Séance du
jeudi 31 octobre 2019 à
17h
2e
législature -
2e
année -
6e
session -
27e
séance
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: MM. Serge Dal Busco et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Cyril Aellen, Pablo Cruchon, Christian Dandrès, Amanda Gavilanes, Adrien Genecand, Jean-Marc Guinchard, Delphine Klopfenstein Broggini, Vincent Maitre, David Martin et Stéphanie Valentino, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Christian Bavarel, Pierre Bayenet, Emmanuel Deonna, Sylvie Jay, Yves de Matteis, Christina Meissner et Helena Verissimo de Freitas.
Procès-verbal des précédentes séances
Le procès-verbal de la session du Grand Conseil des 17 et 18 octobre 2019 est adopté.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. La liste des projets de lois renvoyés sans débat vous a été transmise par courrier électronique. Je vais vous l'énoncer. Il vous est proposé de renvoyer ces projets de lois dans les commissions suivantes:
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (LEPM) (K 2 05) (PL-12588)
à la commission de la santé;
Projet de loi de Mmes et MM. Adrien Genecand, Edouard Cuendet, Yvan Zweifel, Pierre Nicollier, Raymond Wicky, Simone de Montmollin, Céline Zuber-Roy, Jacques Béné, Jacques Apothéloz modifiant la loi sur les droits d'enregistrement (LDE) (D 3 30) (Pour une mise en place effective d'une cédule hypothécaire de registre) (PL-12594)
à la commission fiscale;
Projet de loi de Mmes et MM. Delphine Klopfenstein Broggini, Jocelyne Haller, Helena Verissimo de Freitas, Frédérique Perler, Jean Batou, Marjorie de Chastonay, Philippe Poget, Isabelle Pasquier, Adrienne Sordet, Paloma Tschudi, Yves de Matteis, Pierre Vanek, Yvan Rochat, Jean Burgermeister, Thomas Wenger, Caroline Marti, Diego Esteban, Grégoire Carasso, Alessandra Oriolo, Romain de Sainte Marie, Pablo Cruchon, Cyril Mizrahi, Pierre Bayenet, Pierre Eckert, Christian Zaugg, Amanda Gavilanes, Olivier Baud, Salima Moyard, Léna Strasser, Rémy Pagani, Mathias Buschbeck modifiant la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption (LAMat) (J 5 07) (Renforcement des congés maternité et paternité à Genève) (PL-12595)
à la commission des affaires sociales;
Projet de loi de Mme et MM. Thierry Cerutti, Sandro Pistis, André Python, Daniel Sormanni, Danièle Magnin, Florian Gander modifiant la loi sur les jours fériés (LJF) (J 1 45) (Pour atténuer les inégalités que subissent les Genevois les jours fériés) (PL-12587)
à la commission de l'économie;
Projet de loi constitutionnelle de MM. Guy Mettan, François Baertschi, Patrick Dimier, Marc Falquet modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Les patrimoines naturel et architectural sont déclarés d'utilité publique) (PL-12589)
à la commission de l'environnement et de l'agriculture;
Projet de loi de MM. Guy Mettan, François Baertschi, Patrick Dimier, Marc Falquet modifiant la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS) (L 4 05) (PL-12590)
à la commission de l'environnement et de l'agriculture;
Projet de loi de Mmes et MM. Christian Dandrès, Alberto Velasco, Olivier Baud, Salima Moyard, Nicole Valiquer Grecuccio, Salika Wenger, Jocelyne Haller, Pierre Vanek, Jean Batou, Pierre Bayenet, Jean Burgermeister modifiant la loi générale sur les zones de développement (LGZD) (L 1 35) (Pour une attribution équitable des logements en zone de développement) (PL-12591)
à la commission du logement;
Projet de loi de Mmes et MM. Christian Dandrès, Alberto Velasco, Olivier Baud, Léna Strasser, Salima Moyard, Nicole Valiquer Grecuccio, Salika Wenger, Xhevrie Osmani, Jocelyne Haller, Christian Zaugg, Pierre Bayenet, Jean Batou, Jean Burgermeister, Pierre Vanek modifiant la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) (LDTR) (L 5 20) (Pour des chantiers habités qui respectent les locataires) (PL-12592)
à la commission du logement;
Projet de loi de Mmes et MM. Adrienne Sordet, Marjorie de Chastonay, Yves de Matteis, Pierre Eckert, Delphine Klopfenstein Broggini, Isabelle Pasquier, David Martin, Jean Rossiaud, Yvan Rochat, Paloma Tschudi, Alessandra Oriolo, Mathias Buschbeck, François Lefort modifiant la loi sur l'énergie (LEn) (L 2 30) (Pour un abaissement des seuils IDC) (PL-12593)
à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève;
Projet de loi du Conseil d'Etat accordant une indemnité annuelle monétaire de 319'943F et une indemnité annuelle non monétaire de 477'636F pour les années 2020 à 2023 à la Fondation de la Cité universitaire de Genève (PL-12596)
à la commission des finances.
La discussion immédiate sur l'un de ces points n'étant pas demandée, ces projets de lois sont renvoyés dans les commissions précitées.
De même, la liste des propositions de motions renvoyées sans débat vous a été transmise par courrier électronique. Je vais vous l'énoncer. Il vous est proposé de renvoyer ces propositions de motions dans les commissions suivantes:
Proposition de motion de Mme et MM. Jean Burgermeister, Jocelyne Haller, Olivier Baud, Pierre Vanek, Christian Zaugg, Jean Batou : La mobilisation des jeunes en faveur du climat doit être encouragée, pas sanctionnée ! (M-2596)
à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport;
Proposition de motion de Mmes et MM. Simone de Montmollin, Céline Zuber-Roy, Beatriz de Candolle, Jean Romain, Yvan Zweifel, Vincent Subilia, Murat Julian Alder, Raymond Wicky, Jacques Béné, Pierre Conne, Pierre Nicollier, Alexandre de Senarclens, Cyril Aellen, Sylvie Jay, Patrick Saudan, Rolin Wavre, Véronique Kämpfen, Serge Hiltpold, Fabienne Monbaron, Patricia Bidaux, Jacques Blondin, Claude Bocquet, Jean-Marc Guinchard, Christina Meissner, Delphine Bachmann, Olivier Baud, Jocelyne Haller pour une valorisation de la filière agronomie de l'HEPIA (M-2598)
à la commission de l'enseignement supérieur;
Proposition de motion de Mmes et MM. Delphine Bachmann, Alberto Velasco, Christina Meissner, Anne Marie von Arx-Vernon, Xhevrie Osmani, Olivier Baud, Grégoire Carasso pour des horaires d'accès aux piscines genevoises qui correspondent aux besoins de la population (M-2593)
à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport;
Proposition de motion de Mmes et MM. Christo Ivanov, Daniel Sormanni, Stéphane Florey, Patrick Hulliger, Eliane Michaud Ansermet, Marc Falquet, Salika Wenger, Thomas Bläsi, Patrick Lussi, Florian Gander, Thierry Cerutti, François Baertschi, Françoise Sapin, André Python, Ana Roch, Francisco Valentin pour l'octroi d'un droit de superficie aux forains et aux gens du voyage sur le site de la Bécassière (M-2594)
à la commission d'aménagement du canton.
La discussion immédiate sur l'un de ces points est-elle demandée ? C'est le cas, alors je passe la parole à Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche demande la discussion immédiate et le traitement en urgence de la M 2596.
Le président. Merci bien. Je mets cette requête aux voix.
Mise aux voix, la discussion immédiate de la proposition de motion 2596 est adoptée par 43 oui contre 35 non et 1 abstention.
Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de motion 2596 est adopté par 43 oui contre 37 non et 1 abstention.
Le président. Ce texte sera traité après les points fixes. Quant aux autres propositions de motions que j'énumérais tout à l'heure, elles sont renvoyées dans les commissions précitées.
Enfin, Mesdames et Messieurs, la liste des propositions de résolutions renvoyées sans débat vous a été transmise par courrier électronique. Je vais vous l'énoncer. Il vous est proposé de renvoyer cette proposition de résolution dans la commission suivante:
Proposition de résolution de Mmes et MM. Thomas Bläsi, Delphine Bachmann, Pierre Conne, Jocelyne Haller, Jean-Charles Rielle, Alessandra Oriolo, Bertrand Buchs, Stéphane Florey, Eliane Michaud Ansermet, Patrick Lussi, Christo Ivanov, Nicole Valiquer Grecuccio, Grégoire Carasso, Salima Moyard, Romain de Sainte Marie, Marion Sobanek, Emmanuel Deonna, Thomas Wenger, Patrick Hulliger, François Lefort, Frédérique Perler, Marjorie de Chastonay, Raymond Wicky, Marc Fuhrmann du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale et au Département fédéral de l'intérieur (DFI) demandant d'intégrer aux prestations de l'assurance obligatoire des soins la prise en charge des soins dentaires consécutifs à des traitements médicaux (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale) (R-896)
à la commission de la santé.
Je donne la parole à M. Thomas Bläsi.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je sollicite la discussion immédiate et le traitement en urgence de cette proposition de résolution. Il s'agit d'un texte interpartis. Je vous remercie.
Le président. Merci. Je lance la procédure de vote.
Mise aux voix, la discussion immédiate de la proposition de résolution 896 est adoptée par 83 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de résolution 896 est adopté par 83 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous débattrons de ce point à la suite de la première urgence votée.
Par ailleurs, les objets suivants seront traités ensemble: la M 2465, la R 856 et la P 2061-A sur le harcèlement sexuel au sein du DIP, ainsi que l'IN 173-B et le PL 12267-A relatifs au salaire minimum.
Nous passons aux demandes d'ajouts et d'urgences. Pour commencer, le Conseil d'Etat requiert l'urgence sur le PL 12425-A concernant les équipements médico-techniques lourds.
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 12425-A est adopté par 44 oui contre 41 non.
Le président. Nous aborderons cet objet après les points fixes. Ensuite, le gouvernement propose l'ajout à l'ordre du jour du PL 12597, à savoir le budget 2020 des SIG.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du projet de loi 12597 est adopté par 83 oui (unanimité des votants).
Le président. Ce projet de loi est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève. La parole va à M. Cyril Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Le groupe socialiste demande l'urgence sur les PL 12211-A et PL 12212-A pour la mise en oeuvre de l'article 29 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Le président. Je vous remercie.
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 12211-A et PL 12212-A est adopté par 46 oui contre 40 non.
Le président. Cet objet sera traité à la suite des autres urgences votées. Je laisse la parole à M. Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve). Oui, Monsieur le président, merci. Mesdames et Messieurs les députés, au nom du groupe des Verts, je vous demande deux urgences: la première sur les objets liés M 2367-A, M 2431-A et R 839-A qui traitent du harcèlement sexuel, la seconde sur la M 2381-A en lien avec les risques boursiers pour la CPEG.
Le président. Merci, Monsieur. Nous passons au vote de la première proposition.
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport M 2367-A, M 2431-A et R 839-A est adopté par 63 oui contre 25 non.
Le président. Nous examinerons ces textes à la suite des autres urgences. A présent, je mets aux voix la seconde demande.
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport M 2381-A est rejeté par 53 non contre 38 oui.
Correspondance
Le président. L'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil vous a été transmis par courrier électronique. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Lettre de Mme KLOPFENSTEIN BROGGINI Delphine annonçant sa démission du Grand Conseil pour le jeudi 7 novembre 2019 à 10h (C-3908)
Courrier de la Présidence du Grand Conseil relatif à la diffusion des Questions urgentes écrites (QUE) sur les réseaux sociaux (C-3909)
Courrier de l'Union des Forains de Genève relatif à la motion 2594 pour l'octroi d'un droit de superficie aux forains et aux gens du voyage sur le site de la Bécassière (point 147 à l'ordre du jour) (transmis à la Commission d'aménagement) (C-3910)
Lettre de Mme de MONTMOLLIN Simone annonçant sa démission du Grand Conseil pour le vendredi 1er novembre 2019 à 16h (C-3911)
Lettre de Mme VALENTINO Stéphanie annonçant sa démission du Grand Conseil pour le jeudi 7 novembre 2019 à 8h (C-3912)
Lettre de M. MAITRE Vincent annonçant sa démission du Grand Conseil pour le jeudi 7 novembre 2019 à 8h (C-3913)
Monsieur Falquet, c'est à vous.
M. Marc Falquet (UDC). Oui, merci, Monsieur le président. Je souhaiterais la lecture du courrier de l'Union des forains de Genève, s'il vous plaît.
Une voix. Quel numéro ?
M. Marc Falquet. C 3910.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Quelques mains se lèvent.)
M. Marc Falquet. Allez, le MCG !
Le président. Non, ce n'est pas le cas.
Une voix. Oh, mais il faut arrêter !
Une autre voix. C'est une blague !
Une autre voix. Vous faites quoi, à Ensemble à Gauche ?
Annonces et dépôts
Le président. Les pétitions suivantes, parvenues à la présidence, sont renvoyées à la commission des pétitions:
Pétition pour la création de places publiques dans nos quartiers (Fontenette, Tambourine, Grosselin, Tours, Noirettes, PAV) (P-2079)
Pétition : Préservation des animaux et de la flore de Genève (P-2080)
Le président. Nous n'avons pas de rapport de la commission de grâce pour cette session et passons donc aux élections et nominations de commissions.
Il se trouve que, faute de candidatures, les élections 2621 et 2646 sont reportées à la session des 21 et 22 novembre prochains. Pour la même raison, l'élection 2653 est quant à elle reportée à celle des 12 et 13 décembre.
Premier débat
Le président. Nous passons au premier point de l'ordre du jour, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. (Un instant s'écoule.) La parole va à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le PL 11609, issu des rangs du MCG et de certains UDC, provient de la perception de ses auteurs que le taux de chômage, dans notre canton, ne diminue pas et que le commerce de détail est une zone sinistrée. Ils en imputent une fois de plus la responsabilité à l'emploi de travailleurs frontaliers alors que, de leur point de vue, de nombreux résidents inscrits à l'office cantonal de l'emploi auraient pu prétendre à ces postes.
Leur remède ? Reprendre une mesure adoptée par la commune de Claro, au Tessin, prévoyant la mise à disposition des entreprises d'un macaron indiquant, par tranches de 20%, le taux de résidents employés. Le macaron en question permettrait aux entreprises qui en feraient la demande de se réclamer d'un label «Emplois +GE» contre un émolument d'un montant de 10 francs. Les recettes qui en résulteraient seraient affectées au développement de la formation et de la reconversion des chômeurs. Voilà donc pour la proposition contenue dans ce projet de loi. A noter simplement que les demandes adressées à la commune de Claro pour avoir un bilan de cette expérience sont restées lettre morte.
Voici en revanche la position de la majorité de la commission de l'économie. L'essentiel de cette proposition repose une fois encore sur le présupposé que les frontaliers seraient à l'origine de tous les maux que connaît l'économie genevoise en général et le marché du travail en particulier. Postulat auquel ne peut souscrire la majorité de la commission, pas plus qu'elle ne peut considérer qu'un parallèle existe entre un projet de macaron «Emplois +GE» énonçant le pourcentage de travailleurs résidents et le label «1+ pour tous». Celui-ci visait à l'origine à récompenser les entreprises ayant favorisé, durant l'année, l'emploi de chômeurs de longue durée; il a depuis été élargi à d'autres catégories de personnes et d'entreprises. Le parallèle n'existe pas non plus avec une déclinaison de ce label, la version «1+ pour tous Partenaire», réservée aux entreprises qui servent d'intermédiaires à l'engagement de personnes en recherche d'emploi et de personnes en situation de handicap. Il apparaît donc que ces deux derniers labels sanctionnent la pratique d'une responsabilité sociale des entreprises, d'une action dans l'intérêt de la collectivité et non une pratique discriminatoire, contraire par ailleurs aux accords sur la libre circulation des personnes.
Certains membres de la commission, comme certains auditionnés, se sont en outre insurgés contre un label qui validerait le ratio de travailleurs résidents et donnerait ainsi une fausse respectabilité à une entreprise alors même que celle-ci pourrait largement contrevenir à toute la réglementation sur le travail. Un représentant syndical, défenseur des travailleurs par essence, a relevé que la réalité transfrontalière du marché du travail dans notre canton est source de profit pour ce dernier. Il s'est ensuite montré dubitatif sur le lien sans nuance établi entre le taux de chômage à Genève et le nombre de travailleurs frontaliers. Il a indiqué qu'il y avait alors près de 17 000 demandeurs d'emploi - en tenant compte de l'ensemble d'entre eux et non uniquement des statistiques du SECO - pour près de 85 000 travailleurs frontaliers. Or, faisait-il remarquer, il n'est de loin pas démontré que ces chômeurs pourraient occuper les postes en question.
L'UAPG, l'union patronale genevoise, a exprimé le même sentiment général. Elle a indiqué que le projet de loi en question «méconnaît la réalité structurelle de l'économie genevoise et notamment la façon dont différents secteurs peuvent avoir besoin de façon différente de main-d'oeuvre frontalière [...] car ils ne trouvent pas sur le marché local le personnel dont ils ont besoin». L'UAPG était particulièrement sensible au caractère tronqué et biaisé de l'indication livrée par le label «Emplois +GE». Elle a par exemple évoqué le cas d'une entreprise employant cent travailleurs, dont un seul frontalier: selon le modèle du label instauré par la commune de Claro, l'entreprise en question afficherait seulement un taux de 80% de travailleurs résidents, tandis qu'une entreprise de cinq employés pourrait se targuer d'un taux de 100% et d'une respectabilité qui reste encore à prouver.
Il apparaît très clairement que le PL 11609 repose sur des présupposés biaisés visant une fois de plus à stigmatiser les travailleurs frontaliers, qu'il s'appuie sur une analyse erronée de la situation économique de notre canton et qu'il n'apporte surtout aucune alternative crédible au problème de chômage que connaît Genève. Enfin, le label requis par ce projet de loi risquerait d'attester - et j'insiste encore sur ce point - d'une respectabilité trompeuse. C'est pourquoi la majorité de la commission vous invite à refuser cet objet. Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. Il existe, pour les produits locaux, des labels se revendiquant du terroir genevois. Ainsi, on peut acheter une tomate produite à Genève plutôt qu'une tomate produite en Espagne, qui nécessite un long transport en camion et génère une grande pollution, avec des effets sur le CO2 et le réchauffement de la planète.
Pourquoi ne serait-il pas possible d'appliquer aux services rendus à la population ce qui est bon pour la production locale ? Si le consommateur exige de savoir la provenance de ces produits, n'aurait-il pas le droit de savoir si les services qui lui sont rendus proviennent de résidents genevois ? C'est le bon sens qui a présidé à l'élaboration de ce projet de loi. Ce n'est pas une invention genevoise puisque la commune tessinoise de Claro a mis en place une méthode qui permet de s'informer sur le pourcentage de frontaliers et de personnel local qui travaille par exemple dans un commerce. Ainsi, le consommateur peut en toute transparence faire son acte d'achat; la liberté du commerce doit s'accompagner de cette transparence.
Pour le MCG, l'essentiel est de protéger les travailleurs genevois et ce projet de loi peut contribuer à cette protection, qui va devenir de plus en plus nécessaire. Le MCG s'oppose à une libre circulation des personnes aveugle et fanatique, qui détruit les fondements de notre société genevoise. Le but des défenseurs de la mondialisation, qu'ils soient issus des rangs de la gauche ou de la droite, est au final de détruire notre société genevoise et ce qu'elle a d'humain, de consensuel et de solidaire. Le MCG réclame l'équité et la transparence; c'est pour cela que nous vous demandons de soutenir le présent projet de loi.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. L'objectif de ce projet de loi est uniquement et exclusivement de créer une incitation ou d'apporter une petite aide pour favoriser l'engagement de résidents ou de Suisses. Le moyen proposé est également très modeste. Pour les entreprises privées, la démarche est volontaire et non contraignante: toutes celles intéressées par le label «Emplois +GE» le recevraient. Un label similaire existe au Tessin, où il donne entière satisfaction. A Genève, il existe déjà différents labels, dont «1+ pour tous», créé pour valoriser l'engagement des chômeurs de plus de 50 ans. Ce label existe depuis 2012; 160 entreprises le possèdent à l'heure actuelle et personne ne le remet en question.
L'utilité d'un label «Emplois +GE» serait également incontestable. A Genève, le chômage est beaucoup trop élevé: le taux officiel y est actuellement de 3,8%. S'il était calculé avec la même méthode qu'en France, il bondirait à 11,8% ! Le taux de chômage à Genève est supérieur à celui en France voisine, où il est de 6,9%. Certains de nos secteurs sont tout particulièrement touchés. Dans la branche de l'hôtellerie-restauration, le taux de chômage atteint 8,1% selon les normes de l'OCE et 25% avec les normes du Bureau international du travail. Pour la branche du nettoyage, par exemple, le taux de chômage, selon les normes du BIT, est de 20%.
Tous les Genevois savent que la recherche d'un emploi est de plus en plus difficile. Tous les Genevois s'étonnent que la création de 8000 à 10 000 nouveaux postes de travail par an n'ait quasi aucun impact sur notre taux de chômage. Cette année, le nombre de nouveaux postes créés a même augmenté, mais le taux de chômage reste malgré tout inchangé ! Les entreprises privées créent 90% des nouveaux postes de travail à Genève; une mesure d'incitation, sans aucune obligation, aurait un impact positif pour beaucoup de Genevoises et Genevois. Pour ces raisons, l'UDC vous recommande d'approuver ce projet de loi. Merci.
M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, voilà une idée simple émanant d'Eric Stauffer, qui n'en a d'ailleurs jamais manqué. Cette idée simple n'est toutefois pas complètement de lui puisqu'il s'est inspiré d'une mauvaise idée tessinoise, rebaptisée «label Emplois +GE». L'idée est donc de vendre un label aux entreprises genevoises contre un émolument. Sur le label serait indiquée la proportion de main-d'oeuvre locale - entendons résidente - et, par contraste, la proportion de main-d'oeuvre non locale.
Ce soir, le MCG et l'UDC sont les seuls à défendre cette idée simple. Ils n'ont visiblement pas de problème avec les relents xénophobes et discriminatoires de ce projet de loi. Pire encore, ils oublient 70 000 de nos concitoyens suisses vivant officiellement en France comme Suisses de l'étranger, qui ne pourraient bien sûr pas être comptés au nombre de la main-d'oeuvre locale. Ils oublient également quelques dizaines de milliers de citoyens vaudois et genevois qui travaillent à Genève mais n'y vivent pas et qui ne pourraient pas non plus être comptés dans la main-d'oeuvre locale. Vous le voyez: à continuellement cibler l'étranger, on finit par cibler aussi des Suisses ! Le MCG et l'UDC ne veulent toujours pas comprendre la complexité de notre région, dans laquelle les populations sont imbriquées.
Enfin, l'idée de vendre ce label est un peu baroque puisqu'on va demander aux entreprises de se porter volontaires pour payer un émolument. Eh bien on imagine tout à fait, pour les raisons que je viens d'évoquer, l'enthousiasme absolument débordant des entreprises genevoises à afficher leur taux de main-d'oeuvre locale ! Pourquoi est-ce qu'il n'y aura pas d'enthousiasme et pourquoi ça ne marchera pas ? Parce qu'aucune entreprise sérieuse ne ferait évidemment cela, d'abord par respect pour ses employés et ensuite par souci de paix à l'interne. Personne n'imagine qu'une entreprise genevoise discriminerait publiquement ses employés non résidents, à part bien sûr le MCG et l'UDC. Vous comprenez donc l'inanité de cette proposition, que les Verts vous recommandent de rejeter vivement. (Applaudissements.)
Mme Ana Roch (MCG). On parle ici de mettre en avant les entreprises qui jouent le jeu en engageant nos résidents. Vous transmettrez à M. Lefort, Monsieur le président: j'ai une entreprise et je ne discrimine pas mes employés selon le lieu d'où ils viennent. Mais je veux bien être mise en avant parce que je joue le jeu et engage 90% de mes employés parmi les résidents, que je forme, que je sors du chômage et de l'aide sociale.
Des voix. Bravo !
Mme Ana Roch. Si d'autres entreprises le font, je pense qu'on peut donc aussi les remercier et les mettre en avant, que ce soit avec un label ou autre - peu importe la manière. On ne doit pas toujours, à mon sens, considérer négativement les projets qu'on peut déposer; il faut plutôt positiver et mettre en avant les entreprises genevoises qui jouent le jeu en engageant nos résidents. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on est là en plein paradoxe ! Alors qu'Ensemble à Gauche défend, semble-t-il, les travailleurs de ce pays, de ce canton, on entend la rapporteuse de majorité, membre de ce parti, nous dire qu'on va faire de la discrimination en voulant simplement mettre en avant les entreprises qui jouent le jeu. Mais on a justement intérêt à mettre en avant les entreprises qui jouent le jeu !
On ne va pas sacrifier sur l'autel de la compétitivité des entreprises les travailleurs, ceux qui sont ici, qui font l'effort d'aller au travail tous les jours et sont finalement discriminés par rapport à d'autres, qui travaillent souvent à des salaires inférieurs parce que certains employeurs ne jouent malheureusement pas le jeu ! Vous ne voulez d'ailleurs pas, dans le même temps, améliorer la protection des travailleurs en protégeant les salaires suisses alors qu'est en discussion l'accord-cadre avec l'Union européenne, qui veut justement que la Suisse supprime la protection des travailleurs, ou en tout cas la diminue fortement.
Et là, on dit non à ceux qui veulent agir, qui se disent: «Nous, on joue le jeu, et on veut mettre en avant le fait qu'on engage le plus possible de travailleurs qui habitent déjà dans notre région !», qui proposent une mesure concrète, positive et non négative ! C'est la contradiction de la gauche et d'une certaine droite, et ce sont finalement les travailleurs qui en paient le prix à travers les salaires qui leur sont versés. Je crois que cette approche est fausse; il faut accepter ce label si on veut essayer de la corriger. Acceptons ce texte de façon à mettre en avant et à récompenser les entreprises qui jouent le jeu pour le bien des employés et des habitants de notre région. Je pense que c'est ce qui est important aujourd'hui; merci de voter ce projet de loi.
M. Jacques Blondin (PDC). Un label de qualité ou de confiance, quel qu'il soit, ne peut être attribué que si les critères de son attribution se réfèrent à des conditions-cadres équitables, objectivables pour tous. Vous transmettrez à M. Baertschi, Monsieur le président, que c'est le cas du label GRTA. Or les secteurs de la vente, des soins à la personne, de l'hôtellerie-restauration et du bâtiment emploient davantage de frontaliers car ils ne trouvent pas sur le marché local le personnel dont ils ont besoin.
Une voix. Faux !
M. Jacques Blondin. Le label de «qualité» - et je mets le terme entre guillemets - que l'on veut créer ne pourrait donc pas être attribué dans ces secteurs alors qu'il pourrait par exemple l'être à des entreprises qui ne respecteraient pas des CCT, n'offriraient pas des conditions de travail acceptables ou feraient fi de tout aspect social. Ainsi, on montrerait du doigt et on discriminerait des entreprises qui n'ont pas d'autre moyen de fonctionner qu'en engageant des frontaliers, et ce dans des secteurs comme la santé et le social, domaines indispensables à une bonne qualité de vie pour nos concitoyens.
Ce projet de loi nie en outre la réalité structurelle de l'économie genevoise, et notamment la façon dont différents secteurs peuvent avoir besoin de façon différente de main-d'oeuvre frontalière, tout en fermant les yeux sur le fait que nous profitons largement des offres de formation et de logement de la France voisine.
Enfin, il vaut la peine de citer les auditionnés de l'UAPG lorsqu'ils déclarent que «le contrat social qui doit nous lier tous fonctionne par l'intégration plutôt que par la stigmatisation». Cet objectif hautement défendable et toujours d'actualité n'est pas atteint par le PL 11609, c'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien vous invite à le refuser. Merci.
Mme Léna Strasser (S). Un label «Emplois +GE», ça sonne bien et ça a l'air tout simple, mais par en dessous, franchement, ça grince. Vous transmettrez, Monsieur le président, que les travailleurs frontaliers ne peuvent pas être comparés à des tomates espagnoles ! Ce projet de loi propose un label stigmatisant - et, mon préopinant l'a dit, stigmatisant une partie indispensable des salariés du canton. A un label qui pousse à la discrimination, nous disons, nous, non merci ! Non merci à un texte proposant une discrimination des salariés de ce canton en fonction de leur origine ou de leur lieu d'habitation.
Jouer le jeu et se montrer responsable pour lutter efficacement contre le chômage, c'est d'abord renforcer la formation continue, favoriser l'insertion des jeunes et soutenir le maintien des plus de 50 ans sur le marché de l'emploi. Lutter efficacement contre le chômage, ce n'est pas payer 10 francs pour un macaron discriminant et se congratuler de l'entre-soi. Le groupe socialiste refusera cet objet.
M. Marc Fuhrmann (UDC). Ce label amènerait une transparence utile. Je pense que chacun d'entre nous se rend compte, au gré de sa consommation dans le canton, que ce soit à travers l'Etat de Genève, dans les magasins, peut-être chez le médecin, dans l'immobilier ou dans d'autres secteurs, qu'on a affaire à des gens qui viennent d'endroits de plus en plus éloignés de Genève. Reconnaissons que la couronne autour du canton devient toujours plus riche, alors que Genève elle-même s'appauvrit de plus en plus. Je crois rêver ! Quelle entreprise aurait honte ou peur de dévoiler ses chiffres d'emploi, notamment locaux, comme nous le dit la droite ?
Je prends l'exemple des régies. J'ai vu certains grands responsables et parlé avec eux: certaines ont plus de 60% d'employés non résidents dans le canton. C'est scandaleux ! Scandaleux ! Avec un marché de l'emploi qui devient de plus en plus compétitif, où les plus faibles et les plus de 50 ans ont de moins en moins de chances, la moindre des choses que nous puissions faire, c'est d'offrir une certaine transparence. Que les Genevois puissent décider ce qu'ils veulent consommer et où ils veulent le faire ! Je ne peux donc qu'approuver cette mesure, et je vous enjoins de voter le projet de loi. Merci.
M. Jacques Béné (PLR). Au risque de répéter ce qui a été dit - mais je pense que c'est important - je rappellerai que ce projet de loi ne tient pas compte de la réalité structurelle de l'économie genevoise et des besoins réels de certains secteurs, qui ne peuvent tout simplement pas se passer de la main-d'oeuvre frontalière car le marché local des résidents ne permet pas de repourvoir l'ensemble de leurs postes. Il serait dès lors totalement inadmissible de clouer au pilori les entreprises qui, parce qu'elles n'ont pas d'autre choix, font appel à du personnel frontalier.
L'objectif d'embaucher des travailleurs résidents est louable, il peut être partagé, mais le PL 11609 ne répond pas à cette attente. Comme l'ont démontré plusieurs études sur le chômage, celui-ci n'est pas imputable à la main-d'oeuvre frontalière mais à la dégradation des conditions-cadres. C'est donc sur ces conditions-cadres qu'il faut continuer à travailler. Le credo du MCG est bien connu, avec ses slogans anti-frontaliers. Nous lui préférons le label «1+ pour tous», qui met en évidence de manière positive les entreprises qui recrutent des personnes sans emploi. Mesdames et Messieurs, y en a marre de ces projets qui stigmatisent les frontaliers, qu'ils viennent du canton de Vaud ou de France voisine, car nous avons aussi besoin d'eux ! Je vous invite donc à refuser fermement ce projet de loi.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je ne sais pas si vous vous rendez compte du message que vous envoyez à la population ! On entend aujourd'hui qu'un Genevois est, dans son propre canton, moins bien considéré qu'un citoyen de l'Union européenne ! Et vouloir favoriser un Genevois dans son propre canton, c'est de la discrimination ! Mais c'est franchement scandaleux ! J'espère que les gens écoutent ce que vous êtes en train de dire ! Favoriser l'emploi des Genevois, c'est considéré comme de la discrimination ! Je crois que c'est le seul canton au monde qui tient un tel langage ! Je ne sais pas si vous avez perdu totalement la raison !
Quand on parle de frontaliers, on parle de personnes au bénéfice de permis frontaliers, qui sont octroyés à des citoyens de l'Union européenne - il ne s'agit ni de Vaudois ni de Genevois qui habitent en France. Il est donc tout à fait faux de dire que c'est une fausse mesure, Mesdames et Messieurs ! Ecoutez le message que vous envoyez à la population ! Franchement, je suis dégoûté ! Il y a au moins 60 000 à 70 000 personnes sur le carreau à Genève et vous ne voulez pas faire en sorte de favoriser l'emploi des Genevois ! Franchement, vous devriez démissionner et vous engager au parlement français ! Ou demander qu'on rejoigne la France ! Je suis dégoûté ! Merci beaucoup.
Une voix. Bravo, Marc ! Tu as raison !
M. Serge Hiltpold (PLR). Après cette truculente intervention du député Falquet, je pense qu'il est important de considérer un petit peu l'essence du projet de loi. Le titre de la loi que le PL 11609 veut modifier est le suivant: «loi en faveur du développement de l'économie et de l'emploi». Est-ce que ce texte va créer des emplois supplémentaires ? La réponse est non ! Concernant les labels, j'aimerais juste rappeler une chose aux gens qui n'ont pas d'employés mais font de grandes théories. Vous parlez du label GRTA, vous faites une grande déclaration - c'est très bien. N'oubliez pas que dans les entreprises, il faut des personnes qui travaillent; s'agissant du label GRTA, je n'ai pas vu beaucoup de Genevois dans les vignes, dans les serres, dans la culture maraîchère. Donc soyez conséquents ! Les entreprises genevoises ont besoin de cette main-d'oeuvre, elles ont besoin d'un bassin relativement large.
Ensuite, le combat est complètement erroné. La vraie défense des travailleurs ne consiste pas à défendre les citoyens genevois. La vraie défense des travailleurs passe par la défense des conditions de travail et d'une rémunération juste du travail - voilà le combat que vous devez mener ! Il ne consiste pas à donner un travail sous-payé à un Genevois, avec un salaire en dessous des conventions collectives, mais à faire respecter les CCT pour qu'il existe une égalité salariale et qu'elle s'applique à tous, qu'on soit résident genevois, français, vaudois ou confédéré.
Concernant la formation, je vous rappelle simplement l'histoire de Genève et les échanges qu'il y a eu avec l'Europe: de nombreux Suisses sont partis à l'étranger acquérir des connaissances, que ce soit dans les domaines bancaire, de la construction ou de l'horlogerie. Vous ne pouvez pas baser la prospérité uniquement sur un modèle macroéconomique. Genève bénéficie d'énormément de retombées qu'elle doit aussi à des populations autres que celles venant de la région allant du Pays de Gex au Salève. Réfléchissez un tout petit peu: nous ne sommes pas en train d'attaquer les Genevois ! Il faut juste être conséquent et défendre des conditions de travail équitables pour tous. Stigmatiser des gens est une chose parfaitement déplorable. Merci.
Une voix. Bravo !
M. François Lefort (Ve). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Falquet qu'il n'entend pas la réalité, rappelée d'ailleurs ce soir par plusieurs préopinants. Le scandale, c'est de trier les populations et de les monter les unes contre les autres ! Le scandale, c'est de repousser notre population à l'extérieur de nos frontières ! C'est de transformer des dizaines de milliers de Genevois en frontaliers ! C'est ce que le MCG, et l'UDC, ont contribué et contribuent encore à faire en s'opposant systématiquement aux projets de construction en zones de développement et à la densification ! Il faut être conséquent, Monsieur Falquet: le scandale, il vient de votre bord !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci. La parole est à M. le député Daniel Sormanni pour quarante-sept secondes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. En quelques mots: je crois qu'une entreprise a toujours le choix. C'est extrêmement rare qu'elle ne trouve pas sur notre territoire les employés dont elle a besoin; il y a des cas spécifiques, mais d'une manière générale, on peut les trouver ici. Si vous ne voulez plus laisser d'emplois pour ces petites mains, pour tous ces gens qui sont aujourd'hui au chômage, à l'office cantonal de l'emploi, eh bien continuez d'aller dans ce sens ! Je pense que vous faites fausse route et je vous invite à soutenir ce projet de loi.
Une voix. Bravo, Daniel !
M. Romain de Sainte Marie (S). Je ne voulais pas intervenir, mais en entendant les propos qui sont tenus... (Commentaires.) Je suis outré et je pense qu'il faut réagir. Aujourd'hui, il faut favoriser l'emploi ! Et favoriser l'emploi, ce n'est pas favoriser une population au détriment d'une autre. Non: favoriser l'emploi, c'est favoriser l'insertion professionnelle. A cet égard, il est bon d'avoir des labels qui mettent en avant par exemple la formation professionnelle.
Notre responsabilité est d'accompagner la croissance économique qu'a connue le canton et les emplois qu'elle a engendrés à Genève. Force est de constater que notre canton ne les a pas accompagnés en matière de logement. Le résultat est une France voisine qui a particulièrement grandi d'un point de vue démographique et s'est développée en matière de logement pendant que l'essor de Genève n'allait pas à la même vitesse que son développement économique. Prétendre aujourd'hui qu'il faut mener la guerre aux travailleurs frontaliers, aux étrangers, est une erreur ! C'est une pure discrimination et ça va même à l'encontre de la volonté de favoriser l'emploi des habitants du canton. Non à un projet de loi qui vise à discriminer encore et encore; on sait que c'est la recette de l'UDC et du MCG, mais non à cette politique-là !
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. Plusieurs préopinants ont parlé de discrimination, mais non: c'est de l'émulation ! Voilà ce que propose ce projet de loi. On entend toujours parler de discrimination mais c'est faux ! C'est un mensonge éhonté. Les préopinants Sainte Marie et Lefort disent que nous nous attaquons au développement de Genève, mais eux veulent 800 000 habitants ou 1 million. Ils veulent un développement fantasmagorique, gigantesque, qui va nous mener droit dans le mur; c'est ce qu'ils font. On va droit à la catastrophe et ensuite, comme il y aura une catastrophe, ils diront - c'est vraiment le pompier pyromane - qu'on va éteindre l'incendie. Un incendie qu'ils auront eux-mêmes allumé !
Le système posera un problème fondamental tant qu'on ne sortira pas de l'impasse actuelle: une infirmière gagne au maximum 1800 euros en France et 5000 à 6000 francs en début de carrière en Suisse. Quand il y a une telle différence de salaire, on est obligé d'avoir une protection. C'est une nécessité, mais ni la gauche ni la droite ne veulent le voir parce qu'elles ont des oeillères. Elles sont dans une fuite en avant, une course dramatique qui nous amène à avoir plus de 11% de chômage réel - plus de 11% de chômage réel à Genève - malgré des statistiques qui minorisent complètement ces chiffres; rappelons qu'il s'agit des statistiques du BIT. Nous allons droit dans le mur; ce projet de loi n'apporte qu'une solution très très partielle, mais quand bien même notre proposition repose sur une base volontaire, est très modérée, y va vraiment de manière très douce, il y a une opposition. Non ! Une majorité de ce parlement, une majorité de la classe politique genevoise veut aller dans le mur, veut que Genève aille à la catastrophe ! Excusez-nous, mais nous ne vous suivrons pas sur cette voie !
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Je suis également très étonné par certains arguments qui ont été avancés: je trouve que ça ne correspond absolument pas aux trois articles contenus dans ce projet de loi. Si on parle de structure économique, c'est effectivement vrai que certaines branches ont un grand besoin de main-d'oeuvre étrangère. Mais ça ne signifie pas qu'il ne faut strictement rien faire pour les résidents et les Suisses. Je rappelle ce que vient de dire mon voisin: il faut relever que notre taux de chômage, à Genève, est pratiquement de 12% selon les normes du BIT, et qu'il est même supérieur dans le canton à celui de la France voisine. Il faut donc absolument faire quelque chose.
Pour revenir au projet de loi lui-même, les mesures proposées sont vraiment minimes; il s'agit exclusivement d'une incitation, sans aucune contrainte. On entend dire que ce label poserait un problème; je crois qu'il faut nuancer un peu cette déclaration. Si on compare le projet de label «Emplois +GE» avec «1+ pour tous», qui existe depuis cinq ou six ans, on voit qu'on se trouve dans un cadre très très similaire. Le premier est pourtant très contesté alors que le second ne pose, lui, aucun problème à aucun parti. Je pense donc que si le label «1+ pour tous» a un sens, est utile et n'est contesté par personne - c'est effectivement une petite aide pour les chômeurs de plus de 50 ans - il faudrait être logique et accepter le label dont il est question ici. «Emplois +GE» concerne en effet des milliers et des milliers de Genevoises et de Genevois qui ont besoin d'un petit coup de main pour retourner dans la vie active. Pour ces raisons, je vous invite à accepter ce projet de loi. Merci.
Le président. Merci. La parole est à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie. Je prendrai au besoin sur le temps de mon groupe.
Le président. Vous parlez déjà sur le temps de votre groupe. (Rire.)
Mme Jocelyne Haller. Ah, merci ! J'aimerais simplement rappeler que Genève n'est pas une forteresse. Le canton interagit étroitement avec la région, et on ne défendra pas l'économie genevoise et ses emplois par des mesures protectionnistes, voire isolationnistes. M. Falquet disait tout à l'heure que nous avons 70 000 à 80 000 personnes en rade. C'est faux ! Il y a 17 000 demandeurs d'emploi - y compris des chômeurs en fin de droit, qui généralement disparaissent des radars. Nous avons en revanche 85 000 permis frontaliers, dont tous ne sont d'ailleurs pas utilisés.
J'aimerais conclure en disant qu'un label n'en vaut pas un autre ! Car un label qui sanctionne la responsabilité sociale des entreprises, ce n'est pas la même chose qu'un label qui vous donne une indication toute relative, et donc peu indicative, sur la manière dont se comporte cette entreprise. Parce que, finalement, que dira ce label «Emplois +GE» ? Il donnera le pourcentage de travailleurs résidents employés dans l'entreprise, mais que dira-t-il de plus ? Que dirait-il à propos des HUG ou de l'IMAD, qui aujourd'hui, quoi qu'en disent certains, ne trouvent pas dans le canton la main-d'oeuvre qualifiée qui leur permettrait de travailler ? Le message serait que ce ne sont pas de bonnes entreprises parce qu'elles ont un taux très bas d'employés résidents, et qu'elles devraient changer leurs pratiques - alors que nous savons que la réponse est ailleurs ! Que leur demanderait-on ? Qu'elles engagent plus de résidents ? Aujourd'hui, ce n'est pas possible ! Quant à l'émolument de 10 francs qui devrait être affecté à la formation ou au reclassement professionnel des chômeurs, croyez-vous qu'on pourrait financer la reconversion professionnelle et la formation des demandeurs d'emploi avec les 10 francs par entreprise qui réclamerait ce label ? On est bien loin du compte !
Si vous voulez réellement faire en sorte que les chômeurs qui se trouvent écartés du marché de l'emploi soient réinsérés, votons des crédits qui encouragent la formation, qui favorisent la reconversion professionnelle afin de permettre à ces personnes de retrouver un emploi à Genève. Et surtout, protégeons les conditions de travail des travailleurs ! Parce qu'une mauvaise protection est finalement ce qui permet à certains employeurs d'engager du monde en pratiquant de la sous-enchère salariale. S'il y avait une meilleure protection des travailleurs, ils ne pourraient pas le faire et ce sont des employés genevois qui profiteraient de ces postes ! Si vous voulez être conséquents et protéger l'emploi à Genève, alors protégez les conditions de travail des employés à Genève ! Et cessons de discriminer une population de travailleurs qui est tout aussi nécessaire et bénéfique à l'économie du canton ! Je vous remercie de refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je prends la parole pour faire quelques commentaires sur le projet de loi, mais tout d'abord, je voudrais excuser notre collègue, M. Poggia, retenu actuellement à une conférence intercantonale à Lausanne, qui devrait bientôt nous rejoindre.
M. Poggia a eu l'occasion, lors de son audition en commission, de dire tout le mal qu'il pense de ce texte, relayant évidemment la position unanime du Conseil d'Etat en la matière. Plusieurs d'entre vous ont effectué, à mon avis de manière totalement inappropriée, une comparaison avec d'autres labels, comme «1+ pour tous»: ils n'ont absolument rien en commun puisque «1+ pour tous» est un label qui valorise alors que celui proposé par ce projet de loi stigmatise. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous invite à refuser cet objet. Merci.
Le président. Merci. Nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11609 est rejeté en premier débat par 75 non contre 17 oui.
Premier débat
Le président. Nous traitons maintenant les PL 11716-A, PL 12259-A et PL 12265-A en catégorie II, soixante minutes. Je passe la parole à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La branche du commerce de détail est sinistrée et en difficulté, je crois que tout le monde est d'accord sur ce constat. Partiellement aussi pour ces raisons, les relations entre les partenaires sociaux sont délicates et très tendues. Il se trouve que des négociations pour étendre la convention collective aux années 2020 à 2023 sont en cours. Un accord dans ce sens serait bénéfique pour le commerce de détail, et pour éviter d'interférer dans les discussions, la majorité vous demande de renvoyer ces trois projets de lois à la commission de l'économie. Merci donc de soutenir cette proposition.
Le président. Je vous remercie. Les autres rapporteurs souhaitent-ils ajouter quelque chose par rapport au renvoi ? Madame Haller ?
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président, merci. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe EAG n'est pas favorable à l'extension des horaires d'ouverture des magasins, il ne croit pas à ce pseudo-remède miracle. Sa position est clairement exposée dans mon rapport de minorité. Nous avons pris acte avec consternation de la détérioration du climat social dans le secteur du commerce de détail et de la fermeture des milieux patronaux, qui a conduit à une parodie de négociation de la convention collective. Aujourd'hui, une opportunité de discussion se rouvre entre les partenaires sociaux, il faut la saisir; nous jugerons ensuite ce qu'elle aura produit. Le groupe EAG estime que cette voie doit être tentée, c'est pourquoi il votera le renvoi en commission.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de première minorité. C'est une perche qu'il faut saisir, c'est certain. Mieux vaut tard que jamais, même si c'est malheureusement trop tard en ce qui concerne l'ouverture des commerces trois dimanches par année, puisque les bancs de droite et les milieux patronaux ont décidé de passer en force et de briser le partenariat social. Dans le cas présent, ma foi, il faut accueillir positivement cette demande de renvoi en commission, espérer qu'on parvienne vraiment à un accord et qu'enfin une convention collective digne de ce nom soit signée entre les milieux patronaux et syndicaux. Ensuite, nous reviendrons sur ces projets de lois qui, je l'espère, ne seront pas votés, sauf s'ils sont le fruit d'un partenariat social.
Le président. Merci bien. Nous passons au vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 11716, 12259 et 12265 à la commission de l'économie est adopté par 88 oui et 1 abstention.
Premier débat
Le président. Nous passons à l'objet suivant, relatif à la publicité pour le crédit à la consommation. Le débat est classé en catégorie II, quarante minutes. Je laisse la parole à M. Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La saga continue: c'est bientôt la dixième fois que je reviens à cette place pour traiter du sujet ! Je vais donc commencer par un peu d'histoire. Tout d'abord, rappelons que le PL 11797 a été déposé en janvier 2016 avant d'être renvoyé à la commission de l'économie où de nombreuses auditions ont été effectuées, toutes conduisant à la conclusion que ce projet de loi n'est pas compatible avec le droit supérieur. Le magistrat Mauro Poggia l'a confirmé avec détermination et brio lors de la séance plénière du 20 septembre 2018, il a clairement indiqué que le texte pose de réels problèmes de compatibilité avec la législation fédérale, à tel point que le Conseil d'Etat n'a pas demandé le troisième débat.
S'est ensuivi un retour à la commission de l'économie. Puis, lors de la plénière du 13 décembre 2018, les signataires ont annoncé le retrait du projet de loi compte tenu de son incompatibilité avec le droit supérieur. A cet égard, je tiens à saluer l'attitude du PDC qui a reconnu la primauté du droit fédéral et retiré son texte.
Une voix. Bravo !
M. Edouard Cuendet. Mais, contre toute logique, celui-ci a été repris par le député socialiste ici présent M. Romain de Sainte Marie, et renvoyé une nouvelle fois à la commission de l'économie, laquelle a refusé l'entrée en matière, notamment en raison de l'incompatibilité avec la législation fédérale.
Cela a inspiré aux Verts une proposition de motion parallèle, la M 2551 dont nous sommes saisis à la commission de l'économie et qui s'intitule: «Pour restreindre l'affichage de publicité pour le petit crédit». Je salue également la démarche de sa première signataire, alors présidente de la commission: admettant que le projet de loi est incompatible avec le droit supérieur, elle proposait un texte alternatif, à savoir une motion, dont le premier considérant est libellé en ces termes: «tout ce qui a trait au crédit à la consommation est réglé par le droit fédéral (loi fédérale sur le crédit à la consommation)». Il s'agit du principal argument. Ensuite, on lit dans l'exposé des motifs, à propos du projet de loi: «Une majorité de la commission a refusé ce projet pour différentes raisons, notamment la non-conformité avec le droit supérieur de la mesure proposée.»
Ce qui est intéressant, c'est que cette motion pendante devant la commission de l'économie a été signée par toutes les personnes qui ont repris le texte de loi que nous traitons aujourd'hui, notamment par le rapporteur de minorité qui se retrouve ainsi dans une situation juridique tout à fait schizophrène: d'un côté, il défend un projet de loi clairement incompatible avec le droit fédéral, de l'autre il signe une motion stipulant expressément que ledit projet de loi est incompatible avec le droit fédéral ! Il admet l'incompatibilité tout en la rejetant, ce qu'il va sans doute faire à nouveau ce soir. C'est ubuesque ! Le groupe PS est le dernier des irréductibles à prétendre que cette loi est compatible avec le droit fédéral, ce qui est absolument illogique.
J'en viens maintenant au fond. Nous avons mené énormément d'auditions, puisque ce texte est revenu x fois à la commission de l'économie. Les chiffres montrent que les 18-24 ans sont très peu endettés ou sujets à des défauts de paiement, et il nous a été rappelé que les principales causes d'endettement, selon les statistiques, sont les impôts et les primes d'assurance-maladie. Le petit crédit ne constitue pas la source principale de l'endettement, ce sont bien les impôts et l'assurance-maladie. De plus, 30% des demandes d'emprunt ont été rejetées en 2016, ce qui démontre que l'examen de solvabilité est effectué de manière diligente par les instituts de crédit. On nous a ensuite indiqué que la proportion de jeunes adultes de moins de 25 ans ayant contracté des crédits jusqu'à 25 000 francs est de 6%, de 3% pour des montants allant jusqu'à 50 000 francs et de 2% pour des financements jusqu'à 80 000 francs. Ainsi, la tranche d'âge principalement visée par le projet de loi est la moins endettée. Quant aux litiges liés à des difficultés de paiement, toujours chez les 18-24 ans, ils s'élèvent à 3%, soit 595 cas sur 20 708 crédits. Le problème n'est pas ici, le problème concerne avant tout les impôts et l'assurance-maladie. Même le CSP et Caritas, qui soutenaient avec ferveur le projet de loi à la base, se sont rétractés; M. Froidevaux, directeur de Caritas, admettant que de l'eau avait coulé sous les ponts, a concédé à demi-mot le caractère illégal du projet de loi dont nous sommes saisis.
L'immense majorité de ce Grand Conseil reconnaît le caractère fondamentalement illégal de ce texte, et c'est pour cette raison que je vous invite à ne pas entrer en matière. Nous aurons l'occasion de traiter la motion Verte lors des prochaines séances de commission, mais pour l'instant, je vous demande, au nom de la majorité de la commission, de rejeter ce projet de loi une bonne fois pour toutes. Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Monsieur le président, vous transmettrez au rapporteur de majorité qu'ici, nous ne faisons pas de droit, mais de la politique, et notre canton le sait bien: s'il n'avait pas fait preuve de courage politique, il n'aurait pas été pionnier en matière d'assurance-maternité !
Ce projet de loi vise tout d'abord à régler une problématique sociale, et je remercie le rapporteur de majorité d'avoir évoqué l'audition du Centre social protestant, dont le directeur a rappelé que 80% des personnes qui s'adressent au CSP pour des problèmes d'endettement ont généré leurs dettes alors qu'elles avaient moins de 25 ans. Alors il est vrai que chez les jeunes, les facteurs d'endettement sont principalement les primes d'assurance-maladie - j'espère que le rapporteur de majorité sera sensible à ça, et son parti également...
M. Edouard Cuendet. Ce sont surtout les impôts !
M. Romain de Sainte Marie. ...tandis que parmi les personnes plus âgées, ce sont les impôts; le crédit à la consommation arrive en troisième position. Cela étant, on ne va pas contester le fait que l'emprunt engendre des problèmes d'endettement avant tout chez les jeunes. Les seuls à l'avoir contesté étaient les représentants de l'association Financement à la consommation Suisse; autant dire que c'est un peu comme auditionner le groupement des bouchers-charcutiers à propos du mouvement végane ! Ils ne vont certainement pas prétendre que le petit crédit est nuisible à notre société et engendre des risques d'endettement.
Le nier reviendrait d'ailleurs à se tirer une balle dans le pied, puisque notre canton dispose d'un programme cantonal de lutte contre le surendettement, initié à l'époque par M. Longchamp et Mme Rochat - ça commence déjà à dater. A ce propos, j'espère qu'il existe encore ou survit au sein du département de la cohésion sociale - ce serait l'occasion de demander où en sont les choses. Dans tous les cas, quand on développe un tel dispositif qui est coûteux, il est utile de ne pas tendre la perche au crédit à la consommation et aux situations d'endettement par ailleurs.
Maintenant, venons-en à l'argument tant invoqué par le rapporteur de majorité: l'incompatibilité avec le droit supérieur. Penchons-nous sur la question et interrogeons-nous: le canton de Genève ne devrait-il pas aller jusqu'au bout et voter cet excellent projet de loi initialement déposé par le PDC qui, peut-être par manque de courage - je ne sais pas, j'essaie de comprendre - n'a pas souhaité mener à bien le processus et a mis de côté son aile chrétienne au profit de son aile libérale ?
Rappelons que la loi fédérale sur le crédit à la consommation, en son article 36a, prévoit ceci: «La publicité pour le crédit à la consommation ne doit pas être agressive. Les prêteurs agissant par métier définissent la publicité agressive de manière appropriée dans une convention de droit privé.» Encore une fois, cela revient à demander aux bouchers-charcutiers d'édicter les règles définissant le véganisme ! Dans la convention en question, il est mentionné que la publicité ne doit pas susciter chez les consommateurs l'impression que les emprunts peuvent être obtenus particulièrement rapidement, sans examen détaillé de la solvabilité.
Voilà qui est particulièrement intéressant ! Faites le test, écrivez «crédit à la consommation» dans un moteur de recherche - on l'a fait à la commission de l'économie, ce n'est pas difficile - tapez par exemple «CREDIT-now»: en un clic, vous obtenez des publicités qui vous promettent des crédits facilement et à n'importe quel moment, avec des dates libres de remboursement. Juste en allant sur internet - et ces publicités, on en trouve sur des affiches - on prouve que la convention édictée par les entités de crédit à la consommation n'est absolument pas respectée, que la loi fédérale n'est absolument pas respectée, puisque celle-ci stipule que la réclame pour l'emprunt ne doit pas être agressive. Citez-moi une seule publicité qui ne serait pas agressive ! Une publicité qui n'est pas agressive est une mauvaise publicité. Les sociétés de crédit à la consommation mettent tout en oeuvre pour diffuser d'excellentes publicités, elles disposent de gros moyens de marketing justement pour que celles-ci soient agressives, touchent les publics les plus jeunes et que ceux-ci s'endettent par la suite.
Non, la loi fédérale n'est pas respectée, et le canton de Genève peut le prouver en adoptant ce projet de loi. Je me réjouis que M. Cuendet dépose ensuite un recours, que les tribunaux tranchent et que Genève puisse enfin agir efficacement contre le surendettement en s'attaquant au problème à la racine, c'est-à-dire au crédit à la consommation et à la publicité qui l'accompagne. (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet. Et aux impôts !
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux propos du rapporteur de majorité, je vais juste citer encore un extrait du rapport: «Le conseiller d'Etat Mauro Poggia rappelle que l'article 49, alinéa 1, de la Constitution fédérale ancre le principe de primauté du droit fédéral. [...] Il insiste sur le fait que la loi sur le crédit à la consommation, à son article 38, prévoit que "la Confédération règle les contrats de crédit à la consommation de manière exhaustive". Donc tout ce qui concerne le crédit à la consommation est réglé exhaustivement par le droit fédéral.» Mesdames et Messieurs, nous n'avons d'autre possibilité que de rejeter ce projet de loi. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC). Comme cela a été dit, ce projet de loi n'est pas conforme au droit supérieur. D'ailleurs, l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette incompatibilité. Nous en avions déjà débattu au Grand Conseil et, toujours pour cette question d'incompatibilité, l'avions renvoyé en commission, le Conseil d'Etat n'ayant pas demandé le troisième débat. Ce texte est mauvais et rate complètement sa cible.
Pour la plupart des commissaires, toutefois, l'endettement des jeunes constitue une réelle inquiétude. Il existe plusieurs voies et types d'action pour les aider; l'encadrement des établissements de crédit en fait partie, et ces instituts sont soumis à de nombreuses contraintes, appliquent des critères d'évaluation stricts. Ainsi, le taux de demandes rejetées est de plus de 30% et le nombre de jeunes jusqu'à 25 ans ayant contracté un crédit à la consommation très faible.
De plus, le pourcentage de jeunes adultes de moins de 25 ans qui rencontrent des difficultés avec un emprunt - ils ne sont pas forcément en situation de surendettement, mais ont du retard dans une mensualité, par exemple - est inférieur à 3%, ce qui représente moins de 600 personnes dans toute la Suisse. En réalité, si de nombreux jeunes connaissent des problèmes de surendettement, la source de ceux-ci est généralement liée à des arriérés d'impôts ou de primes d'assurance-maladie, voire à d'autres types de crédits, mais très rarement à des crédits de consommation.
Nous ne contestons pas le fait qu'un encadrement et une aide pour les jeunes surendettés sont nécessaires. Il existe des cours pour établir un budget, et l'Etat subventionne des organismes comme Caritas et le CSP. Ces mesures sont-elles suffisantes ? La question mérite d'être posée. En tous les cas, ce projet-ci est mauvais, contraire au droit fédéral et n'apporte aucune réponse. Pour ces raisons évidentes, Mesdames et Messieurs, le groupe UDC vous recommande de refuser ce projet de loi. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise à inclure la publicité pour le petit crédit dans les restrictions de la loi sur les procédés de réclame, qui est actuellement en vigueur et concerne déjà celle pour le tabac et l'alcool. En effet, si notre canton a été capable de légiférer à propos d'autres produits qui posent des problèmes de santé publique, on ne voit pas pourquoi il ne le ferait pas pour le crédit à la consommation qui, à sa manière, impacte la santé des consommateurs. Il s'agit d'une problématique sensible, et il faut que le canton se positionne et développe une politique cohérente, il ne peut pas faire de prévention sans étudier les conséquences de la publicité, très présente dans l'espace public; dans la mesure où Genève a développé un programme cantonal de lutte contre le surendettement, il y aurait là un message contradictoire.
Comme l'a dit M. de Sainte Marie tout à l'heure, ici, nous ne faisons pas de droit, mais bien de la politique, et il s'agit d'envoyer des messages clairs. La majorité de la commission ne cesse d'invoquer une contradiction avec le droit supérieur, mais force est de constater que les Chambres fédérales ne sont pas parvenues ou n'ont pas cherché, prégnance des lobbys oblige, à apposer un cadre à la publicité pour le petit crédit, elles ont opté pour l'autorégulation des milieux concernés par la mise en place d'une convention. Or l'application de cette convention, qui est non contraignante et ne prévoit pas de sanction, est plus que discutable. Vous le constatez vous-mêmes, il n'est pas rare d'observer des publicités particulièrement agressives sur le domaine public - M. de Sainte Marie en a donné quelques exemples dans son rapport de minorité.
Pour reprendre les propos d'un auditionné, spécialiste des questions liées à l'endettement, il est indispensable que le canton travaille à une maîtrise de la communication des organismes de crédit, car ces derniers développent des procédés de réclame agressifs qui laissent à penser qu'en moins de cinq minutes, on peut bénéficier d'un emprunt de plus de 30 000 francs; il rappelait par ailleurs qu'au-delà de 80 000 francs, il n'y a plus de plafond, donc plus de régulation. Lui-même ainsi que d'autres acteurs comme la FRC, qui oeuvrent à la prévention et à la réparation des dérives du petit crédit, appellent le Grand Conseil à soutenir ce texte.
Le groupe Ensemble à Gauche, sensible à l'expertise des acteurs du terrain et déterminé à intervenir sur les pans de politiques publiques qui se déploient dans les domaines du social et de la santé, vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je ne peux que souscrire non seulement aux propos du rapporteur de minorité, mais également à ceux que vient de tenir notre excellente collègue Jocelyne Haller. En effet, le petit crédit constitue une activité nocive, la collectivité publique est donc fondée à en restreindre la publicité, comme elle le fait pour d'autres produits néfastes.
Mon collègue a indiqué tout à l'heure que nous sommes ici pour faire de la politique, pas du droit... mais faisons quand même un peu de droit. (Exclamations.) Faisons quand même un peu de droit...
Une voix. Oui !
M. Cyril Mizrahi. ...pour faire plaisir à notre cher collègue Edouard Cuendet ! Notre cher collègue Edouard Cuendet nous serine depuis des années, comme un véritable mantra, qu'il est interdit d'interdire la publicité pour le crédit à la consommation. Sur quoi se base-t-il, en définitive ? Il se base sur un unique arrêt du Tribunal cantonal vaudois. Certes, celui-ci mérite notre considération, mais enfin, ce n'est que le Tribunal cantonal vaudois, ce n'est pas le Tribunal fédéral. Cet arrêt retient notamment que le petit crédit est une activité couverte par la liberté économique et que son interdiction serait contraire au principe de proportionnalité. Comme on le voit, on est ici dans un domaine où le juridique et le politique sont étroitement liés, il s'agit d'une évaluation relativement fine, et l'arrêt que j'ai mentionné ne date pas d'hier, puisqu'il remonte à 2010.
Je conclurai avec une citation, comme d'autres l'ont fait. L'excellent rapport de minorité de notre collègue Jocelyne Haller dans le PL 11797-A indique ceci - ce qui, soit dit en passant, réfute les propos d'Edouard Cuendet selon lesquels les directeurs de Caritas et du CSP auraient reconnu l'illégalité de la mesure: «Lors de leur audition, les représentants de Caritas et du CSP ont mentionné un avis de droit du professeur Etienne Poltier, daté de 2007, concluant que les autorités vaudoises sont compétentes sur le domaine public et le domaine privé visible depuis le domaine public, et doivent interdire le petit crédit. Les opposants au PL 11797 ont pour leur part évoqué un autre arrêt produit en 2010 affirmant le contraire. La question reste à éclaircir. En l'état, il apparaît donc que la question de la conformité du PL 11797 au droit supérieur se plaide.» Si cette question se plaide, eh bien qu'elle soit plaidée !
Pour cette raison, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous invite à voter ce projet de loi. Si d'aucunes et d'aucuns estiment qu'il est contraire au droit supérieur, qu'ils fassent recours, et notre Chambre constitutionnelle se prononcera, et s'ils souhaitent poursuivre encore la démarche, le Tribunal fédéral tranchera, mais ayons le courage politique d'assumer nos responsabilités et d'interdire la publicité pour le petit crédit, qui est une activité nocive. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci. La parole est au député Vincent Subilia pour une minute seize.
M. Vincent Subilia (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, tout a été dit, mais il semble que parfois, sur certains sujets, il faille répéter ce qui l'a déjà été. Dans le sillage des propos tenus par le député Cuendet, puis par Véronique Kämpfen, il est bon de rappeler que si l'on peut tenir des discours politiques dans cette enceinte - c'est effectivement son objectif - nous sommes ici dans une lecture juridique. Si M. Mizrahi, que j'ai écouté avec attention - vous transmettrez, Monsieur le président - considère que l'application qui en est faite par les tribunaux n'est pas convaincante - il a évoqué le principe de proportionnalité - c'est précisément devant ces mêmes tribunaux qu'il s'agirait de défendre sa position. Encore une fois, Mesdames et Messieurs, la hiérarchie des normes est un principe qui doit être respecté, il en va du bon fonctionnement de notre Etat de droit. A ce titre, nous vous encourageons naturellement à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, nous vivons dans une société fortement endettée: 40% des ménages suisses ont déjà contracté au moins une dette. Cette situation n'est ni banale ni sans risque. Lors de leur audition, les directeurs du CSP et de Caritas ont indiqué que la publicité pour le petit crédit contribue à banaliser l'endettement et ont dénoncé le fait que l'affichage sur le domaine public entre en contradiction avec les mesures de prévention mises en place par le canton via son programme cantonal de lutte contre le surendettement. Certes, les affiches ne constituent pas le seul support publicitaire, il y en a d'autres, mais leur position dans l'espace public leur accorde une légitimité.
Consommer au-delà de ses ressources n'est durable ni pour un ménage ni pour une société. Les organisations prodiguant des conseils en matière de budget disent à quel point un changement dans la structure familiale ou professionnelle peut déséquilibrer un foyer et rapidement conduire à des situations de surendettement, lesquelles engendrent stress, privations, insécurité, précarisation, créent des difficultés d'accès au logement ou au monde du travail et impactent la qualité de vie et la santé des personnes touchées.
Ce projet de loi vise à interdire la publicité pour le crédit à la consommation sur le domaine public afin d'éviter la banalisation de l'emprunt. Agir à la source, au niveau des réclames, nous semble la meilleure solution. Toutefois, la non-conformité de cette disposition au droit supérieur pose problème. C'est pourquoi, suite aux travaux en commission, nous avons effectivement, comme cela a été mentionné, déposé une motion visant à restreindre la publicité pour le petit crédit en suivant l'exemple de la Ville de Vernier. En effet, si le canton n'a pas la compétence d'interdire la publicité pour le crédit, les communes disposent en revanche d'une marge de manoeuvre.
Cette motion, qui a été cosignée par quatre partis et qui est pendante devant la commission de l'économie, propose de compléter le programme cantonal de lutte contre le surendettement afin d'inciter les communes à ajouter, dans les contrats qui les lient aux sociétés d'affichage, une clause permettant d'interdire ce type d'affichage sur leur territoire. C'est pour cette raison que les Verts ont choisi de s'abstenir sur ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit, mais oh mon Dieu, que les gens sont loquaces en séance plénière ! J'aurais voulu entendre M. Mizrahi invoquer cet exemple vaudois en commission; il s'est malheureusement tu, il était aux abonnés absents. Ce n'est pas son habitude, et je trouve ça dommage, car plein d'arguments très intéressants sont mis en avant ce soir qui n'ont pas été mentionnés lors des travaux de la commission de l'économie.
Le groupe MCG est resté droit dans ses bottes, il a gardé la même position. Bien sûr, le problème du petit crédit nous dérange comme il en dérange beaucoup d'autres, car on incite les gens à consommer alors qu'ils n'en ont pas les moyens, qu'ils ne disposent pas d'un budget suffisant et ne peuvent pas régler les factures par la suite. D'un autre côté, il y a le droit fédéral qui est un peu notre papa à toutes et tous au sein de notre système démocratique, que ce soit au niveau cantonal ou communal.
Au final, nous allons rester sur ce que nous avons dit. Nous sommes d'accord qu'il y a des choses à faire, des luttes à mener pour la prévention et l'interdiction de la publicité au niveau local, comme l'a d'ailleurs fait la Ville de Vernier. La Ville de Vernier a réussi à trouver un accord pour que certaines publicités ne soient pas affichées sur son territoire; pourquoi ne pas partager cette expérience avec d'autres communes ? Ce serait tout à fait réalisable. Pour les différentes raisons que je viens d'évoquer, le MCG s'abstiendra. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC). Comme cela a été dit et redit, le groupe démocrate-chrétien est à l'origine du projet de loi initial, et nous pensons toujours qu'il s'agit d'un bon projet qui se préoccupe d'un problème important pour lequel, on l'a entendu aussi, l'Etat a pris des dispositions. Non, ce n'est pas un mauvais projet de loi, mais il pose un problème sur la forme. Si le Conseil d'Etat prend ses responsabilités aujourd'hui - on le verra tout à l'heure - et que le texte est accepté par cette assemblée, eh bien ce sont les tribunaux qui jugeront s'il est anticonstitutionnel ou contraire au droit supérieur. Fort de cette considération, Mesdames et Messieurs, le groupe démocrate-chrétien s'abstiendra au moment du vote.
Le président. Je vous remercie et je donne la parole à M. Stéphane Florey pour une minute trente-quatre.
M. Stéphane Florey (UDC). Oui, Monsieur le président, merci. Juste pour dire que ce débat n'est vraiment pas sérieux. Le groupe socialiste se moque de la population quand il s'offusque de la publicité pour les crédits privés. En effet, l'Etat fait de la publicité pour la Caisse publique de prêts sur gages avec des slogans du type: «Un prêt contre un gage, rapide et discret». Et là, par contre, ça ne choque personne alors que c'est exactement la même chose ! Personne ne dit rien ! Non, ce débat n'est tout simplement pas sérieux, il faut refuser ce projet de loi et en rester avec la liberté de commerce, selon laquelle toute entreprise a le droit de faire de la publicité. Je vous remercie.
Le président. Merci. Monsieur Cuendet, il vous reste vingt secondes.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, vingt secondes pour réagir à l'intervention de M. Mizrahi - vous transmettrez, Monsieur le président - qui est revenu sur la question de l'illégalité: je rappelle que M. Mizrahi est signataire de la proposition de motion 2551 qui reconnaît expressément la non-conformité de ce projet de loi au droit fédéral ! Quant à l'exemple donné par M. Romain de Sainte Marie à propos de...
Le président. Voilà, c'est terminé, Monsieur Cuendet !
M. Edouard Cuendet. ...la publicité pour CREDIT-now, celle-ci se trouve sur internet, donc elle n'est pas concernée par les dispositions du projet de loi...
Le président. Je cède la parole...
M. Edouard Cuendet. ...et sa remarque n'était pas pertinente.
Le président. ...à M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le Conseil d'Etat est très sensible au problème du surendettement, particulièrement en ce qui concerne les jeunes. Ainsi que M. Poggia a déjà eu l'occasion de vous l'indiquer en plénière comme en commission et que les représentants de la majorité l'ont répété ce soir, le gros défaut de ce projet de loi est sa non-conformité au droit supérieur, le fait qu'il ne corresponde pas à la jurisprudence établie suite à un arrêt du Tribunal cantonal vaudois. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, encore une fois, vous invite à le rejeter. J'ajoute que si une majorité devait se dégager pour voter l'entrée en matière, le Conseil d'Etat ne demanderait pas le troisième débat.
Le président. Merci bien. Je prie les personnes assises sur les tables de bien vouloir se lever, parce que les micros n'arrêtent pas de se déclencher ! (Rires.) Nous passons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi: ceux qui sont pour votent oui, les autres non...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Nous sommes déjà en procédure de vote ! (Protestations.) Bon, est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes, alors nous poursuivons avec le vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11797-R est rejeté en premier débat par 36 non contre 33 oui et 28 abstentions (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Premier débat
Le président. L'objet suivant de notre ordre du jour est classé en catégorie II, cinquante minutes. Monsieur Lussi, voulez-vous la parole ? (Remarque.) Je vous la passe.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas parce que bien du temps est passé qu'il ne faudrait pas qu'on apporte tout le soin nécessaire à l'étude de ce deuxième projet de loi et à la nouvelle étude de la motion, car le problème peut être considéré comme important. Seulement, ce qui s'est passé et que j'ai expliqué dans le rapport, c'est que les organisations syndicales - surtout la commission tripartite - étaient arrivées à un accord en date du 16 septembre 2016; un communiqué de presse a été rédigé, la commission l'a reçu. On s'est aperçu par la suite que ce PL 12048 reprenait ce qui avait été décidé en commission tripartite et qu'une seule chose changeait. Si vous lisez le projet de loi, l'article 12E, lettre b, parle d'un «stage d'orientation, après une première formation finalisée et en vue d'une deuxième formation, sous condition que la nécessité de ce stage soit attestée [...]». Or, la commission tripartite parlait d'«utilité» d'un stage au lieu de «nécessité». En définitive, sur un sujet très important, nous avons travaillé sur la sémantique et non pas en vue d'améliorer quoi que ce soit !
Si vous le souhaitez, le rapport que j'ai rédigé vous donnera les détails, mais qu'est-il arrivé en synthèse ? De manière générale, les intervenants - y compris même le département de Mme Emery-Torracinta - trouvaient que ce projet de loi n'amenait rien de concret pour le moment et, surtout, qu'il entravait une institution et des décisions tripartites que nous aimons beaucoup dans notre canton. Celles-ci doivent vraiment être le fer de lance social qui nous permet d'avancer lorsqu'il y a des problèmes et des difficultés. Il est vrai que les stages pour étudiants ou autres posaient problème, mais cela a été résolu ou, du moins, un travail à ce sujet a été entrepris par le bon bout.
C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission a décidé de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. De même, il y a eu divers rebondissements que vous pouvez lire, avec la proposition de motion 2148, antérieure à cet objet et déjà traitée. Un de ses auteurs a absolument insisté pour qu'elle soit traitée; elle a été prise en compte par la commission, mais la majorité de celle-ci a également décidé de la rejeter.
Monsieur le président, je suis prêt à répondre à d'autres questions, mais l'essentiel a été dit: il n'est pas nécessaire d'épiloguer davantage sur une sage solution qui est de refuser un projet de loi déjà entré en vigueur dans les faits par le biais de notre commission tripartite.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Peut-être que le rapporteur de majorité pourra m'éclairer sur un aspect. Si le projet de loi est refusé juste à cause du remplacement du critère d'utilité par le critère de nécessité d'une formation professionnelle ou scolaire dans les normes édictées par le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, je dépose tout de suite un amendement si ça permet de faire passer ce texte ! Le rapporteur de majorité pourra répondre après à cette proposition.
Concrètement, ce projet de loi permet de résoudre un problème qui touche très fortement les jeunes aujourd'hui, celui de la prolifération des stages peu ou pas rémunérés. Cela s'est accru ces dernières années, amenant une véritable précarité dans le parcours d'un jeune sortant de formation et qui cherche à entrer dans le monde professionnel. Je vous invite à regarder les offres d'emploi sur le site de la «Tribune» et les autres sites d'offres: vous verrez que la plupart des annonces demandent au moins trois à cinq années d'expérience professionnelle. Comment fait le jeune qui sort d'études ? C'est le serpent qui se mord la queue ! Il sort de formation, il aimerait décrocher un emploi, mais n'y arrive pas parce qu'il lui manque cette fameuse expérience professionnelle minimale qui est demandée. Alors le jeune passe par la case d'une réelle précarité avec ces stages de six mois ou d'une année plus ou moins rémunérés, voire pas du tout, qu'il va enchaîner pendant trois à cinq ans. Nous vivons aujourd'hui une catastrophe sociale pour ces personnes qui sortent de formation, alors que le canton a investi dans une instruction de qualité afin que les jeunes puissent trouver un premier emploi. Là, la loi du marché fait qu'ils n'y parviennent que très difficilement. Nous ne pouvons pas intervenir auprès des entreprises, des employeurs, associations et organisations internationales - hormis les organisations non gouvernementales - qui profitent de ce système pour proposer ces stages très peu voire pas rémunérés. Elles profitent de cette lacune juridique, qui en fait n'en est pas une.
Ce projet de loi n'invente rien de nouveau, je pense que la commission ne s'en est pas aperçue, ça a été directement énoncé: le texte reprend directement les termes édictés par le CSME pour faire face à ce problème. Je les résume. Le cadre définit que les stages peuvent être proposés dans deux situations: dans le cadre d'un cursus de formation ou si c'est une nécessité dans l'orientation durant un cursus de formation, ou lors d'une réinsertion socioprofessionnelle. Tout ce qui sort de ces deux cases est considéré comme appartenant au droit du travail. Or, dans le droit du travail, si vous êtes embauché pendant huit mois à zéro franc de l'heure, c'est de la pure sous-enchère salariale qui doit être dénoncée ! Malheureusement, il est encore bien trop fréquent de voir des employeurs embaucher des stagiaires pour huit mois, non pas pour les former dans le cadre d'un cursus de formation ou d'une réinsertion socioprofessionnelle, mais parce que c'est une main-d'oeuvre pas chère voire gratuite qui sert à effectuer des tâches de faible importance. Ce projet de loi souhaite mettre définitivement fin à ce problème. On sait que l'OCIRT était déjà intervenu suite au premier projet de loi déposé par le groupe socialiste et avait fait la promotion de ces conditions-là auprès des employeurs, en répétant que les stages ne peuvent être sauvages. Malheureusement, on voit que les stages sauvages sont encore bien trop nombreux. Il y a trois ou quatre ans, l'OCIRT avait sorti le chiffre de 80% de stages sauvages dans le canton de Genève, ce qui ne laisse qu'une part de 20% de stages qui entrent dans les cursus de formation ou de réinsertion socioprofessionnelle.
Ce projet de loi a le mérite de combler cette lacune juridique en inscrivant dans la loi que les stages doivent appartenir à ces deux catégories-là. En effet, c'est le CSME qui a édicté ces conditions et je ne vois pas en quoi cela pose problème - à moins que le rapporteur de majorité souhaite faire un amendement pour changer. Mesdames et Messieurs les députés, mettons un cadre à cette pratique, parce que si nous continuons de la sorte, nous continuons à précariser les jeunes. C'est pourquoi je vous invite à accepter ce projet de loi.
M. François Lefort (Ve). Monsieur le président, ce projet de loi et cette proposition de motion partent d'un constat réel et inacceptable, d'une situation qui ne s'améliore pas. On parle ici du recours abusif aux stages à la place d'un premier emploi; on parle ici du recours abusif à des stagiaires, sous-payés voire pas payés du tout. Des parents se retrouvent à financer la vie, à financer les stages de leurs enfants diplômés. On parle ici de certaines entreprises qui ont recours à cette aubaine d'une main-d'oeuvre fraîchement diplômée à qui on fera miroiter l'effet bénéfique d'un stage en entreprise pour la qualité de leur curriculum vitae. On parle d'une situation dans laquelle des familles subventionnent des entreprises offrant l'opportunité d'un stage non payé à leurs enfants ! On parle ici d'une situation qui dévalorise gravement les titres des jeunes diplômés et notre système de formation, qui ne serait bon qu'à produire des jeunes diplômés employables seulement comme stagiaires.
Soyons clairs, on ne parle pas ici des stages professionnels encadrés, lors de formations académiques ou professionnelles. On ne parle pas non plus des vrais stages qui sont fournis avec de vrais salaires, des vrais stages encadrés par des CCT ou des contrats types, proposés par des entreprises exemplaires. On parle ici des stages non payés ou sous-payés qui, en plus, détruisent l'emploi; on parle des stages en cascade qui font vivre certaines entreprises qui ainsi ne paient pas de cotisations sociales pour cette main-d'oeuvre gratuite !
Pour en finir avec cette situation, le projet de loi demande un contrôle actif des stages par l'OCIRT. La motion prévoit, elle, une convention cantonale pour les stages hors formation. Pourquoi hors formation ? Parce que les stages effectués durant des formations académiques ou professionnelles font l'objet de conventions bilatérales. La motion propose donc une convention de stage cantonale encadrée par l'OCIRT et qui impose une indemnité de stage minimale, une validation de la qualité formative de ces stages et une durée de stage maximale de douze mois.
Voilà quelques pistes pour en finir avec ces stages qui n'en sont pas, qui ne sont finalement qu'une aubaine pour quelques entreprises pas exemplaires du tout pour utiliser gratuitement des jeunes diplômés. Les Verts vous recommandent donc de voter et le projet de loi et la motion. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi propose de définir ce qu'est un stage afin de le distinguer d'un premier emploi. Il s'agit en sus de bien distinguer la formation du perfectionnement professionnel, qui s'effectue, lui, dans le cadre non pas d'un stage mais d'un emploi. Il faut rappeler que ce texte se base sur un accord tripartite conclu entre la CGAS, l'OCIRT et l'UAPG. Il est proposé d'inscrire les modalités de cet accord dans la loi sur l'inspection et les relations du travail, le but étant de renforcer cet accord et de lui donner une assise légale pour mieux protéger les stagiaires et les travailleurs.
Ce texte vise à inscrire dans la loi ce qui en d'autres temps aurait semblé une évidence. La dérégulation sévissant sur le marché du travail et l'usage abusif de la notion de stage nous poussent finalement à renforcer ces notions et à leur donner un cadre beaucoup plus contraignant. Aujourd'hui, les syndicats des travailleurs et les syndicats patronaux sont parvenus à un accord; c'est une bonne chose que nous saluons, mais nous voulons renforcer cet accord. Lutter contre l'exploitation des jeunes travailleurs injustement cantonnés dans des stages est un impératif. Mettre en place un loquet qui ne permettrait plus d'abuser du statut de stagiaire est une obligation pour les pouvoirs publics, sous peine de devoir prendre en charge ces personnes stagiaires et compléter leurs ressources. Surtout, le risque final est de mépriser les droits des travailleurs et d'accepter d'entrer en matière sur une remise en question de leur statut.
Il faut relever les arguments contradictoires des opposants à ce projet de loi au cours des débats de commission; ils accusaient les signataires de vouloir remettre en question le partenariat social et lui porter préjudice. Il est un peu étonnant qu'au moment où nous tentons de renforcer et de solidifier cet accord, on nous accuse de vouloir porter atteinte aux relations de partenariat social; c'est pour le moins troublant ! Nous ne pensons pas qu'il s'agit de cela, c'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche soutiendra ce projet de loi dont il est également signataire et vous invite à faire de même, Mesdames et Messieurs les députés.
Toutefois, nous tenons à exprimer notre insatisfaction, autant à l'égard de l'accord tripartite qu'à l'égard de ce projet de loi qui a repris l'intégralité du contenu de l'accord et manque de précision pour ce qui concerne les stages dans le domaine de l'insertion. Là, on s'est bien gardé de préciser quoi que ce soit, alors que nous savons tous aujourd'hui qu'un certain nombre de personnes au chômage ou à l'aide sociale travaillent soit gratuitement soit pour des indemnités extrêmement réduites bien qu'elles réalisent des tâches absolument indispensables au fonctionnement des services dans lesquels elles sont engagées.
Enfin, nous resterons plus circonspects sur la motion. Non pas que nous soyons en désaccord avec la nécessité de mieux contrôler les stages et de voir l'OCIRT jouer un rôle important en la matière, mais nous restons circonspects sur la notion de stage hors formation, qui nous semble être en contradiction avec la tentative de clarification contenue dans le projet de loi auquel nous vous invitons à souscrire. C'est la raison pour laquelle notre groupe s'abstiendra sur cette motion.
M. André Pfeffer (UDC). La question des stages et de leur contrôle est une préoccupation. Le Conseil d'Etat et le Conseil de surveillance du marché de l'emploi se sont déjà engagés; les partenaires sociaux ont déjà convenu de mesures et appliquent déjà des contrôles. Est-ce que les règles actuelles sont suffisantes ou est-ce qu'elles devraient être changées ? La réponse est essentiellement de la compétence des partenaires sociaux !
Ce projet de loi est une copie des revendications de la Communauté genevoise d'action syndicale; c'est une irruption politique dans les discussions entre partenaires sociaux. Le Conseil d'Etat et les milieux patronaux ont d'ailleurs exprimé leur mécontentement. Ce projet de loi est très néfaste. D'une part, il représente une ingérence dans le dialogue social, d'autre part, il propose d'inscrire dans la loi des éléments émanant de l'un des partenaires sociaux seul, ce qui est contraire à la raison d'être du partenariat social.
Pour le groupe UDC, notre paix sociale repose sur le partenariat social et cela doit rester ainsi. Le PL 12048 est une ingérence politique et n'apporterait aucune amélioration à la situation actuelle, mais handicaperait fortement le dialogue social. Pour ces raisons, le groupe UDC vous recommande de rejeter ce projet de loi ainsi que cette motion.
M. Jacques Blondin (PDC). Monsieur le président, ce projet de loi se heurte à trois arguments. Le premier est chronologique, le second concerne la responsabilité, le troisième l'efficacité. Concernant la chronologie, on entend bien que le parlement puisse toujours avoir le dernier mot. Cependant, quand un projet de loi est déposé après que le CSME est parvenu à un consensus, on vide de leur substance le rôle et le sens de cette structure. Si le CSME n'arrive pas à mettre d'accord les partenaires sociaux, un projet de loi peut débloquer la situation. Or, ce qui est choquant ici, c'est qu'ils se sont mis d'accord.
Au-delà de la chronologie, le problème de la responsabilisation des acteurs se pose. Les partenaires sociaux, du côté patronal, ont eu de la peine à aboutir à un accord. Il a fallu leur démontrer que certaines de ces pratiques n'étaient pas acceptables. S'ils savent qu'un projet de loi vient figer les éléments qui ont fait l'objet de discussions, ils ne seront plus d'accord de se livrer à cet exercice.
Vient enfin le troisième argument, celui de l'efficacité. Le projet de loi grave un texte dans le marbre. Or, les dispositifs de sanction de la LIRT ont souvent un temps de retard. Il est bien plus profitable que les deux acteurs du partenariat social puissent se mettre d'accord. Les propos d'un député socialiste en commission seraient vrais si la chronologie était celle qu'il laissait entendre en disant que la gauche a déposé un projet de loi parce que les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à se mettre d'accord. Or, tel n'est pas le cas !
Très attaché au partenariat social et bien évidemment aux conditions de travail des apprentis et à tout ce qui les régit, le parti démocrate-chrétien n'entrera pas en matière sur le projet de loi ni sur la motion et vous invite à les refuser.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, je vais commencer par répondre à M. Pfeffer; vous voudrez bien lui transmettre, Monsieur le président. Ce projet de loi n'est absolument pas une copie conforme des revendications de la CGAS ! C'est une copie conforme de l'accord conclu sous l'égide du CSME, organisation tripartite qui regroupe aussi les associations patronales, qui regroupe aussi l'OCIRT. Ce sont donc des revendications concertées et admises par l'ensemble de ces partenaires. Cet accord et le présent projet de loi tentent de proposer une solution face à l'explosion du nombre de stages ces dernières années, qui constituent une des formes les plus criantes d'exploitation dans le monde du travail. Des jeunes en majorité - mais pas seulement - se retrouvent à travailler tout simplement sans rémunération alors qu'ils ont une formation pour faire le travail en question ! On a aussi vu certains employeurs utiliser de façon prépondérante des stagiaires pour leurs diverses activités. Ce n'est évidemment pas acceptable, parce que cela plonge ces travailleurs prétendument stagiaires dans une situation de grande précarité: certains d'entre eux travaillent à 100% chez un employeur sans recevoir aucune rémunération pour cela !
De plus, cela crée encore des inégalités entre les jeunes, et c'est aussi ce que nous contestons. Aujourd'hui, la case «stage» est un peu une étape obligatoire pour s'insérer dans le marché du travail. Or, une inégalité s'instaure entre, d'une part, les jeunes qui peuvent être soutenus par leurs parents encore après leurs études et se permettre de passer quelques mois sans salaire et, d'autre part, ceux qui ne sont pas soutenus financièrement et verront leur insertion dans le monde professionnel largement entravée.
Cela instaure aussi une situation de concurrence déloyale entre les entreprises qui jouent le jeu, qui paient leurs employés pour le travail fourni, et les autres entreprises, qui utilisent le travail bon marché que constitue le stage. Pour le parti socialiste, si les coûts de formation doivent bien sûr être assurés par le secteur public et, dans une bien moins grande partie évidemment, par la personne en formation, les coûts de l'acquisition d'expérience et du perfectionnement professionnel doivent être assumés par l'employeur.
On a parlé de cet accord trouvé entre les associations patronales, les syndicats et l'Etat, qui propose une solution novatrice, étant donné qu'on ne peut pas régir la rémunération d'un stage en tant que telle puisqu'il s'agit d'une compétence fédérale. Eh bien, les associations patronales, syndicales et l'Etat ont décidé d'agir sur la définition de ce qu'est un stage - une définition assez stricte, mais qui répond véritablement à ce qu'on entend que soit un stage au sens propre du terme: il doit se faire dans le cadre d'une formation certifiante, ou pour accéder à une formation certifiante, ou dans le but d'une réinsertion professionnelle. C'est un dispositif qui doit être inscrit dans une loi fédérale ou cantonale. C'est tout ! Tous les autres types d'engagements doivent être considérés comme des emplois et non comme des stages ! Cela veut dire qu'un jeune qui sort de formation, qui cherche un emploi et à qui l'on propose systématiquement des stages non rémunérés ou payés 1000 ou 2000 francs par mois subit tout simplement du dumping salarial, et qu'il faut attaquer cela comme tel.
Aujourd'hui, cet accord est sur la table. Un accord, c'est bien; malheureusement, on le sait, on le voit de temps en temps, un accord peut être dénoncé par un des partenaires. Or, comme il s'agit d'un bon accord, qui fait vraiment un pas dans la bonne direction, qui répond à une problématique évidente, qui répond à une préoccupation majeure de la population, nous avons aujourd'hui une chance à saisir. Cette chance est d'avoir la possibilité de pérenniser cet accord, de l'inscrire dans la loi et d'agir de manière efficace pour lutter contre l'exploitation des stagiaires et l'expansion de ce qu'on appelle désormais les stages bidon. Raison pour laquelle nous vous remercions d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Jacques Béné (PLR). Monsieur le président, je crois qu'on est à peu près tous d'accord. Le titre du projet de loi est clair, les premiers emplois ne sont pas des stages, mais ce qu'on peut dire aussi, c'est que les stages ne sont pas forcément des premiers emplois. J'en veux pour preuve que le Conseil de surveillance du marché de l'emploi a effectivement validé des critères permettant de définir si un stage est bien un stage, ce qui s'est fait dans le cadre de négociations tripartites, comme on l'a relevé, justement parce qu'on arrive encore à être exemplaire en matière de partenariat social dans ce canton.
Mesdames et Messieurs, si on inscrit à chaque fois dans la loi un accord conclu entre partenaires sociaux, le risque est que les négociations ne pourront plus se dérouler dans la sérénité: les partenaires sauront que l'accord sera fixé dans la législation genevoise, alors que la plupart des accords sont modifiables dans le temps, en fonction de la modification des conditions-cadres. Ce n'est pas pour rien que les conventions collectives de travail ont une durée déterminée: cela permet de les renégocier si jamais quelque chose se passe mal.
Donc, le CSME fait son travail, l'OCIRT aussi, en cadrant les bonnes pratiques. J'aimerais ajouter que s'il y a quelque chose à faire, ce serait déjà à l'Etat d'agir, et je vais vous donner un exemple. Dans le domaine de la petite enfance, pour travailler dans une crèche, il faut avoir suivi une formation. Toutefois, pour s'inscrire à cette formation, il faut avoir effectué 800 heures de stage. 800 heures de stage, Mesdames et Messieurs ! Ce sont donc vingt semaines de travail dans une crèche, la plupart du temps non payées, pour ensuite éventuellement obtenir une place à l'école de la petite enfance, ce qui n'est même pas garanti. Cependant, pour vous inscrire, il faut avoir fait les 800 heures de stage ! Donc, je pense qu'en matière d'exemplarité, l'Etat devrait montrer ce qu'il sait faire !
Mesdames et Messieurs, il n'y a aucun intérêt à légiférer; ça remettrait en cause le partenariat social. Si l'OCIRT et le CSME ne faisaient pas leur travail, on pourrait encore discuter, mais ce n'est de loin pas le cas. Je vous invite donc à rejeter ces deux textes.
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, pour le groupe MCG, autant le projet de loi que la motion sont de mauvaises propositions qui vont causer du tort aux habitants de notre canton. Les autorités compétentes ont déjà mis en place un dispositif qui permet de s'attaquer efficacement aux abus en matière de stages. Aller plus loin serait dangereux: cela fermerait la porte à de futurs employés qui veulent être engagés et qui peuvent, grâce à ces stages, trouver une introduction efficace dans leur futur emploi. De plus, il est certain que le projet de loi autant que la motion auraient un effet collatéral sur l'emploi abusif de travailleurs frontaliers. En effet, en fermant la porte à des résidents locaux qui veulent accéder au marché du travail, on ira irrémédiablement chercher des travailleurs frontaliers. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) On sait que ces travailleurs frontaliers sont cherchés de plus en plus loin: à Lille, à Marseille ou encore bien plus loin. (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur Baertschi, un instant ! (Un instant s'écoule.) Voilà, je vous laisse continuer.
M. François Baertschi. Je voudrais juste rappeler un chiffre mentionné lors de l'étude d'un des textes précédents: le chômage réel est de plus de 11% à Genève selon les chiffres du BIT. Nous sommes dans une situation délicate et tous les moyens doivent être utilisés pour que les résidents genevois puissent trouver un emploi. C'est véritablement le combat actuel. C'est la société que nous souhaitons, une société solidaire où chacun trouve sa place.
Quand on parle de stages abusifs, je n'y comprends rien. On a quand même obtenu des informations de quelques intervenants en commission; notamment, on nous a indiqué que le CSME, un organisme qui intègre à la fois les employeurs et les syndicats, mène actuellement un travail contre les abus dans les stages.
On a voulu réinventer la roue pour des questions politiciennes, mais en réinventant la roue, qu'est-ce qu'on fait ? On augmente les dépenses pour l'Etat de Genève et on réduit l'accès au marché du travail pour de nombreux Genevois ! On mène une politique irresponsable ! Un article de presse a révélé qu'une personne engagée par les organisations internationales ne gagnait pour ainsi dire rien, des clopinettes ou des bouts de ficelle. En apprenant ce genre de choses, la classe politique genevoise et les médias se sont énervés et ont commencé à déposer des textes qui ne correspondent pas à la réalité. Actuellement, un travail est fait par les partenaires sociaux. C'est une tâche que le législateur doit laisser faire: il faut à tout prix ne pas vouloir intervenir pour tout et pour rien en légiférant de manière inutile, parce qu'on cause ainsi un tort considérable à la population genevoise. C'est le grand danger de ce type de textes qui viennent détruire le travail des partenaires sociaux. Je vous recommande donc de voter résolument non à ce projet de loi et à cette motion, avec le groupe MCG.
Le président. Merci. C'est marrant comme il y a du silence, tout à coup ! Je passe la parole au député Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Encore quelques commentaires sur cette motion et ce projet de loi. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le Conseil de surveillance du marché de l'emploi est l'organe le plus compétent pour traiter cette thématique. Pourquoi ? Parce que vous traitez ces sujets avec des délégués qui viennent du terrain, qui ont des compétences qu'ils ont acquises eux-mêmes. Je ne trouve pas normal que ce parlement veuille sans arrêt s'immiscer dans le partenariat social. J'ai le plus grand respect pour Mme Marti, mais à un moment donné, il faut connaître un peu les structures. Ces problèmes ont été identifiés par l'Etat, par les syndicats, par les associations patronales. Il existe des mesures correctrices, des mesures de surveillance, des mesures pragmatiques, et il faut garder cette souplesse. Pour légiférer en la matière, malgré toutes les compétences que nous avons les uns les autres, nous n'avons pas ces compétences métier, ces compétences de terrain et cette flexibilité. Je crois que c'est fondamental.
Je vais prendre l'exemple très concret de la fameuse loi sur les heures d'ouverture des magasins, avec une convention collective de travail étendue: c'est ce qui a bloqué, c'est ce qui fait qu'il ne s'est rien passé pendant trois ans et qu'on vient de renvoyer les projets de lois en commission - pourquoi ? Parce que cette fois, il faut que les partenaires sociaux trouvent une solution ! Alors faites-leur confiance et ne soyez pas à géométrie variable ! Sur l'inspection paritaire des entreprises, ils ont fait le boulot, le parlement a voté ça à l'unanimité. On ne peut pas vouloir s'approprier des compétences qu'on n'a pas et, surtout, faire les mauvais choix.
Ensuite, j'aimerais réagir sur l'obligation de faire des stages pour trouver un travail, évoquée par Mme Marti. Ce n'est pas vrai ! Si vous suivez une filière traditionnelle, vous n'êtes pas obligé de faire un stage pour avoir du travail ! Si vous faites une formation initiale duale dans une entreprise et une HES, vous n'avez aucun stage à faire, vous êtes en adéquation avec le monde du travail. Le problème des stages survient quand vous allez d'une passerelle à l'autre, après une maturité gymnasiale pour aller ensuite dans une HES. Oui, vous effectuerez une année non rémunérée. Mais c'est heureux, parce que vous donnez la possibilité aux gens qui sont en formation duale de ne pas faire cette année - c'est pour ça que les HES ont été faites. Donc ne dites pas n'importe quoi ! Il y a des règles et il n'est pas normal non plus qu'un jeune porteur d'une maturité gymnasiale soit rémunéré durant une année sans aucun papier pour entrer dans une HES alors que les personnes qui font des CFC sont en adéquation.
Le président. Il vous faut terminer !
M. Serge Hiltpold. Il ne faut pas tout mélanger et il faut laisser ces compétences aux commissions précitées ! Merci. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Je rappellerai juste à M. Baertschi que la «Tribune de Genève» a relayé qu'une entreprise avait engagé 600 stagiaires non rémunérés en douze ans. C'est quand même joli ! Enfin, ce soir j'observe quelque chose qui ne m'étonne malheureusement pas de la part de la droite: lorsqu'il n'y a pas d'accord entre les partenaires sociaux, il ne faut surtout pas légiférer, et lorsqu'il y a un accord entre les partenaires sociaux, il ne faut pas légiférer non plus. Bref, la droite ne veut jamais que nous légiférions pour améliorer les conditions de travail des travailleurs dans ce canton ! (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. Chers collègues, le débat a été animé et divers aspects ont été présentés. Malheureusement, beaucoup ont exprimé des convictions personnelles ou demandé des améliorations totalement étrangères à l'essence de ce projet de loi. Mais une synthèse a été faite: lors de la séance du 11 septembre 2017 - mentionnée à la page 16 de mon rapport - nous avons auditionné l'OCIRT et sa directrice a expliqué ce qui s'est passé exactement. Il a fallu deux ans au CSME pour arriver à se définir et à conclure cet accord. Au bout de ces deux ans, il a confirmé qu'il n'y avait aucune divergence, aucun antagonisme au sujet de l'accord. Par contre, il est vrai que la dissension porte sur la question suivante: faut-il ou ne faut-il pas inscrire dans la LIRT cet accord durement négocié ?
En définitive, ce qui a dirigé la position de la majorité de la commission, c'est que tout était fait, bien que M. de Sainte Marie me dise qu'il veut reprendre le texte point par point. On peut faire ça, mais ce projet de loi n'amène rien. Il s'agit d'une question politique, on discutera dans cette enceinte de savoir s'il est nécessaire que chaque accord tripartite figure dans la LIRT. La réponse est non, on a bien vu que le travail a été fait. Et surtout, il ne s'agirait pas d'améliorer l'accord trouvé; il s'agirait de fixer cet accord dans le marbre avec la rigidité que cela implique et peut-être, sur le long terme, les inconvénients évoqués.
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, revenons à l'essence, ce que ce projet de loi a voulu figer dans le marbre et qui a été largement discuté en près de deux ans dans une commission tripartite. Je crois que la volonté générale - tant du côté des travailleurs que du côté des entreprises - est que cette commission puisse perdurer et produire le résultat qu'un député nous a bien décrit. Je ne peux que vous encourager à refuser ce projet de loi et cette motion, car ils vont à l'encontre des larges principes de réussite que nous avons actuellement dans notre canton de Genève.
Le président. Merci, nous allons voter sur ces deux objets.
Mis aux voix, le projet de loi 12048 est rejeté en premier débat par 53 non contre 39 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 2148 est rejetée par 54 non contre 34 oui et 5 abstentions.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de la santé.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission fiscale.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des affaires sociales.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de l'économie.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission du logement.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission du logement.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des finances.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.
Cette proposition de motion est renvoyée sans débat à la commission de l'enseignement supérieur.
Cette proposition de motion est renvoyée sans débat à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.
Cette proposition de motion est renvoyée sans débat à la commission d'aménagement du canton.
Le président. Il est 19h, je vous donne rendez-vous à 20h30. Bon appétit !
La séance est levée à 19h.