Séance du
jeudi 30 août 2018 à
14h
2e
législature -
1re
année -
2e
session -
16e
séance
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre Maudet, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons à déplorer le décès de quatre anciens collègues.
Nous avons appris avec tristesse le décès de M. Philippe Fontaine dans sa 69e année. Elu au Grand Conseil sur la liste du parti radical en 1985, M. Fontaine fut réélu en 1989. Lors de son mandat, ce médecin de famille s'intéressa particulièrement aux sujets relatifs à la santé, mais aussi aux personnes âgées, aux requérants d'asile ou encore à la formation. Il présida d'ailleurs la commission de l'enseignement. Il déposa en outre un projet de loi visant à instituer des postes de députés suppléants. Si ce projet fut finalement retiré quelques années plus tard, il n'en fut pas moins concrétisé par le biais de la nouvelle constitution.
Nous avons également appris avec peine le décès de M. Pierre Schmid, ancien député et ancien président du Grand Conseil, dans sa 86e année. M. Schmid participa aux travaux de notre parlement pendant plus de vingt ans. Entré au Grand Conseil en 1966 sur les bancs du parti socialiste, il fut réélu en 1969 et siégea jusqu'en 1973. Il fit ensuite son retour dans cette enceinte en 1974 en tant que vient-ensuite, puis fut réélu en 1977, 1981 et 1985, avant de démissionner en 1988 en raison de sa fonction au sein de la FTMH qui ne le rendait plus suffisamment disponible pour son mandat de député. En 1981, il eut le privilège de présider le Grand Conseil et joua à ce titre un rôle moteur lors de la révision complète de notre règlement. Au cours de son mandat, M. Schmid s'intéressa surtout à la défense des travailleurs et au droit du travail, ainsi qu'à l'intégration des immigrés et à la construction de la région.
Nous avons en outre appris avec regret la disparition de M. René Emmenegger dans sa 89e année. Elu pour la première fois en 1961, M. Emmenegger accomplit cinq législatures sur les bancs du parti indépendant chrétien-social, puis du PDC lorsque celui-ci changea d'appellation. Durant les vingt années où il siégea au Grand Conseil, il s'exprima sur de très nombreux sujets, notamment concernant les finances, les communes, le logement, l'aménagement ou encore l'économie. En 1977, il fut rapporteur sur une série de projets de lois importants relatifs à la justice ayant fait l'objet de 230 séances de commission. Parallèlement à son mandat de député, M. Emmenegger fut conseiller municipal à Vernier de 1959 à 1963, puis conseiller administratif de 1963 à 1967, et maire en 1965. Il siégea ensuite au Conseil administratif de la Ville de Genève de 1975 à 1991, où il assuma la charge de maire à quatre reprises.
Pour finir, nous avons appris avec tristesse le décès de Mme Geneviève Mottet-Durand dans sa 76e année. Mme Mottet-Durand siégea au Grand Conseil sur les bancs du parti libéral durant cinq législatures, soit de 1981 à 2001, et fut membre du Bureau en 1987. Lors de son mandat, elle présida notamment les commissions des transports, des affaires sociales, du logement, de l'environnement et des visiteurs officiels. Elle rédigea en outre de nombreux rapports pour le compte de la commission de développement du canton, car elle s'intéressait particulièrement aux questions relatives à l'aménagement, aux constructions et au logement. Lors de l'hommage qui fut rendu aux députés qui quittèrent le parlement en 2001, l'un de ses collègues dit à son sujet qu'elle était la sagesse incarnée. Parallèlement à son mandat de députée, Mme Mottet-Durand siégea à l'exécutif de la commune d'Avully, d'abord comme adjointe de 1975 à 1987, puis comme maire de 1987 à 1999.
Aux familles de M. Fontaine, M. Schmid, M. Emmenegger et Mme Mottet-Durand nous disons toute notre sympathie en ce moment douloureux. Pour honorer leur mémoire, je vous prie d'observer, Mesdames et Messieurs les députés, un instant de silence. (L'assemblée, debout, observe un moment de silence.)
Le président. Le monde entier a appris ce mois-ci le décès de M. Kofi Annan à 80 ans. Il avait dirigé les Nations Unies de 1997 à 2006 et avait obtenu, on s'en souvient, le prix Nobel de la paix en 2001. Au moment de quitter l'ONU, Kofi Annan avait confié que son plus grand regret resterait son «incapacité d'empêcher la guerre en Irak». Mais après la fin de son mandat de secrétaire général, Kofi Annan avait continué à oeuvrer pour la paix dans le cadre de sa fondation consacrée au développement durable et à la paix, ainsi qu'en tant que membre du groupe The Elders, fondé par Nelson Mandela pour promouvoir les droits de l'homme.
Si son nom est lié aux Nations Unies, il l'est aussi à Genève, canton que l'homme affectionnait particulièrement. Ville de paix que Genève, ville internationale, ville aussi attachée à une certaine conception de l'homme, de ses devoirs et de ses droits.
Ce qui frappait d'emblée chez Kofi Annan, c'était son regard, à la fois calme et résolu, rempli de force et de détermination. Ses yeux aujourd'hui se sont fermés après avoir beaucoup brillé. Je vous propose un instant de silence à sa mémoire. (L'assemblée, debout, observe un moment de silence.)
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta et Serge Dal Busco, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. François Baertschi, Diane Barbier-Mueller, Jean Batou, Beatriz de Candolle, Jean-Marc Guinchard, Katia Leonelli, Vincent Maitre, Fabienne Monbaron, Francine de Planta, Yvan Rochat, Françoise Sapin et Stéphanie Valentino, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Christian Bavarel, Pierre Bayenet, Florian Gander, Sylvie Jay, Yves de Matteis, Christina Meissner, Souheil Sayegh, Vincent Subilia et Francisco Valentin.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Nous passons au point 4 que nous avons dû sauter ce matin en raison d'un problème de vote. Je vous informe tout d'abord que les PL 12153-A et 12164-A concernant la traversée du lac seront traités ensemble en catégorie II, septante minutes. Je cède maintenant la parole à M. Wenger pour une demande de modification de l'ordre du jour.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste demande l'ajout, la discussion immédiate et l'urgence sur la M 2490, dont voici le titre: «En 2019, célébrons le centenaire des organisations internationales à Genève !»
M. Mathias Buschbeck (Ve). Les Verts demandent quant à eux l'ajout de la proposition de résolution pour favoriser la parité dans les conseils d'administration et de fondation des établissements de droit public.
Le président. Monsieur le député, nous ne l'avons pas reçue, nous ne l'avons donc pas distribuée ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, nous allons maintenant nous prononcer sur les requêtes de M. Wenger concernant la M 2490. Comme ces demandes de modification de l'ordre du jour sont formulées en milieu de session, il faut la majorité des deux tiers. Je vous prie de bien vouloir insérer votre badge afin d'avoir accès au vote. (Un instant s'écoule.) Il semble qu'il reste quelques députés qui ne l'ont pas inséré... (Un instant s'écoule.) Voilà, nous pouvons à présent procéder aux votes.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour de la proposition de motion 2490 est adopté par 77 oui contre 3 non et 2 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Mise aux voix, la discussion immédiate de la proposition de motion 2490 est adoptée par 72 oui contre 11 non et 2 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de motion 2490 est adopté par 70 oui contre 13 non et 2 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Le président. Cet objet sera traité après les points fixes en catégorie II, trente minutes.
Annonces et dépôts
Néant.
Annonce: Séance du vendredi 25 mai 2018 à 16h10
Cette question écrite est close.
Le président. Je vous signale que ces réponses seront dorénavant posées au fond de la salle, où vous pourrez aller les chercher.
Suite du premier débat
Le président. Nous allons continuer la discussion que nous avons entamée ce matin. Il y avait encore trois demandes de parole. Je prie les rapporteurs de bien vouloir venir à la tribune. (Un instant s'écoule.) La parole est à Mme Jocelyne Haller, à qui il reste une minute vingt sur le temps de son groupe.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, si j'ai souhaité prendre la parole, c'est simplement pour rectifier un élément avancé par M. Falquet, qui a parlé d'un témoignage de travailleurs sociaux. Il n'en était pas question: les travailleurs sociaux n'ont pas été entendus et M. Thévoz et moi-même, qui sommes précisément travailleurs sociaux, pouvons attester du problème posé par le coût des frais dentaires pour une bonne partie de la population et du poids que cela représente aussi pour les professionnels, dans la mesure où ils doivent rechercher des fonds et faire des démarches de désendettement. Ce qui m'amène à évoquer la question du coût occasionné par les soins dentaires, parce qu'on a beaucoup parlé de la charge que représenterait une assurance dentaire pour l'Etat, mais on n'a pas développé l'idée qu'il vaut mieux être assuré qu'assisté... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et qu'une assurance permettrait finalement à l'Etat d'épargner certains frais, puisqu'il n'aurait plus besoin d'intervenir pour les prendre en charge, étant donné que l'assurance le ferait. Par ailleurs - et c'est un élément qui a été largement évoqué par M. Thévoz - le fait de pouvoir contrôler et réguler, finalement, les interventions des dentistes permettrait également de contrôler les coûts des prestations de ces derniers, ce qui constitue un point extrêmement important, il ne faut pas s'y tromper. Du reste, dans la signature de l'initiative par les 18 000 personnes que nous avons évoquées tout à l'heure, il y avait aussi cette préoccupation, outre la nécessité de bénéficier d'une assurance dentaire. Merci de votre attention.
Le président. C'est terminé, Madame la députée. Je passe maintenant la parole à M. Sylvain Thévoz pour trois minutes vingt sur le temps de son groupe.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je ne demanderai pas à mes collègues députés combien d'entre eux ont pu se laver les dents suite au repas de midi. (Exclamations.) Il est toutefois intéressant, pour ceux qui font l'éloge de la prévention, de voir que les rythmes de travail ou les nouveaux modes de vie plus rapides auxquels nous pousse la modernité ne permettent pas toujours d'avoir une hygiène dentaire exemplaire. Voilà pour cette petite boutade ! Plus sérieusement, j'ai été étonné des positions du PDC, de l'UDC et du MCG sur l'assurance obligatoire, qui remettent finalement en question la LAMal et nous accusent d'en faire l'éloge. Je souhaite donc juste rectifier: la LAMal n'est pas une assurance idéale, mais il n'en demeure pas moins - et c'est l'avis que j'ai exposé tout à l'heure - qu'auparavant il y avait une jungle, avec des assurances totalement privatisées qui pratiquaient des tarifs différenciés. L'instauration de la LAMal a au moins permis à tout le monde d'être assuré. Après, il est évident que le système de la LAMal est perfectible, mais il faudrait rappeler pourquoi à notre avis ce système ne fonctionne pas bien aujourd'hui: c'est avant tout à cause des caisses maladie privées, du lobby qu'elles exercent, de leur manque de transparence, de leurs flux financiers opaques, des publicités et du marketing hyperagressif qu'elles pratiquent, mais aussi du système de franchises complètement inique qui a pour effet que certaines personnes ont des franchises basses tandis que d'autres ne peuvent plus se soigner en raison de franchises trop élevées. Vous comprendrez là mon point de vue, qui n'est pas de dire que l'assurance obligatoire ne fonctionne pas; l'assurance obligatoire fonctionne, mais il se trouve que la LAMal telle qu'elle est aujourd'hui, dans un système de monopole privé avec des caisses maladie au fonctionnement opaque, ne marche pas. Voilà pour l'argument.
M. Pierre Vanek a mentionné les rôles de la SUVA; tout le monde loue aujourd'hui l'excellence de la gestion de la SUVA, cette caisse étatique qui permet, dans le domaine des accidents, d'avoir une couverture d'assurance efficace et à bas coût, tout en faisant de la prévention. L'initiative telle qu'elle est formulée - il faut revenir à sa proposition - demande une assurance de soins dentaires obligatoire, ce qui nous semble la base, donc de ne pas sortir les soins dentaires du système de santé, avec un modèle de cotisations analogue à celui de l'assurance-vieillesse et survivants, ainsi qu'une politique sanitaire cantonale en appui. Mais on ne parle pas ici de primes, en aucune manière ! Ceux qui veulent faire l'amalgame avec les dysfonctionnements de la LAMal tiennent donc pour le moins un raisonnement erroné, et ce n'est pas le débat qui est le nôtre aujourd'hui.
On s'étonne par ailleurs du positionnement du PLR, qui prétend que finalement il n'y a pas de souci et qu'il n'existe aucun problème de soins dentaires aujourd'hui à Genève. C'est faux... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et les HUG le disent: une personne sur cinq a renoncé aux soins dentaires en 2012, il est donc complètement erroné de tout laisser à la liberté individuelle et d'insinuer qu'actuellement chacun est libre d'aller se faire soigner les dents de manière optimale dans notre canton. A notre avis, le PLR fait preuve d'une attitude irresponsable en bottant en touche et en laissant croire que ce problème de santé publique extrêmement important se solutionnera naturellement sans intervention de l'Etat. Merci.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député ! Je passe la parole au conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat avait déjà eu l'occasion de vous indiquer qu'il ne soutenait pas l'initiative pour le remboursement des soins dentaires par une «assurance-maladie plus», si j'ose l'appeler ainsi, et la majorité de votre Grand Conseil avait également exprimé ce point de vue. Aujourd'hui, nous sommes à nouveau réunis pour débattre de ce sujet et examiner le contreprojet tel qu'il est issu de commission. Il est vrai que l'on peut regretter, sur le plan de la théorie, que notre LAMal n'ait pas intégré les soins dentaires. Bien sûr, les dents font partie du corps humain, mais je vous laisse imaginer ce que seraient nos primes aujourd'hui si tel avait été le cas. Cela dit, ce ne sont pas uniquement des considérations financières qui amènent le Conseil d'Etat à soutenir le contreprojet tel qu'il est sorti de commission, ou en tout cas à y voir beaucoup de qualités.
Tout d'abord, je voudrais rectifier une inexactitude qu'on a pu entendre ici: cette initiative ne vise pas à protéger les plus démunis, car je rappelle qu'à Genève ces derniers sont déjà couverts par des prestations. Chez les jeunes, s'agissant de la prévention et du dépistage, on vous a dit à quel point les bons délivrés sont peu utilisés par les parents en faveur de leurs enfants; c'est évidemment inquiétant et il y a donc un travail de pédagogie à faire pour expliquer non seulement aux enfants, mais parfois aussi aux parents, qu'ils ont un devoir à cet égard. Les personnes âgées de plus de 65 ans qui sont au bénéfice des prestations complémentaires ont également droit à la prise en charge des soins dentaires. De même, les personnes qui sont à l'Hospice général ont droit à la prise en charge de tout ce que la LAMal ne prend pas en considération, ce qui inclut les frais dentaires. En conséquence, disons-le clairement et n'essayons pas de tromper ceux qui nous écoutent, cette initiative a pour but de protéger - et ce but est aussi louable - une certaine catégorie de la population, à savoir cette classe moyenne qui paie tout et qui ne touche rien, et qui effectivement reçoit souvent en plein - si vous me passez l'expression - ces hausses consécutives des primes d'assurance-maladie.
Aujourd'hui, Genève fait déjà beaucoup. Doit-il faire davantage ? Nous sommes quant à nous convaincus que ce n'est pas par une assurance que la question doit être réglée. J'ai écouté avec attention Mme le rapporteur de minorité nous dire que la carie est l'un des grands fléaux après les maladies cardiovasculaires, les cancers et le HIV. Permettez-moi tout de même d'établir une hiérarchie de la souffrance et de considérer que la carie n'a pas à être mise au même niveau que le HIV ou le cancer. Cela ne veut évidemment pas dire que cela ne doit pas susciter notre préoccupation, mais je pense quand même qu'il faut savoir raison garder.
Le Conseil d'Etat considère que la prévention et l'éducation sont des actions qui doivent être renforcées, et ce dans tous les domaines, pas seulement au niveau dentaire. Prenez l'exemple, qui a été pionnier dans ce secteur, du cancer du sein. Considère-t-on que les femmes de condition modeste sont plus sujettes au cancer du sein que les femmes aisées ? Certainement pas. En revanche, je veux bien croire que dans les pays qui ne font rien, les femmes de condition modeste en décèdent davantage, tout simplement parce que le dépistage ne se fait pas, ou plus tardivement, si bien que lorsqu'on découvre la maladie, il est trop tard. Heureusement, à Genève nous avons passablement avancé dans ce domaine, et dès cette année nous le faisons pour le cancer du côlon, parce que nous considérons qu'effectivement plus tôt le diagnostic est posé, plus rapidement les soins peuvent être administrés, et donc la vie peut être sauvée. Il en va de même, toutes proportions gardées, pour les problèmes dentaires. Il y a une question d'éducation, d'hygiène de vie en général, mais aussi de dépistage, et je pense que nous devons, que nous pouvons faire mieux en matière de dépistage. C'est ce que propose ce contreprojet, qui est balayé d'un revers de main par certaines personnes qui voudraient finalement qu'il y ait une assurance qui couvre tout. Mais quel est ce tout, d'ailleurs ? Personne n'a réussi à le dire clairement. S'agit-il des soins pratiqués par un hygiéniste une fois par année pour un coût de 120 F ? S'agit-il d'implants ? Vous imaginez à quel point la palette des coûts peut être fort divergente.
Le Conseil d'Etat estime donc, pour des raisons économiques, bien sûr, mais aussi pour des questions d'efficacité... On a cité l'exemple de l'Allemagne, où l'on se rend bien compte qu'une assurance obligatoire n'a pas réellement amélioré la santé bucco-dentaire de la population, parce qu'il y a un travail à effectuer en amont; il ne suffit pas de soigner, il faut aussi faire en sorte que les personnes prennent leurs responsabilités. Je ne suis pas de ceux qui considèrent que la responsabilité personnelle est la reine des solutions, je pense également que nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie et qu'il existe effectivement des problèmes génétiques qui entrent en ligne de compte dans la carie, mais nous avons néanmoins tous la responsabilité personnelle de faire en sorte que ce type d'affection soit rapidement diagnostiquée et de ne pas l'aggraver par une hygiène bucco-dentaire inefficace. Voilà la position du Conseil d'Etat. Il vivra avec ce contreprojet s'il est accepté par le peuple, mais notre canton vivra certainement très mal avec l'initiative si elle est adoptée. J'espère donc que les Genevois seront aussi sages que les Vaudois, qui l'ont clairement refusée en mars dernier. Je vous remercie.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur le PL 12369, c'est-à-dire le contreprojet à l'IN 160.
Mis aux voix, le projet de loi 12369 est adopté en premier débat par 49 oui contre 38 non.
Le projet de loi 12369 est adopté article par article en deuxième débat.
Mis aux voix, le projet de loi 12369 est rejeté en troisième débat dans son ensemble par 64 non contre 29 oui.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 160-C.
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de notre ordre du jour, l'initiative 167 et le rapport du Conseil d'Etat qui la concerne. Le débat est en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) La parole est demandée par M. le député Grégoire Carasso, à qui je la passe.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Deux mots au nom du groupe socialiste sur cette initiative 167 intitulée «Pour une politique culturelle cohérente à Genève» qui, vous en avez sans doute pris connaissance, vise à modifier l'article 216 de la constitution sur le rôle de l'Etat en matière de culture. Soutenue - et nous le saluons - par le Conseil d'Etat, cette initiative permet à nos yeux de tourner la page de la partie de la LRT qui concerne la culture et de revenir à l'esprit de la loi sur la culture de 2013. Selon les initiants, ce changement de paradigme tient en trois mots-clés, Monsieur le président: création, concertation et - je le souligne - cofinancement. Considérant que la culture participe à la cohésion sociale, l'initiative, vous l'aurez compris, appelle à une nouvelle gouvernance fondée sur une collaboration active entre les communes, les villes et le canton. Plutôt que de chercher à séparer le bon grain de l'ivraie, l'initiative porte en elle le «faire-ensemble» culturel cher au groupe socialiste. Nous vous invitons donc à la renvoyer à la commission de l'enseignement et de la culture. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je salue la présence dans la salle d'un ancien député, M. Pascal Spuhler. (Applaudissements.) La parole est maintenant à M. le député Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative a été rendue nécessaire par le refus réitéré d'une majorité du parlement de prendre ses responsabilités en matière de politique culturelle. Alors qu'une meilleure répartition des tâches entre le canton et les communes était nécessaire et réclamée par tous, la répartition telle que votée par le Grand Conseil lors de la législature précédente est conçue comme une séparation stricte des financements, ce qui fragilise la situation des artistes en réduisant les possibilités d'accès aux subventions. Le cofinancement, comme le prévoit cette initiative, devrait au contraire permettre de développer et de dynamiser la création artistique. Car le transfert de certaines compétences au canton ne doit en aucun cas se faire au détriment de la diversité culturelle; il est évident qu'il est nécessaire de défendre une culture publique, gérée de manière démocratique et surtout de concert avec les acteurs culturels.
De même, la nouvelle répartition des tâches ne devrait pas être le prétexte à une privatisation - même partielle - des institutions publiques, à une dégradation des conditions de travail. Les collectivités publiques doivent au contraire assurer la diversité des expressions culturelles en mettant à disposition des espaces permettant une effervescence créative. Elles doivent de même assurer un accès à la culture pour toutes et tous, indépendamment de la situation financière de chacun. Je pense que c'est l'esprit de cette initiative.
Mais il faut aussi rappeler - car l'actualité le réclame - qu'une politique culturelle ne va pas nécessairement de pair avec un financement par l'Etat; bien souvent, c'est d'espace que les collectifs ont besoin. Des espaces qu'ils trouvaient historiquement dans les squats ou dans les lieux alternatifs comme Artamis, des lieux qui ont majoritairement fermé, victimes d'une politique ultra répressive. J'aborde cette question parce qu'un collectif occupe actuellement un bâtiment à l'ancienne station d'épuration d'Aïre: Porteous. Ce bâtiment est emblématique de la cécité du gouvernement face aux besoins des milieux culturels. Alors qu'un projet de centre culturel est proposé dans un bâtiment laissé vide depuis vingt ans et qui appartient à l'Etat, le gouvernement préfère en faire un centre pénitentiaire malgré la volonté des autorités de Vernier. A rebours de cette gestion répressive, le collectif Prenons la ville et ses nombreux soutiens souhaitent en faire un centre autogéré ouvert aux collectifs d'artistes et à la population. Ça aussi, nous devons l'entendre, de même que l'appel des collectifs qui ont lancé cette initiative. Ensemble à Gauche soutient donc fermement l'initiative pour une politique culturelle cohérente à Genève et, dans le même mouvement, l'occupation de Porteous. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts saluent la décision du Conseil d'Etat de soutenir cette initiative. (Un instant s'écoule.) Si cette initiative passe, nous aurons ainsi... (Un instant s'écoule.) Pardon, excusez-moi. Si cette initiative passe, nous aurons la possibilité de nous doter d'une politique culturelle cohérente à Genève. Le canton pourra assumer son rôle de coordinateur, en concertation avec les milieux culturels et les communes. Avec cette initiative, il s'agira de définir la mission et de mandater formellement le Conseil consultatif de la culture - il ne s'agira pas de faire une usine à gaz mais bien de définir un conseil actif qui doit être une force de proposition.
Les Verts avaient soutenu la récolte de signatures pour cet objet car la situation actuelle n'est pas pleinement satisfaisante. Je ne suis d'ailleurs pas la seule à le dire: le Conseil d'Etat le reconnaît au chapitre 4 de son rapport, «Difficultés de mise en oeuvre», auquel je vous renvoie. Pour ne citer que deux exemples, la situation quant au financement du Grand Théâtre et de la Nouvelle Comédie nous montre que le canton n'a pas assumé son rôle en matière de cofinancement et de coordination. Outre ces exemples, il faut accepter que les milieux culturels se sont trouvés fragilisés, et la consultation avec eux n'a pas eu lieu comme il aurait fallu. La séparation abrupte entre la création et la diffusion pose de nombreux problèmes, particulièrement dans l'allocation des subventions.
Nous avons aujourd'hui la possibilité, je dirais même l'opportunité de prendre nos responsabilités et de rectifier les conséquences néfastes du deuxième volet de la loi sur la répartition des tâches, voté en 2016 et entré en vigueur en 2017. Aujourd'hui, nous pouvons faire le choix d'une culture qui ne soit pas reléguée au dernier plan mais constitue un véritable axe de nos politiques publiques. Si l'on regarde l'actualité, on constate que les Genevois sont en demande de lieux culturels - par exemple le bâtiment Porteous - et qu'il est nécessaire de développer plus de lieux dédiés à la culture, notamment à une culture alternative accessible à toutes et à tous, ce que les Verts soutiennent. Le Conseil d'Etat est aujourd'hui prêt à s'investir pour une politique culturelle concertée; nous en prenons acte. Pour ces raisons, les Verts vous recommandent vivement d'accepter cette initiative. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Le PLR étudiera avec beaucoup d'intérêt cette initiative populaire en commission. A ce stade, il est d'avis que ce projet constitutionnel ne va pas changer la donne, car ce qu'il propose figure déjà dans la législation actuelle. Cette initiative a néanmoins le grand mérite de mettre en lumière les craintes, justifiées, des milieux culturels dues à l'absence cruelle de vision politique du canton en la matière. Craintes justifiées parce que le Conseil d'Etat, lors de la précédente législature, a délaissé la culture alors que la loi sur la culture demande précisément au gouvernement de définir les grandes orientations de son action dans ce domaine. La loi sur la répartition des tâches, tant décriée, a elle aussi réaffirmé cette ambition et renforcé la concertation avec le Conseil consultatif de la culture et les communes. Hélas, force est de constater que le Conseil d'Etat de la précédente législature n'en a rien fait. Il n'a pas esquissé les premières lignes de ces grandes orientations ni d'ailleurs chargé ce conseil consultatif de faire le travail. Je forme donc le voeu que le nouveau conseiller d'Etat chargé de ce domaine définisse avec les communes, avec les institutions culturelles - qu'elles soient privées ou publiques - une offre culturelle ambitieuse, équilibrée et à la hauteur de notre rayonnement international. C'est d'ailleurs d'ores et déjà sa tâche.
A ce stade, avant d'étudier cette initiative, le PLR tient à faire trois remarques. Premièrement, il est préférable qu'une seule entité finance et surveille une institution. Il ne faut pas que ceci soit un dogme inaltérable, intangible - ni même défaire ce qui marche - mais, pour le PLR, il est de bonne gouvernance d'éviter la double tutelle. Deuxièmement, les moyens financiers ne sont malheureusement pas infinis. Si la culture est essentielle, d'autres politiques publiques le sont également. Vous le savez, Genève figure déjà au deuxième rang des cantons suisses les plus généreux. Troisièmement, cette politique culturelle doit mieux associer les mécènes - les mécènes ! - car leur apport dans ce domaine est essentiel. Le PLR, comme je vous l'ai dit en introduction, votera le renvoi en commission. Merci, Monsieur le président.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG renverra également cette initiative en commission pour étude. Il faut effectivement bien relever que la modification constitutionnelle proposée ne change pas grand-chose à l'état actuel, mais elle a le mérite de rouvrir le débat sur la politique culturelle et sur l'engagement du canton. Parce que la LRT - la loi sur la répartition des tâches - est un échec, en tout cas pour nous: on n'a pas vraiment avancé dans le domaine, et je pense qu'il faut remettre l'ouvrage sur le métier pour trouver des solutions plus adaptées. Si on veut que le canton soit véritablement un acteur de la politique culturelle - et je pense que c'est nécessaire - il faut travailler à cela, et l'initiative 167 est à mon avis un bon moyen d'ouvrir ce débat.
Les moyens ne sont bien sûr pas extensibles, mais je pense qu'il y a des choses qu'il est possible de faire, il est possible de se coordonner avec les communes. Il faut simplement se donner la peine de vouloir le faire, de trouver des solutions et de sortir de ce qui a finalement été un échec, je le redis encore une fois, à savoir la répartition des tâches. La culture est le ciment du vivre-ensemble et de la cohésion sociale de ce canton; il faut donc toujours y rester attentif. Nous renverrons volontiers cette initiative en commission pour étude.
M. Christo Ivanov (UDC). Tout à l'heure, j'ai entendu des propos qui m'ont hérissé le poil: ce parlement aurait en effet refusé de manière réitérée de voter des crédits en faveur de la culture et de la diversité culturelle ! Les bras m'en tombent ! J'aimerais quand même vous rappeler que cette assemblée a voté 30 millions pour la Nouvelle Comédie et 10 millions pour le Théâtre de Carouge. Sans ça, les deux projets n'auraient pas vu le jour. Ce Grand Conseil a également voté une enveloppe pour le Grand Théâtre. Je rappelle également qu'une grande fondation que tout le monde connaît ici va mettre 110 millions sur la table pour la future Cité de la musique; je ne sais pas ce qui se ferait encore à Genève sans elle et on ne peut que la remercier.
Il faut reconnaître que les milieux culturels sont essentiels pour Genève car la culture - à travers les musées, la musique et beaucoup d'activités - est extrêmement importante et permet à notre canton d'avoir une attractivité très forte. Ce n'est malheureusement pas le cas pour le sport, ce que je regrette. Cette initiative n'apporte que peu de choses nouvelles: quasiment tout existe déjà dans la loi actuelle, et il s'agit donc de faire du neuf avec du vieux. La culture est l'enfant gâté de Genève alors que le sport est le parent pauvre, ce qui est extrêmement regrettable. (Commentaires.) L'UDC étudiera avec attention cette initiative à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de vous remercier, au nom du Conseil d'Etat, de l'accueil que vous faites au renvoi de cette initiative en commission. Vous savez que le gouvernement a accepté de la soutenir en vue d'apaiser un domaine qui est, comme cela a été relevé à l'instant, le ciment d'une cohésion sociale forte et dont les enjeux sont conséquents pour notre canton. Cette volonté d'apaisement doit nous permettre d'aborder avec transparence les projets auxquels nous serons bientôt confrontés: les grandes institutions, bien entendu, mais aussi le soutien à la création.
A ce propos, je vous présenterai le bilan de la loi sur la répartition des tâches et en particulier de son deuxième volet. Cela afin de vous permettre de me rejoindre sur l'idée qu'il est nécessaire de reprendre langue avec les milieux concernés et votre parlement au sujet de cette loi que je souhaite en effet - tout comme le Conseil d'Etat - voir évoluer. Merci donc de soutenir le renvoi de cette initiative en commission; j'aurai ainsi l'occasion de vous donner quelques éléments, notamment sur la politique culturelle que le Conseil d'Etat veut soutenir. C'est une obligation légale de par la loi sur la culture, mais c'est aussi la volonté de notre gouvernement: avoir une vision, une volonté concertée et coordonnée. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
L'initiative 167 et le rapport du Conseil d'Etat IN 167-A sont renvoyés à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.
Débat
Le président. Nous passons à l'initiative 168, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. le député Christian Dandrès.
M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Rassurez-vous, je serai bref. Le groupe socialiste soutiendra évidemment le renvoi de cette initiative à la commission des finances. Néanmoins, à la lecture du rapport du Conseil d'Etat, je pense que quelques commentaires s'imposent, tout d'abord sur la prétendue nécessité de réajustement des efforts entre les salariés et l'Etat. Je crois qu'il ne s'agit pas d'un réajustement nécessaire. Dans les années 80, le Conseil d'Etat avait fait le choix de fonctionner avec un système mixte et un taux de capitalisation bas. C'était une approche intelligente, à l'époque, qui du reste a permis à la caisse d'éviter de faire des pertes importantes lors de la crise de 2007 et 2008, mais c'était un choix politique; et ce choix a été désavoué par les mêmes groupes politiques qui l'avaient institué au Conseil d'Etat, mais cette fois au niveau fédéral. Il s'agit du PLR et du PDC. Du coup, la caisse doit voir son niveau d'actifs augmenter jusqu'à 80%, ce qui demande un effort important. C'est encore un choix politique; la caisse fonctionne bien, les rendements sont élevés, et aujourd'hui, le niveau de cotisations est suffisant pour pouvoir couvrir le montant des rentes, raison pour laquelle je souhaitais faire cette remarque.
L'autre aspect est l'impact de l'initiative qui prévoit de capitaliser la caisse par la cession de terrains, notamment au PAV. Le Conseil d'Etat indique qu'il n'y aurait aucun impact sur la pénurie de logements. Il faut cependant rappeler que l'initiative en tant que telle permet d'offrir des logements abordables à la population, même s'il n'y aura évidemment pas plus de logements que ce que prévoit aujourd'hui le projet de loi soutenu par la population, combattu par les mêmes personnes qui aujourd'hui sont majoritaires pour rédiger ce rapport. Pour un locataire, l'intérêt d'être locataire de la CPEG plutôt que d'un autre bailleur, c'est d'éviter les pratiques prédatrices qui aujourd'hui ont cours de la part de bailleurs privés qui pratiquent des congés économiques, des contrats à durée déterminée, un certain nombre de choses auxquelles nos concitoyens sont confrontés régulièrement et que la CPEG ne pratique pas. La CPEG a des loyers qui sont certes plus élevés que des logements HBM, mais a aussi une pratique raisonnable de ce point de vue, largement en dessous de ce qu'on peut rencontrer sur le marché aujourd'hui, raison pour laquelle cette initiative a tout son sens.
Nous aurons le loisir d'exposer plus en détail à la commission des finances l'intérêt de l'initiative, ce que nous avons déjà commencé à faire avec le projet 12228 qui se trouve à l'ordre du jour de notre Grand Conseil. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). Le groupe PLR désire aussi que cette initiative parte en commission. Je précise que la CPEG elle-même est réticente à ce texte, en tout cas pour une partie. Les intervenants sur le secteur du PAV, en particulier le conseiller d'Etat Vert concerné, M. Antonio Hodgers, y sont également opposés, parce qu'elle met en péril les projets qu'il a pour ce périmètre. Les auteurs mêmes ont déjà effectué des corrections dans un projet de loi qui a été déposé. Tout cela pour dire que ce texte pose beaucoup plus de problèmes qu'il n'en résout. Il est encore impossible de savoir quelles seront les personnes grugées par cette initiative, si ce seront les affiliés de la CPEG ou les locataires; en tous les cas, cela ne résoudra pas les problèmes posés pour la CPEG si la politique sociale du logement est clairement mise en oeuvre.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG accepte aussi le renvoi de cette initiative en commission, j'imagine à la commission des finances, qui a déjà traité notamment le plan du Conseil d'Etat pour «sauver» - je mets ce terme entre guillemets - la CPEG ainsi qu'un projet de loi qui reprend l'essentiel des dispositions prévues par cette initiative. Je pense qu'il y a une nécessité de bien examiner toutes les problématiques posées par la CPEG aujourd'hui. Ce plan est réalisable. Quel que soit l'opérateur qui construira les logements au PAV, l'essentiel est que ceux-ci soient construits et qu'ils répondent à la classe moyenne et à ceux qui ont besoin d'appartements. Par conséquent, une partie de cette recapitalisation qui s'effectuerait par le biais de ces transferts de propriété des terrains éviterait le financement direct et le complément demandé à travers le plan du Conseil d'Etat. Pas complètement, mais une partie: une partie devra quand même s'effectuer à travers le prêt simultané proposé ou d'autres techniques financières. Je pense qu'il vaut la peine d'étudier cela sérieusement en commission et je rappelle que le MCG a soutenu le projet de loi, qui a repris l'essentiel des dispositions de cette initiative. Nous souhaitons donc que celle-ci soit étudiée sérieusement en commission, de manière à trouver une solution pour la CPEG, une solution pérenne et supportable pour les finances de l'Etat. Merci.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, l'initiative 168 lancée par l'ASLOCA et le Cartel est absolument indispensable: elle permet d'assurer dans les prochaines années le bien-être de la population vaudoise et de répondre aux grands défis qui nous attendent. (Commentaires.) Vaudoise ! Pardon ! (Rires. Commentaires.) J'ai été démasqué ! Genevoise, bien entendu. (Commentaires.) Elle répond à trois grands enjeux, trois grands problèmes qui sont extrêmement importants. (Commentaires persistants. Le président agite la cloche.)
Le président. Une seconde, Monsieur le député, s'il vous plaît. Il y a un peu trop de bruit à la faveur de ce lapsus. Tout le monde s'est lâché et on n'entend plus grand-chose ! (Le silence revient. Remarque.) Je vous remercie. C'est à vous, Monsieur Cruchon.
M. Pablo Cruchon. Ce n'est pas un plaidoyer pour la fusion de Genève et de Vaud ! Je continue. Le premier des grands problèmes que permet de résoudre cette initiative, bien entendu, c'est la situation de la caisse de pension de l'Etat de Genève, qui compte 43 000 assurés et 27 000 rentiers. Il est absolument nécessaire de recapitaliser cette caisse de pension. La solution proposée par l'initiative permet de le faire sans mettre en danger l'Etat et ses finances ni faire participer fortement les contribuables. C'est donc une bonne solution, de ce point de vue là. Je rappelle que c'est la droite qui a artificiellement dégradé les conditions de la caisse en faisant passer au niveau fédéral une loi qui oblige à recapitaliser et péjore artificiellement une caisse qui pourtant a reçu en 2016 un prix international pour son excellente gestion.
Le deuxième grand problème que ce texte permet de résoudre, c'est bien sûr la question du logement et la pénurie organisée notamment par la droite et les milieux immobiliers dont M. Aellen se plaît à défendre les intérêts dans cette salle. Evidemment, la crise du logement touche de plein fouet la population, c'est la préoccupation numéro 1 des Genevois puisque la difficulté à trouver un appartement à loyer modéré est extrêmement forte. Preuve en est que depuis quinze ans, la moitié des biens construits n'est accessible qu'à 20% de la population, la partie la plus aisée de ce canton. On a donc vraiment besoin de créer des logements, mais des logements accessibles à la majorité de la population.
Le troisième problème que ce texte permet de régler est le suivant: le projet du PAV qui s'ouvre représente pas loin de 12 000 logements et donc des masses de profits que, bien sûr, les milieux immobiliers veulent s'accaparer. Cette initiative permet de soustraire à la spéculation une grande partie du PAV et de permettre à la population de se le réapproprier en évitant que la logique spéculative ne se répercute sur les loyers. Pour ces trois raisons, et pour éviter ces problèmes qui vont se poser, Ensemble à Gauche soutiendra cette initiative de manière déterminée dans son étude en commission comme en plénière. Merci.
Mme Frédérique Perler (Ve). Rapidement, puisque les Verts ont soutenu cette initiative, ils soutiendront évidemment son renvoi en commission - du reste, nous n'avons guère le choix. Pour le surplus, le groupe des Verts souscrit aux explications données par M. le député Dandrès ainsi qu'à la demande populaire sur l'idée de sauvegarder les retraites de la CPEG via la cession de terrains constructibles par l'Etat. Nous étudierons donc de manière très approfondie les raisons qui s'opposent au soutien de cette initiative par le Conseil d'Etat.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je ne sais pas si la caisse de pension pourra profiter de la masse de profits telle qu'elle est décrite par la gauche. J'aimerais simplement rappeler ici que cette caisse est autonome et dire qu'il me paraît un peu bizarre de rendre obligatoire, au travers d'une initiative populaire, ce à quoi la loi fédérale n'oblige pas. Il est cependant utile de renvoyer ce texte à la commission des finances où nous avons passé un certain nombre d'heures à essayer de trouver une formulation, voire des solutions. Tout le monde est inquiet dans la population quant à savoir comment pourra se dénouer l'actuel noeud gordien de la recapitalisation de notre caisse de pension. Pour nous, nous continuons de dire qu'il n'est pas possible de recapitaliser la caisse de pension sans effort. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à renvoyer ce texte en commission afin que nous puissions reprendre nos travaux et trouver des solutions, mais des solutions intelligentes. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Christian Dandrès pour quarante secondes.
M. Christian Dandrès (S). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Pour répondre à M. Cerutti, je crois qu'une chose a été mal perçue: l'initiative ne prévoit pas d'imposer le transfert des terrains à la CPEG, ce qui en effet serait contraire au droit fédéral. On a raconté beaucoup d'âneries sur ce texte que peu de personnes ont lu, je pense. Je vous incite à le faire, Monsieur le député. Il s'agit de propositions et non pas d'éléments imposés. Sur le fond, nul besoin d'être grand prophète pour comprendre ce que vous savez vous-même: les rendements sont élevés dans l'immobilier, probablement plus élevés que ceux de la BNS ou des obligations de la Confédération.
M. Christo Ivanov (UDC). On ne va pas faire le débat ici, mais je pense que le député Cerutti a eu entièrement raison en nous rappelant les problèmes concernant la recapitalisation de la caisse. Aujourd'hui, il manque au minimum 5 milliards de francs pour cela. Je rappelle que la CPEG est autonome, qu'il lui faut 4,1% de rendement par année pour pouvoir verser les rentes sans toucher au capital. Par le passé, la caisse a bien dû vendre des actions, des obligations et j'en passe. Par conséquent, le groupe UDC étudiera consciencieusement cette initiative à la commission des finances, mais je crains que cette acquisition de terrains - on a parlé de spéculation immobilière, n'est-ce pas, il faut faire un peu peur à son voisin - soit du bouillon pour les morts ! Il faut être honnête, la réalité est qu'il va manquer plusieurs milliards. Ce dossier est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît et cette initiative, je le crains, n'est qu'un coup d'épée dans l'eau.
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour terminer, la parole est à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, que je remercie pour sa patience.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, bonjour ! Le Conseil d'Etat souhaite vous adresser sur cette initiative un message d'apaisement. De toute façon, vous le savez, le texte va être renvoyé en commission. La volonté du Conseil d'Etat est de faire en sorte que nous trouvions un consensus pour adopter un projet de loi issu de la majorité la plus étendue possible, qui permette de sauver la CPEG et d'assurer les rentes des pensionnés, mais aussi de la fonction publique actuelle. Nous allons rechercher ce consensus. Vous n'ignorez pas que, quelle que soit la décision prise par votre parlement, celle-ci devra être validée par le peuple; la population sera sensible au fait de savoir qui porte les efforts, s'ils sont uniquement ceux de l'Etat et des contribuables, s'il y a un partage des efforts avec la fonction publique aussi, s'il s'agit de solutions concertées que nous pourrons défendre de manière majoritaire. Le Conseil d'Etat est convaincu que c'est vers cette direction qu'il faut se diriger. C'est donc un message d'espoir en vue de trouver un accord que je vous exprime aujourd'hui au nom du Conseil d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat.
L'initiative 168 et le rapport du Conseil d'Etat IN 168-A sont renvoyés à la commission des finances.
Débat
Le président. Nous allons maintenant traiter l'urgence que nous avons votée tout à l'heure, à savoir la M 2490. Je passe la parole à qui la demande. (Un instant s'écoule.) L'auteur pourrait-il redire quelques mots ? (Remarque. M. Grégoire Carasso regagne sa place en courant.) Je laisse le micro à M. Grégoire Carasso qui est toujours en avance sur son temps.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Il faut que je trouve quelque peu mes marques, chers collègues, vous m'en excuserez. Deux mots pour vous dire le plaisir et l'honneur de vous présenter ici une motion signée par une bonne partie des groupes de cette salle. Nous sommes dans le bâtiment d'une organisation internationale; cette motion vise précisément à rendre hommage, l'année prochaine, au centenaire de la Genève internationale et de ses organisations internationales.
Vous le savez, 2019 marque le centenaire de la fondation de l'Organisation internationale du travail, mais aussi de l'ancêtre des Nations Unies, la Société des Nations. Je ne remonterai pas au CICR ou à l'arbitrage de l'Alabama, mais pour ce qui concerne le système onusien, cet anniversaire l'an prochain nous offre une belle occasion de célébrer le multilatéralisme alors qu'il est remis en question à l'échelle internationale. C'est sans doute aussi, à notre échelle, l'occasion de rapprocher l'écosystème de la Genève internationale de notre biotope local. Voilà en quelques mots, Mesdames et Messieurs, chers collègues, les intentions de cette motion - saisir l'occasion de la célébration du centenaire de la Genève internationale. Je vous remercie de votre écoute et m'excuse de mon arrivée tardive. Je vous remercie également de votre soutien. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député, vous êtes excusé. Je passe la parole à M. le député Raymond Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, notre parlement, et plus particulièrement notre groupe politique, est extrêmement attaché à la Genève internationale. Elle nous rend spécialement fiers de ses travaux dans les différents domaines qu'abordent ses différentes institutions, et plus spécifiquement dans tout ce qui touche à la recherche de la paix sur cette planète. J'aimerais donc saluer et remercier l'initiant de cette motion; notre groupe politique la soutiendra sans réserve. Merci de votre attention.
M. Guy Mettan (PDC). Chers collègues, je voudrais juste apporter une toute petite précision - nous nous trouvons ici au coeur de la Genève internationale: nous ne fêtons pas le centenaire des organisations internationales, mais leur cent trentième anniversaire, puisque la première organisation internationale est l'Union interparlementaire qui a été créée en 1889 ! Ça tombe bien aussi, mais ça fera en réalité cent trente ans, soit plus que cent ans, car cette institution est l'ancêtre des organisations internationales. Voilà pour cette précision que je voulais apporter alors que nous avons l'occasion de siéger dans le bâtiment d'une organisation internationale. Notre parti soutiendra évidemment cette motion.
Le président. Merci de cette précision, Monsieur le député. La parole est maintenant à Mme la députée Delphine Klopfenstein Broggini.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la Genève internationale s'est beaucoup développée depuis la création de la Croix-Rouge en 1863. Elle représente aujourd'hui un des premiers pôles de gouvernance mondiale et un engagement international majeur en faveur de l'humanité. Alors que les conflits se multiplient dans le monde entier, que les crises - qu'elles soient climatiques, politiques ou économiques - fragilisent toujours plus la population, que les moyens accordés à la politique nationale humanitaire s'effritent de plus en plus, la Genève internationale, composante essentielle de l'identité genevoise, a plus que jamais un rôle à jouer.
Cet anniversaire est évidemment une très bonne occasion pour célébrer cet engagement. Un engagement auprès des personnes démunies, touchées de plein fouet par des catastrophes en Syrie, en Irak, au Yémen ou encore au Soudan, et qui semble absolument nécessaire. Le soutien genevois à la Genève internationale reste modeste au regard de l'ampleur des besoins dans le monde, et organiser une belle célébration paraît une très bonne idée. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est maintenant à M. le député Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC). C'est une erreur, Monsieur le président. M. Mettan, mon cher collègue, a déjà dit tout ce que je voulais dire et je l'en remercie !
Le président. Merci, Monsieur le député. C'est à vous, Monsieur le député Patrick Dimier.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est effectivement une excellente idée ! Souvenons-nous que c'est à Genève que les deux premiers lauréats du prix Nobel de la paix ont été désignés: M. Henry Dunant et M. Elie Ducommun. Ils l'ont été pour leur contribution à deux axes essentiels liés à ce que sont devenues les organisations internationales à Genève: gérer des conflits de manière humaine, si tant est que cela soit possible, et assurer des relations de travail de qualité. C'est donc un devoir autant qu'un plaisir de célébrer cet anniversaire; merci aux initiants !
M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames et Messieurs, je vous demande d'aller de l'avant avec cette idée et de soutenir ce projet de loi. C'est extrêmement intéressant et important pour notre canton de continuer à défendre la Genève internationale et de montrer que Genève est présent et sait se faire entendre dans ces périodes de commémoration. Ce parlement a soutenu à l'unanimité la marche Jai Jagat pour la paix qui partira en septembre 2019 de New Delhi pour arriver à Genève en septembre 2020. L'année 2019 nous donne donc une opportunité de plus de marquer notre soutien à la Genève internationale, notre soutien à la paix, notre soutien à la défense des droits de l'homme et de l'humanitaire. Je vous remercie de soutenir ce projet.
M. Pierre Maudet, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion - ce n'est pas un projet de loi mais une motion, qui invite à un certain nombre d'actions - est très intéressante. Le Conseil d'Etat l'accueille comme un encouragement à entamer le dossier des anniversaires dans le cadre de ses travaux préparatoires sur le plan d'action de la politique extérieure de la République et canton de Genève. Le préopinant socialiste l'a relevé: le centenaire des organisations internationales et le début de cette ère de multilatéralisme sont assurément des événements que nous devons célébrer.
Comme vous le savez sans doute, Mesdames et Messieurs les députés, l'article 111 de notre constitution commande au Conseil d'Etat de préparer dans les six premiers mois de la législature un plan d'action dont l'ambition va bien au-delà de la seule année 2019 puisqu'il porte jusqu'en 2023. Je citerai ici un anniversaire que nous ne pourrons pas rater, celui des cent cinquante ans de l'arbitrage de l'Alabama: 1872-2022. Il sera l'occasion d'attirer l'attention de la planète entière sur la capacité, encore aujourd'hui, d'accueillir à Genève des pays qui souhaitent régler leurs différends de façon pacifique, avec les dispositifs que vous connaissez; mais aussi, sous seing privé, de trouver des capacités d'arbitrage que nous nous employons à développer pour accroître l'attractivité de notre région.
L'année 2019 marque aussi les trente ans du web: le World Wide Web a été créé à Genève en 1989. Ce sera également l'occasion de célébrer un bel anniversaire avec le CERN. Si cette motion nous est renvoyée, soyez certains que, à la faveur du plan d'action du Conseil d'Etat issu de l'article 111 de la constitution, nous aurons à coeur de répondre non seulement sur l'objet de ce texte mais également, dans une vision un peu plus large, sur les commémorations qui vont rythmer l'activité de la Genève internationale ces cinq prochaines années.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur la prise en considération de cette motion.
Mise aux voix, la motion 2490 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 92 oui contre 2 non.
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant, chers collègues, à la suite de notre ordre du jour ordinaire: nous abordons le PL 11838-A et la M 2220-A en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. le député Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne sais pas si c'est le moment d'avoir un débat sur ces objets, sachant que le vrai débat devra avoir lieu dans le cadre du crédit d'investissement de 258 millions qui est actuellement pendant devant la commission des travaux. C'est clair que ces deux textes, traités pendant douze séances, ont permis de faire un large tour d'horizon du sujet, et que le rapport sera très utile à la commission des travaux dans le cadre de l'étude du crédit d'investissement.
Il est évident que plusieurs groupes politiques ne veulent pas entendre parler de construire une prison, encore moins de détention administrative. On a essayé de demander que ces deux objets soient retirés; ça n'a malheureusement pas été le cas. Pourquoi les retirer ? Eh bien, parce que le crédit d'étude a été dépensé et que le débat doit maintenant avoir lieu sur les 258 millions du crédit d'investissement. Défendre la construction d'une prison n'est pas vraiment intéressant politiquement, encore moins électoralement. Ce n'est pas vraiment porteur: il est question non seulement de coûts d'investissement mais ensuite de coûts de fonctionnement importants. Certains veulent continuer à mettre dans la balance la détention administrative et le fait de créer des prisons inutilement pour essayer de torpiller ce genre de projet. Ce qui est gênant, c'est que les opposants n'apportent strictement aucune solution en ce qui concerne la planification pénitentiaire, déjà présentée à moult reprises en commission.
J'aimerais vous rappeler ici les arguments qui plaident en faveur de ce futur crédit d'investissement. La première raison, c'est que les cantons de Vaud et de Fribourg, contrairement à ce qui a été dit, ont clairement refusé d'entrer en matière quant à une construction sur leurs territoires. Le projet retenu dans le cadre de l'appel d'offres est par ailleurs le moins cher qui a été présenté, et il fait aujourd'hui l'objet du crédit d'investissement. Ce projet est également le plus dense et le moins gourmand en surface d'assolement, ce qui devrait plutôt être un argument pour les Verts.
La construction des Dardelles est incontournable pour permettre la réhabilitation de Champ-Dollon. La densification de Champ-Dollon n'est malheureusement pas envisageable et Les Dardelles mettront fin à sa surpopulation - Champ-Dollon est occupé à 170% à fin mai 2018. En outre, on pourra enfin avoir un véritable déploiement du concept de réinsertion des détenus puisque le nombre de places de travail à disposition permettra d'occuper tout le monde. Enfin, La Brenaz sera effectivement affectée à la détention administrative, et on pourra réclamer la subvention fédérale de 40 millions. Je pense que nous aurons tout le loisir de revenir sur ces projets dans le cadre des travaux sur le crédit d'investissement; la majorité de la commission vous invite à refuser les deux objets qui vous sont présentés aujourd'hui. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le 18 septembre 2014, nous mettions en exergue le coût très élevé de ce projet, un établissement d'exécution de peine de 450 places sur le site de Champ-Dollon. Ce coût, supporté principalement par Genève, sera d'ailleurs alourdi du coût de fonctionnement annuel d'une prison d'une telle taille, qui pèsera pour de nombreuses années sur tous les futurs budgets de l'Etat de Genève. Alors que la rénovation de la prison existante de Champ-Dollon apparaît, elle, comme une vraie priorité ! L'emprise sur la zone agricole, même si elle a été réduite dans le projet proposé et financé par le crédit d'étude, reste importante. Enfin, la population des environs, et surtout celle de Puplinge, n'est pas favorable à ce projet en raison de nuisances accrues par rapport à celles qui existent.
Il y a quatre ans, nous invitions principalement le Conseil d'Etat à abandonner l'étude de ce projet de prison des Dardelles et à étudier, en collaboration avec les cantons romands, un projet de construction de prison intercantonale sur les terrains disponibles des sites pénitentiaires d'autres cantons romands. Les auditions, de même que la présentation du projet de prison des Dardelles par le département, ne nous ont nullement convaincus de la nécessité de construire cet établissement d'exécution de peine à Genève; aujourd'hui, nous maintenons nos demandes telles que rappelées. Nous les rappelons par cette motion avant bien sûr d'aborder, si nécessaire, la discussion sur le crédit d'investissement. Nous demandons au Conseil d'Etat de s'engager maintenant avec volonté - ce qu'il n'a pas fait jusqu'à présent - dans des projets intercantonaux, pour le futur, et non dans des aventures solitaires et coûteuses pour notre canton. Aventures coûteuses qui se réaliseront au détriment d'autres priorités !
Il existe un concordat latin sur la détention pénale des adultes qui préconise la construction de prisons concordataires, et c'est évidemment ce que nous demandons. Entre 2014 et 2016, il y a d'ailleurs eu quelques contacts entre le Conseil d'Etat et d'autres cantons; leurs réponses sibyllines ont permis de comprendre qu'aucun ne veut souscrire aux engagements pris dans le cadre du concordat latin. Eh bien, il faudra que ça change ! A chacun sa politique de planification pénitentiaire ! Voilà la réalité: à chacun sa prison ! Voilà le programme, voilà la conclusion ! Ce serait risible si on ne parlait pas ici de centaines de millions dépensés pour des prisons dans les différents cantons au détriment d'autres domaines où cet argent est nécessaire, c'est-à-dire l'enseignement, la santé, l'aménagement et les transports.
Pendant le même temps, le crédit d'étude de 16 millions et quelques a été dépensé. Il a abouti à un projet remanié, réduit d'un coup de quelques millions: nous héritons maintenant d'un projet à 258 millions de francs. Subventionné à hauteur de 69 millions, le coût pour le canton s'élève à 189 millions - le prix, en gros, de trois collèges. Il faudra rajouter la même somme d'ici peu pour rénover Champ-Dollon, car il ne faut pas l'oublier, Champ-Dollon doit absolument être rénové. Malgré les démonstrations qui le minimisaient, il est par ailleurs clair que le coût de fonctionnement va augmenter une fois que Champ-Dollon aura été rénové et aura retrouvé sa pleine affectation, et que Les Dardelles fonctionneront pour les exécutions de peines.
Avec le taux d'encadrement genevois de 0,49 gardien par place de prison, ce sont 220 gardiens, au moins, qu'il faudra engager. Lors de l'audition de l'Union du personnel du corps de police du canton de Genève, ce syndicat a d'ailleurs regretté un changement: le personnel des prisons avait été associé aux anciens projets tels que Cento Rapido 1, Cento Rapido 2 et Juridico - ces deux derniers projets, que vous ne connaissez pas, ayant d'ailleurs été abandonnés en 2013 en faveur des Dardelles. Le personnel n'a en effet pas été associé à ce nouveau projet; il n'a pas eu son mot à dire sur la faisabilité de ce dernier. Le service technique et sécurité de Champ-Dollon n'a jamais été associé au projet des Dardelles, pas plus que l'ancien directeur de la prison ! Alors que Cento Rapido 1 avait précisément été géré directement par Champ-Dollon et par le service technique et sécurité !
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. François Lefort. Oui, merci. Il est très surprenant de mener un projet pénitentiaire sans y associer les personnes qui travaillent sur le terrain et les cadres de la prison. Ces anciens projets, qui avaient été développés rationnellement et se concentraient sur le périmètre existant de Champ-Dollon, ont été rayés de la carte en 2013 pour faire place à ce somptueux et coûteux projet. Alors qu'il était si urgent à ce moment-là, il a finalement retardé la rénovation de Champ-Dollon et l'amélioration des conditions de détention, puisqu'il ne s'est rien passé pendant cinq ans.
Nous restons persuadés que la solution d'une prison intercantonale n'a pas été suffisamment évoquée avec les cantons concordataires, alors qu'elle s'avère la meilleure solution pour tous les signataires. Enfin, dans le contexte budgétaire actuel - le PF 17 compris - il faut avoir le courage de dire que Genève n'a plus les moyens financiers et territoriaux pour ce projet; il y a d'autres priorités dans les transports publics, dans la construction de collèges, dans l'entretien et l'assainissement énergétique des bâtiments publics et dans la construction de logements. Genève ne peut plus tout faire et une prison de 450 places n'est pas la priorité. Il faut aujourd'hui faire passer ce message en votant la motion et le projet de loi; il faut donner le signal que nous ne voulons pas de cette prison à Genève, qu'il y a d'autres solutions plus rationnelles et qu'il faut maintenant les étudier. Merci. (Quelques applaudissements.)
Mme Marion Sobanek (S), rapporteuse de deuxième minorité ad interim. Après l'intervention très complète de mon collègue, je vais tenter de donner un autre éclairage. J'aimerais bien préciser que les socialistes ne veulent pas torpiller des projets de lieux de détention à dimension humaine et permettant une réinsertion réussie. Mais pour les socialistes, le projet de prison d'exécution de peine des Dardelles, dans les dimensions, aux coûts de construction et avec des frais de fonctionnement tels qu'exposés en commission, est à abandonner. Nous ne cautionnons évidemment pas la surpopulation carcérale, néfaste pour les détenus et le personnel, mais nous sommes d'avis qu'il existe d'autres réponses à apporter plutôt que d'ériger de nouvelles prisons.
Dans le nord de l'Europe - par exemple en Hollande, en Finlande, en Suède - on privilégie des sanctions comme les arrêts domiciliaires, le travail d'intérêt général ou le bracelet électronique. Les juges y ont moins recours à la détention provisoire dont la durée peut être limitée. Résultat: les prisons hollandaises sont vides, faute de clients. Or en Suisse, on a choisi de rallonger les peines privatives et on a plus facilement recours à la détention provisoire. De même, l'emploi du bracelet électronique semble très restreint. Par ailleurs, on trouve une grande différence entre la Suisse alémanique et la Suisse romande. De Bâle, canton frontalier, à Genève, canton qui l'est également, le nombre de détenus par habitant augmente: vous avez 68 détenus pour 100 000 habitants à Bâle alors que vous en avez 109 à Genève, ce qui est pire que le taux de détention aux Emirats arabes unis, mais, je vous rassure, correspond au taux de la Corée du Sud ! Pour la détention préventive, c'est exactement pareil: 25 en Suisse alémanique contre 45 ici. L'argument de la frontière n'explique donc pas tout, puisque Bâle est bel et bien un canton frontalier. Nous n'avons pas épuisé les possibilités d'autres sanctions que l'incarcération pour diminuer le nombre de détenus. Notre appareil judiciaire doit pouvoir prononcer les jugements plus rapidement et être doté du personnel nécessaire pour le faire, car il y a trop de personnes en préventive et elles y restent souvent trop longtemps. Actuellement, 33 personnes sont en détention préventive depuis plus d'une année !
La promesse publicitaire pour Les Dardelles - un détenu, une place de travail - semble également bien difficile à tenir. Pourquoi ? La majorité des détenus parle souvent mal le français et ne peut exercer qu'un travail dans l'agriculture, comme c'est le cas dans de grandes prisons suisses d'exécution de peine. Or à Genève, vous le savez, nous n'avons pas de terrains à disposition pour offrir cette possibilité. D'autres projets se heurtent souvent à l'opposition des entrepreneurs locaux. Cette promesse est donc difficile à tenir !
Une «superprison» de 450 places, une cité pénitentiaire gigantesque, nous n'en voulons pas ! La population de Puplinge n'en veut pas non plus. La fermeture de plus petites unités, davantage à échelle humaine et souvent propices à des projets novateurs, ne nous semble pas opportune. Le lieu dédié à la détention administrative devrait par ailleurs rester près de l'aéroport. En outre, dans cette «superprison», il manque toujours une place pour les femmes. A Genève, chaque fois qu'on a érigé une prison, on a fait des économies au lieu de prévoir des lieux décents pour la détention des femmes. C'est un point qui me semble vraiment à discuter dans ce type de projet.
Concernant les coûts et les détails, je crois que mon collègue vous a donné tous les chiffres nécessaires. Nous devons plutôt interroger à court et moyen terme notre arsenal juridique et la politique pénitentiaire qui en découle. Nous devons renoncer à construire un mastodonte de la détention et dire oui à ce projet de loi et à la motion. Je vous remercie.
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, au moment où le projet de loi visant à supprimer le crédit d'étude de 16 millions de francs a été déposé, ce montant était à peine entamé d'un quart ! Le texte se justifiait donc amplement pour arrêter les frais tant qu'il en était encore temps. Evidemment, la majorité a un peu joué la montre - il suffit de regarder les dates de dépôt des rapports de minorité et du rapport de majorité - et pour finir, on se retrouve un peu mis devant le fait accompli. Il faut bien y aller, Champ-Dollon se remplit, on a besoin d'une nouvelle prison; ce sont toujours les mêmes arguments qui sont mis en avant, et qui peinent toujours à convaincre ! C'est dommage qu'on ait laissé le temps s'écouler de la sorte au lieu de prendre une mesure radicale et de revoir complètement le projet, car quand un projet n'est pas bon, il faut pouvoir l'admettre et le redimensionner.
J'aimerais porter ici la voix du syndicat de la police - l'Union du personnel du corps de police, l'UPCP - car il a été longuement auditionné par la commission des travaux et son témoignage est tout à fait éclairant. Il défend les gardiens de prison, le personnel pénitentiaire, qui sont quand même les premiers concernés. Il est apparu très clairement et sans aucune nuance que ce projet de prison des Dardelles n'est pas nécessaire, qu'il est surdimensionné et mal conçu. Il y a deux aspects: d'abord une mauvaise conception et puis aussi la menace écologique qu'a rappelée ma collègue - une pétition s'appelle «Menace sur la zone agricole de Puplinge». On ne peut pas, à Genève, sur un territoire aussi exigu que le nôtre, sacrifier des hectares de terres agricoles pour une prison mal fichue qui, au mieux, sera remplie le temps qu'on rénove Champ-Dollon. Et une fois que les prisonniers auront réintégré Champ-Dollon, eh bien, elle sera de nouveau vide ! On n'a ni l'occasion ni les moyens de s'offrir le luxe de construire une prison qui resterait inoccupée ! Il faut revoir la politique pénitentiaire d'une manière générale. Mesdames et Messieurs, la voix de la raison appelle à accepter ce projet de loi, c'est-à-dire à refuser le crédit d'étude de 16 millions. Je vous remercie.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Vous aurez bien sûr remarqué à la lecture des rapports de minorité les réserves émises par le groupe socialiste sur la dimension de ce projet de 450 places. Sans reprendre l'intégralité de ces rapports - ma collègue en a exposé certains éléments tout à l'heure - nous tenons à relever qu'il est important que les projets dans le domaine pénitentiaire ne s'élaborent pas de manière «top-down», je dirais, c'est-à-dire sans que les collaborateurs de terrain y soient associés, ou en les y associant peu ou mal. Nous avons effectivement entendu des représentants des agents de détention émettre des critiques, mais aussi regretter le fait qu'ils n'aient pas été consultés sur leurs compétences métier. Ça peut paraître trivial, mais ce sont eux qui tous les jours ouvrent et ferment les portes de Champ-Dollon, qui savent comment se passe le travail sur le terrain. Ce sont eux aussi qui endurent des conditions de travail qui comportent les risques que l'on peut imaginer, comme à Curabilis ou dans d'autres établissements pénitentiaires. Pour nous, il est donc important que les collaborateurs puissent dire ce qui est utile pour leur métier lors de l'élaboration d'un projet - non seulement pour leur propre sécurité mais également pour celle des personnes détenues.
D'autre part, il nous semble essentiel aussi d'étudier de manière plus sérieuse la rénovation de la prison de Champ-Dollon avant de se lancer dans un projet de grande envergure. Les collaborateurs ont dit que l'extérieur présente de graves défauts d'entretien - les moyens qui y étaient destinés ont été affectés ailleurs - mais que l'intérieur correspond aux besoins de leur travail. Il est selon nous important d'étudier ce projet, comme il est important de se pencher sur l'ensemble de la politique pénitentiaire. Est-ce qu'il est juste que des gens restent en préventive de manière trop prolongée ? On devrait également avoir une discussion avec le ministère public. Etant donné le coût que représente le maintien en détention d'une personne, et par conséquent son coût pour la collectivité, est-ce qu'il est juste que des personnes qui doivent exécuter de courtes peines ne puissent pas avoir des peines alternatives ?
Parler de politique pénitentiaire, c'est aussi remettre au centre des discussions ce qui concerne la prévention et l'éducation, comme l'ont montré les agents de détention eux-mêmes. Selon les socialistes, vous l'aurez compris, le projet tel que présenté aujourd'hui doit impérativement être revu, aussi bien dans l'intérêt des collaborateurs que des personnes détenues. Il va notamment falloir répondre au besoin d'un lieu plus adapté pour les femmes. Oui, il y a des problèmes, nous ne le nions pas, mais il faut travailler en commun. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Monsieur le président, après avoir entendu le rapporteur de majorité, les trois rapporteurs de minorité ainsi que l'excellente intervention de ma collègue précédente, Mme Nicole Valiquer Grecuccio, le parti démocrate-chrétien pense qu'il y a encore beaucoup de questions en suspens sur ce sujet. Les arguments des uns et des autres ne sont de loin pas convergents; il nous paraît prématuré à l'heure actuelle de prendre une décision. Je demande donc, au nom du parti démocrate-chrétien, de renvoyer ces deux objets en commission.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je donne la parole aux rapporteurs s'ils veulent s'exprimer, mais uniquement sur cette question. Monsieur François Lefort, c'est à vous.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, il n'y a pas matière à un renvoi en commission ! A la commission d'aménagement, il y a un projet de loi pour une modification de zone; à la commission des travaux, un projet de loi pour le crédit d'investissement. Nous devons aujourd'hui donner un message. Est-ce que vous voulez prendre la responsabilité, dans ce parlement, de laisser le Conseil d'Etat continuer avec ce projet ? Ou est-ce que vous lui dites: non, maintenant il faut trouver une autre solution ? Voilà la question ! Il ne faut donc pas renvoyer ces objets en commission mais au Conseil d'Etat. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Aucun autre rapporteur ne demandant la parole... (Remarque.) Le Conseil d'Etat veut dire quelques mots au sujet de cette demande de renvoi, je passe la parole à M. Maudet.
M. Pierre Maudet, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous parlons ici de l'abrogation d'un crédit d'étude qui, et ce n'est pas le moindre des paradoxes, a en réalité été entièrement utilisé. Au vu de la teneur des discussions et notamment du propos de la préopinante socialiste - qui relevait elle-même à quel point il est nécessaire d'étudier et d'approfondir la question - le renvoi en commission semble particulièrement pertinent au Conseil d'Etat. Il est pertinent, parce que verser au dossier les éléments collectés dans le cadre de l'étude de ces deux objets sera assurément de nature à conforter la commission des travaux et la commission d'aménagement dans leur étude d'un projet cette fois-ci beaucoup plus concret et précis que celui voté par votre Grand Conseil en novembre 2013 - ce crédit d'étude a en effet été voté il y a maintenant cinq ans.
Puisque les discussions sont entamées dans ces deux commissions, Mesdames et Messieurs, et qu'à la faveur du renvoi on pourra verser au dossier les éléments du débat relatifs à ce crédit d'étude, nous vous recommandons, nous, Conseil d'Etat, de renvoyer ces deux objets en commission. (Remarque.) Vraisemblablement à la commission des travaux, dès lors que le crédit d'étude portait sur la construction et que la jonction se fera naturellement entre la commission d'aménagement qui étudie les questions de surfaces d'assolement et celle des travaux qui, elle, porte son regard sur le crédit. On l'a compris à l'écoute des orateurs, ce sont notamment le coût et la dimension du bâtiment - donc les travaux - qui sont les plus concernés. La recommandation du Conseil d'Etat est donc de renvoyer ces objets à la commission des travaux.
Le président. Merci, Monsieur le magistrat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote: je vous demande de vous prononcer sur le renvoi du PL 11838-A à la commission des travaux.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11838 et sur la proposition de motion 2220 à la commission des travaux est rejeté par 60 non contre 31 oui.
Le président. Nous continuons notre débat avec Mme la députée Danièle Magnin à qui je passe la parole.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Je voudrais parler de la surpopulation carcérale, qui doit nous conduire à décider si oui ou non on veut construire cette fameuse prison des Dardelles. Or pour le groupe MCG, une meilleure gestion de la justice pénale - et en premier lieu de la rapidité dans les décisions - viderait la prison de Champ-Dollon de ceux qui y sont détenus préventivement. Je me permets une toute petite incise s'agissant de la gestion de la justice proprement dite: il y a des affaires simples qui mettent plusieurs années à être jugées sans qu'il y ait de détention préventive, mais qui pèsent terriblement sur le quotidien des personnes, qui se retrouvent avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Elles ne savent pas si elles vont oui ou non avoir un casier judiciaire, oui ou non avoir une condamnation. Ça leur pourrit la vie ! C'est extrêmement regrettable, et ça l'est encore bien plus quand des gens détenus préventivement sont ensuite libérés parce que leur cas a été relativement mal instruit. Il y a donc vraiment une demande très très forte pour que la justice pénale soit mieux gérée.
De la même manière, je voudrais signaler qu'il y a de plus en plus de gens qui se retrouvent condamnés à exécuter des peines de prison pour de simples amendes de stationnement, parce qu'ils ont dépassé d'une heure le temps qui leur était imparti. Pour de simples amendes de stationnement à 40 F, qui se sont éventuellement accumulées s'ils sont dans la précarité - ils ont une vieille voiture qui ne vaut pas grand-chose mais qui leur sert quand même à transporter leurs enfants, à se rendre à tel ou tel cours avec eux, etc. ! Et je trouve que c'est un scandale absolu, Mesdames et Messieurs ! Je trouve que ce n'est pas éthique et que ça ne devrait pas arriver dans notre république ! Il y a certes des moyens d'obtenir des aides, mais lorsqu'une mère de famille seule avec deux enfants, qui est à l'aide sociale, se retrouve à devoir purger une peine de prison parce qu'elle n'a pas pu payer ses amendes, je vous dis qu'il faut trouver d'autres solutions ! Et si on n'emprisonne pas ces gens-là pour ces motifs-là, on aura plus de place à Champ-Dollon ! On pourra donc libérer de la place inutilement occupée et on évitera une partie de la surpopulation.
Je voudrais encore signaler que si les personnes en détention préventive obtiennent, une fois jugées, le sursis ou des peines de jours-amende et qu'elles n'ont pas la citoyenneté suisse, eh bien, le mieux est de les reconduire à la frontière en les priant, comme par le passé, de ne pas revenir si on ne veut pas qu'elles occupent à nouveau des places dans notre prison de Champ-Dollon. C'est pour ça, pour toutes ces raisons et certainement d'autres encore, que le groupe MCG vous invite à voter l'abrogation du crédit d'étude. Merci.
M. Christian Bavarel (Ve), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts s'est déjà exprimé par le biais du rapporteur de minorité, François Lefort, mais il aimerait rappeler deux ou trois choses. Godard disait que c'est la marge qui tient les pages du livre. Pendant longtemps, Genève a oublié, dans sa politique carcérale... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de faire attention aux victimes, et de garder à l'esprit que lorsqu'il y a des délits, il y a souvent des victimes - nous le reconnaissons volontiers et il y a eu un durcissement de la politique pénale. Nous avons par contre oublié les rôles de la prison.
Les rôles de la prison, quels sont-ils ? Punir, protéger la société, mais aussi réinsérer. Cette partie-là de notre politique carcérale, nous l'avons un peu oubliée et nous avons enfermé beaucoup trop de personnes. Nous avons des personnes avec des jours-amende à 30 F qu'on enferme pour un coût de 300 F - soit dix fois ce qu'elles auraient dû payer. Il se trouve que les parties au concordat romand, Vaudois, Fribourgeois, etc., disent: commencez par avoir une politique pénale raisonnable et puis peut-être qu'après nous serons d'accord de discuter avec vous. Nous vous demandons donc de commencer par établir cette politique pénale raisonnable parce que les coûts d'investissement sont extrêmement importants pour Genève, et ils induisent ensuite des coûts de fonctionnement.
Le coût humain est de plus très élevé avec cette politique carcérale beaucoup plus sévère à Genève. Je vous rappelle que nous avons encore passablement de gens sous détention administrative; la détention administrative, ça veut dire que l'on enferme des gens qui ne sont pas en règle au niveau administratif mais qui n'ont commis aucun délit. J'entends bien qu'on ne sépare pas les enfants des parents, mais nous avons quand même la grande joie d'avoir des places de détention administrative pour des enfants. Une fois que nous aurons libéré ces places-là, nous aurons peut-être plus de places pour l'exécution de peine dans le canton de Genève. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC). Je rappelle que le PL 11254 prévoyait, de mémoire, 19,5 millions pour le projet de Pré-Marquis, projet initial de nouvelle prison qui est devenu celui des Dardelles. Le PL 11838 abroge le PL 11254, avec une économie au passage de 3 millions de francs. Le crédit d'étude de 16,5 millions a été quasi totalement dépensé; ce projet de loi devient par conséquent obsolète.
Il y a surpopulation à Champ-Dollon ! Il ne faut pas se voiler la face ! A fin mai, le taux d'occupation y était de +170% ! Avec 92% d'étrangers, n'en déplaise à certains. Il convient d'étudier toutes les pistes pour construire une nouvelle prison et envisager toutes les possibilités dans notre canton. Champ-Dollon, je le rappelle, est une prison préventive et non une prison d'exécution de peine comme l'ont dit mes préopinants.
Pour le groupe UDC, il est capital que le personnel pénitentiaire soit partie intégrante des négociations et du processus de décision afin d'apporter sa vision, son expertise et son expérience, capitales, et qu'il soit vraiment intégré à tous les niveaux des processus. Eux vivent au quotidien tout ce qui se passe dans la prison: les souffrances, les problèmes de sécurité, les problèmes de santé. Lorsqu'on voit que le taux d'absentéisme à Champ-Dollon a été de l'ordre de plus de 12%, je pense qu'il y a une souffrance réelle parmi le personnel de cet établissement. Merci, Monsieur le magistrat, d'intégrer donc les syndicats et le personnel dans vos futurs travaux.
La commission des travaux devra étudier le crédit d'investissement afin d'optimiser la réflexion - et pas seulement en ce qui concerne Champ-Dollon ou Les Dardelles, mais toute la problématique des prisons, je dirais. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera le PL 11838 et également la M 2220, qui n'a pas lieu d'être. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, tout d'abord, ce crédit d'investissement est en cours de traitement à la commission des travaux. 250 millions de francs, c'est un montant important ! Comme l'a dit mon collègue Christo Ivanov, ces deux objets n'ont plus de sens. Par contre, votre argumentation garde tout son sens, puisque c'est une responsabilité pour le parlement que de répondre au problème général de l'occupation du sol et des conditions de détention.
Parmi les thématiques qui ont alimenté les campagnes électorales, vous avez vu que la sécurité n'était plus une des priorités: la situation s'est quelque peu apaisée, notamment parce que le Conseil d'Etat - pas seulement le magistrat Pierre Maudet - a préparé un programme de législature dans lequel cet établissement pénitentiaire forme un des maillons de la chaîne. Des investissements sont prévus au plan décennal, ce n'est donc pas une surprise. La responsabilité parlementaire est assez simple: depuis plus de dix ans, on a la chance que les choses se passent relativement bien à Champ-Dollon, avec le travail des gardiens, avec le travail de la direction, grâce à une espèce d'alchimie complexe qui fait qu'il n'y a pas de mutinerie, qu'il n'y a pas de meurtres. Tout se passe plus ou moins bien, on a de la chance ! Mais on ne peut pas miser une action politique sur la chance, et là, la responsabilité impose de toute façon de rafraîchir et d'améliorer les conditions de détention. Celles et ceux qui font partie de la commission des visiteurs ont lu moult rapports qui traitaient des conditions de détention ainsi que les nombreuses motions de la gauche qui fustigeait la surpopulation et les cellules de moins de 12 mètres carrés. Cette problématique va revenir de toute façon ! Il faut juste être efficient. Est-ce qu'on rénove Champ-Dollon ? Est-ce que cette prison ferme ? Est-ce qu'elle reste en exploitation ou est-ce qu'on va vers un nouveau projet ? Soyez rassurés, la commission des travaux travaillera en toute objectivité.
On parle beaucoup, en général, des prestations à la population. Même s'il s'agit d'une population étrangère ou marginale, celle-ci mérite aussi un traitement digne, et il faut que le cadre de travail pour le personnel soit en adéquation. Maintenant, c'est aussi se défausser que d'exporter ces fameuses prestations dans les autres cantons, et je suis assez satisfait de voir que, tout d'un coup, le parlement - cette majorité qui semble se dessiner - parle de «benchmarking» et de comparaisons. Faisons la même chose pour les écoles ou d'autres choses ! Je me réjouis de voir cette même analyse et ces comparaisons intercantonales dans d'autres secteurs, en plus du secteur pénitentiaire.
Vous avez refusé le renvoi en commission: c'est fort dommage, mais cela ne change pas grand-chose. Comme l'a dit mon collègue Christo Ivanov, le crédit est déjà épuisé et sachez que le véritable travail se fera à propos du crédit d'investissement de 250 millions de francs; raison pour laquelle le PLR vous invite à refuser et la motion et le projet de loi.
M. Guy Mettan (PDC). Chers collègues, notre groupe vous invite à refuser le projet de loi 11838 et il laissera la liberté de vote sur la motion 2220. Le parti démocrate-chrétien aimerait, comme sans doute la plupart d'entre vous, vivre dans un monde idéal dans lequel il n'y aurait aucune criminalité, pas de voleurs, pas de tueurs: on n'aurait donc pas besoin de prisons ! Ça, c'est le monde idéal. Malheureusement, les choses ne sont pas tout à fait comme cela, et il se trouve que nous vivons dans le monde réel, qui comprend malheureusement une part de criminels qu'il s'agit de poursuivre et, le cas échéant, d'incarcérer. Or, ça fait maintenant plus de quarante ans - presque une cinquantaine d'années - que nous n'avons fait pratiquement aucun investissement dans le domaine carcéral. On a bien construit Curabilis pour les cas extrêmes, mais on a complètement sous-investi pendant des dizaines d'années. On connaît le problème de la surpopulation de Champ-Dollon; on sait que cette prison est un scandale du point de vue humanitaire; on sait qu'on doit même rembourser certains détenus parce que leurs conditions de détention ne correspondent pas aux normes. C'est quand même un comble ! Donc, selon certains qui nous y invitent, on va continuer dans cette voie politique et on va devoir de plus en plus souvent rembourser les prisonniers parce qu'ils ont été détenus dans des conditions inacceptables ! Je vous le demande: dans quel monde vit-on ? Il faut qu'on change cette manière de faire et que nous acceptions de prendre la responsabilité évidente de construire de nouvelles cellules, déjà rien que pour que les conditions de détention soient aux normes internationales. C'est un comble pour Genève, alors qu'on a tout à l'heure accepté une motion sur les organisations internationales, humanitaires, etc. Quelques heures après avoir accepté cette motion, on se plaît à violer ces normes internationales !
Ma deuxième remarque, c'est que la population de Genève a pratiquement doublé depuis quarante ans: on est passé de 300 000 à 500 000 habitants, mais les places d'incarcération, elles, n'ont pratiquement pas augmenté. Il ne s'agit, là aussi, que d'accompagner l'augmentation démographique en fournissant une possibilité d'agrandir notre prison. Bref, voilà pour la question de fond. Quant à la forme, je vous invite à refuser ce projet de loi. Personnellement, je voterai pour le rejet de la motion, mais notre groupe étant divisé, ses membres auront la liberté de vote sur ce point.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Monsieur le président, je ne sais pas si l'on m'entend quand je parle debout, mais je vais essayer. Mon groupe vous invite à accepter tant le projet de loi que la motion. Il s'agit aujourd'hui de montrer de manière ferme quelle planification pénitentiaire nous voulons pour l'avenir. On nous dit qu'il y aura d'autres échéances, je l'entends très bien, mais aujourd'hui, nous avons l'occasion de dire stop à cette planification de folie. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il faut se rendre compte qu'à travers l'Europe, il y a actuellement un trend de diminution de la criminalité; les prisons se vident. Or nous, à Genève, nous sommes sur une pente inverse; à Genève, nous emprisonnons plus que partout ailleurs en Suisse. Les statistiques fédérales montrent que les cantons latins - et Genève est à la pointe - ont en moyenne 109 détenus pour 100 000 habitants alors qu'en Suisse centrale et orientale, on est à 71 détenus pour 100 000 habitants. Il y a donc un tiers de détenus par habitant en plus à Genève par rapport à la Suisse centrale et orientale ! Pourquoi ? Parce que nous avons une tradition d'emprisonnement ! Bien sûr, certains disent que le parlement et le Conseil d'Etat ont les pieds et poings liés par les décisions judiciaires: j'entends bien cet argument, mais ce n'est pas une raison pour apporter notre caution à cet état de fait ! Et refuser la construction d'une nouvelle prison est aussi une manière de dire stop aux magistrats du pouvoir judiciaire et que nous ne tolérons pas cette tradition d'emprisonnement systématique !
Il y a encore quelques éléments très factuels que j'aimerais relever. Premièrement, à Genève, les juges pénaux ont l'habitude de ne pas condamner par contumace, ce qui est pourtant une habitude dans tous les pays d'Europe - en France, on le voit très souvent. Si une personne s'enfuit, part en cavale, eh bien, on la condamne quand même et, le jour où on l'arrête, elle subit la sanction décidée - et si elle veut obtenir un nouveau jugement, elle peut le faire. A Genève, on a l'habitude de garder les gens en détention jusqu'au jour du jugement pour éviter cette procédure, qui existe pourtant. Il n'y a donc pas d'obligation de garder les gens en détention jusqu'au jugement de crainte qu'ils ne s'enfuient. On peut très bien - excusez-moi ! - les laisser s'enfuir, s'ils le veulent, puis les rattraper pour qu'ils exécutent leur peine ensuite.
Deuxièmement, nous avons lu dans la presse récemment, à propos de l'agression sauvage contre cinq femmes à côté du Petit Palace, que la poursuite de ces infractions avait été déléguée à la France. Donc, c'est aussi une possibilité qui existe. On nous dit qu'on est en zone frontalière et qu'il est tout à fait nécessaire de garder les gens sous la main en prison, parce que, sinon, ils s'enfuient en France et ne reviennent pas s'ils sont français. Je vous rappelle toutefois qu'il y a une solution très simple, Mesdames et Messieurs les députés: c'est de demander aux autorités françaises de poursuivre les Français qui restent sur sol français ! C'est quelque chose qui se fait et il n'y a pas de raison de ne plus y avoir recours.
Encore une chose, pour la détention préventive. Il y a un moyen qui n'est que très peu utilisé: c'est le bracelet électronique. Il n'y en a que deux, à ma connaissance: le cas de M. Sperisen dont on a beaucoup entendu parler et un deuxième...
Le président. Une seconde, Monsieur le député. Je demande à ceux qui tiennent à plein temps un conciliabule au milieu de bien vouloir sortir pour continuer leur discussion à l'extérieur ! Merci beaucoup. Monsieur le député, vous avez la parole.
M. Pierre Bayenet. Il est nécessaire d'utiliser beaucoup plus ces moyens de contrainte alternatifs !
Au sujet de l'exécution des sanctions, là aussi, quelque chose doit être fait pour favoriser le travail d'intérêt général et le travail externe comme sanctions choisies par les juges et par le service d'application des peines. Vous savez peut-être qu'actuellement, seuls les citoyens suisses ou les personnes bénéficiaires d'un permis de séjour ou d'établissement se voient accorder la possibilité d'exécuter une peine sous forme de travail d'intérêt général ou de travail externe. Il faut étendre cette possibilité également aux personnes qui n'ont pas de titre de séjour. Ainsi, on diminuera d'un tiers au moins, si ce n'est de moitié, le nombre de personnes détenues dans le canton de Genève ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole pour une minute à Mme la députée Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Monsieur le président, je voulais simplement signaler que si, dans le canton de Genève, il y a parmi les personnes détenues un nombre particulièrement grand d'étrangers, c'est parce qu'il y en a beaucoup chez nous. Si on va à Uri, Schwytz ou Unterwald, cela ne va pas être le cas, voilà. Du coup, la comparaison était oiseuse et inutile !
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de troisième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai bien écouté l'ensemble des interventions, je crois que la situation est assez claire maintenant et il y aurait presque un consensus sur le fait que beaucoup trop de personnes sont emprisonnées pour rien à Genève ! Donc, créer une prison de 450 places pour y mettre, par exemple, comme l'a dit la députée Magnin, des personnes qui sont en exécution de peine à cause de jours-amende, cela frise le ridicule.
Contrairement à ce qu'a dit M. Ivanov, Les Dardelles sont bien conçues pour des exécutions de peine et non pas pour de la préventive. Je pense qu'il faut le préciser - ou j'ai mal compris ce que vous avez dit ?
Je crois qu'il faut retenir l'excellente intervention de mon collègue Bayenet: à Genève, nous mettons trop de personnes en prison pour rien. Il est temps de changer notre politique carcérale et le seul moyen aujourd'hui à notre disposition, Mesdames et Messieurs les députés, c'est d'accepter tant ce projet de loi que la motion.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de troisième minorité. Je passe maintenant la parole, pour la quarantaine de secondes qui lui restent, à M. Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, ce n'est pas beaucoup, vous auriez pu être un peu plus sympa avec moi ! Je voulais juste vous dire une chose. Le projet de loi qui vise à abroger le crédit d'étude aura une conséquence: il n'y aura malheureusement pas de projet de loi de bouclement puisqu'il n'y aura plus de loi pour le crédit d'étude. Il sera intéressant de voir comment le Conseil d'Etat traitera cela.
Malheureusement, toutes les invites de la proposition de motion n'ont strictement aucune utilité du fait qu'il faudra de toute façon se prononcer lors de l'étude du crédit d'investissement actuellement pendant à la commission des travaux. Je vous invite donc bien évidemment à refuser ces deux objets, essentiellement le projet de loi qui abroge le crédit d'étude.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député. On a bien compris votre message. Je passe la parole à M. Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je rejoins les propos du rapporteur qui vient de s'exprimer: il y a quelque chose d'aberrant à avoir fait le travail puis à refuser de verser le résultat de ce travail à l'ensemble du dossier. Parce que si quelque chose ressort bien du débat auquel nous venons d'assister, c'est que nous avons besoin à Genève d'ouvrir plus largement la discussion sur la politique pénitentiaire. Cela passe évidemment par l'idée qu'on ne refuse pas par anticipation une extension du nombre de places. On peut redimensionner le projet des Dardelles - vous savez que c'est un projet modulaire, qui offre la possibilité de restreindre l'emprise, les murs d'enceinte, le nombre de places du dispositif prévu - ou envisager une augmentation du nombre de bracelets électroniques mis à disposition et le travail d'intérêt général - je rejoins là certains des préopinants - mais comme vous le savez, et cela a été dit tout à l'heure, la proportion de personnes étrangères en situation irrégulière incarcérées à Genève - une population par définition inéligible pour les bracelets électroniques - est telle que nous devrons malgré tout compenser la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, avec quelque trois cents détenus de trop en permanence à Champ-Dollon.
J'ai entendu çà et là que le système des jours-amende est critiqué - par ceux-là mêmes qui l'ont voulu ! Ce système unanimement décrié comme étant laxiste nécessite quand même, pour être un minimum crédible, qu'on puisse convertir à la fin ces amendes en jours, pour celles et ceux qui ne paient pas, ce que nous ne pourrions pas réaliser sans Les Dardelles. Bien évidemment, s'agissant du système des jours-amende, c'est la crédibilité de l'Etat qui est engagée ! De la même façon, les peines alternatives ne sont possibles que si elles représentent précisément une alternative à un dispositif capable d'accueillir des gens dans un système carcéral qui, par définition, prévoit de l'exécution de peine stricte.
Troisième élément: ce n'est pas le moindre des paradoxes, mais je me plais à le souligner ici, un parlement comme un gouvernement peuvent disserter à loisir sur la politique du pouvoir judiciaire, mais l'indépendance de la justice est un principe sacré ! Et ce principe-là nécessite que nous offrions à notre parquet, à nos cours, comme dans les autres cantons du reste, une capacité de concrétiser ce pour quoi la constitution et les lois leur attribuent des missions bien particulières. J'aimerais souligner ici l'acuité de cet enjeu pour l'ensemble des cantons romands. On a parlé du canton de Vaud: dans ce canton, Mesdames et Messieurs, ce sont près de quatre cents places qui vont être construites ces cinq prochaines années, pour le coup essentiellement dans le domaine de la détention préventive, puisque c'est là qu'il y a un manque particulier. A Genève, le manque concerne l'exécution de peine - et je passe sur les injonctions faites par Berne de réaliser des places de détention administrative ! Monsieur Bavarel, vous savez que ce n'est pas pour des gens qui ont des problèmes administratifs, c'est pour des gens que nous devons malheureusement priver de leur liberté en vue de leur renvoi. Plusieurs votations populaires l'ont confirmé au niveau fédéral. C'est ainsi qu'il faut également, du côté de Fribourg, du Valais, de Neuchâtel et du Jura, réaliser un certain nombre de places. L'ensemble des cantons romands doit donc faire face aussi à ce phénomène de croissance et concrétiser ces espaces pénitentiaires. Encore une fois, nous pouvons discuter du nombre, nous pouvons discuter de la qualité, mais le coût des cellules ici est parfaitement comparable à celui d'autres réalisations récentes, et nous devons simplement ne pas esquiver le débat. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous demande de refuser ce projet de loi et cette proposition de motion ou, à tout le moins, si vous le souhaitez encore, de les renvoyer en commission.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous passons au vote sur ces deux objets, en commençant par l'entrée en matière sur le projet de loi 11838.
Mis aux voix, le projet de loi 11838 est adopté en premier débat par 52 oui contre 40 non.
Deuxième débat
Le projet de loi 11838 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Remarque.) C'est le cas. Je passe auparavant la parole à M. le député Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR demande le renvoi à la commission des travaux.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous votons sur votre demande.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11838 et sur la proposition de motion 2220 à la commission des travaux est rejeté par 51 non contre 41 oui.
Troisième débat
Le président. Nous sommes donc au troisième débat. Je vous fais voter sur l'entier de ce projet de loi, après quoi nous passerons à la motion.
Mise aux voix, la loi 11838 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 39 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Mise aux voix, la motion 2220 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 58 oui contre 34 non.
Premier débat
Le président. Nous abordons à présent le PL 11962-A en catégorie II, quarante minutes. Je vous signale que le rapporteur de minorité, M. François Baertschi, est remplacé par M. Patrick Dimier. Je passe tout de suite la parole à M. Pierre Conne, rapporteur de majorité.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ce projet de loi propose de modifier la loi sur l'organisation judiciaire en ajoutant deux nouveaux alinéas, l'un à l'article 2 et l'autre à l'article 21. En voici la teneur:
«Art. 2, al. 3 (nouveau)
3 Les candidats à la magistrature et les magistrats élus ne font aucune référence à un parti politique.
Art. 21, al. 3 (nouveau)
3 En tout temps, les magistrats du pouvoir judiciaire donnent l'exemple de l'honneur, de l'impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens.»
La commission judiciaire a traité cet objet lors de deux séances et a conclu... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Monsieur le rapporteur ! Les députés qui tiennent un conciliabule dans cette salle sont priés de le faire à l'extérieur, car il est un peu difficile d'entendre ce qui se passe. Je vous remercie. C'est à vous, Monsieur le député.
M. Pierre Conne. Merci, Monsieur le président. Je poursuis mon introduction en signalant que la commission judiciaire, après deux séances de travail, a refusé à une large majorité d'entrer en matière sur ce projet de loi.
Je vais présenter de façon synthétique les différents arguments. S'agissant de l'article 2, alinéa 3, qui énonce donc que les candidats à la magistrature et les magistrats élus ne font aucune référence à un parti politique, la majorité de la commission n'a pas compris le sens de cette proposition, qui visait probablement à critiquer le mode actuel de sélection et de présentation des candidats à l'élection populaire des magistrats, sans rien suggérer d'autre. L'essentiel de l'argumentation pour refuser ce premier alinéa a donc été de rappeler que la constitution genevoise prévoit que l'élection des juges se fait par le peuple et que c'est seulement en cas de vacance - notamment suite à un départ à la retraite ou à une démission - dans l'intervalle entre deux élections judiciaires générales, que le Grand Conseil les élit. C'est la raison pour laquelle il existe la commission interpartis, ouverte à tous les partis, qui permet effectivement de recevoir les candidatures.
Il faut rappeler que n'importe quel citoyen peut présenter sa candidature à un poste de magistrat, mais comme le prévoient les procédures d'élection dans notre canton, chaque candidat à une élection de magistrat ou à une autre élection majoritaire doit être appuyé par une liste de soutien. En l'occurrence, il peut s'agir d'une liste ad hoc pour les amis du candidat untel ou d'un parti politique. Je précise également que suite à la nouvelle constitution, le Conseil supérieur de la magistrature émet en plus un préavis sur chaque candidat, en indiquant notamment si les conditions formelles sont respectées. Il est donc apparu à la commission judiciaire que, dans la mesure où les magistrats de notre canton sont élus par le peuple ou, lors des élections intermédiaires, par le Grand Conseil, il ne fallait pas changer la pratique en cours, d'autant que les initiants de ce projet de loi ne formulent aucune autre proposition.
Concernant la deuxième partie du projet de loi, soit l'article 21, alinéa 3, qui stipule qu'en tout temps, les magistrats du pouvoir judiciaire donnent l'exemple de l'honneur, de l'impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...il s'agissait en réalité d'un petit coup de griffe des auteurs, qui voulaient simplement faire un copier-coller de la LPol et l'introduire dans la LOJ. Nous rappelons donc que les policiers sont des fonctionnaires assermentés du canton et qu'on ne peut dès lors pas les mettre sur le même plan que les magistrats, qui sont quant à eux élus par le peuple et doivent précisément rendre compte au peuple dans ce cadre-là s'ils souhaitent être réélus.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous avons refusé l'entrée en matière et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même. Je vous remercie de votre attention.
M. Patrick Dimier (MCG), rapporteur de minorité ad interim. Le principe cardinal qui fonde une démocratie est la séparation des pouvoirs. On attribue volontiers la primauté de cette pensée à Montesquieu, en oubliant trop souvent l'apport de celle de Sieyès qui, faut-il le rappeler, a siégé dans la députation du tiers état lors des Etats généraux de 1788. C'est bien au coeur de la tourmente qu'a connue notre voisine qu'il a posé le principe sans lequel celui de la séparation des pouvoirs n'a guère de sens, c'est-à-dire celui de leur indépendance. En effet, il ne sert à rien de s'arrêter à la séparation des pouvoirs si ces derniers sont liés par des relations adultérines dans les alcôves. Quelle est la situation genevoise à propos de l'indépendance du pouvoir judiciaire ? Elle pose problème puisque, pour être élus, les candidats à la magistrature judiciaire doivent être affiliés à un parti politique - ces mêmes partis qui occupent les deux autres pouvoirs.
Lors des travaux de la Constituante, l'ancien ministre de la justice Robert Badinter a été questionné sur le processus genevois. Sa réponse fut claire et limpide: «Vous avez un sévère problème.» Et de souligner la question de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Certes, la France n'est pas un modèle d'indépendance du pouvoir judiciaire, au même titre qu'elle n'est pas un exemple de démocratie, se calquant plus sur un système de monarchie républicaine. Il n'en demeure pas moins que le système genevois est bâtard et viole le principe de l'indépendance des juges. L'exercice au quotidien traduit fort malheureusement les travers de ce mode d'élection, et il est temps d'y mettre fin. Bien sûr, il y a une élection, vous diront les naïfs, nous venons de l'entendre, mais ils ne voient pas le trompe-l'oeil. Il faut en effet savoir que les dés sont pipés bien à l'avance, puisque les partis se mettent d'accord avant cette élection.
Il existe de nombreux moyens de nommer des juges sans avoir à passer par la case copinage. L'un d'eux, certes le plus exigeant, est celui du système anglais, dans lequel ce sont les magistrats eux-mêmes qui, observant l'excellence des plaideurs, invitent les meilleurs à les rejoindre. Dans ce système, vous l'aurez compris, le passage à la magistrature est le couronnement d'une carrière au service de la justice, ce qui à notre avis est manifestement mieux que de se servir de la justice pour y faire carrière. D'autres systèmes imposent des publications scientifiques pour pouvoir prétendre à une entrée dans le monde judiciaire, ce qui constitue un préalable qualitatif bienvenu.
Il n'est pas étonnant que le MCG soit le seul à dénoncer cette pratique, puisque l'ensemble des partis qui forment ce parlement se satisfont parfaitement des relations adultérines qui les enserrent. Au nom de l'indépendance des pouvoirs chère aux Genevois, le MCG vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir ce projet de loi, qui ne demande rien de plus que de poser noir sur blanc le principe de l'indépendance des juges dans notre république, ce qui en fait l'un des axes principaux. Merci.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis absolument navré de le souligner, mais nous voilà entrés dans le monde paradoxal du MCG. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention de notre collègue Dimier mais, très sincèrement, il porte le débat à des hauteurs où il ne se trouvait pas.
Le MCG a produit ce projet de loi pour la seule raison - et je parle des débats en commission - que ce parti n'a que peu de magistrats élus dans le pouvoir judiciaire: cinq en tout et pour tout. Il est en effet assez piquant de constater dans le compte rendu de l'activité du pouvoir judiciaire en 2017 qu'Ensemble à Gauche, pourtant inférieur en nombre de députés, en a davantage et que l'UDC, qui partage moult idées dudit MCG, en possède plus du double.
La solution idéale pour le MCG résiderait dans l'effacement de l'identité politique des magistrats. Cette idée est absolument ridicule car ce n'est pas cela qui va changer l'équilibre des choses, qui attribue 122 sièges au PLR, 65 au PDC, 52 aux Verts et 49 aux socialistes. Ce n'est donc pas en cachant l'identité politique des candidats que l'on va résoudre le problème, mais tout simplement... Au fait, oui, comment ? Eh bien tout simplement en présentant des candidats qui en valent la peine, comme pour nous - pardon ! - Katerina Figurek ou Dorian Zaugg, élus respectivement aux postes de procureur et de juge à la Chambre pénale d'appel et de révision. Voilà !
Pour conclure, nous considérons que l'appartenance politique affichée évite les dérives idéologiques, parce qu'elle garantit précisément plus ou moins bien une bonne répartition politique des magistrats. Et, non, la commission interpartis ou le Conseil supérieur de la magistrature n'ont aucune raison - et ils ne le font pas - de faire l'impasse sur des candidats du MCG. Nous vous invitons donc à refuser tout net ce projet de loi ridicule et à suivre le rapport de majorité.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Le PLR fera siens les propos du rapporteur de majorité. La problématique qui nous occupe ici est en réalité constitutionnelle: il se trouve que nous nous sommes donné une constitution qui prévoit en son article 122 que l'élection des magistrats se fait par le peuple. Par voie de conséquence, c'est aux partis de les présenter. Ce serait donc uniquement par une modification de cette constitution que l'on pourrait changer le système, qui marche en Suisse, et tout à fait correctement. Il s'agit d'un système très suisse, si je puis dire, et d'une justice populaire qui a des bases démocratiques profondes. Tout le contraire de ce que l'on peut trouver dans d'autres démocraties, par exemple celle qui nous est voisine, la France, où les nominations peuvent parfois se faire par le pouvoir exécutif, avec le risque d'une perte d'influence et d'être soumis au pouvoir exécutif - et donc aux partis majoritaires. Notre système garantit une représentation diverse de la population, renforce la confiance que nous avons dans la justice et évite les dérives constatées dans d'autres démocraties. Vous connaissez le travail accompli par la commission interpartis, qui choisit ses candidats en fonction d'une règle essentielle de compétence, d'expérience, en tenant compte également d'une bonne répartition politique de ces derniers. Pour toutes ces raisons, le PLR refusera ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts refuseront l'entrée en matière de ce projet de loi, tout simplement parce que la commission est ouverte à tous les partis, comme cela a été dit par mon préopinant, selon l'article 122 de la constitution genevoise qui prévoit l'élection des magistrats. Pour nous les Verts, il est primordial que l'élection des juges reste le fruit du choix soit du peuple, soit du Grand Conseil. La question des critères basés sur l'idéologie politique est démocratique, dans la mesure où la commission interpartis est ouverte à tous les partis, y compris le MCG. Quant à l'argument de la transparence, nous les Verts jugeons le processus transparent et équilibré, puisqu'il est justement basé sur un critère précis, tel que l'idéologie politique. Un candidat qui enverrait sa candidature au Conseil supérieur de la magistrature avec la mise en place d'une nouvelle commission de sélection serait a contrario plus opaque, car nous nous posons la question des critères de choix qui ne sont pas définis. Par conséquent, les Verts refuseront ce projet de loi. Merci.
M. Cyril Mizrahi (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, M. le rapporteur de minorité nous dit que la séparation des pouvoirs ne serait plus garantie. C'est vraiment un gag ! Est-ce qu'il viendrait à l'esprit de quiconque ici de remettre en question la séparation des pouvoirs avec le Conseil d'Etat ou la Cour des comptes, dont les éminents membres sont désignés sur des listes de partis politiques ? Bien sûr que non ! Alors pourquoi devrait-il en aller autrement du pouvoir judiciaire ? Le rapporteur de minorité, mon estimable collègue Dimier, convoque même Robert Badinter et son audition, à laquelle j'étais également présent - les procès-verbaux de la Constituante ont d'ailleurs été rendus publics, pour ceux qui veulent aller regarder le détail - mais c'est en quelque sorte une mascarade ! M. Badinter arrive et, sans préparation aucune, alors qu'il ne connaît strictement rien de notre système politique et du mode de désignation des juges, on lui pose cette question; pris au dépourvu, évidemment, il répond alors que ce système l'étonne. Mais en réalité ce système fonctionne dans les faits, et la séparation des pouvoirs comme l'indépendance du pouvoir judiciaire sont absolument garanties.
M. Dimier - vous transmettrez, Monsieur le président - nous fait part d'autres systèmes. C'est bel et bon, mais comme l'a dit mon collègue Alexandre de Senarclens, si l'on veut changer le système, il faut proposer une alternative sous forme constitutionnelle. Or M. Dimier ne propose rien et ce qu'il suggère, soit effacer les étiquettes partisanes, n'empêchera pas la réalité, qui est celle que les juges, magistrates et magistrats de ce canton ont des opinions politiques et que le système que nous connaissons permet justement de garantir cet équilibre, mieux qu'en les gommant. C'est un système qui est transparent.
Votre proposition ne permettra par ailleurs pas d'effacer une deuxième réalité incontournable, à savoir que s'il y a peu de magistrates, magistrats et juges MCG dans ce canton, c'est parce que vous avez peu de magistrates, magistrats et juges compétents à proposer. Le parti MCG en a peu à proposer ! Or la commission interpartis se base davantage - et c'est aujourd'hui reconnu - sur les compétences que sur une répartition strictement arithmétique, qui aurait pour effet que s'il y a un mauvais candidat du bon parti et un bon candidat d'un parti qui ne devrait pas en avoir, on va choisir le mauvais candidat. Non, ce n'est bien évidemment pas comme ça que ça se passe ! Du reste, je note encore un deuxième étonnement, soit que c'est relativement incohérent par rapport à la position du MCG concernant les conseils d'administration des régies publiques, pour lesquels ce même parti - à juste titre, d'ailleurs - a revendiqué un équilibre de la représentation politique et des différentes sensibilités. Il doit donc en aller de même pour le pouvoir judiciaire, et cela ne remet nullement en cause l'indépendance de ce pouvoir. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Lorsque ce projet de loi a été travaillé en commission, les auteurs n'ont eu de cesse d'essayer de faire croire en boucle qu'il n'y avait pas d'indépendance ni de transparence. Or il a été très bien démontré par mes collègues précédemment qu'il y avait une indépendance et une transparence, et que les magistrats élus ne l'étaient pas par des petits arrangements entre amis politiques, mais parce qu'on donnait la priorité à la compétence. Au demeurant, l'un des initiants - le plus virulent - a finalement été incapable de démontrer qu'il y avait eu beaucoup de candidatures MCG, au moins cinq ou six... Quand il a fallu en apporter la preuve, il n'a pas pu, puis il a dit qu'ils avaient évidemment été découragés d'avance. Alors vous pensez bien, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, que ce n'est pas sur quelque chose d'aussi flou et inconsistant que le parti démocrate-chrétien peut voter ce projet de loi, qui manque d'envergure. Je vous remercie donc de le refuser.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce que j'entends ici aujourd'hui est bien la démonstration que ce système est clanique ! Ce que j'ai entendu en est la preuve, Monsieur le président, et vous transmettrez à MM. Zaugg et Mizrahi, notamment, mais pas seulement. S'agissant du mode de désignation, eh bien les partis proposent un certain nombre de candidats à cette commission interpartis, qui fait son petit frichti dans son coin et accouche ensuite d'une liste, avec pour effet qu'on peut se demander depuis combien de temps on n'a pas élu de juges à Genève. Quand est-ce que le peuple a été consulté pour la dernière fois ? Je n'ai pas la date, parce que je n'ai pas eu le temps de chercher, mais ceux qui la connaissent pourront le dire ! Ça fait des lustres qu'on n'a pas élu de juges à Genève, c'est donc bel et bien le frichti de la commission interpartis qui les désigne et non le peuple, or pour notre part nous souhaitons que ce soit le peuple ! C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas que ces gens prennent une carte de parti; en effet, un certain nombre adhèrent à un parti juste pour pouvoir être juges, et ça, ça ne marche pas, ça ne joue pas... On en a encore la preuve avec l'élection de la Cour des comptes qui n'aura pas lieu cet automne, tout simplement parce qu'encore une fois un arrangement entre différents partis de gauche et de droite a bouclé l'affaire. Il y a trois candidats pour trois postes, donc c'est terminé, l'élection n'a pas lieu, le peuple n'est pas consulté. Mais c'est un déni de démocratie ! C'est ça qui ne joue pas !
Evidemment, certains partis ont 122 juges, 65, 52, 49... Le MCG en a zéro, et ne venez pas dire que nous n'avons pas présenté de candidats valables ! Des avocats, des gens compétents ont été présentés, mais comme par hasard ils ont été refusés par la commission interpartis. Vous avez tout faux en fonctionnant comme ça, et maintenant il faut justement que la justice soit indépendante. On vient d'apprendre que le procureur général avait décidé de mettre... d'inculper - enfin, ce n'est pas le terme qu'on utilise à Genève - son collègue de parti Pierre Maudet dans une affaire. Eh bien il a fallu deux ans avant que ça sorte ! Heureusement que là, peut-être, l'indépendance a fonctionné ! Peut-être ! Nous voulons donc justement que tout cela soit détaché des partis; la justice n'a rien à voir avec les partis politiques: il doit s'agir de gens compétents qui rendent une justice équilibrée au riche comme au pauvre, au Suisse comme à l'étranger, ainsi qu'ils le déclarent lorsqu'ils prêtent serment. Il faut maintenant s'affranchir de tout cela, personne n'a le monopole, et je crois qu'il n'est pas logique que ces élections soient bloquées, avec pour conséquence qu'il n'y a finalement pas d'indépendance véritable et que nous ne pouvons pas obtenir de postes. En effet, il n'est pas normal qu'un parti qui possédait vingt sièges au Grand Conseil - aujourd'hui onze, d'accord - n'ait aucun juge au Palais de justice. Ce n'est pas normal, et c'est bien la preuve que ça ne fonctionne pas ! Je vous invite donc à voter ce projet de loi. Merci.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ayons le courage d'analyser ce projet de loi. Nous avons choisi de vivre dans une démocratie et nous avons une constitution, mon préopinant l'a rappelé, qui fixe des modalités en son article 122. Cette démocratie, comme tout système, a ses avantages et ses défauts. D'une manière générale, s'agissant de notre système démocratique d'élection des magistrats, ces derniers sont présentés certes par une commission judiciaire, mais en particulier par des partis qui, par rapport à leur périmètre de votants ou autres, représentent chacun une sensibilité. C'est ce qu'on appelle la démocratie. Autrement nous allons tomber dans quoi ? Dans la technocratie des juges ? Dans la dictature de certains ? Non ! Je pense que notre système est loin d'être parfait, je regrette également qu'il n'y ait pas de juge MCG et que ce parti ne soit pas représenté - nous avons eu le détail des chiffres - mais en définitive, même s'il y a eu quelques ratés - ce qui est déplorable, car encore une fois l'UDC n'est pas d'accord de dire qu'il ne doit y avoir aucun juge MCG - de là à changer la loi, qui reflète quand même toute une tradition de démocratie dans notre pays... L'Union démocratique du centre ne peut aller dans ce sens, et c'est pour ces raisons que nous refuserons ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Danièle Magnin (MCG). Moi je voudrais que dans notre république on fasse passer les compétences avant le serrage de mains. Il y a des commissions judiciaires dans chaque parti, comme il y a des commissions électorales, c'est ces commissions-là qui décident qui elles vont choisir ou ne pas choisir, et je peux vous dire que lorsque j'étais membre du parti libéral, j'ai déposé, ainsi que plusieurs autres personnes, des dossiers de candidature qui ont été tout simplement écartés au profit de personnes moins expérimentées mais bardées de diplômes américains. Ce n'était pas très sympathique et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai finalement quitté ce parti. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
J'aimerais aussi vous dire que j'ai accueilli chez moi à une certaine occasion l'ombudsman de Bosnie et qu'il a été scandalisé par notre façon de faire. J'ai vu l'un de mes collègues, qui avait obtenu sa licence en droit en même temps que moi - je vois le temps s'écouler - aller serrer de nombreuses mains pour être élu, mais il n'a jamais pu devenir magistrat parce qu'on n'a pas voulu l'accepter, malgré ses compétences.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Cyril Mizrahi pour quelques secondes.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Mesdames et Messieurs du MCG, si vous estimez que votre parti est victime d'une injustice et que vous voulez une élection populaire, eh bien c'est très simple: dans ce système de l'élection populaire - que je ne peux pas imaginer que vous remettiez en cause - vous pouvez déposer une liste, et il y aura une élection populaire. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Dimier, vous n'avez plus de temps de parole, et votre groupe non plus. Nous passons donc au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 11962 est rejeté en premier débat par 53 non contre 9 oui.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de faire une pause et de nous retrouver à 17h. Le Bureau est prié de se réunir immédiatement dans la salle prévue à cet effet.
La séance est levée à 16h30.