République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 avril 2015 à 17h30
1re législature - 2e année - 4e session - 26e séance
M 2015-A
Débat
Le président. Nous nous penchons sur le point suivant, soit la M 2015-A. Le débat a lieu en catégorie II, quarante minutes, et je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Marie Voumard.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion a été déposée en 2011 suite aux fréquents braquages et actes de vol commis par une population venant de l'autre côté de nos frontières. Depuis les accords de Schengen, les douanes sont quelque peu abandonnées puisque les gardes-frontière ont été rattachés à l'aéroport pour contrôler les passeports aux arrivées. Cette motion vous demande simplement de remettre les douaniers aux frontières terrestres et, de ce fait, d'assurer une meilleure sécurité par rapport à l'entrée des personnes sur notre territoire.
Il n'est pas besoin de chercher bien loin: il y a une semaine à peu près, un braquage a été commis à Puplinge, et le maire de cette commune demande que les gardes-frontière soient réintégrés à leur poste. S'agissant du commerce de détail, le secrétaire général de la Nouvelle organisation des entrepreneurs - NODE - souhaite également, suite à la crise du franc fort, que les douaniers soient replacés aux douanes pour effectuer le contrôle des personnes ou des commerçants allant se ravitailler en France voisine. Depuis 2014, les gardes-frontière ont obtenu de nouvelles compétences policières, sont extrêmement qualifiés et demandent, eux aussi, à retrouver les compétences qui étaient les leurs, c'est-à-dire retourner aux frontières effectuer leurs tâches. Pour ces motifs, je vous demande de suivre la proposition de la majorité de la commission, d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je tiens à dire que quand nous avons mis en place Schengen, on nous avait dit que ça allait coûter moins cher puisqu'on pouvait dégager des gardes-frontière. Or au vu de la conclusion à laquelle on arrive aujourd'hui, ça nous coûte plus cher ! Avec Schengen, nous avons dû redéployer des gardes-frontière... (Remarque.) Monsieur Stauffer, vous êtes minoritaire ? Avec Schengen, nous avons dû redéployer des gardes-frontière à l'aéroport puisque celui-ci devenait une frontière Schengen. Ce qu'on constate à l'heure actuelle, c'est que Schengen ne fonctionne pas comme on le croyait, et M. Voumard a raison lorsqu'il relève que des problèmes de tout ordre peuvent se passer et qu'on a besoin de ces gardes-frontière. D'ailleurs, je tiens à souligner que j'ai beaucoup de respect pour ces gardes-frontière que nous avons reçus en commission, ce sont vraiment des gens respectables. Ils ont exprimé qu'ils étaient, eux aussi, dans un certain stress.
La question sur laquelle nous n'étions pas d'accord, c'est quand la commission a décidé de se pencher sur l'exemple de Zurich. A l'aéroport de Zurich, Mesdames et Messieurs, les gardes-frontière ont été remplacés par ce qu'on appelle des employés administratifs avec des contrats privés. C'est là que le bât blesse ! Je me demande bien comment il est possible que nos collègues du MCG, qui ont âprement défendu le statut de la police, parfois face à M. Maudet, en martelant que la police doit être suisse et fonctionnaire, avoir un revenu digne de ce nom et surtout un statut, un statut d'Etat, quand il s'agit en revanche de parler des gardes-frontière, admettent qu'on peut très bien engager des employés administratifs sous régime privé pour faire ce travail à l'aéroport. Voilà ce que je ne comprends pas ! Si on adopte ce régime, Monsieur Voumard - vous permettez que je m'adresse directement à mon collègue, Monsieur le président - il peut très bien arriver, puisqu'il s'agit de contrats de droit privé, qu'on engage des frontaliers. Vous qui êtes contre les frontaliers, vous allez vous retrouver avec des frontaliers qui contrôleront les voyageurs à l'aéroport ? Personnellement, ça ne me fait rien mais enfin, pour vous, ça va contre un principe fondamental.
Si vous votez cette motion, vous allez dans ce sens-là, et il y a quand même une contradiction incroyable par rapport aux choses que vous vouliez pour la police, sur lesquelles j'étais d'accord avec vous, d'ailleurs. Et quand il s'agit des gardes-frontière, noble profession, tout aussi noble que celle de la police, vous êtes soudain d'accord sur le fait qu'on peut déroger au statut, qu'on peut faire des contrats de droit privé, des contrats administratifs, et, ma foi, s'il y a quatre ou cinq frontaliers qui nous contrôlent à l'entrée à l'aéroport, c'est égal ? Ceci alors même que vous avez exigé du conseiller d'Etat, M. Maudet, qu'il dépose un projet de loi ou un règlement pour faire en sorte que toute personne étrangère désirant s'engager dans la police doive obtenir la nationalité suisse !? Pour ma part, je trouve que le même régime doit être appliqué pour tout le monde, et c'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, nous allons refuser cette motion, à cause de l'insertion qui a été faite. Merci beaucoup, je reprendrai peut-être la parole plus tard.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Depuis l'introduction des directives de Schengen, notre canton ressemble à une passoire car les 105 kilomètres de frontière terrestre ne sont plus surveillés systématiquement. Au moment de l'audition du commandant du corps des gardes-frontière, les effectifs totaux des gardes-frontière étaient de 355 personnes pour l'ensemble du canton, ceux-ci devant assurer une couverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Ce nombre comprend 45 fonctionnaires pour l'état-major et la centrale d'engagement, ce qui veut dire que 310 gardes-frontière travaillent sur le terrain, soit à l'aéroport, soit aux points de passage pour contrôler la migration et les marchandises ainsi qu'assurer la sécurité.
Entre 62 et 75 gardes-frontière sont affectés en permanence à l'Aéroport international de Genève, uniquement pour effectuer le contrôle des passeports alors qu'ils ont été formés pour patrouiller sur le terrain. Pour la plupart, nous a-t-on dit, c'est cette dernière activité qu'ils souhaitent remplir avant tout car c'est leur vocation première que d'avoir l'esprit d'initiative. Ces gardes-frontière affûtés, qui ont été très bien formés, savent d'une part détecter les trafics de drogue qui se font par avion au travers de mules et sont à l'aise, d'autre part, pour découvrir d'autres délits. Ils ne devraient pas être cantonnés aux seules vérifications des passagers et des passeports alors que les contrôles aux frontières sont délaissés. Selon une convention signée entre le canton de Genève et la Confédération, 18 millions sont budgétés pour que les gardes-frontière contrôlent les passeports à l'aéroport.
Cette motion amendée propose que le contrôle des passeports des passagers à l'Aéroport international de Genève ne soit plus effectué par des gardes-frontière mais délégué à des employés administratifs spécialement formés pour ce travail et payés par l'aéroport, ainsi que cela se fait à Kloten. L'amendement vise aussi à redéployer les gardes-frontière aux frontières terrestres du canton, comme ce fut le cas jusqu'en 2009. Ainsi, on éviterait le tourisme d'achat de l'autre côté de la frontière tout en assurant la sécurité et le contrôle des migrations, des marchandises et du commerce de la drogue. Ces décisions relèvent de la compétence de la Confédération, que le Conseil d'Etat devra solliciter pour opérer ces changements si ce texte est accepté. L'Union démocratique du centre vous demande d'adopter cette motion telle qu'amendée par le groupe PLR. Merci, Monsieur le président.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe que j'ai l'honneur de représenter est présent au Grand Conseil depuis le mois d'octobre 2005, c'est-à-dire bientôt dix ans. Oui, le 6 juin 2015, le Mouvement Citoyens Genevois fêtera ses dix ans ! Dix ans de politique, dix ans à relayer les problèmes des Genevois au sein de cet hémicycle et, je ne peux pas m'empêcher de le dire, dix ans de progression contre toute attente, le Mouvement Citoyens Genevois étant devenu la deuxième force politique du canton de Genève.
Aujourd'hui, M. Voumard vous explique un problème, un problème réel. Certes, il représente la majorité. Mais il y a encore des partis dans cet hémicycle qui viennent dire que ce n'est pas bien parce que, de nouveau, il y a le mot «frontalier» dans l'histoire. Mesdames et Messieurs, j'aimerais vous dire ceci, et c'est aussi valable pour le vote précédent: le fait de ne pas vouloir entrer en matière pour tenter de tout entreprendre, non pas afin d'obliger les secteurs privé et public à engager des résidents, mais de donner la priorité aux résidents - ensuite, si nous n'avons pas suffisamment de main-d'oeuvre, nous irons la chercher là où elle se trouve - le fait qu'après dix ans vous puissiez encore dire devant les caméras, devant vos électeurs, devant la population genevoise que ce n'est pas la bonne solution, que ce n'est pas ce qu'il faut faire...! J'aimerais pouvoir rendre publics, Mesdames et Messieurs, tous les courriers que je reçois, en tant que conseiller administratif de la Ville d'Onex, de gens désespérés, qui ne trouvent plus d'emploi, dont les enfants ne trouvent plus d'apprentissage; j'aimerais pouvoir rendre publiques ces lettres afin que vous entendiez ce que la population a à vous dire. On parle de priorité, pas d'obligation ! Mais, une fois encore, vous péchez par vanité, par orgueil, pour contrer le MCG parce qu'il vous énerve depuis dix ans, parce qu'il progresse. Et dimanche, il progressera encore parce que vous ne voulez pas écouter la population !
Mme Anne Marie von Arx-Vernon. N'importe quoi !
M. Eric Stauffer. Que ce soit en termes de sécurité, comme nous sommes en train d'en parler, ou en termes d'emploi, de qualité de vie, vous ne voulez pas entendre ce que la population a à vous dire ! Or la population n'a pas le même privilège que nous tous, à savoir, pouvoir se réunir chaque mois pour parler, elle ne parle qu'une fois tous les quatre ans. L'heure de l'addition est arrivée pour vous, une fois encore. En conclusion, Mesdames et Messieurs... (Remarque.) Oui, je vous fatigue avec ces discours, mais vous savez, ça fait dix ans que je me bats pour les Genevois, pour cette classe qui souffre, pour ceux que vous avez abandonnés, vous autres socialistes, en ne faisant rien à part venir dire que le MCG est xénophobe - et je ne vois pas en quoi, nous ne faisons pas de préférence de nationalité, nous parlons de résidence. Même ceux qui nous sont alliés ont voté contre la priorité...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. ...pour les résidents genevois sur le projet de loi précédent, c'est extraordinaire ! Mais ce n'est pas grave: encore une fois, nous ne sommes que modestement la deuxième force politique du canton de Genève, et je pense que, bientôt, nous deviendrons la première ! A ce moment-là peut-être, et c'est mon souhait...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. Je conclus ! ...vous écouterez enfin ce que les citoyens ont à vous dire, et peut-être que ça se rééquilibrera. Tant mieux, cela signifiera que vous aurez compris.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, cette motion représente pour nous une véritable fuite en avant dans le sens d'un tout sécuritaire indifférencié, sans parler d'une confusion des rôles, qui enjoindrait à des gardes-frontière d'assumer dans les faits des tâches de police. Cet aspect des choses figure explicitement dans les troisième et quatrième considérants, qui font clairement référence à une criminalité transfrontalière et à un fort taux de criminalité à Genève.
Quant à la situation qui prévaut à l'aéroport, comment pourrait-on la qualifier ? D'ubuesque, pour le moins: une multitude de corps de police s'y côtoient, parmi lesquels la police, les ASP3 armés, les gardes-frontière, des employés administratifs - j'en passe et des meilleures. Pourquoi tant de battage ? L'effectif des gardes-frontière à Genève va être renforcé par la Confédération d'une cinquantaine d'unités; aller au-delà serait véritablement transformer notre canton en un Etat policier. Est-ce vraiment là ce que nous voulons ?
Enfin, la motion qui nous est présentée ajoute à la confusion des rôles. Le canton se chargerait à lui tout seul des tâches de police des douanes et de contrôle des marchandises à l'aéroport de manière à permettre aux gardes-frontière de parer à la grande criminalité genevoise énoncée par les motionnaires. Je vous l'avais bien dit: cette motion est ubuesque ! Ce côté «fouzytout» nous conduit, chers collègues, à la refuser tout net et à vous inviter à en faire de même.
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, au nom du PLR, j'aimerais tout d'abord exprimer quelques regrets. En effet, si vous avez pris la peine comme moi de lire l'intégralité du document, vous aurez observé que cette motion datant de 2011 a été, dans une première phase, comme l'a dit le rapporteur de majorité, transformée en motion de commission à l'unanimité des membres présents. Il faut donc croire qu'il y avait tout de même un fond indiscutable. Or, pour les raisons évoquées par le rapporteur de minorité, on se retrouve maintenant dans cette situation de confrontation entre majorité et minorité.
En ce qui concerne le PLR, nous soutiendrons cette motion pour la simple et bonne raison que le fond est bon. En outre, un certain nombre de choses dans ou proche de notre environnement se sont passées depuis; je ne reviendrai pas en détail sur les événements dramatiques qui ont secoué l'Europe il n'y a pas si longtemps que ça - cela fait seulement quelques mois - dont nous avons fort heureusement été préservés.
Je vous rappelle enfin que notre même Grand Conseil a récemment étudié en commission puis traité en plénum des pétitions ayant un lien direct avec l'idée d'un renforcement des gardes-frontière. J'en veux pour preuve la pétition 1918, qui émanait de gens de la région de Meinier et relevait le fait que la frontière n'est plus respectée, notamment les heures de passage, avec les nuisances que cela occasionne pour les riverains, de même que la pétition 1919, qui nous incitait à faire des efforts de manière à mieux contrôler les marchandises aux douanes pour les raisons évoquées tout à l'heure. Fort de ces considérations et pour toutes ces raisons, le PLR vous invite à soutenir cette motion.
Mme Irène Buche (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'a expliqué tout à l'heure le rapporteur de minorité, le groupe socialiste refusera cette motion, qui a été déposée par l'UDC et transformée en motion de commission par la majorité de droite à la faveur d'un bricolage douteux et peu compréhensible. Si l'augmentation du nombre de gardes-frontière décidée par la Confédération ces dernières années n'est apparemment pas encore suffisante, il n'a pas été établi de manière convaincante qu'il serait nécessaire de révolutionner le système actuel en confiant le contrôle des passeports à l'aéroport à des employés administratifs.
Une telle solution ne serait d'ailleurs acceptable que si ceux-ci étaient correctement encadrés par des gardes-frontière et surtout si leur statut était celui de fonctionnaires fédéraux ou cantonaux, similaire à celui des policiers et des gardes-frontière. Or ce n'est pas ce qui est prévu dans cette motion, qui ouvre la voie à l'établissement de contrats de droit privé, ce qui est tout à fait inacceptable. Preuve en est la déclaration du député UDC M. Riedweg, qui proposait que ces employés administratifs soient engagés par l'aéroport. Le contrôle des passeports est une tâche régalienne de l'Etat, qui ne peut pas être déléguée, et le groupe socialiste vous invite à refuser cette motion. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve). Selon cette motion, les frontières sont à l'abandon depuis Schengen; eh bien non, ce n'est pas le cas. Depuis Schengen, il y a eu une augmentation constante du nombre de gardes-frontière à Genève, qui atteint aujourd'hui 355 équivalents pleins-temps, ce qui est évidemment beaucoup plus qu'en 2011, lorsque cette motion a été traitée. Une grosse moitié d'entre eux est en effet affectée à l'aéroport. Selon l'audition des officiers, il apparaît que les gardes-frontière sont répartis différemment: 237 d'entre eux se trouvent sur les quatre postes en ville, et non pas à l'aéroport, tandis que 60 à 80 personnes peuvent être fournies lorsque l'aéroport en a besoin. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a actuellement 355 postes existants à Genève, et ces gardes-frontière peuvent évoluer entre l'aéroport, la frontière et les postes en ville. Avant Schengen, il y avait moins de gardes-frontière dans le canton de Genève, lequel a justement été considéré comme prioritaire depuis cet accord car il fallait faire face aux besoins en termes de contrôle des voyageurs; voilà pourquoi nous en sommes arrivés à ces 355 postes. La réalité, c'est ça.
L'autre réalité, c'est que même si les postes sont là, il en manque encore. En effet, 40 postes sont vacants chez les gardes-frontière à Genève, et je rappellerai au MCG que ces postes-là ne peuvent pas être occupés par des frontaliers, ils devraient être occupés par des Suisses. Or il manque 40 gardes-frontière qui devraient être là, sur les frontières ! Par ailleurs, les gardes-frontière sont mobiles sur la frontière, ils l'ont dit lors de l'audition, vous pouvez le lire dans ce rapport. Pour eux, l'image du garde-frontière statique, figé dans sa guérite, évidemment chère à certains députés de ce parlement, c'est fini, ils préfèrent être mobiles sur la frontière. Vous les voyez moins, mais ils sont là.
Venons-en maintenant à une autre conséquence que celle des accords de Schengen, celle de la croissance de l'aéroport. Cette année, l'Aéroport international de Genève a atteint les 15 millions de passagers, les prévisions dont je vous ai déjà parlé à propos d'un autre projet de loi étant de 18 millions en 2020 et de 25 millions en 2030. Vous voyez tout de suite que les besoins en termes de contrôle des voyageurs vont augmenter de façon considérable, et il est bien possible que la Confédération soit au courant de ce problème, qu'elle en soit consciente. Pourtant, elle n'a montré aucun signe qui laisserait penser qu'elle allait engager 200 gardes-frontière supplémentaires pour effectuer le contrôle des voyageurs qui s'avérera nécessaire.
Non, au contraire: ce qui est actuellement en discussion, c'est plutôt le fait de créer un autre type de garde-frontière, dont la formation serait plus courte et qui serait affecté uniquement au contrôle des voyageurs. Voilà la solution que la Confédération est en train d'évaluer pour redéployer non seulement à Genève mais partout en Suisse des gardes-frontière sur les frontières ainsi que pour faire face à un problème qui n'a pas encore été mentionné et ne relève ni de la criminalité ni du trafic de drogue, mais concerne la contrebande massive organisée par des résidents suisses au détriment de la population et de l'économie suisses. Chaque jour, en effet, on laisse entrer des centaines voire des milliers de tonnes de marchandises, ce qui affecte notre économie, et la Confédération est aussi consciente de cela. Comme l'a dit mon collègue Wicky, cette motion part d'un bon fond mais est en réalité tout à fait inutile, et, pour cette raison, les Verts ne la soutiendront pas.
M. Vincent Maitre (PDC). D'aucuns ont relevé ce soir que le corps des gardes-frontière tel qu'il est déployé sur le territoire de notre canton manquait d'effectifs, ce malgré l'impulsion qui avait été donnée à l'époque par un député PDC du nom de Fabiano Forte - je tiens à le saluer ce soir - lequel avait, le premier, demandé par voie de texte législatif à la Confédération qu'elle comble cette carence. Manifestement, ce n'est pas encore suffisant, nous n'avons pas tous les gardes-frontière que nous souhaiterions ou qui seraient du moins nécessaires pour notre canton.
Voilà précisément pourquoi cette motion a du sens, c'est pour cela qu'il faut affecter le peu d'effectifs dont nous disposons de façon intelligente et surtout efficace en redéployant les compétences de ceux qui ont suivi une formation complète - notamment à l'usage d'armes, à certains contrôles, et comportant un aspect juridique - là où elles sont indispensables, c'est-à-dire sur le terrain. Les gardes-frontière doivent être sur le terrain, à traquer ici la criminalité, là la contrebande - ce serait une forme de respect et de reconnaissance que nous devons leur témoigner - et précisément pas passer leur journée à tamponner des passeports. Je suis à peu près persuadé qu'aucun garde-frontière n'a imaginé suivre sa vocation et pratiquer son métier de cette façon-là, à savoir uniquement en contrôlant des passeports. C'est pourquoi le PDC soutiendra cette motion. Nous nous devons d'assurer la sécurité sur le terrain, peut-être un peu moins s'agissant des passeports. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Il est incontestable que renforcer le contrôle aux frontières favorise la sécurité; il n'est pas question d'Etat policier, c'est un fait. Lorsqu'on renforce le contrôle aux douanes, on attrape des gens à l'entrée de la Suisse de manière préventive et, lorsqu'ils ont commis des délits, on les appréhende à la sortie, c'est un bienfait pour la sécurité des citoyens. En ce qui me concerne, je suis de Collonge-Bellerive, et de nombreux citoyens m'interpellent parce qu'ils se font cambrioler; souvent, les voleurs filent en deux minutes parce qu'il n'y a plus du tout de contrôles aux douanes ! Pour l'UDC, il est évident que le rétablissement des contrôles aux frontières est indispensable.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à M. Michel Amaudruz pour trente-cinq secondes.
M. Michel Amaudruz (UDC). Monsieur le président, je voulais juste dire que depuis que Schengen existe, nos frontières sont devenues de vraies passoires. Le Danemark, la Suède, la Finlande, la France s'inquiètent, c'est un problème essentiel qui doit être maîtrisé. Je crois qu'à l'aéroport de Genève-Cointrin, le contrôle des passeports peut être considérablement allégé du fait même de Schengen et, pour les autres, ils ne sont pas si nombreux. Comme il a été dit, c'est sur le terrain que l'on doit retrouver des forces nouvelles pour préserver notre sécurité comme celle de toute l'Europe, d'ailleurs. L'UDC appuiera cette motion...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Michel Amaudruz. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. J'aimerais juste répondre à M. Velasco: oui, effectivement, nous avons demandé que les policiers soient de nationalité suisse, tout comme le sont les douaniers, nous avons même déposé un projet de loi dans ce sens. Je vous rappelle qu'au sein du personnel administratif de la police, il y a les ASP3, qui sont frontaliers, étrangers, et nous n'avons rien fait contre cela. S'agissant des douanes, nous pouvons aller dans ce sens-là également, et je vous rappelle que ce n'est qu'une délégation des tâches des douaniers, ce ne serait pas une mainmise uniquement du personnel administratif.
D'autre part, avant d'arriver en Suisse, il faut en partir. Si les mesures de contrainte effectuées par du personnel étranger vous dérangent, n'oubliez pas qu'aux tapis roulants, il y a des mesures de contrainte de personnes qui ne sont pas suisses, qui peuvent vous demander votre carte d'embarquement, votre passeport, et procéder à une fouille; ils ne sont pas suisses, et rien n'est fait dans ce sens-là.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Qu'ils soient suisses ou non, pour ma part, ça ne me pose pas de problème !
M. Jean-Marie Voumard. Ah, mais si !
M. Alberto Velasco. Non, je disais ça par rapport à votre défense unilatérale; quand il s'agit de ce projet de loi, vous changez de bord. Ce que je regrette, c'est qu'à chaque fois que nous traitons ici un projet qui a trait à la gendarmerie ou aux gardes-frontière, la droite salive, se lèche les babines. C'est comme si c'était un grand jour ! Là, il faut voter carré. Mesdames et Messieurs, il y a tout de même des conséquences à ce que vous proposez, qui vont dans le sens d'une privatisation de l'administration. Ce que je vous dis, Monsieur Voumard, vous qui êtes ou étiez fonctionnaire, c'est que si vous avez défendu votre prérogative, d'autres ont le droit de défendre les leurs. Il s'agit de tâches régaliennes sur lesquelles on fait un tout petit bout.
Et contrairement à ce qu'on dit, Mesdames et Messieurs, les gardes-frontière ne contrôlent pas uniquement les passeports. A l'aéroport, il y a du fret ainsi que toute une série d'activités qu'ils sont obligés de contrôler, il y a le problème des drogues, ils ont de nombreuses missions qui n'ont rien à voir avec les passeports. Résumer l'occupation des gardes-frontière à l'aéroport au contrôle des passeports est extrêmement réducteur, et c'est grave eu égard au travail qu'ils effectuent.
Voilà pourquoi faire cette insertion consistant à déléguer ces tâches à des employés administratifs, comme c'est écrit ici, sans aucune ambiguïté, sans aucune spécificité, en laissant le soin au Conseil d'Etat de déterminer la façon dont il doit appliquer cette délégation, c'est extrêmement grave. Bon, d'accord, vous me direz que c'est une motion; on verra ce que ça donnera après sous forme de projet de loi. Mais à la base déjà, nous voulons montrer que nous ne sommes pas d'accord avec cette attitude et cette manière de déconstruire certaines fonctions d'ordre régalien, qui méritent une formation spécifique et nécessaire vis-à-vis de la population et des personnes qui franchissent nos frontières. En ce qui concerne le groupe socialiste, Mesdames et Messieurs, et comme l'a dit ma camarade et collègue tout à l'heure, nous voterons contre cette motion, alors même que nous avions une sensibilité en sa faveur au départ.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Je voudrais juste rappeler que les douaniers ont une formation plus qu'élevée: trois ans de cursus ! Le personnel administratif qui serait dévolu à ces tâches en suivrait une également - peut-être pas de trois ans, mais en tout cas d'une année, ce n'est pas mentionné mais je pense que ce serait automatiquement le cas. Avec tout ce qui a été dit, je pense qu'on ne peut qu'accepter cette motion et la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos des uns et des autres sur cette intéressante motion, qui part d'une situation de 2011, bien réelle et préoccupante; celle d'aujourd'hui ne l'est pas moins, mais pour d'autres raisons. Je ne vous cacherai pas la surprise du Conseil d'Etat de constater qu'il n'y a pas d'unanimité autour de cette motion, parce que le point sur lequel elle met le doigt est central, c'est celui de la sécurité de notre canton au sens large, qui ne devrait pas nous diviser sur des aspects idéologiques mais, au contraire, nous rassembler. Cet objet est intéressant parce qu'il se trouve au carrefour entre les questions d'économie et de sécurité.
Quelqu'un l'a mentionné tout à l'heure, les gardes-frontière connaissent aujourd'hui un regain d'importance, on évalue à environ 10 milliards de francs suisses ce qui nous échappe chaque année en raison du tourisme d'achat - selon une étude très sérieuse, au niveau fédéral. Or, qui permet de lutter contre le tourisme d'achat, avec un certain protectionnisme qu'il faut assumer car s'il y a libre circulation des personnes, il n'y a en revanche pas libre circulation des marchandises ? Ce sont notamment les gardes-frontière ! Les gardes-frontière sont importants sur les 105 kilomètres de frontière genevoise.
S'agissant de l'aéroport, ils ne le sont pas moins. J'ai entendu tout à l'heure quelques propos étonnants, et je m'adresse maintenant notamment à l'UDC: la migration illicite arrive aussi par l'aéroport ! Il est donc éminemment important pour un aéroport qui accueille 15 millions de passagers d'avoir un contrôle de qualité s'agissant de la migration illégale, c'est d'ailleurs ce qui nous permet aujourd'hui de renvoyer un certain nombre de personnes directement, sans qu'elles aient véritablement accès à notre territoire. Là aussi, la mission des gardes-frontière connaît un regain d'intérêt.
Migration illicite, lutte contre la contrebande ou le tourisme d'achat mais aussi, bien évidemment, sécurité. En ce qui concerne la sécurité, je suis obligé de vous rappeler que les chiffres montrent une certaine amélioration s'agissant des brigandages et autres braquages: nous avons connu 38% de diminution entre 2013 et 2014. Certes, il y a encore des braquages ponctuellement, mais, Dieu merci, beaucoup moins. Aujourd'hui, la profession de pompiste, par exemple du côté de Perly, est un peu plus sûre - on souhaite qu'elle le demeure - tandis que la fonction de postier du côté d'Anières l'est aussi, les chiffres le démontrent. Cette amélioration, et il est important de le souligner, est également due à une meilleure collaboration entre la police cantonale et les gardes-frontière depuis 2011. Nous avons élaboré et vous avez voté, cela a été rappelé tout à l'heure, un projet de loi donnant de nouvelles compétences aux gardes-frontière.
L'enjeu aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, est d'avoir la bonne distribution des bonnes personnes au bon endroit. J'aimerais vous indiquer que grâce aux efforts du gouvernement genevois mais aussi des parlementaires fédéraux, tous partis confondus, qui ont relayé cette position, nous aurons dès le 1er juillet prochain 9 gardes-frontière supplémentaires dans le canton, après en avoir connu 24 de plus il y a deux ans et encore quelques-uns de plus autrefois. Mais nous constatons aussi que, de l'autre côté, le réservoir se vide. Au 1er avril 2015, 30 gardes-frontière ont quitté le corps pour rejoindre des polices cantonales ou municipales, notamment à Genève. La difficulté, c'est que nous nous trouvons dans un système de vases communicants, où l'attractivité des salaires joue un rôle, tout comme celle des missions. Il est important, et cette motion cristallise cette question, de savoir pourquoi on s'engage en tant que garde-frontière. Si c'est pour contrôler des passeports à longueur de journée, ce n'est pas véritablement une vocation. J'ai écouté avec attention les propos du rapporteur de majorité, qui disait lui-même qu'on peut avoir des ASP3 frontaliers, étrangers. Je salue cette ouverture d'esprit, qui n'a pas toujours été marquée du côté de votre parti... (Exclamations.) Je souligne le propos qui figurera au Mémorial, cela a été dit tout à l'heure, et pourquoi ne pas avoir des personnes publiques sous contrat de droit public qui assurent ces responsabilités ?
En un mot, Mesdames et Messieurs, cette motion va dans le bon sens. Elle permettra d'envisager un redéploiement, mais avec un risque, je le dis ici: si nous arrivons à extraire des gardes-frontière dévolus aux passeports pour les replacer aux frontières, il n'est pas certain que la Confédération ne les redéploie pas dans d'autres régions... (Remarque.) Oui, on a déjà connu cette situation ! Il faudra donc veiller, encore une fois en bonne intelligence avec la Confédération, à ce qu'on puisse garder ces effectifs, ce qui n'est pas acquis, d'où l'importance d'une négociation, et nous serons plus forts pour la négociation avec cette motion. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat qui, à travers cette motion, veut aussi voir un hommage rendu aux hommes et aux femmes actifs dans la police des frontières, si cette motion lui est renvoyée, l'utilisera habilement afin de pousser dans le bon sens une amélioration de la sécurité de nos concitoyennes et concitoyens.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de vous prononcer...
M. Eric Stauffer. Vote nominal !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est bon.
Mise aux voix, la motion 2015 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 60 oui contre 30 non et 2 abstentions (vote nominal).