République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

La séance est ouverte à 18h35, sous la présidence de M. François Lefort, président.

Assiste à la séance: M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Didier Bonny, Marjorie de Chastonay, Marc Falquet, Adrien Genecand, Jean Rossiaud, Léna Strasser, Salika Wenger, Raymond Wicky et François Wolfisberg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Nicolas Clémence, Sophie Desbiolles, Joëlle Fiss, Patrick Malek-Asghar, Eliane Michaud Ansermet, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Esther Schaufelberger.

Annonces et dépôts

Néant.

RD 1220-C
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le rapport de la commission d'enquête parlementaire instituée par la motion 2252 chargée de faire rapport au Grand Conseil sur les dysfonctionnements ayant conduit à la mort d'Adeline M

Débat

Le président. Nous continuons avec l'urgence suivante, le RD 1220-C, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. En résumé, il y a comme un contentieux sur ce rapport entre le premier et le deuxième pouvoir. C'est dommage, parce qu'en lisant le rapport qui nous a été adressé - nous avions renvoyé au Conseil d'Etat son premier rapport, il nous adresse son deuxième maintenant - on s'aperçoit que le texte est en grande partie très intéressant, avec des avancées et des réponses claires à nos questions. Mais ce que nous n'acceptons pas, c'est le ton: le ton employé fait passer les députés pour des amateurs qui utilisent des méthodologies bizarres et dont les assertions sont, sinon erronées, à tout le moins discutables. Ce genre de ton n'est pas normal dans un rapport du Conseil d'Etat; il doit y avoir du respect entre les deux pouvoirs. Je rappelle qu'un député est un député de milice: ce n'est pas un professionnel, il travaille à côté et n'a pas les mêmes moyens que le gouvernement pour faire des rapports. Et donc tant qu'il y aura ces propos liminaires dans le rapport, nous le renverrons au Conseil d'Etat ! Je propose par conséquent de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, arrogance, suffisance et mépris envers notre Grand Conseil suintent des rapports RD 1220-A et RD 1220-C du Conseil d'Etat relatifs au suivi du rapport de la commission d'enquête parlementaire CEP 2252, repris par la commission de contrôle de gestion.

Il faut se rappeler que les travaux de la CEP, qui ont duré trois ans, entre 2015 et 2018, avec 76 auditions et plus d'une centaine de séances, ont permis de lister cent constats et autres dysfonctionnements, mais aussi de formuler septante recommandations. Lors des travaux de la commission d'enquête parlementaire et de la commission de contrôle de gestion, l'exécutif a dit et écrit, à maintes reprises, qu'il ne nous avait pas attendus pour réagir et que tout, ou presque, était réglé. Force est malheureusement de constater que les mots du Conseil d'Etat et la réalité du terrain ne sont toujours pas en phase.

On comprend bien que le gouvernement et son administration veuillent se débarrasser de ce dramatique dossier; toutefois, il n'est pas concevable que le Conseil d'Etat respecte si peu notre Grand Conseil, ses commissions et ses commissaires. Le groupe des Verts tient à rappeler ici son total soutien aux proches de la victime et son empathie à leur égard. Il ne peut cependant pas souscrire aux propos parus dans un récent courrier des lecteurs qui blanchit un membre de l'exécutif, alors même que ce dernier porte une responsabilité particulière dans la survenue de ce drame.

La mémoire de Mme Adeline M. doit être respectée et ses proches préservés; le groupe des Verts n'entend dès lors pas aller plus loin en renvoyant à nouveau ce rapport au Conseil d'Etat. Nous déplorons toutefois le ton et la forme des explications qui nous sont apportées. Afin que pareil drame n'arrive plus jamais, nous réitérons ici notre souhait que la commission de contrôle de gestion maintienne une veille active sur la situation carcérale à Genève, mais aussi sur les programmes et les structures liées.

Cela étant, afin de garantir enfin que la protection des agents de l'Etat soit assurée en tout temps; que leur niveau de formation soit mis en adéquation avec les missions particulières qui leur sont dévolues; que les procédures soient respectées et que les collaboratrices et collaborateurs de terrain soient entendus; afin aussi d'accompagner au mieux et plus particulièrement certaines personnes détenues, nous rappelons à nouveau la conviction des Verts: il faut redévelopper rapidement et de manière effective la sociothérapie, qui est essentielle en prévision des libérations. Nous nous abstiendrons donc sur la demande de renvoi au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention.

M. Thomas Bläsi (UDC). Je vais aller dans le même sens que mes préopinants: le ton du rapport du Conseil d'Etat pose en effet vraiment problème quant aux indications qu'il donne sur son respect du premier pouvoir. Si on prend l'historique - et mon collègue, M. Calame, l'a rappelé -, l'exécutif n'a pas attendu la CEP pour mettre en place toutes les mesures nécessaires, il n'a pas attendu la commission de contrôle de gestion pour mettre en place toutes les mesures nécessaires; finalement, l'audition du personnel a montré que les recommandations n'étaient pas appliquées, en tout cas pas de manière satisfaisante ou suffisante.

Le travail de la commission de contrôle de gestion s'est effectué dans la continuité du rapport - en tant que rapporteur, je suis assez bien placé pour le dire - et un certain nombre de problématiques sont apparues. Il s'agissait de nouveaux questionnements relatifs à des incidents - des incidents graves - survenus à Curabilis, avec des rapprochements problématiques entre des membres du personnel et des détenus dangereux. Ces rapprochements ont été annoncés, expliqués, et la direction de l'OCD les a contestés deux fois en commission; il a fallu attendre un troisième passage pour que le directeur admette finalement qu'on avait proposé une mutation aux donneurs d'alerte sur cette crise. On a donc proposé aux donneurs d'alerte qui avaient dénoncé des faits graves d'aller dans un autre établissement, d'aller voir si ça allait mieux ailleurs, plutôt que de régler les faits graves !

Les propos du directeur de l'OCD devant la commission de contrôle de gestion ont été très lacunaires, voire mensongers, ce qui est inacceptable. Quant à savoir si le pouvoir exécutif a fait preuve d'arrogance ou de mépris vis-à-vis du premier pouvoir, le distinguo est très difficile à faire. Ce qui est certain, c'est que les anciens membres de la commission d'enquête parlementaire - je suppose que c'est également le cas du parlement puisqu'il a voté le rapport à l'unanimité - souhaitent que les recommandations, aussi coûteuses soient-elles, soient enfin mises en application pour la sécurité de la population. Merci, Monsieur le président.

M. Christian Zaugg (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il faut revenir au début: la CEP a fait un travail titanesque ! Elle a travaillé pendant des mois et entendu un grand nombre de personnes, parmi lesquelles le Conseil d'Etat, les cadres des HUG, des gardiens, des responsables d'institution, des médecins, et j'en passe. Elle a rendu son rapport, qui a été présenté au gouvernement, et celui-ci a pu faire quelques observations. Je me souviens quant à moi d'avoir mis l'accent sur la sociothérapie, et nous avons été déçus de la première réponse de l'exécutif qui la laissait complètement de côté. Bien ! C'était là la situation ante, et avant ce rapport du Conseil d'Etat.

La situation a changé, car force est de constater que le rapport qui nous est présenté aujourd'hui est complet et qu'il répond à toutes les questions, tant en matière de chiffres que d'établissements ou de personnel, et qu'il met un accent très particulier sur la sociothérapie. Il n'y a donc plus aucune raison de renvoyer ce rapport au gouvernement, qui serait bien en peine de nous donner des renseignements supplémentaires. Nous nous opposerons par conséquent à l'éventuel renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat, car cela n'a plus aucun sens !

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, pour le groupe libéral-radical, ce rapport du Conseil d'Etat vient clore la suite du drame de La Pâquerette dans la mesure où il est complet et apporte toutes les réponses que nous étions en droit d'attendre, que ce soit sur l'organisation de Champ-Dollon, celle de Curabilis ou les niveaux de sécurité garantis - notamment, pour Curabilis, en assurant la double hiérarchie, médicale d'un côté et pénitentiaire de l'autre. En plus, toujours sous l'angle sécuritaire, la question de la sécurité des agents est abordée et désormais réglée. S'agissant de l'évaluation de la dangerosité des détenus en sortie accompagnée, les sorties accompagnées sont aujourd'hui garanties dans la mesure où elles s'effectuent systématiquement avec un binôme composé d'un agent de sécurité et d'un agent de détention.

Je pense qu'il faut également relever, et le rapport le montre très bien, que le concept de sociothérapie appliqué et son organisation étaient surannés et défaillants lorsque le drame de La Pâquerette est survenu. Le concept actuel est totalement différent - la réinsertion s'accompagne de «désistance», un terme que j'ai appris, je dois vous l'avouer, en lisant le rapport - et consiste à mettre en place toutes les stratégies de manière coordonnée pour permettre aux personnes de poursuivre une trajectoire de vie non délinquante. Cet ensemble de stratégies nous permet aujourd'hui, dans la mesure où nous constatons l'effort déployé et la qualité du travail accompli, de considérer que l'épisode est clos. S'agissant de ce rapport, le groupe PLR en prendra acte et il vous invite, Mesdames et Messieurs, chers collègues, à faire de même. Monsieur le président, merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à se prononcer sur la proposition de renvoi...

Des voix. Non !

Le président. Laissez-moi quand même finir ! ...de ce rapport au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1220-C est rejeté par 72 non contre 12 oui et 8 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote. Exclamations à l'annonce du résultat.)

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1220-C.

R 950
Proposition de résolution de Mmes et MM. Vincent Subilia, Yvan Zweifel, Cyril Aellen, Pierre Nicollier, Jean Romain, Murat-Julian Alder, Diane Barbier-Mueller, Serge Hiltpold, Joëlle Fiss, Natacha Buffet-Desfayes, Jean-Pierre Pasquier, Adrien Genecand, Francine de Planta, Pierre Conne, Charles Selleger, Alexis Barbey, Philippe Morel, Beatriz de Candolle, Helena Rigotti, Jacques Béné, Alexandre de Senarclens, Fabienne Monbaron, Véronique Kämpfen, Raymond Wicky : Un plan de sortie de crise, maintenant
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.

Débat

Le président. Voici notre prochaine urgence: la R 950. Nous traitons cet objet en catégorie II, trente minutes, et je laisse la parole à son auteur, M. Vincent Subilia.

M. Vincent Subilia (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, l'heure est au symbole; cela est illustré par le nombre de textes dont notre grémium est saisi à propos du covid, qui occupe notre quotidien depuis maintenant une année. Les autorités, vous l'avez vu aujourd'hui, se sont mobilisées au travers d'une minute de silence. C'est dire à quel point la proposition de résolution que vous soumet le PLR ce soir s'inscrit dans une temporalité bienvenue.

Je le disais, notre quotidien est rythmé depuis 365 jours et même davantage par la pandémie qui a induit dans nos existences respectives un changement de paradigme nous conduisant à faire preuve de résilience et d'agilité, mais surtout qui se traduit, personne ne le niera ici, par une tragédie sanitaire sans précédent. La situation que nous vivons est dramatique, elle l'est aussi sous l'angle économique et social, elle l'est enfin, cela a été rappelé à plusieurs reprises à la faveur d'objets qui ont été très largement votés par notre plénum, sur le front culturel.

Nous avons pris nos responsabilités, adopté des textes pour venir en aide à celles et ceux qui, en état de détresse, dans le besoin, se sont tournés vers vous. Mais au-delà du monde d'avant, il y a encore le monde d'après, et l'on voit se dessiner au bout de ce long tunnel quelque lueur d'espoir - c'est le cas par exemple sur le plan vaccinal, même si la matière première est moins généreuse qu'on l'espérait. C'est ce monde d'après, Mesdames et Messieurs, que nous vous invitons à penser à travers cette proposition de résolution - nous avons pleinement conscience qu'il s'agit, comme je l'indiquais en introduction, d'un symbole, d'un signal, mais ceux-ci sont importants au même titre que la lumière -, un monde que nous devons marquer du sceau de la prévisibilité.

Alors vous me direz, prévisibilité et pandémie sont deux termes antinomiques. Avec beaucoup d'humilité dans notre propos, le lieu n'étant pas ici de jeter la pierre au Conseil d'Etat ni à celles et ceux qui s'emploient journellement, avec beaucoup de détermination, à faire en sorte que notre quotidien soit le moins difficile possible, il nous apparaît que sur cette ligne de crête extrêmement fine, dans cet arbitrage permanent qui doit être effectué entre des exigences sanitaires parfaitement légitimes et des considérations économiques importantes elles aussi, la lecture de la crise par nos autorités, en particulier fédérales, se veut très clinique. Nous avons parfois eu le sentiment, et certains l'ont manifesté de façon plus ou moins déterminée - en ce qui nous concerne, encore une fois, nous sommes nuancés dans notre propos -, que la dimension épidémiologique dominait l'entier des débats.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, le PLR vous propose une résolution qui s'articule autour de trois postulats. Le premier vise à coordonner, le second à fédérer, le troisième à innover. Je m'explique brièvement. Coordonner, c'est veiller à ce que les démarches entreprises au bout du lac le soient de façon concertée avec d'autres cantons suisses de sorte que notre action soit plus lisible. Pensons notamment au fait que Genève a été le seul canton du pays à connaître, pour des raisons probablement tout à fait justifiées, trois fermetures de nos commerces, lesquels ne sont pourtant pas des foyers de propagation, cela a été avéré.

Fédérer, parce que vis-à-vis de notre Confédération, précisément dans l'esprit confédéral qui nous anime, il est important qu'en Suisse romande et en Suisse de manière générale, on fasse entendre la voix de Genève jusqu'à Berne, même si, ainsi que le conseiller d'Etat Mauro Poggia nous le rappelait hier, nous ne sommes malheureusement pas entendus comme nous le souhaiterions et devrions par ailleurs l'être sous la coupole fédérale.

Enfin, innover. Innover, car face à la pandémie, dans cette posture qui est la nôtre, plutôt que de se laisser abattre, il faut se battre. Dans cette optique, nous devons être capables non seulement de penser des moyens, de protéger une population vulnérable, mais également de laisser quelques libertés à d'autres, à ceux qui sont vaccinés, à ceux qui ont déjà souffert du virus - et ils sont très nombreux. Comme on a pu le lire aujourd'hui, avec les vaccins qui seront mis à disposition gratuitement de tous les membres de la Confédération, c'est ce type d'initiative innovante que nous devons porter.

Coordonner, fédérer, innover, c'est la proposition du PLR - encore une fois, en parfaite humilité - pour un plan de sortie de crise, maintenant; demain, il sera trop tard. Pour nos acteurs en particulier économiques, le drame est là. Au-delà du désarroi psychologique et des dégâts que la crise génère, ils ont besoin de nous, ils ont besoin de lisibilité, ils ont besoin de davantage de prévisibilité; ils ont besoin, Mesdames et Messieurs, et c'est ce qui nous anime, d'espoir. Je conclurai sur cette note positive. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, au groupe socialiste, quand nous avons reçu cette proposition de résolution, nous avons été particulièrement étonnés, car celle-ci enfonce des portes ouvertes, c'est le moins qu'on puisse dire - et il n'y a vraiment rien d'autre à dire. Examinons ses invites une à une.

La première demande au Conseil d'Etat d'«effectuer toutes les démarches nécessaires auprès du Conseil fédéral, en vue de permettre une levée progressive des restrictions à nos libertés et de prévoir sans délai» - on ignore ce que signifie «sans délai» - «et par étapes» - on ne sait pas non plus ce que veut dire «par étapes» - «la réouverture des commerces, restaurants, bars et autres lieux culturels, sportifs et de loisirs». On en a déjà parlé: le problème, c'est qu'il est difficile de les rouvrir sans prévisibilité du point de vue de la crise sanitaire - je reviendrai sur cette question. Ainsi, je pense - enfin, j'espère ! - que le Conseil d'Etat n'a pas attendu ce texte et son hypothétique adoption pour entreprendre des démarches à Berne; M. Poggia nous répondra, mais j'imagine que ce n'est pas le cas.

Ensuite, le Conseil d'Etat est invité «à se coordonner avec les autres cantons». Vous entendez, Monsieur Poggia ? On vous encourage à vous coordonner avec les autres cantons ! J'espère que vous avez le numéro de téléphone de vos homologues ou que vous les avez vus ces derniers mois... Enfin, Mesdames et Messieurs, arrêtons de rigoler: chacun sait que les différents conseillers d'Etat se rencontrent lors des conférences des directeurs cantonaux, par thématique, que ce soit M. Poggia pour la santé, Mme Fontanet pour l'économie, M. Apothéloz pour la culture. Encore une fois, personne n'a attendu cette résolution PLR pour mettre en place une coordination intercantonale.

Quant à la troisième invite, elle incite le Conseil d'Etat «à intégrer dans ce plan de sortie les mesures de protection sanitaires adéquates [...]». Ouh, alors là ! Voilà une année qu'on parle de cette crise sanitaire, économique, sociale, humaine, mais il est clair que le gouvernement n'avait pas encore pensé à intégrer des mesures de protection sanitaires adéquates avant qu'on soit saisis de cet objet, donc on se réjouit de le voter pour obtenir enfin des mesures de protection sanitaires adéquates !

La quatrième proposition précise «et notamment à inclure des mesures de protection et d'accompagnement spécifiques aux personnes âgées et populations à risque [...]». Alors là, heureusement que cette résolution a été déposée pour qu'on puisse spécifiquement faire plus attention aux populations vulnérables, aux personnes âgées, aux personnes à risque ! Vraiment, merci au PLR d'avoir pensé à ça après une année de pandémie !

Enfin, il s'agit d'«intégrer [...] des indicateurs [...] permettant une prévisibilité [...]». Ah ben mince, le problème, c'est que c'est précisément ce qui nous fait défaut depuis une année: il n'y a aucune prévisibilité. On ouvre, on ferme, le virus gagne du terrain, puis la crise s'atténue, et soudain il y a de nouveau des problèmes, de plus en plus de personnes sont contaminées, donc aux HUG, les services de soins palliatifs - enfin, pas seulement les soins palliatifs, même s'ils sont aussi concernés - explosent... Vraiment, on attendait avec impatience cette résolution PLR ! Je suis désolé, mais nous nous abstiendrons poliment sur ce texte qui enfonce des portes ouvertes. Merci. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC soutiendra cette proposition de résolution même si elle arrive très tard et que d'ici une semaine, la plupart de ses invites auront probablement été réalisées. L'UDC partage l'avis selon lequel notre population, qui a été très durement touchée, a besoin d'obtenir des réponses, de fonder des espoirs, de bénéficier d'un plan pour sortir de la crise.

Je rappelle que la Confédération est responsable des mesures liées au covid. Cela étant, depuis le mois de juin de l'année dernière, elle a l'obligation de consulter tous les cantons sur les décisions qu'elle prend. Je répète: la Confédération doit consulter l'ensemble des cantons ! La particularité de Genève, c'est que le Conseil d'Etat tient ses délibérations avec la Confédération secrètes. Alors je vous pose la question suivante: est-il vraiment utile de renvoyer des résolutions à Berne dont le résultat sera très symbolique, voire nul, ne serait-il pas plus opportun que le gouvernement genevois rende ses discussions avec la Confédération publiques ?

A mon avis, si le Conseil d'Etat faisait preuve de transparence dans ses tractations avec Berne, nos commerçants obtiendraient très largement certaines réponses demandées par ce texte; ils auraient des réponses, sûrement des espoirs, peut-être même déjà quelques éléments pour la sortie de crise. Toutefois, notre groupe acceptera cette proposition de résolution. Merci.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en ce qui me concerne, je remercie plutôt le PLR d'insuffler une autre dynamique au travers de cette proposition de résolution. En effet, la population souhaite voir la fin du tunnel, reprendre ses activités, se retrouver en société, retourner au théâtre, au cinéma, comme cela a été souligné ce soir. Tout cela constitue une véritable nécessité, parce que le moral de nos concitoyennes et concitoyens n'est pas très bon. Dans cette optique, Mesdames et Messieurs, le PLR nous offre une nouvelle dynamique.

Aujourd'hui, la vaccination avance, les gestes barrière sont bien connus et reconnus par l'ensemble des acteurs; voilà ce qui nous permettra de revenir à une situation normale, c'est ce que nous attendons. Au-delà de ça, l'Etat social fonctionne, nous avons tous lu dans la presse ce matin qu'il a déjà affecté près de 116 millions à notre économie. Celle-ci demande une réouverture, la reprise des activités; l'ensemble de nos travailleuses et travailleurs, eux aussi, souhaitent redevenir actifs. L'activité, Mesdames et Messieurs, c'est sain, cela nous permet de faire autre chose, de rêver à un avenir meilleur.

Nous pouvons remercier le PLR, parce qu'il exprime la volonté de notre population, il encourage le Conseil d'Etat à renouer avec une dynamique d'espérance. Voilà pourquoi le parti démocrate-chrétien votera cette proposition de résolution. Je vous remercie de votre écoute. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vous annonce tout de suite que nous ne nous opposerons pas à cette proposition de résolution, nous en partageons en grande partie les constats. Cela étant, les solutions proposées ont été discutées au sein du groupe et ont remporté un soutien mitigé, si bien que nous laisserons la liberté de vote entre l'abstention constructive et le soutien.

Si l'invite principale est relativement diplomatique - elle demande au Conseil d'Etat d'entreprendre des démarches auprès du Conseil fédéral -, nous sommes en revanche surpris par le titre de ce texte qui exige un plan de sortie de crise immédiat. Comment peut-on penser, cela a été souligné par mon excellent collègue M. Wenger, que le Conseil d'Etat et le Conseil fédéral ne prévoient pas de plan de sortie de crise ? Cas échéant, ce serait les prendre pour des demeurés. En fait, je vais vous donner un scoop: les autorités exécutives ont même plusieurs plans de sortie de crise ! Cela s'appelle développer des scénarios adaptés à chaque cas de figure.

Elaborer une seule stratégie sans tenir compte de l'évolution du virus serait totalement irresponsable. Ainsi, solliciter une réouverture sans délai revient à nier le risque de dégradation de la situation sanitaire; à l'inverse, on pourrait aussi avoir de bonnes surprises avec le retour des beaux jours, une vaccination qui rattraperait enfin son retard, voire l'apparition d'un variant syldave présentant des dangers bien moindres. Bref, nous affirmons que l'ensemble des invites de la résolution sont déjà dans le radar de nos gouvernements genevois et suisse, et que celle-ci enfonce largement des portes ouvertes - cela a déjà été indiqué précédemment.

J'aimerais conclure en relevant une expression de la première invite: on y parle de «restrictions à nos libertés». Comme vous le savez, je n'apprécie guère qu'on attribue certaines libertés à telle ou telle catégorie de personnes. Quelles sont ces libertés, à qui appartiennent-elles ? Au seul PLR ? L'auteur du texte évoque essentiellement les libertés économiques. S'agit-il de libertés d'inspiration libérale consistant à recommencer à commercer et à voyager librement autour de la planète ? Est-ce que ce sont ces libertés-là qu'on cherche à promouvoir ? Je précise à cet égard qu'il existe d'autres types de libertés, en rappelant que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres.

Pour les Verts, «nos libertés» doivent concerner l'ensemble de la population. La liberté, c'est aussi survivre dans la dignité; or la droite refuse de soutenir les plus précaires. La liberté, c'est disposer d'un toit; or la droite et le centre s'opposent à l'aide pour le paiement des loyers, ce qui risque de placer de nombreuses personnes à la rue. La liberté, c'est ne pas être exposé à une covid de longue durée. Tous ces éléments doivent également être pris en compte pour définir un scénario de sortie de crise.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG). Cette proposition de résolution, Mesdames et Messieurs, c'est un peu la mouche du coche, vous savez, cette mouche qui croit qu'elle fait avancer la voiture alors qu'elle ne sert à rien du tout. Je partage les remarques de mon collègue Thomas Wenger: lisez chacune des invites, et c'est précisément ce que font les autorités. On peut la voter, on peut ne pas la voter, ça ne changera strictement rien. Je ne sais pas quel genre de gesticulation politique se cache derrière ce texte, mais enfin...

Prenons un exemple: nous devons tout faire pour «permettre une levée progressive des restrictions à nos libertés». Oui, en effet, nous devons tout mettre en oeuvre pour faire régresser le virus, vous êtes d'accord aussi. Ainsi, quand la pandémie perdra du terrain, nous retrouverons nos libertés antérieures.

Ensuite, il convient de «se coordonner avec [...] les cantons latins»; pourquoi donc avec les seuls cantons latins ? Les cantons alémaniques ne connaissent-ils pas la pandémie ? La France voisine ne serait-elle pas plus importante pour les problèmes sanitaires genevois, ne faudrait-il pas se concerter avec elle ou encore avec l'Allemagne, si on se trouve dans un canton limitrophe de ce pays ?

Puis, on invite le Conseil d'Etat «à intégrer dans ce plan de sortie les mesures de protection sanitaires»... (Rires.) Mais enfin, c'est presque, c'est presque... On croit rêver ! J'entends, nous portons tous des masques, nous utilisons tous du gel hydroalcoolique, ceux qui sont vulnérables se font vacciner, mais M. Subilia découvre qu'il faut prévoir des mesures sanitaires !

Bon, après, on nous dit: «Ouh, mais il faut accompagner spécifiquement les personnes âgées !» Oui, alors vous ignorez peut-être que les personnes âgées de plus de 75 ans ont été vaccinées et qu'on commence la vaccination de la série suivante. Mais enfin, dans quel monde vivez-vous ?

Pour terminer, il faut «intégrer, dans ce cadre, des indicateurs objectifs et clairs»; écoutez, je n'ai jamais pris la défense du Conseil d'Etat, mais il me semble qu'il s'efforce tout de même de trouver quelques indicateurs objectifs et clairs ! Ce n'est pas si simple, ils sont contestés et contestables, mais quand même ! Par décence, pour ne pas se moquer du monde et pour ne pas se moquer du Conseil d'Etat, notre groupe n'approuvera pas cette proposition de résolution. Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Je m'amuse toujours à écouter la gauche caviar venir nous dire qu'on enfonce des portes ouvertes quand ce n'est pas elle qui a fait la proposition. Une gauche suffisante, arrogante, qui défend l'extérieur aux dépens de l'intérieur, une gauche qui, plus d'une fois, nous a montré qu'elle est maladroite - forcément, puisqu'elle est à gauche ! (Rires.)

Quant aux communistes, ce sont mes préférés, parce qu'ils nous rappellent sans cesse qu'ils ont un destin commun avec Jeanne d'Arc: ils sont morts avant de s'éteindre ! (Rires.)

Le président. Bon... Heureusement, vous les avez fait rire. C'était mal parti, mais vous les avez fait rire.

M. Patrick Dimier. Il n'y a pas que les... (L'orateur est inaudible.)

Une voix. Il faut rallumer le micro.

Une autre voix. Le micro est coupé !

Le président. Oui, rappuyez sur votre bouton, Monsieur Dimier.

M. Patrick Dimier. Vous n'avez pas raté grand-chose. Notre Grand Conseil ne fait rien d'autre que remplir son rôle. On a suffisamment reproché au gouvernement, pendant toute une partie de l'année 2020, d'avoir coupé la parole au parlement ! Nous remplissons notre fonction, nous prenons la parole, nous sollicitons le Conseil d'Etat. Nous le remercions pour tout ce qu'il accomplit, mais nous ne faisons rien d'autre que remplir notre rôle. Alors ne soyons pas stupides, poursuivons notre mission et soutenons cette proposition de résolution qui va exactement dans le sens de ce que l'on attend d'un vrai législatif. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole échoit une nouvelle fois à M. Vincent Subilia. Vous avez quarante-cinq secondes, Monsieur le député.

M. Vincent Subilia (PLR). Je m'efforcerai d'en faire le meilleur usage, Monsieur le président. Il est un adage qui me vient à l'esprit, assez simple finalement, mais qui traduit bien la défiance affichée par les milieux de gauche avec une certaine suffisance: à ne rien tenter, on peut aussi ne rien vivre. Finalement, c'est ce qui structure cette proposition de résolution.

J'entends les critiques - mouche du coche, enfoncer des portes ouvertes -, mais encore faut-il pouvoir dire un certain nombre de vérités. Le texte interpelle le Conseil d'Etat, encore une fois avec tout notre respect et le satisfecit quant à ce qui a été entrepris, mais je crois - M. Dimier le rappelait, et je l'en remercie - que c'est notre rôle. Notre rôle est aussi de prendre des risques, parce que gouverner, c'est anticiper.

Dans la lecture de ce que nous vivons, les paramètres économiques doivent être pris en compte au même titre que les paramètres culturels - je suis oecuménique dans ma vision. Je ne doute pas que le Conseil d'Etat, en collaboration avec la Confédération, s'acquittera de son devoir et je l'en remercie d'avance.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai presque envie de dire que sur cet objet, c'est un peu comme «L'Ecole des fans»: tout le monde a raison ! A la fois ceux qui s'exclament qu'il enfonce des portes ouvertes et ceux qui rétorquent que nous ne sommes pas là que pour enfoncer des portes fermées, que nous sommes aussi là pour échanger, pour prononcer des déclarations de principe. Dieu sait si, de tous les côtés de l'échiquier politique, on prend souvent des décisions de principe dont on n'attend pas grand-chose, si ce n'est de pouvoir signaler un jour: «Nous l'avons dit !»

Je ne prétends pas qu'il s'agit du mobile de M. le député Subilia, je pense que le texte reflète une vraie préoccupation face à la pandémie et à ses conséquences sur notre économie. Cela étant, il faut souligner que, sans être excessivement pointilleux, tatillons ou technocrates, nous échangeons avec le Conseil fédéral et l'Office fédéral de la santé publique plusieurs fois par semaine. Pas plus tard qu'hier, j'ai passé deux heures en visioconférence avec l'OFSP, M. Berset et les autres membres du comité de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé; avant cela encore, puisque vous évoquez les relations avec les cantons, j'étais pendant une heure en visioconférence - tout se fait en ligne maintenant - avec mes collègues des cantons latins afin que nous puissions nous entendre.

Ce travail de concertation, mais aussi de conviction se fait, parce que nous avons, nous avons eu et nous aurons toujours en Suisse romande des intérêts qui ne sont pas forcément ceux de la Suisse alémanique. Très souvent, nous l'avons constaté, lorsque les problèmes sont romands, ils sont régionaux; lorsqu'ils sont alémaniques, ils sont nationaux. Ainsi, il faut parfois attendre qu'une situation touche l'autre côté de la Sarine pour qu'enfin on pense à embrasser la problématique.

C'est vrai, vous avez raison, il faut se parler, mais il faut également expliquer. A M. Pfeffer qui soutient que nous travaillons dans l'opacité, Monsieur le président, vous rappellerez qu'il existe une loi sur la transparence et que nous n'avons aucun motif à garder pour nous l'objet des consultations. Nous ne voulons simplement pas faire de la cogestion avec les 500 000 spécialistes genevois en matière de pandémie ni publier nos opinions sur internet. Par contre, face à vous, députés, nous n'avons aucune raison de cacher ce que nous demandons à Berne; d'ailleurs, les conférences de presse que nous tenons, dans lesquelles nous dévoilons nos requêtes, en sont le reflet. Partant, n'hésitez pas à nous poser des questions sur le contenu de nos discussions. Nous n'agissons bien évidemment pas en cachette, nous souhaitons juste oeuvrer dans une certaine sérénité.

En effet, comme on a pu le voir, travailler sous la pression de l'opinion publique et des intérêts particuliers, aussi légitimes et respectables soient-ils, peut amener à prendre des décisions erronées. Le Conseil fédéral en a fait les frais, nous aussi. L'automne dernier, nous avons sans doute trop attendu, même si Genève a été plus rapide qu'ailleurs, et on nous l'a largement reproché. Si, dès lors, nous nous sommes montrés plus durs qu'ailleurs, cela a eu un résultat immédiat, mais avec des conséquences, et celles et ceux qui, pour la solidarité, en ont payé le prix doivent et devront être soutenus à l'avenir.

Je terminerai en abordant la question de la prévisibilité, Mesdames et Messieurs les députés. Ainsi que vous l'avez indiqué très justement, nous souhaiterions tous disposer d'un plan comme on en fait lors d'exercices militaires, où nous prévoyons comment les terroristes seront éliminés et les lieux récupérés. La vraie vie n'est pas aussi simple, et nous devons sans cesse nous adapter à l'évolution de la situation. Cette pandémie nous a déjà beaucoup surpris.

Je ne vous cacherai pas que je ne comprends toujours pas pourquoi - ma compréhension ne vaut pas grand-chose, mais elle n'est pas davantage éclairée par ceux qui pourraient y apporter de la lumière -, avec plus de 80% de nouveaux variants, nous n'avons pas plus de cas dans les hôpitaux. Il devrait y avoir une croissance des infections, ce n'est pas le cas. Je m'en réjouis, bien sûr, mais je ne peux pas m'empêcher de m'interroger: est-ce que quelque chose va se passer ? Nous avons appris que quand le ciel est bleu, c'est souvent parce qu'on n'a pas vu les nuages, aussi je me demande où est le nuage que nous n'aurions pas aperçu. J'espère qu'il n'y en a pas, j'espère naturellement, comme chacune et chacun d'entre vous, que nous pourrons sortir ces prochains mois de cette terrible épreuve que d'aucuns ont subie, subissent encore et subiront plus que d'autres.

A cet égard, nous attendons un soutien de la Confédération en matière de vaccination. Vous l'avez vu cet après-midi, une consultation a été ouverte en ce qui concerne les tests, il faut s'en réjouir. Il y aura certainement un élargissement des tests reconnus et une prise en charge intégrale, ce qui fait que dans quinze jours, peut-être, nous aurons tous notre petit test dans la poche, puisqu'on pourra en obtenir cinq par mois, à utiliser selon les endroits ou les exigences - sans forcément recourir à l'obligation de se faire tester pour telle ou telle activité. Mais qui sait ? Si c'est le prix à payer et que les tests sont gratuits, pourquoi ne pas réaliser un test avant d'aller au spectacle, au cinéma, voire, pour prendre un peu d'avance, au restaurant ? On effectue le test et, pendant trois jours, on peut s'appuyer sur son résultat et aller manger dans les restaurants. Cela fait également partie de la solidarité, cela fait également partie de la responsabilité individuelle. Notre victoire ne sera que collective, elle passera obligatoirement par un triomphe sur le petit égoïsme qui sommeille en chacun de nous. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je soumets cette proposition de résolution à vos votes.

Mise aux voix, la résolution 950 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 60 oui contre 8 non et 26 abstentions.

Résolution 950

M 2740
Proposition de motion de Mmes et MM. Ana Roch, Daniel Sormanni, Jean-Marie Voumard, Sandro Pistis, François Baertschi, Thierry Cerutti, Florian Gander, Patrick Dimier, Christian Flury, André Python, Françoise Sapin : Pour éviter les licenciements, l'Etat doit augmenter les RHT !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.

Débat

Le président. Nous abordons notre dernière urgence, à savoir la M 2740, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Ana Roch, première signataire.

Mme Ana Roch (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, un grand nombre d'entreprises genevoises reçoivent des décisions RHT négatives avec la mention suivante: «attendu que la perte de travail en tant que telle n'est pas avérée». Pourtant, l'ensemble de l'économie tourne au ralenti. La majorité des PME n'ont pas bénéficié d'aides, car elles ne remplissent pas les conditions ou ne sont pas considérées comme des cas de rigueur. Or même si elles n'ont pas été obligées de fermer, elles subissent de plein fouet, comme d'autres, les effets du covid. Par ailleurs, certaines ont pour clientes les sociétés actives dans les secteurs que l'on appelle aujourd'hui des cas de rigueur, avec les conséquences financières que cela implique.

Que demande cette proposition de motion ? Que toutes les requêtes RHT soient systématiquement instruites par les services compétents de l'OCE, ce qui ne semble pas être le cas actuellement. Nous avons remarqué que des lourdeurs administratives en lien avec ces demandes peuvent engendrer des erreurs, erreurs qui pourraient être corrigées lors des instructions et déboucher sur des réponses positives, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas de prime abord.

Ce texte ne constitue nullement une attaque contre le personnel de l'OCE que l'on imagine aisément débordé, mais un changement de pratique est vital. Il faut transmettre un message clair et fort pour soutenir les milieux économiques qui luttent pour leur survie et le maintien des postes en leur sein. Voter cet objet, c'est soutenir les PME et nos emplois. Le MCG vous recommande dès lors de l'adopter sans conditions. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole n'est plus demandée, mais nous avons reçu un amendement de la part de M. Jean Burgermeister... Bon, entre-temps, des gens se sont inscrits, mais je donne quand même la parole à M. Jean Burgermeister afin qu'il nous présente son amendement.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, l'amendement est très simple, voire limpide: si on veut généraliser les RHT - en réalité, il y a très peu de contraintes aujourd'hui pour les entreprises -, si on souhaite envoyer le signal qu'il faut les étendre massivement, eh bien nous devons aussi garantir que ces RHT sont bien dues.

Ce qu'on a observé entre août et septembre, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que le nombre de sociétés bénéficiant des RHT à Genève a été divisé pratiquement par trois. Or quelle modification est intervenue entre août et septembre ? Les entreprises devaient dorénavant justifier les RHT, elles ne les percevaient pas automatiquement en invoquant le covid, elles devaient expliquer - sans toutefois avoir à fournir de preuves matérielles - en quoi leur activité avait été touchée par la crise.

Cette réduction par trois aurait pu mettre la puce à l'oreille des autorités, celles-ci auraient pu la trouver un peu trop importante et se dire qu'il y avait peut-être eu des abus et que certains salariés avaient été contraints de continuer à travailler tout en étant payés selon le régime des RHT, c'est-à-dire à 80% seulement. Je ne peux pas l'affirmer, mais c'est une suspicion relativement raisonnable.

Malheureusement, il n'y a actuellement pas ou très peu de contrôles qui seraient de nature à garantir que les firmes soumises aux RHT ont effectivement des horaires de travail réduits. Voilà pourquoi j'ai déposé cet amendement; Ensemble à Gauche votera la proposition de motion à condition que celui-ci soit accepté.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme vous le savez, les Verts soutiennent volontiers toutes les entreprises, mais aussi l'ensemble de leurs employés. Ainsi que cela a été dit, certaines sociétés sont touchées de façon directe par les mesures sanitaires tandis que d'autres sont concernées de façon indirecte. Si je comprends bien la proposition de motion déposée par le MCG, il est surtout question de ces sociétés-ci, celles qui ne bénéficient pas des RHT de manière directe, inconditionnelle ou évidente. Bien entendu, nous sommes conscients qu'il y en a beaucoup, on en a parlé récemment, qu'il s'agisse de compagnies de taxis ou d'autres firmes; leur activité n'est pas interdite, mais il leur est assez difficile de justifier le fait de percevoir des RHT.

En fait, au début, quand on a pris connaissance du texte, on s'est dit que le fait de bénéficier ou pas des RHT était du ressort fédéral, mais l'exposé des motifs met clairement en évidence le fait que le canton dispose d'une certaine marge de manoeuvre. Pour nous, il est évident qu'on doit exploiter cette marge de manoeuvre cantonale pour apporter un peu plus de souplesse dans l'attribution des RHT, et nous soutiendrons dès lors cet objet. Pour ce qui est de l'amendement d'Ensemble à Gauche, je ne l'ai pas lu en entier, nous devons encore déterminer si nous le soutenons ou pas, mais dans tous les cas, nous sommes favorables à la proposition de motion.

M. Grégoire Carasso (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste soutiendra également cette proposition de motion et remercie son auteure principale. Nous savons que dans le cadre relativement strict posé au niveau fédéral en ce qui concerne les RHT, il y a, comme toujours lorsqu'il est question de droit, des marges d'interprétation et des critères d'appréciation, et c'est en ce sens que nous comprenons ce texte. Nous aimerions que dans l'interprétation des faits transmis par les entreprises et les décisions administratives qui en découlent, la pratique soit assouplie autant que faire se peut. Dans cette perspective, nous accepterons également l'amendement déposé par le député Burgermeister et nous vous invitons à faire de même. Merci.

M. André Pfeffer (UDC). L'UDC soutient le postulat des motionnaires et votera cette proposition de motion, même si elle nous semble contenir une petite imperfection. Si, comme l'a souligné la première signataire, il est question d'instruire plus largement les dossiers des RHT, nous sommes à 100% d'accord, mais le texte indique aussi qu'il s'agit de «demander à ses services d'attribuer plus largement les RHT aux entreprises». A cet égard, il faut relever que le montant global des RHT versées à Genève depuis le début de la crise dépasse la somme de 1 milliard de francs. Je rappelle aussi que les RHT ont pour seul et unique objectif d'éviter les licenciements. Le groupe UDC partage totalement la vision de la dernière invite: nous défendons évidemment l'économie et les emplois locaux. Pour toutes ces raisons, l'UDC adoptera cet objet. Merci de votre attention.

M. Serge Hiltpold (PLR). Il y avait un petit quiproquo dans la première invite, mais Mme Roch a clarifié les choses. En effet, il s'agit plutôt de déterminer quelles sont les pratiques administratives et comment les dossiers sont instruits. C'est un élément capital, parce qu'à l'instar de M. Pfeffer, nous ne serions pas non plus sur la même longueur d'onde concernant un octroi des RHT plus large et sans conditions; on parle donc du système d'instruction des dossiers.

Dans le cadre des RHT, qu'on appelait plus communément «chômage technique» à l'époque, des efforts importants ont été déployés. Les jours de carence, par exemple, ont été diminués, passant de trois auparavant à un seul jour. Les RHT ont été étendues suivant les périodes pour les apprentis ainsi que pour le personnel employé à durée déterminée; on a aussi vu certaines applications variables selon le taux d'occupation.

Pour en venir aux invites, c'est-à-dire à la question des pratiques administratives, je pense qu'il serait sage de renvoyer le texte en commission, sous la présidence experte de Thierry Cerutti qui mettra le sujet à l'ordre du jour rapidement afin qu'on puisse également mesurer les efforts consentis par l'Etat, par exemple la mobilité des collaborateurs pour instruire les dossiers au début de la crise. Dans la période allant d'avril à mai, les aides ont été versées relativement rapidement, parce que beaucoup de personnel avait été mobilisé en appui à l'office cantonal de l'emploi. A notre sens, il serait assez judicieux de dresser aussi un petit bilan des actions positives mises en place.

Au PLR, on porte souvent un regard critique sur les services de l'Etat, mais dans le cas d'espèce, les choses ont bien fonctionné, donc on ne peut que saluer cette mobilité interne et la soutenir dans d'autres domaines, on voit que c'est possible. Nous serions assez disposés à voter cette proposition de motion, mais pour clarifier l'ensemble des points, je pense qu'un petit retour en commission serait d'abord bienvenu. C'est ce que je propose, Monsieur le président. Merci.

Le président. Vous pensez à la commission de l'économie, je suppose, Monsieur le député ?

M. Serge Hiltpold. Oui, la commission de l'économie.

Mme Ana Roch (MCG). Pour répondre à M. le député Burgermeister - vous transmettrez, Monsieur le président -, lors des instructions, des demandes spécifiques sont faites aux entreprises, ce qui permet un contrôle. Je pense que c'est largement suffisant. Des contrôles sont effectués, je sais que certaines sociétés ont été sollicitées par l'OCIRT au sujet de requêtes qu'elles avaient soumises à la fin de l'année dernière, donc sa proposition est déjà mise en oeuvre. Pour cette raison, le MCG ne suivra pas l'amendement. Merci.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il serait en effet sage de renvoyer cette proposition de motion en commission pour que vous puissiez percevoir exactement le travail qui a été accompli et surtout l'inapplicabilité de certaines invites qui vous sont soumises. Avec toute la sympathie que j'ai pour les motionnaires, un petit rafraîchissement de situation aurait été bienvenu avant le dépôt de ce texte, qui se base sur un cas particulier: des RHT avaient été refusées partiellement ou totalement à une entreprise qui, estimant que ce n'était pas normal, avait présenté une réclamation. Nous lui avions expliqué que ce n'est pas nous qui fixons les règles, que celles-ci découlent du droit fédéral, c'est-à-dire de la loi fédérale sur l'assurance-chômage, et que si elle considérait qu'il fallait changer les choses, eh bien c'est à l'échelle fédérale qu'il convenait d'agir.

La première signataire du texte s'est adressée au SECO qui lui a répondu que l'exécution de l'assurance-chômage a lieu de manière décentralisée, ce qui est parfaitement juste. C'est comme l'AI: ce n'est pas au niveau fédéral qu'on rend les décisions AI, c'est au niveau des caisses qui se trouvent dans les différents cantons. Cela ne signifie pas pour autant que nous disposions d'une marge de manoeuvre quant à l'application du droit supérieur. Or ce qu'on nous demande ici, c'est d'appliquer la loi fédérale sur l'assurance-chômage à la genevoise, c'est-à-dire d'attribuer plus largement les RHT, de modifier les pratiques pour tenir compte de la baisse d'activité des entreprises. Mais ce n'est pas ça, notre marge de manoeuvre !

Notre marge de manoeuvre, c'est d'appliquer la loi, et je peux vous assurer que nous sommes le canton qui a versé le plus de RHT: nous sommes à 1,77 milliard, et les projecteurs fédéraux sont braqués sur nous pour voir - je réponds ici à M. Burgermeister s'agissant de son amendement - si nous effectuons tout de même des contrôles et si nous n'indemnisons pas les yeux fermés.

Au printemps dernier, 12 000 sociétés réclamaient des RHT, vous imaginez les moyens qu'il a fallu mettre en place. Bien sûr, des erreurs ont été commises, mais parfois, on attribue des changements de position à des erreurs initiales. Le SECO, que nous interpellions, nous répondait: «Non, il ne faut pas verser de RHT dans cette situation.» Ensuite, l'assuré recourait devant la Chambre et, au moment où la Chambre demandait un droit de réponse, elle appelait en cause le SECO qui indiquait: «Finalement, nous allons payer.» En définitive, mes services ont dû reprendre contact avec tous ceux qui, bien gentiment, avaient accepté des décisions de refus, ne serait-ce que pour rétablir l'égalité de traitement. Alors évidemment, ces personnes se sont dit: «Comment se fait-il qu'on nous réponde d'abord non et que maintenant on nous dise oui ?»

Aussi, Mesdames et Messieurs, renvoyez cette proposition de motion en commission pour que nous puissions vous expliquer de manière transparente comment nous procédons. Non, parce que vraiment, renvoyer ce texte au Conseil d'Etat en l'invitant «à défendre ainsi l'économie genevoise et les emplois locaux»... Je suis certainement le dernier ici à qui on peut reprocher de ne pas défendre les emplois locaux ! Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'économie, que je mets aux voix.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2740 à la commission de l'économie est adopté par 51 oui contre 37 non et 1 abstention.

Le président. Nous reprenons l'ordre du jour ordinaire, c'est-à-dire les objets liés PL 12307-A, M 2411-C et M 2444-B... (Commentaires.) Nous avons entamé le débat hier, les différents rapporteurs se sont exprimés, nous avons évalué qu'il reste environ une heure de débat. Il est 19h35, et si je vous propose de finir à passé 20h30, vous allez sans doute hurler. Pour cette raison, nous reprendrons ce point le jeudi 25 mars à 17h. Nous avons enregistré les temps de parole déjà utilisés. Sur ce, Mesdames et Messieurs, je vous souhaite une bonne soirée, un bon week-end et je vous retrouve avec plaisir lors de la prochaine session.

La séance est levée à 19h40.