République et canton de Genève

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M 2274-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Michel Baud, Stéphane Florey, Marc Falquet, Patrick Lussi, Christo Ivanov, Bernhard Riedweg demandant d'équiper les policiers et les agents de la police municipale de « mini-caméras »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 3 et 4 novembre 2016.
Rapport de majorité de M. Raymond Wicky (PLR)
Rapport de minorité de M. Bernhard Riedweg (UDC)

Débat

Le président. Notre point suivant est la M 2274-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Raymond Wicky.

M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, dans le cadre de l'étude de cette proposition de motion qui, il faut le dire, a suscité des discussions particulièrement intéressantes et étendues... (Remarque. Le président agite la cloche.) ...nous avons pu constater qu'il y avait au sein de notre commission une certaine pluralité des points de vue: certains étaient pour une adhésion totale au texte déposé, alors que d'autres, à l'autre bout, étaient pour un refus. Il y avait en outre toute une série de positions intermédiaires différemment modulées. Nous avons mis en évidence un certain nombre d'inquiétudes ou d'interrogations, par exemple sur le thème de la protection des données, sur la question de savoir quelles forces de police devraient ou pourraient être équipées de tels dispositifs, sans oublier, bien sûr, des éléments comme les coûts d'acquisition ainsi que d'autres interrogations qui se sont fait jour.

Nous avons aussi eu l'opportunité d'auditionner Mme la commandante de la police cantonale qui a fait un point sur la situation actuelle, sur l'emploi des moyens images, au sens large du terme, tel qu'il est possible avec la législation existante. Nous avons appris, ou on nous a confirmé, que l'utilisation de l'image est déjà possible, non pas par de petites caméras mobiles, mais avec des caméras plus grandes, notamment lors des manifestations. Elle nous a aussi donné sa vision sur l'engagement de tels moyens. Elle a reconnu elle-même, il est vrai, que dans certains cas, elle trouvait que la chose pouvait être appréciable, qu'elle permettrait peut-être, comme l'ont défendu les motionnaires, soit de défendre le policier, soit de défendre la personne interpellée ou contrôlée contre un éventuel abus de la part des agents de la force publique. Elle a fait un exposé des avantages et des inconvénients et n'a pas omis, bien sûr, de nous dire quelle est la situation en Suisse à l'heure actuelle s'agissant de ces mini-caméras portées sur homme. C'est ainsi que nous avons appris qu'il s'agit d'un sujet dont s'occupe la réunion des commandants de police suisses et que dans certains cantons, nous avons peut-être un peu d'avance par rapport à d'autres; j'en veux pour preuve le canton du Tessin, qui, en 2011 déjà, a légiféré pour pouvoir implanter de tels dispositifs dans le corps de police. A l'heure où je vous parle, il n'y a toujours pas eu d'effets concrets, compte tenu du fait qu'il ne suffit pas de légiférer: ensuite, il faut régler les problèmes un par un pour assurer la mise en oeuvre. Enfin, elle nous a aussi confirmé qu'un certain nombre d'études d'évaluation sont en cours à Genève et en Suisse; notre canton n'est pas à la traîne et est complètement impliqué en la matière. C'est d'ailleurs un des éléments qui a permis à la commission de s'y retrouver...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député, ou vous prenez sur le temps du groupe.

M. Raymond Wicky. Merci, Monsieur le président. ...parce qu'il n'y avait pas une opposition formelle à l'idée d'étudier quoi que ce soit, voire à faire des essais; mais la majorité de la commission était quand même d'avis que si nous avons des professionnels qui sont en mesure de conduire ces études, ils le feront certainement bien mieux que si nous rajoutons une couche politique à cette démarche au travers de cette motion. C'est pour cela que la majorité vous recommande de la refuser. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. J'ai le plaisir de saluer la présence à la tribune de Mme Martine Roset, ancienne collègue. (Applaudissements.) Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. le député Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Dans plusieurs villes de Suisse ainsi que dans les pays anglophones, les policiers, dans les circonstances les plus exposées, sont équipés de mini-caméras visibles sur leur uniforme, ce qui a un rôle dissuasif. Ces policiers ont bien accueilli cette technologie, et on nous a rapporté qu'une bonne majorité des policiers genevois y seraient favorables. Cela permet une diminution de la violence verbale, puisque les interlocuteurs n'ont pas le même comportement lorsqu'ils sont filmés. Selon la cheffe de la police genevoise, les caméras embarquées pourraient être utilisées dans les cas de courses urgentes, ce qui permettrait de faciliter la récolte de preuves en matière de sécurité routière notamment, de diminuer un certain nombre de plaintes dirigées contre les policiers et d'identifier les délinquants. Avec le système de mini-caméra, les enquêtes pourraient être réalisées plus rapidement, puisque davantage d'éléments objectifs seraient à disposition suite à des situations conflictuelles, ce qui amènerait aussi des économies. Sachez qu'actuellement, à Genève, sur la base de la loi sur les manifestations sur le domaine public, il est autorisé de filmer avec des grandes caméras non portatives ou de photographier des manifestations potentiellement violentes. Cela a pour conséquence positive d'éviter souvent le recours à la force. L'expérience a montré qu'en moyenne, le policier n'enclenche sa caméra que durant 5% de son temps d'intervention sur le front.

En 2015, il y a eu 179 agressions contre des policiers dans le canton, chiffre en augmentation de 70% par rapport aux 105 agressions de 2014. Au Canada et aux Etats-Unis, tous les policiers sont munis de mini-caméras. Au Tessin, comme l'a relevé le rapporteur de majorité, la base légale, contenue dans la loi sur la police, qui n'est pas encore utilisée, dresse la liste des cas de figure nécessitant l'utilisation de caméras. Mme la cheffe de la police genevoise nous a informés qu'à Neuchâtel, l'utilisation de caméras est possible à des fins sécuritaires pour les agents et les véhicules. En ville de Zurich, où 123 policiers ont été attaqués - soit presque deux fois plus qu'en 2014 - on va tester les mini-caméras durant une année à partir de cet automne, afin de contribuer à la diminution des violences contre la police, surtout dans le cadre des matchs de football et de hockey sur glace. En 2015, à Genève, beaucoup de policiers ont été blessés, et il serait recommandé que les mini-caméras puissent remplir leur rôle dissuasif. Nous sommes confiants qu'avec le temps et les violences qui ne cessent d'augmenter, tant en nombre que dans leur degré de gravité, les mini-caméras seront plébiscitées par la police genevoise. Il suffit d'attendre. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission vous demande de bien vouloir voter le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, en ce qui concerne le projet d'équiper notre police de mini-caméras, Ensemble à Gauche suit l'avis de la majorité de la commission judiciaire et de la police. Il convient de relever tout d'abord qu'il y a une absence de bases légales en la matière et que cette motion semble poser beaucoup plus de problèmes qu'elle ne prétend en résoudre. C'est bien ce qui apparaît clairement à la lecture du courrier qui a été envoyé à la commission par la Fédération suisse des fonctionnaires de police et qui, résumé, nous dit que les «body-cams» peuvent porter atteinte au bien-être et à la santé psychique et par conséquent à l'aptitude au travail du personnel; qu'il est absolument nécessaire d'avoir une base juridique et des dispositions claires quant à l'utilisation, au stockage et à l'évaluation des données enregistrées; que l'enregistrement ne garantit pas totalement une preuve liée aux circonstances et aux événements, et que ce type d'équipement pourrait remettre en cause la confiance que la population a en sa police. Cette réaction des professionnels est explicite; elle montre à l'envi que cette proposition de motion est prématurée et que cet équipement pose quelques problèmes quant à la protection des données et à la santé psychique du personnel. Il est de bon ton, par les temps qui courent, d'aller plus vite que le vent en matière sécuritaire, mais le groupe Ensemble à Gauche préfère le joran qui glisse le long du Jura à la bise froide qui nous vient de l'est, qui nous fait éternuer, tousser, cracher et qui nous rend malades. Nous vous invitons donc, chers collègues, à refuser ce texte afin de rester en bonne santé.

M. Alberto Velasco (S). Evidemment, ces caméras s'inscrivent dans l'ambiance actuelle, hyper-sécuritaire. Je ne sais pas jusqu'où on va aller. Je tiens, Monsieur le président, à dire au rapporteur de majorité que la commandante de la police nous avait justement indiqué que lors de manifestations, par exemple, les caméras fonctionnent. Il n'y a donc pas de problème, là, effectivement. Par ailleurs, elle nous a spécifié que lors d'interventions à l'intérieur d'une demeure, on ne pourrait pas filmer; or, souvent, les violences se passent dans les demeures. Sur la voie publique, quand la police procède à une interpellation, bien souvent, il y a des citoyens, qui peuvent ensuite éventuellement se porter témoins. Je veux dire par là que cette idée de mini-caméras s'inscrit dans une ambiance hyper-sécuritaire, et il y en a marre ! On sait très bien que chacun de nous est filmé des centaines de fois, une fois qu'il est dans la rue, des centaines de fois ! Que ce soit dans un magasin, dans une banque, dans la rue, etc. Là, vous arrivez à l'extrême. Il y avait juste un petit domaine où on n'était pas filmé, c'était devant les flics; c'était le seul domaine ! Eh bien vous l'avez complété. Qu'est-ce qui nous reste, Mesdames et Messieurs, qu'est-ce qui nous reste ?! Je crois qu'il faut s'arrêter là, il faut laisser les compétences à la police, il paraît qu'ils ont d'excellents filmeurs dans les manifestations; s'il y a un problème grave, ils peuvent toujours venir avec ce personnel-là. Je crois donc qu'on va s'arrêter là ! D'ailleurs, il n'y a même pas de base légale, Messieurs, pour pouvoir mettre en place ce que vous voulez. Nous en tout cas, le groupe socialiste, nous recommandons de nous arrêter là et de ne pas accepter cette motion.

M. Michel Baud (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, quand j'entends les premiers commentaires sur cette motion que j'ai déposée il y a quelques mois déjà, je suis assez atterré. Je suis aussi atterré de voir ce que j'ai lu dans le rapport: la commandante de la police nous dit clairement que ce serait un plus pour les policiers dans certains cas, dans certaines missions, que d'être équipés de mini-caméras. Je me rends compte, surtout, qu'on est à Genève: si c'est comme à Satigny où on attend d'avoir trois morts pour construire un giratoire, je me dis que là, on n'est peut-être pas bien partis ! Quant à la santé psychique aussi bien des policiers que des potentiels délinquants, je ne vois pas vraiment où il pourrait y avoir un problème. Comme je le dis, quand un gendarme est en uniforme dans la rue, il est lui-même une cible visible de tous. Il n'y a absolument aucune raison qu'on ne le protège pas avec ces mini-caméras. C'est donc clair que je vais vous demander d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat; si vous la refusez, j'attends avec impatience de savoir quel groupe politique proposera cette idée la prochaine fois.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Très brièvement, Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe démocrate-chrétien, la dimension opérationnelle est prépondérante sur l'aspect politique, pour le moment. En effet, plusieurs préopinants l'ont mentionné, lorsque la commandante de la police, Mme Bonfanti, informe la commission que la réflexion se fait au sein de la police genevoise, que des tests sont effectués dans d'autres cantons, il paraît logique d'attendre, d'avoir le retour sur ces expériences et évaluations. Ce n'est donc pas le moment; nous préférons attendre ces conclusions et nous vous conseillons de refuser cette motion.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il est beaucoup question des Etats-Unis dans ce débat: on dit que là-bas, les policiers ont des mini-caméras. Eh bien ici, nous sommes à Genève, nous ne sommes pas aux Etats-Unis, et heureusement, je crois, en tout cas s'agissant de la sécurité et de la police, car ces dernières années, les caméras des policiers nord-américains ont surtout servi à apporter la preuve de bavures, en général commises sur des Afro-Américains. Nous ne voulons pas ici d'une police de cow-boys, nous préférons garder notre police genevoise telle qu'elle est.

La proposition qui nous est faite pose de vrais problèmes pour la protection de la sphère privée. On nous dit que les policiers sont censés éteindre la caméra lorsqu'ils arrivent en terrain critique ou chez des gens, mais on peut imaginer que dans le feu de l'action et de l'intervention, on n'a pas toujours le réflexe d'éteindre sa caméra; imaginer qu'on filme chez des gens qui ont appelé la police en raison de violence domestique, par exemple, ou pour différents problèmes qui pourraient survenir, cela nous paraît tout à fait douteux. Enfin, il est piquant de noter que cette proposition vient de l'UDC, parti qui nous fait constamment la morale sur les questions de dépenses publiques, qui veut toujours les réduire, mais qui nous propose ici un équipement de caméras pour l'ensemble des policiers qui passerait certainement par un crédit de la DGSI: je vous laisse imaginer si ce crédit serait d'un montant modeste et s'il irait dans le sens de la rigueur budgétaire prônée par l'UDC - personnellement, je ne le crois pas. Pour nous, c'est une raison de plus de refuser cette motion.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Alberto Velasco pour deux minutes.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement réagir à l'intervention de M. Baud et lui dire qu'aujourd'hui, les caméras existent dans les postes de police. C'est M. Moutinot qui, à l'époque, avait fait placer des caméras dans tous les postes de police, justement là où il y a des enquêtes qui se font. Il s'agissait de protéger non seulement la police, mais aussi les personnes interpellées. Il y a donc déjà des caméras, il n'y a pas rien, des mesures ont été prises ! Mais là, cher collègue, vous voulez faire un pas de plus, et avec un pas de plus, jusqu'où est-ce qu'on va arriver ? La prochaine fois, ce sera que chacun de nous ait une caméra sur soi ! C'est pas possible, ça !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Salika Wenger pour deux minutes.

Mme Salika Wenger (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Chers collègues, j'ai l'impression que plutôt que d'inspirer confiance à la population, cette escalade dans l'équipement a l'effet exactement inverse. Nous n'avons plus l'impression que notre police est là pour nous défendre, mais qu'elle travaille contre nous; et c'est quand même quelque chose d'assez désagréable. En même temps, exagérer l'équipement de la police, c'est aussi une manière de dire que nous n'avons pas confiance dans le professionnalisme de cette même police, et que nous nous méfions de ce qu'elle fait, de ce qu'elle voit, de ses actions. Là aussi, je ne suis pas sûre que cela inspire confiance à la population. En dehors de toutes les critiques qui ont déjà été émises à propos de la protection des droits de la personne, etc., je crois que nous ne sommes pas en train de rendre service à la police, mais au contraire, de transformer les policiers en des espèces de choses qui n'auraient aucune humanité et ne seraient pas capables de faire preuve de jugement et d'une appréciation des situations qu'elles rencontrent. Si c'est le cas, c'est que les policiers sont mal formés. Si ce n'est pas le cas, ils n'ont pas besoin de cet équipement. Alors puisque nous sommes dans la surenchère d'équipement, je vous propose une lumière qui s'allume et qui s'éteint sur les casques, je vous propose aussi qu'ils aient des radars, et pourquoi pas des plumes !

M. Thomas Bläsi (UDC). Quelques remarques sur ce que j'entends ici à propos de la motion. Je m'étonne un peu de ces réactions, en comparaison avec celles sur d'autres propositions de motions que nous avons pu étudier, particulièrement celles qu'a déposées le PDC soit au Conseil municipal de Genève, soit au Grand Conseil, sur la vidéo-surveillance, sachant que celle-ci pose le problème du déplacement de la criminalité vers des zones non couvertes par des caméras. De plus, le procureur général nous a bien expliqué que même si les commerçants n'avaient normalement pas le droit de mettre les caméras vers la voie publique, quand, en cas de délit, il avait la chance que cette caméra existe, il prenait le film pour qu'il puisse avoir force de preuve, quelles que soient les conditions de pose de la caméra.

En fait, vous ne voulez voir qu'un seul angle: comme le disait ma collègue des Verts, il y a effectivement une tendance, aux Etats-Unis, à surveiller la police dans le cas de bavures éventuelles. A titre personnel, je pense que nous sommes moins susceptibles d'avoir ce type de problèmes à Genève. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas confiance en notre police, mais il y a des précédents historiques, en France ou ailleurs: quand les policiers ont poursuivi le jeune Malik Oussekine, il est clair que si on avait eu des caméras, en voyant l'activité quand même excessive de la police, ça aurait permis d'avancer, de trancher directement et peut-être d'éviter les manifestations violentes qui ont eu lieu après: on aurait pu fournir une justification de ce qui s'était passé et trancher immédiatement.

On évite aussi de dire qu'il n'y a pas que le cas où la police commettrait un acte trop fort ou disproportionné: il y a également le cas où un policier est victime d'une agression. On a une autre possibilité, dans le cadre d'une couverture par vidéo-surveillance: vous vous retrouverez avec une couverture d'un événement de type manifestation qui sera aussi grande qu'il y a de policiers, et vous éviterez les débordements d'un côté ou de l'autre. Vous aurez ensuite un effet éminemment dissuasif, qui, jusqu'à présent, a toujours été défendu par le PDC. Mais évidemment, comme la motion vient de l'UDC... Ça pose un problème d'honnêteté intellectuelle; parce que je ne vois pas comment le PDC a pu à ce point-là proposer des motions sur la vidéo-surveillance et aujourd'hui nous dire qu'un projet déposé par l'UDC...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Thomas Bläsi. ...qui a un coût bien plus modeste et qui a pour but de protéger et la police et la population des excès dans un sens ou dans l'autre... Je m'étonne de cette réaction et j'ai bien peur qu'elle vienne de nouveau exclusivement de ce que cette proposition émane de l'UDC, et que finalement elle est connotée ou pourrait avoir des intentions cachées. Ce n'est pas le cas, je pense que nous loupons une occasion, et c'est bien dommage: le coût sera bien plus modeste...

Le président. C'est terminé.

M. Thomas Bläsi. Je vous remercie, Monsieur le président, j'ai dit ce que j'avais à dire.

M. Pierre Conne (PLR). Le véritable enjeu, c'est la dimension humaine de l'activité policière. On fait le constat qu'aujourd'hui, la course en avant non maîtrisée de l'évolution technologique peut nuire à la dimension humaine de la police. Ceux qui nous le rappellent sont les policiers eux-mêmes. Je vous lis le courrier, figurant dans le rapport, que la Fédération suisse des fonctionnaires de police nous a adressé, sur la demande de la commission. Elle introduit son courrier ainsi: «L'évolution technologique doit être soutenue dans l'optique de la profession de l'agent de police, restant entendu qu'aucun instrument high-tech ne pourra jamais remplacer un agent de police en chair et en os.» (Commentaires.) Et de conclure, s'agissant des caméras embarquées: «La FSFP est contre l'introduction des dénommées body cams et dash cams. Ni la police ni les policiers n'ont déposé une demande pour l'introduction des body cams. Les tests réalisés en Allemagne ne sont pas concluants car ils n'ont aucun fondement scientifique.» Actuellement, nous ne savons pas réellement quelle est l'utilité de ces caméras. Mes propos rejoignent ce qui a déjà été dit: laissons la profession se développer, laissons-la faire les choix dont elle a besoin pour remplir sa mission et ne nous immisçons pas dans les compétences des policiers eux-mêmes; rejetons cette motion. Je vous remercie.

M. Vincent Maitre (PDC). Seulement deux mots: puisque mon collègue Bläsi s'inquiétait des positions du PDC, je lui répondrai, Monsieur le président, que lorsque le PDC dépose une motion pour la pose de caméras de vidéo-surveillance en ville de Genève, cela vise des quartiers bien précis et de façon temporaire, afin d'effectuer des tests, comme il a justement été expliqué par la cheffe de la police. La différence entre le PDC et l'UDC, aussi, est que lorsqu'ils proposent des motions ou des projets de lois qui impliquent un financement de l'Etat, le PDC, lui, est d'accord de voter les budgets pour les accompagner. (Remarque.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Le rapporteur de minorité souhaite-t-il s'exprimer ? (Remarque.) Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de majorité pour deux minutes vingt.

M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce sera très bref. Je signalerai simplement que le fait de ne pas accepter cette motion ne va pas impliquer l'arrêt de l'étude conduite en ce moment par la police cantonale genevoise. En fonction des résultats de cette étude, notre parlement sera certainement saisi par l'intermédiaire du chef du département ou sous d'autres formes soit d'un projet de loi, soit d'une demande de crédit. A un moment ou à un autre, il y aura largement l'opportunité d'avoir le débat de fond sur le fait de savoir ce qu'il veut accorder ou non. (Commentaires.) Je vous remercie de votre attention.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Le rapporteur de majorité m'ôte les mots de la bouche ! J'allais précisément vous dire que, quel que soit le sort réservé à ce texte, il n'y a pas de tabou pour se poser ce genre de questions. Je remercie les motionnaires, parce que ces questions se posent aujourd'hui. J'aimerais rappeler à cette assemblée que nous avons connu ces dernières années une progression de l'ordre de 70% des agressions et des violences contre les fonctionnaires de police, que c'est réellement préoccupant et qu'il faut opposer à cela une attitude de dignité et de rigueur, que je crois extrêmement répandue dans la police, mais aussi pouvoir, le cas échéant, établir ce qui s'est réellement produit. Quelqu'un l'a rappelé tout à l'heure - je crois que c'est le préopinant socialiste - sous l'empire d'un de mes prédécesseurs, des caméras ont été introduites dans les espaces dévolus par exemple à l'audition des témoins; elles sont consacrées maintenant par la loi sur la police. Par exemple, lorsqu'un plaignant dit avoir été attaché au radiateur et qu'il n'y a pas de radiateur dans la salle d'audition - anecdote tout à fait véridique - cela nous permet de pouvoir évacuer ce genre de fantasmagorie et ensuite de poursuivre l'instruction avec le ministère public.

J'aimerais, Mesdames et Messieurs, dans le droit fil de ce qu'a dit le rapporteur de majorité, insister sur un élément qui reviendra bientôt devant votre assemblée: le fait que la police doit bénéficier d'une adaptation de son matériel. Ici, les caméras ont été invoquées un peu comme des amulettes, un collier qu'on porterait et qui nous protégerait. Ce n'est pas aussi simple; les expériences faites montrent qu'elles n'ont pas une si grande valeur, qu'elles peuvent même provoquer une escalade de la violence - ce n'est évidemment pas ce qu'on souhaite, même si, dans certaines situations, on devrait pouvoir s'autoriser le port de ce type de caméra. Cependant, le Conseil d'Etat viendra assez rapidement auprès de vous, au début de l'année prochaine, avec un crédit d'investissement de l'ordre de 6 millions - tel qu'il est pour le moment en voie de rédaction - pour une mise à jour de l'armement, des gilets pare-balles - des gilets lourds notamment - des casques balistiques, des mitraillettes, éléments qui équipent aujourd'hui tous les véhicules en série de police mais qui sont très vieux. Ce renouvellement doit nous permettre de répondre aux menaces actuelles, notamment une montée du danger lié au terrorisme, aux attentats, aux tireurs fous. C'est d'abord en raison de ces éléments-là, Mesdames et Messieurs, que nous vous appellerons à soutenir la proposition qui sera faite pour un montant d'environ 6 millions, soit la prochaine tranche de crédit d'investissement pour l'équipement de la police. D'ores et déjà, je vous remercie de faire bon accueil à ce futur crédit et je confirme ici que quoi qu'il advienne de cette motion, nous nous autoriserons à pousser plus loin les réflexions notamment sur les caméras de vidéo-surveillance équipant les policiers. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ai le plaisir de saluer la présence à la tribune de Mme Danielle Oppliger, ancienne députée. (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur cette proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2274 est rejetée par 60 non contre 13 oui et 8 abstentions.