République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2015
Proposition de motion de Mme et MM. Eric Bertinat, Stéphane Florey, Christina Meissner, Patrick Lussi, Marc Falquet, Antoine Bertschy, Christo Ivanov demandant l'affectation des gardes-frontière de l'aéroport aux frontières extérieures du canton

Débat

Le président. Nous passons maintenant au point 43 de notre ordre du jour. La parole est à M. le député Christophe Andrié... (Le président est interpellé.) Excusez-moi ! Je passe d'abord la parole à l'auteur de la motion, M. Eric Bertinat.

M. Eric Bertinat (UDC). Merci, Monsieur le président. L'UDC se penche sur un dossier important, qu'oublie l'actualité, mais qui pose d'infinis problèmes dans le concret. Nous en relevons deux principalement dans notre texte. Le premier touche simplement au bon sens car, sur un effectif de 338 gardes-frontière, un bon tiers est affecté au contrôle des personnes aux frontières à l'aéroport. Cela signifie que tout ce personnel se trouve dans des guérites à l'aéroport à contrôler les voyageurs qui atterrissent en provenance de pays hors de l'espace Schengen; ces gens sont occupés à tamponner des visas et des passeports, alors qu'ils ont suivi une formation de plus de trois ans qui les a aguerris au terrain et non à être au chaud dans leur guérite à accomplir un travail purement administratif. C'est là qu'il y a un problème de bon sens. Tout ce personnel dont nous avons besoin aux frontières n'est pas là. Il occupe 24h/24 et 7j/7 ce service, qui absorbe maintenant - comme je l'ai dit - près d'un tiers de leurs effectifs.

Deuxième problème: il y aura prochainement un réel souci financier, parce que le canton - ou l'aéroport - doit s'attendre à de nouvelles dépenses, quelles que soient les solutions qui vont se présenter. La Confédération devait renégocier d'ici fin 2011 - M. Longchamp va donc pouvoir nous donner des nouvelles - sous la pression d'autres cantons, du reste, les accords avec le canton de Genève par lesquels elle mettait gracieusement à disposition les gardes-frontière à l'aéroport. Ce problème s'avère d'actualité. La motion a été déposée le 6 juin 2011, nous sommes à présent en janvier 2012, et nous allons sans doute pouvoir obtenir quelques nouvelles. Notre motion pose vraiment la problématique de l'occupation de ces hommes et de ces femmes.

C'est pourquoi nous vous soumettons deux invites: attribuer le contrôle des personnes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...aux frontières à l'aéroport à un nouveau service de la police cantonale ou directement à l'aéroport et, deuxièmement, faire savoir à Berne que nous entendons que le personnel du corps des gardes-frontière soit bel et bien affecté au service pour lequel il a été formé. En conclusion, je vous remercie d'accueillir favorablement cette motion.

Présidence de M. Pierre Losio, président

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au deuxième vice-président du Grand Conseil, M. Fabiano Forte.

M. Fabiano Forte (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, voici un nouveau texte qui traite des gardes-frontière et de la problématique des effectifs, avec ici la question de leur affectation. Souvenez-vous que le groupe démocrate-chrétien avait soumis une résolution, votée à l'unanimité par ce parlement, à l'intention des autorités fédérales pour augmenter les effectifs de gardes-frontière, lesquels l'avaient été. Mais ce que nous voulions, c'est que ces gardes-frontière se trouvent aux frontières et non derrière des guichets à faire du travail administratif, à contrôler des passeports.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons demander le renvoi de cette motion à la commission judiciaire et de la police, puisque c'est l'occasion d'auditionner les représentants des douanes pour que nous comprenions comment ils utilisent et comment ils entendent utiliser les effectifs de gardes-frontière dans les années à venir, afin d'assurer la sécurité nationale dans un premier temps, mais aussi celle de notre canton. C'est la raison pour laquelle, une fois encore, Monsieur le président, le groupe démocrate-chrétien demande le renvoi de cette motion à la commission judiciaire et de la police.

Mme Nathalie Fontanet (L). Monsieur le président, nous ferons de même, pour la simple et bonne raison que, nonobstant le fait qu'il s'agit là d'une prérogative nationale, au niveau effectivement du Conseil fédéral, nous estimons qu'il y a un problème et que Genève le subit; nous souhaitons donc nous intéresser au sujet.

Nous ne partageons pas les conclusions de la motion, à savoir la nécessité d'affecter les personnes qui s'occupent des passeports à l'aéroport aux tâches de gardes-frontière sur le terrain. Nous ne sommes pas persuadés que la vérification des passeports peut être comme cela attribuée à l'aéroport même, charge à lui de trouver des personnes susceptibles de s'en occuper. Toutefois, nous nous réjouissons d'entendre effectivement les gardes-frontière et de voir quelles autres solutions pourraient s'offrir à nous. Merci, Monsieur le président.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts sont quelque peu surpris par la proposition soumise. En réalité, c'est la première fois que l'on voit un canton demander un transfert de charges en sa défaveur. C'est ce que la motion souhaite ! Le canton voudrait d'un seul coup se charger de tâches qui sont dévolues à la Confédération !

Si je peux vous rejoindre sur le fait que nous aimerions plus de personnes sur le terrain, pas forcément à la frontière exactement, mais plus de personnes de la Confédération sur le terrain dans un canton comme Genève, nous n'entendons pas prendre en charge les tâches de celle-ci. Cela a un coût ! Et nous serions le premier canton à dire à la Confédération: «Allez, vous avez trop de charges, c'est nous qui allons payer à votre place !» Les finances cantonales actuelles ne nous permettent pas d'engager ce type d'action. Alors pour moi la réponse est très simple: c'est non à cette motion. Nous ne paierons pas à la place de la Confédération. Nous lui demandons d'assumer ses tâches à l'aéroport et sur le canton. Et l'Etat de Genève assumera quant à lui ses tâches cantonales.

M. Mauro Poggia (MCG). En tant que représentant du groupe MCG dans ce parlement, ai-je véritablement besoin de dire quelque chose ? Le MCG est le pionnier de la dénonciation du problème de l'insécurité à Genève. (Commentaires.) Et toutes les motions qui vont dans le bon sens seront suivies. Nous n'avons pas d'amour-propre ou d'états d'âme mal placés; il est de l'intérêt de la population de ce canton que nous avancions dans le bon sens.

Alors c'est vrai que l'on peut ergoter, comme le fait le représentant des Verts, en se demandant finalement qui va payer. Eh bien c'est pour cela qu'il faut - et je suis d'accord avec ceci - renvoyer la motion en commission pour que nous en parlions. Déjà il y a des progrès ! Et je me demande si une émission de télévision n'a pas eu plus d'effets que les gesticulations genevoises, vu depuis Berne, puisqu'au lendemain d'une émission particulièrement claire sur le problème de l'insécurité résultant d'un manque d'effectifs des douaniers aux frontières, notre Conseil fédéral a considéré qu'il y avait un problème. Tant que les Genevois seuls - les élus genevois - se plaignent, ce n'est pas encore un problème. Lorsque la télévision le dénonce, cela en devient un. Peu importe ! C'est la fin qui parfois justifie les moyens et ici nous sommes d'accord.

Donc renvoyons la motion en commission ! Mettons-nous tous ensemble, tous partis confondus, autour du problème et trouvons des solutions pour les Genevoises et les Genevois !

M. Eric Bertinat (UDC). J'aimerais apporter deux petites précisions après ce que j'ai entendu. Je souhaite rappeler à mon collègue Bavarel que, avant que ce soit le corps des gardes-frontière qui assume ce service, c'était la PSI. C'est le canton qui assumait cela et qui payait. Et avant la PSI, c'était la police judiciaire qui contrôlait les visas et qui occupait ce service. A l'époque - il faut croire que l'on avait peut-être un peu plus de bon sens - on a décidé que la police judiciaire avait mieux à faire et était appelée à assumer son travail, ainsi que sa formation, sur le terrain et non derrière ce que certains appellent une «guitoune», c'est-à-dire un guichet où l'on contrôle la validité des passeports.

Deuxième remarque: engager du personnel du corps des gardes-frontière à l'aéroport, c'est employer des personnes beaucoup trop compétentes pour ce service. On paie bien trop cher pour accomplir ce travail ! Y a-t-il besoin d'avoir un personnel qui sait manier une arme pour tamponner un visa ? De toute évidence non ! Il serait bien plus efficace sur le terrain, parce que là certaines nuits le corps des gardes-frontière ne dispose même pas de suffisamment de personnel pour assurer les rondes qu'il a pour mission de tenir. Il y a un réel problème d'effectifs et c'est bel et bien là qu'il faut porter notre attention. Je vous remercie d'avoir écouté mes explications.

Mme Loly Bolay (S). Le groupe socialiste n'est pas opposé à renvoyer cette motion à la commission judiciaire et de la police. J'aimerais juste dire qu'aujourd'hui déjà il y a beaucoup moins de contrôles à l'aéroport qu'avant. Actuellement on ne contrôle que les gens provenant de pays situés hors de l'espace Schengen. Il y en a donc déjà moins qu'auparavant. Cela dit, le parti socialiste s'était largement exprimé à l'époque concernant les motions sur les effectifs des gardes-frontière. Nous sommes d'accord de renvoyer la motion à la commission judiciaire et de la police pour examiner les propositions avancées ici, propositions qu'à l'heure actuelle nous ne pourrions pas accepter, mais nous pourrions entamer les débats et voir ce qui se fait ou non.

Vous avez raison de rappeler qu'il n'y a pas si longtemps que cela c'était la PSI qui réalisait ces contrôles. Mais celle-ci, comme la gendarmerie, est également en sous-effectif, raison pour laquelle on a demandé aux gardes-frontière d'intervenir. En conclusion, Monsieur le président, le groupe socialiste votera le renvoi de la motion à la commission judiciaire et de la police.

M. Pierre Weiss (L). Je voulais juste intervenir sur deux points. Le premier, c'est que la forme de la motion ne s'avère probablement pas la plus adéquate; une résolution aurait été souhaitable compte tenu de la deuxième invite qui consiste à interpeller le Conseil fédéral sur cette affaire. Or c'est par le biais d'une résolution que nous aurions pu obtenir, je crois, une meilleure solution institutionnellement. Mais c'est encore à discuter; cela peut éventuellement se changer le cas échéant.

Deuxièmement, j'aimerais dire, Monsieur Bertinat, que vous avez entièrement raison sur le fait que les gardes-frontière en tant que tels sont trop compétents, ou que n'avoir que des gardes-frontière à l'aéroport, c'est avoir des personnes qui sont trop compétentes pour s'occuper de simplement regarder ce qu'il en est des passeports pour les gens qui viennent hors de l'espace Schengen. Mais il faut quand même qu'il y en ait un certain nombre pour examiner les cas complexes, parce qu'il en existe. Néanmoins, la majeure partie des personnes qui passent à l'aéroport peuvent être examinées par des individus ayant un niveau de commis administratif, et c'est également une façon de résoudre le problème, afin de pouvoir remettre les gens sur le terrain.

Troisième et dernière remarque: le nombre de personnes à remettre sur le terrain est probablement mieux analysé par le syndicat des gardes-frontière que par le corps ou plus exactement la tête du corps des gardes-frontière à Berne qui ne connaît pas la réalité du canton de Genève.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, j'aimerais apporter quelques précisions s'agissant des deux accords qui régissent la collaboration entre le corps des gardes-frontière et la police genevoise. Vous savez que ces deux accords arrivent à échéance en 2013 et qu'un groupe de travail réunissant la police judiciaire, la gendarmerie, le corps des gardes-frontière et bien sûr la PSI est en train d'oeuvrer à l'établissement d'un seul accord qui aurait au moins l'avantage de la simplicité. La collaboration entre la police genevoise et le corps des gardes-frontière est bonne à Genève; on peut s'en féliciter et je crois qu'il faut le relever. Tous les cas de figure se retrouvent en Suisse - en tout cas dans les régions de frontière - dans des configurations diverses. On va dire qu'entre le canton de Saint-Gall et celui d'Argovie, c'est juste blanc et noir, dans la mesure où dans le premier la collaboration est quasiment nulle, alors que dans le second elle est excellente.

Tout cela pour dire que le renvoi en commission permettra d'avoir un vrai débat, notamment sur l'accord qui devrait réunir les deux anciens textes régissant, pour le premier, la politique d'entrée dans le territoire - cette fameuse frontière verte - et, pour le deuxième, les relations avec l'aéroport uniquement. S'agissant plus précisément de l'aéroport, c'est vrai qu'à Zurich ils ne connaissent que trois ou quatre de ces «guérites» d'entrée. Et l'aéroport de Genève et celui de Zurich sont considérés comme les deux points d'entrée internationaux de Suisse. Alors la direction des travaux à l'aéroport déterminera la nécessité de réduire ces deux points d'entrée. Il s'agira de guider les travaux, de donner une indication, et je pense que la commission sera toute trouvée pour apporter un éclairage à ces travaux concernant l'aéroport de Genève, si cher à mon collègue François Longchamp.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons procéder au vote sur le renvoi de cette motion à la commission judiciaire et de la police.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2015 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 64 oui contre 13 non.