République et canton de Genève

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PL 12778-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Adrienne Sordet, Marjorie de Chastonay, Didier Bonny, David Martin, Boris Calame, Yves de Matteis, Jean Rossiaud, Katia Leonelli, Paloma Tschudi, Pierre Eckert, Ruth Bänziger, Philippe Poget modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (LCI) (L 5 05) (Pour davantage de toitures végétalisées)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 1er et 2 juillet 2021.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de minorité de Mme Adrienne Sordet (Ve)

Premier débat

Le président. Nous abordons maintenant le PL 12778-A en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. Jacques Béné... qui est absent. (Remarque.) Merci, Monsieur Florey. Le rapport de minorité est de Mme Adrienne Sordet, qui est là. En l'absence du rapporteur de majorité, je cède la parole à Mme Sordet.

Mme Adrienne Sordet (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. On voit ici l'intérêt de la majorité de la commission et du parlement pour ce genre de sujet, vu que le rapporteur de majorité n'est même pas là ! Cela étant dit, pour ce qui est des discussions qui ont eu lieu en commission, la question est: par où commencer ? Surtout s'agissant de la manière dont ce projet de loi a été traité. On pourrait commencer par le fait que la majorité refuse l'entrée en matière alors que les milieux auditionnés étaient favorables à la végétalisation des toitures et au présent projet de loi, même si celui-ci demandait quelques adaptations. (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Madame la députée ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez.

Mme Adrienne Sordet. Ou peut-être faudrait-il commencer par le fait que les remarques des auditionnés ont été entendues et que des amendements avaient été préparés pour rendre le texte moins restrictif, mais que la majorité n'a pas daigné entrer en matière, bien qu'elle se proclame sensible à la thématique. Pourtant, nous aurions tout à gagner à végétaliser et à fleurir les toits de notre canton. Certaines villes en Suisse l'ont déjà fait et cela n'a pas semblé susciter un grand émoi au sein des milieux immobiliers ou professionnels. Alors pourquoi pas nous ?

La majorité, dans son rapport, nous parle des surcoûts d'une toiture végétalisée, pour son élaboration ou son entretien. Nous ne nions pas cela, mais à l'instar de certains et certaines qui prétendent que les projets dits écolos ne chiffrent jamais les coûts, je relèverai que les milieux économiques ne chiffrent pas, dans ce type de cas, les économies qui peuvent être réalisées en lien avec notre santé, avec la préservation de la biodiversité et de notre environnement, ou encore avec les bienfaits techniques sur les toitures et les bâtiments.

On nous parle aussi de l'incompatibilité entre les toitures végétalisées et les panneaux solaires et du fait que le plan directeur de l'OCEN se concentre plutôt sur l'amélioration de l'enveloppe thermique et sur la pose de panneaux photovoltaïques. Soit ! Mais les deux ne sont pas incompatibles, au contraire. Avec le bon type de végétation, ces deux aspects techniques sont complémentaires, et la végétalisation peut même avoir un effet bénéfique sur l'efficacité des panneaux solaires. Alors pourquoi les oppose-t-on ?

Enfin, pour ce qui est de la plupart des autres arguments avancés dans le rapport de majorité, le projet initial n'est pas parfait et les amendements qui avaient été travaillés auraient pu corriger ses imperfections en majeure partie, mais voilà, la majorité n'a pas voulu les aborder, ce qui montre aussi la frilosité de cette majorité. Pour en revenir à la question initiale de mon intervention - par où commencer ? -, c'est peut-être simplement là qu'il faut commencer.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Adrienne Sordet. Il faut se rendre à l'évidence: l'urgence climatique que nous avons votée en 2019 ne semble pas être assimilée par une majorité de ce parlement, en témoigne notamment le vote précédent sur la végétalisation et la biodiversité en ville. Bien que les toitures ne représentent pas la solution face à l'urgence climatique, elles font partie des solutions, s'inscrivant dans une vision holistique de la protection du climat. Déclarer l'urgence climatique, c'est reconnaître que l'être humain modifie profondément son écosystème, péjore les êtres vivants peuplant la terre et met en danger sa propre existence. Déclarer l'urgence climatique, c'est prendre des décisions courageuses et innovantes pour préserver la santé des générations actuelles et futures - générations actuelles et futures d'autant plus impactées dans les centres urbains. Il faut donc se donner les moyens de renforcer la nature en ville. La question est de savoir pourquoi, Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous n'allez pas dans cette direction et pourquoi vous applaudissez quand des projets pour le bien de tous et toutes sont refusés. Je vous laisse y réfléchir. En attendant, la minorité vous invite à entrer en matière sur ce projet de loi et à le voter. Je vous remercie.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Désolé pour ces quelques minutes de retard. Comme l'a dit Mme Sordet, c'est vrai que la commission a été très sensible à cette problématique. Je crois que personne n'est insensible aux problèmes liés à l'urgence climatique. Après, il y a la manière dont on essaie de mettre en oeuvre des solutions qui pourraient effectivement améliorer notre environnement; avec certaines mesures jusqu'au-boutistes, préconisées sans véritable analyse, simplement sur le principe de l'urgence climatique, on devrait aller trop loin, tout faire partout. Tout à l'heure, on a entendu M. Hodgers parler de façades végétalisées; je ne vous explique pas le coût de l'installation d'une façade végétalisée ni son coût d'entretien ! On aimerait néanmoins voir ces façades végétalisées sur davantage de bâtiments que ce qui existe actuellement.

Le véritable problème, c'est donc que tout texte qui introduit des obligations aussi strictes, telles que celles contenues dans le projet de loi qui nous est présenté, est difficile à accepter. C'est pour cela que la majorité de la commission n'est pas entrée en matière. On préfère évidemment l'incitation plutôt que l'imposition. On voit bien à travers les termes utilisés dans ce texte que les critères sont beaucoup trop restrictifs: «les toits plats non utilisés doivent être végétalisés», «la végétalisation de toute nouvelle toiture plate est obligatoire», «la végétalisation des toitures plates est obligatoire lors de rénovations ou de travaux d'entretien sur son étanchéité». Il n'y a pas de choix, pas de possibilité d'interprétation, même si beaucoup de dérogations sont prévues. C'est un des problèmes de ce projet de loi: pour finir, les dérogations vont devenir la règle.

L'inventaire qui nous a été présenté, basé sur des données de 2013 et 2020, indique que le canton comptait 2342 toitures végétalisées en 2013 et déjà 4339 en 2020, sans qu'il y ait aucune obligation. Il est clair qu'on pourrait toujours faire mieux, mais cela démontre bien que la population, les mandataires, les propriétaires, les promoteurs sont sensibles à cet élément, qui représente effectivement une plus-value pour la plupart des bâtiments. Mais quand Mme Sordet dit qu'il n'y a pas de raisonnement économique... Bien sûr qu'il y en a un ! Cela nous a été expliqué très clairement: une toiture végétalisée coûte environ 123 francs au mètre carré contre 74 francs pour une toiture classique; cela fait quand même 66% de plus. Et ce surcoût peut même aller jusqu'à 150 francs selon le type de toiture, une somme qui impacte inévitablement le coût de construction et les frais d'entretien, qui sont aussi plus élevés pour une toiture végétalisée.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Jacques Béné. Merci. Ensuite, il est rarement possible de végétaliser une toiture qui n'a pas été conçue à cet effet. Cela m'amène pour terminer à la problématique des dérogations: si ce n'est pas prévu dès le départ, c'est très compliqué à mettre en oeuvre.

Cette loi va malheureusement induire des charges conséquentes. Beaucoup d'études démontrent que ce n'est pas forcément une toiture végétalisée qui va améliorer la qualité de l'environnement; on pourrait lui préférer des projets avec des panneaux solaires ou photovoltaïques. Pour toutes ces raisons, malheureusement, en l'état, la commission vous invite à rejeter ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chères collègues, chers collègues, ce projet de loi est effectivement intéressant. La végétalisation des toitures plates peut nous éviter de poser du gravier, mais il y a une autre possibilité qui n'a pas été abordée, à savoir le gravier de verre recyclé, qui est aussi une technique intéressante et qui présente de bons coefficients thermiques.

Cela étant dit, on nous amène vers des obligations. Les contraintes sont le défaut majeur de ce projet de loi: ce texte obligerait à ce que toutes les toitures non utilisées soient végétalisées en cas de rénovation ou pour toute nouvelle construction; selon le premier alinéa du nouvel article proposé, un propriétaire qui a un toit plat et qui ne souhaite pas le végétaliser devrait quand même procéder à des travaux de végétalisation. Il s'agit d'une copie d'une disposition de Bâle-Ville, qui a inscrit cette exigence dans la loi.

Le parti démocrate-chrétien pense quant à lui qu'il faut plutôt aller vers l'incitation que vers l'obligation. L'aspect coercitif du projet de loi ne plaît pas. On devrait plutôt opter pour quelque chose de plus incitatif, à travers la fiscalité ou des subventions, notamment dans le cadre d'une rénovation énergétique - j'y reviendrai plus tard.

On peut aussi relever qu'aujourd'hui, nos concitoyens sont des gens avertis et qui vont tout seuls vers ce dispositif. Plusieurs problèmes se poseraient si d'aventure cette loi était appliquée. Par exemple: si la végétalisation de la toiture semble en principe compatible avec la pose de panneaux solaires photovoltaïques, elle peut poser problème avec les panneaux thermiques. Et quid de simples travaux d'entretien ? Il serait hors de question pour les représentants de l'USPI que ceux-ci génèrent une obligation de transformer tout ou partie de la toiture en toiture végétalisée. Le souci du PDC à l'heure actuelle est de ne pas alourdir le carcan législatif dans la construction. Les toitures végétalisées se font sur des réalisations neuves, car il y a une véritable incitation s'agissant de la rétention d'eau, c'est un point effectivement très positif. Mais nous avons de sérieux doutes quant au fait d'imposer cela au patrimoine existant. Celui-ci est actuellement déjà en profonde mutation avec la mise en place d'éléments liés aux enjeux énergétiques. Cela demande des investissements conséquents. Si une direction doit être donnée, elle doit plutôt porter sur la rénovation énergétique des bâtiments.

Il faut aussi relever que les toitures végétalisées représentent un léger surcoût et demandent un entretien qui doit être très bien effectué. Nous avons en outre appris que lors de l'élaboration de nouveaux projets ou de rénovations, la possibilité de végétaliser était déjà systématiquement étudiée. C'est pour cela que le parti démocrate-chrétien ne votera pas ce projet de loi.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Le parti socialiste voudrait remercier tout particulièrement Mme Sordet pour le travail qu'elle a effectué. Nous l'avons dit, il s'agit de répondre à une urgence climatique, à des problèmes d'environnement, et la proposition de Mme Sordet était une contribution plus que bienvenue, puisque nécessaire.

Evidemment, nous avons procédé à différentes auditions, nous avons entendu des représentants des associations professionnelles et des associations d'architectes, et Mme Sordet a pris en compte les remarques qui avaient été formulées. Nous l'avons nous-mêmes incitée à présenter différents amendements; elle a repris son projet et proposé des modifications.

Le parti socialiste trouve pour le moins hypocrite de ne pas avoir discuté des propositions qu'elle avait présentées après un travail conséquent et d'avoir tout simplement refusé l'entrée en matière sur son projet. Ce n'est pas du tout le reflet d'une attitude responsable et encore moins d'une attitude constructive, dont ce parlement devrait faire preuve pour répondre aux défis environnementaux.

Par conséquent, le parti socialiste vous invite à suivre les propositions de Mme Sordet et la remercie encore d'avoir essayé de trouver des solutions consensuelles, qui malheureusement, encore une fois, n'ont pas été discutées. Je vous remercie.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, au gré du temps, l'architecture des bâtiments de notre région, qu'il s'agisse de maisons, d'immeubles d'habitation, de bâtiments mixtes ou de constructions à usage purement professionnel, fait la part belle aux toitures plates. Dans ce monde de plus en plus minéral ou bétonné, les toitures végétalisées seraient évidemment les bienvenues en raison de leur contribution au maintien de la biodiversité. On pourrait même imaginer, pourquoi pas, la création de jardins communautaires sur des immeubles ou des entrepôts, sans oublier leurs effets positifs du point de vue de l'isolation des bâtiments.

Une nouvelle construction peut dès ses prémices être envisagée avec une toiture plate, végétalisée ou non, en fonction des choix de ses concepteurs. Lors de rénovations, ces solutions sont également envisageables, mais elles auraient l'inconvénient d'entraîner des surcoûts d'étude et de réalisation qui, tout naturellement, influeraient sur le montant des loyers.

Ce projet de loi qui part d'un très bon sentiment - et je remercie son auteure - demande la systématisation d'études de réalisation de toitures plates végétalisées pour toute nouvelle construction. La même systématique s'appliquerait aux rénovations de toitures plates existantes. Le long et très intéressant travail de commission, que nous saluons, a convaincu les représentants du MCG de laisser le choix architectural aux prometteurs de nouveaux projets et travaux de rénovation.

Une voix. Prometteurs !

M. Christian Flury. Dans ce cadre qui est loin d'imposer un dogme, il leur appartiendra de choisir de quel type de toiture leur projet sera doté.

Enfin, s'agissant de la rénovation d'immeubles à toits plats, la vision préconisée par nos amis Verts risque bien de déboucher sur une rente viagère pour les associations de défense des locataires, vu les contestations d'augmentation de loyer qui ne manqueront pas d'affluer et qui encombreront les tribunaux, qu'il faudra probablement renforcer à leur tour.

Pour ces raisons entre autres, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG vous invite à ne pas voter l'entrée en matière sur ce projet de loi 12778. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Serge Hiltpold pour deux minutes et six secondes.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Je vais revenir sur quelques éléments techniques, mon collègue ayant passablement parlé du principe. Tout d'abord, je vous rappellerai quand même qu'avec la mise en application de cette loi, même si elle a un but extrêmement louable, il y aurait plus de dérogations que d'applications. J'aborderai en premier lieu la question des rénovations, avec deux éléments à prendre en compte: tout d'abord, la surcharge. La surcharge statique est de 80 à 115 kilos par mètre carré avec une végétalisation; on compte 40 kilos supplémentaires au mètre carré avec les bacs de rétention d'eau. Bien souvent, la physique et la statique des bâtiments existants ne permettent pas cette surcharge. C'est le premier élément. Le deuxième élément, c'est que même si la statique du bâtiment le permet, il n'y a pas forcément les acrotères nécessaires - l'acrotère est l'élément qui permet d'isoler et d'avoir la place nécessaire à l'isolation. L'arbitrage est en fait assez simple: soit on essaie de mettre en place une amélioration thermique avec une isolation périphérique de toiture et des panneaux solaires, soit on installe une toiture végétalisée. En fait, dans la rénovation, on s'aperçoit qu'il n'y a pratiquement que des dérogations. Je pense donc que c'est surfait. C'était le premier point.

Pour ce qui est des nouveaux bâtiments, il y a vraiment une volonté architecturale des mandataires de travailler avec des toitures plates. Pourquoi ? Parce que dans les procédures de concours à deux degrés, vous avez la norme SIA 142, qui comporte six critères de durabilité. Or dans les critères de durabilité, la toiture végétalisée est un élément qui favorise votre projet; donc, de facto, vous allez vous diriger vers ce genre de toiture. Je trouve dès lors un peu sévère de nous critiquer sur ce texte, alors que le PLR soutient un autre projet de loi proposé par les Verts, en l'occurrence par M. Martin, qui figure au point 29 de notre ordre du jour. Vous verrez que les objectifs climatiques et environnementaux se retrouveront dans deux points de l'ordre du jour. Merci.

M. Rémy Pagani (EAG). Il est évident qu'Ensemble à Gauche soutiendra ce projet de loi de végétalisation des toitures. Les uns et les autres dans notre groupe sont membres de plusieurs commissions, et dans chaque commission, on dit - d'ailleurs le Conseil d'Etat y compris - qu'il faut faire quelque chose contre la dégradation du climat. Or chaque fois qu'on arrive au pied du mur, si j'ose dire, on entend: «Non, non, c'est trop cher, il faut attendre ! Les locataires, les propriétaires ne sont pas d'accord !», etc. Ce qui s'est passé aujourd'hui avec le refus d'entrer en matière sur le projet de loi sur la biodiversité est caractéristique. Toute une série d'arguments font qu'on va assister aussi à un refus d'entrer en matière sur ces toitures végétalisées.

Ce qu'il faut dire concrètement, c'est qu'on nous a démontré - je reconnais d'ailleurs l'honnêteté de certains - que les coûts de ces toitures végétalisées n'étaient pas énormes et qu'ils pouvaient être pris en charge par les propriétaires et les locataires, contrairement à ce que certains veulent nous faire croire en nous disant que la LDTR bloque tout. Ce n'est pas vrai ! Un fonctionnaire spécialiste de ces questions nous a montré qu'on pouvait répercuter le coût d'un certain nombre de travaux sur les loyers des locataires, ce que d'ailleurs l'ASLOCA ne conteste pas - on l'a aussi auditionnée. En fait, on arrive ici dans le lourd, avec des questions qui ont trait à l'isolation, parce que les bâtiments représentent 40% à 50% des émanations de CO2. Certains se sont exprimés dans les journaux pour dire qu'il fallait que la collectivité mette la main à la poche pour soutenir ces rénovations, parce qu'il y aurait beaucoup d'investissements à faire. Nous sommes d'accord que la collectivité les soutienne, mais l'histoire démontre qu'il y avait des fonds à disposition pour la rénovation des bâtiments, et ces fonds n'ont pas été utilisés largement parce que la condition était que les propriétaires produisent l'état locatif, c'est-à-dire le rendement des bâtiments. Or une majorité de propriétaires refuse encore aujourd'hui de montrer l'état locatif de leurs bâtiments.

Alors c'est très clair pour nous, Ensemble à Gauche: nous serons d'accord d'augmenter les investissements de la collectivité pour soutenir la transition énergétique, notamment des bâtiments, mais il faudra, si j'ose dire, montrer patte blanche et faire en sorte que ces soutiens de la collectivité ne soient pas une manière d'empocher encore plus d'argent pour certains propriétaires. Je vous remercie de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). Bon, en fait ce débat n'est pas nouveau: il a déjà eu lieu il y a pas mal de temps dans cette enceinte, à travers la motion 2095, qui demandait en somme exactement la même chose, à savoir une quasi-obligation de végétaliser les toitures. C'est exactement pour les mêmes raisons qu'à l'époque que nous allons refuser ce projet de loi aujourd'hui. Il faut être réaliste et savoir à quoi s'attendre, c'est-à-dire à des augmentations de loyer conséquentes pour les locataires, et c'est un surcoût non négligeable. Vous devez absolument en tenir compte !

L'UDC s'est toujours opposée au principe même d'obligation. Par contre, nous avons toujours été ouverts à des incitations fiscales. Les amendements esquissés en commission n'allaient pas du tout dans ce sens-là, hein, il faut le dire aussi ! C'était juste un semblant d'assouplissement sur certaines obligations, mais cela n'allait pas du tout dans le sens d'incitations. C'est essentiellement pour ces deux raisons que le groupe UDC a refusé ce projet de loi et qu'il vous invite à faire de même. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. le député François Lefort pour une minute et cinquante et une secondes.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi propose que les toitures plates actuelles soient végétalisées, que toutes les nouvelles constructions avec toitures plates soient végétalisées et que cela soit aussi le cas lors des rénovations; cela concerne 730 hectares de toitures à Genève. La végétalisation des toitures est en plus compatible avec les panneaux solaires photovoltaïques; elle n'est pas en concurrence avec les panneaux solaires, c'est même un avantage grâce à l'effet climatiseur de la végétation. Cela permet d'augmenter le rendement des panneaux photovoltaïques de 6%. Par leur action de climatisation, les toitures végétalisées permettent de réduire les effets d'îlots de chaleur. Par leur compatibilité avec les panneaux solaires, elles peuvent participer à la production d'énergie. Par leur effet sur l'isolation des bâtiments, elles participent aussi à l'économie d'énergie. Par leur capacité de rétention de l'eau pluviale, elles ralentissent le ruissellement et aident à la gestion des eaux de ruissellement; elles réduisent ainsi les coûts de gestion de ces eaux et favorisent le maintien de la biodiversité en milieu urbain.

Toutes ces qualités font des toitures végétalisées des écosystèmes urbains, et qui dit écosystèmes urbains dit services écosystémiques - des services écologiques au bénéfice de l'humain -, et je crois que certains vont commencer à prêter l'oreille, car qui dit services écosystémiques dit services économiques, et donc bénéfices économiques, car oui, ces services économiques sont créateurs de valeurs et, dans tous les avantages cités, vous pouvez déjà distinguer les bénéfices économiques. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) On parle bien ici d'évaluation économique de la biodiversité qui stabilise notre cadre de vie et qui nous protège, et ces services sont bien sûr des valeurs non marchandes, mais ont des conséquences économiques.

Alors bien sûr, la principale critique est le surcoût, qu'on nous oppose...

Le président. Merci.

M. François Lefort. ...depuis 1993, Monsieur le président ! Et à chaque fois que nous proposons... Et je répondrai qu'évidemment, ces toitures végétalisées sont aussi économiquement avantageuses...

Le président. Merci.

M. François Lefort. ...et que leur rendement économique est supérieur. Maintenant, vous avez noté que les amendements...

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous êtes au terme de votre temps de parole.

M. François Lefort. ...n'ont pas été étudiés...

Le président. Je cède la parole à...

M. François Lefort. ...et je demande donc le renvoi en commission de ce projet de loi, pour qu'on puisse... (Commentaires.)

Le président. Merci. J'en ai pris note, Monsieur le député.

M. François Lefort. ...étudier les amendements. Le renvoi en commission est donc demandé.

Le président. Sur cette demande de renvoi en commission, Madame Adrienne Sordet ?

Une voix. Quelle commission ? (Commentaires.)

Le président. Allez-y, Madame Sordet.

Mme Adrienne Sordet (Ve), rapporteuse de minorité. Je soutiens totalement cette demande de renvoi en commission.

Le président. Très bien, merci. Monsieur Béné, sur le renvoi en commission.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Bien évidemment, c'est non.

Le président. Très bien. Monsieur le conseiller d'Etat Antonio Hodgers, sur le renvoi en commission.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je dirai quelques mots, parce que ce renvoi semble opportun, en tout cas aux yeux du Conseil d'Etat, pour une raison: vous avez consacré plusieurs séances à débattre, à auditionner des gens au sujet de ce projet de loi et vous n'avez pas pris la peine d'auditionner les services compétents de l'administration - ni l'office cantonal de l'agriculture et de la nature, ni l'office cantonal de l'eau, ni l'office cantonal de l'énergie. C'est quand même incroyable que dans le cadre de travaux parlementaires, dans une commission, le parlement n'entende pas l'administration, les experts, celles et ceux qui au quotidien travaillent sur ces questions-là et les mettent en oeuvre. Rien que pour cette raison, je trouverais intéressant que ce projet de loi retourne en commission.

Pour quelle autre raison ? Il devrait y avoir un espace de consensus. C'est vrai que ce projet de loi est rédigé de manière un peu carrée, en instaurant une obligation généralisée. D'un autre côté, si on prend les chiffres actuels, seulement 4% des surfaces de toits de notre canton sont végétalisées ! Est-ce qu'il n'existe pas un espace de consensus entre la situation actuelle qui stagne et cette proposition, Mesdames et Messieurs les députés ? Il n'y a pas beaucoup de demandes. Il existe des instruments d'incitation, et ils sont peu utilisés. On se situe autour de 4% actuellement, on tend vers 5%, et peut-être que ce projet de loi... C'est vrai qu'il introduit une obligation, pour atteindre idéalement 100% de toits végétalisés. Est-ce qu'il n'y a pas un espace de compromis possible dans ce parlement entre la situation actuelle, qui place Genève très en retard par rapport à d'autres villes et par rapport à d'autres cantons, et ce projet de loi, certes rédigé de manière offensive ? Est-ce qu'il n'y a pas un espace de consensus possible sur ce sujet, à propos duquel - vous l'avez lu dans le rapport - même les milieux professionnels sont capables de dire qu'on peut aller de l'avant ? Il doit y avoir des mécanismes financiers, il doit y avoir de la défiscalisation de ce type d'investissements. Comme l'a relevé M. Pagani, il peut même y avoir un report sur les locataires, avec une augmentation des loyers pour financer ce type de travaux.

Mesdames et Messieurs, ce sujet a tout pour lui en matière de création de consensus politique, il est vraiment dommage de le refuser d'un revers de main. Le Conseil d'Etat soutient donc le renvoi en commission, en premier lieu ne serait-ce que pour que vous puissiez entendre les services compétents et indiquer dans votre rapport ce qui se fait déjà, parce que ce n'est écrit nulle part, et en deuxième lieu pour peut-être - ô magie politique qui survient parfois ici ! - trouver un consensus.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi de ce projet de loi à la commission des travaux.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12778 à la commission des travaux est rejeté par 54 non contre 40 oui.

Le président. Nous poursuivons le débat avec la prise de parole de M. le député Marc Falquet pour une minute et vingt-huit secondes.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, les Grecs le savent depuis longtemps: pour refroidir une maison, ils utilisent une méthode assez simple: la peinture blanche. Donc avant de dégager des moyens pour végétaliser toute la ville, il serait déjà intéressant de ne pas autoriser des immeubles noirs - parce qu'on voit des immeubles neufs qui sont noirs et qui absorbent la chaleur, ce qui est déjà assez étonnant -, et puis, simplement, de peindre les toits en blanc, ce qui permet de refroidir en attendant de végétaliser. Merci beaucoup.

Une voix. Bravo, Marc ! (Rire.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. le député Christo Ivanov pour cinquante-quatre secondes.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne suis pas membre de cette commission, mais en lisant le rapport et pour contredire notre magistrat, je relève les auditions de M. Vladan Schroeter, directeur ingénierie et énergie, de l'OCBA; de M. Julien Beaugheon, chef de projets en développement durable à l'OCBA; de M. Francesco Perrella, directeur de l'OCLPF, département du territoire, et de Mme Babina Chaillot Calame, conservatrice cantonale des monuments, etc., etc. Il ne faut donc pas dire qu'il n'y a pas eu d'auditions: elles ont été menées, et puis voilà, la démocratie fera ensuite ce qu'elle doit. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Plus personne ne souhaitant s'exprimer, nous passons au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12778 est rejeté en premier débat par 54 non contre 38 oui et 2 abstentions.