République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 11 octobre 2018 à 17h
2e législature - 1re année - 4e session - 23e séance
PL 11797-A
Troisième débat
Le président. Nous sommes au PL 11797-A, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. Vous vous rappelez que les premier et deuxième débats avaient été votés le 21 septembre dernier. Le troisième débat n'avait pas été demandé; maintenant, il l'est. Je passe donc la parole à M. Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Si notre Grand Conseil était cohérent, nous devrions retrouver... (Remarque.) Oui ! M. Velasco est lucide ! ...nous devrions retrouver exactement la même majorité que précédemment. Si Ensemble à Gauche dépose un projet de loi illégal, il y a un côté révolutionnaire qu'on peut saluer - au fond, ça fait partie de leur ADN et c'est quasiment normal ! Nous avons heureusement remis les choses en ordre par notre vote précédent de rejet d'entrée en matière. En revanche, que le PDC, parti gouvernemental aux niveaux cantonal et fédéral, dépose un projet de loi parfaitement illégal, ça pose un problème.
Nous avons pu définir que ce projet de loi est contraire au droit fédéral parce que le droit fédéral est exhaustif - absolument exhaustif - en la matière. Les Chambres fédérales, qui ont fortement renforcé la loi sur le petit crédit, l'ont confirmé, tout comme l'a également confirmé la justice vaudoise dans un arrêt qui dit qu'il est disproportionné, et donc contraire au principe de la proportionnalité ancré dans la Constitution fédérale, d'interdire totalement la publicité sur le petit crédit. C'est donc un point incontestable. Pour faire suite aux interventions de M. Mizrahi sur l'objet précédent - vous transmettrez, Monsieur le président - un étudiant de deuxième année de droit aurait pu le comprendre; ce cas-ci est un peu plus compliqué, alors disons un étudiant de deuxième année. (Rires.) C'est d'autant plus compliqué qu'il y a aussi un élément de droit privé à considérer. On a fait grand cas de l'interdiction de la publicité pour le petit crédit sur la commune de Vernier notamment. Mais M. Thierry Cerutti, ancien magistrat de Vernier que je tiens à saluer, a clairement dit que la publicité sur le petit crédit y avait été interdite non pas sur une base légale, mais sur une base contractuelle entre la commune et la société d'affichage. Ce n'est donc pas une base légale mais une base contractuelle ! D'où la petite complication juridique nécessitant un étudiant de deuxième année ! Cela veut donc dire que le projet de loi 11797 n'est pas conforme au droit fédéral; c'est indéniable et d'ailleurs assez peu contesté en commission.
Cela étant dit, ce qui est également ressorti des travaux de commission - je crois que tout le monde était d'accord - c'est que le problème de l'endettement des jeunes est vraiment une réalité, et il me semble que personne ne l'a sous-estimé dans les interventions qui ont émaillé ce débat. Mais pour y répondre, la forme du projet de loi n'est pas adéquate puisque non conforme au droit fédéral. C'est pour cela que je vous propose un renvoi à la commission de l'économie: pour tenter de trouver une solution conforme. Ça pourrait passer par une motion ou par un autre objet parlementaire en adéquation, cette fois-ci, avec notre Constitution fédérale qui prévaut sur notre droit cantonal. Je fais donc formellement une demande de renvoi en commission.
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, premier vice-président
Le président. Merci. Concernant cette demande de renvoi, je passe la parole à Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Je regrette, encore une fois, que l'on veuille atermoyer, parce que c'est simplement une manière de reporter le débat. Lors de la dernière session, il y avait une certaine sympathie à l'égard de ce projet de loi, indépendamment des questions qui peuvent se poser sur la compatibilité avec le droit supérieur. Je crois que la volonté de donner un signal politique extrêmement clair contre les risques d'emprunts compulsifs a été établie. L'important - et il s'agit de bien le comprendre - c'est qu'il n'est pas question de proscrire le petit crédit, mais simplement de lui mettre des entraves, notamment au petit crédit agressif. Il est pour nous extrêmement important de conserver une zone préservée dans le domaine public, dans le domaine privé visible du domaine public ainsi qu'à l'intérieur et aux abords des bâtiments publics, cela pour éviter ce fléau qu'est aujourd'hui l'endettement.
Lorsque l'endettement est déjà là, il est bien trop tard pour agir ! Ce que nous voulons, c'est une véritable politique de prévention. On comprend bien que les intérêts des instituts de prêt ne sont pas compatibles avec cette vision-là, mais à un moment donné, il s'agit aussi de se positionner très clairement entre la liberté du commerce et l'intérêt public prépondérant - il faudra bien choisir ! Nous avons entendu dire tout à l'heure que les Ports Francs ont une importance économique considérable; si cela est au prix de la transparence, alors nous devrons sérieusement nous inquiéter de la manière dont nous nous développerons sur le plan économique. Pour ces motifs, je vous propose de rejeter le renvoi en commission, qui n'est qu'une manoeuvre dilatoire. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci. Nous passons au vote sur la demande de renvoi à la commission de l'économie. (Remarque.) Oui, bien sûr qu'il y a un vote ! (Remarque.) Le débat a lieu après. (Le résultat du vote s'affiche.) Avec 54 oui, le projet de loi reste en plénière et nous continuons le débat.
Des voix. Mais non !
Le président. Ah, non ! Pardon: avec 54 oui, le projet de loi est renvoyé en commission !
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11797 à la commission de l'économie est adopté par 54 oui contre 36 non et 1 abstention.