République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 17h15, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.

Assistent à la séance: MM. Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet et Anne Emery-Torracinta, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Michel Amaudruz, Beatriz de Candolle, Pierre Conne, Jean-Louis Fazio, Sandra Golay, Norbert Maendly, Rémy Pagani, Pierre Ronget et Ronald Zacharias, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Alexis Barbey, Gilbert Catelain, Christian Decorvet, Vera Figurek, André Pfeffer, Françoise Sapin, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.

Correspondance

Le président. Le Bureau et les chefs de groupes ont trouvé à leurs places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Arrêt du Tribunal fédéral du 19 mai 2014 admettant partiellement le recours contre la décision du Grand Conseil sur la validité de l'IN 151 "Pour un renforcement du contrôle des entreprises. Contre la sous-enchère salariale" (voir C 3181, C 3199, C 3230 et C 3242) (transmis à la commission de l'économie et à la commission législative pour information) (C-3331)

Le président. Monsieur Serge Hiltpold, vous avez la parole.

M. Serge Hiltpold (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je demande la lecture du courrier que nous avons reçu concernant l'arrêt du Tribunal fédéral sur l'initiative 151, le courrier 3331. Je souhaite qu'on lise la conclusion, car l'arrêt est constitué de dix-huit pages. (Commentaires.)

Le président. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est un peu faible. (D'autres mains se lèvent.) Très bien. Monsieur le membre du Bureau, veuillez s'il vous plaît lire le courrier 3331.

Courrier 3331

Le président. Merci, Monsieur Lefort. Monsieur Vanek, vous avez demandé la parole.

M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, je m'interroge - car on peut rappeler en tout temps le respect de la loi portant règlement du Grand Conseil - sur la légalité de la proposition consistant à demander la lecture d'un petit bout d'un courrier que nous aurions reçu ! Raisonnablement, que ton oui soit oui ou que ton non soit non: si on veut faire lire quelque chose, il faudrait faire lire l'ensemble du courrier. Je vous l'accorde, c'est parfois un peu lourd, mais on a également la possibilité de demander avec dix voix l'inscription au Mémorial du courrier en question. Mais si chacun commence, quand on reçoit une lettre, à dire qu'il aimerait que le troisième paragraphe de la page 2 de la lettre en question soit lu, cela n'est pas tout à fait conforme aux dispositions du règlement. Je voulais le faire observer en passant et, le cas échéant, que le Bureau statue sur ce point.

Le président. Merci pour cet avis, Monsieur le député.

Annonces et dépôts

Le président. La pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:

Pétition des habitants de Landecy en faveur de la prolongation de la ligne No 44 (P-1907)

Pétition 1907

Questions écrites urgentes

Le président. Vous avez trouvé sur vos places les questions écrites urgentes suivantes:

Question écrite urgente de Mme Christina Meissner : Punaise(s), ça gratte... (QUE-213)

Question écrite urgente de M. Romain de Sainte Marie : Trams « Tango » : des millions pour des trams qui ne roulent pas ? (QUE-214)

Question écrite urgente de M. Jean Romain : Pourquoi creuser, à l'école primaire, la disparité entre les sciences exactes et l'allemand ? (QUE-215)

Question écrite urgente de M. Bertrand Buchs : Renouvellement des commissions officielles : sur quels critères le Conseil d'Etat a-t-il réduit la représentation des architectes et ingénieurs au sein des commissions où leurs compétences professionnelles sont pertinentes? (QUE-216)

Question écrite urgente de Mme Béatrice Hirsch : Accueil continu et sport, où en est-on ? (QUE-217)

Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Formation professionnelle et continue gratuite pour les frontaliers : est-ce normal ? (QUE-218)

Question écrite urgente de Mme Sophie Forster Carbonnier : Quels seraient les véritables coûts de la restructuration du domaine de l'asile pour Genève ? (QUE-219)

Question écrite urgente de M. Pierre Weiss : Que sont devenus les jihadistes genevois ? (QUE-220)

Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Peut-on espérer une prompte résolution de la panne de la pompe à chaleur permettant de chauffer les bassins de natation de Genève-Plage ? (QUE-221)

QUE 213 QUE 214 QUE 215 QUE 216 QUE 217 QUE 218 QUE 219 QUE 220 QUE 221

Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Questions écrites

Le président. Vous avez également trouvé sur vos places les questions écrites suivantes:

Question écrite de M. Jean Romain : Conditions d'entrée à l'IUFE pour les enseignants bilingues et test de français (Q-3737)

Question écrite de M. Gabriel Barrillier : Cinq ans après son acceptation en votation populaire et trois ans après son entrée en vigueur, quels sont les premiers effets de la réforme du cycle d'orientation sur l'entrée dans les filières du postobligatoire et singulièrement dans celle de l'apprentissage grâce aux visites d'entreprises et de centres de formation publics et privés ? (Q-3738)

Question écrite de M. Serge Hiltpold : Trams : des nuisances sonores évitables (Q-3739)

Question écrite de Mme Salima Moyard : Pourquoi restreindre l'expression d'un droit démocratique fondamental aux abords des locaux de vote ? (Q-3740)

Q 3737 Q 3738 Q 3739 Q 3740

Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.

QUE 204-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Faculté d'économie et de management : la composition de l'équipe dirigeante est-elle optimale ?

Annonce: Session 8 (mai 2014) - Séance 49 du 16.05.2014

Cette question écrite urgente est close.

QUE 204-A

QUE 205-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Christina Meissner : Développement durable, économise-t-on sur les moyens ?

Annonce: Session 8 (mai 2014) - Séance 49 du 16.05.2014

Cette question écrite urgente est close.

QUE 205-A

QUE 206-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean Romain : L'école à l'ère du numérique : le coût de cette mutation ?

Annonce: Session 8 (mai 2014) - Séance 49 du 16.05.2014

Cette question écrite urgente est close.

QUE 206-A

QUE 207-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Eco-quartier de la Jonction : quand les travaux de dépollution démarreront-ils ?

Annonce: Session 8 (mai 2014) - Séance 49 du 16.05.2014

Cette question écrite urgente est close.

QUE 207-A

QUE 208-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Lisa Mazzone : Combien d'accidents devront encore survenir avant la création d'itinéraires cyclables sécurisés, dans le respect de la volonté populaire ?

Annonce: Session 8 (mai 2014) - Séance 49 du 16.05.2014

Cette question écrite urgente est close.

QUE 208-A

QUE 209-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean Sanchez : Qui protège les citoyens des chenilles processionnaires ?

Annonce: Session 8 (mai 2014) - Séance 49 du 16.05.2014

Cette question écrite urgente est close.

QUE 209-A

QUE 210-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Romain de Sainte Marie : Salaire minimum : quelles économies pour le canton de Genève ?

Annonce: Session 8 (mai 2014) - Séance 49 du 16.05.2014

Cette question écrite urgente est close.

QUE 210-A

QUE 211-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Serge Hiltpold : Occupation du domaine public lors de travaux : responsabiliser les maîtres d'ouvrages, notamment publics

Annonce: Session 8 (mai 2014) - Séance 49 du 16.05.2014

Cette question écrite urgente est close.

QUE 211-A

QUE 212-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. François Baertschi : Parkings en France: les communes concernées doivent d'abord régler leurs problèmes avant de réclamer l'argent des contribuables genevois

Annonce: Session 8 (mai 2014) - Séance 49 du 16.05.2014

Cette question écrite urgente est close.

QUE 212-A

IN 150-D
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier l'initiative populaire 150 "Pas de cadeaux aux multinationales : Initiative pour la suppression des allégements fiscaux"

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au traitement de l'IN 150-D. Le débat se fait en catégorie I. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité, Jacques Béné. Vous avez la parole, Monsieur.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais d'abord préciser en ce début de débat que nous parlons bien d'allégements fiscaux et non de statuts ni de forfaits. Je tiens à le préciser, parce qu'il y a eu beaucoup de confusion au sein de la population et même sur les bancs de ce parlement; cette confusion a d'ailleurs été bien entretenue par les initiants, qui ont basé une grande partie de leur discours, pour la récolte de signatures, sur le thème des multinationales et des statuts fiscaux, en évoquant les prétendus méfaits de celles-ci sur notre canton.

Je profite donc de l'occasion pour tordre le cou à certaines légendes urbaines à propos des multinationales, tout d'abord en évoquant le fait que la part d'employés suisses ou permis C dans ces sociétés est équivalente à la part de Suisses et de permis C dans les entreprises nationales, soit environ 60%: je pense qu'il est important de relever ce point dans la mesure où beaucoup de choses ont été dites au sujet des employés étrangers dans ces entreprises.

Ensuite, les multinationales suisses - parce qu'il y en a - représentent 40% des emplois de l'ensemble de ces firmes, qu'elles soient suisses ou étrangères. Je pense qu'il est également important de le rappeler. Les multinationales étrangères représentent plus de 400 millions d'impôts cantonaux et communaux et leurs employés plus de 900 millions d'impôts sur le revenu. On parvient déjà à 1,3, voire à 1,5 milliard de revenus fiscaux cantonaux et communaux.

Les multinationales, Mesdames et Messieurs les députés, représentent 76 000 emplois à Genève avec un effet multiplicateur de 1,6 pour les emplois indirects dans les PME de notre canton. Cela représente deux emplois sur trois pour l'ensemble des places de travail créées entre 2000 et 2010 et cela signifie de manière directe ou indirecte 43% de notre PIB ! Je dis bien 43% ! Mesdames et Messieurs les députés, les multinationales, c'est tout cela, contrairement à ce qu'on pourrait croire quand on lit les arguments des initiants.

Quelques contre-vérités ou quelques erreurs se sont d'ailleurs glissées dans leur texte: d'abord, quand on essaie de faire croire que les grosses multinationales sont les seules à bénéficier d'allégements fiscaux, c'est faux, on l'a très clairement évoqué en commission. Bon nombre de PME et de start-up ont bénéficié de ces allégements fiscaux durant toutes ces années. La concurrence déloyale avec les entreprises genevoises est également évoquée par les initiants. Cet argument est également faux, puisque dans le cadre des allégements fiscaux, un des critères définis par le Conseil d'Etat pour accorder cette exonération fiscale, c'est justement qu'il ne faut pas qu'il y ait de concurrence; il faut que ces entreprises se créent ou développent de nouvelles activités dans des secteurs qui ne sont pas en concurrence avec des entreprises genevoises.

On peut également mentionner la pression sur le marché du logement, évoquée par les initiants: encore un faux argument, puisque l'impact du secteur international dans ce domaine, y compris des organisations internationales, a été évalué par une étude toute récente de la Fondation pour Genève: cette pression est d'environ 12%, ce qui est bien inférieur à la part des emplois offerts par le secteur international.

La cerise sur le gâteau, Mesdames et Messieurs, c'est quand les initiants évoquent la progression du salaire des 10% les moins favorisés qui aurait augmenté d'environ 10,5%, alors que les 10% les plus favorisés ont vu leur salaire augmenter de 22,7%. C'est vrai, mais franchement tordu, parce que ce que vous oubliez de dire, c'est que ces 10% des salaires les plus bas font aussi partie des 33% de la population qui ne paient pas d'impôts. Alors que les 10% les plus favorisés, ou plutôt - c'est même pire - les 4% les plus favorisés paient à Genève 50% des impôts sur le revenu.

Mesdames et Messieurs, le seul argument qui reste, évoqué régulièrement en commission par la gauche, est celui de la transparence du processus ou plutôt de l'opacité du processus. Tous les autres arguments n'ont pratiquement pas été repris, parce qu'ils ont été mis à mal par les personnes auditionnées et par la réalité des faits.

Cette initiative, Mesdames et Messieurs, est beaucoup plus dangereuse qu'il n'y paraît: c'est un nouveau grain de sable dans l'insécurité juridique et fiscale de notre canton, et ce manque de prévisibilité est très mal vu des dirigeants des entreprises qui souhaitent développer leurs activités et scrutent au jour le jour les évolutions législatives, afin d'optimiser leur positionnement dans un marché aujourd'hui hyper-concurrentiel. Pour certaines grosses entreprises, très influentes dans notre canton, le pouvoir décisionnel est à l'étranger et il est très facile, Mesdames et Messieurs, d'appuyer sur le bouton de la délocalisation. Il faut donc donner un signal très clair ce soir. Les allégements fiscaux sont un instrument de politique économique qui a été utilisé avec parcimonie par le Conseil d'Etat in corpore. Ces allégements ont rempli leurs objectifs puisqu'ils ont permis la création de plus de 5000 emplois. Il serait regrettable de se priver de cet instrument de politique économique.

Le Conseil d'Etat a d'ores et déjà déposé un projet de loi, le PL 11456, visant à mieux communiquer sur le processus d'exonération. Ce texte a été renvoyé en commission fiscale et il pourrait éventuellement devenir le contreprojet à cette initiative. Il est donc très regrettable, Mesdames et Messieurs, que certains partis politiques ne s'inquiètent pas ou plus de l'avenir économique de notre canton et n'apprécient pas l'apport considérable des multinationales et des PME souhaitant développer leurs activités et participer ainsi à notre prospérité. La majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser l'initiative 150...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Jacques Béné. ...et à accepter le principe d'un contreprojet.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de première minorité. Il s'agit tout d'abord de définir ce que sont les allégements fiscaux. J'apprécie que M. Béné essaie de faire la lumière sur ce point, mais il rend finalement encore plus opaques le principe des allégements fiscaux et la question des entreprises multinationales. Ce dispositif incarne un rabais fiscal qui correspond tout à fait à une concurrence déloyale. En effet, certaines entreprises bénéficient de ces rabais - 183 ont été accordés depuis l'entrée en vigueur de cet outil en 1995 - selon des critères plus ou moins définis ou en tout cas grâce à l'opacité la plus totale. Je reviendrai sur ce point.

Les allégements fiscaux représentent aujourd'hui à Genève un outil du passé. Ils ont beaucoup été utilisés dans le milieu des années 90, pour être bien moins octroyés ces dix dernières années. Aujourd'hui, il faut rappeler le contexte que nous connaissons à Genève et en Suisse en matière de fiscalité des entreprises. Vous le savez toutes et tous, nous sommes en pleine réforme de l'imposition des entreprises, la troisième à venir, qui vise au nivellement du taux d'imposition par l'instauration d'un taux unique. Je ne veux pas commettre l'erreur de confondre les statuts spéciaux avec les allégements fiscaux, mais nous sommes bien au-devant d'une réponse à donner face à la pression effectuée par l'Union européenne sur la fiscalité des entreprises suisses et sur son système visant à accorder des rabais fiscaux à certains types de sociétés. Par conséquent, et j'ouvre la question - elle demeurera ouverte - qu'en est-il du maintien des allégements fiscaux et de l'opinion de l'Union européenne sur ceux-ci ? Si nous maintenons ces allégements, qui nous prédit que l'Union européenne n'agira pas dans une dizaine d'années ou même plus immédiatement pour supprimer ceux-ci et utiliser les mêmes moyens de pression que nous connaissons actuellement sur les statuts spéciaux ?

Le premier des problèmes s'agissant des allégements fiscaux aujourd'hui est bien le manque de transparence. Il est d'abord mentionné par le Contrôle fédéral des finances, qui avait produit un rapport sur l'arrêté Bonny, avec lequel nous pouvons établir un certain parallèle, sans précisément pouvoir tirer de conclusions précises, puisque nous ne connaissons justement pas grand-chose des allégements fiscaux au niveau cantonal genevois. Mais ce rapport du Contrôle fédéral des finances est particulièrement marquant, puisqu'il mentionne l'opacité la plus totale quant à l'application des allégements fiscaux dans les quatre cantons helvétiques étudiés et en particulier l'absence totale de transparence quant au respect des conditions d'octroi des allégements fiscaux et des sanctions s'appliquant en cas de non-respect des conditions de négociation.

Ce manque de transparence absolu représente également une absence de vision et de stratégie pour le développement économique du canton de Genève. Quand on ne fixe pas d'objectifs connus, on ne peut avoir d'indicateurs permettant de savoir si la politique économique entreprise par le Conseil d'Etat est bien appliquée et si elle répond à des objectifs clairement décrits. Le seul critère mentionné dans la loi actuelle, à l'article 10 LIPM, indique que ces allégements fiscaux doivent être octroyés dans l'intérêt de l'économie du canton. Aucun autre critère n'est mentionné.

De plus, il est intéressant d'observer la répartition de la totalité des allégements fiscaux octroyés aux entreprises telle qu'elle figure dans le rapport du Conseil d'Etat, et de voir que le quart de ces allégements fiscaux correspond à la catégorie «autres services». Quoi de plus précis que cette dénomination ? Un autre quart des allégements fiscaux est accordé à des activités de «QG» et un autre quart à la catégorie «production». Là encore, les éléments fournis par le Conseil d'Etat sont particulièrement opaques quant à la répartition des allégements fiscaux par domaine économique et par secteur d'entreprises.

Enfin, et le Conseil d'Etat le mentionnait dans son rapport: il est très clair que les allégements fiscaux ont participé à l'accentuation d'une tension sociale. Dans l'exposé des motifs du projet de loi 11456, le Conseil d'Etat reconnaît, je cite, «que la pratique en la matière souffre actuellement d'un certain manque de transparence et suscite, par voie de conséquence, une méfiance légitime de la population».

M. le rapporteur de majorité cherchait à contredire le fait que la tension en matière de logement n'avait aucun lien avec la pratique en matière d'allégements fiscaux et la non-maîtrise du développement économique du canton de Genève. Pourtant, le Conseil d'Etat reconnaît être «sensible à certains arguments avancés par les initiants concernant l'inadéquation entre la vigueur de la croissance économique au cours de la dernière décennie et le nombre de logements construits, avec à la clé une pénurie que ressentent douloureusement tous les habitants de Genève qui sont à la recherche d'un logement». Même le Conseil d'Etat, qui n'est pourtant pas constitué d'une majorité de gauche, admettait ce constat.

Aujourd'hui, il est donc nécessaire de revoir la pratique des allégements fiscaux, de revoir pour qui, pour quoi et comment développer le canton d'un point de vue économique. Mais même si le Conseil d'Etat actuel a déposé un contreprojet indirect avec un projet de loi sur les allégements fiscaux, cette faute avouée n'est qu'à moitié pardonnée. En effet, les allégements fiscaux coûtent extrêmement cher au canton de Genève: sur une décennie, ils correspondent à un milliard de francs perdus. Quand nous faisons face aujourd'hui à une dette qui dépasse les 12 milliards de francs, connaître autant de pertes de rentrées fiscales potentielles est un luxe que le canton de Genève ne peut se payer. Lorsqu'on entend et qu'on voit des projets, notamment menés par la droite...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.

M. Romain de Sainte Marie. ...tels que la traversée de la rade qui serait uniquement financée par le canton, il paraît tout simplement impossible de se payer un tel luxe en maintenant les allégements fiscaux. Je vous invite donc à accepter l'initiative 150 et à supprimer cette façon de faire qui coûte beaucoup trop cher au canton de Genève.

Mme Magali Orsini (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche soutient les initiants dans leur projet de faire supprimer de la législation genevoise l'article 10 de la loi sur l'imposition des personnes morales qui permet au Conseil d'Etat d'accorder des allégements fiscaux à certaines personnes morales nouvellement créées ou en cours de restructuration. Les allégements sont fixés pour une durée maximale de dix ans, voire de cinq ans. Ils peuvent être totaux ou partiels ainsi qu'éventuellement dégressifs dans deux types de circonstances: premièrement, les entreprises aux abois, afin d'éviter leur faillite totale. On comprend mal en quoi consiste un allégement d'impôt sur le bénéfice quand on n'a accumulé que des pertes ! Ne reste qu'à supprimer l'impôt sur le capital, complètement symbolique de l'aveu même de M. Unger. C'est toujours l'argument de l'emploi qui est brandi par la droite, sans qu'on puisse en contrôler le volume, ni le fait que ce ne sont pas plutôt les actionnaires que l'on sauve.

La deuxième hypothèse concerne l'installation à Genève d'entreprises stratégiquement importantes. Concernant l'emploi, M. Unger a reconnu que la plupart des multinationales viennent avec des collaborateurs étrangers. Même si le pourcentage des emplois locaux s'améliore quelque peu avec le temps, il nous explique que si ces cadres de luxe n'occupaient pas les logements à prix fort, personne d'autre ne les occuperait ! Comme si on n'assistait pas à une surenchère évidente des prix des loyers à cause d'eux.

Le Conseil d'Etat a dit qu'il préconisait un contreprojet assez créatif pouvant déterminer des secteurs considérés d'intérêt particulier et sur lesquels on pourrait concentrer les allégements fiscaux. Selon l'article 127 de la Constitution fédérale, les principes de l'égalité de traitement et de la capacité économique régissent l'imposition. Ces principes ne sont pas respectés quand un canton accorde des allégements à des sociétés qui pourraient parfaitement payer le taux normal, comme les autres sociétés suisses de la place, uniquement pour les attirer sur notre territoire. Il s'agit effectivement d'une concurrence déloyale à l'égard de celles-ci, comme le soulignent les initiants.

La concurrence intercantonale est une plaie, surtout que certains cantons ont bénéficié de l'arrêté Bonny, d'autres de mesures de politique régionale particulières. On pourrait espérer que dans le cadre de la future réforme de la fiscalité des personnes morales cette concurrence soit sinon supprimée, du moins fortement atténuée.

La droite brandit sans cesse la menace du départ ou de la non-venue de sociétés ou de sièges sociaux de groupes prestigieux sur notre territoire. Toutes les enquêtes démontrent que le facteur fiscal n'arrive pas en première position dans les décisions d'implantation de ces entreprises, mais bien après le cadre de vie, la stabilité politique, les facilités d'écoles, d'aéroport, etc.

Il n'y a pas d'intérêt particulier justifiant une telle inégalité de traitement. On nous fait miroiter un peu tard un intérêt pour des secteurs vertueux qui le mériteraient plus que d'autres, tels que le cleantech, le biotech, etc. Nous pensons qu'il y a d'autres méthodes, par exemple au niveau du financement, pour les encourager au lieu d'un impôt discriminatoire.

Alors que la loi suprême de notre Confédération insiste sur l'égalité de tous devant l'impôt, on assiste au pouvoir discrétionnaire du Conseil d'Etat de privilégier certaines sociétés sans aucun contrôle parlementaire. Certes, quelques informations concernant les allégements fiscaux sont publiées dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat, mais le détail reste bien opaque si on le compare à celui des entités subventionnées. D'ailleurs, comme le remarque le commissaire socialiste, le Contrôle fédéral des finances a estimé que ces allégements devaient figurer dans les comptes, comme les autres subventions.

On essaie de nous expliquer que ces allégements sont également appliqués dans le cadre de restructurations de sociétés en difficulté. Comme je l'ai déjà dit, il nous apparaît qu'un allégement fiscal est surtout utile quand on doit payer beaucoup d'impôts, parce qu'on fait de gros bénéfices, et non quand on fait des pertes, qui peuvent, comme pour tout le monde, être reportées pendant sept ans. Le même raisonnement s'applique aux JEDI citées par David Hiler, sociétés qui perdent de l'argent durant les premières années de leur existence. On ne voit pas en quoi le taux actuel de 24% d'imposition sur le bénéfice qu'il cite les concernerait puisqu'elles n'engrangent pas de profits.

La même opacité règne sur les emplois créés, ceux importés et sur les éventuelles exigences du Conseil d'Etat dans ce domaine: le Conseil d'Etat reste intransigeant en ce qui concerne le secret fiscal, même à l'égard des membres de la commission fiscale qui prêteraient serment. Tout au plus consentirait-il dans le cadre du contreprojet à rendre publiques des directives internes qui précisent un certain nombre de critères. Nous ne pensons pas que les milliers de personnes qui ont signé cette initiative, ainsi que la population qui sera appelée à voter, pourront se contenter d'une si faible transparence; nous sommes de ceux qui pensent qu'aucun secret ne devrait exister concernant les impôts de l'ensemble des personnes morales. Toutes les sociétés cotées en bourse publient leurs états financiers et on peut voir clairement les impôts payés; on ne voit pas pourquoi ce n'est pas le cas des mystérieuses sociétés de famille, particulièrement dans le domaine du négoce. Les allégements fiscaux sont un sacrifice consenti jusqu'à présent par l'ensemble des contribuables qui auraient eu le droit de mieux en connaître la destination. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche soutiendra le maintien de l'initiative.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le titre même de cette initiative, «Pas de cadeaux aux multinationales: Initiative pour la suppression des allégements fiscaux», est pernicieux, voire mensonger. Les allégements fiscaux ne touchent pas que les multinationales ! Bien au contraire ! Ils touchent toutes les entreprises qui veulent développer une activité nouvelle, comme les start-up: on le voit dans les domaines de la recherche, de la médecine, de l'informatique ou s'agissant d'autres entreprises qui veulent développer leur marché ou leur réseau.

La suppression de cet outil capital pour notre canton, pour notre promotion économique et pour notre futur, ainsi que pour le futur des prochaines générations est une catastrophe pour Genève, à l'heure où Londres, qui compte plus de 150 000 expatriés ne payant pas d'impôts et qui n'est qu'à une heure trente d'avion, représente un concurrent direct pour notre canton sur les marchés financiers ou du trading; sans compter les démarches agressives sur le plan commercial entreprises par certains Etats comme Singapour, pour ne prendre qu'un seul exemple. L'attractivité fiscale de Genève doit perdurer. Cette initiative est donc pernicieuse et dangereuse !

L'inégalité de traitement et surtout le manque de transparence, arguments développés par les initiants, sont de vrais problèmes, mais ils peuvent être facilement résolus soit par des directives, soit, à la limite, par un projet de loi. Faut-il pour autant mettre en péril la vitalité et le dynamisme de nos entreprises ? La Genève internationale, à travers ces entreprises et ces «headquarters», est fragilisée par cette initiative. Le nombre d'emplois engendrés par les multinationales dans notre canton est très important: il s'agit de 76 000 emplois qui, par un facteur de 1,6, induisent 121 000 emplois indirects.

Les multinationales rapportent à Genève environ 1,5 milliard de francs en termes d'impôts communaux, cantonaux et fédéraux. Peut-on se passer de cette manne ? Alors que la concurrence internationale fait rage, comme je l'ai déjà dit, il faut impérativement préserver ces emplois et cette manne fiscale. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera l'initiative 150 ainsi que ses conséquences désastreuses pour notre économie et acceptera le principe d'un contreprojet.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Les Verts se sont abstenus au sujet de cette initiative. En effet, il nous est apparu assez clairement que cette initiative avait malheureusement confondu deux instruments fiscaux: le premier concerne les allégements et le second les statuts. L'argumentaire traitait très clairement des statuts fiscaux, alors que la modification législative proposée visait la suppression des allégements fiscaux. La volonté d'abroger ces derniers était donc maladroitement exprimée, puisque basée sur de mauvais arguments. Cela n'empêche cependant pas notre Grand Conseil de se prononcer sur la proposition de suppression des allégements et nous regrettons profondément d'avoir dû passer par la case «Tribunal fédéral» pour ce faire.

Les Verts sont d'avis que l'étude de cet instrument en commission nous a permis de nous faire une meilleure idée de la manière dont sont utilisés les allégements fiscaux. L'initiative a donc eu un fort effet pédagogique pour les députés, puisqu'elle a permis de faire la lumière sur un instrument resté très opaque jusqu'à présent. Cette étude nous a ainsi amenés à un certain nombre de constats: certes, les allégements fiscaux peuvent être utilisés pour attirer les entreprises dans notre canton, mais ils sont surtout utilisés pour la création de nouvelles entreprises, ainsi que pour aider des entreprises en difficulté. Ils participent donc à l'évitement de faillites. Les Verts estiment que cet instrument ne doit pas disparaître, mais il doit être davantage contrôlé et normalisé. Notre groupe se réjouit donc que le Conseil d'Etat ait déposé un projet de loi allant dans ce sens. Nous estimons que les allégements peuvent se justifier et être utiles, mais qu'on doit définir des critères d'attribution extrêmement stricts.

La commission fiscale devra ainsi décider si elle voudra les lier, par exemple, au développement de certains secteurs, comme la recherche et le développement ou les cleantech, afin de participer à la diversification de notre économie. Les Verts sont aussi d'avis que des critères sociaux et environnementaux stricts doivent être établis et élaborés par notre commission. Pour conclure, nous nous abstiendrons donc sur cette initiative, tout en remerciant ses initiants d'avoir lancé le débat, et nous voterons le principe d'un contreprojet.

M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, on arrive au terme de la première partie de l'étude de cette initiative; on avait déjà eu l'occasion d'en débattre ici. Celles et ceux qui ne siègent pas à la commission fiscale peuvent constater qu'il s'agit d'un sujet assez compliqué. Je crois qu'il ne faut pas avoir l'ambition de distinguer entre ce que les initiants ont proposé et le débat général sur la fiscalité que nous devrons avoir dans tous les cas, puisque nous ne maîtrisons pas l'agenda - c'est un problème européen - sur la baisse de la fiscalité au niveau suisse, mais il s'agit d'un débat qui aura lieu en 2014, il ne pourra pas être renvoyé aux calendes grecques. Nous devrons l'avoir et il est vrai qu'un des mérites de la discussion sur cette initiative en commission fiscale est qu'elle a porté à 80% sur la fiscalité des entreprises et plus généralement sur la fiscalité que Genève devra avoir et qui place notre canton au centre du débat fédéral.

Pour bien comprendre cette initiative et pour la simplifier, il faut se souvenir d'une chose qui me paraît fondamentale, c'est que les initiants dénoncent le trop grand succès du Conseil d'Etat dans sa politique économique.

M. Romain de Sainte Marie tout à l'heure - vous transmettrez, Monsieur le président - disait qu'il n'y avait actuellement pas de critères dans la loi sur les allégements fiscaux. Il en a quand même mentionné un, qui figure effectivement dans la loi actuelle et qui dit que le Conseil d'Etat décide dans l'intérêt de l'économie du canton. C'est ce qu'il a fait, surtout dans les années 90, quand l'économie était peu florissante. Ensuite, il l'a fait - il faut bien le rappeler aussi - avec un impact assez modéré de cette disposition-là sur la santé économique florissante des années 2000. Cette santé économique a toute une série de sources, dont une source externe que sont les statuts, mais ce n'est pas de cet article que nous parlons ici.

Pour bien comprendre le débat et pour que cette assemblée ait une vision correcte du sujet traité, il faut préciser un point: on parle d'une perception d'un groupe de cette assemblée, le groupe socialiste - soutenu ici par Ensemble à Gauche - qui trouve en fait que les choses vont trop bien et que ce «trop bien» a des inconvénients pour la population, ce en quoi on peut, d'une certaine manière, les suivre, sinon les comprendre, tout en leur rappelant quand même que ce raisonnement-là est celui d'un pays prospère, voire d'un pays riche ! C'est un raisonnement de privilégié ! Tant mieux que l'on puisse encore faire des analyses de privilégiés, je ne sais pas si cela va durer, mais quand on les fait il faut toujours se rappeler dans quel canton on vit.

Chacun d'entre vous a reçu la documentation très complète sur les comptes que nous devrons discuter encore à la fin de ce mois. Pour ceux qui n'ont pas la patience de lire les quatre volumes, parce que c'est beaucoup, vous en avez un qui s'appelle «comptes consolidés» et qui est très bien fait. Vous y trouverez quelques données intéressantes, notamment le fait que notre canton, quand on consolide les grandes régies, tourne à plus de 11 milliards par année. Ces 11 milliards incluent le paiement de 5 milliards de salaires de fonctionnaires, mais ce n'est pas tout à fait exact, parce que certaines rubriques ne concernent pas directement des salaires, mais des subventions, notamment, qui regroupent également des salaires. Si on fait un calcul approximatif - je le tiens à disposition de ceux qu'il intéresse - on arrive à 7 milliards de salaires annuels pour la fonction publique, dans une communauté de 500 000 personnes ! Mesdames et Messieurs, cela n'est tout simplement pas pensable si cette communauté n'est pas prospère ! Ce n'est pas pensable !

Outre le fait - je l'ai déjà dit ici - que je trouve dangereux, dommageable et d'une certaine manière idéologiquement difficile à suivre d'assimiler «étranger» avec «danger», de quelque bord que vienne cette assimilation, je trouve qu'on touche ici une problématique particulière de notre canton: il faut plutôt non seulement se réjouir et féliciter le Conseil d'Etat d'avoir réussi dans sa stratégie, mais il faut, Mesdames et Messieurs les députés, que nous nous employions toutes et tous à faire en sorte que cette prospérité soit également au rendez-vous quand nous terminerons notre mandat dans cinq ans. Evitez donc de miner cette prospérité...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Benoît Genecand. ...et faites plutôt en sorte de la protéger, c'est pour cela que nous vous encourageons à refuser l'initiative et à accepter le contreprojet proposé par le Conseil d'Etat.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative pour la suppression des allégements fiscaux a été lancée par le parti socialiste en même temps que l'initiative sur les forfaits fiscaux. Ces deux textes visent à supprimer deux mécanismes fiscaux utilisés par notre canton qui représentent des inégalités et une opacité fiscales qui ne sont plus acceptables. Ces deux mécanismes défient les limites du secret fiscal. En effet, en tant que citoyen, mais surtout salarié, comment ne pas être offusqué ou choqué de devoir payer son impôt jusqu'au dernier centime en fournissant jusqu'au moindre papier, alors que d'autres négocient un forfait fiscal ? Cela sans être contre le fait de payer un impôt convenu par la loi ! Pourquoi, en tant qu'entreprise locale, devoir payer un impôt jusqu'au dernier centime, alors que les nouveaux arrivés négocient le montant de leurs allégements ?

L'un de ces outils fiscaux concerne les personnes physiques et a déjà été traité par notre parlement, il sera soumis au peuple prochainement: il s'agit des forfaits fiscaux; l'autre concerne le sujet de ce jour, les allégements fiscaux accordés à des entreprises nouvelles ou qui se restructurent. Ces allégements sont présentés comme un outil économique indispensable au canton, mais si tel était le cas, pourquoi tant de secrets ? Pourquoi si peu de transparence ? Quelles sont les orientations de ce fonds indirect d'aide ? Quelles entreprises doivent prioritairement en bénéficier ? Faut-il privilégier des entreprises à haute valeur ajoutée ? Ou faut-il favoriser des entreprises qui pourront engager des personnes habitant ici ? Faut-il favoriser des entreprises qui font de la recherche ou de la haute technologie ?

A part des règles de procédure établies, comme on l'a dit, dans un règlement interne au Conseil d'Etat et dans un passage succinct du rapport de gestion du Conseil d'Etat, sous la politique M, les choses sont actuellement relativement secrètes. En page 113 de ce rapport d'activité du Conseil d'Etat, il est dit qu'il y avait 37 allégements en cours pour l'année 2013 et que 9 entreprises ont pu bénéficier de nouveaux allégements. La somme annuelle d'exonération pour ces 9 entreprises s'élève à environ 800 000 F et si l'on considère la situation au 1er janvier 2014, c'est-à-dire les 37 entreprises, les coûts que nous devrons couvrir en termes de manque fiscal représentent 928 millions. Si des entreprises ont besoin de conditions-cadres pour s'implanter et si elles ont besoin d'aide pour survivre ou pour se développer, pourquoi ne pas passer par une subvention de la promotion économique ? Car l'allégement fiscal équivaut pour la collectivité genevoise et pour l'Etat à une aide octroyée, qu'on le veuille ou non.

Dans d'autres régimes d'octroi d'aides financières, les entités qui les demandent doivent produire moult documents, moult évaluations, et cela de manière publique. Ici, nous avons des directives internes, mais couvertes par un secret fiscal très strict. Notre seule garantie d'application des règles internes au Conseil d'Etat, c'est une confiance accordée à ce dernier. Lorsque nous nous trouvons face à une somme de l'ordre du milliard, la question se pose de continuer à maintenir un outil aussi secret que celui-ci. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous vous demandons d'accepter cette initiative. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons entendu les intervenants des bancs d'en face, tous diplômés de l'école de bûcherons dans laquelle un seul diplôme est distribué: «Comment apprendre à scier la branche sur laquelle on est assis.» (Rires.)

Je ne vais pas vous donner tous les chiffres déjà énoncés, je crois que l'argumentaire qui a été fait est plus que probant. Je vais vous donner d'autres chiffres: 162 500 000 F. Mesdames et Messieurs les députés de gauche et des Verts qui ne sont plus luisants, puisqu'ils se sont mis au neutre... Ils vont s'abstenir sur ce projet de loi: c'est une grande marque de courage ! En somme, ils disent à la population qu'ils n'ont pas d'avis. Bien ! Moi, j'ai été élu pour prendre position, pas pour m'abstenir, et c'est ce que je vais faire à présent. Ces 162 500 000 F sont les impôts rapportés par les 5000 emplois créés grâce aux allégements fiscaux des entreprises qui viennent s'installer à Genève, parce que si ces allégements concernent les entreprises, ils ne concernent par les employés, Mesdames et Messieurs ! Et le calcul est bref: il s'agit de 5000 emplois, qu'on imagine généralement à forte valeur ajoutée, offrant en moyenne 130 000 F de revenu annuel par employé, formant ainsi une somme de 650 millions de francs par année imposés à 25% en moyenne, ce qui représente 162 500 000 F d'impôts qui entrent dans les caisses de l'Etat !

Evidemment, il n'est nul besoin d'avoir fait Saint-Cyr pour comprendre que pour dépenser de l'argent, il faut d'abord le gagner. Nul besoin non plus d'avoir fait Saint-Cyr... (Remarque.) Oui, mais à l'armée, on vous apprend au moins à compter, on espère! Nul besoin d'avoir fait Saint-Cyr pour comprendre que pour avoir un social efficace, il faut avoir de l'argent dans les caisses de l'Etat.

Je ne comprends pas, Mesdames et Messieurs les socialistes et d'Ensemble à Gauche, pourquoi vous n'arrivez pas à comprendre qu'il faut une économie forte pour faire du social efficace. C'est quelque chose qui m'échappe et que je n'arrive pas à comprendre même avec la meilleure volonté que je pourrais y mettre. Comprenez-vous que toutes les initiatives que les socialistes ont proposées à la population: 1:12, le salaire minimum et aujourd'hui les allégements fiscaux... Mais vous ne comprenez pas, Mesdames et Messieurs, que si vous tuez l'économie genevoise, comme je vous l'ai déjà dit dans cet hémicycle, à force de convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre ! C'est ce que vous êtes en train de faire, Mesdames et Messieurs !

L'économie genevoise nous est enviée à travers la planète: 450 000 habitants pour 8 milliards de budget que vous vous empressez de dépenser ! Si vous n'avez plus ces rentrées fiscales, que dépenserez-vous ? Que direz-vous à tous les gens que vous êtes censés défendre ? Vous leur direz qu'on ne peut plus augmenter les impôts, parce qu'ils sont plus élevés qu'en France et qu'on doit couper des prestations ? C'est là que vous voulez conduire la population genevoise ? Non, Mesdames et Messieurs, vous voulez de l'argent à dépenser, alors soutenez l'économie genevoise pour qu'elle reste leader en Suisse ! Nous faisons partie des quatre cantons contributeurs en Suisse, cela ne vous parle pas ? Cela ne vous illumine pas ? Cela ne provoque-t-il pas une révélation chez vous ? Une interrogation du type: «Pourquoi Genève, avec ses 450 000 habitants, fait partie des quatre cantons contributeurs ?» (Commentaires.) Franchement, parfois je me pose de sérieuses questions sur les capacités intellectuelles de certains. (Commentaires.)

M. Vincent Maitre (PDC). Ma tâche est difficile après l'éloquent discours qu'on vient d'entendre. La référence à Saint-Cyr était d'ailleurs tout à fait amusante, puisqu'il s'agit d'une école militaire dans laquelle un fabuleux dicton est détourné disant qu'en général lorsqu'un militaire n'est pas assez compétent pour faire carrière à Saint-Cyr, il finit policier. (Rires.) Je ferme la parenthèse. (Commentaires.) Exactement !

Concernant ce projet de loi, Monsieur le président, je crois que tous les membres de la commission fiscale ont entendu à réitérées reprises et quel que soit le sujet traité - pas celui-ci en particulier - que notre système fiscal genevois est archaïque, démodé, lourd et, ma foi, fort rigide, et c'est précisément pour cela que l'Etat a dû, au fil du temps, inventer ce que certains appelleront des «niches», d'autres des «exceptions» et d'autres encore des «incubateurs économiques» pour attirer tous les contribuables possibles à Genève.

Cela s'inscrit évidemment dans un contexte de fiscalité internationale empreint d'une concurrence acharnée. M. de Sainte Marie nous citait tout à l'heure les potentielles réprimandes de l'Union européenne et nous mettait en garde face à ses attaques si nous maintenions nos allégements d'impôts.

Monsieur Romain de Sainte Marie, vous m'excuserez, mais c'est un comble que vous fassiez mention des attaques de l'Union européenne pour nous alerter, alors que d'habitude, vous êtes plutôt enclin à nous dire qu'elle a bien raison de nous blâmer, tant notre politique fiscale est scandaleuse, inéquitable et suscite de nombreux problèmes pour les classes populaires, les moins privilégiées.

J'entendais M. de Sainte Marie nous dire que ce Conseil d'Etat, en maintenant les allégements fiscaux, manquait de vision et de stratégie politique. Je n'ai en revanche toujours pas entendu de votre part, ni de la part de votre parti, les premières propositions qui consisteraient à combler ce prétendu manque de vision stratégique.

Mme Orsini, dans la même veine, nous disait qu'il y a d'autres méthodes pour aider les sociétés qui auraient des problèmes de trésorerie ou des problèmes économiques. Là encore, nous n'avons pas entendu l'ombre d'une proposition, si ce n'est celle de faire appel à quelques subventions étatiques. Il faudra encore m'expliquer comment nous financerons ces subventions étatiques si nous n'avons plus de rentrées économiques.

Tout cela pour dire que le parti socialiste, je le déplore, et souvent l'extrême gauche avec lui - voire tout le temps - sape littéralement, dès qu'il le peut, les bases de ce qui fait une économie prospère en Suisse. Ce sont les termes qui ressortent le plus souvent des enquêtes effectuées auprès des sociétés, des employeurs et des acteurs économiques: l'un des critères prépondérants pour s'établir dans un pays est la stabilité fiscale et politique. Mesdames et Messieurs du parti socialiste et d'Ensemble à Gauche, malheureusement, vous vous ingéniez toujours plus à vouloir fragiliser et décourager ceux qui créent de l'emploi à Genève et ceux qui augmentent les recettes fiscales.

Mesdames et Messieurs, j'ai énormément de peine à comprendre, sous l'angle de l'égalité fiscale, pourquoi cet instrument est si néfaste pour Genève, alors qu'il sert principalement à deux choses: la première est de faire de Genève un pôle d'excellence dans différents domaines; on parle de la recherche, des cleantech, des biotechnologies, et l'arc lémanique, sans ces pôles d'excellence et d'attractivité, ne serait pas la région la plus dynamique de Suisse. Ces allégements fiscaux servent aussi à aider les sociétés en difficulté ou qui seraient au bord de la faillite. Nous leur proposons, sans aucun risque pour les finances genevoises, de les dispenser momentanément d'un impôt à certaines conditions, et si par impossible celles-ci n'étaient pas respectées par les sociétés, vous connaissez tous le système du «clawback» qui s'applique alors et oblige l'entreprise à s'acquitter de ce qu'elle n'a pas payé pendant plusieurs années.

Aider les entreprises qui sont en difficulté en leur donnant un coup de pouce financier pendant quelques années... Ce n'est pas un coup de pouce financier, c'est les dispenser de devoir encore davantage précipiter leur comptabilité dans les chiffres archi-rouges et de finir en faillite. Mesdames et Messieurs, cela a non seulement créé 5000 emplois, comme l'a justement rappelé le rapporteur de majorité, mais cela a aidé à sauver des milliers d'emplois à Genève !

S'opposer à cela, Mesdames et Messieurs du parti socialiste et d'Ensemble à Gauche, revient finalement à dire qu'à un enfant en train d'apprendre à nager et qui serait sur le point de se noyer il ne faudrait pas tendre la main pour lui faire sortir la tête de l'eau, par souci d'égalité avec les autres enfants qui, eux, auraient réussi du premier coup à garder la tête hors de l'eau.

Il s'agit d'une démarche non seulement dangereuse, mais qui nous conduira évidemment droit à notre perte en termes économiques, puisque - vous le savez, Monsieur de Sainte Marie - la concurrence fiscale sur le plan international est plus féroce que jamais. Vous savez pertinemment que les pays de l'Union européenne, tels la France, l'Irlande, la Belgique, l'Espagne, le Portugal et d'autres encore n'ont pas les mêmes scrupules que vous ou ont en tout cas plus de lucidité pour comprendre que ce sont les sociétés qui font tourner une économie...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Vincent Maitre. ...et qui donnent du grain à moudre à toute une partie de la population.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le sujet dont nous parlons ce soir est effectivement un gros dossier dont on aura encore largement l'occasion de reparler, puisque visiblement une belle majorité se dessine pour refuser cette initiative et proposer un contreprojet.

Dans le cadre de nos débats, la commission fiscale, que j'ai eu l'honneur de présider jusqu'à maintenant, a reçu beaucoup de gens venus nous parler de cette problématique et a effectué beaucoup d'auditions. J'en ai relevé une qui m'a beaucoup plu et dont les propos étaient fort intéressants. Je pense d'ailleurs que certaines personnes qui étaient plutôt favorables à cette initiative, par exemple les Verts, ont trouvé un intérêt assez grand à l'audition de M. Pascal Broulis, conseiller d'Etat vaudois, qui nous a expliqué l'intérêt des allégements fiscaux pour les entreprises.

Il faut rappeler que dans les années 90, connaissant un taux de chômage de 8%, voire plus, le canton de Vaud a entrepris une démarche assez agressive dans l'octroi d'allégements fiscaux pour les entreprises. Cela a permis de diminuer une dette qui était montée à 10 milliards, pour la baisser aujourd'hui à 500 millions. Cela a donné au canton de Vaud un grand dynamisme économique, et M. Broulis nous disait qu'aujourd'hui, je cite, «la Métropole lémanique est celle qui crée le plus de richesses. Au niveau de la solidarité nationale, cette région représente 15% des habitants, mais elle paie 25% de l'IFD». Mesdames et Messieurs, cette phrase veut tout dire ! Elle veut dire que sans ces entreprises, ces multinationales... Et je vous rappelle que les allégements fiscaux ne profitent pas seulement aux multinationales, mais également aux petites et jeunes entreprises, des JEDI. Ces nombreuses sociétés peuvent bénéficier pour des raisons diverses et variées d'un rabais fiscal. Cette économie forte nous permet de remplir notre tâche qui est d'assurer un social efficace.

Mesdames et Messieurs de la gauche, vous aimeriez aujourd'hui supprimer ces allégements fiscaux. Quel sera le résultat ? D'abord, il y aura des pertes fiscales sèches, cela est clair; ensuite, des entreprises vont s'expatrier. Comme on l'a dit tout à l'heure et comme je viens de le dire, notre voisin, le canton de Vaud, à quelques kilomètres d'ici, applique les allégements fiscaux et accueillera à bras ouverts, évidemment, ces entreprises qui ont encore besoin de ce dispositif pour pouvoir produire et créer de l'emploi et de la richesse.

Il me semble que ce qui posait problème dans les allégements fiscaux octroyés aux entreprises est la procédure qui est finalement peu connue, voire inconnue. On a parlé d'opacité, on voudrait nous faire croire qu'il y a des accords opaques entre le Conseil d'Etat et les entrepreneurs qui voudraient s'installer. Mais non, Mesdames et Messieurs, des règles, des normes et des directives au sein du Conseil d'Etat sont appliquées, il s'agit d'une réflexion effectuée en commun - oui ou non peut-on offrir un allégement à telle ou telle jeune entreprise, à telle ou telle multinationale - ce n'est pas un petit accord entre copains, ce sont bien des règles précises ! Celles-ci ne sont effectivement pas publiées sur Internet ou dans des livres de lois, mais elles sont simplement éditées à l'interne. C'est peut-être ce que la commission a trouvé intéressant: pourquoi ne pas publier ou afficher ces règles ? Le canton de Vaud l'a fait, il a publié le règlement d'application de la procédure d'octroi des allégements fiscaux et cela a calmé toute velléité d'une initiative de ce genre. Je pense donc qu'une démarche dans ce sens-là peut être effectuée par le département.

Un projet de loi a été déposé en commission fiscale et nous allons commencer à l'étudier prochainement. Il nous permettrait de proposer un contreprojet à cette initiative, qui permettrait ainsi une meilleure compréhension du système et une meilleure définition du type d'entreprises auxquelles nous voulons accorder un allégement fiscal, il définirait les possibilités et les conditions nécessaires pour l'obtention de cet allégement fiscal par une entreprise. On aurait ainsi une meilleure transparence dans l'application des règles. A mon avis, cela est très important pour que tout le monde comprenne le système et l'importance de l'allégement fiscal.

Mesdames et Messieurs, je vous propose évidemment de refuser cette initiative, à laquelle nous proposerons ultérieurement un contreprojet.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je voudrais rappeler que cette initiative du parti socialiste a récolté 13 000 signatures: elle est déjà un succès et une victoire pour le parti socialiste et pour Genève également, parce qu'elle a forcé le Conseil d'Etat - cela a souvent été dit en commission fiscale - à déposer un contreprojet indirect qui permettra enfin d'obtenir un peu de transparence dans ce débat sur les allégements fiscaux et les critères d'octroi de ces derniers.

Aujourd'hui, comment ces allégements fiscaux sont-ils octroyés ? Ils le sont de manière opaque ! Il y a une absence de critères transparents, en tout cas pour le public et même pour les députés que nous sommes. Y a-t-il des critères sociaux ? Eh bien, non. Y a-t-il des critères économiques, en tout cas écrits ? Non. Y a-t-il des critères environnementaux ? A ce jour, non plus.

Le seul critère qui existe - cela a été dit par le rapporteur de minorité Romain de Sainte Marie - est celui stipulant qu'une entreprise peut bénéficier d'allégements fiscaux si son activité est dans l'intérêt de l'économie du canton. Cela nous paraît très vague et le Conseil d'Etat l'a même reconnu en disant que le succès de l'initiative 150 socialiste «Pas de cadeaux aux multinationales: Initiative pour la suppression des allégements fiscaux» a permis «de mettre en lumière le fait que la pratique en la matière souffre actuellement d'un certain manque de transparence et suscite, par voie de conséquence, une méfiance légitime de la population» et d'une partie des députés de ce parlement.

Alors de quoi parle-t-on effectivement ? On parle d'allégements fiscaux au nombre de 183 depuis l'instauration de cet outil jusqu'en 2011, un peu moins, effectivement, ces dernières années, mais quand même. Cela représente, sur dix ans, environ 930 millions de francs, c'est-à-dire environ 100 millions par année, ce qui ne nous paraît pas, à nous socialistes, une somme anodine.

Quel a été l'apport de cette initiative en commission fiscale ? Elle nous a permis de discuter sereinement des différents critères que l'on voulait connaître sur l'octroi de ces allégements fiscaux, puisqu'on a bien compris que la majorité de ce parlement ne voudra pas les supprimer. Eh bien, au parti socialiste, nous avons décidé de travailler avec nos collègues pour obtenir un certain nombre de critères de transparence. Dans le cadre de ses critères de contrôle, le canton de Vaud a institué une sous-commission parlementaire en charge du contrôle de ces allégements fiscaux et de leur octroi, et qui vérifie que le Conseil d'Etat ne fait pas, tel le prince, ce qu'il veut et qu'il n'accorde pas ces allégements à n'importe quelle société.

Il existe également le «clawback» - on a cité ce mot barbare - c'est-à-dire le remboursement des allégements fiscaux octroyés en cas de départ précipité, je dirais, d'une entreprise qui aurait bénéficié de ce rabais et qui, comme par hasard, dès qu'elle n'en bénéficie plus, voudrait quitter le territoire cantonal pour aller vers de meilleurs cieux.

Les critères incluent aussi le fait d'avoir une stratégie de développement économique. En tout cas, dans la discussion sur les allégements fiscaux, on n'a pas vraiment vu de stratégie économique. Certains allégements sont destinés aux entreprises ayant leurs quartiers généraux ici, d'autres sont destinés aux start-up et à différentes sortes d'entreprises, mais il n'y a pas vraiment de stratégie définissant quelle entreprise on aimerait pouvoir attirer sur notre territoire par le biais de ces allégements. On parle effectivement, dans les critères à définir, d'en octroyer aux start-up, d'en octroyer dans le domaine des cleantech, des biotech et des nouvelles technologies et peut-être un peu moins aux quartiers généraux des multinationales qui vraisemblablement n'en ont pas vraiment besoin pour rester à Genève.

Et puis, les critères sociaux, dont on a très peu parlé mais qui sont aussi très importants, sont opaques, de nouveau, dans l'octroi des allégements aujourd'hui: il s'agit du respect des conventions collectives, de la formation et de la création de places d'apprentissage, et aussi du respect des droits humains et du développement durable par ces entreprises. Il y a aussi le critère très important de la création d'emplois - vous en avez parlé - ainsi que celui de l'investissement, que ce soit dans le bâtiment de l'entreprise, dans la recherche universitaire ou autre.

Tous ces critères sont légèrement repris dans le projet de loi que le Conseil d'Etat veut nous proposer comme contreprojet, mais pour nous, ce texte ne va pas du tout assez loin: il faudrait vraiment pouvoir déterminer de manière plus claire quels sont les critères que nous allons retenir en tant que Grand Conseil et quel contrôle on pourra effectuer pour voir ces critères appliqués.

Les allégements fiscaux sont le premier maillon de la chaîne de baisses de recettes que notre canton va connaître ces prochaines années. Ce premier maillon est important, parce que, comme je l'ai dit, il correspond à environ 100 millions par année d'impôts qui n'entrent pas dans les caisses, et cela fait partie d'une mosaïque - si l'on peut dire - de projets qui attendent notre Grand Conseil par rapport aux recettes fiscales.

On a abondamment parlé de la baisse d'impôts de 2009 qui nous fait perdre - on peut se battre sur les chiffres - entre 300 et 400 millions par année. On cite la réforme de l'imposition des entreprises, que l'on a aussi abordée en commission fiscale; on évoque ce taux à 13% qui devrait diminuer les recettes, selon les estimations du canton, d'environ 500 millions par année, sans compensation de la part de la Confédération; enfin, on parle de certains projets de lois, notamment celui du MCG en commission fiscale visant à renforcer le bouclier fiscal et proposant de baisser le taux d'impôt sur la fortune pour que les plus aisés de Genève contribuent moins, etc. Effectivement, ne mélangeons pas tout ! On parle des allégements fiscaux, mais nous sommes dans un débat général sur la fiscalité - j'y reviendrai peut-être plus tard, parce que je ne sais pas s'il me reste encore du temps - car il y a des cantons comme Schwytz ou Lucerne qui sont en train de revenir en arrière en se disant qu'à force d'effectuer des allégements et des baisses fiscales, on commence à manquer d'argent et à avoir des déficits structurels.

Je termine pour l'instant en disant à M. Stauffer - vous transmettrez, Monsieur le président - qui se demande si on ne scie pas la branche sur laquelle nous sommes assis, qu'il faut se poser la question: qui tient la scie ?

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Thomas Wenger. Merci, je conclus. Qui tient la scie, Mesdames et Messieurs les députés ? Quand on parle des allégements fiscaux, de la baisse d'impôts des entreprises, du forfait fiscal, du bouclier fiscal, de la baisse de l'impôt sur la fortune ou sur le revenu, je vous le dis, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont autant de trous dans la tirelire de l'Etat, qui va de plus en plus ressembler à de l'emmental plutôt qu'à un cochon. Eh bien oui, nous, les socialistes, en faisons tout un fromage, car dans le cochon tout est bon !

M. Stéphane Florey (UDC). Une fois de plus, le parti socialiste peint le diable sur la muraille et accuse les multinationales de tous les maux: pertes fiscales importantes, pression sur le logement, etc. Alors que, justement, ces multinationales sont porteuses d'emplois et de richesse pour notre canton. L'allégement fiscal est un outil de promotion économique important pour Genève. Cet outil a permis au canton de se maintenir à flot, alors que toute l'Europe a été dévastée par des crises financières successives. Il permet également - cela a été dit - de préserver un nombre conséquent d'emplois, 76 000 environ.

Il est clair que si ces allégements sont supprimés, toutes les multinationales ne partiront pas, mais imaginez simplement que deux, trois, voire quatre multinationales partent: on se retrouve avec 2000, 3000, 4000 ou 5000 chômeurs de plus ! A combien s'élèverait la facture sociale de ce surplus de chômeurs ? Et c'est là qu'il faut faire attention avec ce genre d'initiative: c'est qu'on parle de profiteurs, d'actionnaires qui font des bénéfices, mais pensez plutôt à ceux qui ont la chance d'avoir un emploi, pensez à ces 76 000 personnes qui comptent sur les multinationales pour faire vivre leur famille ! C'est pour cela qu'il est important d'avoir ces entreprises sur notre canton. Comme vous le savez, la fiscalité cantonale est quelque chose de complexe et si vous cassez la boîte à outils du Conseil d'Etat en supprimant une partie de ces outils, il ne pourra plus faire tourner la machine correctement. Et c'est là tout le danger de cette initiative.

Ce que veulent en fait les initiants, c'est appliquer un modèle à la François Hollande, dont la politique a fait perdre, en 2013, pas moins de 3,5 milliards d'euros de recettes, malgré de fortes hausses d'impôts, notamment pour les personnes physiques, et une baisse massive des subventions pour les plus démunis. Eh oui, Mesdames et Messieurs, c'est là qu'en est la France, aujourd'hui ! Elle a augmenté tous les impôts qu'il était possible d'augmenter, elle a réduit bon nombre de subventions au strict minimum pour ceux qui en avaient vraiment besoin. Est-ce vraiment cela que vous voulez ? Alors continuez ! Continuez avec vos initiatives qui ressemblent plus à du suicide fiscal qu'autre chose, parce que c'est bien cela que vous voulez, c'est casser l'économie du canton, affaiblir encore un peu plus les plus démunis et accentuer la dépendance de la population à l'égard de l'Etat.

Pour conclure, je citerai Jean Studer, un socialiste élu au Conseil d'Etat neuchâtelois il y a plusieurs années, qui, le jour de son entrée en fonction, a clairement dit: «Mesdames et Messieurs, on ne fait pas de social avec des caisses vides.»

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau clôt la liste. Restent inscrits: Mmes et MM. Bernhard Riedweg, Lionel Halpérin, Romain de Sainte Marie, Jacques Béné, Michel Ducommun, Magali Orsini, Renaud Gautier, Olivier Cerutti, Roger Deneys, Thierry Cerutti, Carlos Medeiros, Pascal Spuhler, Philippe Morel et Sophie Forster Carbonnier. Naturellement, nous passerons ensuite la parole au Conseil d'Etat. Je laisserai les rapporteurs intervenir à la fin, si cela vous convient ? (Remarque.) Très bien. Je passe la parole à M. le député Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Il y a une confusion entre les multinationales et les allégements fiscaux. Contrairement à ce que prétendent les initiants, les multinationales ne sont pas concernées par les allégements fiscaux. Il ne faut pas confondre ceux-ci et les statuts fiscaux. Les allégements fiscaux sont un moyen de promotion et de politique économique introduit il y a dix-huit ans à Genève.

En ce qui concerne les multinationales implantées à Genève depuis plusieurs années, elles sont taxées à hauteur de 11,65% contre 24,3% pour les entreprises suisses, impôts auxquels il faut encore ajouter la taxe professionnelle et l'impôt sur le capital, ce qui fait une imposition moyenne approchant les 29%. Pour le taux de 11,65% que paient les multinationales, on ne peut pas parler d'allégements fiscaux.

Sous la pression de l'Union européenne, il est question de fixer d'ici 2018 l'impôt à 13% pour toutes les entreprises confondues, ce qui occasionnera une perte de 450 à 500 millions d'impôts pour notre canton. Contrairement à ce que soutiennent les initiants, les allégements fiscaux sont nécessaires, car ils concernent des nouvelles sociétés qui s'implantent dans l'économie genevoise et auxquelles l'Etat accorde, pour une durée maximale de dix ans, mais en moyenne pour cinq ans, un allégement fiscal.

Ce dispositif n'est accordé qu'à des entreprises aux abois, financièrement parlant, afin d'éviter une faillite totale, ou à des entreprises qui veulent s'installer sur notre canton, car elles sont stratégiquement de la plus haute importance pour notre économie grâce à une très forte valeur ajoutée, comme les quartiers généraux de grandes sociétés internationales et des start-up, notamment.

Le Conseil d'Etat veut favoriser l'implantation et la création d'entreprises nouvelles susceptibles d'apports substantiels à l'économie du canton par le biais des investissements qu'elles effectuent et des emplois qu'elles créent, d'où l'octroi d'allégements fiscaux. En outre, l'octroi de ceux-ci ne peut être envisagé que si l'absence de concurrence est avérée. Chaque entreprise qui bénéficie de ce dispositif doit développer une activité nouvelle ou se situant dans une niche d'activité qui n'est pas encore présente à Genève. De plus, ces allégements fiscaux sont octroyés sur la base de critères bien définis, selon des procédures clairement établies et parfaitement codifiées. Il n'est donc nullement question d'opacité à ce niveau. Cet outil a pour objectif de revitaliser et de développer l'économie genevoise, qui sera bénéficiaire dans le futur, au cas où les sociétés en question réussissent leur envol.

Il est courant que ces sociétés ne fassent pas de bénéfices lors des premières années de leur implantation à Genève et ne soient donc pas taxées au niveau des impôts. L'apport des allégements fiscaux à l'économie locale se mesure par les impôts perçus sur le revenu, sur les salaires souvent élevés, relatifs aux emplois créés. L'allégement fiscal ne constitue donc pas une perte, mais un manque à gagner temporaire pour le canton. C'est un des rares terrains sur lesquels la loi fédérale laisse une latitude aux cantons et tous ont introduit de telles mesures. En supprimant cet outil de promotion, Genève ferait le lit de ses concurrents fiscaux et enverrait aux entreprises envisageant de s'établir dans le canton le signal néfaste qu'elles n'y sont pas souhaitées. Tant que ces sociétés ne font pas de bénéfices, il n'est pas question qu'elles s'en aillent après avoir bénéficié d'allégements fiscaux. En revanche, leurs perspectives sont favorables étant donné qu'elles ont des valeurs ajoutées importantes. Il ne s'agit donc aucunement de multinationales, comme le mentionne l'initiative !

En 2013, le canton de Genève a octroyé 9 allégements fiscaux qui ont permis de créer 109 emplois et l'impôt exonéré s'est élevé à 780 000 F, les impôts générés étant de 82 millions pour une masse salariale de 10,5 millions - cela a été dit. Mais depuis 2004, 59 allégements fiscaux - seulement, pourrait-on dire - ont été accordés à Genève, dont 37 déploient encore leurs effets en 2014. Il faut savoir que lorsque le Conseil d'Etat accorde un allégement fiscal, c'est avant tout avec un objectif de création d'emplois ! Ce dispositif est une subvention à la promotion économique et il n'a joué qu'un rôle marginal dans la croissance genevoise ces dernières années si l'on tient compte des chiffres annoncés plus haut.

Le Conseil d'Etat est disposé à ce qu'un contreprojet soit préparé, tout en recommandant le rejet de l'initiative. Il pourrait aider le Grand Conseil à élaborer un contreprojet ou à déposer un projet de loi, mais le gouvernement présente lui-même le projet de loi 11456. Par conséquent, l'Union démocratique du centre refusera cette initiative, elle vous invite à accepter le principe d'un contreprojet et demande aux initiants de retirer leur initiative.

M. Lionel Halpérin (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative, on l'a entendu tout à l'heure, est le fruit d'un malentendu. Visiblement, les initiants n'avaient pas compris la différence entre les statuts fiscaux et les allégements fiscaux au moment où ils ont rédigé leur initiative; cela a été souligné par la représentante Verte au sein de ce parlement.

Cette erreur initiale peut être pardonnée; chacun peut se tromper. J'entendais tout à l'heure M. de Sainte Marie nous dire que le Conseil d'Etat avait avoué ses péchés, mais qu'il n'était qu'à demi pardonné. Moi, ce que je constate, c'est que les initiants non seulement se sont trompés, mais n'avouent pas leur péché et maintiennent leur initiative, bien qu'ils se soient rendu compte en cours de route - et je crois que la compréhension est complète à présent, d'après ce que les rapporteurs de minorité nous ont expliqué - que cette initiative était fondée sur un malentendu: ils continuent à la promouvoir en sachant qu'ils se sont simplement trompés de cible.

Ce serait risible, si ce n'était pas aussi grave pour l'économie de notre canton, parce que le titre seul de cette initiative est déjà un danger pour Genève. Quand on lance une initiative qu'on appelle «Halte aux cadeaux fiscaux aux multinationales», on montre du doigt l'un des plus grands pourvoyeurs d'emplois du canton et on le fait sans se demander quelles conséquences cela aura ! A force de taper sur ces multinationales, Mesdames et Messieurs les initiants et notamment Mesdames et Messieurs du parti socialiste, nous aurons pour résultat que ces multinationales vont finir par se lasser, pas uniquement à cause des conditions fiscales, mais à cause de la manière dont elles sont accueillies dans notre canton, notamment par des représentants du peuple. Cela est inadmissible, cela aura un coût social malheureusement très élevé pour le canton et je crois qu'il serait temps que, dans les rangs de la gauche, on se rende compte de ce que l'on est en train de faire avec ces initiatives !

Au sein de la commission fiscale, un nombre important d'auditionnés ont été unanimes: cet outil est employé parcimonieusement. Il a été utilisé plus largement dans les années 90, effectivement, au moment de la crise économique pour relancer l'économie, parce que cet instrument est là pour cela, il permet et aide la relance de l'économie. Cet outil a été utilisé beaucoup plus parcimonieusement dans les années 2000, parce que la situation économique ne le justifiait plus autant. Cela a été dit, non par moi, mais par M. Hiler qui était aux commandes pendant toutes ces années-là. Il a expliqué de manière très claire, contrairement à ce qu'on essaie de faire croire, quels étaient les objectifs de l'utilisation de ces allégements fiscaux. Le premier objectif est de protéger l'emploi, il faut arrêter de le cacher, c'est l'objectif numéro 1, et l'on sait que 5000 emplois ont été créés grâce à cela. Les autres objectifs consistent à aider les entreprises qui peuvent former des partenariats avec l'Université, avec les HES, qui peuvent renforcer la recherche ou l'industrie dans notre canton. Ce que l'on a peu dit aujourd'hui, c'est que 29% - si je ne me trompe - de ces allégements ont été octroyés à des entreprises industrielles du canton.

En quoi consiste cet outil ? Il s'agit d'un des rares outils à disposition du Conseil d'Etat pour essayer de réorienter l'économie vers des niches ou des domaines que l'on considère comme utiles pour le canton. On l'a fait pour l'industrie, mais également pour des start-up en matière de biotech, dans le domaine médical et autres. C'est cela, l'objectif de ces allégements fiscaux. Cet objectif a été expliqué par les conseillers d'Etat en charge des finances et de l'économie du gouvernement précédent et du gouvernement actuel. Ce qui est aussi précisé, c'est que ces décisions sont rendues non pas dans un coin sombre d'un bureau du département des finances ou du département de l'économie qui décideraient seuls de ces allégements, mais elles résultent d'un accord du Conseil d'Etat in corpore. Ces décisions sont donc toujours prises en présence de conseillers d'Etat socialistes, à ma connaissance, qui les ont approuvées. Cela ne s'est pas fait dans le dos de l'un d'entre eux, et cela s'est fait sur la base des critères qui ont été définis ici.

Personne ne peut prétendre qu'il y ait eu un ou des abus à Genève dans l'octroi de ces allégements fiscaux. Ces abus ont pu survenir dans d'autres cantons, notamment dans le cadre de l'arrêté Bonny, mais on sait qu'à Genève, aucun exemple n'a été cité. D'ailleurs, il nous a été confirmé par M. Hiler, notamment, que ces allégements fiscaux n'ont jamais été octroyés à un groupe pétrolier, qu'ils n'ont jamais été donnés, à une exception près, à une entreprise de négoce international, et qu'ils n'ont jamais été accordés à des banques. Vous voyez bien que l'utilisation qui en a été faite est extrêmement éloignée de celle que vous avez décrite dans le texte de votre initiative.

Vous prétendez également que la transparence serait la vertu absolue. Or, on sait que dans ce domaine, puisque ces allégements fiscaux existent notamment pour aider les entreprises en difficulté, si l'on devait faire preuve de la transparence que vous souhaitez, le résultat serait que nous enverrions ces entreprises que l'on veut sauver, parce qu'on veut en préserver les emplois, à leur perte: parce que la transparence les désignerait alors comme étant dans une situation financière difficile, ce qui aurait des conséquences dramatiques pour elles. Il faut donc arrêter de prétendre que la transparence est toujours une vertu. Ce qui est important, c'est que le Conseil d'Etat puisse décider en connaissance de cause, qu'il ait les informations dont il a besoin - et c'est le cas ! Personne ne peut prétendre le contraire.

Le gouvernement, à juste titre, propose un contreprojet pour éviter de laisser croire à un manque de transparence actuel. Le seul but est d'éviter de persister dans une erreur qui visiblement était celle des initiants. Si tel est le but, nous pouvons soutenir ce contreprojet, mais il faut arrêter de dire que ces allégements fiscaux coûtent cher, comme il faut cesser de dire - ainsi que vous le répétez systématiquement - que les baisses d'impôts ont coûté cher au canton. La réalité - et vous devriez le savoir - c'est que ces baisses d'impôts ont été suivies à chaque fois, à Genève, par une augmentation des recettes fiscales et si vous pouviez vous tromper il y a dix ou quinze ans, quand nous avons procédé aux premières baisses d'impôts, en vous disant que peut-être toute baisse d'impôt serait suivie d'une baisse des recettes fiscales...

Le président. Il vous reste quarante secondes, Monsieur le député.

M. Lionel Halpérin. ...aujourd'hui, vous ne pouvez plus le prétendre: vous le savez, ces baisses d'impôts, parce qu'elles sont bien orientées, parce qu'elles sont étudiées pour permettre justement une relance de l'économie, ont permis au contraire à notre canton de prospérer.

Par conséquent, je vous le demande, Mesdames et Messieurs les initiants: est-ce de l'aveuglement ou est-ce une volonté de nuire qui vous conduit à lancer des projets de ce type-là, qui ont pour seul objectif de causer un tort considérable à l'économie de notre canton ? (Applaudissements.)

M. Michel Ducommun (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai commencé par me demander, puisque je suis relativement nouveau dans cette salle, ce qui est le plus caractéristique dans ce que j'ai vécu depuis le mois de novembre. J'en ai conclu: «économie, économie, économie; dette, dette, dette; on n'a plus les moyens, on n'a plus les moyens, on n'a plus les moyens». C'est dit dans un canton très riche ! Ce que j'ai entendu, c'est que dans ce canton riche, on n'a plus les moyens. Je donne deux exemples: au niveau de l'éducation, entre 1980 et 2012, durant ces trente-deux ans, il y a eu 15% d'augmentation du nombre d'élèves et 25% de diminution du nombre de professeurs. Ces chiffres-là ont de quoi faire réfléchir et se dire: «On est beaucoup trop généreux, voyons ! Quand il y a plus d'élèves, mettons moins de profs, ainsi cela marchera peut-être mieux.» Moi, je n'y crois pas !

Je continue en prenant un autre exemple: le PLR a élaboré un projet de loi actuellement en discussion et dont l'objectif est le frein à l'endettement à travers un frein aux dépenses et un «personal stop». On ne pourra plus, jusqu'à ce qu'on parvienne à diminuer la dette d'à peu près 6 milliards, engager un fonctionnaire de plus - le MCG aura peut-être des problèmes par rapport à la police ! La seule possibilité étant que si on crée un poste supplémentaire, on en supprime un. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que ce projet de loi du PLR souhaite voir appliquer une diminution des charges de 167 millions par année. Chaque année, les charges de l'Etat devront être inférieures de 167 millions aux charges de l'année précédente. Si on ajoute à cela une probable diminution des recettes, vu la modification de la fiscalité des entreprises, on parvient à environ 500 millions de moins chaque année.

Il s'agit donc d'un projet de loi visant à diminuer la dette, qui risque d'obtenir une majorité et qui prévoit une réduction des dépenses de l'Etat de 700 millions par année ! Je vous propose de réfléchir à ce que cela aurait comme signification pour les prestations offertes à la population en termes d'éducation, de santé ou de social.

D'autre part, on nous dit que ces allégements octroyés aux entreprises sont essentiels, car si on les supprime, c'est la mort économique de Genève. Ce que je trouve intéressant, c'est de dire qu'il est nécessaire de faire des cadeaux aux entreprises pour la réussite économique de notre canton et de présenter exactement le même argument pour dire que la fiscalité est beaucoup trop lourde à Genève pour les riches: «Notre Etat est trop gourmand, il a le plus haut taux de fiscalité sur la fortune», etc. Genève est trop gourmande, cela fait fuir les riches et plus ils fuient, plus ils sont nombreux ! Il y a quand même un petit problème mathématique, ici !

Notre canton a la plus forte densité de millionnaires et de milliardaires... (Protestations.) ...mais alors il ne faut pas en même temps dire qu'on les fait fuir ! (Commentaires. Protestations.) Il y a un problème, car les cadeaux que vous leur faites leur permettent de devenir de plus en plus riches et non de fuir Genève parce qu'on leur en demande trop ! Genève a environ trois à quatre fois plus de milliardaires, en fortune, que Zurich... (Commentaires. Remarques.) Je pense que quand on parle de milliardaires, cela fait beaucoup de zéros, il est donc difficile de se représenter ce que cela veut dire. Alors j'ai fait un calcul. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il concerne quelqu'un possédant une fortune de cinq milliards... (Brouhaha.)

Le président. Chut ! S'il vous plaît !

M. Michel Ducommun. En tenant compte uniquement du rendement de sa fortune, cette personne peut acheter une Rolls-Royce chaque jour ! (Exclamations. Protestations.) Vous pouvez applaudir, mais quand au même moment... (Brouhaha. Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Michel Ducommun. ...l'Hospice général a des problèmes, parce que trop de personnes ont besoin de l'aide sociale, vous pouvez applaudir, ces deux extrêmes qui existent à Genève vous plaisent peut-être, mais si vous n'êtes pas sensibles à l'inégalité qui est décrite, je pense que vous manquez fortement de sensibilité.

L'autre élément dont je voulais parler aussi, c'est que vous estimez que d'un côté «on n'a plus les moyens de», et là, 200 millions en plus dans les caisses de l'Etat, vous considérez que cela n'est pas possible. Je trouve qu'il y a une contradiction entre dire qu'on ne peut pas et qu'on peut se passer de 200 millions sans problème.

Enfin, juste une petite remarque à M. Stauffer concernant son calcul - bonjour ! Vous avez dit que grâce aux 5000 emplois créés, 160 millions d'impôts étaient perçus; mais en même temps l'allégement engendre 200 millions de revenus en moins: je pense que vous savez tous - et pas uniquement moi qui suis matheux - que 160 millions, c'est moins que 200 millions ! (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier (PLR). J'étais un peu distrait, parce que l'écoute des perpétuelles litanies ou lieux communs sur la fiscalité, dans le fond, me fatiguait un peu. Mais j'ai quand même été attentif: c'est probablement parce que nous entrons dans une période religieuse tout à fait favorable à l'éclairage par le haut. Deux arguments paraissent assez intéressants. D'abord, notre excellente collègue du Jura nous a expliqué, somme toute, que ce qui dérangeait était le côté secret. Le problème n'est donc pas la fiscalité, c'est que tout le monde ne peut pas forcément comprendre qui paie moins et pourquoi. Oh, la belle affaire ! Il s'agit donc de pouvoir dire: «Tiens, toi tu paies tant et toi, tu paies moins.» On sait où l'abandon du secret, qu'il soit bancaire ou fiscal, mènera.

Il y a donc une volonté de certains dans cette salle de supprimer le secret fiscal de façon à savoir, avec ce petit côté piquant permettant de comparer les uns aux autres, qui paie quoi et combien. Cela est d'autant plus vrai pour les entreprises. Celles-ci viennent à Genève, c'est un scandale, elles paient des impôts, mais pas autant qu'elles le devraient ! On oublie juste une chose: les entreprises, d'une manière générale, ont des employés qui consomment, paient des impôts et ne bénéficient en tout cas pas de forfaits fiscaux.

Alors, on peut pousser le raisonnement plus loin et faire un peu comme Ensemble à Gauche: on élabore une initiative pour la diminution du prix du ticket de tram et on va se retrouver avec 120 places en moins aux TPG ! Je vous pose la question, Mesdames et Messieurs de gauche: est-ce cela que vous voulez ? Si tel est le cas, rappelez-vous une chose: Genève est le canton de Suisse qui paie le plus par habitant - et de beaucoup - pour sa fonction publique. Comment allez-vous résoudre cette équation une fois que vous aurez tué la poule aux oeufs d'or ? (Applaudissements.)

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je suis très modestement un chef d'entreprise. J'ai été apostrophé hier soir, comme plusieurs de mes collègues ici, parce qu'on n'employait pas assez de Suisses ou de Genevois. J'aimerais dire ceci: quand le chef d'entreprise arrive au 15 du mois, la première question qu'il se pose est de voir où en sont ses comptes en banque. Le respect veut que l'on paie d'abord son personnel et ses factures. Je crois donc qu'il est important de relever ici qu'un chef d'entreprise qui gagne sa vie, une entreprise qui fonctionne, oui, elle paie des impôts. Mais la même société anonyme, qui fait des pertes, Mesdames et Messieurs, elle ne paie plus d'impôts et elle peut reporter ceux-ci pendant plusieurs années.

Ce dont j'ai envie ce soir, ce n'est pas de vous faire une diatribe sur le monde de l'entreprise ou sur l'entrepreneur. Tout a été dit sur cette initiative, mais je crois qu'il est important de restaurer la confiance. Si nous voulons continuer de vivre avec un taux de places d'emploi de 140%, c'est-à-dire que lorsqu'il y a 14 postes de travail à Genève, il n'y a que dix résidents qui peuvent les occuper... Imaginez quel canton, ce soir, peut se prévaloir d'avoir cette capacité-là et quel canton pourrait en arriver à se dire qu'il va mettre un frein à tout cela et rétablir le doute !

Les entrepreneurs qui viennent travailler à Genève le font parce qu'il y a une certaine confiance. La confiance, c'est le «win-win», c'est le rapport entre l'Etat, l'entrepreneur et les employés. Il est important de rappeler cela, parce que si cette confiance n'existe plus, les gens ne viendront plus. Je crois donc qu'il faut rester prudent, qu'il faut éviter de monter à tout moment les uns contre les autres et qu'il faut travailler ensemble; c'est ainsi que Genève sera gagnante. Je vous invite donc à suivre la proposition du Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que mon préopinant a raison quand il dit qu'il faut rester prudent et que la question de la fiscalité n'est certainement pas un exercice facile, à prendre réforme fiscale après réforme fiscale et à considérer pour elle-même. Il faut envisager les recettes fiscales cantonales comme un tout et comme une perspective de développement économique, social et écologique de notre canton. Nous ne pouvons pas considérer la fiscalité par tranches de saucisson, souhaiter la réduire pour les personnes physiques - moins 400 millions - vouloir la réduire pour les entreprises - moins 800 millions - ainsi que pour la fortune et souhaiter encore, pour certains, faire des dépenses supplémentaires de prestige, comme une traversée du lac, de la rade, etc.

Je crois qu'aujourd'hui il faut regarder la réalité, et celle-ci ne correspond pas aux déclarations de l'apothicaire Stauffer tout à l'heure: Mesdames et Messieurs les députés, il faut rappeler une chose, c'est que la réalité, c'est cela ! (L'orateur montre à l'assemblée une feuille de papier contenant un graphique.) C'est l'augmentation de la dette depuis que le PLR et le MCG sont au pouvoir dans ce Grand Conseil... (Exclamations. Commentaires.) ...et ont voté une baisse d'impôt en 2009 qui coûte, cela est très clair, 400 millions de recettes fiscales en moins par année et qui a fait exploser la dette qui est sur ce graphique de 10,5 milliards à presque 13 milliards aujourd'hui ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est la réalité économique des apothicaires Stauffer et compagnie, du PLR et du MCG !

Je crois qu'il faut prendre cet élément comme illustration des problèmes que nous connaissons aujourd'hui. Certes, changer la fiscalité de certaines entreprises au bénéfice d'allégements fiscaux est problématique pour elles et il est délicat de changer le système. En même temps, quand on veut accorder des rabais fiscaux à certaines catégories de la population, comme les grandes fortunes avec le bouclier fiscal - moins 40 millions - eh bien, il faut se poser la question de savoir où nous allons trouver cet argent ! Je n'ai pas de problème à dire: «Ne touchons pas aux allégements fiscaux, parce qu'il s'agit d'un instrument particulièrement utile.» Mais alors, si vous êtes cohérents et que vous vous préoccupez réellement de la dette, il faut trouver de nouvelles recettes ailleurs ! (Commentaires.) Et ce graphique l'illustre bien, Mesdames et Messieurs les députés: vous en êtes incapables ! Depuis votre baisse d'impôts, la dette a explosé, parce que vous êtes incapables de faire... (Protestations. Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Roger Deneys. ...vous êtes incapables de faire des économies sensées de même niveau. A mon avis, il faut aujourd'hui se demander si nous devons toucher à cet outil par rapport à d'autres, ou si nous devons favoriser d'autres catégories de contribuables. Je n'ai pas forcément la réponse, je ne peux pas dire si cet outil est meilleur par rapport à d'autres, mais je suis d'avis qu'il faut se poser globalement la question.

La dette a explosé depuis 2009, suite à vos décisions, et je pense qu'elle va s'amplifier si vous ne prenez pas des mesures pour avoir aussi de nouvelles recettes fiscales. Je crois que même le Conseil d'Etat, pas spécialement gauchiste aujourd'hui, semble conscient du problème que pose le niveau actuel des recettes fiscales par rapport à la dette, qui nous coûte plus de 250 millions en intérêts par année, et par rapport aux dépenses sociales dans un canton qui voit justement s'agrandir l'écart entre les plus riches et les plus pauvres. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai envie aussi, comme M. Ducommun, de l'illustrer par un exemple très récent: vous voulez renoncer à 200 millions de recettes fiscales supplémentaires en maintenant ces allégements fiscaux, et qu'avons-nous entendu ce mercredi à la commission des finances ? Le PLR, pour sauver ce canton qui a 13 milliards de dettes, propose de couper 200 000 F sur une subvention d'un million de francs à l'Université ouvrière de Genève ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est cela la réalité du PLR aujourd'hui, c'est effectuer des coupes dans des prestations destinées à des adultes en formation, qui sont défavorisés et qui essaient de s'intégrer à Genève, c'est cela la réalité ! C'est le modèle du développement de Genève que veut le PLR aujourd'hui et cela est totalement incompréhensible pour les socialistes !

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, soyons clairs: peut-être que certains allégements fiscaux doivent être maintenus, mais il est certain qu'on ne peut pas les maintenir et vouloir encore accorder des cadeaux fiscaux à d'autres catégories de la population. Dans ce sens-là, la question posée par cette initiative est légitime et il est légitime que le peuple puisse au minimum se prononcer, ce qui sera le cas. Mais en réalité, si vous êtes soucieux de l'état de la dette, il faut accepter cette initiative aujourd'hui. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Thierry Cerutti.

M. Thierry Cerutti. Je renonce.

Le président. Bien. Je passe donc la parole à M. Carlos Medeiros.

M. Carlos Medeiros (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Deneys que le MCG - qui n'est malheureusement pas aux commandes du gouvernement, parce qu'autrement les choses seraient allées beaucoup plus vite - se fait du souci par rapport à la fiscalité. Vous savez bien pourquoi: parce que nous faisons partie de ceux qui paient. Eh oui, nous faisons partie de ceux qui travaillent !

J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. Cerutti, parce qu'effectivement quand on est entrepreneur, et c'est mon cas, le souci principal est de savoir si, à la fin du mois, il reste l'argent nécessaire pour payer les gens, parce que si je gagne bien ma vie ou pas, cela intéresse peu mes collaborateurs. Ce qui les intéresse, eux, est de savoir s'ils vont toucher leur salaire.

La plupart des députés des bancs d'en face sont ce qu'on appelle des permanents - ce qui me fait toujours rire, parce que moi aussi je suis en permanence sur le pont, car je suis obligé de veiller à la bonne marche de mes affaires. Un permanent de gauche, c'est quelqu'un qui est membre d'un système associatif, d'un syndicat, et effectivement il n'a pas beaucoup de souci à se faire, parce que d'une façon ou d'une autre il y aura toujours des pigeons qui paieront les cotisations pour qu'eux à la fin du mois encaissent leur argent. C'est facile, Mesdames et Messieurs, c'est très facile.

Que dire de la moitié de l'Europe qui, en ce moment, coule justement parce qu'elle n'arrive pas à trouver les recettes pour faire du social ? Chypre, Malte, le Portugal créent des instruments d'attractivité pour les multinationales et offrent même des passeports à qui investit un demi-million d'euros. Mais non ! Nous, ici, de quoi discutons-nous ? Nous, nous n'aimons pas.

Vous avez un problème dogmatique ! C'est ça, la question, c'est que votre problème finalement, c'est quoi ? C'est un problème dogmatique. Ça vous énerve, je comprends, c'est propre à l'être humain d'être envieux, mais arrêtez cette jalousie !

Tout ce qu'on demande... Le MCG étant un parti pragmatique, qu'est-ce qu'on se dit ? On se dit qu'il faut bien que quelqu'un paie des impôts pour qu'on puisse les redistribuer à ceux qui en ont le plus besoin, mais à un moment donné, si plus personne ne paie, comment va-t-on faire ? On me parle de la dette - vous transmettrez à M. Deneys - mais c'est facile ! Ce qui est très intéressant, c'est que vous vous souciez de la dette et du déficit, mais quand vient le moment de voter des lois «arrosoirs», quand il s'agit de donner à tout-va, là, vous ne vous faites plus de souci ! Qu'est-ce que ça signifie ? Vous vous souciez des recettes, donc des entrées, quand ça vous arrange, mais quand il faut dépenser à tout-va, on ne vous écoute plus: c'est pour le Tiers-Monde, c'est pour la coopération internationale, c'est pour tout, sauf... (Remarque.) Monsieur Deneys, nous avons voté avec vous, alors... (Remarque.)

Le président. Chut ! Monsieur Deneys !

M. Carlos Medeiros. Non, nous n'avons pas de problème de ce genre ! S'il faut aider les résidents genevois, nous sommes toujours présents et nous le démontrons tous les jours ! Mais arrêtons vos combats d'arrière-garde ! Des combats dogmatiques, contre les riches ! (Brouhaha.) Parce que, Mesdames et Messieurs, tant qu'il y aura des riches - vous transmettrez à M. Ducommun, qui prétend que nous avons dans ce canton le plus grand nombre de milliardaires - je serai très heureux; j'aimerais qu'il y en ait de plus en plus, parce que ce sont ces milliardaires qui font que vous pouvez garder votre argent et le distribuer à tout-va !

Fin du débat: Session 9 (juin 2014) - Séance 57 du 06.06.2014

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite un bon appétit. Nous reprenons à 20h30.

La séance est levée à 19h.