République et canton de Genève

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PL 12911-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'aide aux personnes sans abri (LAPSA) (J 4 11)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 2 et 3 septembre 2021.
Rapport de majorité de M. Grégoire Carasso (S)
Rapport de minorité de M. Pierre Bayenet (EAG)

Premier débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante, le PL 12911-A, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de minorité, M. Pierre Bayenet, est remplacé par M. Christian Zaugg. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Grégoire Carasso.

M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des affaires communales, régionales et internationales a étudié ce projet de loi dans le cadre de sept séances en mai et juin. Le texte tire ses racines d'une volonté du Conseil d'Etat annoncée en 2017 de clarifier entre canton et communes les compétences quant à l'hébergement d'urgence. Depuis que Manuel Tornare a proclamé comme engagement politique et moral qu'il n'y ait à Genève aucune personne qui puisse mourir de froid, l'hébergement d'urgence est assuré essentiellement par la Ville de Genève.

Le projet de loi, c'est sa volonté, répartit les compétences de la manière suivante: le canton est chargé de la dimension sociosanitaire, tandis que les communes seraient dorénavant exclusivement compétentes pour délivrer les prestations liées à l'accueil d'urgence des personnes sans abri. Ce texte impose donc des obligations. Il donne des droits aux personnes sans abri. Enfin, il oblige les communes à contribuer au financement.

Ce qui a constitué le coeur des discussions de la commission est le financement. Aujourd'hui, la Ville de Genève - j'y ai fait référence à l'instant - finance le dispositif à raison d'environ 15 millions par an. L'Association des communes genevoises contribue, elle, à hauteur d'un million par an. Est-ce suffisant ? Est-ce satisfaisant ? Certainement pas. La majorité de la commission a néanmoins voulu voir le verre à moitié plein. Ainsi, une lourde responsabilité politique et morale pèse sur l'ACG pour que les communes, précisément, contribuent plus substantiellement à un dispositif complet d'accueil en Ville de Genève, le seul à même de garantir que dans une ville riche comme Genève, capitale des droits humains, personne ne meure de froid.

C'est forte de ces considérations que la commission, dans une très large majorité, vous invite à voter ce projet de loi 12911. Je vous remercie.

M. Christian Zaugg (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, je tiens à dire que je suis membre de la CACRI, mais que j'ai dû, à un moment donné, arrêter mon travail au sein de cette commission parce que j'ai dû être opéré. C'est donc mon collègue Bayenet qui a pris le relais.

De quoi est-il question ? Au fond, au départ, tout provient de la Ville de Genève et de sa volonté d'agir dans le domaine du sans-abrisme. Il faut bien dire que la Ville de Genève effectue l'essentiel du travail en la matière. Elle y contribue, comme l'indiquait Grégoire Carasso, à hauteur de 15 millions - un montant très important - et elle offre ses infrastructures pour les sans-abri. Bien.

La commission a très vite réalisé en auditionnant Mme Kitsos, accompagnée au début de son collègue Staub, conseiller administratif socialiste de Vernier, que, derrière tout cela, il y avait surtout la volonté de la Ville et en particulier de Mme Kitsos - on remarquera à cet égard que son accompagnant, M. Staub, n'a pas manifesté d'une façon éclatante une envie de soutenir cet effort, de prendre en main le sans-abrisme. La commission, en auditionnant notamment M. Magnin, président de l'Association des communes genevoises, a compris que, du côté des communes genevoises, eh bien on n'était vraiment pas chaud ! C'est le moins que l'on puisse dire ! Et que l'effort proposé d'un million... Quand on voit que la Ville de Genève représente, bon an mal an - allez, j'arrondis un peu ! - la moitié de la population du canton et que les communes y sont pour l'autre moitié, si la part avait été équitable, il aurait fallu mettre 13 millions d'un côté et 13 millions de l'autre ! Mais les communes en sont restées à un montant de l'ordre d'un million. Or - bon, c'est purement théorique, parce que bien entendu, il faut tenir compte d'une certaine péréquation, de l'importance de certaines communes par rapport à d'autres, mais enfin si on s'amusait à diviser un million par 45, cela représenterait un effort de 20 000 francs par commune. Mais évidemment, cela ne correspond pas à la réalité.

Tout a donc tourné autour de la participation financière des communes genevoises. Et, encore une fois, la commission - en particulier la minorité aujourd'hui - a compris que les communes genevoises n'étaient pas vraiment prêtes à passer à la caisse. Il y a eu au fil des auditions une forme d'évolution. Le Conseil d'Etat est venu avec un nouveau projet et les choses ont évolué. Dans les dernières moutures issues de la commission, le principe que les communes devaient participer à l'effort a été ancré. Mon collègue Bayenet a déposé un amendement; nous souhaitons qu'il passe, mais je tiens à dire tout de suite qu'au bout du compte, nous voterons quand même le projet de loi issu de la commission - que les choses soient bien claires ! Parce qu'il vaut mieux faire un petit pas en avant que trois pas en arrière. Bien.

Cela étant dit, je défends maintenant l'amendement que notre collègue Bayenet avait déposé. Il énonce que les communes contribuent de manière solidaire au financement des prestations communales. Donc, les communes «in globo» - il ne s'agit pas là de quelques communes riches - participent à cet effort. L'argument de mon collègue Bayenet, c'est qu'il importe d'inscrire expressément dans la loi un principe fondateur, à savoir que les communes doivent toutes contribuer à la prise en charge des sans-abri en nature et en espèces et ne plus se reposer essentiellement sur la seule action de la Ville de Genève. Les mots «de manière solidaire» n'ont pas de portée juridique, mais font mieux comprendre l'intention du législateur.

Je pense que si, comme moi, vous estimez que les communes doivent participer de manière solidaire à l'hébergement et à la prise en charge des sans-abri, eh bien vous voterez cet amendement présenté par mon collègue Bayenet. Mais, encore une fois, en dernier ressort, votons quand même tous ensemble le projet de loi issu de la commission !

M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'hébergement hivernal des personnes sans abri ne pourra pas être reconduit. Les 13 millions dont dispose la Ville de Genève sont absolument insuffisants. Ce projet de loi définit les responsabilités financières entre les communes et le canton. Ce projet de loi proclame l'inconditionnalité de l'aide. Aujourd'hui, comme l'ont dit mes préopinants, la responsabilité morale et financière doit être collective. La coordination entre entités publiques, instances privées et associatives doit être améliorée. A l'heure actuelle, seules 20% des personnes sans abri parviennent à accéder à des prestations sociales. Le Collectif d'associations pour l'action sociale et le Collectif d'associations pour l'urgence sociale bénéficient d'une expertise incontournable dans l'accompagnement des sans-abri. Ces groupements tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme. Ils nous interpellent et interpellent l'Association des communes genevoises ainsi que les autorités du canton. Genève manque de lieux d'hébergement, mais aussi d'espaces pour développer des activités. Proposer des lieux d'hébergement doit à tout prix permettre de réorienter les sans-abri qui n'ont pas les capacités ou les possibilités de solliciter leurs droits. C'est pourquoi le groupe socialiste vous demande d'accepter ce projet de loi et les amendements d'Ensemble à Gauche. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai envie de dire: enfin ! Et merci ! Un petit merci à Ensemble à Gauche, parce qu'on connaît tous la technique parlementaire: si ce groupe n'avait pas déposé son projet de loi, la CACRI n'aurait pas pu s'autosaisir de cette problématique.

Quant au fond, il est intolérable, aujourd'hui, dans notre société, comme l'a très bien relevé le député Deonna, de voir des gens se trouver dans une telle détresse, essayant de rebondir dans une vie sociale acceptable. Je dis bien «acceptable».

Après avoir mené beaucoup d'auditions, la commission a estimé qu'il fallait que les communes participent à raison d'un million par année. Sur ce point, il me paraît tout à fait intéressant de relever et de rappeler dans ce parlement que tout le système péréquatif est basé sur la Ville de Genève. Pourquoi ? Parce que la Ville de Genève est une ville-centre. Or c'est en fonction de cette ville-centre qu'on admet qu'il y a effectivement des tâches qui sont dévolues davantage à la cité qu'au monde rural.

Oui, Mesdames et Messieurs, en demandant aujourd'hui à l'ensemble des communes de participer dans un premier temps à raison d'un million de francs par année, nous réalisons un acte de solidarité, et le parti démocrate-chrétien vous demande de voter ce projet de loi, sans les amendements, parce qu'ils ne sont pas nécessaires et que la loi doit laisser l'autonomie au Conseil d'Etat et à l'Association des communes genevoises quant à la continuation des discussions. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, écoutez, moi je prends acte de ce projet de loi, mais je considère que c'est inachevé ! Le travail n'est pas fait jusqu'au bout ! En réalité, ici on vote un désengagement du canton. Le canton se débarrasse de cette problématique sur les communes, bon, ok, dont acte ! Mais on ne demande pas aux communes de participer d'une manière solidaire ou de fixer des critères, voire des montants pour aider la seule commune qui fait le travail ! Parce que la Ville de Genève met 15 à 16 millions par année - en 2020, entre parenthèses, c'est plus de 20 millions, compte tenu du covid-19 -, et ça ne peut pas continuer comme ça ! Ça ne peut pas être une seule commune qui fait un effort sur les 45 de ce canton !

Et c'est un effort qui n'est, au bout du compte, pas complètement satisfaisant, parce qu'on met depuis plus de vingt ans ces personnes dans les abris de protection civile. Peut-être qu'à un moment donné, il faudrait arrêter de les mettre dans les sous-sols ou dans les caves ! Parce que, contrairement à ce que certains pensent, une grande partie des sans-abri, ce sont des gens d'ici ! J'ai fait le tour ! Je les ai visités ! Ce sont des gens qui ont le passeport suisse, qui ont le permis C - pas seulement, mais en grande partie -, qui un jour trouvent un travail, alors ils sortent et reprennent une chambre d'hôtel, et quand ils n'en ont pas, ben hop ! ils reviennent dans les abris.

Donc qu'est-ce qu'on veut faire ? Est-ce qu'on veut, une fois pour toutes, dans un canton qui est tout de même riche, résoudre le problème ou poursuivre cette politique miséreuse - parce que je considère qu'elle est miséreuse ! - consistant à enterrer ces sans-abri dans les abris de protection civile d'une manière de toute façon insatisfaisante ? Insatisfaisante ! Et ça fait plus de vingt ans que ça se passe comme ça ! A un moment donné, il faudrait les mettre en surface, arrêter de les mettre dans les sous-sols.

Par ailleurs, je suis désolé, mais l'ACG ne fait pas son travail ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) L'ACG ne fait pas son travail, parce que... Oui, probablement qu'il n'y en a pas tellement dans la commune de Russin, mais les communes suburbaines comme Vernier, Meyrin, Carouge, Onex...

Le président. Merci.

M. Daniel Sormanni. ...et j'en oublie évidemment - je finis tout de suite, Monsieur le président, laissez-moi terminer ! - eh bien, elles ne font pas grand-chose ! C'est à elles d'appuyer la Ville de Genève...

Le président. Merci.

M. Daniel Sormanni. ...dans cette problématique et...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député. Il en est pris bonne note.

M. Daniel Sormanni. ...et de mettre la main à la poche ! Et moi je trouve que ce... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur s'exprime hors micro.) ...projet de loi est inachevé, il est insatisfaisant...

Le président. Monsieur le député Philippe Poget, à vous la parole.

M. Daniel Sormanni. ...et je demande le renvoi en commission ! (Commentaires.)

Le président. Un instant, Monsieur Poget ! Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Je vais donc proposer aux rapporteurs de se prononcer sur cette demande s'ils le souhaitent. Monsieur Carasso, brièvement, sur le renvoi en commission.

M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Si le cri du coeur et le positionnement politique de notre collègue Daniel Sormanni sont certainement partagés dans bien des rangs et en tout cas les miens, le rapport de majorité - et le rapport en général - montre à quel point l'équation a été retournée sous tous ses angles, et les variables ne vont pas changer si vous renvoyez le sujet en commission. Les auditions ont été faites. Il y a un véritable enjeu et une responsabilité qui repose dorénavant sur l'Association des communes genevoises, et cette équation-là ne bougera pas d'un iota, qu'on reparte en commission pour une année ou pour dix.

M. Christian Zaugg (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Le groupe Ensemble à Gauche partage entièrement les propos tenus par Grégoire Carasso. Nous nous opposons au renvoi en commission.

Le président. Il en est pris note, Monsieur le rapporteur. Je mets aux voix cette proposition de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12911 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 69 non contre 7 oui et 1 abstention.

Le président. Nous poursuivons le débat. Monsieur Philippe Poget, c'est maintenant à vous.

M. Philippe Poget (Ve). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je vais aussi m'associer aux paroles de M. Cerutti pour dire: enfin ! Et, effectivement, merci à Ensemble à Gauche de nous avoir fait nous saisir de cette question au sein de la CACRI. Ce projet de loi va permettre d'instaurer la nécessaire participation des communes genevoises à la problématique du sans-abrisme. Il faut reconnaître qu'il constitue vraiment une grande avancée dans ce dossier. D'abord, il précise les compétences entre le canton et les communes: les communes sont chargées de l'hébergement collectif et de l'appui social de premier recours, et le canton des soins infirmiers dans l'hébergement et des consultations ambulatoires mobiles. Les communes doivent mettre à disposition les locaux et les terrains nécessaires, et le canton est prêt à compléter cela, lorsqu'il en a la possibilité, à titre gracieux. Le second point très important est la création d'une plate-forme de coordination regroupant canton, communes et associations et qui sera chargée d'identifier les besoins, de prospecter les lieux, de planifier la stratégie et d'évaluer ce dispositif.

Il faut juste lire l'article 3, alinéa 4, qui stipule: «Les communes contribuent au financement des prestations communales au sens de la présente loi.» C'est bien quelque chose d'inconditionnel. Un amendement du groupe Ensemble à Gauche - qu'il présente à nouveau aujourd'hui - proposait d'ajouter l'adjectif «solidaire». Il a été clairement refusé en commission, notamment à la demande expresse des communes. Nous avons compris que ce terme ne clarifiait pas, en fait, la recherche de ce financement entre les communes et ne garantissait pas plus l'engagement des communes que le texte finalement adopté. Dans le cadre du respect de l'autonomie communale, le texte final donne compétence aux communes pour déterminer une clé de répartition en interne. S'il est vrai que la Ville de Genève aurait préféré que le canton fixe les modalités de répartition, il est apparu clairement que cela aurait fait capoter ce projet avec un refus de l'ACG - comme pour les premières moutures qui avaient été proposées - et aurait fait perdre les avancées offertes par le projet de loi.

Je vais encore répéter que c'est la première fois que l'ensemble des communes reconnaissent leur responsabilité dans ce domaine et le fait que ces compétences soient de nature communale. Faisons confiance aux communes pour trouver entre elles une clé de répartition du financement de ces prestations !

Pour ces raisons, le groupe des Vertes et des Verts vous invite à voter ce projet de loi et à ne pas entrer en matière sur les amendements - d'une formulation très proche de celles déjà refusées en commission - proposés actuellement par Ensemble à Gauche. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. le député Vincent Subilia.

M. Vincent Subilia (PLR). Merci, Monsieur le président. Je la prends d'autant plus volontiers que, en tant que président de la CACRI, j'ai eu le plaisir de présider l'issue des travaux qui nous ont animés. Chacun l'aura bien compris, l'hébergement d'urgence n'a en réalité pas de couleur politique. Et le sans-abrisme, puisque c'est le néologisme qui est employé à cet effet, mérite que, selon des modalités pondérées, nous nous y attaquions - c'est d'autant plus vrai que la crise pandémique a laissé des traces à cet égard.

C'est donc volontiers que le PLR apportera son soutien au projet de loi, qui est le résultat, je le disais tout à l'heure, d'un compromis, qui finalement porte les couleurs de ce qui fait l'ADN helvétique, c'est-à-dire le fédéralisme, en tout cas pour ce qui est des rôles respectifs des communes et de l'Etat.

Cela a été souligné, je ne vais pas en refaire l'exégèse, mais les travaux ont été nourris; les uns et les autres ont pu être entendus et, finalement, les positions comprises et couchées dans le projet qui vous est soumis aujourd'hui. C'est dès lors avec regret que je vois une potentielle boîte de Pandore être rouverte sur les flancs de la gauche de l'échiquier - on a entendu tout à l'heure Ensemble à Gauche s'exprimer. S'agissant du terme «solidaire», cela a été expliqué pendant les travaux et je ne vais pas faire du juridisme, on en a explicité l'acception; je crois - et les Verts ont eu la sagesse de souligner la bonne foi qui animait l'entier des acteurs - qu'il n'est pas nécessaire de revenir sur ce qu'est ce projet de loi que nous étions toutes et tous, à quelques exceptions près - M. Zaugg se reconnaîtra -, ravis de pouvoir enfin accepter.

Quant au renvoi en commission, je me réjouis là aussi qu'il n'ait pas été retenu, parce que la démocratie a cela de beau qu'elle nous permet de cogiter pour créer ensemble ce qui nous paraît être un futur meilleur, mais elle a aussi ses limites et il s'agirait d'éviter d'en subir les excès.

Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, et parce qu'effectivement l'hébergement d'urgence mérite des solutions pérennes qui doivent être prises avec une certaine urgence, le groupe PLR apportera son soutien à ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été dit, c'était un plaisir de travailler sur ce texte. Nous n'avions pas affaire à un projet dit politique du Conseil d'Etat, mais vraiment à un projet pragmatique, visant à trouver une solution à un problème qui, on peut dire, traînait dans notre canton depuis plusieurs années, avec des dissensions entre les communes et le Conseil d'Etat. Vous vous apercevez au final - notamment quand on relit la déclaration de Mme la conseillère administrative Kitsos -, au vu des dialogues qui ont eu lieu, qu'il s'agit surtout de questions de financement. En définitive - je ne vais pas prendre trop longtemps la parole, nous avons d'autres choses à voir -, les amendements d'Ensemble à Gauche ont été largement vus et discutés en commission et ont été refusés.

Je dois dire - je ne sais pas si j'en ai le droit, mais je le fais quand même - que, pour ma part, j'ai été grandement éclairé par les explications que le secrétaire général adjoint du département, M. Bernard Favre, qui a suivi nos débats, nous a apportées et qui ont permis non pas de mettre de... Oui, peut-être de mettre un peu d'eau dans mon vin, puisque, fondamentalement, ce n'est pas forcément un sujet chéri de l'Union démocratique du centre. (Commentaires.) Pour toutes ces raisons, notre groupe vous demande d'accepter ce projet de loi et de refuser tous les amendements proposés par Ensemble à Gauche. Je vous remercie.

Une voix. Très bien ! (Remarque.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Messieurs Pagani et Burgermeister, le groupe Ensemble à Gauche n'a plus de temps de parole. (Protestations. Commentaires.) Je lirai les amendements ! Monsieur Jean-Marie Voumard, le groupe MCG ne dispose plus de temps de parole non plus. Je cède maintenant le micro à M. le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Navré de ne pas vous permettre de vous exprimer ! Il est vrai que c'est un projet de loi qui traite d'un sujet abordé déjà en 2017 entre le Conseil d'Etat et l'Association des communes genevoises. A plusieurs reprises, ces différents projets ont subi un échec aux assemblées générales de l'ACG. Or il était absolument nécessaire que la répartition des compétences entre le canton et les communes soit clarifiée dans une base légale formelle votée par votre parlement, qui servira pour la suite des travaux. Car, en un sens, M. Sormanni a raison: c'est un travail inachevé, non pas dans sa base légale, Monsieur le député, mais dans les travaux qu'il reste encore à mener, car s'il est vrai que la question des compétences peut être réglée par les dispositions que nous vous proposons aujourd'hui, celle du financement reste encore à travailler.

Comment a-t-elle été traitée jusqu'alors ? Zéro franc, zéro centime de la part d'un certain nombre de communes. Certaines d'entre elles sont actives: je pense notamment à Lancy, qui dispose aussi d'une structure d'accueil pour des personnes sans abri - la Virgule -, ainsi qu'à Plan-les-Ouates, qui s'est également lancé dans un projet de ce genre, et à d'autres qui apportent aussi leur contribution par le financement d'associations. Il n'en demeure pas moins qu'en effet, la ville-centre qu'est Genève rassemble, en raison de son caractère particulièrement urbain, quasiment l'ensemble des personnes sans abri du canton, raison pour laquelle elle est active depuis 1985 - cela a été rappelé -, suite à l'affirmation d'une volonté politique de Manuel Tornare, à l'époque conseiller administratif de la Ville de Genève. L'importance de cette loi mérite donc d'être soulignée par l'ensemble du parlement. Par ailleurs, je rends hommage à la Ville de Genève, engagée de façon conséquente, avec 5 millions de francs environ pour l'hébergement d'urgence et 10 millions pour ce qui a trait à l'accueil et au suivi des personnes sans abri à Genève.

Quel est le rôle du canton ? Dans cette loi, nous prévoyons d'inscrire une compétence formelle du canton dans le domaine sociosanitaire. Cette activité représente quand même un engagement financier important, de l'ordre de 19 millions, pour les deux activités que sont les soins infirmiers et les consultations ambulatoires mobiles de soins communautaires de l'hôpital. Nous avons également un objectif commun avec Mme Kitsos, à savoir celui de trouver des locaux d'accueil qui soient, effectivement, en surface. Permettre aux personnes sans abri qui y séjournent de sortir, même quelques jours, est aussi un objectif politique que nous poursuivons.

Le dispositif financier correspond à deux objectifs: d'abord, celui de disposer d'une base légale. Même si elle est incomplète aux yeux de certains, elle existe quand même, puisque, si vous êtes très précis dans votre lecture, vous constatez qu'on parle des communes genevoises, et aucune d'entre elles ne pourrait imaginer qu'elle n'en fait pas partie; elles auront donc l'obligation d'une contribution, qu'elle soit directe, à travers leur budget, ou indirecte, via le fonds de péréquation intercommunale. Aujourd'hui déjà, ces communes participent via ce fonds, à hauteur de 0,6 centime en moyenne, y compris les communes les moins aisées de notre canton. C'est donc déjà une participation de leur part à cette activité. Est-ce que cette participation doit augmenter ? La réponse est oui, les besoins sont là. On ouvre prochainement un nouveau lieu - la Ville de Genève soutient l'ouverture d'un nouveau lieu de l'Armée du salut, pas très loin d'ici, dont il va également falloir assurer le financement, mais j'ai toute confiance dans la capacité des communes à trouver des accords entre elles. C'est la raison pour laquelle nous avons imaginé à l'article 4, alinéa 3, la possibilité pour le Conseil d'Etat d'appliquer les propositions des communes prises en assemblée générale. C'est une technique que nous connaissons bien, puisque, si je prends le seul exemple du fonds de péréquation des personnes morales, chaque année, l'assemblée générale est saisie d'une proposition de répartition, qui est généralement validée tant par l'assemblée générale que, par la suite, par le Conseil d'Etat. Si par impossible nous devions constater que les communes genevoises peinent, voire ne parviennent tout simplement pas à se mettre d'accord, alors le Conseil d'Etat pourrait, en vertu de l'article 4, alinéa 3, appliquer les mêmes dispositifs que l'an précédent, permettant ainsi à tout le moins d'assurer un financement connu pour la Ville de Genève.

Nous respectons ainsi l'autonomie communale, le droit des personnes sans abri à obtenir un lieu et assurons l'engagement du canton à travers son action sociosanitaire ainsi que l'aide qu'il entend apporter à la Ville de Genève et aux communes pour ce qui est de trouver des locaux et/ou des terrains. Nous ne sommes pas naïfs au point de penser que ce projet de loi de répartition des compétences réglera l'ensemble des questions liées au sans-abrisme, mais nous faisons ensemble, par la proposition du Conseil d'Etat - qui, j'espère, sera accueillie favorablement aujourd'hui par votre Conseil -, un pas très important permettant d'éviter ce que la crise de janvier 2020 a révélé, c'est-à-dire un jeu de ping-pong inacceptable sur le dos des personnes sans abri dans notre canton, portant atteinte à leur dignité.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12911 est adopté en premier débat par 90 oui et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 et 2.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 3, alinéa 4, présenté par M. Pierre Bayenet. Celui-ci consiste à ajouter «de manière solidaire», comme indiqué plus tôt par M. Zaugg:

«Art. 3, al. 4 (nouvelle teneur)

4 Les communes contribuent de manière solidaire au financement des prestations communales au sens de la présente loi.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 36 oui.

Mis aux voix, l'art. 3 est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 4, alinéa 3, également présenté par M. Pierre Bayenet. Il s'agit, premièrement, d'ajouter le terme «en principe», modifiant ainsi la deuxième phrase de l'alinéa: «Il applique en principe les modalités proposées par l'assemblée générale de l'Association des communes genevoises.» Deuxièmement, il s'agit de biffer la phrase suivante: «A défaut de proposition des communes, le Conseil d'Etat applique les modalités en vigueur l'année précédente.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 65 non contre 24 oui.

Mis aux voix, l'art. 4 est adopté.

Mis aux voix, l'art. 5 est adopté, de même que les art. 6 et 7.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12911 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 87 oui et 1 abstention.

Loi 12911