République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12167-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la nationalité genevoise (LNat) (A 4 05)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 23 et 24 novembre 2017.
Rapport de Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 12167-A. Le rapport est de Mme von Arx-Vernon, à qui je passe la parole.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Si je prends la parole, c'est parce que je m'étonne qu'il y ait une demande d'amendement de la part de M. Pierre Vanek, alors que ce projet de loi a été adopté à l'unanimité lors des travaux de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, ce qui signifie généralement que l'objet peut être traité à la séance des extraits sans prise de parole. Mais s'il faut refaire les débats de commission, je vais les refaire, Monsieur le président, de manière tout à fait brève, pour justifier que cet amendement n'a pas de sens.

Ce projet de loi est simplement une mise en conformité avec le droit fédéral, et c'est une indication pour l'harmonisation entre les cantons et les communes en matière de naturalisation. Ce qui apparemment choque aujourd'hui - et qui n'a pas choqué les représentants d'Ensemble à Gauche en commission - c'est que l'exigence du permis C serait déraisonnable et inique. Or c'est simplement ce qui est demandé au niveau fédéral, et il me semble, comme au reste de la commission - parce que cela avait été évoqué - que la possession du permis C est quand même une plus grande garantie d'intégration ainsi que de connaissance de nos codes sociétaux et de nos valeurs, notamment en matière d'égalité hommes-femmes - ça ne vous étonnera pas de ma part, Monsieur le président. C'est plus qu'une évidence et je ne comprends donc pas la raison de cet amendement, qui pour moi n'a aucun sens. Je vous remercie donc de bien vouloir voter ce projet de loi tel que sorti de la commission à l'unanimité. Merci, Monsieur le président.

M. Pierre Vanek (EAG). Cet amendement est évidemment très utile. D'abord, Mme von Arx-Vernon se trompe: dans son propre rapport, sauf erreur, on trouve mention de mon opposition, plus précisément de la question que j'ai posée au président du département de justice et... enfin, du département concerné, Pierre Maudet, lequel nous a dit que, oui, il y avait un réel problème avec cette exigence du permis C. «Nous nous sommes opposés», a-t-il dit en substance - ce n'est donc pas une lubie de Pierre Vanek, puisqu'elle s'étend à Pierre Maudet - «à l'échelle fédérale à ces dispositions de la loi fédérale qui posent l'exigence du permis C pour pouvoir être naturalisé.» Alors c'est vrai que j'ai signalé ce problème mais que je ne me suis pas opposé au projet à l'époque, et effectivement, Madame von Arx-Vernon, cette opposition a une vertu essentiellement symbolique, puisqu'on ne peut pas renverser le droit fédéral par le vote d'une disposition cantonale. Ça, j'en suis bien conscient: mes notions en droit sont limitées, mais elles s'étendent quand même à cette hiérarchie ! Cela dit, nous ne sommes pas obligés d'inscrire cette disposition telle quelle et de la reproduire servilement, alors que de Pierre Vanek à Pierre Maudet on s'y oppose et on s'y est opposé.

Concrètement, cette disposition signifie, puisque jusqu'à présent on pouvait entrer dans le processus de naturalisation en étant au bénéfice d'un permis B, C, F ou d'une carte de légitimation, qu'aujourd'hui des milliers de résidents genevois - je parle de résidents genevois, Messieurs du MCG, réveillez-vous ! - par exemple des enfants de fonctionnaires internationaux nés ici, sur le sol genevois, ayant fréquenté toutes nos écoles et titulaires d'une carte de légitimation ou de statuts divers, n'auront plus le droit d'accéder à la nationalité genevoise. De ce point de vue, ce que je vous demande, ce n'est pas un acte législatif particulièrement audacieux, mais un geste symbolique pour déclarer publiquement qu'à l'échelle genevoise nous sommes contre cette disposition, comme l'a indiqué le président du département en commission, car je pense qu'il faut que ce soit dit. Mme von Arx-Vernon aurait pu en effet le mentionner dans son rapport et intervenir ici pour rappeler cet élément...

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. M. Maudet a dit qu'il avait essayé mais que ça n'avait pas été possible ! (Brouhaha.)

M. Pierre Vanek. C'est bien, mais c'est grâce à moi que vous le dites ! Je vous aide à faire votre travail de rapporteuse, Madame ! (Protestations. Commentaires.) Je vous aide à dire les choses, et il fallait que ce fût déclaré publiquement... (Chahut.) ...qu'il est inique de poser cette exigence du permis d'établissement pour la naturalisation ! Nous ne sommes pas obligés de saluer le chapeau du bailli Gessler en incluant cette disposition dans notre législation ! Je montre que je suis bien intégré et que j'ai des références en matière d'histoire suisse... (Rires.) Je le fais exprès ! Le président du Conseil d'Etat apprécie ! Ça ne changera rien légalement, vous avez raison, mais ce sera un vote symbolique qui indiquera, comme l'a dit Pierre Maudet, que nous ne sommes pas contents de cette disposition. (Commentaires.) Je vous invite donc à en faire autant. Vous me direz, Madame von Arx-Vernon, que la séance des extraits, où on est censé travailler vite et bien, n'est pas le bon lieu pour des votes symboliques, mais je m'excuse, on a eu un échange sur le plan financier quadriennal ainsi que sur la pluralité de la presse, on peut donc quand même faire un tout petit peu de politique dans cette enceinte, même quand on est à la séance des extraits du vendredi après-midi.

Encore une fois, nous avons un problème dans ce pays avec nos lois sur la naturalisation. Elles sont trop restrictives ! Elles ouvrent la porte, par une série d'exigences floues - attentatoires, par ailleurs, aux droits fondamentaux des gens - qui peuvent être interprétées à la «Schweizermacher» dans différents endroits... Ici, on fait ça sans doute très bien, on est libéral - libéral au bon sens, au sens anglo-saxon du terme ! - on a même accepté de naturaliser un Pierre Vanek, mais dans d'autres régions du pays, c'est quand même problématique ! Il y a des endroits dans ce pays où le film «Schweizermacher» est encore à l'ordre du jour. Alors je pense qu'il faut militer, qu'il faut se battre pour des critères de naturalisation plus objectifs et plus ouverts. Dans ce pays nous avons un problème de surpopulation étrangère évident - réveillez-vous, Messieurs de l'UDC ! - parce qu'il y a 25% d'étrangers, largement du fait des complications et des verrous qui sont mis à la naturalisation et à la facilité de la naturalisation. Je ne suis souvent pas d'accord avec le président du département, mais il a indiqué en commission, et vous l'avez répété - c'est bien que ce soit dit ici, Madame von Arx-Vernon - qu'il n'adhérait pas, que le canton de Genève n'adhérait pas à cette politique consistant à serrer les robinets sur le plan de la naturalisation. Au contraire, il y a eu une campagne d'information - et c'est une bonne chose que ce soit dit - afin d'inciter les personnes qui vont perdre leur droit à la naturalisation au 1er janvier 2018, sauf erreur, ou à la date où cette loi entrera en vigueur, à formuler d'ores et déjà des demandes. Alors le petit barouf que nous faisons ici permet, Madame la députée, avec tout le respect que je vous dois, d'attirer l'attention publiquement sur ce problème. C'est bien de mener des campagnes d'information gouvernementales, mais c'est bien aussi de dire ces choses-là dans ce parlement sous le regard acéré des médias pluriels représentés à la tribune !

Mesdames et Messieurs, sur la base de ces explications, je vous invite donc évidemment à voter mon amendement. Il ne paralysera pas le processus de naturalisation, il ne mettra pas en danger l'application du droit fédéral en Suisse, mais il constituera un signal pour dire que nous sommes pour une politique de naturalisation plus ouverte, qui permette aux gens ne disposant pas forcément d'un permis d'établissement d'entrer dans la filière qui les conduit à la glorieuse possession d'un passeport rouge à croix blanche. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Magnin. (Un instant s'écoule.)

Une voix. C'est à toi !

Mme Danièle Magnin (MCG). C'est à moi ? Je n'avais pas compris mon nom, Monsieur le président ! Je voulais simplement apporter une ou deux réponses à notre Guillaume Tell de gauche qui vient d'intervenir - je vous prie de lui transmettre, Monsieur le président. Ma foi, nous sommes dans une Confédération, nous avons une Constitution, et nous ne pouvons pas aller de façon directe contre le droit fédéral. Mon avis à moi est que nous commettons des erreurs fondamentales en refusant par exemple de garder et de naturaliser les personnes qui ont fait toute leur formation universitaire chez nous. C'est immensément regrettable. Pour le moment, ce qui sera en vigueur à partir du 1er janvier 2018, c'est effectivement que nous ne pourrons naturaliser que des personnes disposant d'un permis C. Mais les preuves d'une intégration réussie sont explicitées, et il m'apparaît que cela facilitera grandement le travail, que ce soit du service cantonal de la naturalisation ou des différentes commissions dans les communes. Il y a en particulier la petite précision suivante: «Je participe à la vie économique ou à l'acquisition d'une formation (emploi ou formation, pas d'aide sociale)». (Remarque.) Je vous ai passé les exigences linguistiques, mais ça signifie que les gens qui ne parleront pas le français, qui n'auront pas une activité professionnelle, qui ne seront pas en train d'acquérir une formation ou qui seront tout simplement à l'aide sociale pourront certes demeurer chez nous, mais pas devenir suisses, ce qui me semble tout à fait légitime. Nous sommes un pays d'accueil, soit, mais nous ne voulons pas avoir comme concitoyens des personnes qui ne remplissent pas ces conditions, explicitées sur le site www.admin.ch. Nous refuserons donc de voter cet amendement. Le jour où le droit fédéral sera modifié, nous changerons la loi genevoise sur la naturalisation en conséquence, mais pour le moment nous n'acceptons pas l'amendement proposé, certes généreusement, mais pas légitimement, par M. Vanek. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va refuser l'amendement pour un motif qui a déjà été invoqué, mais que nous rappelons ici: avec le permis C, il faut avoir au moins le niveau B1 dans une langue nationale - ici le français - or pouvoir parler la langue est le minimum pour être intégré ! Vous ne pouvez pas demander d'obtenir la naturalisation si vous ne parlez pas la langue ! Je trouve ça complètement surréaliste ! Il faut, si on demande la naturalisation, qu'au minimum on puisse se faire comprendre et discuter avec les gens, qu'on soit capable de comprendre ce qu'on reçoit de la part de l'Etat et qu'on puisse y répondre. C'est donc le niveau B1 qui est demandé. Avec le permis B, ce n'est pas le niveau B1, mais le niveau B2, je crois, ce qui n'est pas suffisant. C'est tout bêtement ça. Nous refusons donc cet amendement !

M. Eric Stauffer (HP). Vous transmettrez à votre gauche, Monsieur le président, que trop faciliter les procédures de naturalisation est absolument contre-productif pour la Suisse. Dans une autre vie, Monsieur le président, j'ai été magistrat d'une grande commune suburbaine, maire de la Ville d'Onex, et j'étais par hasard chargé des naturalisations. J'en ai accepté et j'en ai refusé. J'en ai refusé au motif que certaines personnes venaient en ne parlant ni le français, ni l'italien, ni l'allemand - et on oublie le romanche, bien entendu, parce que c'est vraiment très rare - car pour moi, je suis désolé, ces gens ne peuvent pas bénéficier de la nationalité suisse. Et si j'étais seul, Monsieur le président, j'irais encore plus loin, parce que j'estime qu'obtenir le passeport suisse, qui a une vraie valeur sur la scène internationale, ça se mérite: ça se mérite par l'intégration, par le travail, et j'ai vu trop de cas dans cette autre vie de magistrat où des personnes venaient déposer une demande de naturalisation non pas parce qu'elles aimaient la Suisse, mais parce que les rentes d'assurance-invalidité, notamment, étaient payées pour les ressortissants suisses s'ils retournaient dans leur pays d'origine. Et ça, je m'y oppose fermement. Je dis donc, Mesdames et Messieurs, que vous devez aussi être responsables, parce qu'à force d'ouvrir la porte à tout le monde, n'importe comment et à n'importe quel moment, eh bien ce sont nos propres enfants qui finiront par en souffrir. En conséquence, je ne voterai ni l'amendement ni le projet de loi. Merci.

M. Carlos Medeiros (HP). Chers collègues, comme vous le savez tous, je suis originaire des Grisons... (Exclamation.) ...donc j'ai passé par ces processus, du permis A - celui de saisonnier - jusqu'à la naturalisation, dont je suis très fier. La question ici n'est pas de savoir si ça s'appelle le permis B, le permis C ou le permis Z; le problème dont on parle, c'est de savoir à partir de quel moment la personne se sent et est intégrée dans notre société, soit au niveau cantonal, soit au niveau national. Et je dis bien «intégrée», et pas «assimilée». Moi je suis d'origine portugaise, avec beaucoup d'orgueil, et je n'ai jamais nié mes origines. C'est vrai qu'il y a un processus psychologique qui se fait sûrement de manière individuelle, et à partir d'un certain temps, d'un certain nombre d'années que vous êtes là et que vous avez compris un peu «comment ça marche», entre guillemets, vous avez peut-être la notion exacte de vos devoirs, de vos obligations et de vos droits. Donc, encore une fois, ce n'est pas une question de nom de permis, mais de temps. J'estime en tout cas, par rapport à mon parcours privé, que c'est à partir d'une dizaine d'années que l'on est «intégré», entre guillemets, dans notre société, et j'en suis très honoré. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12167 est adopté en premier débat par 79 oui contre 1 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1, al. 1, lettre b (nouvelle teneur) à 4, al. 1 (nouvelle teneur).

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Vanek visant à biffer du projet de loi l'article 11, alinéas 2 et 3 (nouvelle teneur). Monsieur Vanek, je crois que vous avez bien présenté la chose tout à l'heure, je vais donc simplement relire ce que vous demandez de supprimer:

«Art. 11, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)

2 Il peut présenter une demande de naturalisation s'il est titulaire d'une autorisation d'établissement.

3 Il doit en outre résider effectivement en Suisse et être au bénéfice de l'autorisation d'établissement en cours de validité pendant toute la durée de la procédure.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 7 oui et 3 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 11, al. 2 et 3 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les art. 12, lettre b (nouvelle teneur) à 37 (nouvelle teneur).

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Troisième débat

La loi 12167 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 12167 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 8 non et 7 abstentions.

Loi 12167