République et canton de Genève

Grand Conseil

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IN 152-nc
Initiative populaire : Pour une traversée de la rade
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 13 et 14 février 2014.
IN 152-C
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier l'initiative populaire 152 : "Pour une traversée de la rade"

Suite du débat

Le président. Nous reprenons notre ordre du jour où nous l'avions laissé. Pour des questions d'organisation, il faudrait que nous puissions enlever tous les noms de la liste des personnes ayant demandé la parole; en effet, ces noms sont inscrits à l'envers. Je vais vous appeler les uns après les autres pour que vous puissiez appuyer sur le bouton dans l'ordre où vous étiez inscrits avant de partir. (Le président appelle dans l'ordre chacun des députés ayant demandé la parole.) Nous avons donc retrouvé l'ordre initial. Je passe la parole à M. Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Je suis très honoré d'être le premier orateur pour la reprise de ce débat. Concernant le financement de l'initiative 152 de l'Union démocratique du centre, le coût total du tunnel et des mesures d'accompagnement sur les quais, le pont du Mont-Blanc et au centre-ville pourrait s'élever à plus d'un milliard. La capacité d'investissement du canton s'étant resserrée, une démarche d'étude du financement de cette traversée pourrait être un partenariat public-privé, d'autant plus que nous devons éviter le frein à l'endettement. Des organismes comme un fonds d'investissement souverain, qatarien par exemple, ou norvégien - ils ont de l'argent - un hedge fund, une société à capital-risque, un groupe de caisses de pension suisses ou étrangères seraient intéressés à financer ces infrastructures moyennant une garantie d'un seuil de fréquentation et une promesse de rendement comparable à celui d'un emprunt obligataire ayant un rating double A... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! (Le président agite la cloche.)

M. Bernhard Riedweg. ...qui est celui du canton de Genève. Des épargnants locaux, utilisateurs ou non de cet ouvrage, pourraient souscrire à un tel emprunt, ainsi que des investisseurs privés suisses et français notamment. Un appel d'offres pourrait être souscrit par un syndicat de banques, car elles disposent d'importants volumes d'argent qui ne demandent qu'à être investis à des taux d'intérêt attractifs. L'UDC de Genève a déposé un projet de loi pour que la taxe auto aille au financement d'infrastructures utiles aux automobilistes, ce qui pourrait apporter une solution partielle au financement de cet ouvrage. Comme vous pouvez le constater, notre minorité est déterminée à vous demander d'accepter l'initiative 152 pour une traversée urbaine de la rade sans lui opposer un contreprojet de traversée du lac autoroutière. Merci, Monsieur le président.

Mme Caroline Marti (S). Je vais passer très rapidement sur la question de la traversée de la rade, puisque beaucoup de choses ont déjà été dites par mes collègues. Le parti socialiste considère cette initiative comme totalement inutile et même nuisible pour la question de la mobilité à Genève, puisqu'elle augmenterait le trafic au centre-ville et, de ce fait, les bouchons. Cette initiative, nous la considérons comme électoraliste et totalement inappropriée à la situation genevoise actuelle.

J'aborde maintenant la question du contreprojet de manière plus approfondie. On nous propose donc de formuler un contreprojet à cette initiative pour régler les problèmes de circulation qui existent à Genève; et, l'hypothèse la plus fréquemment formulée, c'est celle d'une traversée autoroutière du lac. Personnellement, je peux comprendre la logique d'une telle traversée, mais uniquement dans l'optique d'une agglomération autour de laquelle les habitants circuleraient et dans laquelle ils pénétreraient avec les transports publics, et au centre de laquelle ils se déplaceraient par la mobilité douce. Force est de constater que cette vision de la mobilité est très loin de la réalité que nous connaissons à Genève actuellement, j'en veux pour preuve le projet du parking des Clés-de-Rive, qui permet aux automobilistes d'arriver au coeur du centre-ville et de laisser leur voiture à cet endroit; une deuxième preuve serait le projet des deux cents rues piétonnes voté par le peuple mais dont nous n'arrivons pas à mettre en oeuvre l'application. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais vous demander une chose: une traversée du lac, pour quoi faire ? Une traversée du lac pour desservir les multiples nouveaux quartiers apparus sur la rive gauche ces derniers temps, où vivent des milliers de familles ? Ces quartiers, vous le savez, n'existent pas. Serait-ce pour desservir les nombreuses aires d'activités implantées sur la rive gauche, qui abritent une multitude d'entreprises et des start-ups dynamiques produisant de l'emploi et des richesses ? Non, parce que ces aires d'activités n'existent pas. Serait-ce pour permettre aux frontaliers de la région d'Annemasse, par exemple, ou de Gaillard, de venir travailler à Genève pour faire fonctionner nos entreprises, nos institutions publiques qui ont besoin de main-d'oeuvre ? Il suffit de regarder la carte de la région pour voir que depuis Annemasse, depuis Gaillard, il est très peu probable que ces personnes prennent leur voiture, montent jusqu'à Vésenaz, traversent jusqu'à Bellevue - ils ne vont pas s'arrêter à Bellevue parce que leur emploi ne s'y situe certainement pas - et remontent jusqu'au centre-ville. Cette probabilité est totalement absurde. Ce que j'en conclus, c'est que cette traversée du lac ne servirait qu'à un trafic résiduel, à un trafic de passage d'une rive à l'autre qui ne correspond pas à la masse principale du flux de trafic actuel dans le canton et l'agglomération genevoise.

Ce que je voudrais aussi vous demander, Mesdames et Messieurs les députés, c'est la chose suivante: 4 milliards pour un pont, aussi beau, aussi élégant soit-il, est-ce un investissement opportun ? (Commentaires.) 4 ou 5 milliards, cela dépend des estimations. (Commentaires. Remarque. Le président agite la cloche.) C'est vous qui le dites. Imaginez, Mesdames et Messieurs les députés, ce que nous pourrions faire, ce que pourrait faire le canton de Genève avec ces milliards, 4, 5 ou 8, peu importe... Personnellement, j'ai la volonté de pouvoir construire du logement, du logement en LUP, de pouvoir mettre à disposition des terrains constructibles pour créer des coopératives, pour offrir à la population des logements à loyer modéré, abordables pour la totalité de la population. Mesdames et Messieurs les députés, partagez-vous également ma préoccupation de rénover les bâtiments scolaires, qui en ont largement besoin ? Partagez-vous aussi mon souci d'augmenter les places dans les institutions pour les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, qui, pour certaines, attendent durant des mois voire des années avant de trouver une place correspondant à leur besoin ? Partagez-vous également mon souci de renforcer le filet social, de permettre la mise en place d'une école inclusive, d'investir dans la recherche et le développement qui font notre force aujourd'hui, mais pour lesquels nous dépendions jusqu'à maintenant de financements de l'Union européenne qui risquent d'être compromis depuis ce week-end ?

Mesdames et Messieurs les députés, cette liste est non exhaustive, et c'est ce dont je rêve, c'est ce que je souhaite pour Genève. Je pense que cette liste non exhaustive correspond aussi aux souhaits des Genevoises et des Genevois, et c'est exactement ce qu'ils attendent de nous. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de faire une pesée d'intérêts entre toute la liste de politiques publiques et d'investissements que je viens d'énoncer et la réalisation d'un seul projet, celui de la traversée du lac, qui, du point de vue de mon parti mais aussi de celui de la Confédération, n'est pas d'une utilité immédiate dans la situation actuelle du canton de Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Michel Ducommun (EAG). Je vais vous épargner des commentaires techniques, parce que c'est la réflexion politique et écologique qui me semble centrale. Premier élément, c'est à mon avis une illusion absolue de croire que la fluidité du trafic, grâce à quelques milliards de dépenses, peut être garantie dans une situation où il y a aujourd'hui 217 000 voitures privées, 15 000 véhicules de livraison, assez souvent en ville, 500 000 entrées et sorties par nos frontières par jour. On nous avertit que ces chiffres vont augmenter de 20% par an. En 2020, ce ne sera pas la catastrophe ? On nous dit que l'augmentation sera constante. Le nombre que j'ai indiqué montre clairement qu'il est impossible d'avoir une fluidité du trafic sur les 16 km2 de la ville de Genève, disons les 40 km2 avec l'agglomération, avec ce nombre de 300 à 400 000 voitures, et de laisser la place aux transports en commun. Je pense donc que c'est une illusion de vouloir dépenser 1,5 million sur un projet, 3,5 sur l'autre... Millions, millions ! Je voulais dire milliards ! Excusez-moi, on ne devrait pas faire ce genre d'erreurs. On est à peu près à 5 milliards, puisque la plupart des partis de droite se sont dits favorables aux deux solutions. 5 milliards pour ne pas résoudre un problème: comme gaspillage, c'est difficile de faire mieux ! Et je répète que ce n'est pas d'abord un argument financier ou technique: il y a en effet la question écologique. M. Stauffer a dit qu'on aurait bientôt des voitures écologiques, etc. C'est un beau rêve ! La réalité, c'est qu'on est en train de détruire le climat de manière irréversible et que le trafic motorisé est un des... (Commentaires.) Je sais que beaucoup pensent qu'il est complètement ridicule de se faire du souci sur la question du climat. Je dis simplement que d'après tous les gens sérieux du point de vue scientifique, si nous continuons de favoriser la dégradation du climat, le réchauffement, ce sont des centaines de millions de morts que nous allons compter. C'est ça, la réalité ! (Commentaires. Rires. Le président agite la cloche.) Oui, vous pouvez rire ! Le déni de cette menace... Quand on ferme les yeux sur une menace, cela rassure peut-être, mais cela ne permet pas de connaître la réalité. Et effectivement, si l'on arrive - et même la Banque mondiale l'a dit - à plus de 4 °C d'augmentation de la température, à quelque chose comme plus de 1 m d'augmentation du niveau de la mer, il y aura des situations... (Brouhaha.) Il y a déjà des résultats actuels ! Tout le corail existant dans le monde est en train de mourir. (Remarque.) Et je m'excuse, vous pouvez l'accepter ou pas, fermer les yeux là-dessus me semble dangereux.

Deuxièmement, je crois qu'on oublie à propos de l'écologie le problème de l'épuisement des matières premières. M. Stauffer parlait des voitures électriques qui seraient écologiques. J'aimerais faire remarquer deux choses: d'abord, pour construire des voitures, on a besoin de matières premières. En 2050, on aura épuisé les ressources de notre planète telles que le zinc, le fer, l'argent, le plastique, beaucoup des éléments qu'on utilise pour construire les voitures, y compris les terres rares. Ce qui veut dire qu'on pourra peut-être, dans cinquante ans, construire des voitures en pierre ou en bois, mais plus du tout avec les éléments qu'on a maintenant. Et on ne pourra pas les faire avancer à l'électricité, parce que ce qui est à la base des piles et du principe qui les fait avancer aura disparu. Je pense donc que si l'on est un tout petit peu conscient de la réalité des dangers écologiques qui nous menacent, on est forcé d'arriver à la conclusion que la voiture a un avenir limité, que dépenser des milliards pour essayer de croire qu'on pourrait avoir la fluidité du trafic et une possibilité de mobilité pour que chacun ait sa voiture... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence.

M. Michel Ducommun. ...est une illusion qui me semble très dangereuse, grave, et qui me paraît la traduction d'un manque de sens des responsabilités de la part de ceux qui estiment que ce que je suis en train de dire là, ce sont simplement des bêtises, et qui s'en fichent. Je pense que, dans quarante ans, leurs enfants le regretteront amèrement. (Applaudissements.)

Mme Marion Sobanek (S), députée suppléante. S'agissant de la perception de la traversée de la rade, je remercie beaucoup mon préopinant d'avoir attiré l'attention sur ces problèmes que j'appellerai quand même un peu générationnels. Qu'avons-nous comme moyenne d'âge dans cette assemblée ? Si j'étais très gentille, je dirais cinquante ans, mais je dirai plutôt autour de soixante ! (Commentaires.) Cinquante-deux ans ? Tiens tiens, si seulement ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence.

Mme Marion Sobanek. Cela veut dire que nous sommes d'une génération qui a adoré la voiture. Moi aussi, j'adore la voiture !

Le président. Adressez-vous au président, Madame, s'il vous plaît !

Mme Marion Sobanek. Sur le pont du Mont-Blanc, dans un bouchon, je pense évidemment ce qui vient tout de suite à l'esprit: si nous avions une autre traversée, cela irait plus vite. Seulement, si l'on se plonge dans les dossiers techniques que vous avez tous à disposition dans le rapport, on voit très bien que la solution n'est pas du tout celle de la traversée de la rade. Les problèmes d'accrochage ont déjà été mentionnés, de même que ceux des nappes phréatiques - parce qu'il s'agit de plusieurs nappes phréatiques; et là, j'aimerais revenir à ce qu'a dit M. Ducommun. Les simulations sur le réchauffement du climat à Genève montrent que les changements que nous allons vivre seront très radicaux. Il est extrêmement dangereux, dans ce contexte, de jouer avec la nappe phréatique du Genevois que nous partageons avec la France et qui fournit, en cas de panne ou de travaux, 60% à 70% de l'eau potable du bassin genevois. Il faut aussi penser au fait que notre problème de mobilité - comme mes préopinants l'ont déjà dit - ne peut se résoudre dans une ville à l'espace limité. Nous avons 5000 habitants de plus par an; beaucoup sont motorisés. On ne peut raser des bâtiments pour élargir les rues qui vont mener vers la traversée de la rade ! C'était l'éternel problème soulevé à chaque fois. Nous ne pouvons donc pas acquiescer à un projet qui va prétériter la circulation - car il ne va pas résoudre le problème - et surtout, nous ne pouvons dire oui à un projet qui va tout simplement péjorer le futur de nos enfants, car si elle est construite, nous qui aurons peut-être septante ans, nous serons tout contents d'avoir des transports publics efficients, tandis que nos enfants, qui ont une tout autre vue... Regardez les inventions des députés plus jeunes ! Les jeunes ont une autre vision de la mobilité, ils ont une autre vision du canton, ils ne veulent pas avoir vue sur des trémies ou des passages autoroutiers: ils aimeraient bien garder un peu la campagne. Je ne peux donc que vous inciter à refuser cette initiative. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Je pense qu'on rappelle ici un problème fondamental: les quarante années d'échec de la politique genevoise en matière de circulation et de transport. C'est une suite d'échecs qui trouve son résultat, notamment... Il suffit de se retrouver à la place Bel-Air où l'on voit quoi, des embouteillages de voitures ? Non ! Des embouteillages de trolleybus, de bus, de trams ! (Commentaires.) C'est l'échec de la politique des Verts et de la gauche. Il suffit de s'y rendre, de voir comment les ponts actuels n'arrivent plus à faire passer la circulation, qu'elle soit collective ou privée, il suffit de voir qu'on en est resté au pont du Mont-Blanc, après le pont des Bergues, le pont de la Machine et d'autres, alors que ces ponts étaient faits pour l'époque des fiacres, il faut le rappeler: on n'a pas dépassé cette époque antique, on n'a pas su être dans le présent, au XXe siècle, on ne sait pas l'être maintenant encore, au XXIe. C'est une suite d'échecs.

Je tiens à rendre hommage ici à quelqu'un qui s'est battu pour qu'on ait des traversées dignes de ce nom, et cette personne se trouve dans notre hémicycle, c'est Philippe Joye.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. François Baertschi. Courageusement, Philippe Joye s'est battu pour une traversée de la rade, pour la moyenne traversée, pour son grand projet du lac. (Commentaires.) Malheureusement, il n'a pas été suivi par nos autorités ici à Genève, ni même à Berne. On lui a fait beaucoup de vacheries, vous me passerez ce terme. (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. François Baertschi. On a utilisé beaucoup de méthodes peu dignes contre lui, et je crois qu'il faut lui rendre hommage ici. Indépendamment de cela, les Genevois se battent depuis une éternité sur cette traversée de la rade, cela finit par devenir une sorte de serpent de mer... A une époque, tous les lundis matins dans «La Suisse», pour ceux qui se souviennent - probablement pas Mme Sobanek, qui était peut-être trop jeune à l'époque... Désolé, excusez-moi ! Tous les lundis matins donc, le Renquilleur se battait pour cette fameuse traversée que nous n'avons toujours pas malgré une votation qui lui donnait raison.

On peut vouloir avoir la traversée parfaite; il n'en reste pas moins qu'il y a des réalités, et les réalités sont dures. On se retrouve, à Genève, à être de grands brasseurs d'idées. On a développé le tramway: grave erreur, alors que Lausanne, à 60 km, a été plus intelligente que nous en construisant un métro automatique léger ! Si l'on avait choisi la voix de la raison, on aurait déjà des axes de meilleure qualité que les nôtres actuellement à Genève. Ce sont ces erreurs collectives que nous sommes en train de payer.

Quant à la proposition de l'UDC: aucun projet n'est parfait. Si l'on nous dit qu'on a le projet parfait de traversée de la rade, le projet vert de téléportation des voitures, des piétons, par des méthodes magiques ou très originales, amusantes sans doute, sympathiques, mais complètement irréalistes, je n'y crois pas ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et c'est là à mon avis une grande illusion. Ce projet UDC vaut ce qu'il vaut; un nombre d'électeurs suffisant l'a signé, il faut lui laisser une chance. Ce qu'on dit ce soir, c'est seulement une orientation. Il faut laisser au peuple le soin de choisir. Si certains de nos amis ont un autre projet, si le peuple ne vote pas en faveur de l'initiative de nos amis de l'UDC, qu'ils lancent une initiative à leur tour ! Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste. Restent inscrits: Mme von Arx-Vernon, M. Florey, M. Deneys, M. Spuhler, Mme Meissner, M. Joye, M. Ducret, M. Buschbeck, M. Sormanni, M. Cerutti, M. Riedweg, M. Stauffer, M. Frey, M. Slatkine et M. Weiss, ainsi que les trois rapporteurs, bien sûr, à la fin.

Une voix. Ah bon !

Le président. Evidemment ! (Rires.) La parole est à Mme la députée von Arx-Vernon, seule femme inscrite.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Pour le parti démocrate-chrétien, Monsieur le président, M. Ducommun a raison: on annonce des problèmes extrêmement inquiétants en matière de développement, qu'il nous faut maîtriser. M. Ducommun a donc raison. Simplement, je vais proposer une autre interprétation de ces inquiétudes, et surtout du développement, tout en tenant compte de ces inquiétudes.

Au parti démocrate-chrétien, Monsieur le président, vous le savez, nous sommes toujours à la recherche de l'équilibre dans le développement de notre canton, avec surtout un équilibre entre les deux rives: c'est extrêmement important pour développer Genève de façon harmonieuse. C'est logique, Monsieur le président. Nous avons le CEVA; eh bien, nous devons avoir la traversée du lac pour libérer Genève de cet étouffement programmé par le retard des grandes infrastructures routières et des transports publics et ferroviaires, qui ont montré leurs limites et pour lesquelles nous devons nous investir, parce que nous voulons une Genève développée même au-delà de ses frontières naturelles.

Au PDC, nous défendons trois concepts: comme je l'ai dit, les infrastructures routières, pas incompatibles - bien loin de là - avec les infrastructures ferroviaires et la mobilité douce. Nous voulons tout, Monsieur le président, parce que nous avons la vision, l'intérêt et l'ambition d'une Genève un peu plus ouverte que ce qu'elle est aujourd'hui, et nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'elle a vingt ans de retard, autant pour la mobilité douce, pour les infrastructures de transports publics, mais aussi pour les infrastructures routières. C'est ainsi que nous voulons développer Genève, son attractivité et son économie. Si l'on prétend vouloir développer la rive gauche, il ne faut pas attendre qu'elle se développe toute seule ! Il faut le faire par la traversée du lac, c'est ainsi que cela doit commencer.

Quant aux inquiétudes de M. Ducommun, qui sont tout à fait justifiées, nous ne pensons pas que l'avenir soit uniquement aux véhicules à moteur, avec des produits qui s'épuiseront peut-être un jour: nous pensons qu'il y a heureusement une créativité autour des véhicules électriques, par exemple avec les véhicules solaires. Tout cela n'empêchera pas une traversée du lac. Tout est donc complémentaire, Monsieur le président, et nous pouvons imaginer un instant que Genève peut se développer avec des produits non polluants dans les véhicules, qu'il peut y avoir une traversée du lac non polluante, et que nous ne voulons pas opposer les modes de transport et les modes de vie. C'est pour cette raison que nous vous recommandons, au nom du parti démocrate-chrétien, de refuser finalement cette peu ambitieuse proposition de l'UDC. Nous sommes beaucoup plus ambitieux, parce que nous voulons d'un contreprojet, nous voulons nous donner le temps très modéré d'une année pour un autre projet beaucoup plus ambitieux pour Genève. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, c'est avec attention que j'ai écouté Mme von Arx, et je me suis dit qu'ils étaient peut-être en train de changer de discours, puisqu'elle parlait justement de ce que je disais avant: il faut de la complémentarité. C'est ce que nous affirmons depuis le début: que ce soit une traversée de la rade ou du lac, ce sont des projets complémentaires. Malheureusement, sur la fin, j'étais un peu déçu, puisqu'il y a une légère contradiction entre déclarer que les projets sont complémentaires et que, au fond, il faut refuser l'un pour mieux accepter l'autre. Je reste donc un peu sceptique à ce propos. (Brouhaha.)

Comme disait mon collègue Amaudruz tout à l'heure, on rigole un peu à vous entendre. J'ai entendu ce soir plutôt le débat des théories de chacun qu'un vrai débat de fond. Ainsi de la théorie de M. Wenger, celle de l'appel d'air. Je lui répondrai - vous transmettrez, Monsieur le président: arrêtez de vous obstiner à vouloir construire des pistes cyclables ! Il y aura ainsi moins d'appel d'air pour les vélos, moins de cheni en ville, et l'on pourra peut-être mieux circuler ! Ça, c'est la première chose. (Exclamations. Commentaires.)

D'après la théorie des Verts citée par Mme Flamand par rapport au vote de dimanche passé - si je l'ai bien comprise - je déduis que s'il n'y a pas besoin d'une traversée de la rade suite à ce fameux vote, vous allez, je suppose, refuser l'initiative pour la gare souterraine et l'agrandissement de la gare en tant que tel, puisque finalement on n'en a plus besoin ! Puisque le peuple suisse a accepté l'initiative de l'UDC, on n'a plus besoin de construire ! Alors refusons l'agrandissement de la gare - auquel nous sommes favorables - et refusez tout ! Refusez les nouvelles constructions, etc. Voilà pour la théorie des Verts. (Commentaires.)

Un autre élément est revenu: la fameuse initiative «Sauvons nos parcs au bord du lac !». Cela a été dit, je crois même que le Conseil d'Etat s'est prononcé à ce propos, l'initiative «Sauvons nos parcs» n'aura de toute façon aucune incidence sur l'IN 152, puisque le droit cantonal est supérieur au droit communal. Si l'initiative devait être acceptée par le peuple, de ce côté-là, il n'y a clairement aucun recours possible. La commune devra accepter la décision du canton, aucun doute à ce propos. (Brouhaha.)

Ce que je voulais dire finalement, c'est que la traversée de la rade, c'est aujourd'hui. C'est un projet d'aujourd'hui ! Huit ans, c'est déjà maintenant ! Le contreprojet voulu par une partie de ce parlement, c'est demain. Mais pour demain, il faudra attendre, puisque selon la Confédération, demain est au-delà de 2050, au mieux. A Berne, nous avons discuté avec des parlementaires fédéraux, ils le savent déjà: 2050 est une illusion. Leur programme, c'est 2070 au plus tôt. Alors il faut savoir ce qu'on veut. Nous l'avons dit, nous sommes pour les deux projets. Aujourd'hui, c'est la traversée de la rade et, demain, c'est la traversée du lac. Si nous voulons donc avoir quelque chose de concret, je vous invite à voter l'initiative, à refuser le contreprojet et à donner la parole au peuple. Je vous remercie.

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

M. Roger Deneys (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, si l'on met Paris en bouteille avec des «si», avec des «si» l'on met Genève en bouchons. Et en l'occurrence, les déclarations sur les métros, sur les projets qui auraient pu voir le jour antérieurement pour résoudre les problèmes sont tout simplement hors de propos et n'ont rien à voir avec la réalité de l'année 2014: ma collègue l'a bien rappelé tout à l'heure, la proposition d'une traversée de la rade date d'une autre époque. Elle date des années 60 et 70, quand on pensait réaliser des autoroutes sur les quais. (Vives protestations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Roger Deneys. Ces propositions sont d'une autre époque, quand on pensait qu'on pouvait tout faire en voiture, parce qu'on n'imaginait pas qu'il y en ait un jour tellement que, ma foi, elles satureraient complètement le système prévu pour les faire circuler. Aujourd'hui, le problème principal, ce n'est pas le nombre de routes, c'est le nombre de voitures qui y circulent. Mesdames et Messieurs les députés, la question qui doit se poser aujourd'hui, c'est de savoir si, pour un montant pareil, le rapport entre les coûts et les bénéfices est suffisant. On peut toujours se payer... J'ai entendu tout à l'heure que c'était un besoin. Si l'on me dit que c'est un besoin, à mon avis on a vraiment affaire dans ce parlement à des enfants gâtés, parce que pour moi, un besoin est quelque chose de vital, d'indispensable pour vivre. Un besoin, ce n'est pas simplement l'expression d'une envie au prétexte que d'autres villes ont un périphérique circulaire. Ce n'est pas un besoin, c'est un réflexe d'enfant gâté: on veut quelque chose comme les autres, il a un nouveau jouet, je le veux aussi... Pourquoi pas, en plus on est à un mois du Salon de l'auto, on sait que cela échauffe les esprits dans ce parlement, mais en réalité, la question doit quand même être posée. Et les études, Mesdames et Messieurs les députés, servent aussi à vérifier la pertinence d'un projet. Alors c'est clair: sur ce projet de traversée de la rade, les conclusions sont unanimes pour dire que non, Mesdames et Messieurs de l'UDC et du MCG, il ne résout pas les problèmes tels qu'ils figurent dans votre exposé des motifs à la page 17 - c'est dans l'initiative que vous avez fait signer aux Genevoises et aux Genevois. Cela ne répond pas au problème !

Une voix. Pourquoi ?

M. Roger Deneys. J'y lis, à la page 17: «Sans traversée de la rade, les TPG ne fonctionneront jamais.»

Une voix. C'est vrai !

M. Roger Deneys. Et vous y croyez ? C'est ça, le problème ! Alors attendez, il y a mieux ! (Commentaires. Chahut. L'orateur est interpellé.)

Le président. Monsieur Florey, s'il vous plaît !

M. Roger Deneys. C'est encore mieux que ça, attention ! On va dépenser un milliard et demi, parce que dans les arguments c'est très clair: «Une canalisation saute et l'ensemble du canton est paralysé.» Proposition de l'UDC qui dit à longueur d'année qu'on dépense trop d'argent, qu'on gaspille, qu'on n'a plus les moyens: il faut dépenser un milliard et demi pour les canalisations qui sautent une fois dans le trafic... Vous y croyez ? Est-ce que vous êtes sérieux avec des arguments pareils, Mesdames et Messieurs les députés ? Eh bien personnellement, je pense que non. Votre proposition est tout simplement dépassée. Elle date d'une autre époque... (Commentaires.) ...mais elle correspond tout à fait aux discours tenus tout à l'heure, et je n'en suis pas surpris.

On a un projet dépassé, qui ne répond pas aux besoins, pour un coût important - ce sont les conclusions présentées à la page 80 du rapport. On pourrait imaginer la possibilité de faire un autre projet. Pourquoi pas ? C'est l'hypothèse d'un contreprojet. J'aimerais juste dire une chose: si c'est comme dans l'initiative - il faut une nouvelle route pour résoudre les problèmes - on n'y arrivera jamais. Parce que comme l'a évoqué mon collègue Thomas Wenger tout à l'heure, créer de nouvelles routes, aujourd'hui, dans un centre-ville saturé, cela ne peut résoudre aucun problème. En plus de ceux évoqués de réchauffement climatique, de consommation d'espace, de consommation d'énergie, il n'y a pas de difficultés de mobilité qu'on puisse régler en ajoutant des voitures aux voitures existantes. Et l'exemple que nous vivons tous les jours aujourd'hui à Genève, c'est l'autoroute de contournement: qu'on le veuille ou non, il a réglé le problème pour une certaine période, mais aujourd'hui les difficultés ont empiré. (Commentaires.)

Mesdames et Messieurs les députés, il faut se souvenir qu'on veut dépenser un milliard et demi. Et j'aimerais encore insister sur un point, la question des coûts de fonctionnement qu'on n'a pas encore évoquée: le tunnel de Vésenaz, qui a coûté 70 millions avec 10 millions de dépassement sur 60 millions - on pourrait imaginer qu'on fasse la même projection sur le projet de l'UDC... Les coûts de fonctionnement pour une infrastructure comme la traversée de la rade, ce sont 15 à 20 millions de francs par année. 15 à 20 millions de francs par année de fonctionnement ! Faites le calcul en abonnements annuels TPG à 700 F. (Remarque.) Cela fait 28 000 abonnements TPG annuels que vous pouvez offrir en cadeau chaque année en équivalents de cette traversée. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, on peut se poser la question: si l'on enlève 28 000 automobilistes chaque jour à Genève, est-ce qu'on ne risque pas d'améliorer davantage la circulation qu'en réalisant cette traversée ? Pour ma part, j'en suis convaincu, et je suis convaincu que cet investissement que vous proposez est tout simplement disproportionné par rapport aux résultats négatifs avérés: il n'améliore pas la situation.

On peut se poser la question de la nécessité du contreprojet. J'aimerais tout de même insister sur une chose: aujourd'hui déjà, Mesdames et Messieurs les députés, l'hypothèse d'un contreprojet existe, parce que l'hypothèse de la traversée du lac figure dans les plans de la Confédération. (Protestations.) On ne peut donc pas dire qu'on n'est pas en train d'en parler ! Vous avez déjà fait voter plusieurs textes dans ce Grand Conseil qui vous permettent...

Le président. Il vous reste une minute.

M. Roger Deneys. Cinquante minutes ?

Le président. Non, une minute !

M. Roger Deneys. Oh, je suis très déçu ! (Rires.) J'indexais sur les milliards du projet, c'est pour ça. Traversée du lac, quelques milliards en plus...

Le président. Il ne vous reste plus que quarante-cinq secondes. (Rires.)

M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, l'hypothèse d'un contreprojet est déjà dans le pipeline, elle est déjà étudiée sérieusement, et si elle est nécessaire, elle sera réalisée, mais j'aimerais bien qu'on tienne compte de ceci: il faut attendre la réalisation du CEVA et ses effets, il faut attendre la réalisation de la gare souterraine de Cornavin et ses effets...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Roger Deneys. ...avant d'envisager de réaliser quoi que ce soit comme nouvelle traversée. Nous vous invitons donc à refuser l'initiative ainsi que l'hypothèse d'un contreprojet. (Applaudissements.)

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, décidément, ce débat dure, les arguments ne changent pas, ils sont toujours aussi fallacieux, mensongers, et vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Deneys qui vient de prendre la parole, qui accusait ce projet d'être dépassé - alors qu'il date de 2004 - qu'il ne faut pas oublier qu'il a été conçu par des professionnels, des techniciens et qu'il a été proposé avec les données de 2004. En effet, c'est peut-être un petit peu dépassé, mais je crois que ce sont plutôt M. Deneys et son parti - vous transmettrez encore une fois, Monsieur le président - avec les solutions qu'ils proposent, qui ne disent rien du tout, qui sont dépassées. (Remarque. Rires.)

Le PLR veut une traversée, mais pas celle-ci - je l'ai déjà dit avant - alors que ce projet était valable en 2004. Vous savez très bien le temps que prend la construction, les évolutions; c'est lent, vous parlez d'une traversée du lac en 2050 voire 2070, comment pouvez-vous dire que cette traversée de la rade n'a pas de valeur ? Les données calculées en 2004 ne sont pas valables aujourd'hui ? Attendez, j'ai l'impression qu'on paie plein de gens pour faire des études pour rien, alors ? Ce qu'on étudie aujourd'hui ne sera pas valable demain ? Ou alors il faut qu'on étudie beaucoup plus vite et qu'on vote beaucoup plus vite ! Il y a un système qui ne convient visiblement pas au PLR, parce que, effectivement, cette initiative ne vient pas d'eux, et c'est finalement le résultat qu'on peut déduire de leur position. Je qualifierais cette politique d'étriquée, puisque, encore une fois, les Verts et la gauche... la gauche en général, pardon, critique le nombre de véhicules par jour, argue que ce n'est pas une solution, que cela ne va pas résoudre le problème, que ce n'est peut-être que 8% que cela va diluer. Alors que préférez-vous ? Ne rien faire ? Finalement, c'est ce que vous proposez: rien ! Du vent ! On ne veut pas de traversée de la rade parce qu'elle ne résout pas tout. Non, elle ne résout pas tout, mais elle résoudra une partie du problème, et les mesures d'accompagnement résoudront une autre partie du problème. Mais vous préférez... rien: ni contreprojet, ni projet, ni rien ! Vous vous basez sur une théorie statistique, une théorie des chiffres. Je vous dis que ces chiffres-là, on peut toujours les calculer, les remanier dans tous les sens, ils voudront dire ce qu'on voudra leur faire dire. Je vous remercie.

Mme Christina Meissner (UDC). J'ai envie de saluer la présence stoïque de notre conseiller d'Etat Barthassat, tout seul jusqu'à présent - enfin, rejoint par M. Maudet maintenant. (Commentaires.)

Eh oui, eh oui, c'est notre serpent de mer à nous, c'est notre Nessie à nous: depuis 58 av. J.-C., la traversée de la rade nous occupe, même «Astérix chez les Helvètes» en parle... C'est dire à quel point ce projet est central pour notre histoire ! (Brouhaha.) Je rappelle que le premier projet date de 1898, mais si l'on revient à une histoire un peu plus récente, c'est en 1988, Monsieur Buschbeck, que le peuple a accepté à 68,5% des voix le principe de la traversée de la rade - je dis bien de la rade. Evidemment, quand ensuite, Philippe Joye, ici présent - avec nous dans ce parlement - quand Philippe Joye a proposé un projet concret, ô rage ô désespoir, on a opposé un projet à l'autre, et au final, comme d'habitude à Genève, nous n'avons rien eu: encore un rêve en rade, qui a passé à la trappe !

Cela dit, si vous me permettez de revenir sur une chose que je ne comprends pas: le problème à Genève est de traverser l'eau. Si l'on offre une traversée de plus, cela ne peut pas empirer la situation de la circulation, cela ne peut que l'améliorer. C'est du simple bon sens ! On ne peut pas alors opposer, comme le voudrait le PLR, un projet urbain de traversée de la rade pour un public urbain, pour résoudre des problèmes qui s'ancrent dans l'urbanité, qui n'a d'impact que sur l'urbain, à une traversée lacustre qui, au-delà du simple fait qu'elle traverse aussi d'une rive à l'autre, a un impact immense - M. Wenger l'a rappelé - sur toute la rive gauche. J'ignore, Mesdames et Messieurs du PLR qui habitez sans doute la rive gauche, à quel point vous voulez industrialiser et urbaniser cette magnifique rive; en ce qui nous concerne, nous jugeons considérable l'impact sur notre zone agricole, sur les milieux naturels que nous avons renaturés à coups de millions. Il s'agit de véritablement se demander si le jeu en vaut la chandelle, surtout quand on sait qu'au final, ce serait pour absorber 8% du trafic, et à quel prix ! Si aujourd'hui l'on dit que le coût du projet de traversée de la rade a doublé en dix ans, je vous laisse imaginer le doublement, le triplement ou plus du prix d'une traversée lacustre qui ne se termine pas sur les deux rives mais qui va bien au-delà, jusqu'à la frontière, une frontière qui peut évidemment être ou Ville-la-Grand, en espérant que les Français nous aident à payer - j'ai des doutes ! - ou alors, quitte à s'engoncer dans notre territoire urbain, du côté de Thônex-Vallard, au prix de la qualité de vie des habitants de Puplinge qui ont déjà bien d'autres problèmes. (Brouhaha.)

Non, il n'est pas question de sacrifier notre nature, notre agriculture et tout le reste. Aujourd'hui, il s'agit de donner au peuple la chance de se prononcer sur un projet de traversée de la rade sans opposer un autre projet qui n'a rien à voir. Disons maintenant au peuple: «Vous avez voté en 1988 pour une traversée de la rade, nous vous en proposons une, elle est formulée - c'est là son avantage par rapport aux rêves que nous propose le PLR - eh bien prononcez-vous !» C'est cela qu'il faut faire. Combien d'heures avons-nous passées, Monsieur le président, à ergoter là-dessus ? Je n'ose plus y penser. (Remarque.) Au moins six ! Au final, le peuple aura le dernier mot et c'est tant mieux, parce qu'au-delà de nos discussions, il faut comme d'habitude faire confiance au peuple. L'UDC fait confiance au peuple: il tranchera, et quant à nous, eh bien ma foi, nous continuerons à ergoter jusqu'à 22h30, j'en suis désolée, mais c'est ainsi.

J'aurais envie de dire encore une chose.

Des voix. Oh, ça va !

Mme Christina Meissner. Ah, si, si, si ! Aux Verts qui n'admettent pas les limites de notre canton, au PLR qui n'admet pas qu'à un moment donné il faut avoir les moyens de son ambition, que vous pouvez installer tous les trams, tous les bus, tout ce que vous voulez: ils absorberont peut-être l'augmentation de la croissance que vous désirez, mais il y aura toujours et encore des voitures, des transports qui se feront individuellement, ne serait-ce que pour les marchandises, même si c'est en voiture électrique. Il faut bien l'admettre. Et si vous admettez la croissance - c'est votre cas à tous ici - ne la faites porter que sur l'urbanité de notre canton et non pas sur son côté agricole, son côté naturel, et sur toute la qualité de vie qui fait l'attrait de Genève aujourd'hui.

Le président. Et «hérissons» la traversée de la rade, Madame la députée, si je vous comprends bien ! Je passe la parole à M. Joye.

M. Philippe Joye (MCG). Merci, Monsieur le président. Messieurs les conseillers d'Etat, chers amis, je ne suis certainement pas un des bons orateurs de cet aréopage, mais je dois dire que je suis très ému de vous parler de cette traversée du lac, de la rade, etc. Et je voudrais commencer par un chiffre: Bâle a compris qu'il fallait développer la région franco-valdo-genevoise il y a 150 ans. Je pense que si nous n'avons pas compris nous-mêmes que le développement de Genève ne peut être sectoriel, mais qu'il doit toucher tous les secteurs de la vie de notre pays, si les gens n'ont pas compris cela, ils ont fait une grosse erreur et ils la paient. Par exemple, le réseau bâlois n'a pas brillé que parce qu'il a fait un effort énorme, mais parce qu'il a touché tous les éléments possibles et imaginables de façon simultanée ou très simultanée, et ceci depuis 150 ans. Alors vous pouvez imaginer que toutes les rodomontades que nous tenons ici sont assez sympathiques, mais ne portent certainement pas des résultats concrets si l'on ne comprend pas qu'on doit faire un travail en groupe.

Par exemple, quand des gens disent qu'il ne faut pas élargir ou qu'il faut élargir l'autoroute de contournement, il faut le faire, oui, mais aussi quoi ? C'est ça qu'il faut se mettre dans notre tête. Et puis, je suis baba de voir que le réseau routier afférent, chez nous... On n'a pas compris qu'on ne peut pas faire seulement un tronçon routier sur une, deux ou cinq directions: il faut que ce soit une réalisation en étoile. Si l'on ne la fait pas en étoile, eh bien, après cela, on en paie les frais. Je suis aussi baba - Babâle ! - Bâle a compris que l'extension de son centre doit avoir lieu entre voisins, mais à des distances très importantes. Et si nous ne voulons pas faire ces choses simultanément, si nous voulons isoler la Ville de Genève en disant que le maire de Genève est ceci et cela, et qu'il ne fait pas un travail qui nous convient, et que d'autres disent exactement le contraire, eh bien, le rôle de Genève est de faire que tous les facteurs qui doivent entrer en lice soient utilisés dans tous les domaines. Les joints avec la France, c'est aussi quelque chose d'absolument... (Brouhaha.) Ça vous dérange ?

Une voix. Vas-y, continue.

M. Philippe Joye. Oui, eh bien, j'aime mieux si je peux parler sans avoir à gueuler comme un putois ! (Rires.) Je reviens aux investissements routiers qui ne se font pas ou pas régulièrement: si vous pensez que vous pouvez développer un site routier, par exemple la zone de la ville de Genève, et que vous laissez tomber le reste, c'est comme si vous aviez fait chou blanc. Il faut donc avoir une vision globale, et la région genevoise ne peut se développer sans cette vision globale. Et cela va aussi du côté de la frontière française, et je dois dire que je suis très content du résultat... (Brouhaha.) Je ne vous dérange pas, les deux, là ?

Le président. Monsieur le député, adressez-vous au président ! Poursuivez, s'il vous plaît.

Une voix. Continue !

M. Philippe Joye. Oui, Monsieur le président, je m'adresse à ces gens et je leur dis que je serais très heureux s'ils pouvaient avoir l'amabilité de s'intéresser !

Le président. Poursuivez, mais adressez-vous à moi !

M. Philippe Joye. J'en viens à cet autre aspect, le fait que si nous ne travaillons pas simultanément avec l'ensemble des populations concernées, nous pouvons dire que nous avons raté le coche. Parce que toutes ces choses doivent se faire simultanément. Voilà, c'est à peu près tout ce que j'avais à vous dire, sinon une chose encore: la confiance doit régner, nous ne pouvons pas penser qu'on ne va pas construire des autoroutes en direction de la France sous prétexte que c'est cher ou je ne sais quoi. Toutes ces choses doivent venir simultanément: c'est là mon message.

Je suis très heureux de pouvoir vous parler. Je pense qu'il y a beaucoup à faire et que beaucoup de gens dans cet aréopage sont capables de pousser le schmilblick pour que le projet marche. Un projet ne peut marcher que si dans tous les secteurs, simultanément, on fait des efforts. Il n'y a pas de méchants ni de gentils, il n'y a que des gens qui travaillent ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Michel Ducret (PLR). Tout à l'heure - c'est très intéressant - Mme Meissner a révélé la vérité de son parti, de Pic-Vert... pardon ! de l'UDC, sur l'action qu'elle entend mener par rapport au problème de la traversée de la rade: il s'agit bien, Mesdames et Messieurs, de proposer un mauvais projet pour éviter que le bon projet de la traversée du lac ne contribue au développement de Genève et, ainsi, de protéger les acquis, les petites zones villas et les petits hérissons dans les buissons. Voilà la réalité qui se cache derrière l'initiative de l'UDC !

Mesdames et Messieurs, une lourde responsabilité repose ce soir sur ceux qui ne veulent pas de contreprojet, qui préfèrent s'arc-bouter sur des préceptes, sur des principes en oubliant qu'ils ont soutenu pendant des années des projets comme «Circulation 2000», comme les projets de circulation 2030, qui tous se sont toujours appuyés sur le déplacement de la traversée lacustre, de la traversée du plan d'eau, quelle qu'elle soit, de manière à alléger la charge de trafic sur le centre-ville. Parce que, Mesdames et Messieurs, le problème est très clairement celui-ci: aujourd'hui, une ville riche comme Genève accepte d'avoir un trafic de transit prépondérant dans la région qui passe à 100 m ou 150 m du coeur même de la ville. C'est tout simplement impensable, ce n'est pas acceptable ! En conséquence du maintien de cette situation qui dure depuis des années parce qu'on n'arrive pas à se décider pour un projet, quel qu'il soit, mais qui éloigne le trafic du centre-ville, on ne peut pas faire de zones piétonnes dans la ville, on ne peut pas alléger les conditions de circulation et donc améliorer les conditions de vie en ville, et surtout - c'est grave - on ne peut pas améliorer les conditions de circulation des transports collectifs qui vont vers le centre. C'est cela, la problématique, et ce soir, on a entendu des principes: certains qui sont contre les chaussées, d'autres qui sont pour les chaussées... Ah, quels beaux discours ! Où est la véritable question ? La véritable question, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas cela ! Celle qu'on doit se poser ce soir...

Une voix. C'est qui sommes-nous !

M. Michel Ducret. ...c'est à quoi sert la traversée qu'on doit créer.

Une voix. A nager !

M. Michel Ducret. Et précisément, c'est à cela qu'il faut répondre. C'est en fonction des besoins qu'on doit la réaliser, en fonction de ce qu'on doit faire. Et je trouve inadmissible que ce soir, pour des questions de principe, certains s'apprêtent à prendre le risque qu'un projet extrêmement nocif pour notre avenir soit accepté, en espérant bien entendu qu'il soit rejeté ! Alors qu'on aurait la possibilité, en travaillant sur un contreprojet, de réaliser quelque chose qui soit réellement porteur pour l'avenir de notre région, de Genève et au-delà. On entend en effet beaucoup de discours qui concernent la vie des habitants de la ville et de la banlieue proche; mais, Mesdames et Messieurs, nous avons une responsabilité qui dépasse largement ce périmètre-là ! Nous avons une responsabilité de région, de coeur de région, que nous devons enfin assumer au niveau du trafic, non seulement de celui des transports collectifs - et nous avons fait un énorme effort avec le CEVA, vous le savez; mais nous devons continuer cet effort tout en améliorant nos conditions de vie. Et c'est pour cela qu'on peut comprendre bien sûr que certains en face de nous s'opposent à l'initiative de l'UDC. On peut comprendre qu'ils ne soutiennent pas forcément avec enthousiasme un contreprojet: mais à tout le moins, pour ne pas prendre de risque énorme, au moins, qu'ils aient la bonne idée de s'abstenir dans ce vote pour éviter la catastrophe vers laquelle l'UDC tente de nous mener ! Voilà, Mesdames et Messieurs, la réalité à laquelle nous devons faire face ce soir. Il serait temps que Genève se réveille, assume ses responsabilités vis-à-vis de la région, d'autant que la situation depuis dimanche dernier devient gravissime...

Une voix. Ah ! oui !

M. Michel Ducret. Mais oui, Monsieur ! C'est très facile de dire qu'on va construire ceci ou cela, et vous osez encore dire qu'on va faire et la petite et la grande traversée... (L'orateur hausse le ton.)

Le président. Doucement, doucement !

M. Michel Ducret. Mais non, mais non, sans compter que grâce au vote que vous avez induit dimanche dernier, on n'aura peut-être même plus les ouvriers pour le faire ! (Commentaires.) Voilà où nous allons ! Mesdames et Messieurs, il est temps de se réveiller à Genève, il est temps de prendre notre destin en main... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et refuser le contreprojet, Mesdames et Messieurs, c'est refuser d'assumer le destin et l'avenir de notre canton !

Présidence de M. Antoine Droin, président

Le président. Merci, Monsieur le député. S'il vous plaît, un peu de silence ! La parole est à M. le député Mathias Buschbeck.

M. Mathias Buschbeck (Ve). Je renonce, Monsieur le président. (Exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Daniel Sormanni.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que j'ai patiemment écouté tous les députés qui sont intervenus jusqu'à maintenant, et j'ai entendu des choses vraiment amusantes, pourrait-on dire, mais en fait c'est plutôt triste... Je viens d'entendre un des représentants du PLR - vous transmettrez, Monsieur le président - se plaindre qu'à cause de la votation de dimanche, on n'aura peut-être même plus les ouvriers pour faire le travail d'une éventuelle traversée de la rade. Mais là, j'éclate de rire ! J'éclate de rire ! Sont-ce des entreprises genevoises ou suisses qui font le CEVA ? Non, ce sont toutes des entreprises françaises déjà aujourd'hui. C'est donc déjà un mauvais argument. (Remarque.) Nous n'avons peut-être pas là le meilleur projet possible, mais nous avons la chance de tenir un projet. Il est là, il est formulé, il est réalisable demain. (Remarque.) C'est l'avantage de ce projet, parce que tous les autres sont totalement hypothétiques.

Un contreprojet ? Mais vous rigolez ? C'est totalement hypothétique ! Avez-vous un contreprojet formulé, avec les points d'ancrage ? Est-ce que ce sera un pont, un tunnel ? A quel coût ? Non, vous n'avez rien de tout cela, c'est du vent, du vent pour faire échouer ce projet réalisable demain. Cela ne vaut donc pas un centime non plus. Et alors, sur les bancs d'en face, je crois rêver ! Je crois rêver parce que vous ne voulez rien. On le sait, vous ne voulez jamais rien, en tout cas en ce qui concerne les infrastructures routières. Et d'ailleurs, vous avez été de ceux qui ont appelé à voter dimanche dernier contre l'initiative de l'UDC, donc pour la libre circulation des personnes, mais vous êtes contre le développement économique puisque vous voulez empêcher cette circulation en refusant toute infrastructure routière ! (Commentaires.) Vous ne faites donc pas preuve de logique et vous devriez à mon avis voter l'initiative ECOPOP, elle va exactement dans le sens de ce que vous avez développé ce soir. (Remarque.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Daniel Sormanni. Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut savoir raison garder, la seule voie sensée est de voter l'initiative de l'UDC: elle est réalisable demain à un coût raisonnable. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, pour ma part, je suis un nouveau député. Après six heures de débat, je suis un petit peu surpris des directions prises par ce parlement. J'aimerais relever que notre ami Philippe Joye, ancien conseiller d'Etat, nous a expliqué tout à l'heure que la région de Bâle s'était développée parce qu'elle vivait au travers de la concertation. Effectivement, on a trouvé à Bâle un consensus supranational, suprarégional, de façon à pouvoir se mettre d'accord sur les problématiques régionales de la circulation, des transports d'une ville en plein développement. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à aller à Bâle: vous verrez qu'en effet, on y a une certaine ambition.

La société civile s'est invitée dans notre débat, au travers de cette initiative, grâce à l'UDC. C'est très bien, cela nous permet de débattre. Par contre, je suis un peu surpris qu'on ne soit pas d'accord aujourd'hui d'aller plus loin dans la démarche intellectuelle: l'élaboration d'un contreprojet ne nous invite pas à renoncer à une possibilité en faveur d'une autre. Elle nous mène à la réflexion, et à élargir cette réflexion. Aujourd'hui, l'ambition de ce parlement est réduite à zéro, et j'en suis un petit peu déçu, en tant que nouveau député: je pensais que nous pouvions aller plus loin au travers du dialogue et de l'envie de faire quelque chose de réaliste pour notre canton et notre région.

Mesdames et Messieurs du parti socialiste, je vous invite à voter en faveur de ce contreprojet. Messieurs de l'UDC, n'ayez pas peur ! On se mettra toujours à table pour trouver des formules et discuter. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Avant de passer la parole à M. Riedweg, j'aimerais souhaiter un bon anniversaire à M. le député Christian Dandrès ! (Exclamations. Applaudissements.) Monsieur Riedweg, vous avez la parole.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Un, deux, trois, je la prends, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne le coût de la traversée de la rade, il faut se baser sur un montant de 1 milliard et non le confondre avec le coût de la traversée du lac, plus en amont à l'est. On a souvent évoqué la traversée du lac, mais l'initiative 152 de l'Union démocratique du centre concerne la traversée de la rade. Pour compléter les moyens de financement possibles évoqués tout à l'heure, on pourrait aussi envisager un financement sur le modèle des anciens centimes additionnels pour les grands travaux. (Exclamations.) Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer. (Le micro de l'orateur ne fonctionne pas.) Appuyez à côté, Monsieur Stauffer !

Une voix. Sabotage ! (Rires.)

Le président. Cette fois, c'est bon !

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président, merci à la technique. (Brouhaha.) On a entendu beaucoup de choses, et notamment les propos d'un éminent membre du parti radical - vous transmettrez, Monsieur le président... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Oui, c'est vrai que ce parti n'existe plus, mais peut-être non sans raison ! Des propos, donc, qui m'ont un peu choqué: il a parlé d'un projet qui serait nocif pour les Genevois. J'aimerais quand même rappeler à cet éminent membre de l'ex-parti radical qu'il y avait un autre radical, jadis, qui fut un visionnaire: Jean de Toledo, qui s'est battu une vie entière pour réaliser le parking du Mont-Blanc sous le lac, qu'on lui avait contesté parce que c'était prétendument irréalisable, complètement fou de construire un parking sous le lac. Finalement, quand il y est arrivé, on lui a fait supprimer un étage sous prétexte qu'il ne serait jamais rempli... Je vous invite à aller observer la journée s'il reste des places au parking du Mont-Blanc ! Les années passent et, malheureusement, les visionnaires n'ont pas pris la relève dans feu le parti radical.

Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, j'aimerais rappeler ici quelques principes de base. L'initiative qu'a eu le courage de lancer l'UDC - avec la participation du MCG pour la récolte des signatures - est un projet plébiscité par les mêmes partis radical et libéral en 2004. Est-ce à penser que le projet était trop récent pour qu'ils le plébiscitent dix ans après ? Peut-être la règle est-elle qu'il faut laisser passer un siècle... Parce que quand Cramer a ressorti le vieux tracé des chemins de fer et qu'il a dit: «J'ai une idée révolutionnaire pour Genève, le CEVA !», vous avez tous voté pour ! Peut-être que l'UDC a eu tort d'aller trop vite et qu'il fallait attendre encore un siècle... (Remarque.) ...pour qu'on puisse finalement dire que ce projet de traversée de la rade est bon.

Je vais plus loin: je ne dis pas que ce projet est bon, qu'il est mauvais, qu'il faut la faire à côté, qu'il faut faire la grande ou la petite traversée. Je dis simplement: il y a un certain nombre de milliers de Genevois qui ont signé cette initiative afin qu'il y ait un vote populaire. Alors présentons ce projet à la population et elle dira si elle veut ou non une traversée de la rade. Mais ne venez pas dire que c'est un projet nocif alors qu'il y a moins de dix ans, Monsieur le député Ducret, votre parti a dit qu'il était bon ! En 2005, je faisais partie des commissions où avaient été étudiées ces solutions, et elles étaient bonnes ! Est-ce à dire que les ingénieurs de l'époque n'étaient pas compétents ? Je vous laisserai la responsabilité de vos propos, puisque je crois savoir que vous êtes de cette profession.

Mesdames et Messieurs, je vous invite à ne pas prolonger les débats inutilement, de toute façon je crois que les positions sont figées dans ce parlement: nous savons d'ores et déjà qu'un double non va sortir. C'est regrettable, j'estime que nous pouvons faire confiance à la population qui vote - la preuve, le dimanche 9 février, le peuple suisse ne s'est pas trompé sur l'initiative proposée par l'UDC - et je vous encourage, Mesdames et Messieurs, à voter cette initiative et à refuser le contreprojet. Le dernier mot appartient à ceux qui ont fait que nous occupons les fonctions qui sont les nôtres aujourd'hui ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que la liste étant close, il n'est plus possible de s'inscrire. Messieurs Maitre et Ducret, vous n'aurez donc pas la parole. (Remarque.) La parole est à M. Christian Frey.

M. Christian Frey (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous nous faisons plaisir depuis plusieurs heures à échanger des arguments: tout et son contraire a été dit. Mais tout cela ne tient pas compte d'une réalité très simple: à Genève, il y a trop de voitures, un point c'est tout. Et quand c'est trop, c'est trop ! Laissez le psychologue que je suis vous dire qu'agit alors ce qu'on appelle le réflexe pavlovien: peut-être vous rappelez-vous que Pavlov avait conditionné des chiens en leur donnant à manger chaque fois que retentissait une sonnette. En fait, les personnes qui cherchent à pénétrer en voiture au centre-ville sont en train de se rendre compte de cette manière-là qu'ils n'y arrivent pas, et ils sont de plus en plus - je peux vous le dire - en train de prendre les transports publics.

Au passage, j'aimerais juste répondre à un député qui vient de dire que les embouteillages de véhicules des TPG à la place Bel-Air sont pires qu'autre chose que je n'ai jamais attendu ou pris une heure pour aller de Plainpalais jusqu'à la gare en passant par Bel-Air en transports publics: non, je crois que cela a toujours marché, peut-être avec certaines difficultés, mais cela a toujours marché.

Il faut vous imaginer Genève comme une sorte de bocal avec de petits poissons: vous ne pouvez pas sans cesse ajouter des petits poissons, c'est-à-dire des voitures. C'est simplement impossible, au bout d'un moment tout est bloqué et plus rien ne marche. Mais il ne s'agit pas de déprimer, Mesdames et Messieurs, pas du tout ! Il y a des perspectives: le CEVA en est une, le FAIF qui vient d'être voté en est une autre, et il y a probablement d'autres solutions comme, pour le grand trafic qui doit effectivement contourner l'agglomération de Genève, une troisième voie sur l'autoroute de contournement, cela d'autant plus que l'Office fédéral des routes est apparemment tout à fait d'accord pour ce projet, voire le propose. Ce sont là des solutions qui ne vont pas, ou en tout cas moins, attaquer l'environnement, et qui peuvent être tout à fait satisfaisantes. Ce n'est ni une grande ni une petite traversée de la rade qui va arranger quoi que ce soit dans ce bocal archiplein: c'est pour cela que notre fraction refuse à la fois l'initiative et le contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (PLR). Mesdames et Messieurs, ce soir, il fallait beaucoup de patience aux députés présents. Par bonheur, les spectateurs n'ont plus besoin de cette patience, puisque nos débats ne sont plus retransmis; c'est une bonne chose. S'ils avaient vu et entendu les débats, ils auraient probablement été comme moi: conquis par la verve de M. Vanek, qui a proposé la meilleure solution - que les voitures marchent sur l'eau. C'est son meilleur witz de la soirée et je tenais à l'en féliciter, voilà une improvisation qui vaut celles de mon collègue Zweifel.

Maintenant, je remarque qu'il y a ici un certain nombre de personnes qui ont moins d'humour que M. Vanek: ce sont les malthusiens convaincus, pour qui la mobilité en soi est un mal. Cela a été dit par deux personnes en tout cas, M. Deneys, le spécialiste de la géométrie euclidienne, qui voit des périphériques probablement ronds, et M. Frey, pour qui il y a trop de poissons dans le bocal - je pense qu'il va voter oui à l'initiative ECOPOP. Avec ce genre d'arguments, je suis désolé, mais on retourne au temps béni, non par Dieu qui ne doit pas être cité ici, mais par les réactionnaires qui préfèrent le monde des cavernes. Dans ce monde où l'on ne sortait pas, il n'y avait pas possibilité de progrès technique, de marcher sur la rade, ni de voitures à hydrogène. Le jour où il y aura des voitures qui marcheront à l'eau, je vois les mêmes qui aujourd'hui se plaignent de la pollution refuser les voitures non polluantes. Je me rappelle une campagne politique qui avait pour but de faire sauter les bouchons: ici, le but est de créer des bouchons, et un certain nombre de personnes présentes en sont les responsables.

J'aimerais aussi dire qu'à la question du besoin - y a-t-il besoin d'une autoroute de contournement, d'une traversée du lac, d'une traversée de la rade ? - je réponds positivement: oui, il y a un besoin. Essayez, comme cela s'était fait il y a une année ou deux, avant l'ouverture réelle du pont Wilsdorf, qui a ensuite été fermé par la Ville... (Commentaires.) ...essayez les crues de l'Arve qui amenaient à ce qu'on ferme la possibilité de passer sur l'ancienne passerelle: c'était une immobilisation globale pour tout le trafic en provenance de la zone du canton où habite le conseiller d'Etat, où j'habite aussi, où habite Mme Forster Carbonnier... (Commentaires. Rires.) ...et je ne parle pas des membres de leur famille, de leurs cousins, de leurs parents, de leurs amis qui habitent aussi dans ces zones du canton. (Commentaires.) Il y a donc un besoin de déplacements pour les habitants, pour les travailleurs, pour les entreprises, cela fait partie des conditions-cadres de Genève... (Remarque.) ...que certains voudraient saboter; je ne fais pas partie de ceux-là. M. Ducret avait donc raison tout à l'heure, quand il appelait ceux qui sont défavorables à l'initiative de l'UDC au minimum à s'abstenir: pour éviter une situation de blocage supplémentaire, il faut que le peuple ait la possibilité de se prononcer et il faut qu'il y ait aussi un contreprojet. Afin d'arriver à cette solution, je lance un appel à la responsabilité de ceux qui pourraient hésiter et n'ont pas encore changé d'avis, contrairement au MCG qui a changé d'avis aujourd'hui à la grande surprise de ceux qui croyaient aux promesses faites en commission; j'appelle ceux qui pensent qu'il faudrait voter non à s'abstenir sur le contreprojet dès lors qu'ils pensent que l'initiative de l'UDC est mauvaise. Le refus du contreprojet, c'est le refus de réfléchir, c'est au fond une démission intellectuelle. Je vous incite donc à ne pas vous abstenir, à voter en faveur d'un contreprojet pour affirmer votre vocation de «freischwebende Intelligenz», comme disait notre ami Marx, n'est-ce pas, cher ami Ducommun ! (Rires. Remarque.) Vous voyez que j'ai de bonnes références. Il s'agit donc de ne pas attendre encore un siècle pour la traversée de la rade; afin d'améliorer un projet qui n'est peut-être pas absolument parfait, il s'agit de décider aujourd'hui, de ne pas avoir de positions figées.

Cette initiative de l'UDC - il faut aussi le dire, on ne l'a pas rappelé ce soir - est née du refus opposé par la majorité de la Constituante au fait d'inscrire dans la constitution un article sur la traversée de la rade. Vous vous rendez compte, où voulait en arriver ce parti à l'époque ! Du coup, par esprit de représailles, une initiative a été lancée: il est clair qu'en soi l'idée peut être séduisante, mais ne nous laissons pas abuser par ce genre de sirènes. Aujourd'hui, la sirène vous dit au contraire de faire attention, la sirène pourrait être Mme Sobanek qui nous chanterait les filles du Rhin de Wagner... (Commentaires. Applaudissements.) Ne soyons pas malthusiens, acceptons de réfléchir, voilà ce que je vous enjoins de faire, et je le dis aux représentants de la gauche dans cette salle ! Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.

Mme Lisa Mazzone (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. En préambule, je rappelle que si un projet est réalisable, il n'est pas forcément pertinent pour autant. On a de bons exemples de lubies totalement ridicules qui se sont trouvées réalisées, un précédent de taille étant la tranchée couverte de Vésenaz, qui a coûté pas moins de 68,5 millions de francs pour - je cite l'ingénieur cantonal - un ouvrage local destiné à augmenter le bien-être des habitants de Vésenaz, soit environ cinq cents personnes. C'était là simplement un rappel.

Il s'agit aujourd'hui d'un vote crucial, d'un choix entre le passé et le futur: construire des aspirateurs à voitures hors de prix, dans un relent des années 60, d'une part, ou choisir l'avenir, soit construire ensemble un canton où la qualité de vie est garantie pour toutes et tous grâce au développement de la mobilité douce et des transports collectifs. On a entendu tout à l'heure un député UDC affirmer que le trafic allait empirer ces prochaines années. C'est une prédiction digne de Cassandre, car avec ces deux projets, que ce soit la traversée de la rade ou celle du lac, le trafic va en effet empirer à Genève: les bouchons continueront d'augmenter, la qualité de l'air de se dégrader, le bruit de déranger la population, le réchauffement climatique poursuivra sa progression galopante. Bref, l'environnement se dégradera et la santé de la population avec lui. On a entendu que les Verts ne proposaient rien, qu'ils se cantonnaient dans une position d'immobilisme: c'est de la mauvaise foi pure et simple. Si vous aviez simplement pris le temps de lire le rapport de minorité, vous auriez constaté que la mobilité de demain, à l'échelle de l'agglomération, est celle du ferroviaire, celle que nous défendons. Pour la mettre en oeuvre, nous avons besoin de moyens importants. Etes-vous simplement capables d'imaginer un avenir un peu différent, un avenir qui soit respectueux de l'environnement autant que de l'humain qui l'habite ? Imaginez: après l'extension de la gare Cornavin, en souterrain évidemment, après la construction de la raquette ferroviaire, on aura 75% des habitants et 83% des emplois qui se situeront à 1,5 km seulement d'une gare, soit l'ouverture sur une vraie mobilité durable, combinée entre les modes de mobilité douce et collective, respectueuse de notre environnement. Nos propositions vont dans ce sens: développement du rail, maillage du réseau ferroviaire, aménagements pour la mobilité douce, priorité aux transports publics, bref, se détourner de la voiture pour s'orienter résolument vers des modes de mobilité durables - soit faire acte de responsabilité. Construire un canton où il fait bon vivre, et pas seulement quand on habite une maison cossue, loin des axes routiers !

Cette incapacité à se tourner vers l'avenir, à se détourner du passé, cette obsession à vouer un culte à un projet dépassé, c'est cela, le dogme; ignorer les faits de nature écologique et de santé publique pour leur préférer des croyances, c'est encore cela, le dogme. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mais j'ai entendu M. Daniel Zaugg affirmer tout à l'heure que l'Entente avait la capacité d'évoluer, puisque aujourd'hui, elle reconnaît la nuisance que créera la traversée de la rade et la dénonce, s'en détourne. Alors qui sait ? Peut-être que, dans cinquante ans, ces députés auront saisi que construire de nouvelles routes augmente d'autant le trafic automobile et que, dans la même dynamique, ils abandonneront la traversée du lac, et s'attelleront enfin à construire un canton où il fait bon vivre et où toutes et tous peuvent bénéficier d'une bonne qualité de vie ! Je vous remercie, Messieurs les députés, de faire acte de responsabilité et de voter enfin pour la qualité de vie de toutes et de tous en refusant aussi bien l'initiative 152 pour la traversée de la rade... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que son pendant autoroutier, le contreprojet pour le principe d'une traversée du lac. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Chers collègues, vous avez vu que, durant tous ces débats, le but n'était pas de faire du ping-pong; mais vous me permettrez de faire une synthèse de ce que j'ai entendu. Et je commencerai par une référence historique magnifique qui a été rappelée, c'est vrai: commencée par M. Vanek pour nous ramener à l'époque des Romains, de Jules César, continuée par ma très chère cheffe de groupe. Eh bien, cela me donne de la confiance, parce qu'on s'aperçoit en définitive que le franchissement des éléments naturels est une préoccupation depuis Jules César ! Une préoccupation qui prend à ce jour la forme de cette initiative 152.

On nous dit que nous sommes passéistes, que nous sommes des fossiles. Quand je pense que, il y a une année, le corps électoral genevois a réintroduit le communisme au Grand Conseil, mon Dieu ! Vous pouvez bien penser qu'une initiative de 2004 a toutes ses chances de passer ! Vous me permettrez en tout cas de rester sur cette conviction. (Brouhaha.)

Nous devons dire malgré tout, Mesdames et Messieurs les députés, que par certains côtés nous avons perdu de vue le bien-être des Genevois au profit de ce que j'allais appeler du «déviationnisme idéologique»... (Exclamations.) ...et j'ai presque l'impression, à entendre certains, qu'il y a chez eux la nostalgie de l'époque atroce de Mao, où la place Tian'anmen était remplie de vélos. Donnez-vous la peine d'aller voir en Chine maintenant: mon Dieu, que cela a changé ! Cela veut donc dire que nos communistes et nos Verts genevois n'ont rien compris à l'évolution du monde. C'est dramatique, permettez-moi de vous le dire ce soir ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Patrick Lussi. Un des meilleurs scoops que j'ai entendus ce soir - Monsieur le président, je ne peux pas m'empêcher - c'est que tous ceux, PLR et autres, qui avaient conçu ce rapport sur la traversée de la rade étaient des populistes ! N'est-ce pas le scoop le plus magnifique de ce soir ? J'espère que les gens qui ont fait cette étude sauront apprécier et sauront pour qui voter prochainement. (Exclamations.) Enfin, on a entendu parler des techniciens - magnifique. Un ami dont je tairai le nom, mais qui n'est pas très loin dans cette enceinte, me disait à propos de la nappe phréatique considérée comme un obstacle: «Quelque chose est en train de se passer. On nous dit qu'on va faire la même chose avec un rayon de 10 km, en souterrain: on va recreuser un accélérateur, 10 km depuis Meyrin. Regardez où il passe, et vous me direz s'il y a des problèmes de nappe phréatique... Mais là, c'est bizarre, on n'en parle plus ! C'est la science !» C'était cocasse de pouvoir aussi relever cela.

Et puis je ne peux m'empêcher de terminer sans saluer quelqu'un qui s'engage pour cette cause, qui l'a écrit et le dit, et qui vit ces problèmes tous les jours dans son taxi. Selon lui, une traversée urbaine de la rade serait nécessaire pour le service des taxis, pour tous les professionnels des transports autres que les transports publics de masse - hein, on parlait d'immigration de masse, parlons de transports publics de masse ! Eh bien, je salue M. Jenni pour les positions courageuses qu'il prend au nom de l'association des taxis, parce que, eux, ils ont la réelle conscience de ce que sont les bouchons; eux, tous les jours, ils doivent déplacer des gens et, eux, pensent que ce serait une solution agréable. (Brouhaha.)

Enfin, pour terminer, Monsieur le président, on a parlé de rêves, de fous... Eh bien, M. Weiss a commis une erreur dramatique en disant que nous avions lancé cette initiative en réaction aux travaux de la Constituante. Il est vrai que cela n'est peut-être pas élogieux pour nous, mais nous n'avons pas craint de le faire. Rappelons simplement que nous avions d'abord pensé qu'il fallait lancer rapidement une initiative il y a cinq ans, pour d'autres élections, et que cette initiative, par manque de moyens de notre part, n'avait pas abouti. La Constituante n'a rien à voir dans ceci, je vous prie de le noter.

Pourquoi l'UDC dit-elle que le contreprojet n'est que du vent ? Vous me permettrez de prendre le contre-pied, Mesdames et Messieurs les députés: il y a deux ans qu'on connaît notre projet; on a essayé de le faire invalider par tous les moyens. Il y a deux ans que le PLR, avec ses grands cerveaux, sait qu'il aurait pu arriver ce soir en qualifiant cette initiative de l'UDC de mauvaise et en proposant quelque chose. Mais non, ils ne proposent rien, ils disent simplement qu'il faut réfléchir encore une année pour voir si l'on va faire quelque chose. Il y a un problème d'ordre de grandeur: pour le PLR, une année, c'est un siècle. J'espère que vous saurez apprécier la différence. Mesdames et Messieurs, soyons sérieux, n'opposons pas ce qui n'est pas opposable! L'UDC vous parle simplement d'une traversée urbaine; nous n'avons jamais contesté la traversée lacustre, qui est contenue dans «Mobilités 2030», qui fait l'objet d'un projet du gouvernement. Ou est-ce que le PLR est en train de dire que le projet du gouvernement n'est pas bon, qu'il faut le jeter, qu'on va lui opposer un contreprojet ? Car, en définitive, c'est ce qu'ils sont en train de faire: invalider les travaux précédents du gouvernement sur une traversée du lac. Mesdames et Messieurs, ce n'est pas sérieux de faire cela ! La population a besoin des deux choses, l'une peut se faire en dix ans, l'autre se fera en trente ou quarante ans. Dans trente ou quarante ans, on trouvera les moyens de financer. Ne mélangeons pas tout, posons les bonnes questions à la population ! Raison pour laquelle le groupe du MCG et celui de l'UDC, constituant la première minorité, vous demandent d'accepter l'initiative et de refuser le contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Je ne vais dire que des platitudes.

Une voix. Mais non !

M. Bertrand Buchs. J'ai vraiment l'impression que nous sommes un Grand Conseil de vieux... (Exclamations.) ...incapables de nous projeter dans l'avenir ! J'aimerais quand même vous dire que la traversée du lac est dans le plan directeur cantonal que vous avez voté ! Je crois pourtant que le Grand Conseil a voté ce plan directeur quasi à l'unanimité... Qu'y a-t-il dedans ? La traversée du lac et le développement de la rive gauche ! On vient d'entendre de la part de l'UDC et de Mme Meissner qu'ils sont contre le développement de la rive gauche, ce qui est tout à fait acceptable; mais alors il ne fallait pas voter le plan directeur cantonal ! Première chose. De toute façon, la traversée du lac est prévue. Alors nous sommes d'accord avec vous: ce sera peut-être en 2030, mais elle est prévue, cette traversée du lac !

Pour les Verts: vous êtes très logiques, vous ne voulez plus de voitures. Mais pourquoi avoir voté la troisième voie de l'autoroute ? Ce n'est pas logique ! (Remarque.) Non, ce n'est pas logique du tout ! Pourquoi ? Parce que vous développez la rive droite, parce que ce canton est déséquilibré. On met tout à droite et rien à gauche ! Ce canton est déséquilibré ! (Nombreux commentaires. Le président agite la cloche.) Allez discuter avec la commune et les gens de Vernier ! Vous verrez ce qu'ils vous disent ! Ces gens-là subissent tout le développement, les zones industrielles, les citernes... La rive gauche n'a rien ! Je m'excuse, mais si l'on veut un canton équilibré, on doit accepter le développement de la rive gauche. C'est vrai, le débat n'est pas politiquement correct, parce qu'on ne veut pas développer cette rive: ce n'est pas politiquement correct de développer la rive gauche. Mais la Confédération l'a dit très clairement: une traversée du lac est subordonnée au développement de la rive gauche. C'est pour cela que la Confédération n'a pas voulu la subventionner plus tôt. Si vous voulez une traversée du lac, vous devez développer la rive gauche ! Et Genève n'est pas arrivé avec un projet correct pour ce développement, c'est pour cela que Berne a rejeté la traversée du lac. Soyons logiques ! (Commentaires.)

Nous avons fait des réunions en commission. (Remarque.) Qu'y a-t-on entendu ? On vient nous dire que le projet de l'UDC n'est actuellement pas un bon projet: ce n'est pas une honte ! Ce n'est pas une honte de dire que ce n'est pas un bon projet ! Vous avez eu raison de relancer le débat, à l'UDC. On vous dit que ce n'est pas un bon projet: acceptez-le ! Vous voulez absolument réaliser un projet qui va ruiner les finances cantonales. Avec ce vote et celui de dimanche dernier, on est en train de ruiner le canton ! C'est cela que vous voulez ? Vous voulez ruiner le canton, parce que vous vous êtes mis dans la tête que votre projet était essentiel ? On vous dit que ce n'est pas un bon projet, vous répondez que de toute façon les chiffres sont faux, ce que les gens ont dit en commission est faux, ce ne sont que des bobards. Alors ne faisons pas de réunions en commission ! Ne constituons pas de commission, discutons tout de suite en plénum si l'on vote ou non cette traversée de la rade !

De toute façon, on votera sur cette traversée de la rade. (Remarque.) La question n'était pas là: le peuple va être consulté, de toute façon ! Avec l'Entente, nous avons essayé d'être pragmatiques. Parce que nous considérons que les voitures existeront toujours; nous considérons qu'il y a une complémentarité des transports - on se tue à le dire ! Il faut accepter que des gens viennent en ville en voiture ! M. Ducret a raison à 150% ! M. Ducret vous répète à longueur de séance que c'est une aberration de faire passer le transit par le centre-ville: il n'y a pas une ville au monde où l'on fait passer le transit par le centre-ville ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Bertrand Buchs. L'UDC vient avec un projet qui amène à ce qu'on fasse encore passer le transit par le centre-ville ! Les chiffres sont têtus, ils vous démontrent qu'à part le pont du Mont-Blanc, vous n'allez pas diminuer la circulation au centre-ville, vous allez l'augmenter.

Une voix. Ce n'est pas vrai !

M. Bertrand Buchs. Mais si, c'est vrai ! Ceux qui disent que ce n'est pas vrai ne faisaient pas partie de la commission. Concernant le contreprojet, je suis un rapporteur de minorité, parce que nous nous sommes fait lâcher en rase campagne par les socialistes ! (Remarque.) Deux sur trois ont voté pour le contreprojet en commission, l'ont soutenu, ont dit qu'ils étaient entièrement d'accord. (Commentaires.) Puis, brusquement, on ne veut plus de contreprojet du tout... Ce n'est pas crédible ! Dans cette histoire, personne n'est crédible, on ne développe plus Genève, on reste chez nous tranquillement avec nos nains de jardin, et c'est tout ! (Remarque.) Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers amis... Je dis «chers amis», parce que, en vous entendant ce soir sur le projet de traversée de la rade, j'ai l'impression d'avoir rajeuni de vingt ans ! Eh oui, vingt ans: j'étais le benjamin de ce Grand Conseil, en compagnie de ma très chère cousine, Martine Roset, qui était, elle, la benjamine. Il y avait déjà M. Philippe Joye, il y avait M. Christian Grobet qui est absent ce soir; il y en avait peut-être encore deux ou trois. Mais quand j'ai entendu la suite de ce débat, c'est un sacré coup de vieux que je me suis pris, parce que dans les arguments de l'UDC et du MCG je n'ai pas vu beaucoup de nouveauté: en effet, si l'on rappelle rapidement l'historique de ce projet, nous nous étions réunis, toute la députation genevoise à Berne, dans les bureaux de M. Mark Muller, à plusieurs reprises d'ailleurs; nous avions trouvé une espèce de consensus de principe sur le fait que nous devions tous ensemble aller chercher la manne fédérale pour arriver peut-être un jour à trouver une solution non pas sur la traversée de la rade, mais sur celle du lac. Et au lendemain d'une de ces réunions, l'UDC, pour faire un coup politique, avait lancé ce projet ! Projet qui bien entendu nous avait un petit peu agacés, le restant de la délégation genevoise. Il nous avait alors été répondu par Mme Céline Amaudruz et M. Yves Nidegger que c'était juste un principe politique; la faisabilité et la façon de présenter ce projet leur importaient peu, ce n'étaient pas leurs affaires. C'est là que commence, je dirais, le côté grave de la proposition que nous traitons aujourd'hui, presque de la même manière, vingt ans plus tard.

Parce que ce projet, Mesdames et Messieurs, est tout justement irréalisable: irréalisable quant à ses infrastructures, parce que son implantation sur la rive gauche se situe en plein sur la nappe phréatique du Genevois, et qu'il y a des normes fédérales qui interdisent la pollution ou le risque de pollution sur ce genre de nappe phréatique; et je vous rappelle que la France y alimente aussi certains de ses réseaux, ce qui pourrait permettre aux Français de porter plainte et de s'opposer à ce projet. (Remarque.)

Le Conseil d'Etat, vous l'avez bien senti - car nous en avons parlé dans le discours de Saint-Pierre - soutient la traversée du lac: elle fait partie du plan directeur que la gauche a aussi soutenu pas plus tard que l'année passée. Nous la soutenons comme faisant partie des infrastructures périphériques autoroutières. Votre projet de traversée de la rade ne supporte pas les études, puisqu'il n'y en a pas eu de votre côté; mais des études faites par le département montrent qu'il amènera 50% de trafic en plus à l'avenue de France, alors que vous voulez le diminuer - il faudra m'expliquer comment vous voyez les choses ! Il amène, en outre, 40% de trafic en plus à la rue de Lausanne, 20% au quai Gustave-Ador et à la rampe de Cologny, 10% jusqu'à Malagnou.

Il est irréalisable, en plus de cela, quant au financement: vous voulez le construire tout de suite, de manière prétendument réfléchie, dans les six ans, ce qui impliquerait qu'il faudrait y consacrer des dizaines de millions par année durant cette période. Cela bloquerait tous les autres investissements sur les nouveaux projets de tram, ou même de construction d'écoles, de logements - apparemment on en manque un petit peu à Genève... - sur tous ces nouveaux projets, et même peut-être sur la continuation du CEVA qui, même critiqué, commence à émerger de terre; des projets comme l'extension en sous-sol de la gare, possible désormais grâce à la votation du 9 février, mais pour laquelle, je vous le rappelle, nous devons encore trouver 400 millions - c'est un sujet qu'on traitera non pas ce soir, mais éventuellement demain. Ainsi, avec ce projet passéiste, vous mettez à mal toute la vision d'avenir de notre canton. Je ne vous explique même pas l'image qu'on aura de nous à Berne quand il faudra prochainement négocier le fonds des infrastructures routières sur lequel Genève devrait disposer de 1,5 milliard pour pouvoir enfin résorber les goulets d'étranglement - sans parler du projet FORTA qui arrive...

Non, Mesdames et Messieurs de l'UDC et du MCG, je suis vraiment déçu de vous ce soir... (Commentaires.) ...parce que nous tenons, avec cette nouvelle législature, une possibilité d'avancer tous ensemble... (Chahut. Applaudissements sur les bancs du PLR et du PDC. Le président agite la cloche.) Ecoutez, j'attaque un peu l'UDC, et c'est le MCG qui se met à bêler !

Le président. S'il vous plaît !

M. Luc Barthassat. Le MCG qui, pas plus tard qu'avant-hier, m'avait donné son assurance qu'il voterait le contreprojet... (Commentaires véhéments.) ...et pas plus tard que ce soir, renonce à son engagement !

Le président. S'il vous plaît !

M. Luc Barthassat. Un parti un peu girouette, avec comme tête de pont, votre coq national ! (Commentaires véhéments.) Non, un peu de sérieux, s'il vous plaît ! Un peu de sérieux ! Le projet irréalisable que vous soutenez aujourd'hui, le Conseil d'Etat s'y oppose. J'espère qu'une majorité de ce parlement fera de même: je ne vais pas continuer à répéter ce que certains ont dit, j'en appelle tout simplement à la raison, à un certain rassemblement. Que ceux qui savent qu'ils se sont trompés aient le courage de faire machine arrière, et que ceux qui savent qu'ils sont dans la raison le montrent à travers leur vote. (Commentaires.) Je vous remercie. (Vifs applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. (Remarque.) Le Bureau a décidé qu'il n'y avait pas de mise en cause, vous n'aurez donc pas la parole. (Commentaires véhéments.) Nous arrivons à la procédure de vote. (Chahut. Le président poursuit.) Je vous en rappelle les principes: premièrement, nous allons voter la place de l'initiative dans la constitution, soit à l'article 192, alinéa 4 (nouveau). Ensuite, nous voterons sur l'initiative elle-même et, si elle est refusée, nous voterons sur le contreprojet. Le vote nominal a été demandé. Est-il soutenu ? (Un grand nombre de mains se lèvent.) Je présume qu'il est valable pour l'ensemble des votes ?

Plusieurs voix. Oui !

Le président. Très bien, il en sera fait ainsi. Je vous pose donc la première question, celle de la place de l'initiative 152 dans la constitution genevoise à l'article 192, alinéa 4 (nouveau). (Le vote est lancé. Commentaires durant la procédure de vote.)

Plusieurs voix. C'est oui !

Le président. Il faut voter oui ! (Commentaires. Rires.)

Mise aux voix, la proposition de placer l'initiative 152 à l'article 192, alinéa 4 (nouveau) de la constitution est rejetée par 50 non contre 46 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je suspends la séance pendant quelques instants. Le Bureau, s'il vous plaît ! (Applaudissements. Rires.)

La séance est suspendue à 22h17.

La séance est reprise à 22h18.

Le président. Je suspends à nouveau la séance. J'aimerais que le Bureau se réunisse à la salle Nicolas-Bogueret.

La séance est suspendue à 22h18.

La séance est reprise à 22h50.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprenons nos travaux. Le Bureau propose un amendement visant à placer l'initiative à l'article 192, alinéa 3 (nouveau, l'alinéa 3 ancien devenant l'alinéa 4) de la constitution. Je crois que les chefs de groupe et le Bureau ont eu copie de l'amendement. Je soumets cet avis à vos suffrages, toujours en vote nominal.

Mis aux voix, l'amendement du Bureau visant à placer l'initiative 152 à l'article 192, alinéa 3 (nouveau, l'alinéa 3 ancien devenant l'alinéa 4) de la constitution est adopté par 65 oui contre 13 non et 18 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous passons au vote sur la prise en considération de l'initiative.

Mise aux voix, l'initiative 152 est refusée par 62 non contre 31 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je vous soumets enfin le principe d'un contreprojet.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 59 non contre 35 oui et 2 abstentions (vote nominal). (Exclamations pendant la procédure de vote. Quelques applaudissements à l'annonce du résultat.)

Vote nominal

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 152-C.