République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 mars 2019 à 17h
2e législature - 1re année - 10e session - 58e séance
PL 11547-B
Premier débat
Le président. Le prochain objet est le PL 11547-B dont nous débattons en catégorie II, quarante minutes. M. Rolin Wavre me remplace en qualité de rapporteur de majorité, et je lui cède immédiatement la parole.
M. Rolin Wavre (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je vais tenter de vous remplacer dans cette fonction de rapporteur, si tant est que ce soit possible ! Pour rappel, ce projet de loi propose de relever le plafond de sous-traitance permis aux TPG, qui passerait de 10% à 15%. Lors du dernier débat, il a été renvoyé en commission à la demande du MCG. Les travaux et auditions ont montré que les entreprises sous-traitantes étaient suisses, mis à part - assez logiquement - celles qui exploitent des lignes transfrontalières. Les interrogations qui ont poussé le MCG à solliciter le renvoi en commission devraient donc avoir trouvé leur réponse. La majorité de la commission a toutefois accepté un amendement de ce groupe précisant que la sous-traitance était réservée aux entreprises - je cite - «engageant en priorité des résidents genevois».
La majorité de la commission a estimé que le mode de fonctionnement des TPG était relativement contraignant: les décisions de la direction font l'objet de discussions avec les services de l'Etat dans le cadre des négociations du contrat de prestations. La validation de celui-ci est également soumise à une procédure complexe. Dans leur action quotidienne, les TPG doivent disposer d'une certaine marge de manoeuvre et d'une souplesse afin de répondre au mieux aux besoins de la population du canton. Cette souplesse permet par exemple de faire des essais de lignes. C'est particulièrement important actuellement, au moment où il s'agit de répondre avec agilité à la demande de connexions avec le Léman Express - une préoccupation qui, je crois, rassemble la totalité de ce parlement.
Les entreprises sous-traitantes sont tenues de respecter la législation suisse; elles seraient considérées, si elles n'étaient pas sous-traitantes des TPG, comme parfaitement légitimes par tous les acteurs de ce Grand Conseil. On ne peut pas parler de dumping, comme les rapporteurs de minorité qui m'entourent ne manqueront certainement pas de le faire dans quelques instants. C'est faire insulte aux employés de ces sociétés que d'affirmer sans cesse qu'ils sont moins bien formés ou qu'ils fournissent forcément un moins bon service que ceux des TPG.
Ainsi, ce sont surtout des raisons idéologiques qui conduisent les opposants à refuser ce projet de loi. Une partie de la gauche a d'ailleurs d'ores et déjà annoncé sa volonté de recourir au peuple, indépendamment de nos débats d'aujourd'hui, considérant que vouloir modifier une loi revient à la violer; quelle étrange conception de la légalité ! La majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs, d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Le projet de loi déposé initialement par le PLR - notamment - était parfaitement trompeur, puisqu'il proposait de doubler le volume de sous-traitance autorisé aux TPG - un passage de 10% à 20% ! - en présentant cette mesure comme une «augmentation modérée». Quand on double quelque chose, en général, ce n'est pas anodin: si vous doublez mon salaire, mes revenus ou mes impôts - je parle pour tout le monde - ce ne sera pas une hausse modérée, mais une hausse très conséquente. C'est un problème, parce que le motif essentiel qui a été invoqué pour doubler le taux de sous-traitance... Bon, maintenant, on ne le double plus, on l'augmente de 50%, mais j'ai déposé un amendement pour rectifier le titre et ôter la notion de «modérée», au moins que le peuple sache en lisant la question à quoi il répond oui ou non.
Parlons du peuple - c'est une incise: vous avez dit, Monsieur le rapporteur de majorité, qu'une partie de la gauche a d'ores et déjà prévu de lancer un référendum; eh bien non, c'est le syndicat des employés des TPG, le SEV, qui a annoncé depuis belle lurette qu'il entendait lancer un référendum; cas échéant, ce référendum permettrait au peuple de confirmer ce qu'il avait voté en 2004, je crois: une disposition parfaitement analogue s'en prenait à cette même limite de 10% et permettait au conseil d'administration des TPG de la dépasser s'il avait l'aval du Conseil d'Etat. L'intention était identique, et le peuple, à une majorité des deux tiers - pour être précis à 66,3%, Monsieur le président, vous m'accorderez les trois dixièmes de pourcents - avait rejeté cette augmentation, considérant qu'il y avait là une privatisation rampante et que cela posait problème.
Les syndicats ne font pas ça par idéologie, contrairement à ce qu'a dit le rapporteur de majorité, mais parce qu'ils défendent des conditions de travail et que celles-ci sont moins bonnes et problématiques du point de vue de la qualité du service et de la sécurité dans les entreprises sous-traitantes. En effet, les coûts sont diminués de l'ordre de 20% environ; une telle réduction n'est pas obtenue par miracle, mais en faisant pression sur le personnel et sur les salaires !
L'argument initial invoqué pour augmenter le plafond de la sous-traitance, c'était qu'on arrivait à cette limite et qu'en conséquence, les TPG ne pouvaient pas l'augmenter davantage. Selon les partisans, on était en train de toucher le plafond et ça constituait un problème. Or une limite, Mesdames et Messieurs, ça sert précisément à ça ! Une limite est faite pour ne pas être dépassée ! Quand, sur la route, toutes les voitures parviennent à la limite de 50 ou 80 km/h, ce n'est pas un argument pour augmenter la limite ! Un plafond, ça sert précisément à contenir quelque chose qu'on veut contenir ! Ainsi, c'est au moment où cette clause commençait à jouer son rôle qu'on a voulu la supprimer et donc empêcher la volonté du législateur de s'exercer, puisqu'il voulait que cette limite soit effective. J'en reste là pour le moment, Monsieur le président, je reprendrai la parole plus tard. Merci.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est une illustration parfaite de la volonté du PLR et de ses alliés d'amorcer une privatisation rampante et un démantèlement des services publics, c'est l'étape supplémentaire d'un vaste programme tant cantonal que fédéral de libéralisation du marché des services. On l'a vu à Genève à travers la privatisation des tâches de convoyage, mais également à l'échelle fédérale par la mise en concurrence des hôpitaux publics avec les cliniques privées ou la libéralisation du marché de l'énergie.
Ces attaques répétées contre le service public s'inscrivent dans un plan de réformes néolibérales que le conseiller aux Etats PLR Andrea Caroni résume de façon extrêmement claire dans un texte demandant au Conseil fédéral de limiter l'activité économique étatique autant dans les domaines où l'Etat jouit d'un monopole que dans les domaines soumis à la libre concurrence. C'est absolument limpide et les conséquences sont immédiates: détérioration des conditions de travail, diminution de la sécurité des usagères et des usagers, baisse de la qualité des prestations.
Dans le cas qui nous concerne aujourd'hui, c'est en particulier les conditions de travail des employés des entreprises sous-traitantes qui sont très fortement malmenées: on parle de salaires 20% à 25% inférieurs, d'un nombre d'heures plus élevé pour un plein temps, d'un travail sur appel, d'une amplitude extrêmement importante du temps de travail, de personnes qui commencent très tôt le matin et finissent très tard le soir, d'une planification aléatoire des temps de travail et de pause, du nettoyage des véhicules à la charge des employés et j'en passe.
Pour répondre au rapporteur de majorité - vous transmettrez, Monsieur le président - oui, la formation est nettement moins bonne pour les chauffeurs des entreprises sous-traitantes: deux jours contre trois mois pour les employés des TPG. En ce sens, on ne peut que s'attendre à une diminution de la qualité des prestations.
Alors effectivement, les entreprises sous-traitantes produisent des services moins chers, mais pourquoi ? Eh bien essentiellement parce que les conditions de travail des travailleurs sont très nettement inférieures. Cette réalité, n'en déplaise au rapporteur de majorité, constitue un phénomène de sous-enchère orchestré au sein même des services publics avec la caution de l'Etat ! Pour la minorité, c'est absolument inacceptable.
Mesdames et Messieurs les députés, accepter ce projet de loi, c'est accepter la sous-enchère; c'est même pire que ça, en réalité: c'est en créer davantage, c'est accepter que de plus en plus d'employés touchent à l'avenir un salaire inférieur pour un travail absolument identique, c'est une manière pour l'Etat de se délier de ses responsabilités à l'endroit des employés du service public et de fermer les yeux sur leurs conditions de vie, leurs conditions de travail, tout ça pour faire des économies tout en préservant sa bonne conscience.
Oui, ce sera probablement au peuple d'arbitrer cette question, puisque les syndicats ont d'ores et déjà annoncé un référendum, référendum qui sera très certainement soutenu par le parti socialiste. Je rappelle quand même que le peuple s'est déjà prononcé en 2005 sur un projet tout à fait similaire et l'a refusé à plus de 65%. Nous n'en resterons donc pas là. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Monsieur Lance ! Mesdames et Messieurs, il y a beaucoup de bruit; si vous pouviez sortir pour discuter, ce serait agréable pour tout le monde. Voilà, Monsieur le député, je vous repasse la parole.
M. François Lance. Merci, Monsieur le président. L'objectif principal de ce projet de loi est de conférer aux TPG un peu plus de marge de manoeuvre afin qu'ils puissent mettre en place des lignes à l'essai ou nécessitant de petits véhicules qu'ils ne possèdent pas au sein de leur propre flotte. Pour améliorer l'offre dans le canton et satisfaire les usagers ne vivant pas à proximité des lignes principales, il est important que les TPG disposent de cette marge de manoeuvre opérationnelle qui leur confère souplesse et réactivité.
Dans le projet de loi tel qu'amendé en commission, la marge des activités en sous-traitance passe de 10% à 15% au maximum, ce qui constitue un plus pour encourager l'utilisation des transports publics dans les quartiers ou les régions excentrées moins desservies par les lignes régulières. Pour tenir compte de la crainte d'un certain groupe politique, un amendement a été voté en commission demandant aux entreprises mandataires d'engager en priorité des résidents genevois et d'appliquer des conditions de travail et de salaire qui respectent les ordonnances du Conseil fédéral. Au vu de ce qui précède, le groupe PDC votera ce projet de loi, car il permet de développer des prestations spécifiques de transports publics. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC). Depuis 1995, le taux de sous-traitance aux TPG s'élève à 10%. Ce projet de loi demande une légère augmentation. Est-ce que ce mini-changement, même s'il apportait une amélioration, vaut le risque d'un référendum, voire d'une grève ? Est-ce que ce mini-changement ne profitera pas exclusivement à l'engagement de chauffeurs en France ? Une telle mesure devrait être demandée par les TPG, non par le législatif. Pour rappel, en 2004, le peuple a refusé une hausse de la sous-traitance par 66,3% des voix. Le groupe UDC a débattu de ce projet lors de son caucus et vous propose, Mesdames et Messieurs, de le refuser.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, répondre à la baisse des tarifs TPG par une augmentation de la sous-traitance est tout aussi mauvais que de baisser les prestations. On ne doit pénaliser ni le personnel ni les usagers et usagères des transports publics.
L'augmentation du plafond de la sous-traitance tend à favoriser des emplois précaires avec des conditions de travail généralement moins bonnes qu'à l'Etat et surtout moins contrôlées. Ce projet de loi revoit à la baisse des conditions salariales qui précarisent l'emploi, mais il met aussi un pied dans la privatisation. Avec une telle démarche, l'Etat se retire petit à petit du service public, ce qui n'est pas acceptable pour les Verts.
La menace du référendum plane sérieusement, on l'a entendu, les syndicats l'ont déjà annoncé. La droite a demandé un taux de sous-traitance à 20%, le MCG a obtenu un compromis à 15%; quoi qu'il en soit, aucune des deux propositions n'est acceptable. Ne nous aventurons pas sur le chemin de la privatisation et de la précarisation de l'emploi.
Le projet de déploiement des transports publics ces cinq prochaines années est important, notamment avec l'arrivée du Léman Express. Cette évolution doit être accompagnée correctement avec la responsabilité de l'Etat, il ne faut pas gâcher sa mise en oeuvre en grignotant sur le personnel. On l'a vu de près avec les scandales de sous-traitance dans les EMS, d'autres institutions ont été fragilisées avec ce genre de démarche; ne faisons pas la même erreur avec les transports publics. Nous vous recommandons de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la sous-traitance coûte environ 20% de moins aux TPG, et il faut s'interroger sur la provenance de ces économies. En 2014, la première fois que ce projet a été traité en commission, Benjamin Vincent, directeur financier des TPG, a précisé qu'elles provenaient essentiellement des salaires, mais aussi de la qualité du matériel.
Mon camarade Vanek, rapporteur de première minorité, a déposé un amendement pour changer le titre du projet de loi; au final, on pourrait tout aussi bien l'appeler «Pour des transports publics dégradant les conditions de travail et la qualité des véhicules», ça reviendrait au même ! Ce qui est évident, en tout cas, c'est qu'il faut absolument modifier le titre original, Mesdames et Messieurs, car parler d'augmentation modérée n'a aucun sens. Ou alors, les salariés des TPG - certains d'entre eux sont venus nous écouter aujourd'hui, j'en profite pour les saluer - pourraient réclamer une augmentation modérée de leur salaire: 50% de plus ! C'est tout à fait acceptable pour ce parlement !
Mesdames et Messieurs, cela a été dit, le peuple a rejeté par deux tiers des votants un texte similaire en 2005. Le présent projet de loi, dès le début, a servi à punir le peuple qui s'est exprimé à trois reprises, Mesdames et Messieurs - à trois reprises ! - sur les tarifs des TPG. Oui, voilà la volonté des auteurs de la première version de ce projet de loi, c'était de punir la population. Or le Grand Conseil a trouvé une solution garantissant le financement du manque à gagner provenant de la baisse du prix des billets, donc il n'y a plus aucune raison de voter cette augmentation non pas modérée, mais massive de la sous-traitance, cette dégradation monstrueuse des conditions de travail et de la qualité des transports.
Pour conclure, je voudrais rebondir sur les propos du rapporteur de majorité qui est complètement à côté de la plaque - vous transmettrez, Monsieur le président: nous ne disons pas que les employés des entreprises de sous-traitance sont moins formés ou font moins bien leur travail; ce que nous disons simplement, c'est qu'ils sont moins payés, et c'est inacceptable. Je vous remercie.
Mme Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce débat constitue ni plus ni moins qu'un objet syndical brûlant, puisqu'il a trait aux conditions de travail des chauffeurs. Privatisation rampante, libéralisation, démantèlement du service public, détérioration des conditions de travail, nivellement par le bas, défaillance de l'Etat employeur dans son devoir d'exemplarité, emplois sacrifiés sur l'autel de la rentabilité à tout crin, voilà ce qui suinte de ce projet de loi. A un moment donné, il faut appeler un chat un chat.
«Je peins le diable sur la muraille», me direz-vous. «Elle exagère !» Non, pas du tout. «Il ne s'agit que de rehausser le degré de sous-traitance autorisé, et non d'autoriser la libéralisation complète», nous a-t-on répété mille fois en commission. Ou encore: «Le PL initial exigeait 20%, on en est à 15%, voilà un bon compromis de commission, ce n'est pas la mer à boire !» Eh bien si, justement. C'est un message absolument catastrophique; c'est une entaille de plus dans le service public; c'est l'élargissement d'une faille qui ne devrait déjà pas exister en tant que telle. On nous propose 15% de sous-traitance aujourd'hui, ce sera 20% demain, puis 25% après-demain !
Quant à l'amendement par lequel la droite a facilement acheté le MCG - j'ose espérer que ce n'est qu'une apparence - il laisse vraiment un goût amer. A écouter la droite, l'augmentation de la sous-traitance permettrait plus de souplesse, de facilité de gestion, de coudées franches. L'interminable alinéa 6 qui donne la préférence aux résidents genevois - solution classique du MCG qui, pour le parti socialiste, nie l'agglomération, son bassin unique de population pour qui il faut trouver des solutions communes, et non chercher à opposer les travailleurs de part et d'autre de la frontière - essaie de donner bonne conscience sans aucun effet concret.
Mesdames et Messieurs du MCG, si les conditions de travail des chauffeurs de transports publics vous tiennent réellement à coeur, comme vous le prétendez, alors il n'y qu'a une option: refuser ce projet de loi. La seule façon financièrement intéressante de faire de la sous-traitance, c'est d'économiser sur les salaires et de péjorer les conditions de travail. Alors de deux choses l'une: soit on assume et on se trouve de l'autre côté de l'hémicycle, soit on s'y oppose sérieusement et on est de ce côté-ci.
Pour les socialistes, les choses sont très simples: il faut garder la masse de travail à l'interne des TPG. Si, par impossible, ce projet de loi devait passer ce soir, nous nous battrions dans la rue et dans les urnes, nous serions aux côtés des syndicats et mènerions ce combat de principe devant le peuple afin de défendre les conditions de travail des chauffeurs de transports publics. Pour toutes ces raisons, le PS vous enjoint de rejeter ce projet de loi avec la dernière rigueur et la plus grande fermeté. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole va à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs. C'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. Bon, alors elle revient à M. Thierry Cerutti.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'avons pas de leçons à recevoir des socialistes s'agissant de l'emploi. Je rappelle que les socialistes sont pour la taxe sur les chiens, ils veulent que les petits vieux paient la taxe sur les chiens, ils sont en faveur de tout type d'impôt, ils veulent qu'on taxe Monsieur et Madame Tout-le-Monde, notamment la classe moyenne. Une fois de plus, nous n'avons pas de leçons à recevoir de ces gens-là. Voilà la première chose que je voulais dire.
En ce qui concerne maintenant le projet de loi, le Mouvement Citoyens Genevois était favorable à une augmentation du taux de sous-traitance à 15%, mais naturellement sous réserve de certaines conditions. Parce que nous défendons les emplois et les résidents genevois, la première condition était que les sous-traitants embauchent exclusivement des résidents genevois; la seconde, c'était que ces mêmes sous-traitants s'engagent à respecter les conventions collectives améliorées liées aux métiers des transports.
Cela étant, il y a eu un débat à l'interne. Nous voulons bien entendre l'argument de la gauche - même si, à titre personnel, je ne le partage pas - alors nous allons proposer le renvoi en commission pour obtenir certaines informations complémentaires concernant l'emploi et les conventions collectives de travail. Monsieur le président, je demande formellement le renvoi en commission. Merci.
Le président. Très bien. Qu'en pensent les rapporteurs ?
M. Rolin Wavre (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Notre groupe n'approuve pas le renvoi en commission.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Non, Monsieur le président, le dossier est déjà reparti en commission la dernière fois ! Il n'y a aucune raison qu'on ne se détermine pas aujourd'hui. Il faut trancher cette affaire, on ne peut pas faire des allers-retours incessants. Que le MCG se décide, et puis, en dernière instance, si besoin est, le peuple se prononcera.
Le président. Je vous remercie, Monsieur, et je lance la procédure de vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11547 à la commission des transports est rejeté par 86 non contre 10 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat. La parole va maintenant à M. Pierre Nicollier.
M. Pierre Nicollier (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous vivons un moment historique dans le développement des transports en commun à Genève. Au mois de décembre aura lieu une révolution pour le bien de tous - et qui réunit les deux bords de cette assemblée ! Les TPG constituent un acteur phare de la mise en place du Léman Express, dispositif si important pour le présent et l'avenir de notre ville, de notre canton, de notre région. Au cours des années, ils n'ont cessé d'améliorer leur offre, de s'adapter aux besoins des usagers et à la géographie très particulière de notre agglomération, cela avec succès. Seules la souplesse et la flexibilité dans l'organisation logistique leur permettront de relever ce défi.
Parmi les multiples options pour garantir la réussite du projet, la sous-traitance limitée et opportune de certains trajets est nécessaire. Elle est actuellement autorisée à un maximum de 10% des charges totales, essentiellement pour l'exploitation de lignes provisoires ou transfrontalières. Comme vous le savez, ce projet de loi vise à augmenter ce taux de cinq points - pour ne pas parler de pourcents - et donc d'atteindre 15%. Cela doit permettre aux TPG, dans un cadre limité et réglementé, de mettre à profit des usagers et de leurs propres comptes une solution de sous-traitance - contrôlée, comme cela a été mentionné plus tôt, pour ce qui est des conditions de travail et de salaire prescrites par les lois fédérales et autres règlements en vigueur.
Je cite les TPG: «Il s'agit d'utiliser la sous-traitance là où elle est la plus efficace, en particulier selon des critères géographiques: où se trouvent les dépôts, les lignes à desservir et les dépôts des sous-traitants.» Par exemple, «une ligne à Meyrin sera attribuée à un sous-traitant dont les locaux se trouvent dans les zones Meyrin-Vernier. Le type de véhicules est aussi un critère: si la demande nécessite des véhicules de petite taille, ils vont se tourner vers des sous-traitants avec de tels véhicules.» Nous devons aider les TPG à négocier au mieux la révolution qui se profile, nous devons leur offrir une marge de manoeuvre, nous devons respecter leur demande afin de servir au mieux notre population dans le secteur des transports. C'est pourquoi nous vous invitons à accepter le PL 11547. Merci.
M. Olivier Cerutti (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, au-delà de ce débat qui tend à être clivant, il faut parler de la gestion des TPG. Les travaux du CEVA arrivant à terme, nous avons de gros efforts à déployer, notamment pour les dessertes. L'ensemble des dessertes représente des coûts d'investissement très importants: on a entendu ici et là qu'environ cent millions seront nécessaires.
Au vu du capital des TPG, il va leur être difficile de se refinancer sur les marchés bancaires. Il me paraît donc important d'apporter des solutions, notamment grâce à la sous-traitance. Dans ce cas précis, la sous-traitance ne vise pas à réaliser des économies, mais à apporter des solutions moins chères qui limiteront les investissements et permettront de passer ce cap et de réussir la mise en route du CEVA. Je vous demande d'accepter ce projet de loi et vous en remercie.
Une voix. Bravo !
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne dirais pas que l'instant est crucial, mais il vaut la peine d'ouvrir la discussion et, même pour l'Union démocratique du centre, de changer quelques paradigmes. Pour nous, ce qui est certain, c'est que la sous-traitance n'est pas un outil à favoriser, car elle mène à des dérives. La sous-traitance, qu'on le veuille ou non, c'est une perte de contrôle sur l'organe des TPG. En l'occurrence, puisqu'il s'agit malgré tout d'une société largement subventionnée par le canton - enfin, par nos deniers - nous pouvons dire quelque chose.
Il y a des choses qu'on n'ose pas dire, eh bien je les dirai ce soir. Par exemple, tout le monde sait que la RATP, grande régie des métros et transports publics parisiens, possède un bureau à Genève et cherche à s'étendre de plus en plus. Est-ce elle qui demande ça ? Je ne le prétendrais pas. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre aime conserver le contrôle, et dans la mesure où on le peut, dans la mesure où nous sommes maîtres, nous devons le rester. A cet égard, une augmentation du taux de sous-traitance aux TPG n'est pas souhaitable.
C'est la raison pour laquelle l'Union démocratique du centre, après d'ardues discussions lors de son caucus - je ne vous le cache pas - afin de déterminer ce que nous voulons, pour quel paradigme opter, estime qu'augmenter le volume de sous-traitance sans savoir exactement quelles seront les entreprises qui s'en occuperont - ou en le sachant, mais en n'ayant pas les mêmes mots que d'autres, tout en pensant qu'ils ont raison sur le fond - n'est pas une bonne idée et refusera ce projet de loi. Enfin, je vous annonce d'ores et déjà que si un référendum devait être lancé, l'Union démocratique du centre le soutiendra. Je vous remercie.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Très rapidement, j'aimerais rappeler - cela n'a pas encore été fait durant ce débat - que les TPG sous-traitent certaines lignes transfrontalières sans que celles-ci entrent dans le quota des 10%. Ainsi, sur l'ensemble du réseau genevois actuel, on est déjà au-dessus du taux de 10%.
Pour répondre ensuite au député Nicollier, la petite marge de manoeuvre qu'il évoque, c'est précisément ce que le Grand Conseil avait prévu dans la loi en instituant un plafond à 10% ! Si, dès lors qu'on s'approche d'un plafond, on décide de le rehausser, ce n'est plus une limite, ce n'est plus le garde-fou que le législateur avait choisi d'intégrer dans la loi. C'est pour ces raisons et toutes celles que j'ai énoncées jusqu'à présent, Mesdames et Messieurs, que nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Comme notre amendement a été refusé... (Commentaires.) ...alors que nous voulions à tout prix disposer d'un ensemble de garanties... Pardon, comme notre demande de renvoi en commission a été refusée ! Bref, pour cette raison, nous voterons contre le présent projet de loi, parce que... (Applaudissements.) ...nous n'avons pas les garanties suffisantes.
Le président. Mais... et l'amendement que vous avez déposé ?
M. François Baertschi. Il est toujours valable, mais nous préférons refuser le projet de loi, parce que nous voulions des garanties sur cet amendement et sur les propositions que nous avions faites en commission.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, il me reste très peu de temps, mais je souhaite saluer tous ceux qui vont voter contre ce projet de loi. Evidemment, Ensemble à Gauche aurait aussi soutenu le référendum des syndicats. L'argumentaire pour la brochure de vote était même déjà rédigé, puisque je l'ai mis en annexe à mon rapport. Il n'y aurait pas eu beaucoup de virgules à changer - quelques-unes, tout au plus ! - et nous aurions gagné cette votation. J'ai presque le regret de ne pas pouvoir offrir cette piqûre de rappel populaire au PLR, mais enfin, rejetons ce projet de loi et allons de l'avant avec autre chose.
M. Rolin Wavre (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Puisqu'il me reste encore un petit peu de temps, j'exprimerai le regret qu'une partie du parlement ait fait de ce débat un combat de principe contre la sous-traitance, un combat relativement idéologique, comme je le disais tout à l'heure. Nous avions abordé la question sous l'angle de la capacité qu'il faut donner aux TPG de répondre aux besoins, de faire preuve de flexibilité. En effet, savoir répondre aux changements, c'est faire preuve de flexibilité, et la flexibilité, ce n'est pas uniquement le quasi-esclavagisme qui a été décrit, mais aussi la possibilité pour une entreprise privée de s'adapter rapidement.
Enfin, pour répondre à mon voisin Vanek, lorsqu'une limite démontre qu'elle ne répond plus aux besoins opérationnels, eh bien on la change, il n'y a rien de scandaleux à cela, et c'était l'objectif de ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Vote nominal, Monsieur le président !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous procéderons au vote nominal. Mais la parole échoit d'abord, si vous le permettez, à M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de vous communiquer la position du Conseil d'Etat sur ce projet de loi pour lequel la majorité va apparemment changer lors du vote, en tout cas par rapport à celle qui s'était formée en commission. Il est vrai que nous faisons face à une hausse de l'offre des transports en commun - enfin, nous n'y faisons pas face, c'est un choix délibéré: le Léman Express, bien évidemment, mais également des mesures d'accompagnement adéquates, l'offre des TPG en général. A la commission des transports, vous avez eu l'occasion d'examiner le PATC, le plan d'actions des transports collectifs 2020-2024 - vous l'avez même accepté à l'unanimité, ce dont je vous remercie - et vous savez que nous prévoyons d'augmenter considérablement les prestations des TPG au cours des cinq prochaines années, précisément pour accompagner ce changement structurel d'envergure.
En soi, la sous-traitance n'est pas une mauvaise chose. Je me permets de rappeler que de nombreuses sociétés exploitant des transports publics, notamment dans des endroits que l'on se plaît à citer en exemples, tirent parti de cet outil qui est intéressant du point de vue de la gestion, car il offre une certaine souplesse et diminue la pression sur les besoins en infrastructures. Typiquement, le sous-traitant est propriétaire des bus dont je précise ici, Mesdames et Messieurs les députés, qu'ils ne sont pas de moindre qualité, comme je l'ai entendu au cours du débat. Au contraire, les cahiers des charges sont extrêmement précis et le niveau du matériel et des prestations s'agissant des lignes sous-traitées par les TPG est tout à fait équivalent. Ainsi, en termes de souplesse d'utilisation et de gestion, il s'agit d'un dispositif apprécié et appréciable.
Ensuite, est-ce que le taux de 10% est suffisant ou pas ? Il est vrai que les TPG sont à l'approche de cette limite, et il est très probable que si elle était relevée, les TPG y feraient appel, tout simplement parce qu'ils ont des besoins, notamment pour les lignes situées en dehors du centre urbain qui bénéficient particulièrement d'une décentralisation des dépôts; c'est le cas des lignes dites de campagne qui sont sous-traitées, et le système fonctionne très bien. Du point de vue de l'offre qui doit se développer, il serait probablement souhaitable d'augmenter le niveau de sous-traitance, cela amènerait une gestion appropriée, comme je viens de l'indiquer, mais également, dans la perspective - et là, vous comprendrez la position du Conseil d'Etat dans cette affaire - de l'échéance de décembre prochain et des années qui vont suivre, une sérénité bienvenue au sein de l'entreprise des TPG pour délivrer les prestations.
A l'occasion de ce vote, le Conseil d'Etat vous invite à vous poser la question suivante: le moment est-il vraiment approprié pour adopter un tel projet de loi ? Je conclurai mon intervention avec cette question et je vous laisse en tirer les conclusions qui s'imposent. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, merci de vous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11547 est rejeté en premier débat par 57 non contre 39 oui (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)