République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12592-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Dandrès, Alberto Velasco, Olivier Baud, Léna Strasser, Salima Moyard, Nicole Valiquer Grecuccio, Salika Wenger, Xhevrie Osmani, Jocelyne Haller, Christian Zaugg, Pierre Bayenet, Jean Batou, Jean Burgermeister, Pierre Vanek modifiant la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) (LDTR) (L 5 20) (Pour des chantiers habités qui respectent les locataires)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 11 et 12 mai 2020.
Rapport de majorité de M. André Python (MCG)
Rapport de minorité de M. Alberto Velasco (S)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 12592-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je cède sans plus attendre la parole au rapporteur de majorité, M. André Python.

M. André Python (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi proposant de réduire les nuisances des chantiers lors de travaux en présence des locataires est de nature à retarder les travaux, qui vont durer beaucoup plus longtemps. De plus, limiter les horaires sur les chantiers compliquera la planification des rénovations. Les petites entreprises qui ont plusieurs chantiers en cours devront jongler entre ceux-ci pour faire les travaux bruyants dans les tranches horaires définies, ce qui paraît impossible. De ce fait, bien que ce texte vise à protéger les locataires, la majorité de la commission l'a rejeté et nous vous proposons de faire de même. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Je tiens à dire que ce projet de loi est issu d'une concertation avec des associations de locataires d'immeubles qui ont subi des travaux, et des travaux... (Brouhaha.) S'il vous plaît, à côté, vous pourriez... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Ces travaux sont tels, Mesdames et Messieurs, que la manière dont on traite les locataires met parfois leur dignité à l'épreuve - c'est le cas de le dire ! Quand vous avez des intrusions dans votre appartement, quand on ne vous consulte pas pour la suite des travaux, sur le calendrier, quand on ne tient pas compte des nécessités, eh bien oui, cela porte absolument atteinte à votre dignité.

Ce projet de loi a été déposé en 2019, le rapport en 2020. Vous le savez, il y a eu pas mal de chantiers depuis lors, notamment à la rue de la Servette - des articles de journaux en parlent - où les locataires vivent un enfer. Je peux aussi vous citer des chantiers à la place des Augustins, où les gens avaient un trou dans leur cuisine - un trou, carrément, dans leur cuisine ! -, où les ouvriers pénétraient dans le logement le matin, parfois sans prévenir. Est-ce digne, cela ? Est-ce préserver la dignité des locataires, cela ?

Or que demande ce projet de loi ? Il demande simplement que l'on consulte les gens, qu'on établisse un calendrier avec les locataires. M. Python parle d'horaires; oui, nous avons fixé 9h, mais enfin, il y a des travaux qui peuvent se dérouler avant. On aurait aussi pu présenter un amendement en commission et on aurait de ce fait peut-être modifié les horaires ! Parce que ce projet de loi est aujourd'hui une nécessité, Mesdames et Messieurs ! Moi-même, je reçois des doléances de personnes qui subissent ces chantiers ! Je ne comprends donc pas pourquoi ce Grand Conseil, chaque fois qu'il s'agit de protéger les locataires, chaque fois qu'il s'agit de défendre la dignité des locataires - chaque fois -, dit non !

Mesdames et Messieurs, j'aimerais quand même que la commission du logement écoute à nouveau des gens qui ont subi, depuis le dépôt de ce rapport, des travaux et ont été atteints dans leur dignité. Pour cela, je demande que ce texte soit renvoyé en commission afin que ces locataires, ces citoyens, puissent être entendus. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission du logement. Est-ce que le rapporteur de majorité souhaite s'exprimer à ce propos ? (Remarque.) Monsieur André Python, c'est à vous.

M. André Python (MCG), rapporteur de majorité. Oui, merci, je refuse le renvoi.

Le président. Très bien. Est-ce que le Conseil d'Etat souhaite s'exprimer sur cette demande de renvoi ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas, nous passons à la procédure de vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12592 à la commission du logement est rejeté par 47 non contre 23 oui et 13 abstentions.

Le président. Nous poursuivons le débat et je cède la parole à Mme la députée Claude Bocquet.

Mme Claude Bocquet (PDC). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi a pour but de protéger la tranquillité des locataires qui vivent dans des immeubles en rénovation. Il est certes reconnu que les travaux dans un immeuble habité rendent la vie des locataires plus difficile, notamment à cause du bruit. Cependant, les propositions affichées par ce texte ne feront que prolonger la durée des travaux et en augmenteront les coûts, qui se répercuteront sur les locataires.

Demander que les travaux ne commencent qu'à 9h du matin et cessent de 12h à 14h est complètement irréaliste alors que les CCT des milieux de la construction prévoient que les ouvriers doivent commencer leur travail à 7h et que la pause de midi est de 12h à 13h. Les auteurs du projet de loi pensent qu'il suffit que les entreprises s'organisent et fassent bouger les ouvriers d'un chantier à l'autre pour assurer ces plages horaires de calme. Outre le casse-tête que représenterait l'organisation d'un tel planning, déplacer des équipes d'un bout à l'autre du canton induirait une énorme perte de temps tout en engorgeant inutilement la circulation - sans compter que de nombreuses petites entreprises n'ont pas forcément plusieurs chantiers en même temps.

La loi actuelle oblige déjà le propriétaire à informer au préalable, par écrit, les locataires de la liste des travaux autorisés et du programme d'exécution de ces travaux. Ces derniers ont trente jours pour présenter leurs observations et suggestions éventuelles. Genève a un taux de rénovation de 50% plus bas que les autres cantons; rigidifier encore plus la loi ne ferait qu'empirer les choses. Si l'on veut lutter efficacement contre le réchauffement climatique, il est urgent d'encourager les rénovations qui permettent d'améliorer l'efficience énergétique des bâtiments, responsables à l'heure actuelle d'une grande partie des émissions de CO2. Cet objet aurait un effet contraire à ce but en rigidifiant la loi. Pour toutes ces raisons, le PDC refusera ce projet de loi.

M. Yvan Zweifel (PLR). Mme Bocquet vient de le dire, le but de ce projet de loi est évidemment louable et on comprend tout à fait les interrogations de notre collègue Velasco, qui parle de dignité des locataires. On peut effectivement imaginer que le bruit assourdissant parfois engendré par certains chantiers n'est pas de nature à permettre de vivre de manière digne, comme il le disait. Mais est-ce que ce texte permet de répondre à cela ? Non, bien sûr que non, puisque vous ne faites en réalité qu'allonger la durée du problème: en diminuant les horaires d'intervention, il y aura effectivement des heures plus calmes, mais ce chantier durera simplement plus longtemps. La nuisance sera donc peut-être moindre mais elle durera plus longtemps. Est-ce ainsi que l'on réglera la question de la dignité des locataires ? Il ne me semble pas que ce soit une bonne solution.

Mme Bocquet l'a dit également: les conventions collectives de travail, qui aux dernières nouvelles ont été acceptées par les syndicats - ça devrait parler à l'oreille de la gauche -, prévoient des horaires qui peuvent aller jusqu'à dix heures par jour ! Ce texte ne propose quant à lui que sept heures; on perd donc trois heures par jour de chantier, ou 30%. Et c'est de ces 30% que la durée des chantiers va s'allonger dans le temps; par conséquent, les nuisances se poursuivront plus longtemps - peut-être un peu moins fort, mais plus longtemps. Je ne crois pas que c'est ce que cherchent à obtenir les locataires. Cela provoquera évidemment aussi une augmentation des coûts de construction: si le chantier dure plus longtemps, eh bien ça coûte plus cher ! Si ça coûte plus cher, une question se pose: qui va payer ? L'ASLOCA, représentée par M. Velasco, nous dira que ce n'est pas normal, mais ce seront pourtant les locataires qui vont payer puisque le coût de la construction aura été plus élevé. Là encore, je ne pense pas que ce soit aider les locataires que de voter cet objet.

Vous l'aurez compris, ce projet de loi aura pour conséquence un renforcement de la LDTR. Or celle-ci, on le sait, est aujourd'hui un frein à la rénovation du parc immobilier. Mme Bocquet l'a mentionné, Genève rénove ses bâtiments deux fois moins vite que les autres cantons, précisément parce que les règles sont moins strictes dans ces autres cantons et les coûts évidemment moindres. Or, cela aussi a déjà été dit, ces rénovations sont importantes au regard d'un objectif qui devrait parler à l'oreille du principal allié du parti socialiste, c'est-à-dire les Verts: l'urgence climatique. C'est en rénovant nos bâtiments que ceux-ci seront moins énergivores et que l'on ira dans la bonne direction en ce qui concerne cet objectif climatique.

En conclusion, vous l'aurez compris, ce projet de loi n'est ni écologique, ni économique, ni social. S'il ne rentre dans aucune de ces trois catégories, ça veut dire qu'il n'est pas durable et vous savez ce qui se passe avec quelque chose qui ne dure pas: on le refuse, il faut le jeter. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, le groupe PLR vous propose de rejeter ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs, le député Zweifel a bien compris pourquoi les Verts se sont abstenus et pourquoi ils vont peut-être voter de manière dispersée. La réalité des locataires dans un chantier habité est en effet extrêmement rude et nous en convenons très volontiers. Néanmoins, vivre dans un immeuble qui n'est pas rénové, qui année après année est un gouffre énergétique, nuit aussi d'une façon extrêmement pénible au confort des locataires.

Les Verts souhaiteraient que ces immeubles puissent être rénovés: il y a urgence. Nous savons à l'heure actuelle construire des bâtiments dits passifs, qui distribuent plus d'énergie qu'ils n'en consomment, mais la majorité du parc immobilier n'entre pas dans cette catégorie. Il y a urgence climatique; l'habitat est aujourd'hui un des domaines où nous gaspillons le plus d'énergie. Nous devons absolument rénover ces immeubles pour faire face à l'urgence climatique. Vous savez que le coût d'un échafaudage est extrêmement élevé. C'est un chantier qui est immense, ne serait-ce que pour changer les vitrages des immeubles qui ne sont pas encore aux normes malgré la loi. Il est donc urgent de poursuivre et de mener à bien ces rénovations.

Les Verts reconnaissent que les locataires sont victimes de ces travaux et que ce qu'ils vivent est extrêmement pénible, mais nous avons aussi le devoir collectif de préserver notre planète. C'est pourquoi les votes des Verts seront dispersés sur cet objet.

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi fort simple et modeste prévoit seulement trois choses. La première est que les locataires qui subissent un chantier soient correctement informés sur les nuisances et le calendrier des chantiers - ça me semble être le minimum, disons. Le deuxième point, c'est qu'il y ait un suivi correct du chantier par la désignation d'une personne apte à répondre aux doléances et aux préoccupations des locataires. Il me semble que c'est frappé au coin du bon sens et qu'il n'y a par ailleurs aucun problème ou ralentissement du chantier imputable à ces éléments. Le troisième point vise à limiter les nuisances au strict nécessaire et à aménager les horaires des chantiers, soit de 9h à midi et de 14h à 18h.

C'est sous le prétexte de ce dernier point que l'ensemble de la droite et, malheureusement, une partie des Verts entendent refuser cet objet. Vous m'excuserez, mais c'est quand même d'une sacrée mauvaise foi ! J'ai regardé le rapport: aucune proposition de modification, d'amendement, de ces horaires - aucune demande d'amendement pour supprimer la troisième invite, si vous voulez. Ils se réfugient donc derrière cet argument - je précise que c'est un argument fallacieux qui n'est pas vrai du tout - pour refuser en bloc ce qui relève de la moindre des décences, soit d'informer, de faire un suivi et de permettre aux gens de s'exprimer sur des nuisances qui les touchent tous les jours.

J'aimerais par ailleurs préciser que les appartements ne sont pas que des lieux de vie: ce sont également des lieux de travail - pour les mamans de jour, lors de télétravail -, des lieux où il y a des malades et finalement aussi des lieux de socialisation. Ces espaces-là sont entamés et ce n'est de fait pas vrai que tout le monde part travailler à 7h et revient à 18h, que ça ne pose pas de problème. Il faut prendre en compte cette diversité. De ce point de vue, ce projet de loi n'est pas du tout excessif: il propose juste des aménagements pour rendre les nuisances le moins problématiques possible.

Passons aux heures de chantier, qui ne sont pas conformes aux horaires usuels. Je vois que M. Zweifel - vous transmettrez, Monsieur le président - n'a jamais travaillé sur un chantier et ne sait pas comment ça se passe. D'abord, on va au dépôt prendre le matériel; il y a le chargement du matériel. L'intervention ne démarre pas à 7h - c'est extrêmement rare - ou alors elle se finit beaucoup plus tôt ! Il n'y a par conséquent aucun problème à aménager ces horaires de la sorte et le syndicat Unia est d'ailleurs venu en témoigner en audition. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

J'aimerais donc inviter ce Grand Conseil à voter ce projet de loi pour prendre en compte, comme l'a dit M. le député Velasco, la dignité des locataires et surtout pour renforcer les droits des locataires...

Le président. Merci.

M. Pablo Cruchon. ...face aux nuisances. S'il vous plaît, ne vous réfugiez pas derrière le réchauffement climatique, parce que dire que le droit des locataires est la cause du frein à la lutte contre le réchauffement climatique...

Le président. Merci.

M. Pablo Cruchon. ...c'est un peu fort de café de la part de gens qui soutiennent les multinationales. Merci. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, c'est vrai que les entrepreneurs devraient être respectueux des locataires et je pense que, comme le signale M. Velasco, ce n'est pas toujours le cas aujourd'hui - loin de là ! Les locataires subissent poussière, bruit, etc., et même des comportements intrusifs d'ouvriers dans les appartements. Mais est-ce qu'il faut changer la loi ? On a dit que changer la loi rallongerait plutôt les travaux et donc aussi les nuisances. Le département a également été auditionné et il existe tout ce qu'il faut en matière de législation pour que les locataires puissent se défendre si cela s'avère nécessaire.

Par contre, ce qu'il faudrait faire, c'est sensibiliser les entreprises, les entrepreneurs et leurs employés, sur le respect à avoir envers les locataires - peut-être qu'ils n'ont pas toujours conscience des désagréments qu'ils causent - sans modifier la loi ! Je pense effectivement qu'il faudrait ramener à l'ordre certains entrepreneurs qui ne respectent pas les locataires - et loin de là. Merci bien.

M. Sandro Pistis (MCG). Il s'agit d'un projet de loi boomerang: on vous propose de défendre les locataires alors qu'en réalité ce texte a un effet inverse - je vous invite à le lire. On vous demande déjà trente jours de consultation; c'est-à-dire que si vous souhaitez rénover un appartement - un appartement qui serait insalubre - il faut commencer par consulter les locataires pendant trente jours. Puis, on vous propose de rénover cet appartement pendant une période de sept heures par jour travaillé: cela reviendrait à dire que les employés, pour faire au minimum quarante heures de travail par semaine, devraient également travailler le samedi. On vous propose par ailleurs, je l'ai indiqué, la possibilité de consulter.

Le problème, c'est que ce projet de loi va tuer nos entreprises. Il va tuer nos entreprises parce que ça va rajouter une couche administrative supplémentaire. Alors nous sommes prêts, au sein du MCG, à voter ce genre de projet de loi, mais du moment qu'on met des bâtons dans les roues aux entreprises qui ne jouent pas le jeu, du type entreprises frontalières qui viennent, qui s'installent, mais ne déclarent même pas leur travail à Genève. Là, je suis prêt, nous sommes prêts à voter ce genre de projet de loi, mais n'allons pas mettre des bâtons dans les roues à des entreprises genevoises qui - c'est notre avis - répondent aux critères et respectent les conditions-cadres de travail.

On ne peut pas demander à des ouvriers de se lever pour aller travailler sur un chantier à 9h du matin. Quant aux chantiers, lorsqu'ils sont importants, des cabines sont aujourd'hui installées sur place la plupart du temps, où sont mis à disposition les outils de travail. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le groupe MCG vous invite à refuser ce projet de loi qui va à l'encontre du but recherché. Merci.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais quand même rappeler de quel genre de nuisances on parle lorsqu'il est question de chantiers d'importance qui se déroulent sur plusieurs mois et qui restent toutefois habités par leurs locataires. Certains semblent dire qu'il s'agit d'un petit peu de bruit, de temps en temps, à certaines heures de la journée; oui, c'est effectivement du bruit, mais du bruit massif, et ce pendant plusieurs heures par jour, plusieurs mois d'affilée ! C'est aussi de la poussière; ce sont parfois des ascenseurs mis hors service, avec par exemple des personnes âgées qui habitent dans les derniers étages et ne peuvent plus descendre les escaliers - elles ne peuvent donc tout simplement plus sortir de chez elles. On parle d'appartements qui n'ont plus de sanitaires; des sanitaires temporaires sont alors installés au rez-de-chaussée et vous imaginez bien que c'est extrêmement lourd pour des familles avec des enfants qui doivent peut-être aller aux toilettes pendant la nuit - c'est extrêmement pénible à subir pour les locataires. Alors oui, des chantiers sont nécessaires pour rénover certains immeubles de notre parc locatif, mais il faut impérativement limiter leurs nuisances !

C'est la moindre des choses que d'informer les locataires de ces travaux en amont, mais aussi de les tenir informés en cours de route; de les protéger non seulement contre les nuisances mais également contre les poussières et les risques liés à la sécurité qu'il peut y avoir lors de ces chantiers habités; et puis de leur offrir quelques petites périodes de répit pendant la journée, le matin pour pouvoir dormir ou prendre le petit-déjeuner en famille et à midi pour manger de façon apaisée avec leurs proches, dans leur logement. C'est juste ce que propose ce projet de loi: quelques petits aménagements pour rendre ces chantiers plus supportables pour les locataires qui y habitent. Raison pour laquelle le groupe socialiste vous invite à l'accepter. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole va à M. le député Serge Hiltpold pour trente et une secondes.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. En fait, un ouvrier mange et a le droit d'être respecté lui aussi. Je demande au parti socialiste et à Ensemble à Gauche: que fait un ouvrier à midi, pendant deux heures, lorsqu'il n'a pas de local de pause et une gamelle ? Est-ce que vous êtes sortis une fois de votre appartement ? Qu'est-ce que vous faites pendant deux heures quand vous êtes sur un chantier et que vous n'avez pas de local de pause ?

Le président. Merci.

M. Serge Hiltpold. Eh bien, vous mangez en une demi-heure et vous reprenez le travail le plus rapidement possible ! C'est ça, le respect des travailleurs !

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Serge Hiltpold. Et puis avant de vous préoccuper des poussières pour les locataires, préoccupez-vous des poussières et des conditions de travail...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député !

M. Serge Hiltpold. ...pour les ouvriers ! Merci. (Applaudissements.)

Le président. La parole va à M. le rapporteur de minorité Alberto Velasco pour une minute... (Commentaires.) S'il vous plaît, Monsieur Cruchon, pas de vociférations hors micro ! La parole va à M. le rapporteur de minorité Alberto Velasco pour une minute et vingt-huit secondes.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais répondre à M. Pistis - Monsieur le président, permettez que je m'adresse à lui - qui parle de tuer les entreprises. Mais M. Pistis n'a pas compris que c'est une loi et qu'une loi s'applique à toutes les entreprises. Par conséquent, il n'y a pas de traitement différencié puisque tout le monde applique la même règle. Et du point de vue des coûts, il n'y a aucun problème, Monsieur Pistis; ce sont des règles toutes simples d'économie !

Ensuite, qui dit que ce texte s'oppose à des rénovations ? Le problème, chers collègues Verts, c'est que la politique climatique ne peut pas se faire sur le dos des locataires. Elle ne peut se faire que dans une égalité de traitement social ! Parce que sinon, il y a une injustice - il y a double injustice ! Double peine, même: non seulement on demande à ces gens de protéger l'environnement, mais on leur demande en plus d'assumer les coûts ! Et ça, ce n'est pas possible, Mesdames et Messieurs !

On peut rénover, il n'y a aucun problème, mais on peut le faire dans un délai raisonnable, disons, parce que ce qui est important, Mesdames et Messieurs, c'est que la vie soit digne ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est que les gens puissent vivre comme il se doit, qu'ils puissent être avec leurs enfants dans leur appartement - ils n'ont pas de villa ! Les gens qui souffrent là ne sont pas dans des villas ! Ils habitent dans des immeubles, la plupart locatifs, et bien souvent dans des logements sociaux ! Ce sont eux qui subissent...

Le président. Merci.

M. Alberto Velasco. ...ces problèmes ! (Applaudissements.) Alors je vous demande, Mesdames et Messieurs, d'avoir vraiment un peu de respect...

Le président. Merci.

M. Alberto Velasco. ...et de considération pour la dignité des locataires, et d'accepter ce projet de loi. Si vous voulez changer les heures...

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Toutes mes excuses, mais c'est terminé.

M. Alberto Velasco. ...déposez un amendement ! Déposez un amendement ! Merci.

Le président. Monsieur le député François Baertschi, vous avez la parole pour une minute et deux secondes.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. L'opinion du MCG sur ce projet de loi est mise en cause. C'est vrai que ce texte, à notre sens, est anti-locataires ! On veut faire le bien des locataires, mais en voulant faire le bien des gens, on crée leur malheur. Hélas ! Je comprends les auteurs du projet de loi, qui sont partis d'une bonne idée; beaucoup de locataires se plaignent en effet des nuisances et ils ont raison. C'est vrai qu'il faut réduire les nuisances, mais cet objet ne va rien changer ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Au pire, il va encore dégrader la situation actuelle ! Donc je vous en conjure, vraiment, pour les locataires, pour le bien des locataires et pour leur qualité de vie, ne votez surtout pas ce projet de loi ! C'est ce que vous demande le MCG. Merci, Monsieur le président.

M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'interviendrai très brièvement pour vous dire que le Conseil d'Etat ne soutient pas ce projet de loi. Il aurait des effets totalement contraires, comme certains et certaines d'entre vous l'ont indiqué, en rallongeant notablement les chantiers alors que, fondamentalement, on doit les accélérer - en particulier les chantiers de rénovation. Nous avons aujourd'hui un taux de rénovation de l'ordre de 1%, soit moins de la moitié de la moyenne suisse. Dans le plan climat cantonal que le Conseil d'Etat a présenté début juin, il expose son ambition d'avoir un taux de renouvellement deux fois et demie plus élevé en 2030, soit de 2,5%, et puis de 4% en 2050.

Il est absolument indispensable - absolument indispensable ! - non de ralentir le mouvement, mais de l'accélérer. C'est, en ce qui nous concerne, l'argument principal, et nous constatons, nous ne pouvons que constater que des dispositions du type de celles qui figurent dans ce texte ne pourraient que retarder, entraver et ralentir tout cela. Au demeurant, le cadre légal actuel - le code des obligations en particulier, mais également la LCI et le règlement sur les chantiers - définit clairement les droits des locataires et les devoirs des constructeurs, et nous estimons que le cadre en question, réglementaire et légal, est largement suffisant. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12592 est rejeté en premier débat par 56 non contre 29 oui et 10 abstentions.