République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 16h, sous la présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Geneviève Arnold, Edouard Cuendet, Lionel Halpérin, Frédéric Hohl, Philippe Morel et Salima Moyard, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et M. Maria Casares, Nathalie Hardyn, Patrick Malek-Asghar, Alexandra Rys, Nathalie Schneuwly et Céline Zuber-Roy.

Annonces et dépôts

Le président. La pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:

Pétition pour des Automnales sans fourrure ni foie gras (P-2000)

Pétition 2000

Questions écrites urgentes

Le président. Vous avez trouvé sur vos places les questions écrites urgentes suivantes:

Question écrite urgente de M. Jean-François Girardet : Les élèves à haut potentiel intellectuel (HPI), une richesse ou un handicap pour notre école genevoise ? (QUE-552)

Question écrite urgente de M. Marc Falquet : Rigueur financière : qu'en est-il de la « prime de soins » ? (QUE-553)

Question écrite urgente de M. Daniel Sormanni : Où sont nos jeunes élèves et apprentis domiciliés à Genève ? (QUE-554)

Question écrite urgente de M. Charles Selleger : La recherche au sein des HUG sur les pancréas respecte-t-elle le consentement des donneurs ? (QUE-555)

Question écrite urgente de M. Daniel Sormanni : Que fait M. Robert Deillon à Genève Aéroport ? (QUE-556)

Question écrite urgente de M. François Baertschi : Quel est le coût de la mise hors service des feux à l'angle Acacias - François-Dussaud ? (QUE-557)

Question écrite urgente de M. Jean-Charles Rielle : Dans la défense des droits humains, de la démocratie et des droits du peuple kurde, Genève, siège des Nations Unies et du Conseil des droits de l'homme, ne peut pas rester silencieuse face à de telles dérives (QUE-558)

Question écrite urgente de M. François Baertschi : La Société Générale Private Banking (Suisse) licencie des employés locaux et emploie des stagiaires venus de France (QUE-559)

Question écrite urgente de M. Vincent Maitre : Courrier du DEAS : information stigmatisante ou stigmatisation informative ? (QUE-560)

Question écrite urgente de Mme Christina Meissner : VEA : un enterrement pour la couverture ? (QUE-561)

Question écrite urgente de M. Christian Frey : Psychologue cantonal : est-ce que l'Etat de Genève pourrait envisager la création d'un poste de psychologue cantonal pour mieux coordonner les actions psychologiques dans les domaines éducatif, sanitaire, sécuritaire, organisationnel et social ? (QUE-562)

Question écrite urgente de M. Roger Deneys : Cadres supérieurs à l'Etat de Genève et fiscalité : se met-on le (vau)doigt dans l'oeil ? (QUE-563)

Question écrite urgente de Mme Jocelyne Haller : Troubles à la mission intérieure d'Ethiopie, une autre interpellation s'impose ! Une réponse objective est attendue ! (QUE-564)

Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Faut-il vraiment que l'Hospice général de Genève gèle les prestations offertes aux personnes âgées sous forme d'une semaine de vacances au Chalet Florimont ? (QUE-565)

QUE 552 QUE 553 QUE 554 QUE 555 QUE 556 QUE 557 QUE 558 QUE 559 QUE 560 QUE 561 QUE 562 QUE 563 QUE 564 QUE 565

Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.

QUE 542-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : La recourite aiguë du Ministère public !

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 542-A

QUE 543-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Ethique et déontologie au sein du Ministère public genevois !

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 543-A

QUE 544-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Marc Falquet : Paris déplace la jungle de Calais aux portes de Genève. Que fait le Conseil d'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 544-A

QUE 545-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Patrick Lussi : L'islam radical s'est-il emparé de la mosquée de Genève ?

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 545-A

QUE 546-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Christina Meissner : Citernes de Blandonnet : quatre ans après, qu'a donc fait le Conseil d'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 546-A

QUE 547-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean Romain : Qu'en est-il du mandat de la régie publicitaire des TPG ?

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 547-A

QUE 548-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean Batou : La criminalisation des personnes migrantes à l'origine de la surpopulation carcérale ?

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 548-A

QUE 549-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Mathias Buschbeck : A quand une semaine d'action de la police pour le port de la ceinture de sécurité par le Conseil d'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 549-A

QUE 550-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Mathias Buschbeck : Une zone bleue le long de la route Suisse ?

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 550-A

QUE 551-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Mathias Buschbeck : Pourquoi n'est-il pas obligatoire de faire signer les épreuves par les parents au cycle d'orientation ?

Annonce: Séance du vendredi 4 novembre 2016 à 16h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 551-A

Q 3782-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Jean-Michel Bugnion : Vers un retour des prix à l'école ?
M 2165-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Thierry Cerutti, Florian Gander, Henry Rappaz, Pascal Spuhler, Jean-François Girardet : Un moratoire pour les « dépanneurs » dans le quartier des Pâquis !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 12 et 13 mai 2016.
Rapport de majorité de M. Roger Deneys (S)
Rapport de minorité de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)

Débat

Le président. Ce point est classé en catégorie II, avec quarante minutes de temps de parole. Les rapporteurs de majorité et de minorité sont remplacés respectivement par MM. Romain de Sainte Marie et Bertrand Buchs. Monsieur de Sainte Marie, vous avez la parole.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je remplace - un peu au pied levé - M. Deneys pour le rapport de majorité sur cette proposition de motion étudiée par la commission de l'économie il y a déjà un certain temps. Je dois d'abord dire aux députés qu'il est important d'observer que les invites de la motion ont été complètement modifiées par un amendement général. Ces invites se trouvent aujourd'hui à la page 43 du présent rapport de majorité.

Concrètement, ce texte résulte de problèmes croissants liés aux commerces de dépannage dits «dépanneurs». La question a été soulevée à juste titre par le MCG et entendue par une majorité de la commission, même si les invites ont été considérablement voire complètement modifiées... (Brouhaha.) Ce bruit est assez désagréable ! (Le président agite la cloche.) Les différentes associations des Pâquis comme l'ADEP et la SURVAP ont fait un recensement: aujourd'hui, dans ce quartier, on compte plus de 47 dépanneurs ! Même si le quartier a une densité extrêmement importante en habitants, cette densité est sans rapport avec un nombre aussi élevé de dépanneurs ! Cette croissance est assez fulgurante, puisque, toujours d'après ces mêmes habitants des Pâquis, chaque fermeture de commerce dans le quartier est suivie de l'ouverture d'un dépanneur, ce qui est difficile à comprendre. On a pu le voir lors des diverses auditions: même M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet s'étonnait d'une telle croissance, avec des chiffres d'affaires qui laissent perplexe et dont on a du mal à comprendre en vérité comment et où ils sont réalisés. C'est une des problématiques concernant ces commerces, parmi d'autres. Il y a d'une part les importantes ventes d'alcool effectuées après 21h - donc de façon illégale... (Brouhaha. Le président agite la cloche. Un téléphone portable sonne.) Et il y a un téléphone qui sonne !

Une voix. Réponds !

M. Romain de Sainte Marie. Bertrand, réponds ! On peut se poser des questions sur cette loi interdisant la vente d'alcool après 21h, acceptée en votation populaire, et considérer qu'aujourd'hui, il y a peut-être, et même certainement, un manque de lieux de vie nocturne qui pousse toujours beaucoup de personnes, des jeunes principalement, à aller chercher de l'alcool chez ces dépanneurs.

De plus, je l'ai relevé avant, il est surprenant de voir que les arcades d'artisans ferment à cause de loyers excessivement élevés pour ce quartier, des loyers qui augmentent encore, pour être remplacées par ces dépanneurs qui, étrangement, arrivent à réaliser des chiffres d'affaires très élevés et peuvent payer ces loyers et se permettre de s'installer aux Pâquis, malgré le nombre déjà très important de commerces similaires. Cela pose véritablement la question du blanchiment d'argent effectué par un grand nombre de ces dépanneurs, sans qu'on veuille en faire le procès, puisqu'on ne peut en être sûr.

On le voit, il y a un problème lié à la vente d'alcool après 21h, à cause des diverses nuisances que cela peut entraîner dans le quartier. Il y a aussi le problème du blanchiment d'argent, et encore celui du travail en famille, avec ces commerces ouverts sans limitations horaires, dans le cadre du travail familial. Comment savoir s'il s'agit bien de la famille qui travaille ? Pierre Maudet l'avait soulevé en commission, il y a même des problèmes de travail au noir et de traite d'êtres humains dans ces commerces ! On le voit, il y a un problème général autour de ces commerces.

Par conséquent, une majorité de la commission, sous l'impulsion des socialistes, a décidé de modifier les invites. Reprises, ces invites vont désormais dans le bon sens. Le rapporteur de minorité disait que beaucoup avaient prétendu que cela ne mangeait pas de pain: c'est bien vrai, Monsieur le président ! Cela ne mange pas de pain, en effet, de sensibiliser les propriétaires d'immeubles et les régies au thème de la cohésion sociale du quartier et à la nécessité de favoriser les commerces de proximité, avec des artisans boulangers, des coiffeurs, des teinturiers. Il s'agit de donner aux différents corps de gendarmerie les moyens d'intervenir sur place, de répertorier les personnes qui travaillent dans ces commerces - cela concerne l'aspect du travail au noir et de la traite d'êtres humains, qui est extrêmement important aussi. Je dirai qu'il s'agit aussi de donner tous les moyens nécessaires pour contrôler les types d'activités, afin de résoudre ces problèmes. C'est pourquoi la majorité de la commission vous invite à voter cette motion telle qu'amendée à la commission de l'économie.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de minorité ad interim. La minorité vous demande de refuser cette proposition de motion, simplement parce qu'elle ne mange pas de pain, comme l'a très bien dit le rapporteur de majorité. Cette motion était toutefois intéressante à étudier en commission, pour voir les problèmes qui pouvaient se poser. Le problème principal, c'est le blanchiment d'argent. Est-ce que ces commerces de dépannage sont là uniquement pour blanchir de l'argent sale ? Est-ce qu'ils emploient des gens au noir ? Est-ce qu'il y a une traite d'êtres humains ? Nous sommes extrêmement inquiets par rapport à ce genre de choses, mais je pense que le département de M. Maudet a compris le problème et ce département a déjà les moyens pour intervenir. Le département ne va pas attendre que le parlement vote une motion pour intervenir par rapport à ce problème qui est bien connu. C'est à lui de le faire ! Cela a été discuté, les problèmes ont été mis en avant et le département de M. Maudet intervient.

On ne pouvait pas voter cette motion telle quelle parce que les premières invites allaient à l'encontre de beaucoup de lois fédérales et du droit supérieur. Il a donc fallu écrire d'autres invites et proposer un amendement général. Or, une des invites va quand même encore contre la loi fédérale sur la protection des données: ce n'est pas acceptable pour la minorité. Nous, nous faisons confiance au conseiller d'Etat, M. Maudet, et à son département. Il est déjà bien au fait de ce problème, il fait attention à tous ces problèmes d'ouvertures de magasins et de dépanneurs. Il n'y a pas besoin de rappeler au Conseil d'Etat ce qu'il doit faire !

Mme Sarah Klopmann (Ve). Je ne suis pas d'accord de dire que cette motion ainsi amendée ne mange pas de pain. Au contraire, elle mange du pain, mais du mauvais pain, un pain aux relents de préjugés et d'a priori. Déjà, on demande de lutter contre la présence de commerces qui pourraient servir de paravents à des activités illicites, illégales, en ayant évidemment bien admis que ces commerces-là, ce n'étaient que les dépanneurs de quartier. Il y a donc un énorme préjugé, avec un argument qui catégorise a priori certains commerces avec beaucoup plus de suspicion que d'autres commerces. On ne sait pas pourquoi, mais de manière inégalitaire, on affirme que dans ces commerces-là il y a plus de trafic que dans les autres.

Ensuite, on voudrait aussi répertorier l'ensemble des personnes qui travaillent dans ces commerces. Là, c'est encore pire, parce qu'en plus de juger - a priori - que des commerces sont illégaux, on décide aussi de ficher soudainement l'employé d'un dépanneur, alors qu'on ne déciderait jamais de ficher des employés de cinémas ou de restaurants ou autres. Je suis complètement surprise que les socialistes décident de ficher des employés qui travaillent dans un certain type de commerces, parce qu'ils ont des préjugés sur lesdits commerces ! Oui, évidemment, la police doit lutter contre tous les commerces qui servent de paravents à des activités illégales ou qui blanchissent de l'argent. C'est logique ! Toutefois, la seule chose qu'il faudrait faire, c'est aller dans tous les commerces dans lesquelles la police a jugé qu'il y avait peut-être un problème en suivant certains critères connus d'elle et pas simplement en se reposant sur des jugements à l'emporte-pièce pour décider que tel ou tel commerce est problématique. La traite d'êtres humains aussi est quelque chose d'extrêmement grave, mais il faut simplement que la brigade puisse aller travailler là où cette traite d'êtres humains a lieu et pas qu'elle perde son temps dans les commerces que nous, Grand Conseil, lui aurons indiqués comme cibles.

Surtout, j'ai un peu de mal à comprendre comment on peut dire en même temps que ces commerces posent problème puisqu'ils génèrent du bruit et du va-et-vient parce qu'il y a trop de clientèle, et qu'il est étonnant qu'ils parviennent à payer leurs loyers alors qu'il n'y a jamais de clients et que ceci serait la preuve qu'ils blanchissent de l'argent ! Il faudrait savoir: soit il y a trop de clients et ça dérange, soit il n'y en a pas et il y a éventuellement blanchiment d'argent ! En tout cas, affirmer les deux en même temps me paraît fallacieux ! J'aimerais encore dire en tant qu'ancienne habitante des Pâquis que ces commerces de dépannage m'ont toujours été très utiles. Je les utilisais souvent et ils animaient les rues, ce qui ne me déplaisait pas quand je rentrais toute seule le soir !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion nous pose quelques difficultés. D'abord, elle met en effet le doigt sur un problème réel et nous soutenons la position des représentants de la SURVAP qui ont été entendus en commission et qui ont dit les ennuis que posait la prolifération de dix, vingt, trente, quarante voire cinquante de ces dépanneurs. Ils représentent le degré zéro du commerce, avec des cigarettes, de l'alcool et deux ou trois trucs qui ne servent pas à grand-chose; le degré zéro du commerce auquel nous ramènent en quelque sorte l'exercice de la libre concurrence et la main du marché en la matière ! Eux ont plaidé au nom des habitants pour des commerces de proximité: un boucher, un charcutier, un teinturier, un boulanger. C'est une situation un peu idyllique et villageoise qu'il faudrait défendre, mais qui ne sera pourtant pas défendue par les mesures proposées dans cette motion.

Ce qu'il faudrait faire, c'est aller à l'encontre de ce degré zéro du commerce auquel on arrive par la concurrence: il faudrait en effet tordre un peu le bras - de manière démocratique - à la liberté du commerce et de l'industrie... (Commentaires.) Il faudrait un peu planifier cela, il faudrait que la Ville ait le tiers ou la moitié des arcades à disposition dans le quartier, qu'elle mette la main dessus, par des moyens légaux bien sûr ! Que ces arcades soient à disposition de la municipalité et qu'un conseil de quartier débatte de ce qu'il faut comme commerces, qu'on décide de manière collective comment doivent être peuplées ces rues. Il y a un réel problème et cette motion a le mérite de mettre le doigt dessus.

On écrit premièrement que le Conseil d'Etat doit «mieux contrôler [ces] établissements»: bah, bien sûr, avec la première invite, on peut demander au Conseil d'Etat de mieux contrôler ces établissements. «Sensibiliser les propriétaires d'immeubles [...] à la problématique de la cohésion sociale du quartier et à la nécessité de favoriser la présence de commerces» diversifiés: ça, sur la sensibilité des propriétaires immobiliers au fait qu'ils devraient louer leur bien immobilier en fonction du bien commun, ça, Mesdames et Messieurs les députés et Monsieur le rapporteur du PS, c'est un rêve, c'est un mythe ! Non, il ne faut pas les sensibiliser, les propriétaires immobiliers, il faut un tout petit peu - pour le moins - les pousser ! Et si possible les contraindre pour mettre leurs biens au service du bien commun ! Ensuite, sur les «moyens ad hoc» et les «tenues adaptées aux différents corps de gendarmerie»: non, sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, là, on sombre dans le «tatillonnage» un tout petit peu excessif. Moi, je pense que Pierre Maudet, avec toutes les qualités et les défauts que je lui prête régulièrement, est en mesure de résoudre le problème des tenues adaptées des agents des différentes polices pour qu'ils fassent leur travail !

Le président. Trente secondes, Monsieur le député !

M. Pierre Vanek. Ce n'est pas forcément à notre parlement de se préoccuper des tenues, des barbes, des moustaches ou des plumes que se mettent ici ou là les corps de police. Maintenant, la dernière invite, ça ne va pas ! «Lutter contre la présence de commerces dont les activités pourraient servir de paravent à des activités illicites et/ou illégales.» Mesdames et Messieurs, mais qu'est-ce que c'est que cette attaque frontale contre le secteur bancaire ?

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. Contre les traders ! Contre...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député ! (Commentaires.)

M. Pierre Vanek. Bon !

Une voix. Bonne nuit !

M. André Pfeffer (UDC). D'une part, les considérants de cette motion sont tout à fait légitimes, une pétition en a attesté. Deux associations nous disent que le quartier des Pâquis s'enfonce: il y a de plus en plus d'insalubrité et, avec l'augmentation des ventes d'alcool, de gens qui boivent dans la rue; l'ambiance est de plus en plus mauvaise. D'autre part, cependant, les invites posent problème. Comme le disent les opposants, elles sont partiellement redondantes et contraires au droit supérieur. Heureusement, le Conseil d'Etat est déjà intervenu. Sans surprise, il connaît la situation et, comme toujours, a déjà prévu de mettre en vigueur l'une des invites. Est-ce une forme de communication ou une marque de fabrique ? Le groupe UDC ne le sait pas, mais salue avec grande satisfaction cette réactivité ! Pour terminer, le groupe UDC trouve tout à fait légitimes les considérants de cette motion et aussi tout à fait légitimes les arguments des opposants, mais grâce à la réaction du Conseil d'Etat, le groupe UDC accepte cette motion. Il l'accepte également suite à l'amendement socialiste créant de nouvelles invites. Cette motion permettra au Conseil d'Etat de découvrir ce problème encore un peu plus et, de ce fait, le Conseil d'Etat prendra certainement une mesure supplémentaire.

M. Roger Deneys (S). Je remercie M. de Sainte Marie d'avoir pu pallier mon absence provisoire dont je vous prie de m'excuser - nous siégions à la CEP, juste à côté. J'aimerais quand même relever deux choses ici. D'abord, aujourd'hui, est-ce que la situation est satisfaisante aux Pâquis ? La réponse est non, la réponse est clairement non ! En commission, à la question de savoir si l'existence de ces épiceries posait problème, on a entendu le maire de Genève, M. Barazzone, nous répondre - page 32 du rapport - «que ce n'est pas le cas et qu'il faut simplement agir en cas de besoin, ce qui se fait actuellement». Tout va très bien, Madame la marquise: voilà la réponse de M. Barazzone ! Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que notre Grand Conseil sera un peu plus lucide quant à la situation actuelle aux Pâquis ! Parce que nous avons entendu les commerçants, nous avons entendu les habitants et il ne s'agit pas d'auditions qui datent d'il y a trois ans, il s'agit d'auditions relativement récentes; et c'est bien parce que les problèmes persistent que cette motion a été amendée. Alors on peut critiquer, évidemment, la forme de l'amendement qui a été formulé, trouver qu'il est peut-être ambigu et qu'il stigmatise l'ensemble de ces commerçants - ce qui n'est pas le cas - mais ce qui est clair, c'est qu'en commission, les Verts ont voté cet amendement et ont voté cette motion amendée pour de bonnes raisons. On sait qu'aujourd'hui la situation n'est pas satisfaisante et il faut encourager le Conseil d'Etat à agir davantage.

Concernant le fait de répertorier les employés, ça ne tombe pas du ciel, Mesdames et Messieurs les députés ! Aujourd'hui, cette disposition vient du fait que ce sont les entreprises familiales qui peuvent ouvrir jour et nuit. Donc, si vous ne vérifiez pas l'existence de familles supposées gérer ces commerces, eh bien, ils ne doivent pas être ouverts ! Réponse du conseiller d'Etat Maudet ? Ah, c'est compliqué de vérifier l'identité des Chinois... (Rires.) Ça figure aussi dans le rapport, à la page 37 ! C'est la réponse du Conseil d'Etat aujourd'hui, pour faire appliquer la loi ! C'est tout simplement surréaliste ! Le conseiller d'Etat Maudet a besoin de cette motion pour agir davantage et je vous invite à la voter telle qu'amendée. (Applaudissements.)

M. Pascal Spuhler (MCG). Chers collègues, vous n'êtes pas sans savoir que j'habite dans le quartier qui, justement, compte le plus grand nombre de ces fameux dépanneurs dont on a parlé jusqu'à maintenant. Effectivement, il y a près d'une cinquantaine de ces commerces. La motion ne veut pas dire que tous ces dépanneurs sont malhonnêtes: il faut bien que vous reteniez en premier lieu ce principe. Il s'agit de gens qui travaillent, qui sont corrects, mais, malheureusement, comme dans toute profession, il y a des gens qui ne le sont pas. Et le problème, il est là ! Il y a aussi le problème de la prolifération. A chaque commerce qui ferme, hop, c'est un dépanneur qui apparaît ! Et la problématique est réelle vu que ceux-ci travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme l'a dit M. Deneys, et, par principe, selon le système de l'entreprise familiale. Je m'étonne que le département ait autant de problèmes pour vérifier, même si ce sont des Chinois, des Afghans ou des personnes d'autres nationalités. Les noms ne sont peut-être pas aussi communs que les nôtres, mais il y a quand même moyen de contrôler si ces gens font partie de la même famille et peuvent effectivement travailler dans ce commerce vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La problématique soulevée avec cette motion n'est donc pas à négliger. Le problème est que ces gens-là - certains d'entre eux - sont malhonnêtes: ils vendent de l'alcool toute la nuit, ce qui attire évidemment une faune...

Une voix. Ils vendent à des jeunes !

M. Pascal Spuhler. On me le précise, je le confirme également. Ils vendent donc sans sélection réelle de la clientèle ! Déjà que c'est interdit au-delà de 21h, en plus ils vendent même à des jeunes ! Ça attire une faune assez variée, bigame... (Commentaires.) ...bigarrée, pas bigame, autour de ces commerces ! Ça fait du bruit, ça cause des incivilités et ça empêche les honnêtes gens de dormir ! On se retrouve avec un problème à résoudre aujourd'hui. Comment réussir à contrôler ?

Présidence de Mme Christina Meissner, première vice-présidente

On nous dit que la motion a été amendée, qu'il y a eu un consensus en commission, en tout cas de la majorité, pour amender cette motion et la rendre plus compatible. On nous demande de prévoir des uniformes adaptés, mais je pense que c'est surtout le service du commerce qui doit être adapté puisque ce sont - à la base - les inspecteurs du service du travail qui contrôlent ces magasins. Je voudrais juste vous rappeler qu'à titre personnel, j'ai pu expérimenter des contrôles de nuit avec certains inspecteurs du service du commerce. A l'époque, il y a seulement quelques années d'ailleurs, le chef s'est fait violemment agresser lors d'un contrôle dans un de ces magasins. Ce n'est pas évident, parce que ce ne sont pas des policiers; ce sont des fonctionnaires, qui font leur travail de contrôle. Il faut aussi comprendre que forcément, ils n'ont pas envie d'être tout seuls la nuit, à 3h du matin. Evidemment, s'ils se font accompagner la nuit par la police, c'est beaucoup moins discret. Le département doit peut-être réfléchir aux modes et aux méthodes de contrôle, parce qu'un simple inspecteur fonctionnaire qui va contrôler risque d'être violemment pris à partie. En l'occurrence, le pauvre, j'ai une pensée pour lui, il avait été blessé grièvement.

La présidente. Il vous reste vingt secondes.

M. Pascal Spuhler. Je vais terminer, Madame la présidente. Il doit y avoir une méthode de travail autour de ces commerces afin de contrôler si d'abord les gens qui y travaillent sont de la bonne famille et si, surtout, ces commerces travaillent avec correction et honnêteté.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au député Carlos Medeiros pour deux minutes.

M. Carlos Medeiros (HP). Merci, Madame... la remplaçante du président, on va dire ! Bon, chers collègues, je suis un peu étonné, même si, sur le principe, il y a quelques soucis, comme je l'ai dit à la commission de l'économie. Quand j'étais à la Ville, j'avais même soutenu la démarche de M. Pagani, parce qu'il essayait de trouver des solutions, ce qui n'est pas simple. D'ailleurs, j'ai vu lors de divers débats M. Maudet le dire lui-même: il n'y a pas de solution et il y a la liberté du commerce. Nous ne sommes pas - heureusement - dans une économie dirigiste: on ne peut pas dire qu'au numéro 6 on va mettre une épicerie et au numéro 8 un boucher. Ça, c'est clair et, pour une fois, je suis assez d'accord avec Mme Klopmann: il y a des préjugés assez bizarres, hein ! Moi, j'habite dans le quartier des Eaux-Vives et je connais des gens qui sont arrivés il y a une vingtaine d'années comme réfugiés, notamment des Afghans. Aujourd'hui, ils travaillent comme des malades, ils ont - entre guillemets - pris l'ascenseur social à force de travailler. Ils vivent sur place, ils mangent sur place, mais ce ne sont pas des dealers, ils ne font pas de transferts d'argent. Quand je vois certaines invites demandant de répertorier les gens qui sont là-dedans, on est où, là ? On va répertorier qui ? Bien sûr qu'il y a parfois des amalgames bizarres, mais il y a des grandes familles !

La présidente. Trente secondes !

M. Carlos Medeiros. Il y a des cousins, il y a des grands-tantes: ils travaillent en famille ! Certes, on peut faire contrôler par le département et les institutions qu'ils sont là pour travailler, mais ne faisons pas d'amalgame avec les honnêtes gens. La plupart sont des honnêtes gens qui travaillent dur pour gagner leur vie !

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, en commission, il y a eu pas mal de débats. Pour notre groupe, cette motion reflète un climat de suspicion; surtout, il y a une incompatibilité avec le droit fédéral, même si on a tenté de la rectifier avec l'amendement général. Je vais prendre les éléments de la motion un par un.

On mélange un peu avec la problématique des arcades pour les artisans et on aimerait la résoudre en interdisant les dépanneurs. Premier élément, il y a un droit de la propriété: ça dérange peut-être la gauche, mais les propriétaires sont quand même libres de louer leur bien à qui ils l'entendent ! On a fait un amalgame assez mauvais: pas forcément tous les propriétaires sont contre les petits commerces. Simplement, c'est leur liberté ! Ensuite, je suis, nous sommes fortement surpris en lisant la quatrième invite, qui demande de répertorier l'ensemble des personnes travaillant dans ces commerces. De la part de la gauche, c'est assez surprenant ! A titre personnel, en tant qu'ancien libéral, j'ai voté contre la loi sur le renseignement, pour la liberté individuelle et le respect de la personne, et je suis assez surpris de voir les partis de gauche qui soumettent dans leur texte l'idée de répertorier l'ensemble des employés. Oui, je suis pour la liberté de commerce, mais je suis aussi pour la liberté des travailleurs et des employés, afin qu'ils puissent exercer leur activité lucrative. Vous pénalisez tout simplement les employés ! Rien que pour ces raisons, je vous invite donc à refuser cette motion.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune notre ancien collègue et ancien président du Grand Conseil Pierre Losio. (Applaudissements.) Je passe la parole au député Jean-Luc Forni.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Madame la vice-présidente. Le débat est déjà bien avancé. Le rapporteur de minorité l'a relevé, c'est une proposition de motion qui a eu au moins le mérite de sensibiliser la population sur cette problématique. Maintenant, pourquoi la confiner aux Pâquis ? Si on regarde ce qui se passe dans d'autres quartiers, à l'exemple de Plainpalais et de la rue de Carouge, vous avez probablement la même densité de dépanneurs et il faut bien voir que c'est un phénomène qui est en vogue et qui ne va pas cesser de se développer. Bien sûr, certaines connotations sont attachées à ce type de commerces et ils éveillent des suspicions, mais il faut savoir aussi qu'ils rendent service. Bien sûr qu'il y a des abus en matière de vente d'alcool, mais je crois que, comme on l'a déjà dit, les services de M. Maudet ont pris les mesures nécessaires - comme une meilleure collaboration entre les polices cantonale et municipale - même si elles sont encore insuffisantes et que tout n'est pas réglé. Le service du commerce est réorganisé et rattaché au département de M. Maudet. Peut-être qu'il manque effectivement encore de moyens ? D'autres organisations ont aussi fait des achats tests, notamment des organisations de prévention de l'alcoolisme. Peut-être que c'était juste après l'adoption de l'interdiction de la vente aux mineurs et que tous les dépanneurs n'ont pas été contrôlés. La réponse au problème est donnée actuellement par nos autorités, je crois. Elle n'est peut-être pas encore suffisante, mais on peut leur faire confiance pour intensifier encore les contrôles. Enfin, avec la dernière invite, on a parlé des aberrations vis-à-vis du droit fédéral et du droit sur la protection des données. L'amendement général dit qu'on peut espérer «lutter contre la présence de commerces dont les activités pourraient servir de paravent à des activités illicites et/ou illégales». Je m'excuse, mais c'est bien le rôle de la police dans un Etat moderne; si elle ne le fait pas, on peut se demander qui le fera. Je pense donc qu'il est inutile de le rappeler dans une motion; c'est une des missions de notre police et elle le fait ! Mesdames et Messieurs les députés, pour ces raisons, le parti démocrate-chrétien vous demande de rejeter cette motion.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur... Madame la présidente ! Pardon ! Je demande le vote nominal.

La présidente. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Largement, pas de problème. La parole est au conseiller d'Etat Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Madame la présidente de séance. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord confirmer que ce sujet constitue une préoccupation depuis plusieurs années. Il est sur l'écran radar de la police et même du service du commerce. L'ennui, c'est que vous parlez ici d'auditions qui ont eu lieu en 2014 - je suis obligé de rappeler le contenu du rapport au préopinant socialiste. Ces auditions ont toutes eu lieu en 2014, à l'exception d'une, celle de M. Barazzone, en janvier 2015. On parle d'une situation rapportée il y a deux ans. Votre rythme fait qu'on discute de ce rapport maintenant, mais j'aimerais souligner ici qu'on parle d'une situation de 2014, basée sur une motion datant de 2013. Lorsqu'on parle d'événements vieux de trois ans, la moindre des choses serait peut-être de faire une mise à jour ! Si vous décidez d'adopter cette motion, je me ferai un plaisir de vous donner les chiffres à jour, qui montreront par exemple que nous avons sensiblement augmenté les contrôles. En 2015, ce ne sont pas moins de 1089 commerces de ce type qui ont été contrôlés sous l'angle de la LVEBA, la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcoolisées. Plus de deux cents jours de fermeture ont été décidés. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un élément nouveau qui est essentiel: précédemment, lorsqu'on frappait les dépanneurs d'une amende, ceux-ci s'en fichaient, en substance ! Lorsque aujourd'hui on décide de sanctions administratives qui consistent en des fermetures, c'est-à-dire en une interdiction d'exploiter le commerce, avec une gradation, on commence par vingt-quatre heures de fermeture, on poursuit par quarante-huit heures, puis une semaine et on est allé jusqu'à un mois. Lorsqu'il y a un mois d'interdiction de pratique, évidemment que la sanction a un effet assez pédagogique. De ce point de vue, le bouche-à-oreille fonctionnant dans ce milieu-là, nous avons atteint des objectifs tout à fait satisfaisants en 2015 et 2016.

Je rejoins le député Spuhler sur le fait qu'on ne peut pas intervenir sur le nombre de ces établissements: la liberté économique est un principe consacré en droit fédéral et en droit cantonal et nous interdit d'intervenir sur la nature du commerce, un peu comme dans le débat sur la clause du besoin. En revanche, je peux vous assurer qu'aujourd'hui la situation s'est nettement améliorée, les associations de quartier le disent. L'application stricte du principe de l'offre et de la demande fait qu'il n'y a plus besoin d'autant de dépanneurs, dès lors que ceux-ci sont contrôlés strictement en ce qui concerne la vente d'alcool au-delà de 21h, notamment auprès des jeunes, cette question de santé publique étant un point essentiel pour une majorité de ce Grand Conseil.

Un dernier élément ne figure pas dans le rapport puisque je n'ai pas été auditionné à nouveau là-dessus: nous pratiquons avec mon collègue Mauro Poggia ce que l'on appelle des achats tests, comme la loi fédérale nous y autorise. Nous avons fait une conférence de presse là-dessus l'année passée. Ces achats tests se révèlent extrêmement utiles puisque nous avons constaté depuis le début de l'année une décrue substantielle de ces ventes après 21h, ce qui montre que les contrôles produisent leur effet. Finalement, c'est plus praticable que les amendes pécuniaires.

Pour toutes ces raisons, comme il l'avait fait en commission, le Conseil d'Etat vous invite à rejeter ce texte qui, au pire, enfonce une porte ouverte. Au mieux, il sera considéré comme un élément nous permettant de vous rendre un rapport à ce sujet. Par ailleurs, une fois n'est pas coutume, je rejoins M. Vanek sur les considérations vestimentaires relatives au personnel qui effectue les contrôles. Notre souci est d'assurer la sécurité de ce personnel, même si, en principe et par définition, les achats tests sont effectués par des gens en civil. La police peut intervenir, mais l'effet est évidemment limité si elle intervient en uniforme. De notre point de vue, de telles considérations n'ont rien à faire dans ce genre de motion, raison pour laquelle nous vous invitons plutôt à rejeter celle-ci.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que le vote nominal a été demandé. Le vote est lancé.

Mise aux voix, la proposition de motion 2165 est rejetée par 44 non contre 41 oui et 6 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

M 2263-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Sarah Klopmann, Sophie Forster Carbonnier, Lisa Mazzone, Boris Calame, François Lefort, Frédérique Perler, Jean-Michel Bugnion, Vincent Maitre, Jocelyne Haller, Lionel Halpérin, Christian Frey : Poursuite des efforts en matière de prévention du racisme en mettant notamment l'accent sur les différentes populations concernées par l'art. 261bis du Code pénal suisse
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 28, 29 janvier et 4 février 2016.
Rapport de M. François Lance (PDC)

Débat

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le rapport sur l'objet suivant est de M. François Lance, à qui je passe la parole.

M. François Lance (PDC), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, au vu des différentes auditions sollicitées par la commission et des discussions suscitées par les objectifs de cette proposition de motion, traitée en 2015, il faut le préciser, la majorité des membres de la commission des Droits de l'Homme vous recommande de l'accepter en incluant les amendements proposés et votés en commission concernant les invites au Conseil d'Etat. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) J'aimerais préciser ces amendements: tout d'abord, il s'agit de «renforcer [les] efforts» du Conseil d'Etat «en matière de prévention du racisme et de l'intolérance religieuse en mettant l'accent sur ses formes les plus fréquentes, ceci par le biais de campagnes, programmes ou projets». Ensuite, il s'agirait d'«accorder les moyens nécessaires au département de l'instruction publique, de la culture et du sport (DIP) afin: qu'un véritable travail de recherche (enquêtes, étude statistique, etc.) soit mené (par le SRED, l'université et/ou des spécialistes indépendants) sur la question du racisme, de l'intolérance religieuse, de l'homophobie, du sexisme, etc., afin de mieux préciser comment - et à quels niveaux de l'enseignement scolaire - il faudrait agir afin d'être encore plus efficace et proche des besoins en matière de lutte contre les préjugés et les discriminations; que l'enseignement du fait religieux et de la laïcité soit dispensé à l'école obligatoire dès la 8P et au cycle d'orientation; que le canton puisse dispenser une éducation aux droits fondamentaux qui permette également de mettre l'accent sur les différentes formes de racisme en se basant sur les visages contemporains des préjugés et discriminations qui y sont liées, ceci notamment à l'aide des ressources financières cantonales et fédérales disponibles». Enfin, un dernier amendement souhaite «renforcer les liens et les collaborations avec les associations actives dans le cadre de la prévention du racisme, ceci notamment par le biais de fonds octroyés par la Confédération dans le cadre de la prévention du racisme». Au vu de ce qui précède, la majorité de la commission vous invite à accepter cette motion telle qu'amendée en commission.

Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président

M. Yves de Matteis (Ve). J'aimerais tout d'abord rappeler au nom de mon groupe pourquoi cette motion a été déposée. En 2014, la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation, la CICAD, recensait 270 actes antisémites pour l'année 2014 contre 151 pour 2013, soit une augmentation de 79% en une année. En 2015, le Centre d'écoute contre le racisme institué par l'Etat de Genève, ACOR SOS Racisme, le CRAN, la LICRA, la CICAD et la Ligue suisse des droits de l'homme recensaient 35,9% d'actes ou paroles anti-Arabes ou anti-musulmans et 22,6% de cas de racisme anti-noirs, soit plus de 58% de tous les cas recensés. Les Verts ont trouvé ces chiffres extrêmement préoccupants, ce d'autant plus qu'ils font écho à d'autres statistiques fédérales et au constat fait par de nombreux organismes internationaux tels que la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance. Dans ses rapports, celle-ci évoque les effets extrêmement néfastes de la montée du racisme et de l'intolérance envers les musulmans et la population noire en Suisse qui, je cite, «subissent une dégradation considérable de leur situation». D'autres chiffres ou études montrent qu'un antisémitisme quasi endémique et tout aussi préoccupant concernant l'une des minorités nationales officiellement reconnues par la Confédération pollue les médias électroniques tels que Facebook, Twitter, et j'en passe.

Cette proposition de motion a été plébiscitée par la quasi-totalité des membres de la commission des Droits de l'Homme. Elle a pour but de renforcer la prévention du racisme en mettant l'accent sur les populations qui sont le plus souvent victimes de préjugés, de discriminations voire de violences, populations que je viens de mentionner. Ces actions de prévention particulièrement urgentes jouissent également depuis 2013 d'une légitimité supplémentaire conférée par la teneur de la nouvelle constitution genevoise, laquelle, à l'article 15, stipule précisément que «nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa situation sociale, de son orientation sexuelle, de ses convictions ou d'une déficience». La constitution genevoise précise également à son article 41 que l'Etat doit dispenser, je cite, «une éducation au respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux». Car si les actions de prévention sont essentielles lorsqu'elles s'adressent à l'ensemble de la population, elles sont encore plus vitales et nécessaires lorsqu'elles sont menées auprès des jeunes: premièrement, parce que les jeunes constituent une population particulièrement vulnérable, encore plus sensible que les adultes aux commentaires ou aux actes discriminatoires; deuxièmement, parce que les actions de prévention sont encore plus efficaces auprès des jeunes de manière générale. Pour cette raison, la motion demande spécifiquement à l'Etat de Genève d'entreprendre un véritable travail afin de mieux préciser comment et à quel niveau de l'enseignement scolaire il serait nécessaire d'agir afin d'être encore plus efficace et proche des besoins en matière de lutte contre les préjugés et les discriminations. Le groupe des Verts et les autres groupes qui soutiennent cette motion sont persuadés qu'une telle initiative particulièrement innovante aurait des effets très importants, à terme, pour diminuer le harcèlement et les violences, et même les tentatives de suicide, parmi les jeunes. Aussi, nous vous engageons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion, si possible à l'unanimité. (Applaudissements.)

M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont déjà été faites au DIP concernant cette prévention du racisme, il n'y a qu'à lire la liste comprise dans le rapport de la préposée à ce domaine pour s'en rendre compte. La liste des organismes actifs par rapport à ce thème est également importante: dans le même rapport, vous en voyez une dizaine qui se suivent. Est-ce que ça veut dire pour autant que la poursuite de l'effort est inutile et qu'on peut classer le dossier ? Car il s'agit bien d'une poursuite de l'effort, puisque le DIP fait déjà beaucoup de choses dans ce domaine. Le groupe socialiste estime que non et il vous recommande de voter cette motion avec les trois amendements acceptés en commission.

J'aimerais vous donner un petit exemple pour que vous jugiez de quelle manière insidieuse les problèmes liés au racisme persistent. Cet exemple provient de ma pratique professionnelle antérieure. Même dans des écoles spécialisées dans le domaine du handicap, vous retrouvez entre les enfants, entre les adolescents, des discriminations liées à la couleur de la peau, à la manière de s'alimenter voire aux habitudes vestimentaires. Il y a donc bien un travail à poursuivre et il n'est pas du tout question de s'arrêter là.

J'aimerais encore ajouter deux considérations. D'abord, plutôt que de parler de racisme, terme connoté et galvaudé qui s'adresse à certaines populations précises, il faudrait parler de toutes les personnes qui subissent des discriminations. On peut citer pêle-mêle - et je commence intentionnellement par là - les handicapés, les femmes, les juifs, les Arabes, les noirs, etc. La liste n'est absolument pas exhaustive ! Par ailleurs, l'idée de confier à un organisme une étude précise pour voir quel type de population cibler exactement et comment agir par rapport à elle se révélera particulièrement utile. Cette invite est donc à suivre. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous propose d'appuyer largement et, si possible, à l'unanimité cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Alexandra Rys, pour deux minutes.

Mme Alexandra Rys (PDC), députée suppléante. Merci, Monsieur le président. Je me ferai le porte-parole de Mme la députée Geneviève Arnold que je supplée cet après-midi. Le parti démocrate-chrétien soutient bien évidemment cette motion, car renforcer les moyens de prévenir le racisme et l'intolérance, notamment au sein de nos établissements scolaires, est bien sûr une chose absolument nécessaire. Nous ne pouvons rester silencieux face à la montée de réflexions et d'actes allant à l'encontre des droits humains. Il est de notre responsabilité de donner les moyens d'agir, notamment auprès des jeunes, en milieu scolaire, pour éviter la dérive, pour expliquer, pour sensibiliser encore et toujours. Les associations de défense existent, il s'agit maintenant de travailler mieux encore avec elles, sur le terrain de la scolarité. L'intolérance religieuse est un phénomène qui rejoint les préoccupations actuelles, pour lesquelles le corps enseignant ne dispose pas toujours d'outils adaptés pour répondre à la réalité quotidienne d'une classe. L'enseignement du fait religieux ou plus particulièrement de l'histoire des religions est au coeur de ce sujet, et nous avons la volonté de pouvoir présenter le domaine religieux pour mieux faire comprendre les réalités des uns comme des autres. A ce niveau-là, l'enseignement de l'histoire de l'art joue un rôle prédominant. L'école est donc bien le lieu où doit être accentuée cette prévention. A l'heure où les flux migratoires font la une régulière des médias, il est temps de nous doter de moyens concrets pour permettre à nos jeunes de reconnaître les droits fondamentaux en évitant tous préjugés et discriminations. Pour cette raison, les démocrates-chrétiens accepteront avec conviction cette motion telle qu'amendée en commission. Nous ne voterons toutefois pas l'amendement déposé tout à l'heure sur les tables. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, comme beaucoup d'entre vous ici, bien évidemment, notre groupe est tout à fait attaché à la prévention du racisme et de l'intolérance religieuse. C'est pourquoi nous voterons la motion telle qu'elle est ressortie de commission. En revanche, nous n'accepterons pas l'amendement déposé aujourd'hui sur nos bancs. En effet, il nous semble qu'il mélange des concepts de natures différentes: les uns relèvent des droits fondamentaux, qui sont individuellement justifiables, et d'un autre côté, il est question de sentiments altruistes, qui relèvent plutôt d'une attitude personnelle ou de la morale, ce qui n'a pas lieu d'être en l'occurrence. Ensuite, si l'on veut véritablement mieux lutter contre le racisme et l'intolérance, essayons d'en comprendre les sources. S'il nous fallait ajouter quelque chose, ce serait peut-être à propos de l'identification de ce qui aujourd'hui occasionne la rupture des solidarités: le creusement des inégalités sociales, la montée du chômage, l'accroissement de la pauvreté. Voilà des éléments qui actuellement divisent les êtres humains et les amènent à s'opposer les uns aux autres. S'il avait fallu amender cette motion, ç'aurait été dans ce sens. En l'occurrence, elle nous satisfait telle que ressortie de commission, c'est pourquoi nous vous invitons à la voter. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). L'UDC soutiendra cette motion qui est effectivement indispensable. Il y a la théorie et la pratique. Dans la pratique, on constate toujours plus d'incivilités dans la société; pas seulement la discrimination envers les étrangers, les races ou d'autres discriminations, mais des incivilités qui sont tout aussi graves, notamment les violences, les injures, etc. A la base de ça, évidemment, on trouve un manque de valeurs, il y a une perte générale des valeurs dans la société. Les gens n'ont plus de repères et, finalement, ils se comportent instinctivement. Je crois que les interventions de la police les plus nombreuses concernent les conflits de voisinage, alors que les gens sont supposés avoir de la sagesse. Or, ce sont quand même les conflits de voisinage qui sont les plus dangereux pour la police et qui induisent les réquisitions les plus nombreuses.

J'ai effectivement déposé un amendement concernant l'altruisme, parce que, lorsqu'on parle de droits, il y a une espèce d'égoïsme derrière: j'ai droit à ci, j'ai droit à ça, j'ai droit à tout ! Par contre, on ne pense jamais que l'autre a également des droits et que les droits de l'autre sont liés à nos propres valeurs, à nos propres devoirs. C'est pour ça que j'ai déposé cet amendement sur l'altruisme; parce que, si on parle uniquement des droits à l'école, sans parler des valeurs liées à ces droits, on n'avancera pas. Les enfants ne reçoivent plus de valeurs et les parents n'inculquent plus ces valeurs puisque eux-mêmes ne les ont plus reçues à l'école. Qui va alors inculquer ces valeurs de base ? L'altruisme n'est pas une morale. L'altruisme, c'est penser à l'autre; c'est respecter l'autre; c'est ne pas faire souffrir l'autre. C'est la base du respect des droits de l'autre. Sans amener des valeurs, les droits restent une simple théorie. Il s'agit donc d'inculquer et de mettre en avant les valeurs au sein de l'école. Il ne s'agit pas de morale, mais de la pratique que tout le monde aimerait voir. Tout le monde aimerait avoir des enfants bien éduqués. Je pense que cela adoucit la motion et je vous invite à accepter ce petit amendement très important.

Mme Nathalie Fontanet (PLR). Le PLR avait déjà soutenu le renvoi en commission de la proposition de motion d'origine pour examen, parce qu'il était évidemment extrêmement sensible à l'augmentation des actes de racisme et d'antisémitisme dans notre canton. Dans ce contexte, nous soutiendrons la motion telle que sortie des travaux de commission. Le PLR estime que cette motion pose les bonnes questions. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Elle va permettre de disposer de statistiques, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Sur la base de ces statistiques, il sera évidemment plus facile de lutter contre le racisme et l'antisémitisme. La motion va aussi permettre l'enseignement du fait religieux et de la laïcité. Et cela, c'est très important, Monsieur le président, parce qu'on sait qu'un des premiers moyens de lutter contre toute forme d'intolérance, quelle qu'elle soit, passe par la connaissance, par l'éducation et par l'enseignement. Nietzsche disait: «Tout ce que je ne comprends pas m'inquiète.» Dans ce sens, cette deuxième invite est effectivement à saluer. Ensuite, la collaboration avec les associations nous tient également à coeur, parce qu'elles ont l'habitude d'intervenir, pour certaines d'entre elles: elles interviennent dans les écoles, elles interviennent déjà lors de conflits particuliers qui peuvent survenir entre différents élèves voire entre des élèves et des professeurs. Développer cette collaboration est également un point positif. Enfin, Monsieur le président, dans son ensemble, le groupe PLR est tout à fait satisfait de ce rapport.

M. Jean Romain (PLR). Je suis évidemment d'accord mot pour mot avec ce qui vient d'être dit par la cheffe de groupe du PLR. A propos de son amendement, j'ai bien entendu et bien écouté ce que M. Falquet voulait. La grande difficulté, c'est que si on transmet des valeurs, on est obligé de le faire d'une certaine manière. Or, cher collègue, on n'éduque pas avec des mots ! On éduque avec l'exemple et si l'on veut transmettre des valeurs, il faut le faire par l'exemple. Le DIP ne peut pas donner des cours de morale sur l'altruisme.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Jean Romain. On comprend bien que l'altruisme, c'est le respect, le respect d'autrui, mais si l'on veut enseigner le respect à un élève, il faut commencer à lui enseigner le respect de l'orthographe, le respect de la langue, le respect des maths. Et c'est par cet exemple qu'on y arrivera, pas par des cours de morale ! S'il fallait uniquement des cours de morale pour essayer d'augmenter la qualité de l'être humain, ça se saurait, depuis le temps ! Cette motion, nous allons l'accepter avec ses trois invites, mais il est illusoire d'imaginer viser un altruisme tel qu'il est prévu par cet amendement que nous refuserons.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Frey, je suis désolé, vous n'avez plus de temps de parole. Je cède le micro à M. le député François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. On est tous contre le racisme, contre l'homophobie, contre tous ces éléments liés aux droits de l'homme, qu'on appelle droits humains, parce qu'on arrive maintenant dans une sorte d'«indéfinition» générale, dans du politiquement correct. C'est justement ce qui déplaît au MCG, ce politiquement correct. On se donne bonne conscience avec pas grand-chose, et c'est une des raisons pour lesquelles nous laisserons la liberté de vote au sein de notre groupe sur cette motion. Une partie d'entre nous estime que ces valeurs sont justifiées, mais une autre partie estime qu'on donne dans le politiquement correct, avec de la pure déclaration qui n'amène rien. Il y a une sorte d'hypocrisie ambiante dans laquelle on se complaît pour essayer de se donner bonne conscience et de montrer qu'on est quelqu'un de gentil, qu'on est quelqu'un de bien. Il y a une sorte d'autosatisfaction qui ne mène pas bien loin, alors que dans ce monde, actuellement, se déroulent des événements barbares. Des gens sont en train de mourir, il y a des génocides, il y a des destructions humaines. Il faudrait se battre là-contre; il faudrait se battre concrètement sur ces éléments-là. Nos institutions comme le CICR font un travail formidable et c'est plutôt à ce niveau qu'il faudrait agir. C'est là qu'on peut être efficace. Le travail d'éducation, il peut se faire et il doit se faire. D'ailleurs, ce serait très curieux d'apprendre qu'il ne se fait pas: il y a là déjà un problème qui devrait être démontré.

Pour ces raisons, comme nous vous l'avons indiqué, nous serons partagés sur ce vote, étant donné qu'il s'agit d'un élément déclaratif. Certains veulent le suivre; d'autres estiment qu'on est là dans le politiquement correct... (Remarque.) ...et qu'il ne faut pas faire du politiquement correct - je le dirai une quatrième ou une cinquième fois, uniquement pour notre ami Barrillier, parce qu'il faut bien qu'il l'entende et qu'il l'enregistre ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Salika Wenger pour une minute trente.

Mme Salika Wenger (EAG). Merci, Monsieur le président. Il semble qu'il faille donner une toute petite explication au MCG sur ce qu'est le politiquement correct. Je vais vous faire une déclaration qui n'est pas politiquement correcte: un, l'humanité est une et indivisible; deux, nous ne sommes pas des animaux et il n'y a pas de races; trois, il n'y a pas d'autre. Donc, le respect, c'est le respect de soi-même et de la relation qu'on entretient avec son entourage. Et cet entourage, il est multiple et non pas constitué de races ! Il s'agit de personnes, des personnes qui sont non seulement vos égales mais sont parfois plus que ça: nécessaires et indispensables à votre existence ! Donc, le politiquement correct, ça veut dire que nous refusons toute discrimination, parce qu'il n'y a pas de raison de discriminer une partie ou l'autre de l'humanité, qui est une et indivisible ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député François Baertschi pour cinquante-deux secondes.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aurai juste un conseil de lecture pour Mme Salika Wenger... (Commentaires.) ...pour apprendre comment on peut détruire des êtres humains: je lui conseille de lire «Le Livre noir du communisme». (Commentaires.) C'est une saine lecture où on voit comment on peut détruire des humains ! (Exclamations.)

Le président. Madame Wenger !

M. François Baertschi. Comment, au nom de grandes valeurs, de l'humanitarisme, on crée la barbarie ! (Quelques applaudissements.)

M. François Lance (PDC), rapporteur. J'aimerais juste m'exprimer sur la proposition d'amendement. Personnellement, je ne comprends pas l'objectif de cet amendement; je rappellerai aussi que la commission a traité cet objet durant sept séances. A l'issue de ces séances, nous avons trouvé un consensus au sein de la commission, aboutissant à une majorité, y compris avec le représentant de l'UDC et un représentant du MCG. Donc, je vous demande d'accepter cette motion telle qu'issue de commission et de refuser cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, je vais vous faire voter sur l'amendement. (Commentaires.) Monsieur Buchs ?

M. Bertrand Buchs (PDC). Vote nominal, Monsieur le président !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Nous votons tout d'abord sur l'amendement déposé par M. Falquet, qui modifie la troisième puce de la deuxième invite de la manière suivante: «que le canton puisse dispenser une éducation visant à l'altruisme et une éducation aux droits fondamentaux [...]». Les mots «visant à l'altruisme et une éducation» constituent l'ajout proposé par l'amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 10 oui et 12 abstentions.

Le président. Je vous invite maintenant à vous prononcer sur la proposition de motion telle que sortie des travaux de commission.

Mise aux voix, la motion 2263 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 66 oui contre 2 non et 8 abstentions (vote nominal).

Motion 2263 Vote nominal

M 2274-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Michel Baud, Stéphane Florey, Marc Falquet, Patrick Lussi, Christo Ivanov, Bernhard Riedweg demandant d'équiper les policiers et les agents de la police municipale de « mini-caméras »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 3 et 4 novembre 2016.
Rapport de majorité de M. Raymond Wicky (PLR)
Rapport de minorité de M. Bernhard Riedweg (UDC)

Débat

Le président. Notre point suivant est la M 2274-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Raymond Wicky.

M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, dans le cadre de l'étude de cette proposition de motion qui, il faut le dire, a suscité des discussions particulièrement intéressantes et étendues... (Remarque. Le président agite la cloche.) ...nous avons pu constater qu'il y avait au sein de notre commission une certaine pluralité des points de vue: certains étaient pour une adhésion totale au texte déposé, alors que d'autres, à l'autre bout, étaient pour un refus. Il y avait en outre toute une série de positions intermédiaires différemment modulées. Nous avons mis en évidence un certain nombre d'inquiétudes ou d'interrogations, par exemple sur le thème de la protection des données, sur la question de savoir quelles forces de police devraient ou pourraient être équipées de tels dispositifs, sans oublier, bien sûr, des éléments comme les coûts d'acquisition ainsi que d'autres interrogations qui se sont fait jour.

Nous avons aussi eu l'opportunité d'auditionner Mme la commandante de la police cantonale qui a fait un point sur la situation actuelle, sur l'emploi des moyens images, au sens large du terme, tel qu'il est possible avec la législation existante. Nous avons appris, ou on nous a confirmé, que l'utilisation de l'image est déjà possible, non pas par de petites caméras mobiles, mais avec des caméras plus grandes, notamment lors des manifestations. Elle nous a aussi donné sa vision sur l'engagement de tels moyens. Elle a reconnu elle-même, il est vrai, que dans certains cas, elle trouvait que la chose pouvait être appréciable, qu'elle permettrait peut-être, comme l'ont défendu les motionnaires, soit de défendre le policier, soit de défendre la personne interpellée ou contrôlée contre un éventuel abus de la part des agents de la force publique. Elle a fait un exposé des avantages et des inconvénients et n'a pas omis, bien sûr, de nous dire quelle est la situation en Suisse à l'heure actuelle s'agissant de ces mini-caméras portées sur homme. C'est ainsi que nous avons appris qu'il s'agit d'un sujet dont s'occupe la réunion des commandants de police suisses et que dans certains cantons, nous avons peut-être un peu d'avance par rapport à d'autres; j'en veux pour preuve le canton du Tessin, qui, en 2011 déjà, a légiféré pour pouvoir implanter de tels dispositifs dans le corps de police. A l'heure où je vous parle, il n'y a toujours pas eu d'effets concrets, compte tenu du fait qu'il ne suffit pas de légiférer: ensuite, il faut régler les problèmes un par un pour assurer la mise en oeuvre. Enfin, elle nous a aussi confirmé qu'un certain nombre d'études d'évaluation sont en cours à Genève et en Suisse; notre canton n'est pas à la traîne et est complètement impliqué en la matière. C'est d'ailleurs un des éléments qui a permis à la commission de s'y retrouver...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député, ou vous prenez sur le temps du groupe.

M. Raymond Wicky. Merci, Monsieur le président. ...parce qu'il n'y avait pas une opposition formelle à l'idée d'étudier quoi que ce soit, voire à faire des essais; mais la majorité de la commission était quand même d'avis que si nous avons des professionnels qui sont en mesure de conduire ces études, ils le feront certainement bien mieux que si nous rajoutons une couche politique à cette démarche au travers de cette motion. C'est pour cela que la majorité vous recommande de la refuser. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. J'ai le plaisir de saluer la présence à la tribune de Mme Martine Roset, ancienne collègue. (Applaudissements.) Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. le député Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Dans plusieurs villes de Suisse ainsi que dans les pays anglophones, les policiers, dans les circonstances les plus exposées, sont équipés de mini-caméras visibles sur leur uniforme, ce qui a un rôle dissuasif. Ces policiers ont bien accueilli cette technologie, et on nous a rapporté qu'une bonne majorité des policiers genevois y seraient favorables. Cela permet une diminution de la violence verbale, puisque les interlocuteurs n'ont pas le même comportement lorsqu'ils sont filmés. Selon la cheffe de la police genevoise, les caméras embarquées pourraient être utilisées dans les cas de courses urgentes, ce qui permettrait de faciliter la récolte de preuves en matière de sécurité routière notamment, de diminuer un certain nombre de plaintes dirigées contre les policiers et d'identifier les délinquants. Avec le système de mini-caméra, les enquêtes pourraient être réalisées plus rapidement, puisque davantage d'éléments objectifs seraient à disposition suite à des situations conflictuelles, ce qui amènerait aussi des économies. Sachez qu'actuellement, à Genève, sur la base de la loi sur les manifestations sur le domaine public, il est autorisé de filmer avec des grandes caméras non portatives ou de photographier des manifestations potentiellement violentes. Cela a pour conséquence positive d'éviter souvent le recours à la force. L'expérience a montré qu'en moyenne, le policier n'enclenche sa caméra que durant 5% de son temps d'intervention sur le front.

En 2015, il y a eu 179 agressions contre des policiers dans le canton, chiffre en augmentation de 70% par rapport aux 105 agressions de 2014. Au Canada et aux Etats-Unis, tous les policiers sont munis de mini-caméras. Au Tessin, comme l'a relevé le rapporteur de majorité, la base légale, contenue dans la loi sur la police, qui n'est pas encore utilisée, dresse la liste des cas de figure nécessitant l'utilisation de caméras. Mme la cheffe de la police genevoise nous a informés qu'à Neuchâtel, l'utilisation de caméras est possible à des fins sécuritaires pour les agents et les véhicules. En ville de Zurich, où 123 policiers ont été attaqués - soit presque deux fois plus qu'en 2014 - on va tester les mini-caméras durant une année à partir de cet automne, afin de contribuer à la diminution des violences contre la police, surtout dans le cadre des matchs de football et de hockey sur glace. En 2015, à Genève, beaucoup de policiers ont été blessés, et il serait recommandé que les mini-caméras puissent remplir leur rôle dissuasif. Nous sommes confiants qu'avec le temps et les violences qui ne cessent d'augmenter, tant en nombre que dans leur degré de gravité, les mini-caméras seront plébiscitées par la police genevoise. Il suffit d'attendre. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission vous demande de bien vouloir voter le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, en ce qui concerne le projet d'équiper notre police de mini-caméras, Ensemble à Gauche suit l'avis de la majorité de la commission judiciaire et de la police. Il convient de relever tout d'abord qu'il y a une absence de bases légales en la matière et que cette motion semble poser beaucoup plus de problèmes qu'elle ne prétend en résoudre. C'est bien ce qui apparaît clairement à la lecture du courrier qui a été envoyé à la commission par la Fédération suisse des fonctionnaires de police et qui, résumé, nous dit que les «body-cams» peuvent porter atteinte au bien-être et à la santé psychique et par conséquent à l'aptitude au travail du personnel; qu'il est absolument nécessaire d'avoir une base juridique et des dispositions claires quant à l'utilisation, au stockage et à l'évaluation des données enregistrées; que l'enregistrement ne garantit pas totalement une preuve liée aux circonstances et aux événements, et que ce type d'équipement pourrait remettre en cause la confiance que la population a en sa police. Cette réaction des professionnels est explicite; elle montre à l'envi que cette proposition de motion est prématurée et que cet équipement pose quelques problèmes quant à la protection des données et à la santé psychique du personnel. Il est de bon ton, par les temps qui courent, d'aller plus vite que le vent en matière sécuritaire, mais le groupe Ensemble à Gauche préfère le joran qui glisse le long du Jura à la bise froide qui nous vient de l'est, qui nous fait éternuer, tousser, cracher et qui nous rend malades. Nous vous invitons donc, chers collègues, à refuser ce texte afin de rester en bonne santé.

M. Alberto Velasco (S). Evidemment, ces caméras s'inscrivent dans l'ambiance actuelle, hyper-sécuritaire. Je ne sais pas jusqu'où on va aller. Je tiens, Monsieur le président, à dire au rapporteur de majorité que la commandante de la police nous avait justement indiqué que lors de manifestations, par exemple, les caméras fonctionnent. Il n'y a donc pas de problème, là, effectivement. Par ailleurs, elle nous a spécifié que lors d'interventions à l'intérieur d'une demeure, on ne pourrait pas filmer; or, souvent, les violences se passent dans les demeures. Sur la voie publique, quand la police procède à une interpellation, bien souvent, il y a des citoyens, qui peuvent ensuite éventuellement se porter témoins. Je veux dire par là que cette idée de mini-caméras s'inscrit dans une ambiance hyper-sécuritaire, et il y en a marre ! On sait très bien que chacun de nous est filmé des centaines de fois, une fois qu'il est dans la rue, des centaines de fois ! Que ce soit dans un magasin, dans une banque, dans la rue, etc. Là, vous arrivez à l'extrême. Il y avait juste un petit domaine où on n'était pas filmé, c'était devant les flics; c'était le seul domaine ! Eh bien vous l'avez complété. Qu'est-ce qui nous reste, Mesdames et Messieurs, qu'est-ce qui nous reste ?! Je crois qu'il faut s'arrêter là, il faut laisser les compétences à la police, il paraît qu'ils ont d'excellents filmeurs dans les manifestations; s'il y a un problème grave, ils peuvent toujours venir avec ce personnel-là. Je crois donc qu'on va s'arrêter là ! D'ailleurs, il n'y a même pas de base légale, Messieurs, pour pouvoir mettre en place ce que vous voulez. Nous en tout cas, le groupe socialiste, nous recommandons de nous arrêter là et de ne pas accepter cette motion.

M. Michel Baud (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, quand j'entends les premiers commentaires sur cette motion que j'ai déposée il y a quelques mois déjà, je suis assez atterré. Je suis aussi atterré de voir ce que j'ai lu dans le rapport: la commandante de la police nous dit clairement que ce serait un plus pour les policiers dans certains cas, dans certaines missions, que d'être équipés de mini-caméras. Je me rends compte, surtout, qu'on est à Genève: si c'est comme à Satigny où on attend d'avoir trois morts pour construire un giratoire, je me dis que là, on n'est peut-être pas bien partis ! Quant à la santé psychique aussi bien des policiers que des potentiels délinquants, je ne vois pas vraiment où il pourrait y avoir un problème. Comme je le dis, quand un gendarme est en uniforme dans la rue, il est lui-même une cible visible de tous. Il n'y a absolument aucune raison qu'on ne le protège pas avec ces mini-caméras. C'est donc clair que je vais vous demander d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat; si vous la refusez, j'attends avec impatience de savoir quel groupe politique proposera cette idée la prochaine fois.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Très brièvement, Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe démocrate-chrétien, la dimension opérationnelle est prépondérante sur l'aspect politique, pour le moment. En effet, plusieurs préopinants l'ont mentionné, lorsque la commandante de la police, Mme Bonfanti, informe la commission que la réflexion se fait au sein de la police genevoise, que des tests sont effectués dans d'autres cantons, il paraît logique d'attendre, d'avoir le retour sur ces expériences et évaluations. Ce n'est donc pas le moment; nous préférons attendre ces conclusions et nous vous conseillons de refuser cette motion.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il est beaucoup question des Etats-Unis dans ce débat: on dit que là-bas, les policiers ont des mini-caméras. Eh bien ici, nous sommes à Genève, nous ne sommes pas aux Etats-Unis, et heureusement, je crois, en tout cas s'agissant de la sécurité et de la police, car ces dernières années, les caméras des policiers nord-américains ont surtout servi à apporter la preuve de bavures, en général commises sur des Afro-Américains. Nous ne voulons pas ici d'une police de cow-boys, nous préférons garder notre police genevoise telle qu'elle est.

La proposition qui nous est faite pose de vrais problèmes pour la protection de la sphère privée. On nous dit que les policiers sont censés éteindre la caméra lorsqu'ils arrivent en terrain critique ou chez des gens, mais on peut imaginer que dans le feu de l'action et de l'intervention, on n'a pas toujours le réflexe d'éteindre sa caméra; imaginer qu'on filme chez des gens qui ont appelé la police en raison de violence domestique, par exemple, ou pour différents problèmes qui pourraient survenir, cela nous paraît tout à fait douteux. Enfin, il est piquant de noter que cette proposition vient de l'UDC, parti qui nous fait constamment la morale sur les questions de dépenses publiques, qui veut toujours les réduire, mais qui nous propose ici un équipement de caméras pour l'ensemble des policiers qui passerait certainement par un crédit de la DGSI: je vous laisse imaginer si ce crédit serait d'un montant modeste et s'il irait dans le sens de la rigueur budgétaire prônée par l'UDC - personnellement, je ne le crois pas. Pour nous, c'est une raison de plus de refuser cette motion.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Alberto Velasco pour deux minutes.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement réagir à l'intervention de M. Baud et lui dire qu'aujourd'hui, les caméras existent dans les postes de police. C'est M. Moutinot qui, à l'époque, avait fait placer des caméras dans tous les postes de police, justement là où il y a des enquêtes qui se font. Il s'agissait de protéger non seulement la police, mais aussi les personnes interpellées. Il y a donc déjà des caméras, il n'y a pas rien, des mesures ont été prises ! Mais là, cher collègue, vous voulez faire un pas de plus, et avec un pas de plus, jusqu'où est-ce qu'on va arriver ? La prochaine fois, ce sera que chacun de nous ait une caméra sur soi ! C'est pas possible, ça !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Salika Wenger pour deux minutes.

Mme Salika Wenger (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Chers collègues, j'ai l'impression que plutôt que d'inspirer confiance à la population, cette escalade dans l'équipement a l'effet exactement inverse. Nous n'avons plus l'impression que notre police est là pour nous défendre, mais qu'elle travaille contre nous; et c'est quand même quelque chose d'assez désagréable. En même temps, exagérer l'équipement de la police, c'est aussi une manière de dire que nous n'avons pas confiance dans le professionnalisme de cette même police, et que nous nous méfions de ce qu'elle fait, de ce qu'elle voit, de ses actions. Là aussi, je ne suis pas sûre que cela inspire confiance à la population. En dehors de toutes les critiques qui ont déjà été émises à propos de la protection des droits de la personne, etc., je crois que nous ne sommes pas en train de rendre service à la police, mais au contraire, de transformer les policiers en des espèces de choses qui n'auraient aucune humanité et ne seraient pas capables de faire preuve de jugement et d'une appréciation des situations qu'elles rencontrent. Si c'est le cas, c'est que les policiers sont mal formés. Si ce n'est pas le cas, ils n'ont pas besoin de cet équipement. Alors puisque nous sommes dans la surenchère d'équipement, je vous propose une lumière qui s'allume et qui s'éteint sur les casques, je vous propose aussi qu'ils aient des radars, et pourquoi pas des plumes !

M. Thomas Bläsi (UDC). Quelques remarques sur ce que j'entends ici à propos de la motion. Je m'étonne un peu de ces réactions, en comparaison avec celles sur d'autres propositions de motions que nous avons pu étudier, particulièrement celles qu'a déposées le PDC soit au Conseil municipal de Genève, soit au Grand Conseil, sur la vidéo-surveillance, sachant que celle-ci pose le problème du déplacement de la criminalité vers des zones non couvertes par des caméras. De plus, le procureur général nous a bien expliqué que même si les commerçants n'avaient normalement pas le droit de mettre les caméras vers la voie publique, quand, en cas de délit, il avait la chance que cette caméra existe, il prenait le film pour qu'il puisse avoir force de preuve, quelles que soient les conditions de pose de la caméra.

En fait, vous ne voulez voir qu'un seul angle: comme le disait ma collègue des Verts, il y a effectivement une tendance, aux Etats-Unis, à surveiller la police dans le cas de bavures éventuelles. A titre personnel, je pense que nous sommes moins susceptibles d'avoir ce type de problèmes à Genève. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas confiance en notre police, mais il y a des précédents historiques, en France ou ailleurs: quand les policiers ont poursuivi le jeune Malik Oussekine, il est clair que si on avait eu des caméras, en voyant l'activité quand même excessive de la police, ça aurait permis d'avancer, de trancher directement et peut-être d'éviter les manifestations violentes qui ont eu lieu après: on aurait pu fournir une justification de ce qui s'était passé et trancher immédiatement.

On évite aussi de dire qu'il n'y a pas que le cas où la police commettrait un acte trop fort ou disproportionné: il y a également le cas où un policier est victime d'une agression. On a une autre possibilité, dans le cadre d'une couverture par vidéo-surveillance: vous vous retrouverez avec une couverture d'un événement de type manifestation qui sera aussi grande qu'il y a de policiers, et vous éviterez les débordements d'un côté ou de l'autre. Vous aurez ensuite un effet éminemment dissuasif, qui, jusqu'à présent, a toujours été défendu par le PDC. Mais évidemment, comme la motion vient de l'UDC... Ça pose un problème d'honnêteté intellectuelle; parce que je ne vois pas comment le PDC a pu à ce point-là proposer des motions sur la vidéo-surveillance et aujourd'hui nous dire qu'un projet déposé par l'UDC...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Thomas Bläsi. ...qui a un coût bien plus modeste et qui a pour but de protéger et la police et la population des excès dans un sens ou dans l'autre... Je m'étonne de cette réaction et j'ai bien peur qu'elle vienne de nouveau exclusivement de ce que cette proposition émane de l'UDC, et que finalement elle est connotée ou pourrait avoir des intentions cachées. Ce n'est pas le cas, je pense que nous loupons une occasion, et c'est bien dommage: le coût sera bien plus modeste...

Le président. C'est terminé.

M. Thomas Bläsi. Je vous remercie, Monsieur le président, j'ai dit ce que j'avais à dire.

M. Pierre Conne (PLR). Le véritable enjeu, c'est la dimension humaine de l'activité policière. On fait le constat qu'aujourd'hui, la course en avant non maîtrisée de l'évolution technologique peut nuire à la dimension humaine de la police. Ceux qui nous le rappellent sont les policiers eux-mêmes. Je vous lis le courrier, figurant dans le rapport, que la Fédération suisse des fonctionnaires de police nous a adressé, sur la demande de la commission. Elle introduit son courrier ainsi: «L'évolution technologique doit être soutenue dans l'optique de la profession de l'agent de police, restant entendu qu'aucun instrument high-tech ne pourra jamais remplacer un agent de police en chair et en os.» (Commentaires.) Et de conclure, s'agissant des caméras embarquées: «La FSFP est contre l'introduction des dénommées body cams et dash cams. Ni la police ni les policiers n'ont déposé une demande pour l'introduction des body cams. Les tests réalisés en Allemagne ne sont pas concluants car ils n'ont aucun fondement scientifique.» Actuellement, nous ne savons pas réellement quelle est l'utilité de ces caméras. Mes propos rejoignent ce qui a déjà été dit: laissons la profession se développer, laissons-la faire les choix dont elle a besoin pour remplir sa mission et ne nous immisçons pas dans les compétences des policiers eux-mêmes; rejetons cette motion. Je vous remercie.

M. Vincent Maitre (PDC). Seulement deux mots: puisque mon collègue Bläsi s'inquiétait des positions du PDC, je lui répondrai, Monsieur le président, que lorsque le PDC dépose une motion pour la pose de caméras de vidéo-surveillance en ville de Genève, cela vise des quartiers bien précis et de façon temporaire, afin d'effectuer des tests, comme il a justement été expliqué par la cheffe de la police. La différence entre le PDC et l'UDC, aussi, est que lorsqu'ils proposent des motions ou des projets de lois qui impliquent un financement de l'Etat, le PDC, lui, est d'accord de voter les budgets pour les accompagner. (Remarque.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Le rapporteur de minorité souhaite-t-il s'exprimer ? (Remarque.) Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de majorité pour deux minutes vingt.

M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce sera très bref. Je signalerai simplement que le fait de ne pas accepter cette motion ne va pas impliquer l'arrêt de l'étude conduite en ce moment par la police cantonale genevoise. En fonction des résultats de cette étude, notre parlement sera certainement saisi par l'intermédiaire du chef du département ou sous d'autres formes soit d'un projet de loi, soit d'une demande de crédit. A un moment ou à un autre, il y aura largement l'opportunité d'avoir le débat de fond sur le fait de savoir ce qu'il veut accorder ou non. (Commentaires.) Je vous remercie de votre attention.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Le rapporteur de majorité m'ôte les mots de la bouche ! J'allais précisément vous dire que, quel que soit le sort réservé à ce texte, il n'y a pas de tabou pour se poser ce genre de questions. Je remercie les motionnaires, parce que ces questions se posent aujourd'hui. J'aimerais rappeler à cette assemblée que nous avons connu ces dernières années une progression de l'ordre de 70% des agressions et des violences contre les fonctionnaires de police, que c'est réellement préoccupant et qu'il faut opposer à cela une attitude de dignité et de rigueur, que je crois extrêmement répandue dans la police, mais aussi pouvoir, le cas échéant, établir ce qui s'est réellement produit. Quelqu'un l'a rappelé tout à l'heure - je crois que c'est le préopinant socialiste - sous l'empire d'un de mes prédécesseurs, des caméras ont été introduites dans les espaces dévolus par exemple à l'audition des témoins; elles sont consacrées maintenant par la loi sur la police. Par exemple, lorsqu'un plaignant dit avoir été attaché au radiateur et qu'il n'y a pas de radiateur dans la salle d'audition - anecdote tout à fait véridique - cela nous permet de pouvoir évacuer ce genre de fantasmagorie et ensuite de poursuivre l'instruction avec le ministère public.

J'aimerais, Mesdames et Messieurs, dans le droit fil de ce qu'a dit le rapporteur de majorité, insister sur un élément qui reviendra bientôt devant votre assemblée: le fait que la police doit bénéficier d'une adaptation de son matériel. Ici, les caméras ont été invoquées un peu comme des amulettes, un collier qu'on porterait et qui nous protégerait. Ce n'est pas aussi simple; les expériences faites montrent qu'elles n'ont pas une si grande valeur, qu'elles peuvent même provoquer une escalade de la violence - ce n'est évidemment pas ce qu'on souhaite, même si, dans certaines situations, on devrait pouvoir s'autoriser le port de ce type de caméra. Cependant, le Conseil d'Etat viendra assez rapidement auprès de vous, au début de l'année prochaine, avec un crédit d'investissement de l'ordre de 6 millions - tel qu'il est pour le moment en voie de rédaction - pour une mise à jour de l'armement, des gilets pare-balles - des gilets lourds notamment - des casques balistiques, des mitraillettes, éléments qui équipent aujourd'hui tous les véhicules en série de police mais qui sont très vieux. Ce renouvellement doit nous permettre de répondre aux menaces actuelles, notamment une montée du danger lié au terrorisme, aux attentats, aux tireurs fous. C'est d'abord en raison de ces éléments-là, Mesdames et Messieurs, que nous vous appellerons à soutenir la proposition qui sera faite pour un montant d'environ 6 millions, soit la prochaine tranche de crédit d'investissement pour l'équipement de la police. D'ores et déjà, je vous remercie de faire bon accueil à ce futur crédit et je confirme ici que quoi qu'il advienne de cette motion, nous nous autoriserons à pousser plus loin les réflexions notamment sur les caméras de vidéo-surveillance équipant les policiers. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ai le plaisir de saluer la présence à la tribune de Mme Danielle Oppliger, ancienne députée. (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur cette proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2274 est rejetée par 60 non contre 13 oui et 8 abstentions.

M 2298-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Pascal Spuhler, Danièle Magnin, Florian Gander, Ronald Zacharias, Daniel Sormanni, Sandro Pistis, Jean-Marie Voumard, Jean-François Girardet, Jean Sanchez, Carlos Medeiros, André Python, Sandra Golay pour une Usine accueillante, humanitaire et ouverte sur le monde
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 22 et 23 septembre 2016.
Rapport de majorité de M. Christian Frey (S)
Rapport de minorité de M. François Baertschi (MCG)

Débat

Le président. Nous abordons le point suivant de l'ordre du jour en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Christian Frey, rapporteur de majorité.

M. Christian Frey (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion propose d'affecter tout ou partie des surfaces de l'actuelle Usine, haut lieu de la culture genevoise, au logement de familles de réfugiés syriens. Elle entend par la même occasion mettre fin aux nuisances que subit le quartier concerné... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à cause de l'Usine. Pour ce faire, elle demande à l'Etat de Genève de réquisitionner ces locaux qui se trouvent sur le territoire de la Ville de Genève et appartiennent à celle-ci. Il s'agirait donc d'une sorte d'expropriation. La majorité de la commission des affaires sociales vous propose de rejeter cette motion pour les raisons suivantes: tout d'abord, parce que l'Etat de Genève n'a pas le pouvoir d'exproprier le propriétaire de ces locaux; il faudrait que l'initiative vienne de celui-ci, c'est-à-dire de la Ville de Genève elle-même. Ensuite, parce que sous prétexte d'accueillir des familles de réfugiés syriens, ce texte vise en réalité à régler des comptes avec le collectif de l'Usine, probablement suite à un certain nombre de déprédations commises. Enfin, parce que les aménagements nécessaires à l'accueil de familles de réfugiés syriens seraient extrêmement coûteux et longs à réaliser. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des affaires sociales vous propose de refuser cette proposition de motion. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Nous avons quelque peine à comprendre la position de la gauche: elle nous demande toujours d'accueillir des migrants, de montrer une solidarité et des possibilités d'accueil envers des personnes en difficulté. On sait tous les problèmes que rencontre le canton actuellement pour trouver des structures suffisantes pour les réfugiés, en particulier ceux provenant de Syrie. Nous avons là une proposition tout à fait concrète, celle d'installer, de donner un lieu adéquat à ces migrants... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...c'est-à-dire l'Usine, haut lieu où d'ailleurs se sont préparées quelques manifestations, nous a-t-on dit, de «No borders», «No frontières», enfin, d'associations qui ont occupé à une certaine époque le centre culturel du Grütli. Ce serait donc tout à fait logique qu'au lieu que ce soit le centre du Grütli qui accueille ces migrants, on les accueille au sein de l'Usine. Ça montrerait aussi une volonté de partage, d'ouvrir son coeur aux personnes en difficulté. Nous comprenons donc très mal qu'il y ait une opposition face à cette proposition et qu'on ne veuille pas y donner suite. A notre sens, ce serait quelque chose de tout à fait précis, un engagement de l'Usine et d'autres personnes. Nous sommes surpris que le collectif de l'Usine n'ait pas lui-même proposé d'accueillir ces migrants du fait qu'ils disposent d'un nombre quand même considérable de mètres carrés et qu'ils ont la possibilité d'héberger ces personnes. Pour le MCG, ça paraît tout à fait normal qu'on fasse ce genre de choses. Nous vous demandons donc de soutenir la présente motion.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Est-ce que la culture doit être prioritaire par rapport à l'accueil de réfugiés ? On pourrait se poser la question si ce lieu de culture qu'est l'imposant bâtiment de l'Usine, administré par son collectif sous la forme d'un centre alternatif autogéré ayant un statut non lucratif - lieu qui connaît souvent des débordements tant bruyants que musclés - pourrait être affecté partiellement à accueillir des familles de réfugiés et de requérants d'asile déboutés. Cela demanderait des travaux conséquents. Cette motion suggère un compromis consistant en la transformation du bâtiment de l'Usine, propriété de la Ville, qui abriterait alors d'une part au rez-de-chaussée des locaux destinés à des manifestations culturelles - où seraient exploitées également des buvettes - et d'autre part aux deux étages supérieurs des logements occupés par des migrants. (Remarque.) Les motionnaires estiment que cela contribuerait à diminuer les risques de débordements et permettrait de loger une petite partie des 5,9% de réfugiés attribués à notre canton. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le voisinage, qui recherche le calme nocturne, verrait d'un bon oeil la fermeture de l'Usine, qui est affectée à la culture alternative, regroupe actuellement 18 associations et engendre des incivilités et des nuisances sonores du fait de noctambules alcoolisés se manifestant bruyamment au petit matin. Les habitants de ce quartier préféreraient-ils les nuisances de l'Usine à une population importante de réfugiés dans ce quartier ?

La réquisition par le Conseil d'Etat de ce lieu de culture pour l'attribuer à des immigrants ne peut être envisagée pour l'heure et cela même pas sur la base d'un règlement provisoire. Pour ce faire, il faudrait qu'une loi soit déposée, car il s'agit d'une procédure d'expropriation qui répond à des règles particulières relevant du droit fédéral. L'Union démocratique du centre vous demande de ne pas entrer en matière sur cette motion car elle est irrationnelle; de plus, une cohabitation est irréaliste à l'Usine car le temps de réalisation des travaux de transformation serait trop long; enfin, la Ville de Genève s'investit déjà beaucoup pour l'accueil des migrants au travers de la gérance immobilière. Merci, Monsieur le président.

M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, hier, nous avons traité une proposition de motion qui nous demandait d'édifier des logements sur le golf de Cologny. Aujourd'hui, nous en avons une qui nous demande d'installer des réfugiés à l'Usine. Qu'est-ce que nous aurons demain ? Une proposition de motion pour construire par exemple la patinoire sur le parvis de la cathédrale ? (Exclamations.) Une proposition de construire le nouveau dépôt des TPG dans le parc des Eaux-Vives ? Mesdames et Messieurs les députés, on peut s'amuser à faire un florilège des motions les plus incongrues, mais je crois qu'il faut savoir raison garder et faire correctement notre travail. Au PLR, nous avons une unité de doctrine: nous ne déposons pas de textes qui n'ont pas d'unité de matière, comme celui-ci qui mélange deux thèmes dépourvus de tout lien, celui des réfugiés et celui de l'Usine; nous ne déposons pas de textes juridiquement irrecevables, comme celui-ci, et enfin nous ne déposons pas de textes politiquement irréalisables. (Remarque.) C'est pourquoi vous comprendrez que le PLR n'entrera pas en matière sur ce texte.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parlement genevois va bientôt se prononcer sur une modification de la loi sur l'asile acceptée par la commission des affaires sociales, qui permettrait dans ce cas de figure peut-être à l'Etat de Genève ou à l'Hospice général de réquisitionner des bâtiments communaux d'intérêt public ou appartenant aux collectivités. Potentiellement, ce cas de figure pourrait devenir réalité un jour ou l'autre. Mais soyons sérieux, je crois que la situation dans le domaine de l'asile est en train de se détendre - peut-être provisoirement - et que d'autres possibilités pourront être utilisées par l'Etat de Genève avant de réquisitionner des hauts lieux de la culture. Mon collègue Saudan vient de le dire, on pourrait tout à fait installer un village de tentes de réfugiés sur le golf de Cologny ou sur la plaine de Plainpalais, ou au Grand Théâtre, effectivement; on pourrait réquisitionner le Grand Théâtre ou le Victoria Hall...

Une voix. Ou les arbres de Plainpalais !

M. Jean-Luc Forni. ...mais soyons sérieux, évitons la provocation et donnons à ce grave problème des réfugiés toute la considération et le respect qu'il mérite. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion pourrait être une plaisanterie, si ce n'est qu'elle ne prête pas à rire. Par la voix du rapporteur de minorité, le MCG évoque l'hospitalité, la générosité, belles choses s'il en est, mais en fait, on a l'impression que le MCG règle ses comptes avec l'Usine. S'il ne s'agissait que de réquisitionner des lieux culturels pour loger des réfugiés, pourquoi n'avoir pensé qu'à l'Usine ? Cela vient d'être dit, il y avait d'autres lieux, on en a évoqué quelques-uns en commission. (Remarque.) Donc, finalement...! Mais le MCG et l'UDC sont prêts à héberger des réfugiés, ça, c'est la seule bonne nouvelle de tout ce processus. Le problème est que pour cela, ils demandent simplement qu'on expulse les activités de l'Usine des locaux qu'elle occupe. Cela n'est pas acceptable. En effet, quel est le titre de cette proposition de motion ? «Pour une Usine accueillante, humanitaire et ouverte sur le monde». Peut-on dire qu'aujourd'hui, l'Usine n'est pas accueillante, humanitaire, ouverte sur le monde ? Eh bien si, c'est le cas, nous l'affirmons. Laissons l'Usine remplir son office, laissons l'Etat essayer de trouver des réponses au problème lancinant de l'accueil des requérants d'asile. Nous vous invitons à soutenir ce qu'on vous proposera, lorsque le moment sera venu, et à faire en sorte que les conditions de logement des requérants d'asile soient améliorées, mais pas au détriment d'autres. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts pour une minute trente.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Face à cette motion, j'hésite entre un gag du 1er avril d'un côté, et d'un autre, à prendre au sérieux la proposition et à analyser les responsabilités respectives des communes et du canton. Mais j'hésite aussi entre la provocation et, peut-être plus grave, le cynisme, qui s'adresse aussi bien aux jeunes, qui participent à la culture alternative - heureusement - qu'aux migrants qui ont vécu mille et une vicissitudes. Je trouve cela affligeant. Finalement, pourquoi n'avez-vous pas pensé aux différents bureaux qui sont libres, dans notre ville de Genève et dans le canton ? Je crois qu'il y en a beaucoup, et vous êtes bien placés pour nous dire lesquels sont libres ! (Remarque.) Sur un tel sujet, il aurait été courageux de votre part de faire preuve d'une certaine élégance. Je crois que vous l'avez oublié. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit, mais je le répète rapidement, cette motion oppose un lieu culturel ouvert à un jeune public au besoin d'hébergement des personnes qui demandent l'asile. Elle mélange des débats qui ont eu lieu au Municipal de la Ville de Genève et de pseudo-compétences du Grand Conseil. Pour moi, elle montre la vision du MCG sur la gestion publique: opposer des populations, régler des comptes vis-à-vis des groupes et des entités qui ne sont pas d'accord avec ses thèses, en essayant ici de passer en force alors que le droit ne le permet pas. J'aimerais à ce propos citer une phrase du rapport: «M. Poggia indique qu'aujourd'hui le Conseil d'Etat ne peut pas réquisitionner l'Usine, même sur la base du règlement provisoire. Il explique qu'il faudrait qu'une loi soit déposée pour le faire, car il s'agit d'une procédure d'expropriation qui répond à des règles très particulières, et que cela relève du droit fédéral.» A ce jeu-là, je pourrais ajouter: oui, on pourrait profiter des travaux du Grand Théâtre pour que le Grand Conseil aille siéger là-bas, et comme on aura des travaux ici, on pourrait prévoir que l'Hôtel de Ville serve à héberger des requérants d'asile, etc. Toujours est-il que c'est dommage, et dommageable, d'utiliser à travers un texte tel que celui-ci les besoins de populations qui ont vécu, comme il a aussi été dit, des guerres, des conflits, et qui recherchent paix et asile; c'est à ça qu'on doit penser et c'est pour ça qu'on doit être prêt à entrer en matière sur le projet de loi qui est en cours d'étude en commission, pour octroyer une place respectable et respectée aux gens qui viennent demander asile chez nous et dont les conditions de vie sont impossibles. Mesdames et Messieurs, le parti socialiste vous demande bien évidemment de rejeter cette motion.

Mme Frédérique Perler (Ve). Pour le groupe des Verts, je dirai que bien évidemment nous partageons largement ce qui a été dit jusqu'ici en opposition à cet objet. En effet, le titre trompeur de cette proposition de motion recouvre beaucoup de cynisme, ce qui est parfaitement navrant. Ce texte oppose deux populations, on l'a déjà dit, celle du monde culturel et celle des réfugiés; ce n'est pas correct de la part du MCG. Nous dire que cette motion propose une solution simple alors qu'elle est simpliste, nous faire croire qu'elle propose des solutions alors que celles-ci sont impraticables, juste pour faire parler d'eux, sourire et s'amuser... Le moins qu'on puisse dire, c'est que le MCG n'a vraiment peur de rien, tout est fait pour qu'on parle de lui. Les arguments du rapporteur de minorité sont vraiment peu convaincants et ne sont que pure provocation. Ma foi, nous, le groupe des Verts, constatons que ce n'est pas la contradiction qui les étouffe. Je vais m'arrêter là car je crois, Monsieur le président, que ce serait une très bonne chose que l'on puisse voter sur cette motion et passer à un autre texte. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Danièle Magnin. (Le micro de Mme Danièle Magnin ne s'enclenche pas.) Utilisez le micro de M. Voumard ! (Mme Danièle Magnin essaie le micro de M. Jean-Marie Voumard, qui ne s'enclenche pas non plus. Mme Danièle Magnin se déplace vers un autre micro qui marche. Exclamations.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Super, merci beaucoup ! Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que j'ai ce qu'on appelle une double casquette: je suis conseillère municipale de la Ville de Genève... (Exclamations.) ...et cela depuis dix ans ! Depuis dix ans, j'ai siégé notamment à la commission des pétitions, et j'ai traité, comme les autres commissaires, et comme tout le Conseil municipal, des doléances des gens qui habitent tout autour de l'Usine. Il me revient le sang, l'urine, les défécations dans les allées, il me revient tout le bruit, il me revient aussi cette masse de gens tout au bord de l'eau, prête... peut-être pas à prendre feu, mais à monter les tours un peu rapidement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Dans le fond, l'Usine était bien une usine, elle comporte toute sorte d'espaces et de locaux; certains de ces locaux sont utilisés pour être des ateliers, d'autres sont des lieux de concert, de restauration et de boisson: il me semble que cela peut effectivement être transformé en logements. (Remarque.) Pour les personnes qui devraient être relogées, j'aimerais dire que, puisque Mme Salerno, conseillère administrative de la Ville de Genève notamment chargée du logement et des finances, a pu reloger tous les gens qu'elle a virés... (Remarque.) ...des ateliers de la rue du Vélodrome... (Remarque.) ...et tous ceux qu'elle a virés des Grottes, elle pourrait sans doute reloger les gens qui se trouvent à l'Usine. C'est pour ça que, vu aussi que la plaine de Plainpalais est en train d'être complètement restructurée par M. Pagani - nous nous exprimerons d'ailleurs à ce sujet... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...à propos des arbres de la plaine de Plainpalais, ce week-end - je vous suggère pour ma part de mettre les réfugiés à l'Usine... (Commentaires.) ...et les gens s'adonneront à leur art dans des salles provisoires que l'on pourrait sans aucune peine édifier sur l'immense espace désertique et rose de la plaine de Plainpalais... (Commentaires.) ...vu que tout le milieu ne sert strictement plus à rien depuis que c'est devenu le gorrh de Pagani. (Remarque.) Je vous invite, bien entendu, à voter cette motion, merci !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Marc Falquet pour une minute.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. C'est bizarre, la position de la gauche: elle a refusé l'audition des milieux alternatifs et de l'Usine ! Je suis sûr que les milieux alternatifs seraient favorables à une telle proposition. Vous nous faites un procès d'intentions; c'est vous qui avez les idées de travers, ce n'est pas nous ! Nous, nous avons accepté en commission d'auditionner l'Usine, c'est la gauche qui a refusé; alors il ne faut pas venir nous raconter des histoires. Concernant le fait de placer un centre de migrants dans la cathédrale Saint-Pierre: non, en effet, non, par contre on pourrait déposer une proposition de motion pour rendre la cathédrale à l'Eglise catholique ! Ça, ce serait une proposition qu'on pourrait déposer. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Concernant l'accueil de l'Usine, je m'excuse, mais lorsque nos enfants se déplacent à l'Usine, ils sont très bien accueillis, il y a au moins cinquante dealers aux alentours qui les accueillent en toute impunité le vendredi et le samedi...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député !

M. Marc Falquet. C'est ça, le véritable problème ! Merci beaucoup. (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Eric Stauffer pour une minute trente.

M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le silence se rétablit.) Vous pouvez poursuivre.

M. Eric Stauffer. Mais quel silence religieux ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion, bien que très provocatrice et, je dirais même, infantile à certains égards, évoque deux problématiques. Evidemment, il faut la refuser, parce que si on l'accepte, le problème qui va se poser, c'est qu'on va causer à nouveau des manifestations et des déprédations dans notre canton. Cependant - et c'était l'unique but de mon intervention - j'invite le Conseil d'Etat à bien réfléchir et à essayer de régler les deux problématiques: celle des réfugiés, qui est un vrai problème, et celle de l'Usine. Je ne vais pas vous rappeler que le commerce dont j'étais actionnaire - je ne le suis plus - a été détruit neuf fois en quatorze mois, ce qui est parfaitement inacceptable; que des gens veuillent faire entendre leur point de vue, je pense que c'est très bien, ça fait partie de la démocratie, mais qu'on vienne s'en prendre au bien d'autrui, peu importe qui c'est - que ce soit le Grand Théâtre avec de l'huile de vidange ou un commerce - ça, c'est inacceptable. Et j'invite le Conseil d'Etat à bien réfléchir et à se demander si le lieu de l'Usine est bien approprié à la culture alternative. Evidemment, politiquement, il faudrait avoir le courage de déplacer ce lieu; je n'ai jamais été contre la culture alternative, mais peut-être pas à cet endroit-là. J'aimerais rappeler que les deux seuls politiciens - chacun à son niveau, bien entendu - qui ont été fustigés et qui étaient cités dans les tags sur les murs sont le conseiller d'Etat Pierre Maudet et moi-même, parce que nous avons osé...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. Je vais conclure. ...parce que nous avons osé dire que peut-être l'Usine n'était pas au bon endroit. Mais je vous demande simplement de réfléchir: est-ce que pour le bien de nos concitoyens et la sérénité du centre-ville, ce lieu est approprié ? J'ai terminé.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. On voit que le politiquement correct est encore très majoritaire dans cette assemblée. On ne veut pas soulever des questions importantes. Il est tout à fait logique d'envoyer des migrants sous des écoles - selon quelle logique ? Peu de personnes appartenant au monde politique crient là-contre, alors que quand on fait une demande comme celle-ci, qui est somme toute très modeste, parce qu'il ne s'agit pas de vider l'Usine pour y placer des migrants, mais simplement de demander à l'Usine de faire preuve d'un esprit d'accueil, une valeur tout à fait humaniste... (Commentaires.) ...qui est tout à fait dans la tradition de notre civilisation... On peut les accueillir de manière modérée, parce qu'un accueil modéré est toujours la meilleure des choses, il ne s'agit pas d'un accueil massif, nous n'avons jamais demandé un accueil massif à l'Usine, nous avons demandé un accueil modéré. Nous remarquons qu'apparemment, tous les groupes sauf le MCG s'opposent à un accueil modéré de migrants dans ce lieu-là. (Commentaires.)

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Nous serons donc très curieux de voir la suite des prises de position de chacun de ces groupes quand il s'agira de dire - car c'est la porte ouverte au fait de ne pas accueillir de migrants... On peut dire aux Genevois: n'accueillez pas de migrants, puisqu'on ne veut pas faire un minimum d'efforts à tous les niveaux. On ne peut que donner raison aux habitants de toutes les communes...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. François Baertschi. ...qui refusent d'avoir des migrants. C'est ainsi que je comprends...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député !

M. François Baertschi. Merci, excusez-moi. Je serais intarissable, mais je me tairai selon votre injonction.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Le rapporteur de majorité veut-il s'exprimer ? (Remarque.) Vous avez une minute vingt.

M. Christian Frey (S), rapporteur de majorité. Ce sera amplement suffisant, Monsieur le président, merci. Ce texte mélange deux problèmes qui sont réels à Genève: d'une part le fait d'avoir des lieux actifs dans le domaine de la culture - l'Usine en fait partie, et de plein droit; il faut absolument non seulement la maintenir, mais aussi lui donner les moyens d'animer - d'animer ! - cette ville qui du reste a un côté calviniste trop prononcé. Par ailleurs, le canton de Genève, la ville et toutes les communes genevoises doivent contribuer à accueillir des personnes qui ont dû fuir leur pays, des réfugiés, des familles, mais aussi des personnes seules. Dans le cadre de ce texte, on mélange ces deux thèmes qui tous deux sont capitaux pour notre République et canton de Genève. C'est en raison de ce mélange qu'il faut clairement le refuser. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue la présence à la tribune de nos anciens collègues MM. Etienne Membrez et Jean-Claude Dessuet. (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous invite à voter sur cette proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2298 est rejetée par 59 non contre 11 oui et 3 abstentions.

Le président. Je lève la séance pour une brève pause. Nous reprendrons nos travaux à 18h10.

La séance est levée à 17h55.