République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 mai 2017 à 18h25
1re législature - 4e année - 3e session - 16e séance
M 2334-A
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons terminé les urgences et en venons à notre ordre du jour. Nous en sommes à la M 2334-A, que nous abordons en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité.
M. André Python (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons étudié la M 2334 proposée par les socialistes et les Verts. Elle est axée sur l'organisation de l'exploitation du Léman Express et invite le Conseil d'Etat à gérer le futur personnel des trains notamment entre les Français - la SNCF - et les Suisses - les CFF. La majorité de la commission a constaté que tous les problèmes soulevés, qui sont intéressants, sont purement opérationnels. Le jeudi 9 mars 2017, à Paris, les CFF et la SNCF ont signé un contrat qui règle, par la création de la société Lémanis, l'exploitation du futur réseau franco-valdo-genevois, le Léman Express, dont la pierre angulaire sera le CEVA. De ce fait, cette motion est inappropriée, et nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre la majorité de la commission des transports et à la rejeter. Je vous remercie.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme vous le savez tous, le futur réseau ferroviaire Léman Express sera mis en service en décembre 2019 si tout va bien, si les derniers recours sont traités rapidement, grâce à l'ouverture du nouveau tronçon Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse, le fameux CEVA. On parle souvent du CEVA, mais je crois qu'il est important de se rendre compte de ce que sera ce Léman Express: le Léman Express, ce sont 230 kilomètres de lignes, 40 gares qui seront interconnectées sur un réseau transfrontalier entre une partie du réseau CFF et une partie du réseau SNCF. (L'orateur montre une carte.) Vous avez ici, même si je pense qu'on ne le voit pas très bien - mais vous pouvez trouver cela sur internet - ce que sera à partir de décembre 2019 ce futur réseau avec les 40 gares. Il y aura six trains par heure, Mesdames et Messieurs, entre Coppet et Annemasse; pendant les heures de pointe, des trains toutes les demi-heures entre Coppet et Saint-Gervais-les-Bains ainsi qu'entre Coppet et Annecy et Coppet et Evian. Je vous encourage vraiment à aller voir à quoi va ressembler notre futur RER. Si on compare avec des villes comme Berne, Zurich ou Bâle, enfin, en décembre 2019, nous aurons un réseau RER digne de ce nom.
Nous avons déposé cette proposition de motion à l'époque parce que beaucoup de questions se posaient alors sur l'exploitation de ce futur RER. Je vous le rappelle, vous vous en souvenez, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons investi 1,5 milliard avec la Confédération pour la construction du CEVA; de l'autre côté de la frontière, nos collègues français ont investi 234 millions. Quand on fait un investissement aussi élevé, il est très important de s'assurer que l'exploitation du futur réseau ait lieu de manière optimale. Nous avons eu des auditions à la commission des transports: celle des signataires, puis celle de M. Barthassat, accompagné de personnes de son département. Elles ont levé le voile sur un certain nombre de questions. Mais en fait, qui va proposer le modèle d'exploitation de ce futur RER Léman Express ? Les CFF et la SNCF. Et alors là, de manière assez étonnante, la majorité de la commission a refusé d'auditionner les CFF, a refusé d'auditionner la SNCF et a refusé d'auditionner les autorités françaises. La commission a également refusé d'auditionner les syndicats alors qu'à l'époque du dépôt de cette motion - heureusement, ça s'est arrangé depuis - ils n'avaient presque pas été contactés pour négocier la future exploitation de ce Léman Express. Des questions se posent donc. La première est: qui va piloter les trains des deux côtés de la frontière ? Cette réponse, on l'a aujourd'hui: les Suisses vont piloter du côté suisse sur le réseau CFF, jusqu'à Annemasse, et les Français vont piloter sur le réseau français; a priori, cette solution est acceptée par l'ensemble des partenaires. Mais d'autres questions se posent, Mesdames et Messieurs: qui assurera la sécurité des passagers dans les trains ? Qui s'occupera de l'entretien du matériel roulant, et comment cela se passera-t-il des deux côtés de la frontière ? Comment sera assurée l'information aux voyageurs sur l'ensemble du réseau ? Qui vendra les titres de transport, et à quel prix ? On espère - je crois que c'est le but - qu'il y aura un billet unique pour l'ensemble du réseau. Comment se passera le contrôle de ces titres de transport ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Toutes ces questions sont encore ouvertes, et bien entendu, les questions aussi liées aux conditions de travail du personnel, que ce soit celui des CFF ou celui de la SNCF. Le rapporteur de majorité a parlé de la création de cette société, Lémanis, qui devra régler ces questions. Nous avons déposé cette motion en 2016 pour accélérer un peu le processus et pour avoir des réponses. Certaines sont là, d'autres pas encore; nous, nous espérons que l'exploitation de ce Léman Express se fera vraiment de manière optimale, pour qu'on puisse entrer dans la mobilité du XXIe siècle que ce nouveau réseau de RER amènera pour Genève et toute sa région. Merci beaucoup.
M. Bernhard Riedweg (UDC). L'exploitation du RER Léman Express, qui empruntera la ligne du CEVA dans le cadre du réseau franco-valdo-genevois, sera effectuée par les CFF du côté suisse et par la SNCF en territoire français. L'engagement du personnel sera de la responsabilité des maisons mères que sont les CFF et la SNCF. L'interopérabilité du personnel de conduite sur les 230 kilomètres du Léman Express serait souhaitée, mais cela est loin d'être acquis, car la formation pour opérer sur les 40 rames à disposition circulant sur les deux réseaux et les deux types de trains est compliquée et coûteuse. Si tel devait être le cas, pour rationaliser les opérations, les mécaniciens français et suisses auraient la possibilité de piloter les rames sur l'ensemble du réseau dans le périmètre entre Nyon, Genève, Annecy, Saint-Gervais-les-Bains, Evian et Annemasse. Un accord stratégique pour l'exploitation du Léman Express - qui devrait transporter 50 000 usagers par jour - a été signé entre les CFF et la SNCF via la création d'une filiale commune, Lémanis. Cette société devrait avoir pour objectif de permettre la commande d'une offre ferroviaire unique. Cette société commune sera de droit suisse, détenue à 60% par les CFF et à 40% par la SNCF. En ce qui concerne les salaires du personnel, un mécanicien français devrait être indemnisé lorsqu'il conduit un train sur le territoire suisse, mais un mécanicien suisse roulant en France n'aura pas d'indemnité en raison des différences de salaires. Pour la tranquillité de nos esprits, sachez qu'un centre d'entretien est prévu à Annemasse pour les opérations légères, mais les opérations plus lourdes seront effectuées dans le centre d'entretien de Genève.
Les invites de cette motion concernent essentiellement l'exploitation du Léman Express, dont la gestion du personnel est le facteur principal, y compris la question des grèves. Ce sujet n'est pas à sous-estimer, puisqu'on a recensé en France 42 débrayages durant les quatre premiers mois de 2016, dont trois d'envergure nationale. En cas de débrayage en France, le RER transfrontalier fera demi-tour à Annemasse.
Dans un premier temps, les CFF et la SNCF ont décidé qu'il y aurait un changement de conducteur à Annemasse sur le futur Léman Express. Cela veut dire que le chauffeur au départ à Nyon officiera jusqu'à Annemasse en passant par Genève mais n'ira pas plus loin. Ce sera un mécanicien hexagonal qui ira à Saint-Gervais, à Evian et à Annecy, trajet qui est approximativement aussi long que la partie helvétique.
La motion propose une intrusion du Grand Conseil dans la gestion d'une entreprise qui n'est pas la propriété du canton. Ceci n'est pas du ressort de la politique. L'objectif de l'action politique est, dans le cas présent, de s'assurer du succès des infrastructures ferroviaires par leur attractivité pour les voyageurs. Le devoir des politiques dans le cadre de cette motion est de garantir qu'un service de qualité soit délivré à la population. Le Conseil d'Etat définit un cadre que les opérateurs devront respecter. Sur la base de ces réflexions, l'Union démocratique du centre refusera l'entrée en matière sur cette motion. Merci, Monsieur le président.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous estimons que la société Lémanis, structure commerciale récemment créée, détenue à 60% par les CFF et à 40% par la SNCF, permettra de s'occuper de tous les aspects opérationnels liés à l'exploitation du Léman Express et répond ainsi en grande partie aux questions soulevées par cette proposition de motion. Cette société prendra en charge les aspects économiques et se chargera de coordonner les deux opérateurs, CFF et SNCF, de part et d'autre de la frontière. Je rappelle que le Conseil d'Etat donne un cadre que les opérateurs doivent respecter. Au vu des explications du département, la commission a pu se rendre compte du travail complexe effectué en vue de la mise en exploitation du Léman Express et a pris acte du fait que les invites de cette motion, en particulier la consultation des partenaires sociaux, ne feraient que compliquer les négociations. D'autre part, une équipe commune aux deux entreprises a été constituée, dont les objectifs sont techniques et opérationnels, tant au niveau de l'infrastructure qu'à celui du service aux voyageurs. Au vu des explications données en commission, le groupe démocrate-chrétien refusera ce texte.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, en 2019, nous aurons enfin le plaisir de voir le CEVA devenir une réalité. L'entrée en service du CEVA représente à nos yeux une réelle révolution en matière de transports à Genève, puisqu'il va permettre de mettre en réseau 230 kilomètres de rails et de transporter quelque 50 000 passagers par jour. Nous espérons toutes et tous ici, je pense, que cela modifiera en profondeur les habitudes de transport de nos concitoyens et de l'ensemble des habitants du grand Genève, de sorte que nous puissions enfin basculer dans une mobilité d'avenir.
Mesdames et Messieurs les députés, nous le savons toutes et tous ici, Genève est une véritable métropole transfrontalière; ce caractère lui confère certaines particularités, notamment pour l'exploitation de son réseau ferroviaire et de son réseau de RER, qui s'étend et relie des territoires des deux côtés de la frontière. Ces particularités suscitent certains questionnements: entre autres - le rapporteur de minorité l'a rappelé - comment l'exploitation de ce réseau s'organisera-t-elle ? Par quelle entreprise le réseau sera-t-il exploité ? Quels mécaniciens opéreront ? Par qui seront-ils engagés, et à quel salaire ? Il y a là évidemment un enjeu très important, puisque, vous le savez toutes et tous, les salaires en France et en Suisse ne sont pas les mêmes. Un accord a pu être discuté et trouvé en ce qui concerne l'engagement des différents mécaniciens qui opéreront sur ce réseau; on peut considérer qu'il est relativement satisfaisant, puisqu'il permet de préserver les intérêts de chacun: les mécaniciens pourront être employés par leurs maisons mères, les Suisses opéreront en Suisse, les Français en France. Mais cet accord, Mesdames et Messieurs les députés, sur le type d'exploitation que nous voulons pour le RER Léman Express, court seulement jusqu'en 2023. On peut se demander ce qui se passera ensuite. A notre sens, une partie des questions n'ont pas encore trouvé une réponse satisfaisante; ce qu'on peut craindre, c'est que la concession pour l'exploitation de la totalité de ce réseau - que ce soit la partie française ou la partie suisse - soit attribuée à la société Lémanis et que les maisons mères, les CFF et la SNCF, se retirent de la charge de cette exploitation. Dans ce cas-là, on peut craindre pour les conditions de travail des mécaniciens, et notamment pour les conditions salariales: celles-ci pourraient se voir dégradées si les conditions salariales des mécaniciens employés par Lémanis n'étaient pas les mêmes que celles des CFF, par exemple. On peut aussi craindre que Lémanis n'implante son siège en France voisine; si elle se met à engager des mécaniciens aux conditions salariales françaises, on se trouvera face à un risque réel de dumping salarial.
Il reste les questions en suspens de la maintenance, du contrôle des billets dans les trains. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ces questions doivent trouver des réponses, mais concertées, notamment avec les partenaires sociaux et les représentants du personnel. C'est pour cela que le Conseil d'Etat doit poursuivre les discussions et qu'à notre sens, cette proposition de motion garde sa pertinence aujourd'hui. Ces discussions doivent pouvoir continuer à être menées notamment au-delà de 2023. Nous vous invitons donc à accepter ce texte. Je vous remercie.
M. Michel Ducret (PLR). On croit rêver ! Il faut proposer, Mesdames et Messieurs, d'acheter la société Lémanis et de la faire exploiter, qui sait, par les TPG, par exemple, pour s'assurer que ce soit bien sous le contrôle des Genevois !
Ceci étant, ces questions sont pratiquement toutes résolues: le contrôle des titres se fera, comme la conduite, par chacun des opérateurs, de manière séparée. La sécurité sera assurée de la même manière dont elle l'est dans chacun des deux pays, ce qui est tout à fait normal - il y a juste quelques problèmes de frontière à régler. Quant à l'entretien, comme il y a deux flottes complètement séparées, ce sera chacun pour soi, il aura lieu pour chaque flotte respectivement dans son pays - excepté le petit entretien journalier, qui peut être centralisé à un endroit, puisqu'on a voulu intervenir dans cette affaire, et de manière plutôt maladroite d'ailleurs. Je peux vous le redire ici: cette intervention de notre parlement a fusillé des possibilités de vendre des produits suisses en France avec une implantation industrielle en France. Continuez comme ça ! L'information, enfin, sera faite de manière commune par Lémanis, ça, c'est à peu près sûr.
Ce sont donc de faux problèmes, et en plus, ce sont des problèmes qui ne regardent pas un Grand Conseil, Mesdames et Messieurs ! Nous ne sommes pas le conseil d'administration de Lémanis, nous n'avons pas à intervenir là-dedans ! Les conditions sociales sont fixées, il y a des lois dans ce pays, il y a des lois dans le pays voisin; elles doivent être respectées, c'est tout. On n'a rien de plus à dire là-dedans !
Par contre, il y a un véritable problème, Mesdames et Messieurs. Posez-vous des questions, vous qui ne voulez pas d'augmentations tarifaires ! A un moment donné, c'est ça qui va être le véritable problème, parce qu'on ne pourra pas assumer la subvention pour l'exploitation d'un réseau aussi étendu avec les coûts que cela entraînera pour la collectivité genevoise. Si vous voulez des prestations satisfaisantes, notamment pour les habitants de Genève, sur la partie helvétique de ce futur réseau, croyez-moi, Mesdames et Messieurs, il faut harmoniser les prix avec ce qui se pratique en Suisse. Je ne demande pas que ce soit aussi cher qu'à Zurich, mais simplement, au moins, que le prix soit tel que les autorités fédérales puissent accepter la part payée par le client par rapport à la part de subvention, de manière qu'on puisse plus tard obtenir et négocier de façon correcte des augmentations de fréquences. Parce que l'offre actuelle - je vous rappelle que ce sont quatre trains par heure pour desservir toutes les stations à Genève - est totalement insuffisante pour vraiment permettre un changement des habitudes des Genevois. Quatre trains par heure, c'est insuffisant, il faut doubler cette fréquence ! Il faudra qu'on puisse se payer huit trains par heure qui s'arrêtent à toutes les stations entre Cornavin et Annemasse, c'est vraiment essentiel. Or, ceci a un coût, Mesdames et Messieurs, et ceux qui refusent aujourd'hui des augmentations tarifaires modestes portent déjà à l'avance une lourde responsabilité par rapport à un échec éventuel du Léman Express. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Cette proposition de motion parle d'opérationnel. C'est un problème, ça veut aussi dire qu'il y a un gros problème dans l'opérationnel avec ce CEVA, alias Léman Express, alias Lémanis - il a des noms multiples, et bientôt, il aura dix ou vingt noms, on ne saura plus comment l'appeler. La seule réalité, c'est que nous aurons bientôt un aspirateur à frontaliers.
Des voix. Aah !
M. François Baertschi. C'est cela qui nous est promis ! Et comme l'a bien dit mon préopinant, le député Ducret, nous devons payer cet aspirateur à frontaliers... (Exclamations.) ...avec la hausse du prix des billets et des abonnements. (Commentaires.) Les coûts vont augmenter de 30 à 50 millions pour ce CEVA, pour accueillir de manière royale, pour subventionner une fois de plus les frontaliers. Voilà ce qu'on fait, c'est pour ça qu'on doit augmenter les billets de tram, c'est pour ça qu'on doit augmenter les abonnements. Ça veut dire qu'il faut voter de manière très nette et massive non, non, non à l'augmentation du prix des transports publics, augmentation qui va payer l'arrivée des frontaliers chez nous - c'est ce qu'on veut faire.
En plus de ça, soyons sérieux à propos de ce projet: personne ne parle des problèmes posés par l'interaction entre le modèle suisse et le modèle français. En France, même en Savoie, qu'est-ce qu'il y a ? Il y a la CGT, des syndicalistes qui multiplient les grèves, toutes les grèves ! C'est donc cela que nous aurons. Avec un peu de chance... Je vois M. Batou se réjouir déjà - vous transmettrez, Monsieur le président - d'avoir des luttes sociales de haut niveau, mais bon, ça ne correspond pas à ce que beaucoup cherchent ou attendent. Nous aurons des grèves qui vont débouler sur la Suisse... (Commentaires.) ...nous aurons des ruptures dans le trafic, il faut s'y attendre. C'est la CGT qui, quelque part, va contaminer les Transports publics genevois par le biais de ce fameux Lémanis.
Et ne parlons pas de l'insécurité ! (Remarque.) On nous a dit qu'il fallait des moyens supplémentaires pour la sécurité. Je ne sais pas s'ils sont budgétés, j'en doute, mais il y a quand même quelques poches d'insécurité, notamment un quartier d'Annemasse reconnu au niveau national comme posant problème. Il est très net qu'on va créer une ouverture, qu'il va falloir gérer de nouvelles problématiques d'insécurité qui auront un coût ! Nous arrivons à l'heure de vérité; nous n'y sommes pas encore, mais nous y serons quand on aura fini de fêter l'arrivée du Léman Express avec de belles fêtes, de jolis discours. Quand on aura la vérité une à deux années plus tard, on va tomber de haut ! On va tomber de très haut ! Cela, je crois qu'il faut s'y attendre. Mis bout à bout, CEVA, Lémanis, Léman Express - je vais reprendre une expression de De Gaulle - c'est la chienlit ! (Exclamations. Commentaires. Quelques huées.)
M. Mathias Buschbeck (Ve). Cette proposition de motion part d'un bon sentiment, et chez les Verts, on aime bien les bons sentiments. (Exclamations. Rires.) L'objectif est d'essayer d'anticiper les problèmes qui vont se poser avec l'arrivée de ce réseau transfrontalier. Mais comme on l'a dit, les problèmes opérationnels posés par cette motion ne relèvent pas de notre compétence. Nous avons peur qu'avec les demandes formulées dans ce texte, au lieu d'anticiper des problèmes qui ne sont pas les nôtres, on les provoque et on les appelle. Mais pour ne pas donner un signal totalement négatif face à ces demandes, nous nous abstiendrons.
M. Pierre Vanek (EAG). Très brièvement, Mesdames et Messieurs, nous appuierons bien entendu cette motion. Les revendications dont elle fait état sont légitimes, les problèmes qu'elle pose sont tout à fait réels. C'est une motion: on sait ce que le Conseil d'Etat fait des motions, mais enfin, nous soutenons la position du parti socialiste qui a défendu ce texte par la voix talentueuse de son rapporteur de minorité.
Le débat a dérivé sur les tarifs; j'ai entendu M. Ducret s'exclamer, avec un enthousiasme non feint, qu'il était indispensable d'augmenter massivement les tarifs des transports en commun pour certaines raisons; j'ai entendu notre excellent ami François Baertschi, avec un enthousiasme encore moins feint... (L'orateur rit.) ...s'exclamer qu'il était indispensable de refuser l'augmentation des tarifs pour prévenir Dieu sait quelle invasion de hordes de frontaliers, comme on l'a entendu s'exprimer dans le même sens sur cinq ou sept points de notre ordre du jour. Bien ! Je crois que ça n'est pas très raisonnable. Il s'agit d'abord de dire que les tarifs des TPG, en l'occurrence, ou des billets Unireso, sont les mêmes pour les frontaliers, comme pour les touristes, comme pour les habitants de Genève, quelle que soit la couleur de leur passeport, et c'est très bien ainsi. Indéniablement, la question qui sera posée sous peu dans les urnes aux citoyens et citoyennes est importante: tout le monde est d'accord sur le fait qu'il faut payer, et qu'il faut payer plus pour développer des prestations de transport en commun qui répondent aux conditions de travail aux TPG, aux impératifs écologiques. Tout à l'heure, dans le débat sur l'aéroport dont nous avons été privés parce que nous ne sommes pas allés assez vite, j'avais prévu de sortir - mais je l'ai quelque part dans mes papiers - une manchette de la «Tribune» qui dit que le prix du billet easyJet ou d'autres compagnies - pas de publicité - pour Ibiza est aujourd'hui presque équivalent à celui d'un billet de bus. Evidemment, en tant qu'écologiste, je ne peux pas tolérer qu'on augmente le prix du billet de bus alors qu'aller à Ibiza en avion coûte moins cher ! Raison de plus de voter... Je parle de choses incidentes qui, vous me direz, Monsieur le président, n'ont rien à voir, mais je ne suis pas le premier ! (Commentaires. Rire.) Il faut voter non à cette hausse de tarifs pour des raisons écologiques, pour respecter un minimum de décence dans la graduation des billets.
Il faut en effet trouver de l'argent; or, les citoyens qui ont voté deux fois pour l'initiative de l'AVIVO ont voté pour que le canton de Genève mette les moyens du développement des prestations avec des tarifs populaires et bon marché, et c'est ce que dit, d'ailleurs - M. Barthassat s'en souvient, je le lui ai expliqué l'autre jour - la loi sur le transport des voyageurs, loi fédérale et donc supérieure. (Remarque.) En son article 28, elle indique que quand une collectivité publique cantonale commande une baisse de tarif, elle se doit de compenser le manque à gagner par rapport aux comptes planifiés. Et encore une fois, je peux rendre hommage au Conseil d'Etat qui a déposé un excellent projet de loi. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ce projet de loi excellent demandait une ponction homéopathique sur les employeurs, qui correspond à peu près à la moitié du surcoût du trafic aux heures de pointe lié aux déplacements des travailleurs pendulaires. Le contexte était mauvais, puisqu'il s'agissait prétendument de verser le produit de cet argent dans le trou creusé par la RIE III dont le peuple n'a pas voulu. Ce projet de loi, avec une ponction littéralement dérisoire...
Le président. Je vous remercie, Monsieur !
M. Pierre Vanek. J'ai terminé, Monsieur le président. ...rapporterait 16 millions... (Commentaires.) ...donc le double de la hausse que le PLR et ses acoquinés cherchent à nous vendre. (Commentaires. Exclamations.)
Le président. Voilà, merci, Monsieur.
M. Pierre Vanek. Mesdames et Messieurs, votez non à la hausse des billets TPG.
Le président. Monsieur Buschbeck, c'est à vous.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, la dernière déclaration et celle de M. Baertschi tout à l'heure ne peuvent pas rester sans réponse. Les mêmes qui aujourd'hui, légitimement, s'inquiètent des conditions de travail des employés du futur Léman Express, nous signifient aussi, en refusant la hausse des tarifs, qu'il ne faut pas augmenter les moyens, alors que pas plus tard que ce matin, les employés des transports publics ont fait une conférence de presse pour expliquer qu'ils sont inquiets de la baisse des revenus des TPG et qu'il faut absolument accepter cette hausse de tarifs. (Commentaires.) Donc si vous êtes soucieux des conditions de travail des travailleurs des transports publics... (Commentaires.) ...je vous appelle à voter oui à cette hausse de tarif. (Vifs applaudissements. Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Deneys, vous n'avez plus de temps. Monsieur Wenger, votre temps est aussi épuisé. La parole est à M. le conseiller d'Etat Barthassat.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, sujet compliqué qu'un RER transfrontalier, et ça ne date pas d'aujourd'hui, on en a souvent parlé dans cette enceinte. Les investissements consentis se montent à 1,567 milliard de francs pour la partie située en Suisse, dont 44% payés par l'Etat de Genève et le solde par la Confédération, et à 234 millions d'euros pour les 2 kilomètres situés sur le territoire français.
Mesdames et Messieurs, l'organisation de l'exploitation est traitée par le comité de pilotage, je pense qu'il est bon de le rappeler. Ce comité de pilotage est transfrontalier, coprésidé par le canton de Genève et la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les nombreuses questions ayant trait à la sécurité des passagers, aux tarifs, à l'information, à la distribution, à l'entretien du matériel roulant, à l'engagement et à la nationalité des mécaniciens qui conduiront les trains sont également débattues et discutées au sein de cette instance. Trois scénarios sont imaginés par les entreprises ferroviaires: les signataires de la proposition de motion, relayant en cela la position du Syndicat suisse des mécaniciens de locomotive et aspirants... (Commentaires.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Luc Barthassat. ...privilégient le deuxième, à savoir l'engagement de personnel par les maisons mères, mais avec - il faut bien écouter ce mot ! - interopérabilité... (L'orateur prononce le mot lentement.) ...du personnel de conduite. (Brouhaha.) J'ai regardé la définition de ce mot un peu savant. (Brouhaha.) Monsieur Vanek, si vous pouviez écouter, ça nous rendrait service et ça vous éviterait de dire des bêtises tout à l'heure !
M. Pierre Vanek. J'écoute religieusement, Monsieur le conseiller d'Etat !
M. Luc Barthassat. L'interopérabilité, c'est la capacité que possède un produit ou un système... (Brouhaha.) ...dont les interfaces sont intégralement connues à fonctionner avec d'autres produits ou systèmes existants ou futurs, et ce sans restriction d'accès ou de mis en oeuvre. (Brouhaha.) On a l'impression que c'est Vanek qui nous explique quelque chose ! (Rires.) Ce n'est pas toujours tout faux, ce n'est pas toujours tout juste non plus. Si vous essayez de comprendre la définition, Barthassat va vous la donner: ça permet à plusieurs systèmes d'agir ensemble.
Des voix. Ah ! (Remarque.)
M. Luc Barthassat. Ça veut dire que les mécaniciens français ou suisses auraient la possibilité de conduire les rames sur l'ensemble du réseau selon certaines conditions. Cependant, les entreprises ferroviaires, elles, pensent le contraire, puisqu'elles privilégient le scénario sans interopérabilité... (L'orateur prononce lentement le mot.)
Des voix. Bravo ! (Exclamations. Applaudissements.)
M. Luc Barthassat. ...du personnel de conduite, ce qui fait qu'un conducteur suisse ne pourra pas conduire au-delà de la gare d'Annemasse.
Aujourd'hui, et depuis un certain temps quand même, depuis le mois de septembre, les présidents des CFF et de la SNCF se sont rencontrés à Zurich pour finaliser la création de cette filiale commune qu'on a fêtée dernièrement à Genève, Lémanis, chargée de commercialiser l'offre Léman Express. Elle aura son siège à Genève et sera détenue à 60% par les CFF et à 40% par la SNCF. Toutefois, les mécaniciens resteront attachés à leur employeur d'origine et circuleront sur le matériel roulant CFF et SNCF respectivement.
Voilà, Mesdames et Messieurs. Je ne vais pas m'étaler sur les débordements liés à la chienlit, ou au oui ou non pour les transports publics. Tout ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que chacun en aura pour son argent, et si c'est oui, tant mieux pour nous; si c'est non, ce ne sera peut-être pas la chienlit, mais ce sera la Baertschi. (Rires. Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2334 est rejetée par 63 non contre 22 oui et 8 abstentions.