République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2532
Proposition de motion de Mmes et MM. Yves de Matteis, Jean Rossiaud, Marjorie de Chastonay, Jean-Marc Guinchard, David Martin, Anne Marie von Arx-Vernon, Claude Bocquet, Yvan Rochat, Mathias Buschbeck, François Lefort, Jean-Luc Forni, Frédérique Perler, Paloma Tschudi, Patrick Saudan, Jocelyne Haller, Alessandra Oriolo, Vincent Maitre, Thomas Wenger, Grégoire Carasso, Diego Esteban, Nicole Valiquer Grecuccio, Rolin Wavre, Pierre Vanek, Léna Strasser, Salima Moyard, Pierre Bayenet, Jean-Charles Rielle, Sylvie Jay pour un soutien du canton de Genève à la tenue dans le canton de l'édition 2019 de la Marche des fiertés (Pride romande) en juillet prochain
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 21 et 22 mars 2019.

Débat

Le président. Sans autre forme de procès, nous passons au point suivant de l'ordre du jour. Il s'agit de la M 2532, notre deuxième urgence, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à Mme Paloma Tschudi.

Mme Paloma Tschudi (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la réputation de pionnier du canton de Genève en matière de prévention des discriminations basées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre n'est plus à faire. En 1997 déjà, la première marche des fiertés romande avait lieu à Genève, suivie par celles de Lausanne, Fribourg ou encore Berne. En 2001, les premiers couples de même sexe de Suisse se sont unis grâce à la loi genevoise sur le partenariat enregistré, cela près de six ans avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 1er janvier 2007.

La constitution genevoise est également la seule de Suisse romande à proscrire les discriminations basées sur l'orientation sexuelle. Hier, le Conseil d'Etat a annoncé la possibilité, dès samedi, pour les couples genevois de même sexe, de voir la célébration de leur partenariat effectuée par des maires ou des membres d'exécutifs communaux, au même titre que les couples hétérosexuels. Et cela grâce à une motion approuvée au sein de ce parlement - bravo !

Première Pride, premiers partenariats de couples de même sexe en Suisse, une constitution qui interdit les discriminations basées sur l'orientation sexuelle, la possibilité de voir les partenariats homosexuels célébrés par des membres des exécutifs: toutes ces premières font de Genève un canton pionnier en matière de défense des droits des personnes qui peuvent être discriminées du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Il reste toutefois du chemin à parcourir jusqu'à l'égalité, et la lutte contre l'homophobie et la transphobie doit être le combat de toutes et de tous.

Les associations LGBTIQ ont joué - et jouent encore - un rôle central dans cette lutte. Elles ne sont d'ailleurs pas étrangères à la position de précurseur du canton de Genève. C'est pour reconnaître ce caractère innovateur de notre canton mais aussi, et surtout, pour reconnaître le travail effectué par les associations LGBTIQ que cette motion a été déposée. Permettons à la prochaine Pride, la quatrième à Genève depuis ses débuts en 1997, de se dérouler dans des conditions optimales, notamment sur le plan de la sécurité. Nous vous prions d'accepter cette motion afin que la manifestation puisse bénéficier de toutes les autorisations et des soutiens logistiques nécessaires pour permettre la participation des nombreuses personnes qui afflueront de tout le pays.

Cet événement n'est pas une Lake Parade bis mais une manifestation symbolique rendant hommage à celles et ceux qui, à travers l'histoire, sont descendus dans la rue pour lutter contre plusieurs siècles de discriminations en raison du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'identité et de l'expression de genre. Pour toutes ces raisons, je vous prie, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de soutenir cette motion. Merci. (Applaudissements.)

M. Diego Esteban (S). Mesdames et Messieurs les députés, dans notre grande aventure humaine, la marche vers l'égalité connaît une constante particulière: le concept de normalité est toujours - et sera toujours - en constante évolution, ce qui est une bonne chose. C'est la preuve que nous savons remettre en question nos certitudes, et surtout que nous augmentons continuellement notre niveau de connaissances sur notre environnement social.

Certes, nous venons de très loin. Il a fallu beaucoup de temps pour que l'amour entre deux personnes de même sexe ne soit plus considéré comme un crime. Il a fallu attendre encore plus longtemps pour que la transidentité ne soit plus considérée comme une maladie. Ce jalon a très précisément été posé lors de l'adoption de la onzième classification internationale des maladies de l'OMS, en juin 2018, Mesdames et Messieurs !

Si nous venons de loin, il reste encore du chemin à parcourir. Je rappellerai tristement le taux de suicide beaucoup plus élevé chez les jeunes personnes LGBTIQ que parmi le reste de la population - mais je signale quand même que nous allons dans la bonne direction. J'aimerais saluer le fait que le Conseil d'Etat travaille en ce moment sur un projet de loi unique en Suisse, qui vise à lutter contre les discriminations et les violences fondées directement sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre ainsi que sur l'expression de genre. Je ne peux que le féliciter pour ce travail.

Cette motion veut garantir la tenue de la Pride dans les meilleures conditions possible. La Pride, ce n'est pas qu'une manifestation parmi d'autres ! C'est essentiellement un symbole car, vous ne l'ignorez pas, les discriminations frappant les personnes LGBTIQ se font le plus souvent dans l'ignorance et l'indifférence. C'est dans cet isolement que la Pride apparaît, pour toutes ces personnes, comme une lueur d'espoir. Cette lueur, il s'agit, pour nous, ce soir, de l'allumer dans notre poursuite vers l'égalité. C'est pourquoi le parti socialiste vous invite à soutenir cette motion de vos voix. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par les personnes qui se sont exprimées avant moi. J'aimerais simplement insister sur le fait que cette motion résulte d'un certain nombre de difficultés rencontrées par les organisateurs dans la mise sur pied de cette manifestation. C'est cela qui a conduit à déposer cet objet de sorte que l'Etat s'engage également dans la lutte contre les discriminations LGBTIQ. Il nous semble important que celles-ci soient reconnues et que l'ensemble des services de l'Etat mettent leurs prestations à disposition des organisateurs pour que cette manifestation, au même titre que d'autres, puisse avoir lieu sans que, subrepticement, un certain nombre d'obstacles lui soient opposés.

Il s'agit pour nous d'un élément extrêmement important et les invites sont, à cet égard, relativement claires. La dernière d'entre elles sollicite d'ailleurs l'intervention d'un des membres du Conseil d'Etat afin de prononcer un discours dans le cadre de cet événement. Tout un chacun est évidemment appelé à s'exprimer et à apporter son soutien à cette cause. Néanmoins, le groupe Ensemble à Gauche vous proposera une invite, en remplacement de celle-ci, qui demande au gouvernement de s'engager de manière très claire à lutter contre toutes les discriminations à l'égard des personnes LGBTIQ. Je vous invite non seulement à soutenir cette motion, mais à accepter cet amendement. Je vous remercie de votre attention.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Cette motion, comme vous avez pu le remarquer, Monsieur le président, a également été signée par le parti démocrate-chrétien et le PLR. Nous vous invitons bien évidemment à la soutenir parce que c'est une évidence, c'est une certitude, il n'y a même plus à discuter sur ce qui nous est proposé lorsqu'on parle de thèmes liés aux personnes LGBTIQ. Concernant par contre l'amendement, je fais totalement confiance au Conseil d'Etat et je n'ai pas à lui donner des ordres sur l'attitude à avoir au sujet de cette évidence. Je vous remercie.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Cette motion est tout à fait intéressante quant à son sujet, à savoir le soutien à cette manifestation et à ce qu'elle défend: la lutte contre les discriminations, le fait de permettre à chacun de vivre son identité sexuelle et son identité de genre, le fait que ces identités soient respectées.

Et puis le texte, tout à coup, entre dans l'opérationnel ! Il intervient dans les décisions des offices, il intervient sur la façon dont doit être mis en place le soutien à cette manifestation. Il mélange, au final, l'opérationnel et le soutien à la cause - celui du Conseil d'Etat lui est déjà acquis. L'exécutif soutient en effet cette cause: elle figure dans son programme de législature. Je la porte quant à moi - et elle m'est chère - en ayant intégré dans mon département le BPEV. J'étais aujourd'hui même à la commission des Droits de l'Homme pour expliquer la teneur de l'avant-projet de loi sur la lutte contre les discriminations, qu'elles soient de genre ou autres.

Avec cette motion, vous mettez le Conseil d'Etat un tout petit peu mal à l'aise. D'abord parce que des demandes d'autorisation ont été déposées, qu'il va bien entendu y être répondu, et que cette manifestation sera bien évidemment autorisée à partir du moment où elle remplit les conditions. Ensuite, il y a les différentes invites. Même si, comme je vous le disais, il n'y a pas de raison que nous n'accordions pas les autorisations, la première d'entre elles demande de soutenir «la tenue d'un tel événement sur le territoire genevois». Cela va évidemment dans le sens du programme de législature du Conseil d'Etat et des priorités du BPEV, et il n'y a pas de raison que l'événement ne soit pas soutenu.

Et, d'un coup, le gouvernement est invité à «confirmer son soutien logistique et donc la pleine collaboration de l'ensemble des services cantonaux mobilisés». Vous imaginez bien que le canton de Genève ne peut pas confirmer le soutien logistique du Conseil administratif. Vous dites par ailleurs que celui-ci l'a déjà confirmé. Le Conseil d'Etat confirmera quant à lui le soutien logistique des forces de police, qu'il pourra mettre en place une fois que l'autorisation aura été accordée. Ces choses sont gérées par les services: elles relèvent de nos différents offices et non directement du Conseil d'Etat.

Pour ce qui est de «considérer cet événement d'utilité publique», il va falloir que nous soyons prudents: qu'est-ce qui revêt un caractère d'utilité publique ? C'est un événement qui se veut aussi festif; est-ce que le festif relève de l'utilité publique ? Nous avons pris note de la demande et elle sera examinée, mais nous ne pouvons pas vous dire aujourd'hui quelle sera la décision du gouvernement.

Pour finir, la motion invite «à déléguer l'un des membres du Conseil d'Etat». Mesdames et Messieurs, je n'ai pas souvenir que le Conseil d'Etat ait refusé de se rendre à ce type de manifestation. Pour ma part, si je suis présente à Genève et qu'elle a lieu, c'est avec plaisir que j'y ferai un discours. Je rassure le groupe Ensemble à Gauche, qui a déposé son amendement: mon discours ira dans le bon sens. Je ne me verrais pas faire un discours discriminant, indiquant que je suis prête à soutenir certains mais pas tous... (Rires.) ...et qu'il faut quand même voir parce que les homosexuels c'est peut-être OK, mais pas les transgenres ! (Rires.) Madame Haller, sortez-vous ça de l'esprit; ce n'est de loin pas la position du Conseil d'Etat ni celle du BPEV. Lorsqu'on prône la lutte contre les discriminations, quelles qu'elles soient, et le respect, eh bien on accepte l'ensemble de ces situations - on les respecte et on fait en sorte que ces personnes puissent vivre sereinement dans notre canton.

Mesdames et Messieurs, je veux aussi vous dire - peut-être le savez-vous déjà - que j'ai évidemment eu des contacts, par l'intermédiaire du BPEV, avec les organisateurs de cette Pride et qu'ils m'ont demandé comment procéder. Ils ont maintenant écrit à l'ensemble des membres du Conseil d'Etat pour attirer leur attention sur l'événement et sur le fait qu'ils souhaitent une réponse rapide s'agissant des autorisations de manifester. Vous pouvez, ma foi, renvoyer cette motion au Conseil d'Etat; une réponse lui sera apportée, mais je ne peux pas me prononcer aujourd'hui sur la question de l'utilité publique, ne serait-ce qu'au regard des autres manifestations.

Je me dois quand même de préciser, Mesdames et Messieurs, que c'est une chose de soutenir certains sujets; mais dire au gouvernement quand il doit donner ses autorisations, de quelle façon il doit le faire... Vous entrez dans l'opérationnel alors que nous avons des offices qui s'occupent de ce genre de choses. Je ne pense pas que cette motion rende service à la cause que nous soutenons d'ores et déjà: nous entendons permettre d'organiser une manifestation qui respecte les conditions d'usage. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis de deux amendements. Le premier d'entre eux, qui vous est projeté en ce moment, vise à biffer la dernière invite et à la remplacer comme suit:

«à faire tout ce qui est en son pouvoir afin de lutter plus efficacement encore contre les discriminations faites aux personnes LGBTI.»

Je passe pour une minute la parole à M. Jean Burgermeister afin qu'il puisse nous l'expliquer.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Pour préciser un peu l'amendement, si nous avons demandé de remplacer le discours du Conseil d'Etat par cette action contre les discriminations, ce n'est pas, comme a cru le comprendre Mme Fontanet, par suspicion envers le discours du gouvernement - quoique. (Rires. Remarque.) Nous ne souhaitons évidemment ça à personne, mais en particulier, nous n'aurions pas envie que l'exécutif tire la couverture à lui dans un tel événement. (Protestations.) Nous pensions plus judicieux qu'il utilise son temps et son énergie à mettre en oeuvre des mesures concrètes et fortes pour lutter contre les discriminations, plutôt que de faire ce qui pourrait être perçu comme une forme de récupération politique. C'est pourquoi nous avons proposé ce remplacement. De la part d'Ensemble à Gauche, voyez-le comme une marque de sympathie à l'égard des personnes qui participent à la Pride. Je vous remercie.

M. David Martin (Ve). Les Verts aussi... L'un de mes collègues est premier signataire de cette motion, et nous trouvons l'amendement présenté par Ensemble à Gauche utile et important. Nous proposons par contre de garder à la fois l'invite demandant au Conseil d'Etat de faire un discours et la nouvelle invite d'Ensemble à Gauche. (Remarque.)

Le président. Bien. Nous allons d'abord voter sur la proposition de biffer la dernière invite, et je vous demanderai ensuite si vous souhaitez rajouter l'invite d'Ensemble à Gauche. Je pense que c'est clair comme ça ? Tout le monde est au clair ? (Commentaires.) Nous passons donc au premier vote, sur la suppression de la dernière invite.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 44 oui et 1 abstention. (Exclamations à l'annonce du résultat.)

Le président. Je vous fais maintenant voter sur l'ajout de l'invite suivante proposée par M. Burgermeister:

«à faire tout ce qui est en son pouvoir afin de lutter plus efficacement encore contre les discriminations faites aux personnes LGBTI.»

Des voix. Il manque le Q !

Le président. L'amendement est rédigé comme ça ! (Protestations.) L'amendement est rédigé comme ça: je vous lis ce qui est marqué ! (Protestations.)

Une voix. C'est une erreur !

Le président. Calmez-vous ! Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 43 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la motion 2532 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 24 non et 4 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2532