République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8629-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Rémy Pagani, Christian Grobet, Jean Spielmann, Pierre Vanek, Salika Wenger, Cécile Guendouz, Jeannine De Haller modifiant la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux (B 5 05) (Indemnités de départ)
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de minorité de M. Alberto Velasco (S)

Premier débat

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Dans la suite de nos travaux «préhistoriques», le projet de loi 8629 a été examiné par la commission des finances. Il a été refusé par onze voix contre trois - trois voix socialistes; le rapporteur de minorité s'exprimera à ce sujet.

La raison essentielle pour laquelle nous nous sommes opposés à ce projet de loi est que, à part les considérations purement conjoncturelles qui avaient présidé à son dépôt, il nous est paru, du point de vue d'une saine gestion de l'Etat, peu approprié d'ajouter un troisième interlocuteur - j'allais presque dire «un troisième larron» - dans les relations qui doivent avoir lieu entre l'Etat employeur et un employé avec lequel il y aurait des difficultés, une fin de contrat. Le Grand Conseil sortirait de son rôle et de la séparation des pouvoirs qui doit présider à notre organisation.

Voilà pourquoi, Madame la présidente, je crois qu'il est, à ce stade, bon de refuser ce projet de loi. Si c'est vraiment nécessaire, je pourrai avancer d'autres arguments.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Il est tout de même étonnant de vous entendre, Monsieur le rapporteur de majorité ! Quand il s'est agi du fameux fonctionnaire du DIP, que vous citez dans votre rapport, par des initiales...

M. Pierre Weiss. Vous voulez parler de M. Ramadan !

M. Alberto Velasco. Vous mettez ses initiales, moi je ne vais pas plus loin ! Là, vous étiez scandalisé - la commission des finances aussi - des sommes qui lui avaient été versées au titre d'indemnité de départ. Et aujourd'hui, alors que vous avez l'occasion, justement, de remédier à cette situation, vous ne le faites pas ! Je trouve votre attitude incohérente ! Lorsqu'un fonctionnaire doit quitter la fonction publique, qu'il a été au Tribunal administratif et que l'Etat doit lui verser une indemnité importante, vous dites que c'est incroyable, que le Conseil d'Etat aurait dû négocier différemment, etc.

Or ce projet de loi de l'époque - pas si éloignée que cela, Monsieur Weiss - a été déposé à une période intéressante, pendant laquelle il y a eu des problèmes dans l'administration. En effet, des fonctionnaires d'un certain niveau ont dû être relevés de leur fonction et ont reçu des sommes assez importantes. Et ce projet de loi propose, quand les indemnités dépassent trois mois de salaire, que le Conseil d'Etat en informe la commission des finances: ni plus ni moins ! Ce n'est pas au Grand Conseil de prendre la décision, c'est au Conseil d'Etat d'informer la commission des finances et de lui expliquer qu'il faut régler le cas d'un fonctionnaire, qu'il faut s'en séparer pour telle ou telle raison et qu'il faut, selon les accords établis, lui verser une somme assez importante. Ensuite, le Conseil d'Etat devra voir avec la commission si elle est d'accord. Pour ma part, je trouve cela très simple. Et puis, cela permettrait aussi d'éliminer certains cas qui nous semblent délicats. Je pense, par exemple, à certains placards dorés... Je trouve ce projet de loi très intéressant et qu'on pourrait très bien l'adopter. D'ailleurs, le Conseil d'Etat peut continuer à verser une indemnité de trois mois de salaire, sans que la commission des finances n'intervienne; elle ne le ferait que si l'indemnité devait être supérieure à trois mois de salaire. Et il n'est pas dit, Monsieur le rapporteur de majorité, que la commission des finances ne suive pas le Conseil d'Etat ! Il est tout à fait possible qu'elle le suive, mais, au moins, elle serait informée que l'indemnité se monte à 500 000 F, à 1 million ou 2 millions.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste a, en commission des finances, voté l'entrée en matière de ce projet de loi. Par conséquent, je vous remercie de faire de même.

Présidence de M. Eric Leyvraz, premier vice-président

M. Christian Bavarel (Ve). Ce que propose ce projet de loi est assez simple: «Aucune indemnité de départ d'un membre du personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux d'un montant supérieur à trois mois de salaire ne peut être accordée sans l'approbation de la commission des finances du Grand Conseil.» Pour nous, cela veut dire que le patron - le Conseil d'Etat - ne pourrait plus prendre de décision seul: la commission des finances aurait son mot à dire. En ce qui nous concerne, nous, les Verts, nous ne souhaitons pas que le parlement ait une responsabilité d'employeur: nous souhaitons une séparation claire des pouvoirs. C'est la première remarque que je voulais faire par rapport à ce projet de loi.

Deuxième remarque. Il faut se rendre compte que cette restriction - à savoir que la commission des finances pourrait empêcher que des indemnités de plus de trois mois soient versées - est contraire au droit syndical et à la volonté de négociation des parties en présence. Des accords doivent pouvoir être trouvés, même en cas d'octroi d'indemnités supérieures à trois mois de salaire, cela nous semble tout à fait concevable !

Dernière remarque. Dans nos collectivités publiques, si le statut du personnel est particulier, c'est pour permettre à des personnes de faire acte d'autorité sans état d'âme, même contre l'avis d'élus. Par exemple, si une personne vous a refusé un permis de construire, il ne faut pas que vous puissiez le licencier quelque temps plus tard en exerçant une quelconque pression. Néanmoins, les conditions de travail au sein d'une administration publique, parce que les employés bénéficient d'un statut particulier, peuvent être relativement dures: il y a plus de cas de mobbing ou de cas de souffrance du personnel qu'ailleurs, nous le reconnaissons.

Nous partons aussi du principe qu'il faut pouvoir sortir d'une crise en ayant la possibilité d'octroyer de fortes indemnités financières. Cela doit permettre à chacun de garder sa dignité et évite que le système ne broie totalement une personne, au point que celle-ci soit obligée de demander l'AI quand elle est complètement détruite et qu'elle se trouve hors d'état de travailler. Nous dénonçons ce genre de cas, qui arrivent malheureusement fréquemment - trop fréquemment - dans l'administration publique. Une personne broyée est une personne broyée de trop ! Nous souhaitons donc qu'il soit possible de sortir d'une crise, lorsque cela est nécessaire, même si cela doit passer par le versement de fortes indemnités, et nous concevons cela tout à fait bien.

La loi sur le personnel de l'Etat a été modifiée dans ce sens, elle nous convient, et c'est pour cela que nous vous invitons à refuser ce projet de loi.

Présidence de Mme Loly Bolay, présidente

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Ce projet de loi a pour but de modifier la gestion du personnel, mais nous, au parti démocrate-chrétien, ne sommes pas d'accord que la commission des finances soit prise en otage. Ce n'est pas son travail de gérer le personnel de l'Etat !

Tout d'abord, nous faisons confiance aux partenaires sociaux, et nous tenons beaucoup à ce que les négociations puissent continuer à se poursuivre au sein des différents syndicats.

Surtout, nous faisons confiance au Conseil d'Etat, qui a inscrit clairement un nouveau style de gestion du personnel dans ses plans de mesures, notamment en ce qui concerne les cadres.

C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que le parti démocrate-chrétien vous invite à refuser ce projet de loi.

M. Edouard Cuendet (L). Nous assistons à un mélange des genres qui me paraît assez inquiétant, dans la mesure où l'employeur, dans la loi concernée, c'est l'Etat et, par la voix de l'exécutif, le Conseil d'Etat. Et je rappellerai que le Conseil d'Etat s'efforce de mettre en place une politique de ressources humaines en progression par rapport à ce qui se faisait par le passé, c'est-à-dire rien ! Soutenir ce projet de loi, qui me semble finalement totalement dépassé et obsolète, serait donc une preuve de défiance qui me paraît absolument mal placée.

Monsieur Velasco, vous siégez à la commission des finances, comme Pierre Weiss et comme moi... Vous savez que l'on nous accuse souvent d'avoir tous les pouvoirs au sein du Grand Conseil. Alors, je ne sais pas s'il est vraiment judicieux que l'on nous en donne un de plus: la gestion des ressources humaines de l'Etat ! Cela me semble sortir de nos compétences, certes stratosphériques, mais quand même pas universelles.

Donc, pour cette raison aussi - et j'avoue mon humble incompétence - je pense qu'il est totalement déplacé de soutenir un tel projet de loi.

Mon collègue Bavarel, qui siège aussi à la commission des finances et qui connaît ses limites - tout comme moi... (Rires.)

Une voix. Tu as été mis en cause ! (Rires.)

M. Edouard Cuendet. Non, non ! Donc, nous nous rendons parfaitement compte que les choses ne peuvent pas fonctionner comme cela, et, surtout - en dehors de tout humour - ce qui me paraît le plus dangereux, c'est le coût humain qu'entraînerait une telle mesure. Car, bien évidemment, elle aurait pour conséquence de multiplier les procédures devant le Tribunal administratif, avec tout ce que cela comporte d'acrimonie, de rapports, d'audits internes. On a pu constater ce qui se passait dans certains départements avec les audits internes, qui devenaient très vite externes, et toutes les mesures qui, justement, peuvent broyer des fonctionnaires, ce qui n'est pas souhaitable.

Comme dans tous les domaines où il y a des relations employeurs/employés, la négociation reste la meilleure des solutions, quitte à ce que cela représente un coût modéré pour l'Etat. L'important est de trouver une solution pour sortir d'une crise qui, autrement, pourrait se prolonger indéfiniment devant les tribunaux, ce que, j'imagine, le rapporteur de minorité ne souhaite pas plus que moi.

C'est la raison pour laquelle je vous invite à suivre le rapport de majorité et à ne pas entrer en matière sur ce projet.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Il est intéressant de voir à quel point, lorsqu'on a une idée, on peut y tenir... M. Bavarel avait... Pardon: M. Velasco ! Excusez la méprise ! M. Velasco avait déjà prétendu en commission que la loi sur le personnel de l'administration cantonale n'empêcherait pas un cas tel que celui de Ramadan de se reproduire. Or il lui a été démontré que ce n'était plus possible, car cette loi a été modifiée et comporte de nouvelles dispositions concernant les licenciements. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er juillet de l'an passé. M. Velasco s'est peut-être opposé à ces nouvelles dispositions... En tout cas, il semble les avoir oubliées. De même qu'il semble avoir oublié nos débats. Je le regrette !

Qui plus est, il a oublié de lire mon rapport, qui, sur ce point - me semble-t-il, modestement - est relativement clair. D'autant plus que j'y ajoute de façon quasiment littérale les précisions qui nous ont été données en commission par la secrétaire adjointe du département des finances, à savoir que la nouvelle loi sur le personnel de l'administration cantonale ne prévoit pas d'indemnités de départ, sauf dans deux cas: s'il y a suppression de poste et qu'un nouveau poste ne peut être trouvé ou bien s'il y a licenciement abusif. Or, dans le cas du «lapidateur» Ramadan, il ne s'agissait manifestement pas d'un licenciement abusif.

Par conséquent, Monsieur Velasco, s'il vous plaît, prenez en considération que le monde a changé, que des rapports ont été rédigés, que des lois ont été votées et que ce que vous craignez ne peut plus arriver, grâce à la sagesse de ce Grand Conseil ! Refusez donc avec moi ce projet de loi ! (Brouhaha.)

La présidente. Monsieur le rapporteur de minorité, je vous donne la parole.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Merci, Madame ! Pour autant que je puisse m'exprimer, parce qu'il y a un brouhaha insupportable dans cette salle ! (La présidente agite la cloche.) Après ce que nous avons supporté pendant deux heures, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, un peu de tranquillité !

La présidente. Un instant, Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez raison ! Mesdames et Messieurs les députés, je demande un peu de silence ! Merci beaucoup ! Monsieur le rapporteur, vous pouvez continuer.

M. Alberto Velasco. Voilà ! Cher collègue, rapporteur de majorité, vous constaterez que l'ambiance a changé par rapport à tout à l'heure.

M. Pierre Weiss. Cher ami !

M. Alberto Velasco. Bon... C'est très bien, si l'on applique les nouvelles dispositions, mais il se pourrait qu'on ne les applique pas. (L'orateur est interpellé.) Mais oui, le Conseil d'Etat peut trouver des accords ! Quand on applique des dispositions, Monsieur le rapporteur, et que des personnes interpellent le Tribunal administratif, cela génère des procédures longues. Alors, les parties peuvent convenir d'un accord portant sur une somme assez importante.

Par ailleurs, notre collègue, M. Cuendet - estimé collègue - pense qu'il y aura une multiplication des procédures... Je ne vois pas pourquoi ! Au contraire: si l'on appliquait ce projet de loi, il y aurait moins de procédures ! En effet, comme il faudrait de toute façon passer par la commission des finances, cela rendrait les choses un peu plus difficiles. D'une part, les nouvelles dispositions devront être appliquées et, d'autre part, la mesure proposée par ce projet de loi permettrait à la commission des finances de se prononcer.

Quoi qu'il en soit, Monsieur le rapporteur de majorité, même si la commission des finances se prononçait négativement, je ne suis pas sûr que le Conseil d'Etat ne pourrait tout pas tout de même aller de l'avant... La mesure proposée par ce projet de loi relève en effet plus de l'information que de la directive. Et puis, j'estime qu'elle est d'actualité. D'autant qu'un excellent projet de loi - au point 24 de l'ordre du jour - qui comportait un certain nombre de dispositions sur l'éthique, sur les exigences du travail, sur l'attitude générale, a été refusé, ce qui montre bien votre volonté de refuser tout ce qui vient des groupes de gauche, notamment de l'Alliance de gauche. Je comprends que votre animosité pour cette formation politique vous pousse à ne même pas lire ces dispositions, mais, en ce qui nous concerne, nous entrerons en matière sur ce projet de loi.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la prise en considération du projet de loi 8629.

Mis aux voix, le projet de loi 8629 est rejeté en premier débat par 42 non contre 10 oui.