République et canton de Genève

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R 950
Proposition de résolution de Mmes et MM. Vincent Subilia, Yvan Zweifel, Cyril Aellen, Pierre Nicollier, Jean Romain, Murat-Julian Alder, Diane Barbier-Mueller, Serge Hiltpold, Joëlle Fiss, Natacha Buffet-Desfayes, Jean-Pierre Pasquier, Adrien Genecand, Francine de Planta, Pierre Conne, Charles Selleger, Alexis Barbey, Philippe Morel, Beatriz de Candolle, Helena Rigotti, Jacques Béné, Alexandre de Senarclens, Fabienne Monbaron, Véronique Kämpfen, Raymond Wicky : Un plan de sortie de crise, maintenant
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.

Débat

Le président. Voici notre prochaine urgence: la R 950. Nous traitons cet objet en catégorie II, trente minutes, et je laisse la parole à son auteur, M. Vincent Subilia.

M. Vincent Subilia (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, l'heure est au symbole; cela est illustré par le nombre de textes dont notre grémium est saisi à propos du covid, qui occupe notre quotidien depuis maintenant une année. Les autorités, vous l'avez vu aujourd'hui, se sont mobilisées au travers d'une minute de silence. C'est dire à quel point la proposition de résolution que vous soumet le PLR ce soir s'inscrit dans une temporalité bienvenue.

Je le disais, notre quotidien est rythmé depuis 365 jours et même davantage par la pandémie qui a induit dans nos existences respectives un changement de paradigme nous conduisant à faire preuve de résilience et d'agilité, mais surtout qui se traduit, personne ne le niera ici, par une tragédie sanitaire sans précédent. La situation que nous vivons est dramatique, elle l'est aussi sous l'angle économique et social, elle l'est enfin, cela a été rappelé à plusieurs reprises à la faveur d'objets qui ont été très largement votés par notre plénum, sur le front culturel.

Nous avons pris nos responsabilités, adopté des textes pour venir en aide à celles et ceux qui, en état de détresse, dans le besoin, se sont tournés vers vous. Mais au-delà du monde d'avant, il y a encore le monde d'après, et l'on voit se dessiner au bout de ce long tunnel quelque lueur d'espoir - c'est le cas par exemple sur le plan vaccinal, même si la matière première est moins généreuse qu'on l'espérait. C'est ce monde d'après, Mesdames et Messieurs, que nous vous invitons à penser à travers cette proposition de résolution - nous avons pleinement conscience qu'il s'agit, comme je l'indiquais en introduction, d'un symbole, d'un signal, mais ceux-ci sont importants au même titre que la lumière -, un monde que nous devons marquer du sceau de la prévisibilité.

Alors vous me direz, prévisibilité et pandémie sont deux termes antinomiques. Avec beaucoup d'humilité dans notre propos, le lieu n'étant pas ici de jeter la pierre au Conseil d'Etat ni à celles et ceux qui s'emploient journellement, avec beaucoup de détermination, à faire en sorte que notre quotidien soit le moins difficile possible, il nous apparaît que sur cette ligne de crête extrêmement fine, dans cet arbitrage permanent qui doit être effectué entre des exigences sanitaires parfaitement légitimes et des considérations économiques importantes elles aussi, la lecture de la crise par nos autorités, en particulier fédérales, se veut très clinique. Nous avons parfois eu le sentiment, et certains l'ont manifesté de façon plus ou moins déterminée - en ce qui nous concerne, encore une fois, nous sommes nuancés dans notre propos -, que la dimension épidémiologique dominait l'entier des débats.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, le PLR vous propose une résolution qui s'articule autour de trois postulats. Le premier vise à coordonner, le second à fédérer, le troisième à innover. Je m'explique brièvement. Coordonner, c'est veiller à ce que les démarches entreprises au bout du lac le soient de façon concertée avec d'autres cantons suisses de sorte que notre action soit plus lisible. Pensons notamment au fait que Genève a été le seul canton du pays à connaître, pour des raisons probablement tout à fait justifiées, trois fermetures de nos commerces, lesquels ne sont pourtant pas des foyers de propagation, cela a été avéré.

Fédérer, parce que vis-à-vis de notre Confédération, précisément dans l'esprit confédéral qui nous anime, il est important qu'en Suisse romande et en Suisse de manière générale, on fasse entendre la voix de Genève jusqu'à Berne, même si, ainsi que le conseiller d'Etat Mauro Poggia nous le rappelait hier, nous ne sommes malheureusement pas entendus comme nous le souhaiterions et devrions par ailleurs l'être sous la coupole fédérale.

Enfin, innover. Innover, car face à la pandémie, dans cette posture qui est la nôtre, plutôt que de se laisser abattre, il faut se battre. Dans cette optique, nous devons être capables non seulement de penser des moyens, de protéger une population vulnérable, mais également de laisser quelques libertés à d'autres, à ceux qui sont vaccinés, à ceux qui ont déjà souffert du virus - et ils sont très nombreux. Comme on a pu le lire aujourd'hui, avec les vaccins qui seront mis à disposition gratuitement de tous les membres de la Confédération, c'est ce type d'initiative innovante que nous devons porter.

Coordonner, fédérer, innover, c'est la proposition du PLR - encore une fois, en parfaite humilité - pour un plan de sortie de crise, maintenant; demain, il sera trop tard. Pour nos acteurs en particulier économiques, le drame est là. Au-delà du désarroi psychologique et des dégâts que la crise génère, ils ont besoin de nous, ils ont besoin de lisibilité, ils ont besoin de davantage de prévisibilité; ils ont besoin, Mesdames et Messieurs, et c'est ce qui nous anime, d'espoir. Je conclurai sur cette note positive. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, au groupe socialiste, quand nous avons reçu cette proposition de résolution, nous avons été particulièrement étonnés, car celle-ci enfonce des portes ouvertes, c'est le moins qu'on puisse dire - et il n'y a vraiment rien d'autre à dire. Examinons ses invites une à une.

La première demande au Conseil d'Etat d'«effectuer toutes les démarches nécessaires auprès du Conseil fédéral, en vue de permettre une levée progressive des restrictions à nos libertés et de prévoir sans délai» - on ignore ce que signifie «sans délai» - «et par étapes» - on ne sait pas non plus ce que veut dire «par étapes» - «la réouverture des commerces, restaurants, bars et autres lieux culturels, sportifs et de loisirs». On en a déjà parlé: le problème, c'est qu'il est difficile de les rouvrir sans prévisibilité du point de vue de la crise sanitaire - je reviendrai sur cette question. Ainsi, je pense - enfin, j'espère ! - que le Conseil d'Etat n'a pas attendu ce texte et son hypothétique adoption pour entreprendre des démarches à Berne; M. Poggia nous répondra, mais j'imagine que ce n'est pas le cas.

Ensuite, le Conseil d'Etat est invité «à se coordonner avec les autres cantons». Vous entendez, Monsieur Poggia ? On vous encourage à vous coordonner avec les autres cantons ! J'espère que vous avez le numéro de téléphone de vos homologues ou que vous les avez vus ces derniers mois... Enfin, Mesdames et Messieurs, arrêtons de rigoler: chacun sait que les différents conseillers d'Etat se rencontrent lors des conférences des directeurs cantonaux, par thématique, que ce soit M. Poggia pour la santé, Mme Fontanet pour l'économie, M. Apothéloz pour la culture. Encore une fois, personne n'a attendu cette résolution PLR pour mettre en place une coordination intercantonale.

Quant à la troisième invite, elle incite le Conseil d'Etat «à intégrer dans ce plan de sortie les mesures de protection sanitaires adéquates [...]». Ouh, alors là ! Voilà une année qu'on parle de cette crise sanitaire, économique, sociale, humaine, mais il est clair que le gouvernement n'avait pas encore pensé à intégrer des mesures de protection sanitaires adéquates avant qu'on soit saisis de cet objet, donc on se réjouit de le voter pour obtenir enfin des mesures de protection sanitaires adéquates !

La quatrième proposition précise «et notamment à inclure des mesures de protection et d'accompagnement spécifiques aux personnes âgées et populations à risque [...]». Alors là, heureusement que cette résolution a été déposée pour qu'on puisse spécifiquement faire plus attention aux populations vulnérables, aux personnes âgées, aux personnes à risque ! Vraiment, merci au PLR d'avoir pensé à ça après une année de pandémie !

Enfin, il s'agit d'«intégrer [...] des indicateurs [...] permettant une prévisibilité [...]». Ah ben mince, le problème, c'est que c'est précisément ce qui nous fait défaut depuis une année: il n'y a aucune prévisibilité. On ouvre, on ferme, le virus gagne du terrain, puis la crise s'atténue, et soudain il y a de nouveau des problèmes, de plus en plus de personnes sont contaminées, donc aux HUG, les services de soins palliatifs - enfin, pas seulement les soins palliatifs, même s'ils sont aussi concernés - explosent... Vraiment, on attendait avec impatience cette résolution PLR ! Je suis désolé, mais nous nous abstiendrons poliment sur ce texte qui enfonce des portes ouvertes. Merci. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC soutiendra cette proposition de résolution même si elle arrive très tard et que d'ici une semaine, la plupart de ses invites auront probablement été réalisées. L'UDC partage l'avis selon lequel notre population, qui a été très durement touchée, a besoin d'obtenir des réponses, de fonder des espoirs, de bénéficier d'un plan pour sortir de la crise.

Je rappelle que la Confédération est responsable des mesures liées au covid. Cela étant, depuis le mois de juin de l'année dernière, elle a l'obligation de consulter tous les cantons sur les décisions qu'elle prend. Je répète: la Confédération doit consulter l'ensemble des cantons ! La particularité de Genève, c'est que le Conseil d'Etat tient ses délibérations avec la Confédération secrètes. Alors je vous pose la question suivante: est-il vraiment utile de renvoyer des résolutions à Berne dont le résultat sera très symbolique, voire nul, ne serait-il pas plus opportun que le gouvernement genevois rende ses discussions avec la Confédération publiques ?

A mon avis, si le Conseil d'Etat faisait preuve de transparence dans ses tractations avec Berne, nos commerçants obtiendraient très largement certaines réponses demandées par ce texte; ils auraient des réponses, sûrement des espoirs, peut-être même déjà quelques éléments pour la sortie de crise. Toutefois, notre groupe acceptera cette proposition de résolution. Merci.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en ce qui me concerne, je remercie plutôt le PLR d'insuffler une autre dynamique au travers de cette proposition de résolution. En effet, la population souhaite voir la fin du tunnel, reprendre ses activités, se retrouver en société, retourner au théâtre, au cinéma, comme cela a été souligné ce soir. Tout cela constitue une véritable nécessité, parce que le moral de nos concitoyennes et concitoyens n'est pas très bon. Dans cette optique, Mesdames et Messieurs, le PLR nous offre une nouvelle dynamique.

Aujourd'hui, la vaccination avance, les gestes barrière sont bien connus et reconnus par l'ensemble des acteurs; voilà ce qui nous permettra de revenir à une situation normale, c'est ce que nous attendons. Au-delà de ça, l'Etat social fonctionne, nous avons tous lu dans la presse ce matin qu'il a déjà affecté près de 116 millions à notre économie. Celle-ci demande une réouverture, la reprise des activités; l'ensemble de nos travailleuses et travailleurs, eux aussi, souhaitent redevenir actifs. L'activité, Mesdames et Messieurs, c'est sain, cela nous permet de faire autre chose, de rêver à un avenir meilleur.

Nous pouvons remercier le PLR, parce qu'il exprime la volonté de notre population, il encourage le Conseil d'Etat à renouer avec une dynamique d'espérance. Voilà pourquoi le parti démocrate-chrétien votera cette proposition de résolution. Je vous remercie de votre écoute. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vous annonce tout de suite que nous ne nous opposerons pas à cette proposition de résolution, nous en partageons en grande partie les constats. Cela étant, les solutions proposées ont été discutées au sein du groupe et ont remporté un soutien mitigé, si bien que nous laisserons la liberté de vote entre l'abstention constructive et le soutien.

Si l'invite principale est relativement diplomatique - elle demande au Conseil d'Etat d'entreprendre des démarches auprès du Conseil fédéral -, nous sommes en revanche surpris par le titre de ce texte qui exige un plan de sortie de crise immédiat. Comment peut-on penser, cela a été souligné par mon excellent collègue M. Wenger, que le Conseil d'Etat et le Conseil fédéral ne prévoient pas de plan de sortie de crise ? Cas échéant, ce serait les prendre pour des demeurés. En fait, je vais vous donner un scoop: les autorités exécutives ont même plusieurs plans de sortie de crise ! Cela s'appelle développer des scénarios adaptés à chaque cas de figure.

Elaborer une seule stratégie sans tenir compte de l'évolution du virus serait totalement irresponsable. Ainsi, solliciter une réouverture sans délai revient à nier le risque de dégradation de la situation sanitaire; à l'inverse, on pourrait aussi avoir de bonnes surprises avec le retour des beaux jours, une vaccination qui rattraperait enfin son retard, voire l'apparition d'un variant syldave présentant des dangers bien moindres. Bref, nous affirmons que l'ensemble des invites de la résolution sont déjà dans le radar de nos gouvernements genevois et suisse, et que celle-ci enfonce largement des portes ouvertes - cela a déjà été indiqué précédemment.

J'aimerais conclure en relevant une expression de la première invite: on y parle de «restrictions à nos libertés». Comme vous le savez, je n'apprécie guère qu'on attribue certaines libertés à telle ou telle catégorie de personnes. Quelles sont ces libertés, à qui appartiennent-elles ? Au seul PLR ? L'auteur du texte évoque essentiellement les libertés économiques. S'agit-il de libertés d'inspiration libérale consistant à recommencer à commercer et à voyager librement autour de la planète ? Est-ce que ce sont ces libertés-là qu'on cherche à promouvoir ? Je précise à cet égard qu'il existe d'autres types de libertés, en rappelant que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres.

Pour les Verts, «nos libertés» doivent concerner l'ensemble de la population. La liberté, c'est aussi survivre dans la dignité; or la droite refuse de soutenir les plus précaires. La liberté, c'est disposer d'un toit; or la droite et le centre s'opposent à l'aide pour le paiement des loyers, ce qui risque de placer de nombreuses personnes à la rue. La liberté, c'est ne pas être exposé à une covid de longue durée. Tous ces éléments doivent également être pris en compte pour définir un scénario de sortie de crise.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG). Cette proposition de résolution, Mesdames et Messieurs, c'est un peu la mouche du coche, vous savez, cette mouche qui croit qu'elle fait avancer la voiture alors qu'elle ne sert à rien du tout. Je partage les remarques de mon collègue Thomas Wenger: lisez chacune des invites, et c'est précisément ce que font les autorités. On peut la voter, on peut ne pas la voter, ça ne changera strictement rien. Je ne sais pas quel genre de gesticulation politique se cache derrière ce texte, mais enfin...

Prenons un exemple: nous devons tout faire pour «permettre une levée progressive des restrictions à nos libertés». Oui, en effet, nous devons tout mettre en oeuvre pour faire régresser le virus, vous êtes d'accord aussi. Ainsi, quand la pandémie perdra du terrain, nous retrouverons nos libertés antérieures.

Ensuite, il convient de «se coordonner avec [...] les cantons latins»; pourquoi donc avec les seuls cantons latins ? Les cantons alémaniques ne connaissent-ils pas la pandémie ? La France voisine ne serait-elle pas plus importante pour les problèmes sanitaires genevois, ne faudrait-il pas se concerter avec elle ou encore avec l'Allemagne, si on se trouve dans un canton limitrophe de ce pays ?

Puis, on invite le Conseil d'Etat «à intégrer dans ce plan de sortie les mesures de protection sanitaires»... (Rires.) Mais enfin, c'est presque, c'est presque... On croit rêver ! J'entends, nous portons tous des masques, nous utilisons tous du gel hydroalcoolique, ceux qui sont vulnérables se font vacciner, mais M. Subilia découvre qu'il faut prévoir des mesures sanitaires !

Bon, après, on nous dit: «Ouh, mais il faut accompagner spécifiquement les personnes âgées !» Oui, alors vous ignorez peut-être que les personnes âgées de plus de 75 ans ont été vaccinées et qu'on commence la vaccination de la série suivante. Mais enfin, dans quel monde vivez-vous ?

Pour terminer, il faut «intégrer, dans ce cadre, des indicateurs objectifs et clairs»; écoutez, je n'ai jamais pris la défense du Conseil d'Etat, mais il me semble qu'il s'efforce tout de même de trouver quelques indicateurs objectifs et clairs ! Ce n'est pas si simple, ils sont contestés et contestables, mais quand même ! Par décence, pour ne pas se moquer du monde et pour ne pas se moquer du Conseil d'Etat, notre groupe n'approuvera pas cette proposition de résolution. Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Je m'amuse toujours à écouter la gauche caviar venir nous dire qu'on enfonce des portes ouvertes quand ce n'est pas elle qui a fait la proposition. Une gauche suffisante, arrogante, qui défend l'extérieur aux dépens de l'intérieur, une gauche qui, plus d'une fois, nous a montré qu'elle est maladroite - forcément, puisqu'elle est à gauche ! (Rires.)

Quant aux communistes, ce sont mes préférés, parce qu'ils nous rappellent sans cesse qu'ils ont un destin commun avec Jeanne d'Arc: ils sont morts avant de s'éteindre ! (Rires.)

Le président. Bon... Heureusement, vous les avez fait rire. C'était mal parti, mais vous les avez fait rire.

M. Patrick Dimier. Il n'y a pas que les... (L'orateur est inaudible.)

Une voix. Il faut rallumer le micro.

Une autre voix. Le micro est coupé !

Le président. Oui, rappuyez sur votre bouton, Monsieur Dimier.

M. Patrick Dimier. Vous n'avez pas raté grand-chose. Notre Grand Conseil ne fait rien d'autre que remplir son rôle. On a suffisamment reproché au gouvernement, pendant toute une partie de l'année 2020, d'avoir coupé la parole au parlement ! Nous remplissons notre fonction, nous prenons la parole, nous sollicitons le Conseil d'Etat. Nous le remercions pour tout ce qu'il accomplit, mais nous ne faisons rien d'autre que remplir notre rôle. Alors ne soyons pas stupides, poursuivons notre mission et soutenons cette proposition de résolution qui va exactement dans le sens de ce que l'on attend d'un vrai législatif. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole échoit une nouvelle fois à M. Vincent Subilia. Vous avez quarante-cinq secondes, Monsieur le député.

M. Vincent Subilia (PLR). Je m'efforcerai d'en faire le meilleur usage, Monsieur le président. Il est un adage qui me vient à l'esprit, assez simple finalement, mais qui traduit bien la défiance affichée par les milieux de gauche avec une certaine suffisance: à ne rien tenter, on peut aussi ne rien vivre. Finalement, c'est ce qui structure cette proposition de résolution.

J'entends les critiques - mouche du coche, enfoncer des portes ouvertes -, mais encore faut-il pouvoir dire un certain nombre de vérités. Le texte interpelle le Conseil d'Etat, encore une fois avec tout notre respect et le satisfecit quant à ce qui a été entrepris, mais je crois - M. Dimier le rappelait, et je l'en remercie - que c'est notre rôle. Notre rôle est aussi de prendre des risques, parce que gouverner, c'est anticiper.

Dans la lecture de ce que nous vivons, les paramètres économiques doivent être pris en compte au même titre que les paramètres culturels - je suis oecuménique dans ma vision. Je ne doute pas que le Conseil d'Etat, en collaboration avec la Confédération, s'acquittera de son devoir et je l'en remercie d'avance.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai presque envie de dire que sur cet objet, c'est un peu comme «L'Ecole des fans»: tout le monde a raison ! A la fois ceux qui s'exclament qu'il enfonce des portes ouvertes et ceux qui rétorquent que nous ne sommes pas là que pour enfoncer des portes fermées, que nous sommes aussi là pour échanger, pour prononcer des déclarations de principe. Dieu sait si, de tous les côtés de l'échiquier politique, on prend souvent des décisions de principe dont on n'attend pas grand-chose, si ce n'est de pouvoir signaler un jour: «Nous l'avons dit !»

Je ne prétends pas qu'il s'agit du mobile de M. le député Subilia, je pense que le texte reflète une vraie préoccupation face à la pandémie et à ses conséquences sur notre économie. Cela étant, il faut souligner que, sans être excessivement pointilleux, tatillons ou technocrates, nous échangeons avec le Conseil fédéral et l'Office fédéral de la santé publique plusieurs fois par semaine. Pas plus tard qu'hier, j'ai passé deux heures en visioconférence avec l'OFSP, M. Berset et les autres membres du comité de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé; avant cela encore, puisque vous évoquez les relations avec les cantons, j'étais pendant une heure en visioconférence - tout se fait en ligne maintenant - avec mes collègues des cantons latins afin que nous puissions nous entendre.

Ce travail de concertation, mais aussi de conviction se fait, parce que nous avons, nous avons eu et nous aurons toujours en Suisse romande des intérêts qui ne sont pas forcément ceux de la Suisse alémanique. Très souvent, nous l'avons constaté, lorsque les problèmes sont romands, ils sont régionaux; lorsqu'ils sont alémaniques, ils sont nationaux. Ainsi, il faut parfois attendre qu'une situation touche l'autre côté de la Sarine pour qu'enfin on pense à embrasser la problématique.

C'est vrai, vous avez raison, il faut se parler, mais il faut également expliquer. A M. Pfeffer qui soutient que nous travaillons dans l'opacité, Monsieur le président, vous rappellerez qu'il existe une loi sur la transparence et que nous n'avons aucun motif à garder pour nous l'objet des consultations. Nous ne voulons simplement pas faire de la cogestion avec les 500 000 spécialistes genevois en matière de pandémie ni publier nos opinions sur internet. Par contre, face à vous, députés, nous n'avons aucune raison de cacher ce que nous demandons à Berne; d'ailleurs, les conférences de presse que nous tenons, dans lesquelles nous dévoilons nos requêtes, en sont le reflet. Partant, n'hésitez pas à nous poser des questions sur le contenu de nos discussions. Nous n'agissons bien évidemment pas en cachette, nous souhaitons juste oeuvrer dans une certaine sérénité.

En effet, comme on a pu le voir, travailler sous la pression de l'opinion publique et des intérêts particuliers, aussi légitimes et respectables soient-ils, peut amener à prendre des décisions erronées. Le Conseil fédéral en a fait les frais, nous aussi. L'automne dernier, nous avons sans doute trop attendu, même si Genève a été plus rapide qu'ailleurs, et on nous l'a largement reproché. Si, dès lors, nous nous sommes montrés plus durs qu'ailleurs, cela a eu un résultat immédiat, mais avec des conséquences, et celles et ceux qui, pour la solidarité, en ont payé le prix doivent et devront être soutenus à l'avenir.

Je terminerai en abordant la question de la prévisibilité, Mesdames et Messieurs les députés. Ainsi que vous l'avez indiqué très justement, nous souhaiterions tous disposer d'un plan comme on en fait lors d'exercices militaires, où nous prévoyons comment les terroristes seront éliminés et les lieux récupérés. La vraie vie n'est pas aussi simple, et nous devons sans cesse nous adapter à l'évolution de la situation. Cette pandémie nous a déjà beaucoup surpris.

Je ne vous cacherai pas que je ne comprends toujours pas pourquoi - ma compréhension ne vaut pas grand-chose, mais elle n'est pas davantage éclairée par ceux qui pourraient y apporter de la lumière -, avec plus de 80% de nouveaux variants, nous n'avons pas plus de cas dans les hôpitaux. Il devrait y avoir une croissance des infections, ce n'est pas le cas. Je m'en réjouis, bien sûr, mais je ne peux pas m'empêcher de m'interroger: est-ce que quelque chose va se passer ? Nous avons appris que quand le ciel est bleu, c'est souvent parce qu'on n'a pas vu les nuages, aussi je me demande où est le nuage que nous n'aurions pas aperçu. J'espère qu'il n'y en a pas, j'espère naturellement, comme chacune et chacun d'entre vous, que nous pourrons sortir ces prochains mois de cette terrible épreuve que d'aucuns ont subie, subissent encore et subiront plus que d'autres.

A cet égard, nous attendons un soutien de la Confédération en matière de vaccination. Vous l'avez vu cet après-midi, une consultation a été ouverte en ce qui concerne les tests, il faut s'en réjouir. Il y aura certainement un élargissement des tests reconnus et une prise en charge intégrale, ce qui fait que dans quinze jours, peut-être, nous aurons tous notre petit test dans la poche, puisqu'on pourra en obtenir cinq par mois, à utiliser selon les endroits ou les exigences - sans forcément recourir à l'obligation de se faire tester pour telle ou telle activité. Mais qui sait ? Si c'est le prix à payer et que les tests sont gratuits, pourquoi ne pas réaliser un test avant d'aller au spectacle, au cinéma, voire, pour prendre un peu d'avance, au restaurant ? On effectue le test et, pendant trois jours, on peut s'appuyer sur son résultat et aller manger dans les restaurants. Cela fait également partie de la solidarité, cela fait également partie de la responsabilité individuelle. Notre victoire ne sera que collective, elle passera obligatoirement par un triomphe sur le petit égoïsme qui sommeille en chacun de nous. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je soumets cette proposition de résolution à vos votes.

Mise aux voix, la résolution 950 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 60 oui contre 8 non et 26 abstentions.

Résolution 950