dignes. C'est la raison pour laquelle je vous demande de soutenir cette proposition de motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Des voix. Bravo, François !
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Je dois avouer que je suis un peu atterré par la tournure que prend ce débat. Tout un chacun s'érige en apprenti historien sans vraiment saisir de quoi il retourne. On a le sentiment que certains veulent réécrire ou plutôt effacer l'histoire de Genève, et je vois là-dedans une dérive de ce qu'on appelle le «wokisme» ou la «cancel culture». (Commentaires.)
On cherche à monter les gens les uns contre les autres sans comprendre notre passé, d'où nous venons, notre évolution, l'importance tout simplement capitale que revêt Calvin à Genève ainsi que la Réforme, qui véhicule une idéologie de liberté, de libération, qui a attiré ici des réformateurs de toute l'Europe: Farel, Knox, Théodore de Bèze. Je pense qu'il faut respecter ce patrimoine. S'ériger en historiens de supermarché et réécrire l'histoire cinq cents ans après, l'interpréter à la lumière de la vie que nous menons aujourd'hui, c'est complètement ahurissant, c'est totalement abruti.
Il faut voir dans la Réforme le fait que Genève a rayonné dans le monde entier - on parlait de la Rome protestante ! -, qu'elle constituait un centre mondial de la culture, de la raison, qui a émergé encore au XVIIIe siècle avec les grands philosophes qu'étaient Voltaire, Rousseau durant les Lumières, et nous devons en être fiers. Nous étions un centre de l'imprimerie qui a fait se propager les idées de liberté. Cet héritage s'est matérialisé au XIXe siècle avec Henry Dunant et le CICR, avec l'avènement de la Société des Nations en 1919, puis en 1945 lorsque Genève est devenue siège européen des Nations Unies. Nous devons être fiers de ce passé plutôt que de nous lancer dans des raisonnements à l'emporte-pièce d'historiens du dimanche soir. Bien entendu, le PLR soutiendra cette proposition de motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Madame Joëlle Fiss, vous avez la parole pour vingt-huit secondes.
Mme Joëlle Fiss (PLR). Vingt-huit secondes, d'accord. Merci beaucoup, Monsieur le président. Je souhaiterais juste exprimer mon désaccord quant à la volonté de modifier des monuments historiques. Il existe une grande différence entre étudier, écrire l'histoire, et la réécrire. Ne pas respecter ces édifices, c'est du révisionnisme historique, et l'histoire ne sert pas à être glorifiée. Pour en comprendre les bons comme les mauvais aspects, il faut tout étudier. Merci beaucoup, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je rappelle qu'on s'exprime debout dans cette salle. Monsieur Emmanuel Deonna, le groupe socialiste n'a plus de temps; la remarque est également valable pour M. Alberto Velasco ainsi que pour Mme Magnin, du MCG, ce qui me permet de rendre la parole à M. Marc Falquet pour deux minutes et cinquante-sept secondes.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. La question, ce n'est pas qu'on soit d'accord ou pas avec les réformateurs, qu'on soit d'accord ou pas avec la présence de ces personnages, qu'on soit d'accord ou pas sur le fait que certains aient été bannis du mur; la question, c'est le vandalisme. La vraie question, c'est le vandalisme ! Il est inadmissible de saccager quoi que ce soit, même si on a de l'aversion pour ces figures de l'époque. Comme l'a souligné ma préopinante, ces gens avaient la mentalité qu'ils avaient... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs, je vous prie de respecter l'orateur ! Il y a un brouhaha terrible chaque fois qu'il s'exprime !
M. Marc Falquet. Oui, bon... Merci. Je disais que ce qui est inadmissible, finalement, c'est le vandalisme, les personnes qui manquent de respect, cette espèce d'incivilité qui se répand à Genève; dans tous les domaines, il y a un manque de respect, et c'est vraiment dommage, je le regrette profondément.
Par ailleurs, certains collègues auraient souhaité qu'on inclue d'autres personnalités ou encore des bannis; j'ai lu dans le rapport que la tête de l'un des réformateurs avait été très endommagée et qu'il avait fallu la changer, alors on aurait peut-être dû mettre celle d'une dame à la place ou encore de l'un des réformateurs exclus, cela aurait été une solution pour plaire à tout le monde ! Mesdames et Messieurs, je vous suggère de voter cette proposition de motion telle qu'amendée.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, ce débat très intéressant montre à quel point le Mur des Réformateurs constitue une référence identitaire à Genève, et c'est pourquoi il suscite tant d'émotion, que ce soit au sein de cette salle ou dans la rue avec la colère de certains manifestants et manifestantes, comme l'évoquait le rapporteur de minorité. Quoi qu'il en soit, permettez au Conseil d'Etat de revenir sur des considérations un peu plus terre à terre portant sur les enjeux légaux qui se cachent derrière la mesure de classement d'un bâtiment.
Je clarifierai tout de suite ceci: la question de la protection physique d'un bien, patrimonial ou pas, n'a rien à voir avec sa préservation patrimoniale. Mesdames et Messieurs les députés, la cathédrale Saint-Pierre est un monument classé, mais il n'y a pas de barrières en permanence autour, il n'y a pas de policiers en faction qui en surveillent les abords; à l'inverse, cette auguste salle n'est pas encore cataloguée monument historique et il y a pourtant bien des gendarmes pour assurer votre sécurité.
On peut dès lors constater que la protection des biens et des personnes constitue un devoir de l'Etat de droit qui concerne en effet la commission judiciaire, mais que celle des objets physiques, des immeubles, n'a rien à voir avec le patrimoine. N'importe quelle bâtisse, n'importe quelle propriété privée peut être mise sous surveillance policière si elle est menacée. Dans les propos du rapporteur de majorité, il y a cette première confusion: la commission judiciaire nous parle de protection des biens, ce qui est légitime, ce qui est une affaire de police, mais elle invoque par ailleurs une sorte de protection patrimoniale qui ne concerne en rien du tout les forces de l'ordre.
L'essentiel des monuments classés de la république ne fait pas l'objet d'une protection policière permanente. Bien sûr, si on les sait menacés, on mobilise des corps de police, mais comme pour n'importe quel autre bien, à vrai dire, qu'il soit une propriété publique ou privée. En ce moment, nous protégeons l'ambassade russe; l'église russe, qui est un édifice classé et qui n'est pas directement en lien avec l'histoire de Genève dans ce qu'elle représente de par le monde, mais qui est un bâtiment magnifique à la valeur architecturale remarquable, fait l'objet d'une mesure de classement.
J'en viens à ma seconde remarque sur cette proposition de motion eu égard aux discours qui ont été tenus sur le sens de l'histoire. Certes, les quatre personnages majeurs qui figurent sur le mur représentent notre histoire pour le meilleur et pour le pire. L'histoire est toujours pour le meilleur et pour le pire. Mais il nous faut également considérer, Mesdames et Messieurs, que si le passé a une dimension politique, et il est tout à fait normal qu'on en parle, l'appréciation de sa facette architecturale, patrimoniale et historique, quant à elle, revient avant tout aux experts. Par conséquent, ce serait un glissement dangereux d'estimer qu'il appartient au parlement de décider in fine ce qui doit faire l'objet d'une mesure de classement et ce qui ne le doit pas.
Ce texte demande respectueusement au Conseil d'Etat de réfléchir à cette opportunité et nous l'accueillons volontiers, il n'y a pas de souci pour poursuivre le dialogue, mais j'aimerais rappeler une nouvelle fois que l'Etat de droit doit s'appliquer pour tous les bâtiments, qu'ils soient publics ou privés, qu'ils soient classés ou pas, et que les mesures de classement, qui sont la reconnaissance d'une qualité architecturale et patrimoniale particulière, s'imposent essentiellement au propriétaire de l'édifice. Ainsi, s'il veut le modifier, il doit passer devant la CMNS et toute une série de fonctionnaires qui examineront scrupuleusement chaque détail afin que l'histoire du monument soit respectée. Il s'agit d'une protection architecturale, patrimoniale, historique, mais pas d'un classement d'ordre historique qui, lui, incombe aux historiens.
Voilà, Mesdames et Messieurs, merci pour cet excellent débat, j'ai eu beaucoup de plaisir à l'écouter. J'accueillerai volontiers cet objet si telle est la volonté de la majorité, mais avec ces deux réserves: pas de discrimination en ce qui concerne la protection physique contre le vandalisme - tout le monde y a droit - et pas d'intromission politique trop forte dans le domaine des historiens; laissons aux professionnels ce qui leur revient.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Sans plus attendre, nous procédons au vote.
Mise aux voix, la motion 2572 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui contre 30 non et 2 abstentions (vote nominal).
La proposition de motion 2826 est retirée par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous donne rendez-vous à 16h pour la reprise des urgences. A tout de suite !
La séance est levée à 15h40.