République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 janvier 2017 à 17h
1re législature - 3e année - 12e session - 64e séance
R 713-A
Débat
Le président. Nous passons à la R 713-A en catégorie II, trente minutes. La parole va au rapporteur de majorité, M. François Lance.
M. François Lance (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je précise tout d'abord qu'il s'agit d'une résolution du Grand Conseil à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale, qui demande la réhabilitation de sept manifestants condamnés suite à la manifestation du 9 novembre 1932 pour ne pas avoir suivi les ordres de la police. Je pense qu'il est important de rappeler rapidement les faits en reprenant le récit de Mme Irène Herrmann Palmieri, historienne auditionnée à la commission des Droits de l'Homme. A la fin de l'année 1932, la Suisse se retrouve en plein milieu de la crise économique qui touche des pays occidentaux dès 1929. Rappelons que, dans les années trente, on a affaire à une culture politique extrêmement violente et qu'il existe une polarisation entre des groupes de droite d'obédience fasciste et une force importante de gauche qui se profile dans la lutte des classes. Les forces de droite, principalement le groupe fasciste de Georges Oltramare, sont virulentes et auront de l'importance dans le cadre des événements du 9 novembre 1932, l'Union nationale ciblant essentiellement MM. Léon Nicole et Jacques Dicker. En 1932, le parti socialiste n'était pas représenté au Conseil d'Etat.
Mme Herrmann mentionne que les 5 et 6 novembre 1932, l'Union nationale lance une mise en accusation publique de MM. Nicole et Dicker, qui doit se tenir à la salle communale de Plainpalais le 9 novembre à 20h30. Le parti socialiste demande au Conseil d'Etat s'il est possible d'annuler cette manifestation, mais le chef du département de justice et police, M. Frédéric Martin, n'y est pas réellement favorable au nom du droit de réunion. Face au refus du Conseil d'Etat de la faire annuler, les socialistes appellent le 7 novembre à la mobilisation. Le 8 novembre 1932, le parti socialiste organise une contre-manifestation avec des sifflets et du poivre. Pendant la journée du 9 novembre, M. Frédéric Martin informe qu'il ne dispose pas de suffisamment de forces de police pour maintenir l'ordre en présence d'autant de personnes et fait appel à l'armée.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur.
M. François Lance. Je prends sur le temps du groupe, Monsieur le président. A 17h30, 640 recrues de Lausanne sont envoyées en renfort à Genève où on leur dit que la révolution a éclaté. Les recrues lausannoises s'installent à la caserne de Carl-Vogt, armées de balles réelles. En fin d'après-midi, quatre à cinq mille personnes se rassemblent, des barrages sont formés. Pendant la réunion de l'Union nationale, M. Léon Nicole harangue la foule massée à l'extérieur et les barrages sont enfoncés. Un appel est fait à la troupe pour les renforcer, mais dix-huit soldats sont désarmés par la foule. Les troupes se replient contre la façade du Palais des expositions et, à ce moment-là, Raymond Burnat ordonne de faire feu par le biais d'une sommation à la trompette, qui n'est pas comprise par la population.
Parmi les manifestants, dix sont tués, soixante-cinq sont blessés dont trois mourront par la suite. Le 12 novembre, les obsèques sont suivies par plusieurs milliers de personnes sous le choc. Une grève générale lancée par l'Union des syndicats du canton de Genève est peu suivie. Une quarantaine de manifestants sont arrêtés, dont Léon Nicole, et sept accusés sur les dix-huit au total sont condamnés à des peines allant de quatre à six mois de prison au terme d'un procès tenu par la Confédération au Tribunal pénal fédéral en mai 1933. Pour Mme Herrmann, c'est une triple peine pour les condamnés puisqu'ils étaient présents dans le camp où il y a eu le plus de morts, sont tenus pour responsables et sont lâchés par le parti socialiste suisse, qui se désolidarise totalement du parti socialiste genevois en affirmant que, si cela s'est passé, c'était de leur faute.
A l'issue du traitement de cette résolution et en particulier après avoir entendu Mme Herrmann Palmieri sur le déroulement des événements dans le contexte de 1932, la majorité de la commission estime juste de faire suivre une demande aux Chambres fédérales afin que les sept manifestants soient réhabilités en vertu des responsabilités partagées. La majorité de la commission incite le Grand Conseil à suivre cette proposition et, par conséquent, à voter favorablement cette résolution. J'ai terminé, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
M. Henry Rappaz (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, voici une très mauvaise résolution, signée comme de bien entendu par les socialistes et qui n'a aucune raison de faire surface aujourd'hui. Contrairement au commissaire socialiste qui souhaitait faire passer cette résolution comme chat sur braise, par le biais des extraits, afin de couper net toute discussion, le MCG en a décidé autrement. De qui parle-t-on en réalité ? D'hommes qui ont bravé une manifestation interdite le 9 novembre 1932 à Genève, organisée par la gauche et le parti socialiste suisse, de sept dangereux agitateurs... (Huées.) ...dont en particulier les leaders du groupe fasciste genevois... (Huées. Le président agite la cloche.) Citons le célèbre Georges Oltramare...
Le président. S'il vous plaît !
M. Henry Rappaz. ...aussi connu sous le pseudonyme douteux de Charles Dieudonné... (Remarque de Mme Salika Wenger.) ...un fasciste ultra de la collaboration nazie pendant l'occupation, mais également Léon Nicole, fondateur du parti suisse du travail qu'il se voit forcé de quitter après avoir accusé les Suisses d'être patriotes et qui critique avec véhémence la neutralité de la Suisse. Rédacteur de publications socialistes, dont «La Voix ouvrière», il fait partie de ces personnalités qui n'ont cessé de troubler la paix sociale à Genève. (Remarque de Mme Salika Wenger.)
Le président. Madame Wenger !
M. Henry Rappaz. Enfin, une autre éminence grise, pour ne citer que les plus importants: le collègue et avocat Jacques Dicker, membre du parti socialiste russe - on y arrive tranquillement ! - un émigré plusieurs fois emprisonné par le régime des tsars et par qui la fusillade du 9 novembre a finalement abouti.
Une voix. Ooh !
M. Henry Rappaz. Est-ce que ce sont vraiment ces agitateurs, ces hommes troubles que vous souhaitez canoniser ? Pour laisser encore du temps de parole à mon groupe, je vais conclure en disant simplement que suite à ces précisions... (Remarque de Mme Salika Wenger.) ...le MCG vous propose de rejeter toute idée de réhabilitation et de ne pas faire suivre cette demande aux Chambres fédérales. J'ai terminé, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. (Huées.) Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît ! (Commentaires.)
Mme Salika Wenger. Nous ne tirons pas les leçons de l'histoire ?! Oh que si ! (Commentaires.)
Le président. Madame Wenger, je vous rappelle que le silence est aussi une forme de manifestation.
Mme Salika Wenger. Certainement pas dans le cas présent !
Le président. La parole est à M. le député Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Ce sera très difficile en trois minutes, mais je rappellerai qu'il s'agissait d'une manifestation pacifique autorisée, il est absurde de dire que cette manifestation était interdite. Elle était autorisée et paraîtrait d'ailleurs extrêmement calme par rapport aux manifestations qu'on a connues ces dernières années: aucun dégât matériel, seule une pression sur le barrage de police, un point c'est tout. Or pour avoir fait pression sur le barrage de police, voilà les organisateurs de la manifestation - très peu d'entre eux, d'ailleurs - condamnés à des peines de prison ferme.
On ne parle pas de ce qui s'est passé à l'arrière de la manifestation, c'est-à-dire l'armée tirant sur des badauds, parce que, pour l'essentiel, les treize morts et les cent blessés n'étaient pas des militants de gauche mais des badauds, des membres du parti radical, des sans-parti, des observateurs. Ce sont les tireurs qui auraient dû faire l'objet d'une condamnation, qui auraient dû être poursuivis; eh bien non, le tir à balles réelles avec des armes automatiques et un fusil mitrailleur a été passé sous silence comme un acte tout à fait normal de la part de l'armée.
Certes, la réhabilitation a eu lieu parce qu'au lendemain de ces événements, les socialistes ont obtenu 45 sièges dans ce Grand Conseil - imaginez ce que ça signifie géographiquement dans cette salle - ainsi que la majorité au Conseil d'Etat. La réhabilitation politique a eu lieu, et il serait maintenant tout simplement normal d'admettre une réhabilitation judiciaire afin que les personnes condamnées soient au bénéfice d'une amnistie, cela relève du simple bon sens. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs, il est vrai que traiter une pareille affaire en trois minutes est presque impossible, comme l'a bien dit Jean Batou - même si mon opinion sur ce sujet est tout à fait inverse à la sienne, ce qui ne vous étonnera pas. Le premier élément qu'il faut souligner, c'est que le révisionnisme historique auquel on se prête actuellement est proprement scandaleux. Le Tribunal pénal fédéral s'est réuni et a jugé de manière tout à fait équilibrée; même Albert Picot, conseiller d'Etat de l'époque apprécié tant à gauche qu'à droite, libéral - enfin, démocrate parce que le parti libéral n'existait pas encore - a estimé qu'il avait bien jugé. Pourquoi ? Parce qu'on n'a pas interdit à Léon Nicole de se présenter aux élections suivantes alors qu'il aurait été possible que le tribunal le lui interdise. Mais non, il a eu tout à fait le droit de le faire, c'était donc un jugement équilibré et intelligent.
On a fait la part des choses avec les erreurs des uns et des autres, et même Charles Rosselet, social-démocrate de jadis, a reconnu que Léon Nicole était allé trop loin dans cette affaire. Après, on peut évidemment réécrire l'histoire, mais il y a eu un bon jugement, des erreurs ont été faites de part et d'autre, et je trouve scandaleux de vouloir réviser ce jugement. C'est d'autant plus scandaleux quand on voit que le parti démocrate-chrétien, qui critique aujourd'hui fortement - comment s'appelait-il déjà, le Dieudonné de l'époque ? - l'abominable Oltramare, était en alliance électorale avec lui à cette période: c'était l'entente nationale, il y avait les PDC avec les membres de l'Union nationale, ceux-là même que vous traitez de fascistes. Alors, à un moment, soit vous faites votre mea culpa historique, soit vous arrêtez de déformer l'histoire.
J'ajouterai une dernière chose, qui est quand même importante. On veut réhabiliter Léon Nicole, à supposer que ce soit possible; soit, mais je n'ai entendu aucun mea culpa s'agissant de Léon Nicole, qui a quand même tenu des propos scandaleux en 1939 dans le quotidien «Le Travail», pour lequel il écrivait. Dans ce journal, il a fait l'apologie d'Adolf Hitler ! Léon Nicole a fait l'apologie d'Adolf Hitler en applaudissant - c'est écrit noir sur blanc, il y a des livres, on a toute la documentation - le «socialisme viril» d'Adolf Hitler ! Léon Nicole a applaudi le «socialisme viril» d'Adolf Hitler ! Comment peut-on demander une réhabilitation de cette personne et la révision d'un jugement en déformant pareillement les choses ? Je m'arrête pour laisser encore un peu de temps aux autres. Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, nous ne sommes pas ici pour refaire l'histoire mais pour faire l'histoire, et cela consiste à aller au bout d'un travail de mémoire et à se rappeler que notre démocratie n'est pas un long fleuve tranquille, qu'elle a connu des tensions, qu'elle pourrait en connaître à nouveau à l'avenir et que le moment est venu aujourd'hui de procéder à un arrêt sur image et d'aller au bout de la réhabilitation de sept personnes dont on n'a pas cité les noms, raison pour laquelle je vais le faire maintenant: il s'agit de Léon Nicole, Auguste Millasson, Francis-Auguste Lebet, Jules Daviet, Albert Wütrich, Francis Baeriswyl et Edmond Isaak.
Que nous est-il demandé ici ? D'aller au bout de leur réhabilitation juridique en sollicitant l'annulation du jugement du Tribunal pénal fédéral de 1933. Pourquoi ? Parce que si l'histoire comme la politique ont permis de réhabiliter ces personnes, il est maintenant juste d'aller au bout du processus et de solliciter la réhabilitation juridique également. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, chers collègues, le PLR vous invite à voter cette résolution. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Mme Geneviève Arnold (PDC). Le parti démocrate-chrétien adresse sa reconnaissance aux porteurs de cette résolution permettant de revenir sur l'histoire de notre canton et ainsi de ne pas oublier sa portée, notamment sur le vécu des Genevoises et des Genevois qui ont traversé des moments politiques difficiles et conflictuels dans les années trente. Nous avons l'occasion de reconnaître une erreur du temps passé ayant porté un préjudice important à la mémoire de ceux qui, pacifiquement et munis de la liberté d'expression, ont affirmé leurs convictions par le biais d'une manifestation qui a dégénéré, provoquant la mort de manifestants. L'histoire est importante à tous les niveaux, notamment pour les générations futures, et elle se doit d'être transmise. L'histoire locale de Genève est fortement entachée par cet événement que nous ne pouvons renier. Notre devoir est de reconnaître les faits de 1932, de reconnaître ce dérapage dramatique, de reconnaître les responsabilités partagées dans le climat de tension politique régnant à cette époque. Par devoir de mémoire, les démocrates-chrétiens demandent donc la réhabilitation des sept manifestants accusés et insistent pour que cette requête soit adressée aux Chambres fédérales. (Quelques applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'une collectivité apprend et évolue lorsqu'elle peut laisser son passé derrière elle et cicatriser ses plaies; ça s'appelle le travail de mémoire. Ici, nous sommes à Genève, nous parlons d'un événement tragique, mais ce travail de mémoire se fait ailleurs dans le monde aussi: je pense à l'Afrique du Sud, je pense au Burundi. La possibilité de dépasser les événements tragiques de l'histoire est indispensable pour faire évoluer les collectivités.
Cette résolution a été déposée pour éviter les propos tels que nous les avons entendus de la part de certains jusqu'à maintenant, notamment du rapporteur de minorité, parce que nous devons avancer et que, depuis ces événements, les conceptions historiques ont évolué. D'ailleurs, l'historienne auditionnée à la commission des Droits de l'Homme l'a bien dit: de 1932 à 1968, la perception du drame était axée sur la condamnation des provocations et des invectives; depuis 1968 puis avec la chute du Mur en 1989, les paradigmes ont changé, les responsabilités ont été considérées comme partagées parce que la distance a été prise par rapport à cette manifestation et à ce drame.
Les victimes restent bien sûr les personnes décédées et leurs familles, les manifestants qui se trouvaient du côté de ces personnes, mais, d'une certaine façon, ce sont aussi ces jeunes recrues qui ont suivi un ordre qui s'est avéré ne pas être celui qu'ils auraient dû suivre. A un moment donné, il faut poser ces choses-là pour pouvoir aller plus loin et pour qu'un événement tragique nous permette d'évoluer. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous avez pu le lire dans le rapport, notre parti s'est abstenu en commission, du moins notre commissaire, vu l'ampleur et la gravité des faits présentés. Il est clair que si, politiquement parlant, il y a eu une réhabilitation - vous l'avez relaté, et je crois que M. Nicole a même été président du gouvernement à la suite de ce drame - nous nous demandons pour notre part s'il appartient vraiment à ce parlement de refaire l'histoire judiciaire du pays; c'était le but de la réflexion qu'a menée l'Union démocratique du centre. On peut penser à différentes choses, bien sûr, comme l'a fait Mme la cheffe de groupe du parti socialiste qui parlait d'autres pays, d'autres événements.
S'agit-il d'une amnistie dans le sens où l'on entend, comme on vient d'en voter une à la commission de grâce ? Je ne crois pas. Il est toujours un peu délicat de s'ériger en juges aujourd'hui, en 2017, et de dire qu'ils ont fait tout faux, qu'ils se sont tous trompés. Rappelons quand même les tensions de l'époque, tout ce qui se passait, à commencer par l'immense crise en Allemagne, qui se trouvait alors à l'aube de grands troubles populaires.
Mesdames et Messieurs les députés, ce qu'on pouvait rectifier de l'histoire, vous l'avez fait, le parti socialiste l'a fait. Mon but n'est pas de vous jeter la pierre, mais nous demander une amnistie, par le biais d'une résolution, afin que soit retirée des annales du Tribunal pénal fédéral une condamnation... Je ne dis pas que ce n'est pas approprié, mais il nous semble que ce n'est pas de notre fait. Si quelque chose doit être entrepris, il faut le faire différemment. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC refusera cette résolution.
M. Yves de Matteis (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, fallait-il revenir sur des faits qui se sont déroulés il y a bientôt quatre-vingt-cinq ans ? Certains en doutent, on l'a entendu, mais les auteurs de cette résolution et la majorité de la commission qui a traité l'objet pensent que la réponse est indubitablement oui. Certes, s'agissant des événements dont il est question, un certain devoir a déjà été rempli sur le plan cantonal à l'occasion du cinquantième anniversaire de ce drame, par le biais de l'édification d'un monument commémoratif sous la forme d'une pierre et d'une plaque sur laquelle on peut lire ces mots, en forme d'avertissement: «Aux victimes du 9 novembre 1932 - Plus jamais ça - 9 novembre 1982». Cette inscription nous rappelle que le passé n'est jamais complètement révolu et peut ressurgir à tout moment, comme en atteste cette citation devenue célèbre, qu'on prête à Winston Churchill: «Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre.» Rien que pour cette raison, cette résolution devrait être votée.
Mais au-delà d'un devoir de mémoire respecté sur le plan cantonal, il s'agit encore d'autre chose ici, à savoir de réhabiliter des personnes qui ont été condamnées à tort sur le plan fédéral, et il est véritablement du devoir de notre canton de faire en sorte qu'elles soient innocentées, que leur mémoire soit lavée de toute tache, de tout soupçon, à l'image d'autres victimes injustement condamnées pendant la Seconde Guerre mondiale ou encore des volontaires de la guerre civile espagnole, comme le rappelle fort opportunément le texte de la résolution.
Ainsi que nous l'avons vu en commission, cette résolution est indispensable car il revient aux autorités fédérales d'effectuer la réhabilitation. En effet, c'est sauf erreur une cour d'assises fédérale et non les tribunaux du canton de Genève qui a condamné les sept personnes dont il est question. Si cette résolution devait être votée ce soir à l'unanimité - on peut l'espérer - elle constituerait déjà en elle-même une forme de réhabilitation morale sur le plan cantonal, ceci indépendamment de son succès ou non sur le plan fédéral. Aussi, je m'adresse aux personnes et aux partis qui se sont abstenus ou ont voté contre cette résolution pour les encourager à l'adopter ce soir dans un esprit de conciliation.
M. Jean Batou (EAG). J'aimerais simplement appeler les députés du MCG qui, on ne sait trop pourquoi, se sont saisis du flambeau de l'extrême droite des années trente... (Exclamations. Le président agite la cloche.) ...à voter cette résolution par décence, parce que nous avons tout de même une tache à Genève, ce massacre du 9 novembre 1932 pour lequel les tueurs n'ont pas été inquiétés alors que ceux qui avaient simplement manifesté contre des orateurs antisémites et fascistes, eux, ont été punis de peines de prison ferme. Ressaisissez-vous, en particulier M. François Baertschi: pensez à votre papa, qui était du côté des nicolistes. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à M. le député Stéphane Florey, qui dispose encore d'une minute.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. On a entendu à plusieurs reprises qu'il s'agissait de réhabilitation morale. Vous transmettrez cette question aux membres du parti socialiste, Monsieur le président, puisqu'ils ont eux-mêmes avoué avoir exclu ces révolutionnaires à l'époque: pour votre propre morale, avez-vous au moins réhabilité toutes ces personnes au sein de votre parti ? Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. François Baertschi pour dix-huit secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Léon Nicole a été directement réhabilité par le peuple au travers d'une élection. Ce dont il est question ici n'est pas acceptable parce qu'on ne peut pas soutenir quelqu'un qui a été pro-nazis et qui a quand même fichu le bordel en son temps !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant au rapporteur de minorité, M. Henry Rappaz. Cinquante secondes, Monsieur le député !
M. Henry Rappaz (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. L'indécence de cette assemblée, c'est de se focaliser sur la fusillade alors qu'il faut revenir sur l'histoire parce que c'est l'histoire qu'on est en train de juger. Qu'ont fait ces hommes ? A l'époque, personne n'ignorait l'existence du fascisme et des propagandistes du nazisme hitlérien, auquel adhéraient ces hommes. Il est vrai que la droite silencieuse, en place en Suisse, n'avait qu'un certain Paul Dinichert pour tirer en vain la sonnette d'alarme et mettre la droite démocratique suisse en garde. Celui-ci n'a eu de cesse d'alerter Berne au sujet des Goering et autres fanatiques comme Goebbels, qui devenaient fort dangereux pour le pays et dont Léon Nicole fut un admirateur inconditionnel. Si ce sont ces gens-là que vous voulez réhabiliter, nous ne sommes absolument pas d'accord !
Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Je suis désolé, Monsieur le rapporteur de majorité, mais vous n'avez plus de temps de parole. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.
Mise aux voix, la résolution 713 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 56 oui contre 20 non.