République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 novembre 2017 à 15h40
1re législature - 4e année - 9e session - 49e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 15h40, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, et Serge Dal Busco, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mauro Poggia, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Sandra Golay, Lionel Halpérin, Sarah Klopmann, Cyril Mizrahi, Philippe Morel, Romain de Sainte Marie, Françoise Sapin, Lydia Schneider Hausser et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Marko Bandler, Maria Casares, Jean Fontaine, Claire Martenot, Antoine Maulini, Ana Roch, Marion Sobanek et Céline Zuber-Roy.
Annonces et dépôts
Le président. Les pétitions suivantes, parvenues à la présidence, sont renvoyées à la commission des pétitions:
Pétition pour la création d'une ligne de bus 37 entre la rive Arve-Lac (depuis Hermance) jusqu'au collège de Candolle (P-2022)
Pétition : Soutien au personnel hôtelier des Résidences Notre-Dame et Plantamour en lutte (P-2023)
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez trouvé sur vos places les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de M. Patrick Lussi : Uber : des « fichés S » véhiculent-ils les Genevois ? (QUE-747)
Question écrite urgente de M. Marko Bandler : Patrouilles de police : les évènements mondains priment-ils sur la sécurité publique ? (QUE-748)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Quand le 117 ne répond plus ! (QUE-749)
Question écrite urgente de M. Marko Bandler : Quels criminels relâcher ? (QUE-750)
Question écrite urgente de M. Marko Bandler : Augmentation massive des officiers au sein de la police ? (QUE-751)
Question écrite urgente de M. Thomas Bläsi : Caisses de pension de l'Etat : pourquoi des régimes différents ? (QUE-752)
Question écrite urgente de M. Boris Calame : Quelle confidentialité est assurée aux données propriétaires des visiteuses et visiteurs du site de l'Etat et quel en est le traitement ? (QUE-753)
Question écrite urgente de M. Mathias Buschbeck : Occupation des logements sociaux (QUE-754)
Question écrite urgente de M. Pierre Gauthier : Quelles dispositions sont-elles prises vis-à-vis des personnes de retour en Suisse et à Genève après qu'elles ont combattu au sein de groupes armés irréguliers, voire terroristes, en Syrie ou en Irak ? (QUE-755)
QUE 747 QUE 748 QUE 749 QUE 750 QUE 751 QUE 752 QUE 753 QUE 754 QUE 755
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 3 novembre 2017 à 15h
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Débat
Le président. Nous abordons la M 2373-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je laisse la parole au rapporteur de majorité, M. Murat Julian Alder.
M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, au nom de la commission, j'aimerais tout d'abord remercier M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat, MM. David Favre et Alexandre Prina, qui ont représenté le département tout au long des travaux, ainsi que M. Vincent Moret, qui a tenu le procès-verbal. Les séances ont été présidées par le député Bernhard Riedweg, qu'il soit également ici remercié.
Que propose cette proposition de motion du groupe des Verts ? Douze dimanches sans voiture par année autour de la rade, sans qu'ils soient pour autant liés à de quelconques animations ou événements, voire à une ouverture des magasins au centre-ville. Il ne s'agit de rien d'autre que d'un texte anti-voitures, qui n'a de surcroît rien de moderne puisque, on le sait, le concept de dimanches sans voiture date de 1973 - c'est dire si cette motion porte en elle le germe de la ringardise ! Mais surtout, elle ne tient pas compte de la volonté populaire exprimée par les Genevois en 2003 déjà, quand, dans le cadre d'un vote fédéral sur une initiative des Verts suisses, ils avaient refusé d'instaurer quatre dimanches par an sans voiture. Cette initiative avait été rejetée dans le canton de Genève !
Aux yeux d'une majorité de la commission, ce texte va beaucoup trop loin et, malgré les tentatives des représentants de certains groupes de revoir à la baisse le chiffre de douze, il a finalement été jugé qu'il ratait sa cible. En effet, il convient de rappeler qu'une seule de ces journées, comme nous en avons vécu aux mois de septembre 2016 puis 2017, coûte au moins 200 000 F en frais de sécurité. Ce qui est également à déplorer, c'est que les auteurs n'entendent absolument pas entrer en matière sur une potentielle ouverture dominicale des commerces en parallèle. J'aimerais enfin rappeler que plusieurs événements ont déjà pour effet de fermer les quais: les Fêtes de Genève, Gliss'en Ville, la Lake Parade - sans parler, plus récemment encore, de la Saga des géants qui a engendré de nombreuses perturbations du trafic.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite, au nom de la majorité, à refuser cette proposition de motion. Merci de votre attention.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de minorité. Chères et chers collègues, dimanche prochain, Paris fermera les Champs-Elysées à la circulation pour la huitième fois cette année, comme l'a souhaité la majorité du Conseil de Paris. Le 1er octobre de cette année, la capitale française a tenté quelque chose de plus ambitieux encore, à savoir fermer l'ensemble de sa voirie intra-muros, ce qui a eu pour conséquence une baisse significative de 56% de la pollution, notamment du dioxyde d'azote. Sur le site internet de l'office du tourisme de Bordeaux, les dimanches sans voiture constituent l'un des premiers sujets à découvrir. Ailleurs, c'est souvent une fois par an, mais à Bordeaux, c'est une fois par mois ! On constate que partout, tranquillement mais sûrement, l'idée de journées sans voiture, que ce soit dans un secteur très réduit ou un périmètre beaucoup plus large, prend de l'envergure.
A cet égard, je regrette la confusion faite par le rapporteur de majorité entre la proposition des quatre dimanches sans voiture, qui visait une interdiction générale de circuler sur le territoire, et celle-ci, extrêmement modeste, qui ne concerne que le pont du Mont-Blanc et les quais de Genève. Ce site magnifique, ce cadre unique au monde mériterait d'être rendu aux piétons et aux cyclistes à raison de quelques fois par an, afin que le public puisse en profiter. En commission, on a tenté de trouver un compromis, par exemple en commençant par un nombre de jours plus restreint - celui de quatre a été avancé - mais, malheureusement, une fin de non-recevoir nous a été adressée. C'est bien dommage, parce qu'à Genève aussi, on rêve de lever le pied, de flâner, de pédaler, de patiner, de se rencontrer dans les rues et même d'y pique-niquer.
Péniblement, on a réussi à instaurer un tel événement une fois par année à Genève dans un secteur très réduit: l'année passée, il y avait le pique-nique organisé par le département, cette année la Saga des géants. Cela dit, mettre en parallèle le prix de la sécurité, soit 200 000 F, avec l'avantage qu'en ont tiré les Genevois paraît hors de propos. En effet, on ne peut qu'aller dans le sens d'augmenter ces manifestations dont les Genevois sont demandeurs, lesquelles auront tendance à se multiplier à l'avenir, plutôt que d'être considérées comme ringardes, ainsi que le prétend le rapporteur de majorité. Je vous remercie.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Douze dimanches sans voiture par année autour de la rade, c'est un dimanche par mois en moyenne... (Exclamations. Rires. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Bernhard Riedweg. On pourrait en organiser deux ou trois par mois, et laisser ensuite passer quelques mois ! Mais je vous remercie pour vos félicitations, Mesdames et Messieurs, qui me vont droit au coeur ! Il y a des périodes de l'année où la météo et les températures ne se prêtent pas aux balades collectives sur les quais et le pont du Mont-Blanc - vous pouvez applaudir, si vous le souhaitez ! (Rires.) En effet, la pluie et la neige ne sont pas propices aux promenades récréatives.
Lors d'intempéries estivales, les stands de nourriture ou de boissons ne couvrent pas leurs frais, ce qui dissuade les restaurateurs et les «food trucks» d'assurer une présence régulière et soutenue. Dans ces cas, prévoir la quantité de nourriture à avoir en stock relève du défi - d'ailleurs, cette remarque vaut aussi pour les stands d'animation. Interdire l'accès aux véhicules autour de la rade pour que les piétons s'approprient les rues et le pont du Mont-Blanc requiert des infrastructures amovibles spéciales ainsi qu'une présence policière accrue, ce qui est synonyme de coûts supplémentaires de l'ordre de 170 000 F à 200 000 F.
On compare ce projet avec ce qui se fait dans les villes de Paris ou Bordeaux qui organisent certes des dimanches sans voiture, mais au centre-ville, pas sur les quais ! De plus, il faut savoir que ces opérations sont liées à l'ouverture des commerces, ce qui ne serait pas le cas ici. A Genève, de nombreux événements accaparent déjà le citoyen: les Fêtes de Genève, la Lake Parade, le marathon, les courses pédestres de longue distance, des cortèges d'associations folkloriques, le tour de Romandie et des manifestations patriotiques, qui nécessitent des reports de trafic sur d'autres routes.
Cette motion est excessive; le département n'a ni les moyens financiers ni les infrastructures permanentes à disposition sur place pour organiser de telles manifestations chaque mois, sachant par ailleurs qu'aucune étude réalisée à ce propos ne s'est révélée convaincante. C'est pourquoi l'UDC vous demande de refuser cet objet. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. Grâce à vous, j'ai approfondi mes connaissances ! Madame Moyard, c'est à vous.
Mme Salima Moyard (S). Je vous remercie, Monsieur le président, tout comme M. Riedweg qui a égayé ma fin de journée ! Un beau jour de fin septembre dernier, ma fille, du haut de ses quatre ans, me dit: «Maman, il est hyper grand, ce trottoir !» Nous étions en face du jet d'eau, et elle parlait du pont du Mont-Blanc, sur lequel nous nous baladions, mon fils dans sa poussette, ma fille sur son petit vélo, entourés de familles, de marcheurs, de cyclistes, le tout dans une ambiance extrêmement bon enfant, calme, populaire, sympathique, sans bruit... Bref, un dimanche comme on aimerait en vivre plus souvent à Genève !
Ainsi que l'a mentionné le rapporteur de majorité, ce dimanche de septembre dernier a fait coïncider une journée sans voiture organisée par le département avec la Saga des géants de la compagnie Royal de Luxe, événement qui a suscité un magnifique engouement populaire, à la fois poétique - et non politique - et divertissant. Nous y avons trouvé - pour le parti socialiste, c'est important - une Genève pacifiée, une Genève apaisée, rendue comme elle devrait l'être plus souvent aux piétons et à la mobilité douce. Voilà la Genève que nous aimons, qui n'est pas celle de la pollution, du bruit, des bouchons et des excès répétés de CO2.
Comme M. Buschbeck l'a expliqué, cette motion va dans la bonne direction, celle prescrite par les différents plans directeurs aujourd'hui en vigueur, elle est dans la ligne même - tout en allant un peu plus loin - décrite par le conseiller d'Etat Barthassat, qu'on ne peut pas vraiment taxer d'excessif, il reste PDC; je regrette d'ailleurs son absence. Aussi, pour le parti socialiste, elle amène une forme de sensibilisation, elle montre le bon chemin pour une complémentarité des différents modes de transport et, gentiment, elle fait changer les moeurs. En effet, Mesdames et Messieurs, il est illusoire de croire que pendant des années encore, nous allons toutes et tous continuer... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...à nous déplacer seuls dans notre voiture, au milieu des bouchons - enfin, personnellement, ça fait longtemps que j'en suis revenue.
En commission, les socialistes et les motionnaires ont montré une volonté de compromis en proposant une formulation plus ouverte, pour éventuellement réduire quelque peu ce nombre de douze qui était symbolique - intéressant, mais peut-être trop ambitieux; il n'y a pas eu d'ouverture...
Le président. Il vous faut conclure, Madame.
Mme Salima Moyard. Je termine, Monsieur le président ! ...ce que le parti socialiste regrette. Je souhaiterais pour ma part, et le parti socialiste avec moi, faire mentir ma maman, vaudoise de son état, qui me dit - aujourd'hui à raison, mais demain peut-être à tort...
Le président. C'est terminé !
Mme Salima Moyard. ...qu'il est impossible d'élever des enfants dans cette Genève trop polluée. Faisons changer cela ! Je vous remercie.
M. Pierre Vanek. Bravo !
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il me semble qu'une majorité au sein de cet hémicycle est favorable à l'encouragement de la mobilité douce et, par conséquent, à la diminution du flux de véhicules dans l'hypercentre. Nous sommes aussi tous d'accord pour dire que le pourtour de la rade constitue un cadre exceptionnel de promenade et de détente pour de nombreux habitants de notre région, ainsi que pour les touristes.
Cette motion demande d'instituer douze dimanches sans voiture par année autour de la rade, que ce soit en été ou en hiver. Son examen en commission a démontré qu'une telle contrainte n'était pas acceptable et n'apporterait aucune valeur ajoutée. Plusieurs manifestations d'envergure, annuelles ou exceptionnelles, exigent déjà la fermeture des voies de circulation dans ce périmètre, elles ont été citées tout à l'heure: les Fêtes de Genève, le marathon, la journée sans voiture, la Saga des géants. Même si ces événements sont fort sympathiques pour la population, ils entraînent des perturbations, en particulier pour les professionnels du tourisme et les touristes tout court qui arrivent au centre-ville en voiture pour découvrir la rade. Sans doute par manque de signalisation adaptée, on constate alors une augmentation du nombre d'automobilistes aux plaques non genevoises qui se retrouvent coincés dans les rues adjacentes pour trouver un accès au lac ou simplement passer d'une rive à l'autre.
Un amendement a été voté en commission, qui limite la fermeture des routes à quatre dimanches par an, sans mentionner de lien avec les manifestations évoquées tout à l'heure. Le groupe démocrate-chrétien est favorable à la mise en place de mesures progressives en vue de limiter l'accès au centre-ville aux véhicules motorisés, comme le demande d'ailleurs la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. En commission, nous avons fait des propositions pour le développement et l'élargissement des espaces réservés aux piétons et à la mobilité douce autour de la rade et dans l'hypercentre, de façon progressive et concertée avec tous les acteurs concernés. Toutefois, l'amendement déposé dans ce sens n'a pas été accepté.
Pour notre part, nous ne soutenons pas celui qui prévoit la fermeture des voies de circulation quatre fois par année sans la coupler avec les événements existants autour de la rade. Pour ces différentes raisons, le groupe démocrate-chrétien refusera cette motion et vous invite à en faire de même.
M. Pierre Vanek (EAG). M. Alder considère que l'idée de journées sans voiture est ringarde, parce qu'elle date de 1973. Mesdames et Messieurs, nous sommes nombreux dans cette salle à dater d'avant 1973 - ce qui n'est pas le cas de Murat Julian Alder, en effet - alors je ne sais pas si on doit prendre cela comme une attaque personnelle, mais bon... L'avantage de dater d'avant 1973, Mesdames et Messieurs, c'est que j'y étais ! Salima Moyard nous a fait un exposé vibrant sur la fermeture du pont du Mont-Blanc, nous a expliqué à quel point c'était bien en nous racontant le déplacement familial; moi, je vous assure qu'en 1973, c'était quelque chose !
Il y a un film dans les archives de la RTS qui permet de voir comment ça se présentait. Bien sûr, ce n'était pas volontaire, c'était imposé par l'embargo pétrolier, mais c'était grandiose comme réappropriation de la ville par les habitants, à pied, à cheval, en patins à roulettes, en ceci ou en cela, c'était spectaculaire comme rupture avec le quotidien ! Et c'est précisément ce que devrait être un dimanche - je m'adresse au PDC - c'est-à-dire qu'on s'arrête et qu'on fait autre chose, qu'on brise le train-train des affaires commerciales et économiques. En 1973, c'étaient de vrais dimanches, c'était remarquable, spectaculaire et extrêmement enthousiasmant.
Voilà pourquoi cette idée revient, parce que nous sommes un certain nombre à en rêver. Les Verts, malheureusement, ne rêvent plus beaucoup ou n'inspirent pas beaucoup de rêves, parce qu'ils sont dans une logique de restriction. On parle de dimanches sans voiture, puis on lit la motion et on s'aperçoit qu'il s'agit de quelques rues, du seul périmètre autour de la rade; on parle de douze dimanches par an, mais Mathias Buschbeck, dans son rapport, réduit ce chiffre à quatre - ce serait bien aussi ! - puis à deux; Bernhard pourrait alors nous calculer combien de dimanches ça représente en moyenne par année, quelque chose comme un tiers de pour cent...
Non, Mesdames et Messieurs, il faudrait savoir rêver encore ! Quant à moi, je rêve à de vrais dimanches sans voiture à l'échelle... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole. L'orateur s'interrompt.)
Une voix. ...planétaire !
Le président. Je sonnais juste pour indiquer qu'il vous reste trente secondes.
M. Pierre Vanek. Ah, d'accord, Monsieur le président ! ...à l'échelle du pays, bien sûr, mais en commençant par Genève. Enfin, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas une manifestation qu'il s'agirait d'organiser en prévoyant des stands, des machins, des trucs et des bidules, et qui coûterait cher, ce serait simplement offrir aux gens - ça, c'est pour le PLR - offrir à la liberté individuelle des uns et des autres un espace supplémentaire pour se déployer, précisément sans avoir besoin d'un quelconque investissement de l'Etat !
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, douze dimanches par année sans voiture, c'est une initiative datant de 1978 qui avait été purement et simplement rejetée par le peuple. Et il ne s'agissait pas d'un concept nouveau puisqu'on en parlait dans les années trente déjà. Un siècle plus tard, on n'a toujours pas résolu la question, et je pense qu'on ne la résoudra pas aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs, l'idée est sans doute charmante et bucolique, et on a vu que ça pouvait fonctionner une ou deux fois par an; jusqu'à présent, le conseiller d'Etat Barthassat a d'ailleurs eu de la chance puisque, à deux reprises durant les mois de septembre 2016 et 2017, la météo était de la partie, mais imaginez un dimanche en plein hiver, ce n'est pas la même chose. Des journées sans voiture, il y en a déjà plus d'une, on l'a dit: les Fêtes de Genève, le marathon, le triathlon, j'en passe et des meilleures. Nous en avons déjà, et je vous invite à venir en profiter.
Mais qui dit sans circulation, dit animations. Un dimanche sans voiture, sans animations, ce ne seraient que des voies vides, sans aucun sens, sans aucune logique ! Alors instituons des dimanches sans voiture, mais faisons quelque chose d'intelligent, ouvrons les commerces ! Nous l'avons proposé en commission: puisque nous voulons que les gens s'approprient les rues et les quais, eh bien faisons tout comme il faut et autorisons les magasins à ouvrir leurs portes et à offrir cette animation que les touristes demandent. Notre centre-ville est mort le dimanche, il n'y a rien; vous voulez de l'animation ? Avec plaisir, mais alors donnez l'autorisation qui va avec, c'est-à-dire l'ouverture des commerces. Mais non, pour vous, c'est rédhibitoire ! Les socialistes ? Que nenni. Les Verts ? Je n'en parle même pas. Quant à Ensemble à Gauche, ils sont évidemment loin derrière. Mesdames et Messieurs, soyons logiques: vous voulez quelque chose de festif, d'accueillant au centre-ville, vous voulez un peu de liberté; d'accord, mais liberté de commerce également, soyons réalistes dans notre façon de penser. Quant à dire que fermer quelques rues au trafic permettra de faire diminuer la pollution, laissez-moi rigoler ! Cette pollution se déplacera juste plus loin, en périphérie, dans les quartiers un peu plus défavorisés. Je vous remercie pour votre initiative, Monsieur Buschbeck; au revoir !
M. Michel Ducret (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez sans doute apprécié comme moi l'apologie de la crise économique effectuée par M. Vanek tout à l'heure ! Enfin... Revenons-en à l'objet qui nous occupe: tous les exemples cités par M. Buschbeck concernent des rues ou des avenues internes à ces agglomérations, des rues commerçantes avec des magasins parfois ouverts exceptionnellement durant les jours de fermeture au trafic, mais ce ne sont surtout pas des axes majeurs, essentiels, irremplaçables ! A cet égard, je vous fais remarquer que ce sont les mêmes proposants qui s'opposent à toute possibilité d'évitement de notre centre-ville, donc des axes irremplaçables, non seulement pour notre cité, mais également pour toute la région.
La mesure proposée constitue une vision égoïste et étroite de ce qu'est notre agglomération, Mesdames et Messieurs les députés, car nous avons une responsabilité à l'échelle régionale. Par ailleurs, elle entraînera un report du trafic sur des rues bien moins privilégiées des quartiers adjacents. C'est quoi, finalement, la paix pour les nantis des quais ? La pollution pour les autres, les moins favorisés ? Voilà, au final, le résultat de cette proposition égoïste. Dans les quartiers adjacents, on subit déjà la circulation lors des différentes manifestations qui exigent la fermeture des quais, donc cette motion est carrément inique et socialement inacceptable. Je vous demande de la rejeter fermement.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Gauthier pour une minute trente.
M. Pierre Gauthier (HP). Je vous remercie, Monsieur le président. Chères et chers collègues, nous sommes saisis de ce que je me permettrais d'appeler une fausse bonne idée, n'en déplaise à mes voisins de siège. En effet, je ne pense pas qu'instaurer douze dimanches par an sans voiture uniquement sur les quais soit une bonne idée, principalement parce que cela reporte le trafic sur les quartiers périphériques, notamment populaires, qui écopent alors non seulement des embouteillages routiers, mais encore du bruit et de la pollution. Les conséquences absolument dantesques de la Saga des géants sur la circulation sont encore dans toutes les mémoires et, habitant la Servette, je souhaiterais ne pas avoir à subir cela encore douze dimanches par année, soit une fois par mois, comme l'a rappelé M. Riedweg.
Cette motion est certes extrêmement sympathique mais, à mon avis, totalement cosmétique, parce qu'elle ne fait que déplacer le problème de la pollution, sans apporter de solution au problème de fond qui est celui, il faut bien le reconnaître, de l'échec cuisant de la politique actuelle en matière de mobilité. Aussi, elle rate sa cible, et je ne la soutiendrai pas. C'est d'une politique des transports crédible que Genève a besoin, pas de la création artificielle d'embouteillages dans les quartiers populaires périphériques. Merci, Monsieur le président.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Les propos qu'on vient d'entendre à plusieurs reprises sont assez surprenants. Cette motion n'est ni excessive ni complètement fantasque, puisque le concept des dimanches sans voiture existe dans de nombreuses villes: à Paris, ainsi que M. Buschbeck le précisait tout à l'heure, à Bruxelles aussi, comme dans d'autres grandes ou plus petites villes. Les dimanches sont des jours sans trafic pendulaire, avec beaucoup moins de livraisons, des jours où justement les loisirs peuvent se développer. Cette proposition est non seulement extrêmement simple et facilement réalisable parce qu'elle ne coûte pas très cher, mais surtout elle va dans la bonne direction.
Aujourd'hui, on n'est pas fichu de prendre les bonnes décisions en matière de mobilité, on n'arrive même pas à se mettre d'accord pour calmer le jeu du trafic motorisé le dimanche. Cette motion permet à tout un chacun de profiter d'un dimanche tranquille en famille, entre amis, sur l'un des plus beaux sites de Genève. A l'heure actuelle, le panorama est complètement obstrué par la circulation, que ce soit sur le pont du Mont-Blanc ou sur les quais de part et d'autre du lac. Nous devons accepter ce projet, nous devons faire preuve d'une vision progressiste en matière de transports et voter cette motion. Merci. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie et donne la parole à Mme Engelberts pour une minute trente. (Un instant s'écoule.)
Une voix. Marie-Thérèse !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Non, non, c'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. Très bien, alors elle revient à M. Spuhler pour trente-cinq secondes.
M. Pascal Spuhler (MCG). Oui, Monsieur le président, merci. Encore un petit mot: j'entends que beaucoup de villes organisent des dimanches sans voiture, on nous a par exemple cité Paris. Genève vaut bien Paris, mais Genève n'est pas Paris, Monsieur Buschbeck, et 2 400 000 F pour des dimanches sans personne, sans animations, sans commerces ouverts, ce sont 2 400 000 F jetés par la fenêtre; vous en avez peut-être les moyens, moi pas.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant au rapporteur de minorité, M. Buschbeck, qui dispose encore d'une minute trente.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je dois donner raison à M. Vanek: j'ai essayé, avec cette motion, de proposer quelque chose d'extrêmement modeste sur un périmètre très réduit; on nous le reproche aujourd'hui en disant que ça créera des reports de trafic, soit. Il nous faudra alors revenir avec une proposition plus ambitieuse qui englobe l'ensemble du territoire afin d'éviter cet écueil. Quand les rues de Paris ont été fermées le 1er octobre, on pensait que le périphérique serait complètement bouché; en réalité, on y a assisté à une baisse de la circulation de plus de 50%, tout simplement parce que les gens avaient changé de mode de transport.
Quant à la question de l'ouverture des commerces, c'est très intéressant. Dans le rapport, il est clairement mentionné que nous avons auditionné les commerçants, et ceux-ci ne veulent pas ouvrir leurs magasins le dimanche, donc vous êtes bien mal pris d'exiger ça, Monsieur, puisque les commerçants eux-mêmes ne le souhaitent pas. Pour qui a tenté d'aller manger aux Eaux-Vives le jour de la Saga des géants, tous les restaurants étaient fermés alors qu'ils auraient très bien pu ouvrir leurs portes ce dimanche-là, donc on voit bien que le problème ne se situe pas à ce niveau.
Une voix. C'est pas vrai !
M. Mathias Buschbeck. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'accepter cette motion.
Le président. Merci, Monsieur. La parole revient à M. Alder pour une minute trente.
M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Tout d'abord, si je peux compatir à la nostalgie que ressent le sage Pierre Vanek, j'aimerais vraiment le rassurer: il n'y avait aucune espèce de gérontophobie dans mon propos !
Ensuite, tout un chacun sait que la gauche a un problème idéologique avec la voiture, qui est le symbole historique du capitalisme, et quand bien même l'ensemble des véhicules deviendraient non polluants, la gauche continuerait à combattre par tous les moyens les vilains qui osent utiliser ce moyen de transport individuel et donc afficher un signe extérieur de richesse. Cette motion est idéologique, dogmatique et, je le réaffirme, ringarde; elle n'améliore en rien la qualité de vie dans notre ville et notre canton.
J'aimerais encore rappeler qu'on recense 0,37 voiture par personne à Genève - ce sont les représentants du département qui nous ont donné ces chiffres - tandis que 40% des habitants de la ville ont renoncé à s'en servir. Ainsi, on voit bien que la diminution du recours à la voiture est déjà une réalité sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter une couche avec des propositions de ce type. Comme je le disais en introduction, fermer les quais pour le simple plaisir d'avoir des dimanches sans voiture n'apporte strictement rien, à moins qu'on n'envisage d'ouvrir les magasins par la même occasion. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur. A présent, je lance le vote sur la prise en considération de ce texte.
Mise aux voix, la proposition de motion 2373 est rejetée par 61 non contre 32 oui et 1 abstention.
Débat
Présidence de M. Jean Romain, premier vice-président
Le président. A présent, nous traitons notre dernière urgence, soit la M 2280-A, en catégorie II, trente minutes. Deux lectures de lettres ont été demandées: il s'agit des courriers 3707 et 3717. Je passe la parole à Mme Moyard afin qu'elle y procède.
Le président. Merci, Madame. La parole va au rapporteur de minorité, M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Au vu de certaines demandes d'auditions, le groupe UDC soutient le retour immédiat de cette motion à la commission d'aménagement. Merci.
Une voix. Il faut le demander !
Une autre voix. Fais une demande formelle !
M. André Pfeffer. Je demande formellement le renvoi de cette motion à la commission d'aménagement.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Au nom de la majorité, je vais rapidement m'exprimer sur cette proposition de renvoi à la commission d'aménagement. Je précise, Mesdames et Messieurs, que cette motion a été traitée conjointement avec deux projets de lois de déclassement à Bernex-Est et Bernex-Vailly, et que la commission y a consacré pas moins de treize séances, treize séances durant lesquelles nous avons largement eu le temps de faire le tour du sujet, à la fois du déclassement et de la question contenue dans cette motion, à savoir le maintien ou le déplacement du stand de tir de Bernex.
Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler, Monsieur le président, que ledit stand se situe au beau milieu d'un futur quartier appelé à abriter 2200 logements dans les prochaines années, précisément - tenez-vous bien ! - à l'endroit où devra être construite une école. Alors je ne suis pas spécialiste des centres de tir, étant donné que je n'ai jamais mis les pieds dans l'un d'entre eux, mais je suis presque certaine que leurs activités ne sont pas compatibles avec celles d'un établissement scolaire. Il est donc nécessaire, pour pouvoir réaliser ce projet et les infrastructures y relatives, de déplacer le stand de tir de Bernex. La question que nous devons trancher aujourd'hui est une question de priorité entre 2200 logements d'une part et un stand de tir d'autre part, sachant qu'il en existe d'autres sur le territoire cantonal, à Laconnex, Veyrier, Jussy et Versoix.
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, renvoyer cet objet en commission, c'est donner un coup d'arrêt au développement de Bernex-Est, ce qui constitue un signal extrêmement négatif à l'endroit des communes. Certaines d'entre elles, il faut bien le dire, traînent parfois les pieds quand il s'agit de se développer et de construire de nouveaux quartiers, notamment pour y créer des logements, et il faut alors mener d'intenses discussions avec elles. Accepter le renvoi de cette motion en commission, ce serait leur envoyer un signal extrêmement négatif et, de ce fait, au nom de la majorité, je vous invite à le refuser de sorte que nous puissions voter et rejeter ce texte dès ce soir. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi en commission, que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2280 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 49 oui contre 38 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprenons notre ordre du jour ordinaire avec le PL 11813-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes, et je cède la parole à M. Yvan Zweifel, rapporteur de majorité.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis ici d'un projet de loi sur l'imposition des personnes morales. D'aucuns, comme moi, auraient évidemment préféré que l'on traite du PF 17, mais non, il s'agit d'un projet de mon estimé collègue d'Ensemble à Gauche qui me fait face, Jean Batou, sur l'imposition des personnes morales. Alors je pourrais user de facilités et vous dire qu'on n'a pas le temps de parler de ça, justement en raison d'une autre réforme d'importance bien plus grande celle-là, concernant l'ensemble des personnes morales, c'est-à-dire le PF 17, mais je laisserai d'autres le faire à ma place et je me concentrerai sur le sujet afin que personne ne puisse nous reprocher de ne pas vouloir débattre de fiscalité dans ce Grand Conseil.
Permettez-moi, Monsieur le président, de rappeler quelques chiffres. A Genève, l'impôt sur les personnes morales représente grosso modo 1,5 milliard de recettes fiscales, contre 3,8 milliards pour les personnes physiques. Sur ce montant, 305 millions proviennent de l'impôt sur le capital, le reste de l'impôt sur le bénéfice. Dans ce canton, 596 entreprises, soit 2% des personnes morales, paient 83% de l'impôt sur le bénéfice - oui, 2% des entreprises paient 83% de l'impôt sur le bénéfice ! En parallèle, 14 846 personnes morales ne déclarent pas de bénéfices, et donc ne s'acquittent pas dudit impôt.
Alors je rassure tout de suite la gauche, qui va faire un parallèle avec les contribuables et s'exclamer: «Mon Dieu, 14 846 sociétés se portent très mal dans notre canton !» Pas du tout, ce n'est pas parce qu'elles ne réalisent pas de bénéfices qu'elles se portent mal; en l'occurrence, il s'agit de petites entreprises dont le seul employé est souvent le patron qui, pour éviter la double imposition économique, augmente simplement sa rémunération au lieu d'inscrire un bénéfice. Celle-ci sera bel et bien taxée - je vois M. Batou esquisser une moue dubitative - et ça ne signifie pas que le commerce est en difficulté, bien au contraire.
Que nous propose ce projet de loi ? Que la fiscalité de ces 596 personnes morales, qui versent aujourd'hui 83% de l'impôt sur le bénéfice, soit augmentée pour chacune de 315 359 F en moyenne par année. Je pourrais naturellement vous sortir la fameuse ritournelle, Mesdames et Messieurs: «Ciel, ne faisons pas ça, ces entreprises vont partir !» Là-dessus, M. Velasco se lèverait en criant: «Et voilà le PLR qui continue son chantage !» Alors je ne vais rien dire, mais je vais faire deux hypothèses: admettons d'abord que nous ayons raison et que ces sociétés, échaudées par une nouvelle proposition de hausse d'impôts, se décident à quitter le territoire, que se passera-t-il ? Eh bien non seulement la hausse d'impôts proposée par M. Batou n'aura aucune retombée économique, mais on perdra 83% de la somme de 1,1 milliard dont s'acquittent ces entreprises au titre de l'impôt sur le bénéfice. Et qui va devoir passer à la caisse ? Toutes les autres entreprises et toutes les personnes physiques.
Mais imaginons maintenant que M. Batou ait raison et que ces sociétés, dans un éclair de lucidité communiste, restent dans notre canton en dépit de l'augmentation d'impôts. Que vont-elles alors faire ? Elles vont tout simplement devoir diminuer des charges car, contrairement à l'Etat qui voit certaines charges augmenter mais ne fait rien pour en diminuer d'autres, ces entreprises, elles, sont rationnelles et raisonnables, elles vont agir, et sur quoi ? Sur la charge la plus importante dans une entreprise, c'est-à-dire l'emploi ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Or une hausse d'impôts de 315 359 F, ça représente deux à trois postes pour ces sociétés ! Il y a donc un réel danger pour l'emploi.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet constitue un retour en arrière dommageable - j'avertis d'ores et déjà le président que je prends sur le temps de mon groupe, ça lui évitera de gaspiller sa salive - de même qu'une complexification de ce qui existe aujourd'hui, il vise à taxer davantage tout en rendant les choses plus compliquées, ce qui permettra ensuite de justifier l'engagement de fonctionnaires supplémentaires. Voilà l'idéologie rêvée par M. Batou !
En conclusion, Mesdames et Messieurs, la nécessité de conserver voire d'augmenter la substance fiscale de notre canton, couplée à une pyramide fiscale qui pénalise les finances cantonales à chaque départ d'un contribuable important, nous dicte de ne surtout pas accepter un tel projet, ce d'autant plus à la veille d'une réforme bien plus importante sur le même sujet. Ce texte est à l'image de l'idéologie de son auteur: il date du passé et ne mérite qu'une seule chose, rejoindre les oubliettes de l'histoire !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. C'est avec grand bonheur que j'ai écouté la ritournelle du PLR sur la fiscalité. Bien évidemment, il n'est jamais question d'idéologie chez M. Zweifel, mais seulement d'une vision profondément perspicace de la réalité ! Pour ma part, j'aimerais prendre quelque distance par rapport aux chiffres qu'il nous a servis, adressant ainsi un petit clin d'oeil à notre collègue Bernhard Riedweg - que je ne vois plus, tiens, mais qui aurait sans doute fait mieux encore en matière de chiffres - pour m'essayer à un peu de pédagogie sur les impôts.
Il existe trois catégories d'impôts. Citons d'abord les plus anciens, ceux auxquels vous êtes attachés, Mesdames et Messieurs du PLR, c'est-à-dire les impôts d'Ancien Régime où chacun paie exactement la même chose. Nous avons un modèle fantastique de ce système - ce n'est pas tout à fait un impôt, mais une prime - avec l'assurance-maladie: chacun verse exactement la même somme pour son assurance de base, qu'il soit pauvre ou qu'il soit riche ! Ce système est absolument merveilleux pour les riches et parfaitement exécrable pour les pauvres, et force d'ailleurs l'Etat à débourser 350 millions sous forme de subsides pour les personnes qui ne peuvent pas s'acquitter de leurs primes. A cet égard, je me suis beaucoup amusé à voir le PLR s'abstenir sur notre proposition de réintroduire ces pauvres 5 millions qu'on voulait couper aux subventions à l'assurance-maladie ! Je le répète: ce mode de financement d'une prestation où chacun paie scrupuleusement la même chose constitue un système féodal d'Ancien Régime.
La deuxième classe d'impôts - un peu plus évoluée, celle-ci - à laquelle vous tenez également, c'est celle qui voit chacun payer le même pourcentage - 10% - de son revenu, c'est la flat tax. Ce serait là le rêve des membres du PLR pour la fiscalité des personnes physiques, s'ils se laissaient aller ! D'ailleurs, ils l'ont concrétisé en 1999 avec une baisse des impôts de 12% pour tout le monde, ce qui a naturellement très peu impacté les contribuables à revenu modeste, mais fait engranger d'énormes bénéfices aux plus fortunés. Cette idée d'un taux fixe pour tout le monde est tout aussi régressive, et j'espère qu'on la renverra un jour aux poubelles de l'histoire.
Eh bien, quelle n'a pas été ma déconvenue, quand je suis arrivé dans cet hémicycle comme député, de m'apercevoir que les personnes que vous appelez morales, quant à elles, dès lors qu'elles déclarent un bénéfice, paient justement un impôt identique pour toutes, soit 10% avec les centimes additionnels plus l'impôt fédéral, qu'il s'agisse d'une petite ou d'une grande entreprise ! Je me suis alors demandé s'il ne serait pas plus juste d'appliquer la règle connue de l'impôt progressif, où moins vous gagnez, plus votre pourcentage de contribution est faible, et plus vous gagnez, plus votre taux d'imposition est élevé. L'impôt progressif appliqué aux entreprises, comme il l'est aux personnes physiques. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Monsieur le président, je risque d'emprunter quelques minutes au temps de mon groupe, donc je vous épargne à mon tour votre précieuse salive. Pourquoi n'appliquerait-on pas cet impôt progressif aux sociétés ? Cela permettrait d'alléger les petites entreprises et de charger davantage les grandes qui, j'ai la faiblesse de le croire, sont attachées aux prestations qu'elles perçoivent de l'Etat et ne voudront pas se dérober autant que vous le pensez à l'imposition.
Ce projet de loi allait dans ce sens. On m'a objecté que nous nous trouvions à la veille d'une réforme bien plus importante, à savoir le PF 17. C'était la RIE III à l'époque, le peuple n'en a pas voulu, paix à son âme. Nous l'avons appelée le PF 17 - enfin, vous l'avez appelée le PF 17, parce que la RIE IV, ça aurait fait mauvais genre. Aussi, nous allons bientôt voter ce PF 17 qui va réduire le montant de 1,5 milliard prélevé sur les personnes morales à grosso modo la moitié, offrant ainsi un formidable cadeau fiscal aux entreprises. A titre personnel, j'y suis opposé.
Ce que nous impose la réforme du droit fédéral, c'est une taxation identique pour les sociétés à statuts et pour les sociétés ordinaires, qui aurait été de l'ordre de 16% si j'en crois les calculs de l'administration fiscale cantonale. Or nous pourrions imaginer, comme dans mon projet de loi, décliner ce taux de 14% à 18% selon qu'une compagnie réalise des bénéfices importants ou plus modestes. Un tel système existe dans d'autres cantons suisses, et je trouve qu'il s'agit d'une proposition raisonnable que de le mettre en pratique dans notre ordre fiscal actuel. Après tout, Mesdames et Messieurs, le peuple vous a déjà fait une surprise en refusant la RIE III, il pourrait vous en infliger une seconde en rejetant le PF 17.
Dans cette perspective, je vous demande de réfléchir sérieusement à l'introduction d'une imposition progressive pour les personnes morales, comme nous y sommes tous attachés s'agissant des personnes physiques, et ce pour une raison fondamentale - je conclurai là-dessus: parce que les inégalités sociales s'accroissent, parce qu'il y a de plus en plus d'entreprises qui font d'énormes profits et de petites entreprises qui sont en difficulté, comme il y a de plus en plus de revenus très élevés et de revenus très faibles, de fortunes immenses et de gens sans fortune aucune. Dans une société qui se polarise, l'impôt a pour fonction de corriger les inégalités et de réintroduire, à travers le rôle redistributeur de l'Etat, une certaine forme de justice sociale pour les prestations fondamentales.
A mon avis, c'est aller exactement dans le mauvais sens, en période de creusement des inégalités sociales, que de favoriser des taxes de plus en plus aplaties, où chacun paie la même chose, où les riches sont constamment déchargés en regard des plus pauvres; dans ces conditions-là, je vous assure que nous nous dirigeons vers une société toujours plus conflictuelle. Vous l'aurez voulu ! Personnellement, j'aurais préféré que nous en restions à une société redistributive où la justice sociale figure au coeur des préoccupations. Merci. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est pour dix secondes à M. le député Vanek, dix secondes !
M. Pierre Vanek (EAG). Oui ! Quand l'imposition progressive des personnes morales a été supprimée au bénéfice d'un taux unique, on nous avait dit que ce serait neutre. Comme pour la RIE II, on nous avait dit que ce serait neutre et qu'on n'y perdrait rien; or la commission externe d'évaluation des politiques publiques a ensuite rendu un rapport...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. ...indiquant qu'en réalité, on avait perdu 40 millions par an à ce titre-là. Ce projet de loi constitue donc un rétablissement parfaitement justifié de quelque chose qui avait été introduit de manière abusive.
M. Vincent Maitre (PDC). J'ai toujours beaucoup de plaisir à entendre le professeur Batou nous expliquer comment devrait fonctionner le monde et ce qu'est la justice fiscale, en dépeignant d'un côté les méchants riches, de l'autre les orphelins du système. En fait, et le rapporteur de majorité l'a parfaitement démontré, ce projet de loi manque sa cible, et la réalité est tout autre: selon les chiffres qui nous ont été fournis et les simulations produites par le département, on constate que les petites entreprises qui réalisent 1000 F à 5000 F de bénéfice par année ne profiteraient d'un rabais d'impôts que de quelques dizaines, au maximum centaines de francs, alors que les sociétés largement bénéficiaires, c'est-à-dire au-delà d'un million de francs, verraient au contraire leurs charges fiscales s'accroître de plus de 315 000 F par année. Il y a là intrinsèquement de quoi leur payer un billet aller simple en business class pour fuir Genève, et le plus loin possible !
Ce projet de loi est parfaitement inéquitable, il ne vise qu'à combattre ceux qui créent de la richesse, et M. Jean Batou serait bien inspiré, une fois ou l'autre, de s'y mettre et de les imiter pour se rendre compte de ce que cela signifie dans un canton comme le nôtre, qui connaît une fiscalité déjà largement excessive en matière de sociétés. A ma connaissance, en effet, Genève n'est pas réputé être un paradis fiscal, même au regard des pays voisins, de l'Europe ou de plus loin. Je l'encourage donc sincèrement à revoir ses grandes théories d'équité sociale. Pour une majorité d'entrepreneurs genevois de PME, la fiscalité est déjà suffisamment pénible à supporter comme ça, sans qu'on la fasse peser davantage encore avec un tel projet de loi. Mesdames et Messieurs, je vous invite donc à le refuser catégoriquement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je prie la députée Meissner d'aller téléphoner à l'extérieur de la salle ! La parole est à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président de séance. Mesdames et Messieurs les députés, certains et certaines continuent de croire que Genève est victime d'une crise des recettes et s'ingénient en conséquence à proposer des hausses d'impôts, s'imaginant que cela engendrera des rentrées fiscales supplémentaires. Or les recettes fiscales genevoises provenant des personnes morales ont augmenté de 72% durant la période allant de 1998 à 2014, et de 60% pour les personnes physiques, ceci alors même que deux baisses d'impôts ont eu lieu en 1999 et 2009. Dans le même temps, les recettes issues des sociétés ont augmenté de 127%. La réalité comptable démontre qu'il n'existe pas de crise des recettes; en revanche, les charges de personnel ont crû de 40% durant la même période.
Faisant fi des évidences, ce projet de loi vise à augmenter les charges fiscales des entreprises qui paient déjà le plus, fragilisant ainsi bon nombre d'entre elles qui seront alors tentées par l'exode vers d'autres cantons suisses, voire d'autres pays. Cette fragilité sera répercutée sur les emplois ou les investissements. Faut-il prendre le risque, en votant ce texte, de pressurer davantage encore les sociétés, de les laisser partir vers d'autres cieux ? La réponse est non, évidemment. Espérons que la réforme PF 17 apporte de la clarté et une certaine justice fiscale pour le bien de notre collectivité. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous demande de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, un petit mot tout d'abord pour dire que le groupe des Verts regrette la manière quelque peu expéditive dont ce projet de loi a été traité en commission...
Une voix. Ah bon ?
Mme Sophie Forster Carbonnier. Oui, nous le regrettons. En effet, il aurait été intéressant pour nous de nous renseigner davantage sur les taux d'imposition progressifs, de savoir s'ils existent ailleurs et quel en est l'impact, plutôt que de balayer aussi rapidement ce projet de loi. Bien évidemment, en raison du contexte actuel, c'est-à-dire la réforme de la fiscalité des entreprises qui nous dicte de supprimer l'imposition liée aux statuts, la commission n'a pas jugé opportun d'étudier cette question plus avant.
Tel que proposé, ce texte aurait pour conséquence des pourcentages d'imposition pour les entreprises variant de 18% à près de 27%. Pour les Verts, il n'est pas réaliste de fixer de tels taux à Genève au vu de la situation actuelle, sachant de surcroît ce que le canton voisin vient de décider et le contexte international dans lequel nous naviguons. Aussi, nous avons le regret d'informer l'auteur de ce projet que nous ne pourrons pas le soutenir et que nous nous abstiendrons à ce sujet. Merci.
M. Ronald Zacharias (MCG). Sincèrement, je suis un peu inquiet: à écouter la gauche, les Verts, le parti socialiste, je me dis que le Projet fiscal 17, c'est mal barré, parce que l'on continue encore et toujours à vouloir leur plaire pour éviter la rue. Voici donc le message que j'aimerais adresser à la droite aujourd'hui: ayons le courage de cesser de vouloir leur plaire et affrontons la rue si nécessaire, de toute façon on n'aura pas le choix.
Le problème de ces projets de lois à répétition, qui sont totalement déraisonnables - et après, on dit que j'ai joué l'incendiaire avec mes propositions alors qu'elles étaient, elles, extrêmement raisonnables ! - c'est qu'ils causent des dégâts. En effet, l'activité économique a horreur de l'incertitude; pour fonctionner, elle a besoin de visibilité, de stabilité, d'être rassurée quant au fait que l'environnement fiscal dans lequel elle se déploie est raisonnable et concurrentiel vis-à-vis des voisins.
Au moment précis où la France socialiste - qui n'est de loin pas un paradis fiscal, bien évidemment - songe à abolir une bonne partie de la substance de l'ISF, à l'heure où le canton de Vaud, qui se trouve à quelques kilomètres de chez nous, envisage également de réduire l'impôt sur la fortune - lequel, par ailleurs, est déjà moitié moins élevé que le nôtre - et s'apprête à accueillir nos entreprises dès le 1er janvier 2019 avec une flat tax de 14%, la gauche ne trouve rien de mieux à faire que de déposer une véritable machine à créer des chômeurs !
Mesdames et Messieurs les députés, il faut naturellement refuser ce texte avec vigueur, et je vous en remercie.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est toujours un plaisir de passer juste après Ronald Zacharias ! S'agissant des débats sur la fiscalité, je crois que les gens voient et comprennent la différence qui existe entre le PLR et le MCG d'un côté - en tout cas l'aile Zacharias du MCG - et le parti socialiste et Ensemble à Gauche de l'autre.
Que propose ce projet de loi ? Une progressivité de l'impôt pour les personnes morales. Bien sûr que le groupe socialiste est en faveur d'une telle mesure, et pourquoi ? Tout le monde le comprendra: il est en effet logique que plus vous réalisez de bénéfice, plus vous gagnez d'argent - pour les personnes physiques, plus vous avez de revenus et de fortune - plus vous payiez d'impôts. Il s'agit de contribuer à ce qui fonde notre société, à savoir le principe de solidarité, de redistribution des richesses.
Ce n'est pas du tout un projet contre les riches, mais non, vivent les riches ! Plus il y a de fortunés, qu'il s'agisse de personnes morales ou physiques, plus il y a d'impôts, mais encore faut-il que leur imposition soit juste et équitable. On entend que la population n'y comprend plus rien, ne saisit pas la différence entre les partis politiques, la gauche, la droite, que tout ça ne veut plus rien dire. Or concernant la fiscalité, ça veut justement tout dire ! Quant à nous, nous sommes pour un impôt juste et équitable des personnes morales et physiques afin de financer les prestations, les conditions-cadres dont Genève bénéficie aujourd'hui, qui sont si importantes à la fois pour l'économie, pour nos entreprises et pour les citoyens qui résident sur notre territoire.
Est-ce que les sociétés, si ce projet de loi était accepté, vont partir ? On nous parle d'exode, du fait qu'elles seraient déjà étranglées par l'imposition pratiquée à Genève; eh bien moi, je pense qu'elles ne vont pas s'en aller... (Remarque.) Oui, Monsieur Zacharias, je vous rassure: sans doute y a-t-il quelques moutons noirs qui vont quitter le canton. J'avais préparé un document que je n'aurai malheureusement pas le temps de lire, mais prenons le cas d'Apple, qui est incroyable: sans entrer dans le détail, cette compagnie a négocié avec le fisc irlandais afin que, via une filiale, elle ne s'acquitte que de moins de 2% d'impôts en Irlande sur quasiment l'ensemble de ses bénéfices ! Lisez cet article du «Monde» ! On parle de 74 milliards qui n'ont pas été imposés entre les années 2009 et 2011 !
Est-ce vraiment ça qu'on veut ? Dans les Paradise Papers qui viennent de sortir, que peut-on lire ? Que des sociétés comme Nike, par exemple, jouent avec les failles de la fiscalité internationale à travers des montages fiscaux, s'exportent aux Pays-Bas et y paient moins de 2% d'impôts. Ce n'est pas du tout ce que les socialistes veulent. Nous souhaitons évidemment que nos entreprises soient prospères, mais que quand elles réalisent du bénéfice - et beaucoup de bénéfice - elles versent un impôt qui soit juste.
A l'échelle internationale, il existe des solutions multilatérales, comme BEPS. Encore une fois, on n'a pas le temps d'entrer dans les détails, mais qui cherche une solution pour que les bénéfices ne soient pas imposés uniquement dans des paradis fiscaux ? C'est le G20, c'est l'OCDE, parce que les Etats membres se rendent bien compte qu'un tel système fiscal n'est plus possible.
Les socialistes voteront ce projet de loi, car ils militent en faveur d'un impôt progressif pour les entreprises. Pourquoi ? Je le répète: pour financer les prestations sociales, la santé, la sécurité, la mobilité, toutes les conditions-cadres qui font que le canton de Genève est ce qu'il est aujourd'hui. Si nous voulons continuer à développer ces politiques publiques, nous devons faire en sorte que les personnes morales et physiques paient un impôt juste, équitable et responsable. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à M. Christophe Aumeunier pour trois minutes vingt.
M. Christophe Aumeunier (PLR). Merci, Monsieur le président. Surtaxer 3% des entreprises, surtaxer 596 sociétés de 315 000 F chacune en moyenne, respectivement faire courir à Genève le risque, comme l'a dit le rapporteur de majorité, de perdre 2000 emplois - on peut en effet supposer que 315 000 F correspondent à trois postes, donc 2000 emplois seraient en jeu - eh bien nous l'aurons tous compris, ce n'est pas une bonne idée, c'est une attaque frontale contre l'emploi.
A Genève, nous le savons, nous vivons une crise des dépenses, pas des recettes. On nous appelle ici à des impôts équitables, comme si nous étions très différents des autres cantons, comme si la Suisse était inique et que tout le système reposait sur des inégalités. Mais pas du tout ! Genève exploite sa ressource fiscale de la manière la plus importante qui soit, et d'une manière tout à fait disproportionnée. Avec ou sans le PF 17, le taux d'imposition dans le canton de Vaud sera de 13,8% en 2019, Mesdames et Messieurs les députés, avec ou sans le PF 17 ! Or là, on nous appelle à fixer un taux de 27%, c'est complètement déraisonnable ! Il faut avoir une vision pragmatique.
Le projet des auteurs constitue une vision de société issue d'un idéal collectiviste affranchi des réalités du moment, lesquelles nous dictent de préserver les conditions de l'entrepreneuriat à Genève, de protéger l'emploi et la prospérité et de cultiver une concurrence fiscale vis-à-vis de nos amis vaudois. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, il faut fermement refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient maintenant au rapporteur de majorité, M. Yvan Zweifel, pour une minute trente-deux.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Une minute trente-deux, Monsieur le président, pour évoquer une différence importante entre les personnes morales et physiques, qui explique pourquoi, dans le cas des premières, on a une flat rate tax, et dans celui des secondes, un taux progressif.
La déclaration fiscale d'une entreprise ne constitue en fait que le prolongement de sa comptabilité commerciale, laquelle permet de différer ou d'anticiper des revenus et des charges. En effet, selon le barème proposé, vous avez la possibilité de jouer de telle manière que votre bénéfice se trouve dans la tranche juste au-dessus ou juste en dessous, ce qu'une personne physique n'a pas loisir de faire, à quelques exceptions près, par exemple en versant davantage de dons. Voilà pourquoi, dans le premier cas de figure, on a une flat rate tax, et dans l'autre, un taux progressif.
Pour conclure, Monsieur le président, et répondre à mon éminent collègue Jean Batou, la justice sociale, c'est avoir les moyens d'aider les personnes qui en ont besoin. Or faire fuir ceux qui apportent ces moyens, c'est créer de l'injustice sociale. C'est ce que nous ne souhaitons pas, et c'est pourquoi nous allons raisonnablement refuser ce projet.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression que nous avons déjà mené ce débat à de nombreuses reprises, mais ce n'est pas grave, c'est l'occasion pour moi de répéter mes propos et de rappeler un certain nombre de réalités. Il y a quand même une nouveauté, il faut le reconnaître: c'est la première fois que j'entends M. Batou proposer une diminution de l'imposition pour certaines entreprises, ce n'était encore jamais arrivé - comme quoi, Monsieur, encore un petit effort et vous deviendrez à votre tour un fervent supporteur du PF 17 !
Non, évidemment, ce projet de loi est une manipulation, un tour de passe-passe digne du bonneteau puisqu'il vise à baisser les impôts de sociétés qui n'en paient pratiquement pas pour charger massivement celles qui apportent la substance fiscale. Franchement, Mesdames et Messieurs, il n'est pas sérieux de vouloir taxer les personnes morales qui engendrent nos recettes fiscales à près de 27% précisément au moment où, pas très loin d'ici et indépendamment d'ailleurs de la grande réforme fédérale, nos voisins ont fixé un pourcentage qui sera de moitié inférieur. Il faut rejeter ce texte avec détermination. Comme vous le savez, nous sommes engagés dans un projet de grande ampleur absolument indispensable pour notre économie, soit le PF 17, et c'est ce qui nous permettra de maintenir la substance fiscale à Genève.
M. Wenger m'avait habitué à des interventions plus éclairées que celle qu'il a effectuée aujourd'hui, me semble-t-il, en évoquant l'imposition anormalement basse dans certains paradis fiscaux, comme en Irlande, à l'appui de sa proposition. Je n'ai pas très bien compris le rapport, alors qu'il s'agit - à juste titre ! - de veiller à assurer le financement de nos prestations sociales. Bien sûr que c'est important, mais ce n'est certainement pas en portant notre taux d'imposition pour les entreprises qui créent la substance fiscale à près de 27% qu'on y parviendra. Mesdames et Messieurs, vous l'aurez bien compris, je vous invite à refuser ce projet de loi avec détermination. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et ouvre la procédure de vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11813 est rejeté en premier débat par 58 non contre 22 oui et 10 abstentions.
Une voix. C'est une bonne chose !
Premier débat
Présidence de M. Eric Leyvraz, président
Le président. Pour l'objet suivant, nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Maitre, je vous laisse la parole.
M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi traite de l'impôt sur la fortune. Vous savez évidemment que cet impôt est composé principalement de deux piliers: un impôt sur la fortune normal, ordinaire, et une couche supplémentaire, un impôt sur la fortune supplémentaire, à partir d'un certain niveau de fortune. Je vous épargne les détails. Eh bien, ce projet de loi nous propose tout simplement de rajouter encore une couche supplémentaire à ce mille-feuille fiscal déjà bien trop calorique. Vous le savez, à Genève, l'impôt sur la fortune est probablement le plus élevé au monde; il s'élève à 1% alors que même nos voisins français - qui ne sont pourtant pas connus pour avoir créé un paradis fiscal - ont un impôt sur la fortune de 50% moins élevé que celui que nous connaissons à Genève. Vous l'avez compris, ce projet de loi vise tout simplement à taxer davantage - comme le précédent - ceux qui ont de la fortune.
L'auteur de ce projet de loi nous parle des millionnaires en faisant un raccourci assez surprenant. Je le cite: «Tout de même, ce sont des millionnaires au sens strict du terme et ils constituent 10% de la population.» Il parle évidemment des personnes qui auraient une fortune de plus de 1 million de francs. Malheureusement, en Suisse, on n'est pas millionnaire au sens où M. Batou l'entend lorsqu'on a 1 million de francs de fortune. Avec 1 million de francs, on peut être par hasard l'heureux propriétaire d'un deux-pièces au centre-ville. Certes, les prix sont beaucoup trop élevés en matière immobilière, on le sait. Il y a aussi le monde important de la paysannerie puisque avec deux ou trois machines agricoles, quelques terres et des entrepôts, vous arrivez très facilement et très rapidement à une fortune de plus de 1 million de francs. Ce sont ces gens-là que vous voulez taxer davantage ! Eh bien, à ma connaissance, ce ne sont pourtant pas des gens qui roulent sur l'or et qui se pavanent dans l'opulence.
Il faut aussi rappeler que les recettes de l'impôt sur la fortune proviennent très largement de seulement 1% des contribuables puisque 1% de ces contribuables rapporte 70% de l'impôt total sur la fortune. Augmentez cet impôt et vous avez la garantie de faire diminuer le nombre de ces contribuables puisqu'ils s'exileront à l'évidence sous des cieux plus cléments !
Le but avoué de l'auteur de ce projet de loi est de faire avancer des idées à moyen terme; c'est ce qu'il nous dit dans son rapport. C'est en réalité un aveu de faiblesse et c'est bien la preuve qu'il n'y croit pas lui-même puisqu'il qualifie d'ailleurs sa propre position - ou plus largement celle de la gauche - d'objectif obsessionnel. Il prétend comprendre que la majorité de droite y soit opposée et admet même que l'opinion publique aujourd'hui y est majoritairement opposée. Ma foi, il engorge tout de même ce parlement avec des projets de lois de cet acabit, bien qu'il sache lui-même qu'ils ne passeront pas la rampe. Je vous invite évidemment à refuser un projet de loi qui alourdit gravement la charge fiscale des contribuables genevois et augmente donc l'impôt sur la fortune.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Nous vivons une époque assez extraordinaire où, précisément parce que les inégalités se creusent, les plus riches ne veulent plus contribuer au ménage commun de l'Etat comme ils le faisaient auparavant. Dans une période de creusement des inégalités, il est évident qu'au lieu d'aller dans le sens d'une ponction plus importante sur les richesses, on va dans le sens d'une ponction plus faible, avec l'idée que les riches pourraient s'en aller. Je vous pose la question, pendant la période où le capitalisme allait bien, durant les Trente Glorieuses - les trois décennies d'après-guerre - la fiscalité était extrêmement présente et la redistribution extrêmement importante. Les riches ne s'exilaient pas, parce que les inégalités sociales étaient moins importantes qu'aujourd'hui. Nous sommes donc embarqués dans une aventure où les inégalités croissent, où la fortune se concentre. Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, dans le monde, huit personnes disposent d'une fortune égale à celle de la moitié de l'humanité ! (Commentaires.) Est-ce que vous pensez vraiment qu'une évolution de ce type nous mène vers une civilisation des lumières ? Evidemment pas ! Nous allons vers une société dans laquelle les pauvres sont de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches. (Brouhaha.)
Evidemment, dans ce parlement qui a été élu il y a maintenant quatre ans, on peut mesurer l'importance des affiliations aux forces qui soutiennent précisément une société inégalitaire: quand on vote, on a des scores impressionnants pour défendre les millionnaires, les multimillionnaires et leurs fortunes. Maintenant, soyons sérieux ! Qui menace les petits possédants ? Qui menace les petits entrepreneurs ? C'est le système dans lequel nous sommes engagés, qui figure aujourd'hui dans le programme fiscal quadriennal. Qui est en train de relever l'imposition des petits propriétaires ? Qui est en train aujourd'hui d'augmenter la pression fiscale sur les petites entreprises avec une taxe de 0,22% sur la masse salariale ? Au profit de quoi ? Au profit du PF 17 ! Parce que l'orientation stratégique de ce gouvernement est de servir la soupe aux plus grandes entreprises comme aux personnes physiques multimillionnaires ! Il ne s'agit pas de protéger le millionnaire dont vous avez parlé, qui a un appartement, qui a des machines agricoles: celui-là va passer à la casserole ! Il va passer à la casserole comme les salariés, comme les bénéficiaires de prestations sociales. Parce que ce système est orienté au profit d'une toute petite minorité, de ceux qui vivent de leurs rentes, qui ont d'énormes ressources financières... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...ceux qui ont la capacité de se déplacer d'un pays à l'autre pour optimaliser leurs ressources ! Et c'est ce système que vous défendez ! Moi, je tiens à m'adresser non pas seulement aux salariés, non pas seulement aux bénéficiaires de prestations sociales, mais aussi aux petits propriétaires, aux petits entrepreneurs que la droite est en train de sacrifier sur l'autel de la grande entreprise, de la mondialisation.
Le président. Temps du groupe !
M. Jean Batou. C'est évidemment cela qui met aujourd'hui les partis de droite en crise. Si, aujourd'hui, vous n'avez plus le succès que vous aviez auparavant, si, aujourd'hui, vous perdez dans tous les pays au profit de ce que vous appelez des forces populistes, c'est parce que ces forces populistes sont sensibles à une protestation populaire, et cette protestation populaire va dans le sens de dire qu'on ne peut plus soutenir cette politique. (Commentaires.) Non, ce n'est pas vous, Monsieur Sormanni ! Parce qu'en matière fiscale, au MCG, c'est M. Zacharias qui a la parole ! (Commentaires.) C'est M. Zacharias qui a la parole, et je dois reconnaître, vous lui transmettrez, Monsieur le président, que M. Zacharias a au moins le mérite de représenter ici ses intérêts personnels plutôt que d'être désigné par ceux qui dirigent ce monde pour venir défendre ici les intérêts des plus riches. Au moins, il a le courage de le faire à titre personnel ! Vous, Monsieur Maitre, vous le faites en tant que représentant d'intérêts qui ne sont pas forcément directement les vôtres ! (Rires. Applaudissements. Commentaires.)
Pour conclure, il est d'une extrême urgence que vous acceptiez l'idée qu'il faut enrayer dans nos sociétés cette dérive vers l'explosion des inégalités, que vous ne voyez pas parce que vous ne vous promenez pas dans les quartiers qui sont impactés par vos politiques. Vous ne le savez pas, vous ne voulez pas le voir, mais vous êtes en train de creuser dans ce canton de Genève un véritable fossé entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas. Il est important que vous nous écoutiez sur le plan fiscal et que vous l'acceptiez. Je pense que, jusqu'ici, la population a voté non à des hausses de l'imposition parce qu'elle a toujours pensé que ces hausses allaient lui retomber dessus. En réalité, pour la première fois, la population a refusé un cadeau fiscal aux privilégiés en refusant la RIE III. Je pense qu'on est à un tournant, et vous devriez y être attentifs. On est à un tournant, et nos concitoyens réaliseront qu'en faisant cadeau fiscal sur cadeau fiscal aux privilégiés, eh bien, on est en train de détruire les services publics, la prévoyance sociale. On en a eu un indice hier, avec la coupe de 5 millions de francs dans les subsides d'assurance-maladie pour équilibrer le budget cantonal, alors qu'on fait des cadeaux de plusieurs centaines de millions aux grandes entreprises: 115 millions avec le bouclier fiscal, 75 millions en n'imposant pas les dividendes comme ils devraient l'être - comme les salaires, à 100% ! Avec cette politique-là, vous prenez dans la poche de ceux qui n'ont rien pour garantir la fortune de ceux qui ont tout. Nous refusons cette logique et nous appelons ce parlement à soutenir notre projet de loi.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Vanek pour quarante-sept secondes.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Je vais vous épater: je renonce ! (Exclamations.)
Le président. Mais, mon Dieu, je vais de surprise en surprise aujourd'hui ! Monsieur Florey, c'est à vous.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Aujourd'hui, la revue «Bilan» a sorti les chiffres 2016 des grosses fortunes qui ont quitté la Suisse: il y en avait neuf, contre deux nouveaux arrivants. La raison de tout ça, c'est que les neuf qui sont partis en avaient simplement ras-le-bol d'être pressés comme des citrons; les deux nouveaux arrivants sont probablement venus pour des raisons qui faisaient qu'ils voyaient encore un intérêt à venir dans notre pays. Maintenant, si on ramène ça à l'échelle cantonale, c'est exactement ce qui va se passer avec un tel projet de loi: on le sait, les personnes qui ont encore de la fortune à Genève ont horreur de l'incertitude dans le domaine fiscal et c'est ce climat d'incertitude que vous créez avec de tels projets de lois. Si on transpose ça au niveau cantonal, la grande différence est que des fortunes partiront, inévitablement, mais il n'est pas certain qu'il y en aura de nouvelles qui viendront. D'où le danger de cet objet ! En plus, ce texte est socialement irresponsable puisqu'on sait très bien que ce fameux 1% de contribuables qui apportent 70% de la substance fiscale permet justement à 40% des contribuables les plus faibles de ne pas payer d'impôts. Donc, en acceptant un tel projet de loi, on ne ferait qu'une chose: déstabiliser complètement notre système fiscal qui est socialement acceptable pour affaiblir encore les plus faibles. Finalement, c'est peut-être ce que vous voulez sur le fond, rétablir la justice fiscale dans le canton en obligeant ces 40% de contribuables les plus faibles à se résoudre à payer des impôts. Nous l'avons toujours dit, l'UDC fera tout son possible pour maintenir cette égalité fiscale et nous vous invitons par conséquent à refuser cet objet.
M. Ronald Zacharias (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, oui, exactement, vous lisez dans mes pensées ! Il y a deux ou trois ans, lorsque j'avais déposé un projet de loi concernant la LDTR, M. Velasco avait pris la parole en commençant par dire que les chaussettes lui en tombaient. L'avantage du présent texte, Monsieur Batou, c'est que des chaussettes, on n'en aura plus ! Plus personne n'aura de chaussettes ! (Rires.) Pourquoi ? Aujourd'hui, je ne parle même plus du bouclier fiscal, parce qu'on en a beaucoup parlé et tout le monde sait maintenant comment il fonctionne, mais sans le bouclier - puisque vous prétendez vouloir le supprimer - on verra qu'à partir d'un certain degré de fortune et de revenu, on sera bien au-delà du 100% d'imposition sur le revenu imposable. Tout le monde peut prendre ici sa petite calculette et consulter le barème. En augmentant encore au moyen de ce projet de loi l'imposition sur le revenu, on a la prétention, à gauche, que cela va encore augmenter les recettes fiscales, ce qui est extraordinaire. On est à 100%, on passe à 110%: aucun problème, il n'y a qu'à passer de 120% à 150% de taux d'imposition sur le revenu imposable ! On aura encore plus de recettes fiscales ! C'est pour ça que, moi, je prétends sérieusement que le problème n'est pas idéologique, il n'est pas électoraliste, il est médical ! (Rires.) Il est médical, je m'en suis ouvert au professeur Morel et je lui ai dit qu'il y a une inversion dans le champ cérébral de la gauche. Il me dit: oui, je le sais, mais la bonne nouvelle, c'est que ça s'opère ! Par contre, c'est très cher. Mais j'ai encore une bonne nouvelle, on a réussi à récolter des fonds, hein !
Sincèrement, j'ai encore des chaussettes, elles m'en sont tombées ! Comment un homme raisonnable peut-il prétendre qu'à partir du seuil... Lorsqu'on écoute M. Batou, le drame est qu'il y a une cohérence interne à son discours. Il y a quelque chose dans ce discours et on a envie de dire qu'il a raison. (Quelques applaudissements.) Oui, merci ! Mais lorsqu'on le place dans son contexte, lorsqu'on regarde les chiffres et qu'on regarde le taux d'effort qui est d'ores et déjà consenti aujourd'hui, on s'aperçoit qu'on est dans un décalage total par rapport au réel. Raison pour laquelle, encore une fois, et j'en suis épuisé, on va demander le rejet de ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Tout d'abord, je voulais remercier M. Zacharias: même s'il traite la gauche de malade, ses propos sont un peu plus modérés, parce qu'hier ses propos étaient inacceptables, je trouve qu'il aurait dû être rappelé à l'ordre par le Bureau. Pour en revenir à ce projet de loi qui vise à augmenter l'impôt sur la fortune par le biais des centimes additionnels, la première chose que nous voulons dire, c'est que les Verts soutiennent en fait l'abolition du bouclier fiscal; ils estiment que c'est par là qu'il faut empoigner les choses. Les Verts sont donc plutôt dubitatifs et notre groupe est divisé par rapport à ce projet de loi. En effet, pour une partie d'entre nous, ce texte pose le problème suivant: tant que le bouclier fiscal existe, si vous augmentez l'imposition sur la fortune, forcément, ce ne sont pas les plus riches qui vont passer à la caisse, mais la classe moyenne et la classe moyenne supérieure. Or, il nous semble à nous que c'est plutôt aux plus riches de passer à la caisse en ce moment, vu que la classe moyenne genevoise voit régulièrement son pouvoir d'achat régresser, notamment à cause de l'augmentation des primes de l'assurance-maladie. (Commentaires.) Ensuite, une partie de notre groupe estime qu'il faut voter ce projet de loi et que l'effort demandé est acceptable, compte tenu de la situation délicate dans laquelle se trouvent les finances cantonales et compte tenu aussi du fait que notre parlement se refuse à supprimer les niches fiscales, suppression que notre groupe appelle depuis de nombreuses années.
Pour conclure, notre groupe votera de manière assez disparate sur ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, après les personnes morales, on passe aux personnes physiques. Monsieur le conseiller d'Etat, vous vous étonnez que je parle de l'Irlande, d'Apple, etc. En un sens, vous avez raison, parce que ça s'éloigne un peu du projet de loi; je vais aussi faire quelques digressions à propos des personnes physiques. On a eu ce débat beaucoup de fois, vous l'avez dit, mais il faut aussi avoir un débat sur la fiscalité un peu plus général et il vaut peut-être la peine de faire quelques digressions.
Vous nous dites très souvent - notamment M. Zacharias - que trop d'impôt tue l'impôt. Nous, ce qu'on dit, c'est: trop peu d'impôt tue les prestations. C'est ça, le problème, Monsieur Zacharias ! Si vous avez trop peu d'impôts, vous n'avez plus les mêmes prestations, vous n'avez plus les mêmes conditions-cadres dont j'ai parlé avant. Il y a une autre citation qu'on aime bien, Victor Hugo disait que: «C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches.» (Commentaires.) C'est ça, le problème. Le paradis des riches est fait de l'enfer des pauvres. S'il n'y a pas de redistribution juste et équitable des richesses via l'impôt, cela pose un problème pour les prestations, pour les personnes les plus fragilisées, les plus précarisées et même, aujourd'hui, pour la classe moyenne de ce canton qui paie des impôts, mais ne parvient même plus, pour certains, à payer l'assurance-maladie, par exemple. On a voté hier soir les subsides d'assurance-maladie que le Conseil d'Etat voulait rayer, les fameux 30 F. Je vous passe le détail des politiques fiscales, de santé et autres qu'on doit financer avec ça. La question est: y a-t-il un exode des personnes les plus riches de cet enfer fiscal présumé qu'est Genève ? Les faits sont là, la réponse est non ! Je vais vous prendre un exemple, Monsieur Maitre: il s'agit d'un rapport sorti en mars 2017 d'un cabinet nommé Knight Frank, une société britannique de conseil immobilier que vous devez connaître. Elle existe depuis plus de cent vingt ans, elle est implantée dans soixante pays; 15 000 personnes travaillent pour elle et elle a 400 bureaux à travers le monde. Que dit ce rapport pour la Suisse ? Ecoutez bien ! Les multimillionnaires dont la fortune nette dépasse 30 millions de dollars ont augmenté de 5% en Suisse en 2016. Les multimillionnaires en Suisse dépassent désormais le nombre de 7000.
Une voix. Ce n'est pas Genève !
M. Thomas Wenger. Genève arrive ! Genève est la huitième ville mondiale à les accueillir, avec plus de 2500 personnes qui ont plus de 30 millions de dollars de fortune. D'ici dix ans, le nombre devrait s'étendre de 20% en Suisse pour s'établir à plus de 8500 et le volume de la richesse totale de ces personnes devrait lui, par ailleurs, augmenter de 20%. Ces derniers devraient notamment être de 30% plus nombreux à Genève contre 10% à Zurich. Voilà ce que nous dit le rapport ! Il y a d'autres chiffres qu'on cite souvent dans «Bilan». Tous les cantons enregistrent par exemple une hausse du nombre des personnes avec une fortune de plus de 10 millions. Pour Genève, 0,36% de ces personnes détiennent 39% de l'ensemble de la fortune qui existe aujourd'hui dans notre canton. Certes, ces personnes paient énormément d'impôts - c'est la fameuse pyramide inversée - mais elles ont beaucoup d'argent. Elles ont beaucoup d'argent ! Alors le problème, c'est quoi ? Monsieur le conseiller d'Etat, vous allez me faire le chantage à la calculette, le chantage au déménagement fiscal. Certes, quelques moutons noirs sont partis, par exemple à Malte. Mais si on parle comme ça, il faudrait aussi un peu améliorer les contrôles de ces contribuables au niveau international et au niveau national. Est-ce que le contribuable en question vit à Malte ? Est-ce que les contribuables genevois qui partent à Gstaad et ailleurs vivent vraiment à Gstaad ? Personnellement, j'en doute ! Tout ça pour dire qu'il faut rééquilibrer l'imposition des personnes morales, mais également celle des personnes physiques pour financer ce principe de solidarité par la redistribution des richesses des plus riches envers ceux qui ont le plus de besoins et qui ne peuvent pas les financer. Ça s'appelle le principe de solidarité. C'est ça, Mesdames et Messieurs, qui fait le fondement de notre société, de notre canton et de notre pays ! (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). Monsieur le président, j'ai entendu plein d'orateurs s'exprimer sur plein de sujets: ici, on parle bien de l'impôt sur la fortune ! Le projet que nous propose M. Batou, fondamentalement, c'est quoi ? Il existe aujourd'hui un impôt sur la fortune, il y a une tranche supplémentaire sur l'impôt sur la fortune et M. Batou veut rajouter une tranche supplémentaire à une tranche déjà supplémentaire. Cela sur un impôt dont le taux maximum est à Genève déjà le plus élevé de tout le pays, à 1%, pour rappel, alors qu'il n'est à Schwytz que de 0,17% ou de 0,72% dans le canton de Vaud. C'est de ça que l'on parle; on peut parler de plein d'autres choses, d'assurance-maladie, j'en passe et des meilleures, mais le fond du sujet est celui-là.
J'ai entendu beaucoup de théories, à commencer par celles du professeur Batou - comme dirait le rapporteur de majorité - qui nous a fait un cours ex cathedra de fiscalité communiste d'il y a deux cents ans. J'ai écouté beaucoup d'autres théories extrêmement intéressantes, notamment celle de M. Wenger. Moi, je vous propose de regarder un peu la pratique. (Commentaires.) On parle de l'impôt sur la fortune et la pratique est de regarder autour de nous. Qu'est-ce que l'on constate, Mesdames et Messieurs ? En Europe, par exemple, certains pays connaissaient l'impôt sur la fortune, mais ils l'ont aboli au fil du temps. Je cite quelques pays: l'Autriche en 1994, l'Irlande - chère à M. Wenger - en 1997, le Danemark en 1997, l'Allemagne en 1997, le Luxembourg en 2006, la Finlande en 2006 et la Suède en 2007. Qu'ont comme point commun ces pays ? Ce sont des pays qui, économiquement, vont bien; ce sont les moteurs économiques de l'Europe d'aujourd'hui. Ce sont des pays qui se sont rendu compte qu'il fallait arrêter de chasser la richesse, de chasser les riches et qu'au contraire, il fallait les garder chez soi de manière à pouvoir offrir des prestations de qualité à la population locale. Ces pays-là vont bien. Quels sont les pays qui ont gardé un impôt sur la fortune ou quelque chose de semblable à l'impôt sur la fortune, ou encore des taxes extrêmement élevées ? L'Italie, l'Espagne, la France, la Grèce. Comme par hasard, ce sont les parents malades de la même Europe. Aujourd'hui, ces pays ont réfléchi. Aujourd'hui, le Portugal a mis en place une nouvelle fiscalité pour attirer, notamment, les retraités d'autres pays. La Belgique qui avait pas mal de problèmes aussi a également mis en place une fiscalité plus attractive. L'Espagne a fait de même; l'Italie a fait de même. Et la France - enfer fiscal européen par excellence ! - est en train de réviser, voire d'abolir son impôt sur la fortune. Ces pays ont regardé ce qui se passait ailleurs et ils ont compris qu'il ne fallait pas trop imposer. Oui, il faut imposer, Monsieur Wenger, évidemment, mais il ne faut pas trop imposer ! Ces pays sont en train de corriger leurs erreurs.
Que propose le PL 11846 ? De faire exactement les erreurs que ces pays-là ont faites à l'époque, alors que la Suisse, elle, intelligente, ne les a justement pas faites. Mesdames et Messieurs, ne faisons pas les erreurs que des pays voisins sont en train de corriger et refusons ce projet ! M. Wenger citait tout à l'heure Victor Hugo, permettez-moi de citer Michel Audiard qui, lui, sur ce projet, n'aurait pas parlé d'erreur, mais de connerie. Il aurait dit, et il l'a dit d'ailleurs: «Les conneries, c'est comme les impôts, on finit toujours par les payer.» (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Après un pareil exposé, difficile de prendre la parole ! Il ne m'a pas enlevé les mots de la bouche parce que je ne les avais pas, mais il a dit ce que je pensais ! Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'on commet une erreur tragique. Bien sûr, le plaidoyer sur ce qui se passe actuellement est brillant, Monsieur Batou. Tout le monde ne peut qu'adhérer à votre constat. Le problème, c'est que votre solution est calamiteuse, et M. Zweifel vient de le dire, penser que l'on va résoudre cela par l'impôt est une erreur dramatique. Cette erreur, je me fais fort de vous l'expliquer, mais je n'ai pas beaucoup de temps. C'est une des choses que l'UDC cherche à faire en vous disant d'arrêter de voir les grands ensembles, essayons de travailler un peu plus localement parce que, grâce à vous, il y a eu la mondialisation libérale, la mondialisation du capital et la mondialisation du personnel. Maintenant, au lieu de vouloir continuer à générer ceci, vous avez fait une très bonne motion, parce que nous avons les délocalisations d'entreprises qu'on envoie dans des pays où les gens ne gagnent rien. En somme, vous favorisez presque l'esclavage moderne. Non, la solution par l'augmentation de l'impôt n'est pas la bonne. Même si votre description de la situation est correcte, la solution est calamiteuse. L'UDC vous invite à ne pas accepter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Stauffer pour deux minutes.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Merci de ne pas m'avoir limité dans les décibels, j'apprécie votre effort. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, une fois encore la gauche arrive avec une scie pour scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Vous transmettrez, Monsieur le président, j'aimerais poser une question aux auteurs de ce projet. Quand les gens ont de l'argent, ils sont très mobiles et pourraient partir habiter dans d'autres contrées plus favorables fiscalement. Mais alors, s'ils s'en vont, vous prendrez de l'argent à qui ? C'est toute la question. Aussi longtemps que vous n'aurez pas compris ça, vous n'aurez rien compris à l'économie: pour faire du social efficace, il faut une économie forte, il faut des gens qui aient de l'argent ! Tant et aussi longtemps qu'ils sont là, vous pouvez dépenser. Laissez-moi vous raconter une anecdote. Je ne donnerai pas de nom, mais quelqu'un est venu, un Belge, qui a demandé un forfait fiscal pour s'établir à Genève. (Commentaires.) Acteur très important dans l'immobilier, à la tête d'un fonds de plus d'un milliard de francs pour construire des logements dans le canton de Genève, il a eu la mauvaise idée de demander son passeport suisse. A l'arrivée de la première déclaration d'impôts, il s'est exilé dans un autre pays.
Une voix. C'est Berda ?
M. Eric Stauffer. J'ai dit que je ne citerai pas de nom, mais c'est un cas réel, Mesdames et Messieurs. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Malheureusement, si ces gens s'en vont... Il a créé des dizaines et des dizaines d'emplois; il a investi pour faire des logements, dont des logements sociaux !
Des voix. C'est faux ! C'est faux !
M. Eric Stauffer. Alors Monsieur Batou, Ensemble à Gauche, les socialistes, je vous l'ai dit: à force de convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre ! (Commentaires.) Ce projet de loi n'a pas sa place dans ce Grand Conseil.
Le président. Il faut terminer, Monsieur.
M. Eric Stauffer. Je termine, sa place est dans la poubelle !
Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. Batou, à qui il reste quarante-sept secondes.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. C'est à moi ?
Le président. Minorité d'abord, majorité après !
M. Jean Batou. Ah, minorité d'abord ! Merci, Monsieur le président. Je rappelle simplement à tout le monde ici que le nombre de millionnaires à Genève augmente de 5% par an. Ils ne sont donc pas en train de fuir, leur nombre augmente ! (Commentaires.) Et leurs fortunes augmentent encore plus vite. Cette théorie qui soutient que les millionnaires s'en vont n'est donc qu'un écran de fumée. Non, ils ne sont pas assez taxés, ils viennent ici parce qu'ils y font d'excellentes affaires et vous les défendez parce que vous espérez un jour devenir millionnaire, Monsieur Stauffer. Vous l'êtes peut-être déjà, mais j'entends dire que vos affaires vont mal. (Commentaire de M. Eric Stauffer.) Malgré tout, vous défendez la fiscalité basse pour les millionnaires parce que, peut-être, un jour, vous aurez de l'argent.
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur.
M. Jean Batou. Merci de voter ce projet de loi et de rétablir un peu plus de justice fiscale dans ce canton.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Maitre: vous avez encore tout le temps de groupe.
M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Monsieur Batou, sur le principe et par rapport à votre théorie, vous ne trouverez personne dans cette enceinte qui vous dira que le principe de redistribution et de solidarité est une mauvaise chose et qu'il faut l'abolir à tout prix. Même les plus néolibéraux des néolibéraux vous diront que l'impôt se justifie malgré tout, pour autant qu'il soit d'abord proportionné et qu'il soit ensuite correctement redistribué. Manifestement, à Genève, vous le savez également, il y aurait de larges améliorations à faire en la matière. En réalité, avec toujours plus de normes, toujours plus de contraintes et toujours plus de taxes, vous êtes en train d'étouffer la machine. Oui, il y a peut-être toujours plus de millionnaires. Tant mieux, en valeur absolue, ça fait toujours plus de retombées fiscales ! Vous êtes en train de nous dire que, parce que votre syndicat, par hypothèse, rencontre toujours plus d'adhérents, vous augmenterez chaque année les cotisations. Montrez-nous la voie, peut-être que les milieux économiques vous suivront le lendemain, si cela s'avère efficace et si, à terme, le nombre de vos adhérents continue toujours d'augmenter. Il est évident que l'économie a besoin de bonnes conditions-cadres, et M. Wenger se vantait tout à l'heure que Genève doit à ses conditions-cadres ce qu'elle est aujourd'hui. Il faudrait au passage rappeler d'où elles viennent: certainement pas de vos milieux ! Ce sont plutôt les banques qui se trouvent à ma droite qui ont créé ces conditions-cadres aussi favorables à Genève. Laissez faire un minimum l'économie ! Il n'y a pas que des gens affreux et malhonnêtes dans les milieux économiques et dans les entreprises. Avec raison, vous citiez la RIE III de manière réitérée. A ma connaissance, l'augmentation de 0,22% sur les cotisations sociales est une proposition qui vient directement des milieux économiques et pas des vôtres. Chaque année, régulièrement, une immense entreprise multinationale que vous combattez pourtant est élue «entrepreneur de l'année». Elle offre les meilleures conditions à ses employés, elle les traite le mieux et leur sert en plus des salaires parmi les meilleurs. Eh bien, c'est ce qu'on appelle tout simplement du libéralisme humaniste ou raisonnable - je ne sais pas comment le qualifier. Cela marche ! Evidemment, il faut des conditions-cadres, mais celles-ci n'ont qu'un seul but, éviter les abus. Les abus, comme dans tous les milieux, sont commis par une infime minorité. Laissez la machine respirer un peu plus, y compris et surtout en matière fiscale, et les milieux économiques seront ravis de vous servir toutes les prestations dont la population a besoin. C'est notamment pour cette raison que ce projet de loi n'est pas acceptable: il va exactement dans le sens inverse.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit des mêmes arguments - peu ou prou - que ceux qu'on a pu avancer hier soir s'agissant du bouclier fiscal. Fondamentalement, le problème en matière d'impôt sur la fortune, c'est que Genève est de loin le canton qui applique le taux maximum le plus élevé. Voilà que certains viennent avec l'idée de l'augmenter encore, idée saugrenue aux yeux du Conseil d'Etat ! On nous explique qu'il y a déjà beaucoup de contribuables soumis à ce fort impôt ici et, finalement, puisqu'ils sont là, on peut continuer à les presser davantage. Il y a toutefois une limite à ce raisonnement, Monsieur Batou, et il faudrait éviter à tout prix d'atteindre cette limite ! Parce que, lorsque vous enclenchez le mouvement inverse, c'est-à-dire lorsque vous enclenchez dans l'esprit de ces personnes le fait qu'elles ne sont pas les bienvenues à Genève, eh bien, elles s'en vont ! Voilà ! Et pour les faire revenir, il faudra déployer non seulement des trésors de conviction, mais certainement aussi d'autres arguments pour rendre plus attractive l'imposition de la fortune à Genève.
Vous savez que le Conseil d'Etat a eu l'occasion de présenter un plan financier quadriennal - dont ce parlement a discuté tout à l'heure - dans lequel il envisage de baisser l'impôt sur la fortune. C'est véritablement un problème et cela permettra le cas échéant d'ajuster le dispositif, aujourd'hui salvateur, qui s'appelle le bouclier fiscal. C'est ça, l'objectif qu'il faut viser: être plus attractif en matière d'imposition sur la fortune et certainement pas d'aller dans le sens proposé par ce projet de loi !
J'ai entendu M. Wenger dire qu'il faut de la redistribution. Effectivement, et j'apprécie décidément vos propos ce soir, Monsieur Wenger ! C'est exactement ce que notre système fiscal fait, et il le fait plus que partout ailleurs en Suisse, tant en ce qui concerne l'imposition du revenu que l'imposition sur la fortune. C'est précisément parce qu'on a cet effet distributif qu'il y a aujourd'hui une petite minorité de nos contribuables - à peine 1%, moins de 3000 personnes - qui paie plus de 30% de l'impôt sur le revenu. Evidemment, pour la fortune, c'est encore plus. Le Conseil d'Etat estime dans son ensemble qu'on atteint là les limites de ce qui est possible. Si on dépasse ces limites, les effets de cette opération seront à l'exact inverse de ce qui est visé par les auteurs de ce projet de loi. J'ai dû le dire une vingtaine de fois dans ce parlement, mais je continuerai à le répéter à chaque fois que l'idée saugrenue de péjorer ces conditions sera évoquée, ce qui arrivera encore malheureusement à de nombreuses reprises. Malheureusement, pour ce qui y est de faire preuve de persévérance dans ce domaine-là, la gauche est particulièrement tenace, mais je répéterai toujours avec la même conviction qu'il ne faut pas dépasser certaines limites. En l'occurrence, ces limites seraient largement dépassées avec ce projet de loi. Au nom du Conseil d'Etat, je vous invite évidemment à refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11846 est rejeté en premier débat par 63 non contre 25 oui et 6 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance. Nous reprendrons nos travaux à 18h.
La séance est levée à 17h40.