République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 janvier 2009 à 17h
56e législature - 4e année - 4e session - 17e séance
RD 768
Le président. Nous avons reçu de notre collègue, M. Christian Brunier, sa lettre de démission de son mandat de député, avec effet à l'issue de cette séance. Je prie Mme la secrétaire de bien vouloir lire le courrier 2751. (Mme la secrétaire commence la lecture de la lettre de démission de Mme Ariane Blum Brunier, puis s'interrompt en se rendant compte de l'erreur. Rires. La secrétaire procède ensuite à la lecture de la bonne lettre.) (Applaudissements à l'issue de la lecture.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, cher Christian, je dois dire que c'est avec beaucoup d'émotion que le groupe socialiste va prendre aujourd'hui congé de Christian Brunier parce que, dans notre parti, Christian est vraiment une personnalité. Je crois qu'il avait moins de vingt ans lorsqu'il est entré au parti socialiste, et il a toujours milité pour les valeurs qui sont les nôtres.
Si je n'ai pas eu l'occasion de travailler avec lui en commission parlementaire - je ne le connais donc pas sous cet angle - j'aimerais quand même relever un point qui m'a beaucoup frappée: chaque fois qu'il prend la parole en plénière, tout le monde cesse de parler et l'écoute, et je dois dire que c'est assez frappant, parce que peu de députés dans ce parlement sont écoutés ainsi. Même ses adversaires politiques l'écoutent et, pour moi, c'est extrêmement important.
J'ai mentionné tout à l'heure les valeurs socialistes. Christian s'est toujours engagé en faveur des plus faibles et des plus démunis et, lorsque j'ai eu l'occasion de travailler avec lui - ainsi qu'avec Ariane, d'ailleurs - sur le projet de loi concernant l'intégration des élèves handicapés, j'ai vu combien ces valeurs lui tenaient à coeur.
Aujourd'hui encore, il a déposé une interpellation urgente à propos du spectacle de Dieudonné. On peut discuter de la solution à trouver, se demander s'il faut interdire ce spectacle, mais le fait est qu'il pose des questions essentielles, comme celles de déterminer jusqu'où peut aller la liberté individuelle ou jusqu'à quel point on peut diffamer et laisser faire certaines choses. On reconnaît bien là l'engagement de Christian, et il faut le relever.
Cher Christian, au nom du groupe socialiste, en toute amitié je te souhaite bon vent ou, plus exactement, je vous souhaite bon vent à tous les deux, puisque vous avez décidé jusqu'au bout de rester ensemble, même en quittant le Grand Conseil. (Applaudissements.)
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Christian ne laisse personne indifférent: soit on l'aime, soit on ne l'aime pas. En effet, il a le verbe incisif, la capacité de tout de suite relever les points délicats d'un dossier et, surtout, il ne s'embarrasse pas de fausse pudeur pour dire ce qu'il pense, ce qui est certainement une qualité en politique, car on ne peut pas l'accuser de prononcer des phrases ronflantes ou redondantes. Et si cela en agace certains, cela en rassure aussi beaucoup d'autres, car ils savent que s'il doit défendre un dossier, il le fera avec brio.
Christian a deux grandes qualités: il a le sens de l'humour - même si certains humoristes ne trouvent pas toujours grâce à ses yeux - et surtout beaucoup de tendresse à revendre, puisqu'il a su charmer ma chère collègue, qui nous quitte également aujourd'hui. Le départ de Christian et Ariane laissera un grand vide dans cette enceinte, tant pour la vigueur des débats que pour la qualité de leurs relations amicales. Je leur souhaite bonne chance et beaucoup de bonheur pour la suite de leur parcours. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je salue à la tribune la présence de M. le conseiller national Rielle. (Applaudissements.)
M. Alain Charbonnier (S). Notre chef de groupe a parlé tout à l'heure de ces deux inséparables, alors je vais enchaîner sur ce thème ! En effet, Ariane et Christian me font penser aux inséparables, pas seulement parce qu'ils ont eu la stupide idée de quitter ensemble ce parlement, mais surtout pour la vie qu'ils ont choisie depuis que l'amour leur est tombé dessus. D'ailleurs, l'ont-ils vraiment choisi, l'amour ? Car l'amour a ses raisons que la raison ignore ! A ce sujet, il me semble que la chute dramatique de Christian en trottinette lors d'une sortie organisée par notre regretté Bernard Annen, où Ariane avait joué les Mère Teresa pour sauver Christian d'une mort certaine, a dû être la prémisse inconsciente - et lui l'était presque ! - du coup de foudre qui les a atteints quelque temps après.
Mais revenons à nos inséparables - pas ceux à plumes ! - inséparables partout ou presque, jusqu'à chambouler l'organisation de deux partis afin de pouvoir siéger dans les trois mêmes commissions. Il fallait quand même le faire !
Je me suis renseigné sur les inséparables - les oiseaux, cette fois ! - et j'ai été troublé, choqué, estomaqué ! N'échappera-t-on donc jamais à la politique ?! J'espère que cela en rassurera certains, qui ont ressenti de la pression étant donné l'influence de l'un sur l'autre, comme notre secrétaire tout à l'heure ! La plupart des inséparables sont des volatiles à face rose-rouge et au corps vert. J'en ai un exemple ici. (M. Charbonnier montre une grande photo en couleur de deux inséparables.) Voilà ce que cela donne, après quelques années de fusion; on risque de retrouver Ariane et Christian sous cette forme ! Je n'ai pas tenté de connaître la couleur d'un volatile issu d'une union libérale-radicale, «MCGiste-UDCiste» ou encore chrétienne sociale-PDC centre droite-droite, mais attention à ces alliances contre nature: les inséparables, je vous le rappelle, sont des animaux à face rose-rouge et au corps vert !
Malgré le fait qu'ils nous quittent tous les deux ce soir, je vous jure de rester en contact permanent avec eux, de façon à vous avertir le jour où la fusion rose-rouge et verte aura probablement lieu et à vous informer, Mesdames et Messieurs les députés, Messieurs les conseillers d'Etat, de l'accomplissement total de leur amour pour la politique. Alors, comme l'a dit notre chef de groupe, bon vent aux inséparables ! (Applaudissements.)
Le président. M. Christian Brunier a siégé au Grand Conseil pendant plus de onze ans. Elu en 1997 sur la liste du parti socialiste, il a été réélu en 2001 et 2005. Il a participé aux travaux des commissions suivantes: affaires communales - commission dont il a assumé la vice-présidence en 2005 - grâce, économie, enseignement, finances, santé et transports. Entre 2001 et 2003, il a été chef du groupe socialiste.
Une rapide recherche nous a permis de relever qu'il est intervenu plus de six cents fois dans notre enceinte. Ses interventions ont porté sur des thèmes aussi variés que la biodiversité, la lutte contre l'excision, l'ouverture des terrasses, la solidarité internationale ou encore l'éducation spécialisée. Il a également eu la satisfaction de recevoir il y a quelques mois une réponse à sa motion de soutien à la caravane intercontinentale des paysans indiens, huit ans après son adoption, ce qui lui permet aujourd'hui de nous quitter en toute quiétude !
Nous lui souhaitons tous nos voeux pour la suite de ses activités, tant professionnelles que familiales, puisque son départ coïncide avec celui de son épouse députée, et nous lui remettons le traditionnel stylo souvenir. (Applaudissements. Le président descend de l'estrade, donne l'accolade à M. Christian Brunier et lui remet le stylo souvenir.)
Le président. La parole est à M. l'ancien député Christian Brunier.
M. Christian Brunier (S). Non, je suis encore député jusqu'à 19h !
Je voulais juste battre mon record et arriver au nombre de six cent une interventions... Non, en réalité je souhaitais tout simplement vous remercier et faire un minidiscours au sujet des amalgames. Très souvent, on a l'impression, suite à ce qu'on lit dans les médias ou à ce qu'on entend dans la rue, que tous les jeunes sont très mauvais en français ou qu'ils sont parfois délinquants, alors que la réalité est tout autre ! La plupart des jeunes font des choses remarquables et le niveau scolaire est en progression, même si cela en dérange certains. Mais on a tendance à faire des amalgames, au détriment de ces jeunes. De même, lorsqu'on parle des étrangers dans les médias, au bistrot ou dans la rue, on les montre souvent un peu du doigt à tort, et on oublie que notre société tourne en grande partie grâce à des étrangers qui s'investissent dans notre économie ou dans la vie sociale et sportive. Mais, à nouveau, ces étrangers souffrent des amalgames.
Eh bien nous, politiques, souffrons de la même maladie ! En effet, de plus en plus souvent on lit dans les médias ou l'on entend dans la rue que les politiques seraient tous des profiteurs, qu'il y a une politique de «copain-copain» ou que de nombreuses personnes sont malhonnêtes. Certes, comme partout, il y a des gens plus ou moins bons, mais j'aimerais quand même dire que, après vingt-cinq ans de politique, je peux affirmer qu'à l'intérieur de cette salle j'ai rarement vu des gens qui donnent autant pour faire progresser Genève. Ils accordent de l'énergie et du temps; la plupart consacrent d'ailleurs une grande partie de leurs loisirs à la vie politique, à l'avenir des Genevois et de Genève, et je crois que c'est remarquable. Il existe peu d'endroits au mètre carré où autant de gens s'investissent pour le bien commun, au-delà de leurs différences d'idéologie ou de projets pour Genève. Je crois qu'il y a un réel engagement et il faudrait - et là je fais appel aux journalistes ! - que vous parliez plus souvent de la vie des députés, de l'investissement que ce mandat demande et de ce que donnent les gens pour l'avenir de ce canton. J'aimerais donc vous dire à toutes et tous: merci de ce que vous faites ! (Applaudissements.)